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Avis de commission | Doc. 14853 | 01 avril 2019

Évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. André VALLINI, France, SOC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 4246 du 23 novembre 2018. Commission chargée du rapport : Commission des questions politiques et de la démocratie. Voir Doc. 14659. Avis approuvé par la commission le 4 mars 2019. 2019 - Commission permanente de mai

A. Conclusions de la commission

(open)
1. La commission des questions juridiques et des droits de l'homme félicite le rapporteur de la commission des questions politiques et de la démocratie, M. Bogdan Klich (Pologne, PPE/DC), pour son rapport exhaustif et soutient dans l'ensemble le projet de résolution qui a été proposé.
2. Le 21 juin 2011, l’Assemblée parlementaire a octroyé au Parlement marocain le statut de partenaire pour la démocratie (voir Résolution 1818 (2011)). La commission des questions juridiques et des droits de l'homme avait préalablement appuyé la demande en ce sens du Parlement du Maroc, tout en soulignant la nécessité de poursuivre la réforme constitutionnelle, d’adhérer à certaines conventions du Conseil de l’Europe et de respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales dans le pays 
			(1) 
			Voir
l’avis de la commission sur «La demande de statut de Partenaire
pour la Démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire présentée
par le Parlement du Maroc» (rapporteur: M. Arcadio Díaz Tejera,
Espagne, SOC), Doc. 12646.. A deux reprises, en juin 2013 et 2015, l’Assemblée a procédé à l’évaluation de ce partenariat dans ses Résolutions 1942 (2013) et 2061 (2015) 
			(2) 
			Résolutions
sur «L'évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le
Parlement du Maroc», adoptées respectivement les 25 juin 2013 et
23 juin 2015, voir Doc.
13230 (rapporteur: M. Luca Volontè, Italie, PPE/DC) et Doc. 13807
(rapporteur: M. Bogdan Klich, Pologne, PPE/DC)., auxquelles la commission a également contribué par un avis 
			(3) 
			Doc. 13244 et Doc. 13826 (rapporteur: M. Jordi Xuclà, Espagne, ADLE)..
3. Comme l’a souligné la commission des questions politiques et de la démocratie, depuis 2011, la coopération entre le Parlement du Maroc et l’Assemblée s’est renforcée et le Maroc a poursuivi, avec succès, des réformes visant à renforcer la gouvernance démocratique.
4. C’est pourquoi, la commission souhaite proposer certains amendements afin de renforcer davantage le projet de résolution concernant les aspects relatifs aux droits de l’homme afin d’encourager les autorités marocaines à garantir l’effectivité des droits et des libertés fondamentales inscrits dans la Constitution de 2011. Entre outre, vu que la commission a examiné régulièrement les questions liées à la peine de mort au Maroc, sur la base de documents d’information présentés par son rapporteur général sur l’abolition de la peine de mort 
			(4) 
			Voir notamment la note
d’information révisé «Abolition de la peine de mort dans les États
membres et observateurs du Conseil de l’Europe, au Bélarus et dans
les pays dont les parlements ont un statut coopératif – état des
lieux» de l’ancien membre de la commission, M. Yves Cruchten (Luxembourg,
SOC), AS/Jur (2018) 44, 3 octobre 2018, déclassifiée., elle souhaiterait encourager les autorités marocaines à abolir entièrement la peine capitale.

B. Amendements proposés

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

Au paragraphe 5.1, après la première phrase, insérer la phrase suivante:

«Néanmoins, l’Assemblée est toujours inquiète du fait que les tribunaux marocains continuent de prononcer la peine de mort.»

Amendement B (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 5.1, ajouter la phrase suivante:

«Elle encourage également les autorités marocaines à signer et à ratifier le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort;»

Amendement C (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 6.3, ajouter la phrase «et encourage les autorités marocaines à finaliser rapidement la mise en œuvre de ces mécanismes;»

Amendement D (au projet de résolution)

Au paragraphe 6.4, remplacer les mots «et à garantir le respect de la liberté d’expression, de la liberté de presse et du droit d’association» par les mots «, les médias et les Nations Unies et à garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi qu’à assurer aux défenseurs des droits de l’homme, à la société civile et aux médias un environnement propice à leur action;».

