1. Introduction:
origine, portée et objectif du rapport
1. En décembre 2016, la sous-commission
des relations extérieures de l’Assemblée parlementaire s’est rendue
à New York pour y rencontrer des hauts fonctionnaires des Nations
Unies. Au cours de ces échanges, nombre de nos homologues des Nations
Unies ont partagé avec nous leurs préoccupations quant aux menaces
et attaques dont faisaient de plus en plus souvent l’objet les droits
fondamentaux universels, ainsi que par la remise en cause du rôle
des organisations internationales. Ils ont ajouté qu’il leur paraissait
d’autant plus important que les Nations Unies, en tant qu’organisation
d’envergure planétaire, puisse s’appuyer dans ses travaux sur des
partenaires régionaux – en particulier lorsque ces partenaires étaient
des organisations fondées sur des valeurs, comme l’est le Conseil
de l’Europe.
2. Au vu de l’intérêt et de la nécessité, exprimés par nos interlocuteurs,
de renforcer plus encore la coopération entre le Conseil de l’Europe
et les Nations Unies, j’ai présenté le 30 janvier 2017 une proposition de
résolution intitulée «Renforcement de la coopération avec les Nations
Unies (
Doc. 14261). La proposition a été renvoyée à la commission des
questions politiques et de la démocratie pour rapport le 28 avril
2017, et j’ai été nommé rapporteur le 29 juin 2017.
3. Les 11 et 12 décembre 2017, j’ai effectué une mission d’information
à Genève (Suisse), au cours de laquelle je me suis entretenu avec
des représentants des institutions des Nations Unies ayant leur
siège dans cette ville. En janvier 2018, j’ai rendu compte de ce
déplacement aux membres de la commission. En avril 2018, la commission
a organisé un échange de vues avec des fonctionnaires du Conseil
de l’Europe directement concernés par la coopération avec les Nations
Unies.
4. À la suite de mes entretiens à Genève et de l’audition tenue
par la commission, et étant donné l’importance majeure que revêt
le Programme de développement durable à l’horizon 2030 pour l’ensemble
des activités des Nations Unies dans les années à venir, j’ai décidé
d’axer principalement ce rapport (sans toutefois m’y limiter) sur
la contribution que le Conseil de l’Europe a déjà apportée à la
mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD) que contient
ledit Programme et sur les moyens de l’intensifier. En conséquence,
j’ai suggéré, en octobre 2018, de modifier le titre du rapport et
de l’intituler comme suit: «Renforcement de la coopération avec
les Nations Unies dans la mise en œuvre du Programme de développement
durable à l’horizon 2030».
5. Les 3 et 4 décembre 2018, je me suis rendu au siège des Nations
Unies à New York pour une mission d’information, et j’ai également
pris part à la réunion de la sous-commission des relations extérieures
qui s’est tenue aux Nations Unies les 5 et 6 décembre 2018. Ces
réunions ont confirmé l’inquiétude grandissante qu’éprouvaient aussi
bien les responsables des Nations Unies que les représentants des
États membres face aux attaques de plus en plus ouvertes et de plus
en plus fréquentes portées contre les fondements mêmes de l’ordre
international basé sur le multilatéralisme et contre les valeurs
essentielles que les institutions internationales visent à protéger.
En outre, le langage précédemment approuvé concernant les questions relatives
aux droits humains est de plus en plus contesté et l’on cherche
à trouver des compromis visant à donner des droits humains une interprétation
minimaliste. Il est par ailleurs clairement ressorti de ces échanges que
les Nations Unies se tournait vers les organisations régionales,
et plus spécialement vers le Conseil de l’Europe, pour faire face
à ces problèmes et tenter d’imprimer un nouvel élan en vue d’atteindre
les ODD.
6. Ces préoccupations ont été exprimées publiquement en de multiples
occasions par le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres,
notamment à l’ouverture de la dernière session de l’Assemblée générale
des Nations Unies le 25 septembre 2018, au cours de laquelle il
a déclaré ce qui suit:
«Ensemble, en tant que gardiens du bien commun,
nous avons également le devoir de promouvoir et de soutenir un système
multilatéral réformé, redynamisé et renforcé.
Nous devons renouveler notre
attachement à un ordre fondé sur des règles, qui place l’Organisation
des Nations Unies en son centre et s’appuie sur les institutions
et les traités qui donnent vie à la Charte.
Et nous devons prouver la valeur
ajoutée que présente la coopération internationale en forgeant la
paix, en défendant les droits de l’homme et en dynamisant le progrès
économique et social pour les femmes et les hommes, partout dans
le monde.»
7. Le but de ce rapport est donc d’explorer les moyens pour le
Conseil de l’Europe, en tant qu’acteur multilatéral important au
niveau européen, de contribuer plus activement et plus efficacement
aux efforts déployés par les Nations Unies pour relever les grands
défis mondiaux, notamment en apportant son concours à la mise en
œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. La
commission sur l’égalité et la non-discrimination a été saisie pour
avis, et j’attends avec intérêt sa contribution sur les aspects
relevant de sa compétence. Par ailleurs, la commission des questions
sociales, de la santé et du développement durable prépare actuellement
un rapport sur le thème «Mise en œuvre des Objectifs de développement
durable: la nécessaire synergie de tous les acteurs, des parlements
aux collectivités locales», qui, selon mes informations, met l’accent
en particulier sur la contribution des parlements à la mise en œuvre
des ODD. Les deux rapports seront présentés à l’Assemblée lors d’un
débat conjoint.
2. Aperçu des relations entre le Conseil
de l’Europe et les Nations Unies
8. La coopération entre le Conseil
de l’Europe et les Nations Unies n’est pas nouvelle et couvre un
large éventail de domaines. Elle se fonde sur une communauté de
valeurs et d’objectifs: les deux organisations, créées au lendemain
de la seconde guerre mondiale, visent à protéger la paix sur la
base du respect des droits humains et œuvrent de manière complémentaire
à la réalisation de leurs objectifs statutaires respectifs.
