1. Introduction
1. La proposition de résolution
sur laquelle repose le présent rapport rappelle la
Résolution 2160 (2017) «25 ans de CPT: progrès accomplis et améliorations à
apporter», dans laquelle l’Assemblée parlementaire décidait de «renforcer
son rôle en contribuant au suivi des recommandations du CPT, notamment
en encourageant les parlements nationaux à adopter une approche
proactive à leur égard». Parmi les méthodologies préconisées par
l’Assemblée dans la
Résolution
2160 (2017) figuraient l’examen, par les commissions parlementaires
concernées, des rapports et/ou des déclarations publiques du Comité
européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants consacrés à leur pays, et notamment les
suites à leur donner, ainsi que les questions parlementaires adressées
aux gouvernements. La résolution mentionnait les activités de coopération
parlementaire de l’Assemblée visant à encourager ces initiatives,
ainsi que la possibilité de s’inspirer des pratiques nationales
en vigueur pour l’exécution des arrêts de la Cour européenne des
droits de l’homme
.
2. L’Assemblée a rappelé à plusieurs reprises l’action remarquable
du CPT et a proposé des moyens de renforcer le CPT, en préservant
son efficacité et sa crédibilité, dans sa
Résolution
1248 (2001) «Comité européen pour la prévention de la torture (CPT):
composition du Comité» et sa
Résolution
1540 (2007) «Améliorer les procédures de sélection des membres du
CPT», par exemple. Dans sa
Résolution
1808 (2011) «Renforcer les mécanismes de prévention de la torture
en Europe» et sa
Résolution
2160 (2017), l’Assemblée a par ailleurs recommandé que les parlements
nationaux et l’Assemblée engagent un dialogue en temps utile pour
interroger et saisir les gouvernements sur les questions soulevées
par le CPT.
3. Les recommandations du CPT figurent dans les rapports annuels,
les déclarations publiques et les rapports de visite de pays établis
par le CPT; elles portent sur une grande diversité de situations,
depuis les conditions matérielles concrètes des lieux de détention
jusqu’au cadre juridique, en passant par la culture institutionnelle,
les procédures, les pratiques et les comportements. Le nombre de
recommandations formulées par pays est impressionnant. Dans certains
pays, le CPT entame sa sixième ou septième visite périodique, suivie
à chaque fois d’un rapport qui comporte un certain nombre de recommandations
concrètes et réalistes.
4. Aux fins du présent rapport, j’ai adressé un questionnaire
aux parlements nationaux pour examiner la situation dans les États
membres du Conseil de l’Europe
. Trente pays
y ont répondu et j’aimerais remercier ces parlements
de
leurs précieuses observations. La commission des questions juridiques
et des droits de l’homme a également procédé, en octobre 2018, à
l’audition de George Tugushi, expert du CPT, ancien médiateur de
Géorgie, membre du Parlement géorgien, et de Barbara Bernath, Secrétaire
générale de l’Association pour la prévention de la torture (Genève,
Suisse).
5. Avant de poursuivre, j’aimerais cependant attirer l’attention
sur certaines distinctions importantes qu’il y a lieu de faire entre
les arrêts de la Cour et les recommandations du CPT. La première
transparaît dans la terminologie employée: les arrêts de la Cour
sont contraignants pour les États défendeurs, alors que les recommandations
du CPT ne le sont pas à proprement parler. Toutefois, comme l’a
souligné le CPT à de nombreuses reprises, le principe de coopération
énoncé à l’article 3 de la Convention qui l’institue (la Convention
européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants (STE no 126),
CEPT) impose aux États d’agir résolument pour améliorer la
situation à la lumière de ses recommandations. Il s’agit d’une caractéristique
propre au CPT, que n’ont pas les autres organes de suivi ou mécanismes
nationaux de prévention. Mais en vertu de l’article 10.2 de cette
même convention, l’absence de coopération ou le refus d’améliorer
la situation peut uniquement conduire le CPT à faire une déclaration publique
sur cette question. Il peut être indispensable que d’autres acteurs
interviennent, notamment les parlementaires.
2. Le rôle de l’Assemblée parlementaire
6. Avant de voir comment les parlements
nationaux pourraient apporter un meilleur soutien à l’action du CPT,
j’aimerais examiner les propositions formulées dans la
Résolution 2160 (2017) au sujet de l'Assemblée: renforcer son soutien politique
en réagissant de manière appropriée aux déclarations publiques du
CPT; renforcer son dialogue actuel avec le CPT, en particulier par
l’intermédiaire de la commission des questions juridiques et des
droits de l’homme; et, plus généralement, prêter davantage attention
à la prévention de la torture dans les États membres (paragraphe
8).
2.1. Donner aux déclarations publiques
du CPT les suites qui conviennent
7. Le rapport de M. Jordi Xuclà
et la
Résolution 2160 (2017) ont été adoptés il y a un peu plus d’un an et aucune
modification importante n’a été apportée aux méthodes de travail
de l’Assemblée depuis lors. Je renvoie à l’exposé des motifs détaillé
de ce rapport pour une description des travaux antérieurs de l’Assemblée,
notamment au sujet du rôle qu’elle joue dans la procédure d’élection
des membres du CPT, y compris par ses recommandations portant sur
la procédure nationale de sélection des candidats, au sujet de la
demande faite au Comité des Ministres de réagir aux déclarations
publiques du CPT et au sujet de la pratique d’un échange de vues
avec le chef de la délégation à l’Assemblée du pays à propos duquel
le CPT a formulé une déclaration publique.