Amendement E (au projet de résolution)

Après le paragraphe 6.4, insérer le nouveau paragraphe suivant:

«demande aux autorités marocaines de renforcer davantage les efforts déployés pour le traitement des sujets d’inquiétude évoqués au paragraphe 5 de la Résolution 2061 (2015)

C. Exposé des motifs, par M. André Vallini, rapporteur pour avis

(open)
1. Je ne peux que féliciter M. Klich pour son rapport, qui dresse le bilan des réformes menées au Maroc entre juin 2015 et octobre 2018 et de la mise en œuvre des engagements politiques souscrits par son parlement en juin 2011. Avec l’adoption de la quasi-totalité des lois organiques prévues par la Constitution de 2011, ce pays a fait de réels progrès dans le domaine de l’État de droit et quant à l’instauration des institutions chargées de la promotion des droits de l’homme. En outre, le partenariat pour la démocratie avec l’Assemblée fonctionne de manière satisfaisante.
2. Je souhaiterais néanmoins proposer quelques modifications au projet de résolution, afin d’en compléter les aspects liés au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales au Maroc. Dans ses avis sur les deux rapports précédents de la commission des questions politiques et de la démocratie de 2013 et 2015 
			(5) 
			Voir plus haut la note
4., notre ancien collègue de la commission M. Jordi Xuclà avait souligné un certain nombre de préoccupations en matière de droits de l’homme. Malheureusement, la plupart d’entre elles demeurent valables aujourd’hui, à la lumière des informations provenant des médias et des rapports des Nations Unies et de plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) internationales et nationales de premier plan. En outre, je souhaiterais que nous encouragions davantage les autorités marocaines à abolir entièrement la peine de mort, un engagement auquel le parlement marocain a souscrit en devenant un partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée en 2011.

1. Amendement A (au projet de résolution)

Note explicative

3. Cet amendement tend à souligner qu’en dépit de la mise en œuvre depuis 1993 d’un moratoire de fait sur les exécutions, les tribunaux marocains continuent de prononcer des condamnations à mort, comme indiqué dans le dernier rapport de M. Klich 
			(6) 
			Doc. 14659, paragraphe 14.. Selon le rapport d’Amnesty International sur les condamnations à mort et les exécutions en 2017 (paru en avril 2018), il s’agit d’au moins 95 personnes et la Coalition mondiale contre la peine de mort (World Coalition against the Death Penalty) estime aussi que 95 personnes demeurent sous le coup de cette peine 
			(7) 
			Au
4 février 2019, voir <a href='http://www.worldcoalition.org/Morocco'>www.worldcoalition.org/Morocco</a>..
4. Selon Amnesty International, en 2015, neuf personnes ont été condamnées à mort au Maroc et au Sahara occidental 
			(8) 
			Amnesty International,
Condamnations à mort et exécutions 2015, p. 66. . En 2016, ce chiffre s’élevait à six et certains condamnés à mort ont bénéficié de commutation ou de grâces 
			(9) 
			Amnesty International,
Condamnations à mort et exécutions 2016, p. 6-7. . En 2017, au moins 15 personnes ont été condamnées à mort et les autorités ont accordé quatre commutations de peine 
			(10) 
			Amnesty International, <a href='https://amnestyfr.cdn.prismic.io/amnestyfr%2F6618b178-7aef-4c68-a2b0-cf6379dc4db2_act_50_7955_2018_rapport_peine_de_mort_2018.pdf'>Condamnations
à mort et exécutions 2017</a>, p. 33 et 36. . D’autres condamnations ont été également prononcées dans le courant de 2018. 
			(11) 
			Au moins huit, fin
septembre. Voir L. Hallaoui, HUffPost
Maroc, <a href='https://www.huffpostmaghreb.com/entry/abolition-de-la-peine-de-mort-le-maroc-appele-a-voter-la-resolution-onusienne-dun-moratoire-sur-les-executions_mg_5c068f12e4b07aec5752c80d'>Abolition
de la peine de mort: Le Maroc appelé à voter la résolution onusienne
d’un moratoire sur les exécutions,</a> 4 décembre 2018. En janvier 2019, le roi a gracié un prisonnier condamné à mort 
			(12) 
			<a href='https://www.peinedemort.org/zonegeo/MAR/Maroc'>www.peinedemort.org/zonegeo/MAR/Maroc</a>.
5. Dans le nouveau projet de Code pénal, la peine capitale reste prévue pour 11 crimes 
			(13) 
			Doc. 14659, paragraphe 15.. En décembre 2016, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies s’est inquiété des propositions de modifications du Code pénal visant à étendre le champ de l’application de la peine de mort à trois nouvelles catégories de crimes (malgré une réduction d’infractions passibles de peine capitale); ces inquiétudes ont été réitérées par Amnesty International en septembre 2017 
			(14) 
			Nations Unies, Comité
des droits de l’homme, Observations finales concernant le sixième
rapport périodique du Maroc, CCPR/C/MAR/CO/6, 1er décembre
2016, paragraphe 19, et Amnesty International, <a href='https://www.amnesty.org/fr/documents/mde29/7141/2017/fr/'>déclaration
publique</a> du 21 septembre 2017. . Le 17 décembre 2018, lors du vote à l’Assemblée générale des Nations Unies sur sa dernière (septième résolution) sur un moratoire sur l’application de la peine de mort 
			(15) 
			A/RES/73/175., la délégation du Maroc s’est abstenue de voter.