9. L’Organisation des Nations Unies, par son caractère universel
(lié à la fois à sa composition et à ses domaines de compétence)
et sa position centrale au sein de la communauté internationale,
est un partenaire majeur du Conseil de l’Europe, auquel elle offre
un cadre pour une portée mondiale. Pour les Nations Unies, le Conseil
de l’Europe est un partenaire régional important, qui joue un rôle
de pionnier dans la traduction des principes universels de la démocratie
et des droits humains dans des normes juridiques européennes, et contribue
ainsi à la promotion de ces principes à l’échelle mondiale. Il est
à noter à ce sujet que les Nations Unies œuvrent à promouvoir l’adhésion
de pays non européens aux conventions du Conseil de l’Europe ouvertes
aux États qui n’en sont pas membres.
10. Dès décembre 1951, soit deux ans après la création du Conseil
de l’Europe, les deux organisations ont conclu un accord posant
les modalités de leur coopération. Cet accord a été actualisé en
novembre 1971. De plus, la Résolution 44/6 de l’Assemblée générale
des Nations Unies (octobre 1989) a accordé au Conseil de l’Europe
une invitation permanente à assister à ses sessions en tant qu’observateur.
11. Les deux organisations entretiennent des contacts, des consultations
et un dialogue réguliers au niveau de leurs secrétaires généraux
et autres responsables de haut niveau respectifs, ainsi qu’une coopération
entre leurs secrétariats. Le Conseil de l’Europe coopère étroitement,
tant au niveau de son siège que sur le terrain, avec de nombreux
organes du système des Nations Unies, parmi lesquels le HCR, le
HCDH et le CDH, l’UNICEF, le BCAH, le PNUD, l’UNECE, l’UNESCO, l’OIT,
l’OMS, l’ONUDC, le CTC, le CTED, ONU Femmes et la Banque mondiale.
En outre, des échanges très utiles ont lieu avec les différents
représentants spéciaux et rapporteurs spéciaux du Secrétaire général.
12. Une grande partie des travaux des Nations Unies étant menés
hors de son siège new-yorkais, le Conseil de l’Europe a ouvert des
bureaux de liaison à Genève (en 2010) et à Vienne (en 2011). Ces
bureaux contribuent à renforcer la coopération avec les agences
des Nations Unies ayant leur siège dans ces villes. Toutefois, les
capacités de ces bureaux doivent être renforcées afin qu’ils puissent
jouer efficacement le rôle d’interface avec leurs partenaires des
Nations Unies et contribuer à améliorer l’apport et la visibilité
du Conseil de l’Europe dans le contexte multilatéral. Dans le même
esprit, il est nécessaire de trouver un moyen pour le Conseil de
l’Europe d’être représenté, de manière visible et coordonnée, au
siège des Nations Unies à New York.
13. La protection et la promotion des droits humains au sens large
demeurent au cœur de la coopération entre le Conseil de l’Europe
et les Nations Unies. La Déclaration conjointe sur le renforcement
de la coopération entre le Secrétariat du Conseil de l’Europe et
le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies (HCDH)
(septembre 2013) a insufflé un nouvel élan à cette coopération.
Les deux organisations coordonnent régulièrement leurs activités
et priorités. La dernière réunion de coordination Conseil de l’Europe-HCDH
(Genève, juin 2018) avait pour thème «La liberté d’expression à
l’ère numérique et le rôle des défenseurs des droits de l’homme».
Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe entretient des
contacts avec le HCDH et il a rencontré le Haut-Commissaire aux
droits de l’homme des Nations Unies en 2017.
14. La coopération s’est également intensifiée avec le Conseil
des droits de l’homme. Le Conseil de l’Europe contribue à la préparation
des Examens périodiques universels en fournissant des informations
sur la situation des droits humains dans ses États membres. Par
ailleurs, le Comité des Ministres tient depuis 2013 des échanges
de vues réguliers avec les Présidents du CDH afin d’évoquer les
priorités du Conseil de l’Europe. La plus récente de ces réunions
s’est tenue le 7 février 2019, avec l’ambassadeur Coly Seck (Sénégal), Président
du Conseil des droits de l’homme pour 2019.
15. Le Comité des Ministres tient aussi des échanges de vues annuels
sur la coopération avec les Nations Unies dans le domaine des droits
humains, avec la participation d’experts des capitales, ainsi que
des discussions thématiques sur des questions spécifiques. En 2018,
la discussion sur «La protection des enfants migrants» a été introduite
par Mme Renate Winter, Présidente du
Comité des droits de l’enfant des Nations Unies. M. Moez Chakchouk,
Directeur général adjoint pour la communication et l’information,
de Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et
la culture (UNESCO), a participé à la discussion thématique de 2019
sur «Les nouvelles technologies et la liberté d’expression».
16. Pour sa part, l’Assemblée parlementaire s’intéresse de longue
date aux travaux des Nations Unies, leur apporte son soutien politique
et participe aux diverses activités des Nations Unies et de ses
organes subsidiaires. L’Assemblée coopère avec les Nations Unies
à différents niveaux. Ses rapporteurs entretiennent des relations
de travail régulières avec leurs homologues au sein de divers institutions
et bureaux des Nations Unies. Dans ses résolutions et recommandations,
l’Assemblée mentionne systématiquement les documents pertinents
des Nations Unies, auxquels elle apporte son soutien. De plus, sur
la base de la
Directive
500 (1994) sur les relations entre le Conseil de l’Europe et les
Nations Unies, la sous-commission des relations extérieures de la
commission des questions politiques et de la démocratie tient des
réunions bisannuelles au siège des Nations Unies à New York et organise
des échanges de vues avec de hauts responsables des Nations Unies sur
des thèmes d’intérêt commun aux deux organisations. La dernière
réunion de la sous-commission s’est tenue à New York en décembre
2018. Elle s’était également réunie, en décembre 2015, à l’Office
des Nations Unies à Genève.
17. Dans le cadre des débats bisannuels qu’elle tient depuis 2000
sur la coopération avec les organisations régionales et autres,
l’Assemblée générale des Nations Unies adopte des résolutions sur
la coopération entre les Nations Unies et le Conseil de l’Europe.