8. Depuis l’adoption de la
Résolution
2160 (2017) le 26 avril 2017, notre commission a réaffirmé sa pratique
de l’échange de vues avec un représentant du CPT et le chef de la
délégation nationale concernée après la publication d’une déclaration
publique par le CPT
. À la suite de la
déclaration publique du CPT sur la Belgique du 13 juillet 2017,
la commission a examiné le 12 octobre 2017 la question avec M. Hendrik
Daems, président de la délégation belge, ainsi qu’avec M. Mark Kelly,
deuxième vice-président du CPT et chef de la délégation du CPT qui
s’est rendue en Belgique. La commission a alors décidé de réexaminer
cette question dans un délai d’un an, afin d’évaluer les progrès
réalisés par les autorités belges pour remédier aux problèmes sur
lesquels le CPT avait jugé urgent d’attirer l’attention. Au cours
de l’exposé qu’il a fait à l’occasion de son audition par la commission
en octobre 2018, M. Tugushi a indiqué que le Parlement belge allait
bientôt examiner un projet de loi qui comporte des dispositions
visant à remédier aux préoccupations exprimées par le CPT à propos
de l’absence de service minimum garanti dans les prisons pendant
les actions de revendication du personnel pénitentiaire.
9. L’exemple belge montre comment le dialogue et le soutien politique
au sein de l’Assemblée peuvent contribuer à la réalisation au niveau
national des améliorations importantes et nécessaires recommandées
par le CPT. Toutefois, comme l’a indiqué l’expert, M. Tugushi, lorsque
le CPT se trouve contraint de faire une déclaration publique, un
grave manquement à améliorer la situation nationale à la lumière
de ses recommandations s’est déjà produit. Bien que notre commission
doive continuer à inscrire systématiquement à son ordre du jour
une réaction rapide aux déclarations publiques et l’organisation
d’auditions spécifiques, les parlementaires ont naturellement davantage
intérêt à éviter que les situations nationales n’atteignent ce point critique.
2.2. Procéder à une audition annuelle conjointe
sur le rapport annuel du CPT et à des auditions thématiques ad hoc
10. La
Résolution 2160 (2017) (paragraphe 9) préconisait également que notre commission
et la commission de suivi de l’Assemblée réfléchissent ensemble
au fait d’inviter chaque année le président du CPT à procéder à
un échange de vues au cours duquel pourrait être présenté notamment
le rapport annuel du CPT. Les présidents des délégations à l’Assemblée
des pays dont les rapports de visites du CPT sont mentionnés dans
le rapport annuel et les représentants pertinents de la société
civile pourraient être invités à participer à cet échange de vues.
Il s’agit d’une proposition intéressante, car elle donne aux membres
l’occasion de préciser tout malentendu et leur permettrait de se
sentir plus impliqués dans la meilleure utilisation possible des
rapports au sein de leur parlement national et dans les travaux
de l’Assemblée sur les évolutions nationales, les tendances européennes
et toute amélioration indispensable d’urgence, aussi bien au niveau politique
que sur un plan concret. Si certains rapports ne sont pas publics,
les membres de l’Assemblée pourraient encourager l’État concerné
à en autoriser la publication.
11. L’étude du rapport annuel du CPT pourrait également conduire
à l’organisation d’auditions thématiques ad hoc sur de nouvelles
normes ou des questions en suspens, si possible dans le cadre des
débats thématiques que notre commission a récemment mis en place
pendant nos réunions habituelles. Cette démarche présente également
l’avantage de n’occasionner aucun frais supplémentaire pour l’Assemblée. L’organisation
d’une audition annuelle conjointe pourrait cependant devoir être
examinée de manière plus approfondie au vu de la situation budgétaire
actuelle de l’Assemblée. D’une part, les commissions sont encouragées
à réduire le nombre de réunions tenues en dehors des parties de
session, ce qui leur laisse moins l’occasion d’exercer ces activités
qui demandent inévitablement beaucoup de temps. D’autre part, les restrictions
budgétaires peuvent entraîner une diminution du nombre de rapports
qui pourront être finalisés par les rapporteurs pour être présentés
lors des réunions de commissions, ce qui leur laissera plus de temps
pour d’autres activités, comme l’échange de vues proposé. Il importe
que notre commission réfléchisse davantage à cette idée pour déterminer
si elle correspond à ses priorités, compte tenu de la situation.
Cette proposition devrait également être examinée par la commission
de suivi, au vu de ses propres priorités et ressources.