2. Amendement B (au projet de résolution)

Note explicative

6. L’amendement a pour objet d’encourager les autorités marocaines à signer et à ratifier le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies à New York le 15 décembre 1989. Rappelons que cet instrument juridique, auquel 86 États sont Parties, prohibe les exécutions et engage les États Parties à «prendre toutes les mesures voulues pour abolir la peine de mort dans le ressort de sa juridiction». Une adhésion éventuelle du Maroc à ce protocole facultatif constituerait un pas en avant dans le processus de l’abolition de la peine capitale et démontrerait davantage son engagement dans ce domaine 
			(16) 
			Voir aussi, CCPR/C/MAR/CO/6, op. cit., paragraphe 20..

3. Amendement C (au projet de résolution)

Note explicative

7. Cet amendement vise à encourager les autorités marocaines à finaliser rapidement l’instauration du Mécanisme national de prévention de la torture (MNPT) au sein du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), prévue par la loi no 76-15 de février 2018 (voir paragraphe 51 du rapport de M. Klich), notamment au vu des allégations de torture et traitements inhumains et dégradants ou l’utilisation d’aveux obtenus à la suite de tels traitements (voir ci-dessous), ainsi que la mise en œuvre d’autres dispositions prévues par ladite loi.

4. Amendement D (au projet de résolution)

Note explicative

8. Cet amendement cherche à souligner que les points concernant le respect des droits de l’homme ont été rapportés non seulement par la société civile, mais aussi par les organes des Nations Unies et les médias. En outre, il convient d’appeler les autorités marocaines à respecter non seulement la liberté d’expression, la liberté de la presse et le droit d’association, mais tous les droits de l’homme et libertés fondamentales (tels que garantis dans les instruments juridiques internationaux auxquels la Maroc a adhéré). En outre, cet amendement met l’accent sur la nécessité d’assurer aux défenseurs des droits de l’homme, à la société civile et aux médias un environnement propice à leur action, vu les cas et les problèmes mentionnés ci-dessus (voir Amendement E).