Ces résolutions sont l’occasion de faire le point sur l’état des relations
entre les deux organes, et en particulier sur les domaines d’action
prioritaire et les nouveaux défis. L’analyse des résolutions successives
fait apparaître une dynamique croissante de coopération, visible
à la fois dans la portée des thèmes concernés et dans le niveau
de complémentarité atteint.
18. La résolution la plus récente, adoptée par l’Assemblée générale
des Nations Unies le 26 novembre 2018
, appelle à ce que «la coopération
entre l’Organisation des Nations Unies et le Conseil de l’Europe
soit renforcée en ce qui concerne la protection des droits de l’homme
et des libertés fondamentales et la promotion de la démocratie,
de l’état de droit et de la bonne gouvernance à tous les niveaux,
entre autres, la prévention de la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants, la lutte contre le terrorisme,
la traite d’êtres humains et la violence à l’égard des femmes, la
lutte contre toutes les formes de racisme, de discrimination, de
xénophobie et d’intolérance, la promotion de la liberté d’expression
et de la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction,
la protection des droits et de la dignité de tous les membres de
la société, sans discrimination d’aucune sorte, et la promotion
de l’égalité entre les sexes et de l’autonomisation des femmes et
des filles, ainsi que de l’éducation dans le domaine des droits
de l’homme».
19. La résolution met l’accent sur un certain nombre de domaines
spécifiques dans lesquels les deux organisations coopèrent activement
et renforcent mutuellement leur action, parmi lesquels la promotion
et la protection des droits de groupes vulnérables tels que les
personnes handicapées, les défenseurs des droits humains, les minorités
nationales, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les personnes
déplacées à l’intérieur de leur pays, la lutte contre la traite
des êtres humains et le trafic d’organes humains, la bioéthique,
la protection des droits de l’enfant, l’égalité entre les femmes
et les hommes et la protection des droits fondamentaux des femmes,
la bonne gouvernance démocratique locale, le droit à la liberté
d’expression et d’opinion et la liberté des médias, la lutte contre
les discours de haine en ligne et hors ligne, la lutte contre le crime
organisé transnational, la cybercriminalité, le terrorisme et le
blanchiment d’argent et la protection des droits des victimes de
ces crimes, la prévention et la lutte contre la corruption, la lutte
contre l’abus des drogues et leur trafic, et la promotion de l’intégrité
et de l’inclusion par le sport. La résolution mentionne aussi les conventions
principales du Conseil de l’Europe ouvertes à l’adhésion de tous
les États.
20. Enfin et surtout, notons que la résolution de 2018 salue «la
contribution du Conseil de l’Europe à la mise en œuvre du Programme
de développement durable à l’horizon 2030 en Europe et au-delà,
tout en estimant que les Nations Unies et le Conseil doivent continuer
de collaborer, dans le cadre de leurs mandats respectifs, pour accélérer
la mise en œuvre des objectifs de développement durable dans le
cadre du Programme 2030».
3. Programme
de Développement durable à l’horizon 2030
21. Lors du Sommet mondial tenu
aux Nations Unies en septembre 2015, les chefs d’État et de gouvernement
du monde entier ont entériné un vaste plan d’action d’envergure
planétaire visant à créer un monde plus juste, plus pacifique et
plus prospère sur une planète plus saine d’ici 2030. Ce plan a ensuite
été adopté en tant que Résolution de l’Assemblée générale des Nations
Unies «Transformer notre monde: le Programme de développement durable
à l’horizon 2030»
.
22. Le plan contient 17 objectifs de développement durable (ODD)
déclinés en 169 cibles détaillées devant être atteintes d’ici 2030.
Les intitulés des 17 ODD peuvent être résumés comme suit
:
1. Pas de pauvreté
2. Faim zéro
3. Bonne santé et bien-être
4. Éducation de qualité
5. Égalité entre les sexes
6. Eau propre et assainissement
7. Énergie propre et d’un coût abordable
8. Travail décent et croissance économique
9. Industrie, innovation et infrastructure
10. Inégalités réduites
11. Villes et communautés durables
12. Consommation et production responsables
13. Mesures relatives à la lutte contre les changements
climatiques
14. Vie aquatique
15. Vie terrestre
16. Paix, justice et institutions efficaces
17. Partenariats pour la réalisation des objectifs
23. Le Programme 2030 est le résultat d’un consensus mondial a
été trouvé au moyen d’un processus inclusif de plus de deux ans
de négociations intergouvernementales auxquelles ont également participé
la société civile et d’autres acteurs. Il repose sur la proposition
du Groupe de travail ouvert mis en place par la Conférence des Nations
Unies sur le développement durable (Rio+20, juin 2012) en vue de
développer un ensemble d’objectifs de développement durable formulés
en nombre limité, sous la forme d’idéaux et de manière aisément
communicable.
24. Le Programme 2030 et ses ODD s’appuient sur une initiative
antérieure conduite par les Nations Unies – les objectifs du millénaire
pour le développement – et visent à remédier aux insuffisances de
cette initiative et à la mener à son terme. Cependant, le nouveau
Programme définit un projet bien plus ambitieux et porteur de changement
car ses objectifs et cibles visent à bâtir des sociétés justes et
inclusives en s'attaquant aux principaux problèmes du monde moderne.
25. Le Programme élargit expressément la notion de développement
durable, précédemment axée sur les pays en développement, à l’ensemble
de la communauté internationale. Le caractère universel du développement
durable et l’interdépendance entre toutes les nations sont des principes
essentiels: les vieux clivages entre le Nord et le Sud, entre les
pays développés et en développement, doivent être dépassés et le progrès
de la communauté mondiale n’est possible que par le progrès de chaque
État membre.
26. Les ODD visent à réaliser le développement durable dans ses
trois dimensions – économique, sociale et environnementale – d’une
manière qui soit équilibrée et intégrée. Le Programme, dans lequel
la dignité de la personne humaine est jugée fondamentale, souligne
le caractère universel des ODD et des cibles, qui doivent se concrétiser
au profit de toutes les nations, tous les peuples et toutes les
composantes de la société.