2.3. Rendre compte de la prévention de
la torture en Europe
12. Quant à l’attention plus soutenue
que l’Assemblée devrait porter à la prévention de la torture dans
les États membres, rappelons tout d’abord le rapport actuellement
élaboré par notre commission sur la protection des droits de l’homme
lors du transfèrement des détenus (rapporteur: M. Emanuel Mallia,
Malte, SOC). L’Assemblée a également traité au cours de ces dernières
années d’autres questions liées à la détention, notamment dans la
Résolution
2223 (2018) sur les détenus handicapés en Europe, la
Résolution 2154 (2017) sur garantir l’accès des détenus à un avocat, la
Résolution 2122 (2016) sur la détention administrative, la
Résolution 2082 (2015) sur le sort des détenus gravement malades en Europe,
la
Résolution 2077 (2015) sur l’abus de la détention provisoire dans les États
parties à la Convention européenne des droits de l’homme et la
Résolution 2020 (2014) sur les alternatives au placement en rétention d’enfants
migrants. Les questions relatives à la détention occupent également
une place de premier plan dans des rapports d’ordre plus général sur
les migrations, comme la
Résolution
2174 (2017) sur les répercussions sur les droits de l’homme de la réponse
européenne aux migrations de transit en Méditerranée. Elles apparaissent
également dans des rapports spécialement consacrés à certains pays,
comme dans la
Résolution
2240 (2018) sur l’accès illimité des organes de suivi des droits
de l’homme du Conseil de l’Europe et des Nations Unies aux États
membres, y compris aux «zones grises», la
Résolution 2157 (2017) «Les droits de l’homme dans le Caucase du Nord: quelles
suites à donner à la
Résolution
1738 (2010)?» et la
Résolution
2133 (2016) sur les recours juridiques contre les violations des
droits de l’homme commises dans les territoires ukrainiens se trouvant
hors du contrôle des autorités ukrainiennes. Elles figurent aussi
de manière récurrente dans les rapports de la commission de suivi
(par exemple la
Résolution
2203 (2018) sur l'évolution de la procédure de suivi de l'Assemblée
(janvier-décembre 2017) et l’examen périodique du respect des obligations
de l’Estonie, de la Grèce, de la Hongrie et de l’Irlande, la
Résolution 2156 (2017) sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Turquie et la
Résolution
2149 (2017) sur l’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée (septembre
2015-décembre 2016) et l’examen périodique du respect des obligations
de l’Autriche, de la République tchèque, du Danemark, de la Finlande,
de la France et de l’Allemagne, ainsi que dans les travaux de notre
propre commission sur l’exécution des arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme (par exemple la
Résolution 2178 (2017), la
Résolution
2075 (2015) et les rapports qui les accompagnent). Plusieurs de
ces résolutions s’accompagnent de recommandations adressées au Comité
des Ministres, dans lesquelles l’Assemblée appelle généralement
les gouvernements à continuer d’accorder la plus grande attention
à la prévention de la torture et au respect de la dignité humaine
en détention
.
13. J’espère que ce centre d’intérêt persistera. C’est en rendant
compte de la sorte et en continuant à examiner attentivement les
sujets de préoccupation pertinents et les avancées nationales que
les membres de l’Assemblée contribuent à la sensibilisation aux
activités et aux normes du CPT, et finalement à la prise de mesures
par les parties prenantes concernées, en vue de mettre en œuvre
une politique de «tolérance zéro à l’égard de la torture» dans l’ensemble
des États membres européens. À ce propos, il importe que les commissions
de l’Assemblée continuent à écouter les experts compétents, en tenant
compte de leurs interventions lors des auditions en commission ou
de leurs conclusions écrites sur des points précis, et que les membres
de l’Assemblée participent aux conférences pertinentes. Les rapporteurs
et les rapporteurs généraux ont également la possibilité d’effectuer
des visites d’études
et d’assurer un suivi
des questions essentielles de l’action du CPT, sous réserve de la
disponibilité des ressources nécessaires
.
3. Le rôle des parlements nationaux
14. Comme nous l’avons indiqué
plus haut, la
Résolution
2160 (2017) comporte deux propositions concrètes principales: faire
des rapports du CPT l’objet d’un examen des commissions parlementaires
et de questions au gouvernement et promouvoir le renforcement du
rôle des parlements nationaux grâce aux activités de coopération
parlementaire de l’Assemblée. Les travaux de l’Assemblée qui visent
à favoriser l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits
de l’homme sont instructifs pour ces deux aspects.
3.1. Quel rôle les parlementaires jouent-ils
dans la surveillance du respect des recommandations du CPT?
3.1.1. Remarques générales sur le rôle joué
par les parlements dans la mise en œuvre des normes du CPT
15. Bien que les considérations
juridiques évoquées dans mon introduction puissent apparemment rendre la
situation plus compliquée d’un autre point de vue, le rôle joué
par les parlements dans la mise en œuvre des recommandations du
CPT est parfois plus simple. La responsabilité directe des autorités
nationales à l’égard des conditions de détention est presque systématique,
ce qui signifie que les gouvernements sont immédiatement compétents
pour procéder aux réformes nécessaires. La surveillance parlementaire
de l’exécutif peut donc représenter un moyen particulièrement efficace
de promotion des changements dans ce domaine.
16. Dans sa
Résolution
1823 (2011) «Les parlements nationaux: garants des droits de l’homme
en Europe», l’Assemblée rappelait que les parlements nationaux «sont
essentiels à la mise en œuvre effective des normes internationales
applicables en matière de droits de l’homme à l’échelon national
et [qu’]ils accomplissent leur mission de protection des droits
de l’homme [notamment] en demandant des comptes à l’exécutif, en établissant
des relations avec les institutions nationales chargées de la protection
des droits de l’homme et en favorisant la création d’une culture
des droits de l’homme omniprésente. Les membres de l’Assemblée ont,
de par leur double mandat de membres de l’Assemblée et de leurs
parlements nationaux respectifs, l’obligation particulière de contribuer
à cette action».
17. La
Résolution 1823
(2011) encourage les parlementaires à superviser la définition
et l’application des normes relatives aux droits de l’homme par
les autorités judiciaires et administratives nationales et les exhorte à
examiner attentivement le travail de l’exécutif de leur pays, notamment
à l’égard de la mise en œuvre des normes internationales applicables
aux droits de l’homme. Elle appelle également les parlements à mettre
en place et/ou renforcer les structures qui permettraient l’intégration
et le contrôle rigoureux de leurs obligations internationales relatives
aux droits de l’homme, sur la base des «Principes fondamentaux du
contrôle parlementaire des normes internationales relatives aux
droits de l’homme», qui figurent en annexe (les «Principes fondamentaux»).
Ces Principes fondamentaux portent sur le cadre et les attributions
adéquats, l’accès à une expertise indépendante et la coopération
avec les autres institutions, y compris les institutions nationales
de défense des droits de l’homme, et la société civile. Dans sa
Résolution 2075 (2017) «La mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des
droits de l'homme», l'Assemblée appelle à nouveau les États parties
à mettre en œuvre les «Principes fondamentaux». Le Secrétaire général
des Nations Unies a également déclaré dans son rapport d’août 2017
que «si les droits de l’homme doivent être une préoccupation commune
à toutes les commissions parlementaires, la création d’une commission
chargée exclusivement des questions de droits de l’homme constitue
un signal politique fort et devrait être encouragée»
.
18. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a lui aussi
rappelé «le rôle crucial que les parlements jouent notamment en
traduisant les engagements internationaux en politiques et lois
nationales et, partant, en contribuant au respect par chaque État
Membre de l’Organisation des Nations Unies de ses obligations et
engagements en matière des droits de l’homme, et au renforcement
de l’état de droit»
. La
Déclaration
de Bruxelles de 2015 sur «La mise en œuvre de la Convention européenne des
droits de l’homme, notre responsabilité partagée» a elle aussi rappelé
le rôle essentiel joué par les parlements nationaux pour garantir
et protéger les droits de l’homme au niveau national.
19. De plus, dans son récent rapport, le Conseil des droits de
l’homme a reconnu davantage encore le rôle fondamental joué par
les parlements dans la promotion et la protection des droits de
l’homme, en prolongeant et en amplifiant les principes identiques
énoncés par l’Assemblée en 2011 et en élaborant des «projets de principes
sur les parlements et les droits de l’homme» (les «projets de principes»),
qui feront l’objet d’un plus ample examen dans le cadre d’une consultation
des membres des commissions parlementaires des droits de l’homme
.
Le rapport qualifie également les parlements de «gardiens du rôle
essentiel des organisations de la société civile» auprès desquelles
ils recueillent «les faits nouveaux et les préoccupations en rapport
avec les droits de l’homme». Il ajoute que «les parlements sont,
de par leur position sans équivalent, à même de contribuer à combler
les lacunes de la mise en œuvre des droits de l’homme, de prévenir
leurs violations et d’assurer une meilleure protection, surtout
des groupes vulnérables». Le rapport précise en outre que «les parlements
assurent le lien entre les domaines internationaux et nationaux
des droits de l’homme, en agissant comme l’un des principaux canaux
au travers desquels les recommandations des mécanismes internationaux et
régionaux de protection des droits de l’homme parviennent jusqu’à
l’échelon national, en particulier dans le cadre de leurs compétences
législatives, d’affectation budgétaire et de surveillance». Il ressort
de ce qui précède que les initiatives destinées à favoriser la possibilité
de renforcer le rôle joué par les parlements dans la phase de prévention
et de mise en œuvre des recommandations du CPT devraient être profitables
aux instances dirigeantes.
3.1.2. Un dialogue renforcé avec l’exécutif
sur la mise en œuvre des recommandations du CPT
20. Les parlements nationaux ont
avant tout un rôle essentiel à jouer en demandant à leurs gouvernements de
rendre compte de leurs actes
. Il importe de renforcer le dialogue
entre les gouvernements et les parlements, en particulier sur les
questions relatives aux recommandations du CPT qui portent sur les
normes générales européennes et les normes propres à chaque pays.
Les deux tiers au moins des réponses données par les services de
recherche parlementaires indiquent que les activités exercées par
les parlements dans le domaine de la mise en œuvre des normes du
CPT s’inscrivent dans le cadre de leur surveillance générale de l’action
du gouvernement.
21. Il ressort de mes recherches que les débats parlementaires
sont très souvent provoqués par une situation précise. Par exemple,
le Conseil national de la République slovaque a réagi à des cas
de mauvais traitements commis par les pouvoirs publics et a examiné
des amendements à la législation qui visaient à se conformer aux
recommandations du CPT
.
Bien que les parlements aient, selon moi, davantage de possibilités
d’agir par anticipation de plusieurs manières, comme je m’y référerai
plus avant, ce type d’approche réactive, pour reprendre les termes
employés par M. Tugushi au cours de notre audition, reste essentiel
pour l’action des gouvernements. Il importe que les rapports du
CPT fournissent aux parlements les moyens de réagir efficacement
aux politiques et aux pratiques gouvernementales relatives aux recommandations
du CPT. De leur côté, les gouvernements peuvent utiliser toute nouvelle
information tirée des débats parlementaires publics et des questions
parlementaires écrites ou orales habituelles dans leurs rapports
de mise en œuvre et dans leurs réformes pertinentes. Les parlements
deviennent le pendant essentiel de la mise en œuvre adéquate des
recommandations du CPT par les gouvernements
.
22. Selon M. Tugushi, plusieurs commissions parlementaires nationales
ont procédé à l’audition de représentants du CPT et d’autres experts
nationaux et internationaux lorsque des projets de loi pertinents
ou des propositions budgétaires étaient déposés devant le parlement.
Il considère que certains exemples montrent clairement que les parlementaires
mentionnent expressément les rapports du CPT lorsqu’ils débattent
de nouvelles dispositions législatives sur les prisons. Il a évoqué
l’utilisation par des parlementaires belges de considérations du
CPT à l’occasion de l’examen d’un projet de loi sur le service pénitentiaire
et le statut des détenus en 2005. Les parlementaires français ont
également été attentifs aux rapports du CPT lors de l’examen d’un
projet de loi sur les prisons quelques années plus tard. J’encourage
les parlements nationaux à adopter ce type de pratique de façon
quasi systématique.
