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Résolution 2239 (2018)

Vie privée et familiale: parvenir à l'égalité quelle que soit l'orientation sexuelle

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 10 octobre 2018 (33e séance) (voir Doc. 14620, rapport de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, rapporteur: M. Jonas Gunnarsson). Texte adopté par l’Assemblée le 10 octobre 2018 (33e séance).

1. Le droit au respect de la vie privée et familiale est un droit fondamental, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5). Bien que ce droit revête la même importance pour tous, les progrès vers la réalisation de l’égalité, quelle que soit l’orientation sexuelle, ont souvent été plus lents dans ce domaine que dans d'autres.
2. Les couples de même sexe tout comme d’autres familles arc-en-ciel existent dans toute l’Europe, que la législation les reconnaisse ou pas. Ces familles ont les mêmes besoins que n’importe quelle autre famille, et, pourtant, de nombreuses familles sont privées de leurs droits au seul motif de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre des partenaires ou des parents. Il est essentiel et urgent que nos systèmes juridiques reconnaissent cette réalité et que les États s’emploient à surmonter la discrimination dont sont victimes des adultes et des enfants des familles arc-en-ciel.
3. Depuis que l’Assemblée parlementaire a examiné ces questions pour la dernière fois dans sa Recommandation 1474 (2000) sur la situation des lesbiennes et des gays dans les États membres du Conseil de l'Europe, et dans sa Résolution 1728 (2010) sur la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, et depuis que le Comité des Ministres a adopté sa Recommandation CM/Rec(2010)5 sur des mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme a considérablement évolué et des progrès importants ont été réalisés dans les États membres sur la voie d’une plus grande égalité des familles arc-en-ciel. Ces développements éclairent d’un jour nouveau l’ampleur des efforts que les États membres doivent consentir pour parvenir à l’égalité dans le domaine de la vie privée et familiale, indépendamment de l’orientation sexuelle.
4. À la lumière de ce qui précède, et ayant également à l’esprit les recommandations pertinentes formulées dans sa Résolution 2048 (2015) sur la discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe et sa Résolution 2191 (2017) «Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes», ainsi que les recommandations faites dans ce domaine par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et de nombreux organes conventionnels des Nations Unies, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
4.1. à veiller à l’application sans discrimination aucune fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de leurs dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires, et de leurs politiques régissant les droits des partenaires, des parents et des enfants, en éliminant toute différence de traitement injustifiée fondée sur ces motifs;
4.2. à s’abstenir d’adopter des modifications de leur Constitution qui empêcheraient la reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe ou d’autres formes de familles arc-en-ciel, et de laisser au législateur ou à la juridiction suprême le soin de trancher ces questions;
4.3. à aligner leurs dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires, et leurs politiques relatives aux partenaires de même sexe, sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dans ce domaine, et par conséquent:
4.3.1. à assurer qu’un cadre juridique spécifique prévoit la reconnaissance et la protection des unions de partenaires de même sexe;
4.3.2. à accorder aux couples de même sexe des droits égaux à ceux des couples hétérosexuels en matière de transmission de bail;
4.3.3. à faire en sorte que les concubins de même sexe, quel que soit le statut juridique de leur partenariat, soient considérés comme des personnes à charge aux fins de l'assurance maladie;
4.3.4. dans le traitement des demandes de permis de séjour introduites au titre du regroupement familial, à faire en sorte, dans le cas où le mariage de personnes de même sexe n’est pas prévu, qu’il existe une autre manière permettant au partenaire de même sexe non ressortissant du pays d’obtenir un titre de séjour;
4.4. à veiller à la satisfaction, sans discrimination aucune fondée sur l’orientation sexuelle, des autres besoins fondamentaux indispensables au bon fonctionnement d’une relation de couple stable et engagée, et par conséquent:
4.4.1. en ce qui concerne les migrations, à étendre le droit de séjour aux partenaires de même sexe, sur un pied d'égalité avec les partenaires hétérosexuels, et à accorder une reconnaissance égale aux partenariats homosexuels dans le contexte des demandes de naturalisation;
4.4.2. en ce qui concerne les situations nécessitant des soins médicaux, à reconnaître les partenaires de même sexe en tant que proches parents à des fins médicales et à leur accorder le droit au congé spécial pour s’occuper d'un partenaire malade ou du parent malade d'un partenaire, sans discrimination fondée sur l'orientation sexuelle;
4.4.3. en ce qui concerne les biens, à prendre en compte les biens acquis par un couple de même sexe au cours de leur relation en tant que biens communs, sans discrimination fondée sur l'orientation sexuelle;
4.4.4. en matière de droit pénal, à veiller à l'applicabilité de la protection légale contre la violence domestique et à garantir le droit de refuser de témoigner contre son partenaire dans des procédures pénales, sans discrimination fondée sur l'orientation sexuelle;
4.4.5. en ce qui concerne les séparations, à assurer aux couples de même sexe l'applicabilité des règles relatives aux pensions alimentaires, sans discrimination fondée sur l'orientation sexuelle;
4.4.6. en matière de décès et d'héritage, à étendre aux couples de même sexe l’accès à la pension de réversion, le droit à indemnisation en cas d’homicide d’un partenaire résultant d’un acte délictueux ainsi que le droit héréditaire en cas de décès ab intestat d’un partenaire, et à accorder l’exemption des droits de succession aux couples de même sexe, sans discrimination fondée sur l'orientation sexuelle;
4.5. à protéger les droits des parents et des enfants des familles arc-en-ciel, sans discrimination aucune fondée sur l'orientation sexuelle ou sur l’identité de genre, et par conséquent:
4.5.1. conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, à veiller à accorder tous les droits en matière d’autorité parentale, d’adoption monoparentale, d'adoption simple ou par le second parent, sans discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou sur l’identité de genre;
4.5.2. à prévoir la possibilité d’adoption conjointe par des couples de même sexe, sans discrimination fondée sur l'orientation sexuelle;
4.5.3. à étendre la reconnaissance automatique de la coparentalité au partenaire de même sexe de la personne ayant accouché d’un enfant dans tous les cas où cette reconnaissance serait accordée au conjoint masculin d’une mère;
4.5.4. lorsque les femmes célibataires ont accès à la procréation médicalement assistée, à veiller à ce que cet accès soit accordé sans discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou l’identité de genre;
4.5.5. lorsque les couples hétérosexuels non mariés ont accès à la procréation médicalement assistée, à veiller à ce que cet accès soit accordé aux couples de même sexe;
4.6. outre les recommandations déjà adoptées par l’Assemblée dans ses Résolution 2048 (2015) et Résolution 2191 (2017) concernant les effets de la reconnaissance juridique du genre des personnes transgenres et intersexes sur leur accès à la possibilité de conclure un partenariat civil ou un mariage, ou de rester dans une telle relation, et des droits des conjoints et des enfants, à veiller à ce que l’identité de genre des parents transgenres soit correctement enregistrée sur l’acte de naissance de leurs enfants et à veiller à ce que les personnes qui utilisent des marqueurs de genre légaux autres que «masculin» ou «féminin» puissent faire reconnaître leurs partenariats et leurs relations avec leurs enfants sans discrimination;
4.7. à s’employer activement, en consultation avec la société civile, à promouvoir l’acceptation et le respect des familles arc-en-ciel au sein de nos sociétés.
5. L’Assemblée précise que l’intolérance qui peut exister dans la société envers l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de certaines personnes ne saurait justifier la perpétuation de traitements discriminatoires, car cela sert, de manière inacceptable, à légitimer des violations des droits de l'homme. Les États doivent, bien au contraire, œuvrer avec détermination pour combattre les préjugés qui favorisent la persistance de telles discriminations, afin de s'acquitter de la responsabilité qui leur incombe de protéger et de promouvoir les droits fondamentaux de toutes les personnes relevant de leur juridiction, et d'éliminer la discrimination fondée sur tous les motifs, y compris l'orientation sexuelle et l’identité de genre.