27. Le Programme 2030 représente un progrès décisif dans notre
perception de la notion de développement durable. Pour la première
fois, il affirme clairement que les questions qui touchent aux droits
humains, à l’État de droit et à une bonne gouvernance s’appuyant
sur des institutions démocratiques font partie intégrante du développement
durable. Le Programme se réfère directement, en réaffirmant son
importance, à la Déclaration universelle des droits de l’homme,
ainsi qu’à d’autres instruments internationaux relatifs aux droits
humains. Il insiste en outre sur les responsabilités des États,
conformément à la Charte des Nations Unies, en matière de respect,
de protection et de promotion des droits humains et des libertés
fondamentales pour tous.
28. La Déclaration introductive au Programme 2030 affirme ce qui
suit:
«Nous
aspirons à un monde où soient universellement respectés les droits
de l’homme et la dignité humaine, l’état de droit, la justice, l’égalité
et la non-discrimination. Un monde où la race, l’origine ethnique
et la diversité culturelle soient respectées. Un monde où règne
l’égalité des chances, pour que le potentiel humain soit pleinement
réalisé et la prospérité partagée. Un monde qui investisse dans
ses enfants et où chacun d’eux grandisse à l’abri de la violence
et de l’exploitation. Un monde où l’égalité des sexes soit une réalité
pour chaque femme et chaque fille et où tous les obstacles juridiques,
sociaux et économiques à leur autonomisation aient été levés. Un
monde juste, équitable, tolérant et ouvert, où les sociétés ne fassent
pas de laissés-pour-compte et où les besoins des plus vulnérables
soient satisfaits.» (paragraphe 8)
29. Il précise aussi, notamment:
«Nous aspirons à un monde (…) où le développement
durable soit favorisé par la démocratie, la bonne gouvernance et
l’état de droit ainsi que des conditions favorables, aux niveaux
national et international, marquées par une croissance économique
soutenue et partagée, le développement social, la protection de
l’environnement et l’élimination de la faim et de la pauvreté.»
(paragraphe 9)
30. Le nouveau Programme reconnaît la nécessité d’édifier des
sociétés pacifiques, justes et inclusives, qui offrent à tous un
accès à la justice dans des conditions d’égalité et qui soient fondées
sur le respect des droits humains (y compris le droit au développement),
un véritable état de droit et une bonne gouvernance à tous les niveaux,
et sur des institutions transparentes, efficaces et responsables.
Il vise à remédier à l’inégalité, la corruption et la mauvaise gouvernance,
qui engendrent la violence, l’insécurité et l’injustice.
31. Une innovation importante du Programme 2030 tient à la place
prépondérante qu’il accorde aux questions d’égalité entre les femmes
et les hommes: «Réaliser l’égalité des sexes et l’autonomisation
des femmes et des filles apportera une contribution capitale à la
réalisation de l’ensemble des objectifs et des cibles. La pleine
réalisation du potentiel humain et du développement durable ne sera
pas possible tant que la moitié de l’humanité continuera de se voir
refuser la plénitude de ses droits humains et de ses chances» (paragraphe 20).
32. Ainsi, le Programme 2030 dans son ensemble, et en particulier
l’Objectif 5 (Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes
les femmes et les filles), l’Objectif 10 (Réduire les inégalités
dans les pays et d’un pays à l’autre) et l’Objectif 16 (Promouvoir
l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement
durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place,
à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et
ouvertes à tous) sont pertinents aux activités essentielles du Conseil
de l’Europe, et notamment de son Assemblée, et à tous ses États
membres.
33. Le Programme 2030 est un engagement politique. Il n’est pas
un instrument juridiquement contraignant. Chaque pays est responsable
au premier chef de la mise en œuvre du Programme dans le respect
de ses politiques et priorités nationales, compte tenu de ses réalités
et capacités. L’appropriation par chaque État est donc une condition
indispensable du succès du Programme. Cela étant, des cadres d’action
régionaux peuvent aider à traduire plus efficacement des politiques
de développement durable en mesures concrètes au niveau national.
34. Afin de garantir la responsabilité devant les citoyens, les
progrès réalisés dans la mise en œuvre des ODD et des cibles font
l’objet d’un suivi et d’un examen systématiques aux différents niveaux
sur la base d’indicateurs mesurables. Au niveau mondial, le Forum
politique de haut niveau pour le développement durable, qui se réunit
chaque année sous l’égide de l’Assemblée générale et du Conseil
économique et social des Nations Unies, joue un rôle central dans
ce processus.
35. En 2018, plus de 125 chefs d’État et de gouvernement et autres
responsables ministériels, ainsi que plus de 2 000 représentants
des gouvernements, du système des Nations Unies et d’autres organisations,
de la société civile, d’organisations non gouvernementales et du
secteur privé, ont participé aux travaux du Forum politique de haut
niveau afin de débattre des progrès réalisés, des réussites, des
difficultés et des enseignements tirés des activités de mise en
œuvre du Programme 2030. Ils ont en outre révisé substantiellement
six des 17 ODD.
36. Le Programme 2030 encourage les États membres à procéder à
des examens réguliers et inclusifs des progrès réalisés aux niveaux
national et infranational. Ces examens nationaux volontaires, effectués
par les pays de leur propre initiative, servent de base aux discussions
du Forum politique de haut niveau. À ce jour, plus de 160 pays ont
participé à ce processus. Entre 2016 et 2018, 34 États membres
du Conseil de l’Europe ont
présenté leur examen national volontaire; 13 États membres le feront
en 2019-2020
, dont cinq pays pour lesquels
il s’agira du deuxième rapport; cinq États membres
n’ont pas encore participé
au processus.
37. En outre, le Forum politique de haut niveau conduit aussi
des examens thématiques de l’état d’avancement des ODD, y compris
sur des questions transversales. La session de 2018 du Forum avait
pour thème «Transformer nos sociétés pour les rendre viables et
résilientes». Pour 2019, le thème général sera «Donner des moyens
d’action aux populations et assurer l’inclusion et l’égalité», et
six ODD seront passés en revue de manière approfondie, parmi lesquels
l’Objectif 16, qui présente un intérêt particulier pour le Conseil de
l’Europe.