23. Les rapports de visites du CPT sont adressés aux gouvernements
de manière confidentielle pour faciliter une coopération étroite
avec les autorités nationales. Toutefois, il importe que ces rapports
soient rapidement publiés après leur transmission, comme ce devrait
être le cas pour les réponses des gouvernements. Cette démarche
permettrait aux parlements de mieux connaître les questions relatives
au CPT et de faciliter le dialogue pertinent entre les parlements
et les gouvernements. L’Assemblée s’est félicitée en particulier
du fait que les États soient de plus en plus nombreux à autoriser
«à l’avance la publication automatique des rapports de visite du
CPT et des réponses du gouvernement qui s’y rapportent, sous réserve de
la possibilité de retarder la publication pendant une certaine période
dans des circonstances particulières»
. En faisant le point sur les faits
nouveaux survenus depuis que mon collègue, M. Jordi Xuclà (Espagne,
ADLE), a indiqué dans son
exposé
des motifs de la Résolution 2160 (2017) que huit pays (à savoir l’Autriche,
la Bulgarie, la Finlande, le Luxembourg, la République de Moldova,
Monaco, la Suède et l’Ukraine) avaient accepté de recourir à la
«procédure de publication automatique», je n’ai trouvé qu’un pays
à ajouter à cette liste: le Danemark. Je réitère par conséquent
l’appel lancé par l’Assemblée aux États membres en faveur de la
publication rapide et systématique de ces rapports, car elle permet
aux parlements nationaux «de contribuer au processus de mise en
œuvre des recommandations contenues dans ces rapports»
. Si besoin est, cette procédure
donne aux parlementaires la possibilité de réagir aux situations
qui exigent d’urgence l’action du gouvernement ou d’utiliser les
informations les plus récentes sur la situation de leur pays lorsqu’ils examinent
des problèmes de longue date et des réformes nationales.
24. De plus, il importe que les rapports du CPT soient rendus
plus accessibles aux parlementaires et au grand public grâce à une
traduction dans leur langue nationale, dans la mesure du possible,
et qu’ils soient disponibles dans les centres de documentation des
parlements nationaux et sur des sites internet régulièrement mis
à jour. Cette méthode donnerait sans aucun doute aux parlementaires
et aux autres organisations davantage d’occasions de participer,
grâce aux divers canaux de dialogue disponibles, de demander des
comptes à leurs gouvernements, de faire connaître au grand public
leur propre point de vue et de protéger les normes du CPT.
3.1.3. Un dialogue renforcé avec les mécanismes
nationaux de prévention et les autres organes similaires
25. La prévention de la torture
est devenue une responsabilité partagée qui exige une approche politique intégrée.
À cette fin, les parlements nationaux sont fortement encouragés
à entretenir des liens avec les institutions nationales de défense
des droits de l’homme, notamment les mécanismes nationaux de prévention et
les médiateurs, afin d’assurer une collecte des informations et
un débat approfondis sur la mise en œuvre des normes applicables
en matière de torture et de détention.
26. Dans les États Parties au Protocole facultatif à la Convention
des Nations Unies contre la torture (
OPCAT), les mécanismes nationaux de prévention ont des compétences
et un mandat similaires à celui du CPT et sont établis en permanence
dans le pays. 37 mécanismes nationaux de prévention exercent leurs activités
dans les États membres du Conseil de l’Europe
. L’Assemblée
a reconnu dans sa
Résolution
2160 (2017) que les mécanismes nationaux de prévention sont «une
expression concrète de la subsidiarité». Le médiateur parlementaire
de Norvège m’a par exemple indiqué que le CPT a été une source importante
de normes et de méthodologie depuis l’établissement d’un mécanisme
national de prévention dédié en 2014. Les méthodes de travail du
mécanisme national de prévention de Norvège se sont fortement inspirées
de la méthodologie établie et utilisée par le CPT, y compris dans
le cadre des visites des lieux de détention.
27. Il n’est guère surprenant que la majorité des pays qui ont
répondu au questionnaire mentionnent le mandat de leur mécanisme
national de prévention ou de leur médiateur, qui vise à assurer
le respect des obligations de mise en œuvre des normes du CPT. Les
synergies entre ces institutions indépendantes et les parlements
sont donc essentielles pour que ces derniers puissent donner suite
efficacement aux recommandations du CPT. L’immense majorité d’entre
elles ont déjà un contact direct avec les parlements. Selon l’Association
pour la prévention de la torture, 27 d’entre elles sont des institutions
de médiateurs qui présentent leur rapport annuel au parlement; c’est
également le cas de certains mécanismes nationaux de prévention
spécialisés, comme l’Inspection nationale des prisons (Her Majesty’s Inspectorate of Prisons)
du Royaume-Uni ou la Contrôleure générale des lieux de privation
de liberté en France. En Autriche, le médiateur (Volksanwaltschaft) est le principal
organe de suivi des recommandations du CPT. Il accorde dans ses rapports
une attention particulière au suivi préventif des droits de l’homme
en général et aux questions relatives au CPT en particulier. Ces
rapports sont ensuite examinés par la «commission du médiateur»
du Conseil national. Comme les membres de la commission du médiateur
ont le droit de s’exprimer devant le parlement, ils mettent l’accent
sur ces questions dans le cadre de la procédure de la commission
du budget.
28. Tout en respectant l’exigence d’indépendance des mécanismes
nationaux de prévention fixée par l’OPCAT, les parlements peuvent
jouer un rôle important en réfléchissant à d’autres possibilités
d’interaction avec ces institutions. Les rapports du CPT peuvent
servir à renforcer la nécessité de ratifier l’OPCAT et à désigner
les mécanismes nationaux de prévention en fonction. Les parlements
peuvent apporter leur soutien aux propositions et recommandations
des mécanismes nationaux de prévention. En outre, il convient d’établir un
dialogue ad hoc avec les mécanismes nationaux de prévention et les
autres instances similaires, si possible conjointement avec le gouvernement,
à la suite de chaque publication de rapport de visite ou de déclaration publique
du CPT ou, si besoin est, dans le cadre de l’adoption de projets
de loi pertinents ou de décisions budgétaires. Ces synergies renforcées
pourraient être énoncées dans un protocole d’accord.