5. Amendement E (au projet de résolution)

Note explicative

9. Cet amendement tend à mettre l’accent sur la situation des droits de l’homme au Maroc. Dans sa Résolution 2061 (2015), l’Assemblée s’est montrée préoccupée par «l’insuffisance de progrès relatifs aux sujets d’inquiétude évoqués» dans la Résolution 1942 (2013), tels que le recours à la torture, les traitements inhumains ou dégradants, les mauvaises conditions de détention, les violations des libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique 
			(17) 
			Paragraphe 5.12 de
la Résolution 2061 (2015).. Selon les informations provenant des Nations Unies, des ONG internationales et nationales militant en faveur des droits de l’homme et des médias, ces questions sont toujours d’actualité.
10. En ce qui concerne la torture et les traitements inhumains ou dégradants à l’encontre des personnes privées de liberté, plusieurs cas ont été reportés en dépit de l’adhésion du Maroc, en novembre 2014, au Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Des allégations graves d’abus à cet égard continuent d’être signalées 
			(18) 
			Amnesty International,
Rapport 2017/2018: Maroc et Sahara occidental, p. 307-308.. En octobre 2017, le Sous-comité pour la prévention de la torture (SPT) des Nations Unies a effectué sa première visite dans le pays, afin d’apporter son conseil et appui pour l’établissement d’un mécanisme national de prévention de la torture. Dans ses observations de décembre 2016, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies demeurait préoccupé par la persistance d’allégations d’actes de torture ou de mauvais traitements perpétrés par des agents de l’État au Maroc et au Sahara occidental, en particulier sur des personnes soupçonnées de terrorisme, ou de menace à la sûreté de l’État ou l’intégrité territoriale 
			(19) 
			CCPR/C/MAR/CO/6, op. cit., paragraphe 23.. Le rapport 2017/2018 d’Amnesty International dénonce de nouveau de telles allégations ainsi que l’existence d’une culture d’impunité 
			(20) 
			Amnesty International,
voir plus haut la note no 19. Rappelons
que dans un rapport de mai 2015, <a href='http://www.amnestyusa.org/research/reports/shadow-of-impunity-torture-in-morocco-and-western-sahara'>Shadow
of impunity: torture in Morocco and Western Sahara</a>, Amnesty International a examiné 173 allégations d’actes
de torture et autres mauvais traitements entre 2010 et 2014.. Selon cette ONG, les tribunaux ont retenu à titre de preuve à charge des déclarations faites en détention en l’absence d’un avocat, sans enquêter en bonne et due forme sur les allégations selon lesquelles ces déclarations auraient été arrachées sous la torture et d’autres mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre. Cela aurait été le cas notamment lors du procès des leaders du Hirak (mouvement de protestation socioéconomique né en 2016 dans la région du Rif). En juin 2018, 53 activistes de ce mouvement ont été condamnés en première instance à des peines allant jusqu’à 20 ans de prison. Le tribunal a retenu comme preuves les «aveux» des accusés, qui ont essayé de les réfuter en alléguant que ces «aveux» avaient été obtenus sous la contrainte, et n’a pas expliqué pourquoi il avait écarté des rapports médicaux suggérant qu’au moins une partie des accusés avaient subi des violences policières pendant ou après leurs arrestations 
			(21) 
			Human
Rights Watch, Maroc: Des verdicts entachés par des soupçons de torture,
30 novembre 2018.. En outre, des allégations de torture ont été écartées dans d’autres procès, notamment dans l’affaire des affrontements meurtriers en 2010 à Gdim Izik (Sahara occidental) 
			(22) 
			Amnesty
International, voir plus haut la note no 19,
p. 307..
11. En outre, selon Amnesty International, les autorités n’ont pris aucune mesure pour remédier à l’impunité dont bénéficiaient les auteurs de graves violations perpétrées au Maroc et au Sahara occidental entre 1956 et 1999 (pratique systématique de la torture, disparitions forcées et exécutions extrajudiciaires) 
			(23) 
			Voir aussi Conseil
des droits de l’homme, Groupe de travail sur l’Examen périodique
universel, Résumé des communications des parties prenantes concernant
le Maroc, A/HRC/WG.6/27/MAR/3, paragraphes 26-28..
12. Concernant les conditions de détention, fin 2016, elles ne semblaient toujours pas conformes aux normes et principes des Nations Unies relatifs aux établissements pénitentiaires, notamment en raison du recours excessif à la détention provisoire, la moitié des personnes incarcérées étant des prévenus 
			(24) 
			Ibid.,
paragraphe 32, et CCPR/C/MAR/CO/6, op.