38. La mise en œuvre du Programme 2030 exigera une mobilisation
pleine et entière de toutes les parties prenantes – les États, y
compris les gouvernements et les parlements; le système des Nations
Unies et d’autres organisations internationales, les entreprises
et le secteur privé, la communauté scientifique et universitaire
et divers autres acteurs – ainsi qu’un haut degré de coordination
et de complémentarité entre tous les participants.
39. Cependant, trois ans et demi après son lancement, le Programme 2030
demeure trop peu connu de nos citoyens, mais aussi de nos parlements.
4. Le
Conseil de l’Europe, contributeur majeur aux objectifs du Programme
de développement durable à l’horizon 2030
40. De par les normes qu’il a établies
et l’action qu’il mène en vue de promouvoir et protéger les droits humains,
la démocratie et l’État de droit, le Conseil de l’Europe est idéalement
placé pour contribuer à la mise en œuvre du Programme de développement
durable à l’horizon 2030. Comme le soulignait le Secrétaire Général
Thorbjørn Jagland dans sa lettre de mai 2015 à Ban Ki-moon, alors
Secrétaire Général des Nations Unies, «[l]e Conseil de l’Europe
est une organisation fondée sur les valeurs universelles des droits
de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit. Notre contribution
doit donc porter sur ces valeurs. Ce sont non seulement des valeurs
à part entière, mais aussi des facteurs importants de la viabilité
de tout modèle sociétal».
41. La plupart des activités du Conseil de l’Europe contribuent
à la mise en œuvre du Programme 2030. La valeur ajoutée du Conseil
de l’Europe réside dans son envergure paneuropéenne, son activité
normative sous la forme d’instruments juridiquement contraignants,
ses mécanismes de suivi et sa contribution au renforcement des capacités
au moyen d’un soutien technique. De plus, bon nombre de ses conventions
sont ouvertes aux États non membres.
42. Le Conseil de l’Europe contribue déjà à la réalisation de
13 des 17 ODD. Le Programme des activités et Budget de l’Organisation
pour le biennium 2018-2019 comporte des liens vers les ODD pertinents,
ce qui contribue à la visibilité de son action en faveur du Programme 2030.
Au niveau politique, l’Assemblée parlementaire
et le Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux du Conseil de l’Europe traitent des principaux défis
liés au développement durable. On trouvera ici une présentation
de la contribution du Conseil de l’Europe pour chaque Objectif.
43. Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans
le monde (Objectif 1): le système de traités de la Charte sociale
européenne crée un cadre général pour la protection de tout être
humain contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Quarante-trois
États membres du Conseil de l’Europe sont parties à la Charte de
1961 ou à la Charte révisée
. Le Comité européen des
Droits sociaux (CEDS) contrôle l’application pratique de la Charte.
La Recommandation CM/Rec(2015)3 du Comité des Ministres sur l’accès
des jeunes des quartiers défavorisés aux droits sociaux met l’accent
en particulier sur la lutte contre la pauvreté au sein de la jeunesse.
Le Commissaire aux droits de l’homme a formulé des recommandations
concrètes pour aider les gouvernements à concilier leurs politiques
de reprise économique avec leurs engagements en matière de droits
humains.
44. Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le
bien-être de tous à tout âge (Objectif 3): il s’agit d’une préoccupation
majeure pour le Conseil de l’Europe. La Charte sociale européenne
et la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5)
font de la santé un préalable essentiel à la préservation de la dignité
humaine. Une attention particulière est accordée aux questions ayant
trait à l’espérance de vie, aux principales causes de décès et à
la santé sexuelle et procréative. L’accès aux soins de santé pour
tous est aussi garanti par la Charte et la Convention.
45. Assurer à tous une éducation équitable, inclusive et de qualité
et des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie (Objectif 4):
la Conférence permanente des ministres de l’Éducation du Conseil
de l’Europe a élaboré une stratégie à long terme pour une cohérence
et une exhaustivité plus grandes de l’éducation à la citoyenneté
démocratique et l’éducation aux droits humains (ECD/EDH). Le Comité
directeur pour les politiques et pratiques éducatives (CDPPE) a
inclus l’ODD4 en tant que point permanent de l’ordre du jour de ses
réunions plénières en vue d’échanger les bonnes pratiques et les
enseignements tirés de l’expérience.
46. La Charte sociale européenne garantit le droit des enfants
et des jeunes à un enseignement primaire et secondaire gratuit et
encourage en outre la régularité de la fréquentation scolaire. Concernant
l’égalité d’accès à l’éducation, une attention particulière est
accordée à des groupes vulnérables tels que les enfants issus des minorités,
les enfants réfugiés, les adolescentes enceintes, les enfants privés
de liberté, etc. Comme il est mentionné ci-dessus, le CEDS contrôle
le respect par les États membres de leurs obligations au titre de
la Charte.
47. Le Conseil de l’Europe a été sélectionné en tant que l’une
des deux organisations régionales de la région Europe/Amérique du
Nord pour le Comité directeur ODD4-Éducation 2030 de l’UNESCO. Il
contribue aux travaux de ce Comité en présentant les initiatives
régionales et en recensant et encourageant les bonnes pratiques
en faveur de la réalisation de l’ODD4 auprès de ses États membres.
48. Le Conseil de l’Europe apporte une contribution significative
à l’objectif de parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes
les femmes et les filles (Objectif 5), au moyen de sa Stratégie
2018-2023 pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Ses instruments
juridiques incluent trois conventions novatrices, uniques et complètes:
la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à
l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210,
«la Convention d’Istanbul»), la Convention sur la lutte contre la
traite des êtres humains (STCE no 197)
et la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels (STCE no 201, «Convention
de Lanzarote»). Les États non membres et l’Union européenne sont
aussi habilités à devenir Parties à ces conventions.