3.2. Une action en amont en faveur des
normes du CPT
3.2.1. Mécanismes et outils parlementaires
destinés à faire le bilan et la promotion des recommandations du
CPT
29. L’examen des rapports de visites
et des déclarations publiques du CPT devraient avoir lieu peu de temps
après leur publication, indépendamment du fait qu’un projet de loi
soit examiné ou non. Ainsi, la commission permanente spéciale de
l’égalité, de la jeunesse et des droits de l’homme du Parlement
grec a examiné, dès leur publication, les observations préliminaires
du CPT à la suite de la visite ad hoc effectuée par ce dernier en
avril 2018
. Le Parlement portugais m’a indiqué
qu’il envisageait à l’heure actuelle de procéder à l’audition de
dirigeants du gouvernement et de membres de l’administration et
à la visite de prisons, à la suite de la présentation à la commission
des questions constitutionnelles du parlement de la récente publication
du rapport du CPT sur sa visite périodique effectuée en 2016
.
30. Il serait également opportun que les parlements examinent
systématiquement les rapports annuels du CPT et qu’ils aient la
possibilité d’examiner des questions thématiques qui ne sont pas
encore abordées par le rapport de visite du pays, comme l’a expliqué
Mme Bernath de l’Association pour la
prévention de la torture lors de notre audition. Je souscris également
à la proposition de Mme Bernath, qui
préconise que les parlements nationaux procèdent à un bilan ponctuel
de l’évolution concrète et des questions en suspens. Cette démarche
pourrait être effectuée conjointement par les parlements nationaux
et les mécanismes nationaux de prévention ou les autres instances
nationales de suivi, ainsi que par le CPT. Elle pourrait privilégier
un thème particulier ou un type de lieu de détention et pourrait
débuter par une comparaison entre le premier rapport de visite du
CPT et son rapport (public) le plus récent. Ce type d’analyse permettrait
utilement au parlement de définir ses priorités stratégiques. Le
choix de la forme de ces événements (durée, public ciblé, etc.)
et de l’activité de compte rendu devra être défini par les parlements
en fonction des ressources allouées, des priorités, du temps disponible
et des exigences concurrentes des travaux parlementaires.
31. En outre, il importe que les parlementaires deviennent les
porte-parole des droits de l’homme, en particulier de la prévention
de la torture, en participant aux campagnes générales et aux événements interactifs.
À cette fin, il serait extrêmement opportun d’organiser des événements
de sensibilisation et des programmes de formation destinés aux parlementaires
et à leur personnel parlementaire sur les droits de l’homme, et
plus particulièrement sur les normes du CPT. Les parlementaires
peuvent prendre part à la définition de leurs besoins et des ressources
disponibles pour ces activités.
32. Les visites des lieux de détention se révèlent très utiles
pour la sensibilisation des parlementaires aux conditions de détention
et à la situation des détenus. En Europe, plusieurs parlements octroient
un mandat spécial aux parlementaires ou à des commissions spéciales
pour la visite des prisons et des autres lieux de détention
. Ces
visites n’équivalent pas à des visites de suivi, mais permettent
au contraire aux parlementaires d’être confrontés à la réalité des
lieux de détention. En pareil cas, les rapports du CPT sont autant
d’outils de travail inestimables. Ils permettent aux parlementaires
de comprendre comment les recommandations du CPT sont mises en œuvre.
L’expérience des visites devrait être utile pour les parlementaires
qui rédigent des projets de loi et leur conférerait une plus grande
autorité lorsqu’ils adressent des questions à leurs gouvernements
sur les problèmes posés par la détention. Rappelons que l’Assemblée a
publié en 2014, en coopération avec l’Association pour la prévention
de la torture, un
«Guide
à l’intention des parlementaires – Visites de centres de rétention
pour migrants», qui vise à sensibiliser, à encourager et à aider les
parlementaires à la visite des lieux de rétention des migrants en
situation irrégulière et des demandeurs d’asile. Bon nombre des
principes directeurs énoncés dans ce guide sont applicables à d’autres
lieux de détention.
33. La sensibilisation du grand public aux normes du CPT, lorsqu’elle
s’effectue dans le cadre de leurs fonctions habituelles, n’occasionne
pas de dépenses importantes, mais certaines activités et certains
outils doivent parfois être spécialement inscrits au nombre des
priorités budgétaires. Certaines activités exigent en effet un secrétariat
spécialisé et une logistique particulière, mais ceux-ci peuvent
être organisés de manière peu coûteuse au regard des résultats.
Lorsque les ressources sont limitées, les parlementaires peuvent
par exemple, pour commencer, visiter un centre de détention situé
dans leur circonscription et éviter ainsi des frais de voyage et
d’hébergement excessifs. La mise à disposition des normes dans la
langue nationale sur un site internet, que ce soit par l’intermédiaire
d’un centre de documentation parlementaires ou d’une autre structure, exige
une coordination entre les parties prenantes du parlement et du
gouvernement et, là encore, les ressources nécessaires.
3.2.2. Les structures parlementaires destinées
à faire le bilan et la promotion des recommandations du CPT par
le parlement
34. Comme nous l’avons vu plus
haut, les «
Principes
fondamentaux» de l'Assemblée de 2011 recommandent que les «parlements
nationaux établissent des structures parlementaires adéquates pour garantir
le suivi et le contrôle rigoureux et régulier du respect des obligations
internationales en matière de droits de l’homme, qu’il s’agisse
de commissions des droits de l’homme spécifiques ou de structures
analogues adéquates, dont les compétences doivent être clairement
définies et consacrées par la loi». Selon les
projets de principes
sur les parlements et les droits de l’homme («projets de principes») élaborés en 2018 par le Conseil
des droits de l’homme, «une commission parlementaires des droits
de l’homme doit avoir le mandat le plus étendu possible, qui prend
en compte l’ensemble des droits de l’homme définis en droit interne
et en droit international». Elle doit être définie par «un mandat
précis, qui fixe son objet et ses buts». Cette méthode devrait renforcer
l’efficacité, la précision et la crédibilité de l’action que les
parlementaires visent à réaliser. Les structures parlementaires
établies conformément à ces principes devraient également agir pour
donner suite aux recommandations du CPT rapidement et de manière
effective.