cit., paragraphes 29-30. . Même si le gouvernement a annoncé de mesures pour résoudre ce problème (notamment un recours aux peines alternatives) 
			(25) 
			Nations Unies, Conseil
des droits de l’homme, Rapport national présenté conformément au
paragraphe 5 de l’annexe à la Résolution 16/21 du Conseil des droits
de l’homme, A/HRC/WG.6/27/MAR/1, paragraphes 57-59., le problème de la surpopulation des établissements pénitentiaires a été soulevé lors de l’Examen périodique universel de juillet 2017 
			(26) 
			Nations Unies, Conseil
des droits de l’homme, Rapport du Groupe de travail sur l’Examen
périodique universel. Maroc, A/HRC/36/6, 13 juillet 2017, voir notamment
la Recommandation 144.103..
13. Concernant la liberté d’expression, des peines de prison pour plusieurs délits d’expression non-violente (contre l’Islam, la monarchie ou remettant en cause l’intégrité territoriale) sont toujours maintenues dans le Code pénal, malgré le fait que le Code de la presse et de l’édition de 2016 a éliminé ces peines. Certains journalistes, blogueurs et militants ont fait l’objet de poursuites pénales et ont été placés en détention pour avoir publiquement critiqué les autorités ou relayé des informations sur des violations des droits de l’homme (notamment dans le Sahara occidental), des actes de corruption ou des manifestations populaires, notamment celles dans le Rif 
			(27) 
			Amnesty International,
voir plus haut la note no 19, p. 305-306.. Les dispositions pénales sur les infractions liées à la sûreté de l’État ainsi que la législation antiterroriste sont vagues et servent souvent de prétexte pour mettre en accusation et condamner des journalistes ou des militants. Par exemple, le journaliste Hamid El Mahdaoui, critique connu du gouvernement, a été condamné à deux peines d’emprisonnement – une fois pour avoir «incité des citoyens à participer à une manifestation interdite» et l’autre fois pour «avoir omis de signaler une menace sécuritaire» 
			(28) 
			Ibid. et Human Rights Watch, Rapport
Mondial 2019, Maroc/Sahara occidental. Événements de 2018. . Sept personnes, dont des militants, des journalistes et l’universitaire Maâti Monjib, ont été accusés d’«atteintes à la sûreté de l’État» pour avoir fait la promotion d’une application mobile de journalisme citoyen protégeant la confidentialité de ses utilisateurs 
			(29) 
			FIDH, Maroc: trois
ans de harcèlement à l’encontre de Maâti Monjib et de six défenseurs
des droits humains, 3 avril 2018. , et le journaliste Ali Anouzla – d’«apologie du terrorisme, assistance et incitation au terrorisme» en raison d’un article publié sur internet. 
			(30) 
			Amnesty International,
voir plus haut la note no 19, p. 305. En outre, le 4 décembre 2018, la journaliste Nazhla el Khalidi, membre du collectif sahraoui Équipe Media (fondé en 2009 pour documenter et diffuser des informations sur les violations des droits de l’homme au Sahara Occidental) a été arrêtée pendant quelques heures par la police de Laâyoune (Sahara occidental) alors qu’elle filmait les violences policières visant les participants d’une manifestation; elle prétend avoir été agressée par la police lors de son arrestation 
			(31) 
			<a href='https://www.fidh.org/fr/themes/defenseurs-des-droits-humains/maroc-detention-arbitraire-de-nazha-el-khalidi-journaliste-et-membre'>www.fidh.org/fr/themes/defenseurs-des-droits-humains/maroc-detention-arbitraire-de-nazha-el-khalidi-journaliste-et-membre.</a>. En janvier 2019, un autre membre de l’Équipe Media, Mohamed Mayara, aurait été agressé physiquement par la police à l’aéroport de Laâyoune, alors qu’il rentrait d’une visite des camps de réfugiés sahraouis 
			(32) 
			FIDH, Maroc/Sahara
Occidental: Mohamed Mayara agressé par des policiers à l’aéroport
de Laâyoune, 24 janvier 2019. .
14. Le respect des libertés d’association et de réunion pacifique continuent également de poser problème. Les autorités entravent l’enregistrement de plusieurs nouvelles organisations, notamment si ces dernières sont jugées critiques à l’égard des politiques et des pratiques gouvernementales 
			(33) 
			A/HRC/WG.6/27/MAR/3,
voir plus haut la note no 24, paragraphe
43.. En outre, entre janvier 2017 et juillet 2018, elles ont empêché la tenue de 16 événements organisés par des sections locales de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), en refusant l’accès aux participants ou en forçant l’opérateur de la salle d’annuler l’événement. Depuis 2015, le gouvernement interdit de fait les missions de recherche d’Amnesty International. Même si les chercheurs de Human Rights Watch ont pu mener de telles missions au Sahara occidental en 2018, ils ont été fréquemment suivis par des voitures avec des hommes en civil à bord 
			(34) 
			Human