49. La Convention d’Istanbul envisage la violence envers les femmes
à la fois comme une cause et une conséquence de l’inégalité entre
les femmes et les hommes qui persiste dans la société et elle énonce
un ensemble complet d’obligations juridiques visant à prévenir ce
type de violence. Les rapports et recommandations de son mécanisme
de suivi (Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard
des femmes et la violence domestique – GREVIO) fournissent des orientations
sur la prévention et la lutte contre toutes les formes de violence
envers les femmes. De plus, la Convention sur la lutte contre la
traite des êtres humains va au-delà des normes minimales et met
fortement l’accent sur la protection des victimes. Le Groupe d’experts
sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) et le Comité
des Parties contrôlent sa mise en œuvre. La Charte sociale européenne
énonce par ailleurs le droit des hommes et des femmes à l’égalité des
chances et de traitement en matière d’emploi et de profession.
50. Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et
durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous
(Objectif 8): cet objectif est défendu par la Charte sociale européenne
et la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains.
La première garantit le droit au travail sans discrimination, le
droit à des conditions de travail équitables, à la sécurité et à
l’hygiène dans le travail et à une rémunération équitable, ainsi
que la liberté syndicale et le droit de négociation collective;
la seconde concerne toutes les formes de traite.
51. La Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) contribue
activement à la réalisation des ODD au titre de ses trois lignes
d’action: «La croissance durable et inclusive», «L’intégration des
réfugiés, des personnes déplacées et des migrants» et «L’action
en faveur du climat: élaboration de mesures d’atténuation et d’adaptation».
La Banque finance en partie des projets d’investissements sociaux,
en particulier concernant les groupes de population vulnérables.
52. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux a contribué à
l’objectif de bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une
industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation
(Objectif 9) par ses travaux sur «Le transport intrarégional: un
enjeu de développement durable et de cohésion territoriale». Il prône
la mise en place d’un réseau efficace d’infrastructures de transport
afin de garantir le développement socio-économique. Le Congrès appelle
les États membres à concevoir une nouvelle politique de mobilité
qui prenne en considération différents modes de transport, privilégie
les moyens de transport à faible empreinte carbone et limite la
dépendance vis-à-vis des carburants fossiles.
53. Réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre
(Objectif 10): il s’agit d’une des principales priorités du Conseil
de l’Europe. La Charte sociale européenne requiert que la jouissance
des droits soit assurée sans distinction aucune fondée notamment
sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions
politiques ou toutes autres opinions, l’ascendance nationale ou
l’origine sociale, la santé, l’appartenance à une minorité nationale,
la naissance ou toute autre situation. Le CEDS contrôle l’application de
la Charte en s’intéressant aux inégalités de salaire, notamment
l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, entre les
salariés adultes et jeunes et entre les salariés nationaux et migrants.
De plus, le Commissaire aux droits de l’homme met l’accent, dans
ses travaux, sur l’inclusion économique et politique de tous. Ses
activités en la matière ont été entreprises dans divers domaines
thématiques tels que les droits fondamentaux des personnes lesbiennes,
gays, bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI), les droits fondamentaux
des personnes handicapées, les droits humains et les migrations,
les droits fondamentaux des Roms et Gens du voyage et, enfin, les
droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes.
54. La Charte sociale européenne garantit le droit au logement,
et contribue ainsi à faire en sorte que les villes et les établissements
humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables (Objectif 11).
En vertu de la Charte, les États Parties sont obligés de garantir
à chacun le droit à un logement d’un niveau suffisant et l’accès
au logement en particulier pour les différents groupes de personnes
vulnérables. L’obligation de promouvoir le logement et de fournir
des logements comprend par ailleurs la garantie contre l’expulsion illégale.
D’autres instruments du Conseil de l’Europe contribuent à l’Objectif 11,
parmi lesquels: la Convention européenne du paysage (STE no 176),
la Convention-cadre sur la valeur du patrimoine culturel pour la
société (STE no 199, «Convention de Faro»)
et la Convention sur les infractions visant des biens culturels
(STCE no 221), ainsi que la Stratégie
pour le patrimoine culturel en Europe au XXIe siècle.
55. Le mandat unique de la Banque de développement du Conseil
de l’Europe (CEB) – promouvoir la cohésion sociale en Europe – en
fait un partenaire naturel des villes inclusives qui souhaitent
diversifier leur financement. Ces dernières années, la Banque a
intensifié sa coopération avec les villes et communes de ses États
membres afin d’apporter tout son soutien à leurs investissements
sociaux. Au cours des dix dernières années, la CEB a investi plus
de 2,3 milliards d’euros dans des infrastructures sociales locales,
au moyen d’emprunts contractés et gérés directement par les villes.
56. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux a adopté plusieurs
résolutions et recommandations sur la consommation responsable et
la finance solidaire, afin de contribuer à l’objectif d’établir
des modes de consommation et de production durables (Objectif 12).
Le Congrès appelle les autorités territoriales à garantir une consommation
tournée vers la durabilité au moyen d’une passation de marchés et
d’une offre de services et de biens qui soient à la fois responsables
et respectueuses de l’environnement. Les États membres sont invités
à encourager les entreprises à développer un mode de consommation
et de budgétisation responsable.
57. L’objectif de prendre d’urgence des mesures pour lutter contre
les changements climatiques et leurs répercussions (Objectif 13)
est pris en considération par la Charte sociale européenne, sous
la forme du droit à un environnement sain au titre du droit à la
protection de la santé. De plus, la Convention relative à la conservation
de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (STE no 104,
«Convention de Berne») met l’accent sur la mise en œuvre de son
ambitieux Programme de travail sur le changement climatique et la diversité
biologique. Elle prévoit en particulier le développement d’écosystèmes
sains grâce à la mise en place d’un réseau paneuropéen de zones
d’intérêt spécial pour la conservation (réseau Émeraude). La question
de la gestion adaptative des zones du réseau Émeraude est un objectif
majeur pour le biennium 2018-2019.
58. L’objectif de préserver et restaurer les écosystèmes terrestres,
en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement
les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser
le processus de dégradation des terres et mettre fin à l’appauvrissement
de la biodiversité (Objectif 15) est pris en considération par la
Convention de Berne. Celle-ci garantit l’harmonisation des politiques
nationales et fournit des conseils pour la préservation et la gestion
durable des espèces sauvages et de leur habitat. L’Accord européen
et méditerranéen sur les risques majeurs (EUR-OPA) soutient des
programmes de recherche scientifique et technique sur les régions
menacées par la sécheresse, la désertification, les inondations
et les incendies, afin de mieux comprendre la vulnérabilité des
êtres humains et des écosystèmes et de sensibiliser la population
aux changements environnementaux.