35. Les études réalisées par la Division de soutien de projets
parlementaires (DSPP) de l’Assemblée en 2016 montrent que de nombreux
parlements nationaux possèdent des commissions ou sous-commissions spécialement
consacrées aux droits de l’homme (notamment l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine,
la Finlande, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, la Lettonie, le Monténégro,
la Roumanie, le Royaume-Uni et la République tchèque); d’autres
pays ont adopté une approche intégrée, dans laquelle toutes les
commissions sont en principe compétentes pour aborder les aspects
relatifs aux droits de l’homme des questions relevant de leur mandat
(par exemple le Danemark, les Pays-Bas, la Fédération de Russie
et la Suède). Les structures parlementaires de certains pays présentent
un caractère hybride, qui réunit les deux conceptions (par exemple l’Allemagne,
l’Arménie, Chypre, la Géorgie, l’Italie et la Lituanie). Les gouvernements
de plusieurs pays font systématiquement rapport au parlement sur
les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme qui concernent
leur pays (par exemple l’Allemagne, la Croatie, la Hongrie, les
Pays-Bas et le Royaume-Uni)
. Un rapport de
2018 de la DSPP fait état de nouveaux progrès réalisés entre 2015
et 2017, à propos de nouvelles commissions ou sous-commissions parlementaires
des droits de l’homme qui ont été créées en Arménie, en Géorgie,
en République de Moldova et en Ukraine
.
36. Les réponses au questionnaire révèlent également que les rapports
du CPT sont présentés à des commissions parlementaires spécialement
mandatées. Pourtant, cette mesure ne suffit pas toujours à assurer leur
examen adéquat par les parlementaires. Le Parlement néerlandais,
par exemple, m’a indiqué que, même si les suites données par le
gouvernement au dernier rapport du CPT avaient figuré à l’ordre
du jour de la commission permanente de la sécurité et de la justice,
aucun parlementaire n’avait fait état de la moindre préoccupation
au sujet du rapport du CPT au cours du débat qui leur avait été
consacré. En outre, le rapport de 2016 de la DSPP rappelait que
«malgré les avantages potentiels d’une commission ou d’une sous-commission
spécialisée dans les droits de l’homme, laisser le soin de l’examen
de la conformité aux droits de l’homme à un seul et unique organe
spécialisé risque de créer un “silo” au sein du Parlement et de
décourager l’intégration dans les travaux d’autres commissions des
droits de l’homme et des questions connexes relatives à l’État de
droit. De plus, l’existence même d’une commission spécialisée ne
garantit pas l’efficacité de la mise en œuvre; l’efficacité de ces
structures dépend davantage de facteurs tels que la volonté politique
et l’accès à des conseils juridiques spécialisés».
37. De fait, il importe que l’Assemblée garde ces considérations
à l’esprit et continue à soutenir le rôle important des parlements
nationaux en appelant à la mise en place de ces structures, si elles
n’existent pas encore dans leurs États membres, et à leur renforcement
lorsqu’elles sont déjà présentes. Le renforcement de ces structures
implique avant tout que les parlements nationaux aient la volonté
politique d’assurer leur bon fonctionnement et que les compétences
de ces structures soient «clairement définies et consacrées par
la législation», comme le soulignent les «Principes fondamentaux».
J’encourage tout particulièrement chaque parlement à veiller à ce
que les normes du CPT figurent véritablement dans les procédures
et le mandat de ces structures. M. Tugushi a par exemple expliqué
que le Parlement géorgien avait établi des mécanismes spécifiques
de suivi de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits
de l’homme, ainsi que des recommandations adressées par les organes
conventionnels des Nations Unies et au titre de l’Examen périodique
universel. Ces mécanismes ont facilité la présentation et l’examen
des rapports pertinents du gouvernement au cours des auditions de
la Commission des questions juridiques et de la Commission des droits
de l’homme et de l’intégration des citoyens. Le Parlement géorgien
et d’autres parlements pourraient envisager d’inclure les recommandations
du CPT dans le même cadre.
38. Les rapporteurs généraux particuliers ou les correspondants
des questions relatives au CPT au sein de ces structures parlementaires
pourraient être désignés parmi les membres connus pour leurs compétences dans
le domaine des droits de l’homme ou pour leur expérience professionnelle
dans les domaines qui relèvent de la Convention européenne pour
la prévention de la torture. Des programmes de formation et des
activités de sensibilisation, qui donnent accès à une expertise
externe indépendante, peuvent être destinés à ces structures spécifiques
et à leur personnel. Comme l’indique le rapport de 2016 de la DSPP,
il est particulièrement important de mettre en place un personnel
parlementaire professionnel, car il «garantit une continuité entre
les législatures et permet la création d’une “mémoire institutionnelle”
liée aux travaux de la commission des droits de l’homme». Ces structures
offriraient également un terrain plus favorable à la consultation
et à l’entretien de contacts avec les mécanismes nationaux de prévention,
les médiateurs et les autres instances similaires, les organes internationaux
(par exemple le CPT, l’Assemblée parlementaire, le Sous-comité des
Nations Unies pour la prévention de la torture, etc.), ainsi qu’avec
les représentants de la société civile qui œuvrent en faveur de
la prévention de la torture. Il importe d’examiner les questions
relatives à la fourniture de ressources financières et humaines
suffisantes pour permettre aux structures d’exercer efficacement
leurs fonctions.