Rights Watch, voir plus haut la note no 29.. En mai 2018, deux citoyens suédois et membres d’Emmaus Stockholm, qui soutient l’Association sahraouie des victimes des violations graves des droits de l’homme par l’État marocain (ASVDH) – Caroline Nord et Juan Obregón – ont été arrêtés et interrogés par la police douanière à l’aéroport de Laâyoune et déportés vers Stockholm 
			(35) 
			FIDH, Maroc/Sahara:
Détention arbitraire et déportation de Mme Caroline
Nord et M. Juan Obregón, 15 mai 2018. .
15. La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) a reporté plusieurs cas de harcèlement de défenseurs des droits de l’homme, membres d’ONG œuvrant dans ce domaine. Par exemple, en avril 2018, Zine el Abidine Erradi, membre de l’AMDH Section Paris/Île-de-France, ancien prisonnier politique marocain, réfugié en France, a été arrêté à l’aéroport d’Agadir et a été placé en détention provisoire. En 2016, la Cour d’appel d’Agadir l‘avait condamné in absentia à un an de prison ferme pour «manifestation violente et non autorisée» et «désobéissance civile» 
			(36) 
			<a href='https://www.fidh.org/fr/themes/defenseurs-des-droits-humains/maroc-arrestation-et-etention-arbitraire-de-m-zine-el-abidine-erradi'>www.fidh.org/fr/themes/defenseurs-des-droits-humains/maroc-arrestation-et-etention-arbitraire-de-m-zine-el-abidine-erradi.</a>. En outre, Ettalbi Hafdalla et Babit El Kori, respectivement conseiller juridique et Président de l’association El Ghad pour les Droits de l’Homme (Tomorrow Association for Human Rights), et l’épouse de ce dernier, ont fait l’objet de harcèlement et de menaces de la part d’agents de la police ou d’inconnus. Les dernières menaces qu’ils ont subies étaient liées à l’invitation que Messieurs Hafdalla et El Kori avaient reçue de la part de la Commission européenne pour participer au processus de consultation du peuple sahraoui 
			(37) 
			<a href='https://www.fidh.org/fr/themes/defenseurs-des-droits-humains/maroc-menaces-et-harcelement-contre-mm-ettalbi-hafdalla-et-babit-el'>www.fidh.org/fr/themes/defenseurs-des-droits-humains/maroc-menaces-et-harcelement-contre-mm-ettalbi-hafdalla-et-babit-el.</a>.
16. Concernant la liberté de réunion pacifique, en 2017 et 2018, les ONG ont fait état à de nombreuses reprises du recours excessif à la force par les forces de sécurité pour disperser des manifestations (notamment dans des villes du Sahara occidental comme Laâyoune, Smara, Boujdour et Dakhla) ainsi que d’arrestations de manifestants pacifiques pour des motifs tels que manifestation sans autorisation 
			(38) 
			Cette pratique a déjà
été mise en cause par le Comité des droits de l’homme des Nations
Unies en 2017, voir CCPR/C/MAR/CO/6, op.
cit., paragraphe 46. et agression de policiers. Entre mars et mai 2018, au moins 69 participants aux manifestations socioéconomiques de Jerada, dans le nord-est du pays, ont été arrêtés. Quant aux manifestations dans le Rif, elles ont mené à l’arrestation de plus de 400 activistes, dont un grand nombre ont été condamnés à des peines allant jusqu’à 20 ans d’emprisonnement pour des atteintes à la sûreté de l’État 
			(39) 
			Human Rights Watch,
voir plus haut la note no 29, et Amnesty
International, note no 19, p. 307. . Selon Amnesty International, la justice n’a pas enquêté sérieusement sur les circonstances de la mort de deux manifestants (Imad El Attabi et Adbelhafid Haddad).
17. De surcroît, le respect du droit à un procès équitable reste également un problème, en particulier dans le contexte de l’utilisation d’aveux obtenus par la torture ou d’autres mauvais traitements ou du refus des tribunaux d’autoriser les avocats de la défense à procéder à un contre-interrogatoire des témoins de l’accusation ou à citer des témoins à décharge (voir ci-dessus). Ces pratiques ont déjà été pointées du doigt par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies 
			(40) 
			CCPR/C/MAR/CO/6,
op. cit., paragraphe 34.. En plus, dans son rapport 2017/2018, Amnesty International indique que plusieurs manifestants, blogueurs et militants ont été condamnés à des peines d’emprisonnement à l’issue de procès iniques sur la base d’accusations fallacieuses (voir notamment les cas du blogueur et du militant sahraouis Walid El Batal et Hamza El Ansari) 
			(41) 
			Amnesty
International, voir plus haut la note no 19,
p. 307.. Rappelons également que le Code de procédure pénale autorise tout accusé à contacter son avocat après 24 heures de garde à vue, ce délai pouvant être prolongé à 36 heures. Néanmoins, les détenus n’ont pas le droit d’être assistés par un avocat lorsqu’ils sont interrogés par la police ou lorsque cette dernière leur présente des déclarations pour signature.