59. L’objectif de promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques
et inclusives aux fins du développement durable, assurer l’accès
de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des
institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous (Objectif 16)
présente une pertinence particulière pour le Conseil de l’Europe. Il
est l’une des toutes premières priorités de l’Organisation. Le Conseil
de l’Europe, au moyen de ses instruments juridiques et de ses organes
et mécanismes de suivi et de consultation, vise à atteindre les
divers résultats inclus dans l’Objectif 16. Les activités contribuant
directement à cet Objectif portent notamment sur l’accès à la justice
pour tous, le renforcement de la justice constitutionnelle, la réinsertion
sociale des délinquants, la lutte contre la corruption, la coopération
contre la cybercriminalité, la lutte contre le blanchiment d’argent,
la lutte contre le terrorisme, la garantie de la liberté d’expression,
le soutien aux États pour l’adhésion aux normes de droits humains,
la gouvernance d’internet et la protection des données, la lutte
contre la discrimination, l’élimination de la violence à l’égard
des enfants, l’octroi de moyens d’agir à la société civile, le traitement
des situations post-conflit au moyen de mesures de confiance, etc.
60. Promouvoir l’État de droit (cible 16.3), lutter contre la
corruption (cible 16.5) et mettre en place des institutions efficaces
et responsables (cible 16.6) constituent les principaux messages
de l’Assemblée parlementaire aux États non membres dont les parlements
jouissent du statut de partenaire pour la démocratie (la Jordanie,
le Kirghizistan, le Maroc et le Conseil national palestinien). Ce
statut contribue directement au renforcement des institutions nationales,
notamment au moyen de la coopération internationale, et au renforcement
des capacités à tous les niveaux.
61. Le Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité
mondiales (Centre Nord-Sud), établi afin de promouvoir le dialogue
Nord-Sud et de sensibiliser à l’interdépendance mondiale, contribue
à renforcer les moyens de mettre en œuvre le Partenariat mondial
pour le développement durable et le revitaliser (Objectif 17). Le
Réseau d’universités du Centre Nord-Sud sur la jeunesse et la citoyenneté
mondiale encourage la participation démocratique et la citoyenneté
mondiale parmi les jeunes.
5. Exploiter
au mieux le partenariat: pistes à creuser pour améliorer plus encore
la contribution du Conseil de l’Europe aux objectifs de développement
durable du Programme à l’horizon 2030
62. Dans cette section, j’essayerai
de récapituler les principales idées et propositions qui sont ressorties
de mes missions d’information et des discussions que j’ai pu avoir
avec divers interlocuteurs.
63. Comme on l’a vu, le Programme 2030 est un engagement politique
pris par les chefs d’État et de gouvernement: il n’est pas un document
juridiquement contraignant. C’est en premier lieu aux autorités nationales
des États membres des Nations Unies qu’il incombe de réaliser les
ODD, les Nations Unies ayant un rôle central de coordination et
de contrôle. Des organisations régionales telles que le Conseil
de l’Europe peuvent faciliter – ce qu’elles font effectivement,
comme on l’a vu dans la section 4 ci-dessus – la traduction effective
des politiques de développement durable dans des actions concrètes
au niveau national.
64. Afin d’optimiser sa contribution à la mise en œuvre des ODD
sans s’éloigner de ses missions essentielles, le Conseil de l’Europe
devrait tirer pleinement parti d’atouts tels que son rôle normatif
unique et largement reconnu, sa structure multipartite, ses mécanismes
de suivi et de rapports fondés sur des critères et indicateurs mesurables,
son soutien technique aux États membres, sa position de plate-forme
d’échange d’informations et de partage de bonnes pratiques et son
vaste rayonnement international.
65. Le principal atout du Conseil de l’Europe réside dans son
système conventionnel. Un grand nombre d’ODD et de cibles spécifiques
correspondent à des obligations juridiquement contraignantes énoncées
dans ses conventions. Les États membres du Conseil de l’Europe sont
ainsi tenus juridiquement de se conformer aux objectifs et cibles
du Programme 2030, ce qui engendre un degré de responsabilité qualitativement différent.
66. Les organes créés pour contrôler le respect des normes au
moyen de rapports réguliers fondés sur des indicateurs mesurables
sont essentiels pour le bon fonctionnement du système conventionnel.
Les rapports des pays remis à ces organes de suivi peuvent aussi
être très utiles pour la préparation des examen nationaux volontaires
sur les ODD et les cibles spécifiques.
67. Le lien direct entre les engagements politiques des pays au
titre du Programme 2030 et les obligations juridiquement contraignantes
en vertu des conventions du Conseil de l’Europe doit être rendu
plus visible et mieux expliqué, que ce soit dans les rapports au
niveau du Conseil de l’Europe et de les Nations Unies ou au niveau
national. À cette fin, les rapports remis aux organes de suivi du
Conseil de l’Europe devraient mentionner les ODD et cibles pertinents
et, inversement, les examens nationaux volontaires devraient renvoyer
aux obligations juridiques pertinentes au titre de conventions du
Conseil de l’Europe.
68. De plus, le Conseil de l’Europe devrait être représenté –
et ses contributions être soulignées – aux différents stades de
l’examen des ODD, notamment au Forum politique de haut niveau et
à l’Assemblée générale des Nations Unies. Le Conseil de l’Europe
doit aussi affirmer davantage son rôle en tant qu’acteur essentiel
– et veiller à une présence de haut niveau – au sein des diverses
instances des sites européens des Nations Unies. Dans cet esprit,
et afin de renforcer les synergies entre le Conseil de l’Europe
et les Nations Unies, les moyens des bureaux de liaison du Conseil
de l’Europe de Genève et Vienne doivent être renforcés. Il faudrait
aussi réfléchir aux diverses manières de garantir une présence du
Conseil de l’Europe au siège new-yorkais des Nations Unies.