3.3. Les possibilités d’activités de coopération
parlementaire
39. Le soutien réciproque entre
parlements grâce à une série d’activités de l’Assemblée peut se
révéler très utile pour la sensibilisation des parlements nationaux
aux normes et aux outils de prévention de la torture. Cette assistance
technique et politique dispensée entre parlements peut favoriser
l’établissement de structures et de mécanismes parlementaires de
prévention de la torture et de protection des droits de l’homme.
Le dialogue entre parlements offre par ailleurs un moyen de renforcer,
dans le cadre d’une coopération, la volonté politique et l’engagement
en faveur de la mise en œuvre des normes du CPT et des suites à
donner aux recommandations du CPT.
40. La DSPP a mené ces dernières années diverses activités de
coopération avec les parlementaires et les agents des parlements
nationaux. Les activités pertinentes pour le présent rapport peuvent
être regroupées dans les quatre catégories suivantes:
- les séminaires destinés aux
parlementaires et consacrés à la Convention européenne pour la prévention de
la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
en général (par exemple en avril 2016 à Strasbourg, en mars 2017
à Borjomi et en juin 2017 et novembre 2018 à Budapest);
- les séminaires destinés aux parlementaires et consacrés
au rôle joué par les parlements dans la surveillance de l’exécution
des arrêts de la Cour (par exemple en octobre 2013 à Londres, en
février 2014 à Varsovie, en octobre 2014 à Madrid, en septembre
2015 à Tbilissi et en avril 2017 à Strasbourg);
- les séminaires destinés aux agents des parlements nationaux
et consacrés à la Convention en général (par exemple en juin 2012,
en septembre 2013, en janvier et septembre 2014, en mars 2015 et
en septembre 2016, à chaque fois à Strasbourg);
- les séminaires consacrés aux visites des parlementaires
dans les centres de rétention pour migrants, suivis de visites accompagnées
dans ces centres (par exemple en décembre 2012 à Strasbourg, en octobre
2013 à Zurich, en novembre 2014 à Calais, en mai 2015 à Amsterdam
(Schiphol) et en novembre 2016 à Vordernberg).
41. Bien que tous ces séminaires abordent des questions qui peuvent
être liées aux recommandations du CPT, la DSPP devrait concevoir
des activités qui portent plus particulièrement sur les normes et
les recommandations du CPT et sur leur mise en œuvre par les parlements
nationaux. Il convient toutefois de noter que la situation budgétaire
actuelle a contraint à réduire les activités de coopération parlementaire
de l’Assemblée. Le 26 janvier 2017, le Bureau de l’Assemblée a décidé
que les activités de coopération seraient en principe limitées à
celles pour lesquelles un financement supplémentaire est assuré
(par les programmes conjoints de l’Union européenne, des contributions
volontaires, y compris des projets précis comme les campagnes parlementaires,
etc.). Bien que certaines des activités mentionnées ci-dessus aient
été financées par des sources extérieures, en particulier par l’Union
européenne, cet élément doit être pris en compte lors de l’examen
des possibilités futures d’activités de coopération pertinentes
pour le présent rapport. Il importe d’encourager les donateurs extérieurs,
y compris les États membres de l’Union européenne et du Conseil
de l’Europe qui versent des contributions volontaires, à financer
les activités de coopération décrites ici. L’Assemblée devrait inviter
le Comité des Ministres à garantir, conjointement avec la DSPP,
que la dimension parlementaire des activités de coopération figure
dans les divers programmes financés et organisés pour la mise en
œuvre des normes et des recommandations du CPT par les États membres.
4. Conclusions
et recommandations de politique générale
42. Les recommandations formulées
depuis longtemps dans les rapports du CPT, ainsi que l’évidente nécessité
pour l’Assemblée de continuer à traiter les questions relatives
à la détention, soulignent qu’il importe de maintenir et de renforcer
les initiatives de prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants dans les États membres du Conseil de l’Europe.
À cet égard, les parlements nationaux ont un rôle important à jouer.
Malgré les importants progrès réalisés pour développer la capacité
des parlements nationaux à agir en qualité de garants des droits
de l’homme à l’égard des droits de l’homme en général et de la surveillance
de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
en particulier, on ne peut affirmer qu’il en va de même pour les
recommandations du CPT. Comme l’interdiction en toutes circonstances de
la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants,
qui représentent peut-être l’atteinte la plus flagrante à la dignité
humaine fondamentale, est une norme impérative du droit international,
il s’agit clairement d’un domaine dans lequel l’impératif moral
est particulièrement marqué.
43. Les travaux approfondis déjà réalisés sur le rôle joué par
les parlements nationaux en qualité de garants des droits de l’homme
montrent qu’il existe de nombreuses voies prometteuses à explorer,
qui permettraient de faire davantage pour assurer une meilleure
mise en œuvre des recommandations du CPT par les autorités nationales.
La création à l’échelon national de nouveaux mécanismes et structures
conformes aux «Principes fondamentaux du contrôle parlementaire
des normes internationales relatives aux droits de l’homme» ou le renforcement
du mandat et des activités des mécanismes et structures existants,
ainsi que l’action de mécanismes de surveillance et de suivi plus
efficaces, contribueraient à cet objectif. Les activités de coopération
parlementaire de l’Assemblée pourraient comporter des projets destinés
à soutenir cette fonction particulière, comme cela a été fait pour
renforcer le rôle joué par les parlements nationaux dans la surveillance de
l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.