69. Bon nombre de conventions du Conseil de l’Europe sont ouvertes
aux États qui n’en sont pas membres. Une référence systématique
à ces instruments dans le cadre de l’examen de la mise en œuvre
des ODD contribuerait à leur promotion à l’échelle mondiale et,
par là même, à donner au Programme 2030 une assise juridique plus
solide. Cela permettrait en outre de donner une plus grande visibilité
à la contribution du Conseil de l’Europe à la mise en œuvre des
ODD.
70. Le succès de la mise en œuvre des ODD dépend de l’engagement
continu et accru de la part des autorités nationales, ainsi que
de la sensibilisation du public sur leurs enjeux, et de la volonté
d’atteindre les objectifs du Programme 2030. La structure multipartite
du Conseil de l’Europe offre de bonnes occasions de diffuser le
message sur l’importance vitale du Programme 2030 et sa complémentarité
avec les valeurs essentielles du Conseil de l’Europe auprès des
institutions nationales des États membres de multiples niveaux (gouvernements,
parlements, collectivités territoriales, système judiciaire, institutions
de droits humains, partis politiques, société civile, citoyens).
71. Au-delà de ses interlocuteurs traditionnels, et en ayant à
l’esprit l’importance de promouvoir une activité économique durable
et responsable, le Conseil de l’Europe pourrait envisager d’établir
une coopération avec le Pacte mondial des Nations Unies, une initiative
destinée à mobiliser les entreprises privées pour le respect des
principes universels en matière de droits humains, de travail, d’environnement
et de lutte contre la corruption.
72. Le Conseil de l’Europe a déjà pris des mesures importantes
pour souligner la pertinence réciproque de ses activités et du Programme 2030,
notamment en incluant des liens vers les ODD pertinents dans le programme
d’activités et le budget de l’Organisation pour le biennium 2018-2019,
et en créant un site web qui indique comment les travaux des divers
organes et instruments contribuent aux Objectifs et cibles spécifiques. D’autres
mesures dans ce sens pourraient être envisagées, parmi lesquelles:
mettre en place des échanges de vues réguliers au niveau des Délégués
des Ministres avec la participation d’experts des capitales et de hauts
responsables des Nations Unies; évoquer les questions liées au Programme 2030
lors des visites de hauts responsables du Conseil de l’Europe dans
ses États membres; «identifier» certaines activités, y compris celles
menées dans les régions voisines, comme contribuant à certains ODD.
73. Au niveau de l’Assemblée, le débat conjoint d’avril 2019 sera
l’occasion de sensibiliser les collègues à l’importance du Programme 2030
et à sa pertinence pour le Conseil de l’Europe. En vue de pérenniser
la sensibilisation des parlementaires, et leur soutien au processus,
il pourrait être envisagé de tenir régulièrement des débats thématiques
de l’Assemblée sur le suivi de la mise en œuvre des ODD. De tels
débats offriraient un lieu d’échange sur les expériences nationales
et les bonnes pratiques et permettraient en outre d’établir de nouveaux
réseaux parlementaires thématiques en faveur du développement durable,
en complément de ceux qui existent déjà. De plus, je me félicite
que la mise en œuvre du Programme 2030 et la contribution des parlementaires
soient l’un des thèmes retenus pour la Conférence européenne des
Présidents de Parlement d’octobre 2019.
74. Au niveau national, les parlementaires doivent œuvrer plus
activement à accroître la visibilité du débat public sur les questions
liées au développement durable, une telle visibilité étant nécessaire
pour garantir un large soutien au sein de la population. Les parlementaires
ont un rôle déterminant à jouer pour renforcer l’adhésion nationale
aux ODD, qui reste encore un enjeu. Pour ce faire, les parlementaires
doivent intégrer la dimension des ODD dans l’exercice de leurs fonctions
législatives, budgétaires et de contrôle. Dans le cadre de leur
contrôle de l’action gouvernementale, les parlements peuvent demander
que les examens nationaux volontaires leur soient soumis avant de
l’être au Forum politique de haut niveau, ce qui contribuerait à
accroître la transparence et la responsabilité. Ils doivent par
ailleurs être pleinement associés à la définition des priorités nationales
et à la coordination des politiques de mise en œuvre des ODD.
6. Conclusions
75. L’ordre international fondé
sur le multilatéralisme, dont les Nations Unies sont la pierre angulaire,
est en crise. Des valeurs universelles comme les droits humains
sont de plus en plus battues en brèche. Il est important que les
Nations Unies, en tant qu’organisation d’envergure planétaire, puisse
s’appuyer dans ses travaux sur des partenaires régionaux, en particulier
lorsque ces partenaires sont des organisations fondées sur des valeurs,
comme l’est le Conseil de l’Europe.
76. Le Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui
a été négocié dans un cadre multilatéral large, constitue un bon
exemple de compromis de grande envergure entre des acteurs internationaux.
Sa mise en œuvre exigera une mobilisation pleine et entière de toutes
les parties prenantes. La communauté internationale ne peut se permettre
d’échouer dans la réalisation des objectifs de développement durable:
cela irait à l’encontre des principes de multilatéralisme et d’interdépendance
mondiale et, qui plus est, menacerait l’avenir de l’humanité.
77. Le Conseil de l’Europe, important acteur multilatéral au niveau
européen, se doit de coopérer plus activement aux efforts déployés
par les Nations Unies pour relever les grands défis mondiaux, notamment
en apportant son concours à la mise en œuvre du Programme de développement
durable à l’horizon 2030. Ce Programme constitue une avancée majeure
en ce qu’il affirme clairement que les questions qui touchent aux droits
humains, à l’État de droit et à une bonne gouvernance s’appuyant
sur des institutions démocratiques, questions qui sont au cœur des
activités du Conseil de l’Europe, font partie intégrante de la notion
de développement durable au sens large. Ses normes novatrices, qui
peuvent servir d’indicateurs, mériteraient d’être pleinement mises
à profit pour rendre compte des progrès accomplis.
78. Les parlements nationaux doivent œuvrer activement à la réalisation
des ODD, tant dans la définition des priorités que dans l’évaluation
des résultats obtenus.
79. En conséquence, je formule des propositions d’action dans
les projets de résolution et de recommandation.