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Rapport | Doc. 14887 | 07 mai 2019

Pour un développement urbain durable propice à l’inclusion sociale

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Sybille BENNING, Allemagne, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14092, Renvoi 4231 du 10 octobre 2016. 2019 - Commission permanente de mai

Résumé

Aujourd’hui en Europe, trois habitants sur quatre vivent dans des zones urbaines. Cet afflux crée une pression sur l’espace disponible, l’emploi et le logement, entraîne des risques de bouleversements et pèse sur l’environnement. Parallèlement, une telle concentration de population est l’occasion d’appliquer des solutions économes en ressources face au changement climatique et aux migrations. Pour tirer parti de ces opportunités, il faut une planification stratégique. Le secteur public doit jouer un rôle actif dans la définition des objectifs, et exercer son rôle d'autorité de planification. Dans certaines circonstances, il doit aussi assumer le rôle d'investisseur et de propriétaire foncier, afin de contrecarrer la déréglementation excessive.

Le développement urbain a besoin d’un service public solide, d’une coopération efficace entre les secteurs public et privé, et de la participation des citoyens. Des stratégies nationales aux incitations fiscales, les gouvernements ont de nombreux outils à leur disposition pour influencer le développement urbain.

Des villes qui savent répondre aux besoins de tous posent les fondations de sociétés prospères. Pour soutenir l’Objectif 11 du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, l’Assemblée parlementaire devrait inviter les États membres du Conseil de l’Europe à veiller à ce que les pouvoirs publics exercent une influence sur le développement urbain, à ce que les principes des droits de l’homme et du développement durable sous-tendent les politiques concernées et à ce que des approches participatives soient privilégiées pour décider du futur des villes en Europe.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adoptée à l’unanimité par la commission le 19 mars
2019.

(open)
1. Les villes qui répondent aux besoins de tous posent les fondations de sociétés prospères et pacifiques. Les États membres du Conseil de l’Europe doivent tirer parti de la dynamique politique créée par le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies pour promouvoir leurs réalisations, combler les lacunes qui subsistent en construisant des communautés urbaines inclusives et ainsi, réaliser l’Objectif de développement durable 11.
2. Avec l’urbanisation rapide de nos sociétés, il est important de saisir pleinement les nouvelles occasions et de minimiser les risques. Aujourd’hui, près de 75 % de la population européenne vit dans des zones urbaines – un chiffre qui devrait dépasser les 80 % d’ici 2050. D’une part, les villes permettent des économies d’échelle, une utilisation efficace des ressources, l’innovation sociale, le dialogue interculturel et la solidarité. D’autre part, elles génèrent de la pollution et d’autres charges sur l’environnement. L’afflux de population exerce une pression sur l’espace disponible et le marché de l’emploi et du logement, ce qui peut entraîner et entraîne effectivement exclusion, ségrégation et troubles sociaux.
3. L’Assemblée parlementaire est préoccupée par l’étalement urbain qui exerce une pression massive sur l’environnement et nuit à la qualité de vie dans les zones urbaines. Les villes sont de plus en plus affectées par le réchauffement planétaire, auquel elles contribuent aussi de façon importante. Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement, les villes sont responsables de 75 % des émissions mondiales de CO2. La pollution atmosphérique cause chaque année des centaines de milliers de décès prématurés en Europe.
4. Le développement urbain implique souvent la prise en compte de besoins et d’intérêts contradictoires et nécessite des mécanismes efficaces de négociation et de prise de décision. Les objectifs du développement économique peuvent, mais ne doivent pas, entrer en conflit avec la protection de l’environnement. Dans les villes, les nouveaux arrivants sont souvent perçus comme une menace pour le bien-être de la population déjà installée. À défaut de résoudre rapidement ces problèmes et de trouver des solutions viables qui répondent aux préoccupations de chacun, ce sont la désillusion vis-à-vis des institutions démocratiques, les actions de protestation et la violence qui nous guettent.
5. Dans ce contexte, l’Assemblée note avec préoccupation que, dans de nombreux pays, le secteur public se désengage en tant que propriétaire foncier, investisseur et autorité de régulation, ce qui réduit sa capacité à déterminer l’espace public. L’Assemblée déplore, en outre, le manque de transparence et de responsabilité dans la prise de décisions en matière de développement urbain telle qu’elle existe aujourd’hui.
6. Il devrait être entendu que tous les partenaires clés unissent leurs forces et créent des synergies. Les gouvernements, les parlementaires, les collectivités locales et régionales et les organisations non gouvernementales ont des rôles complémentaires et doivent travailler en étroite collaboration.
7. Les États membres du Conseil de l’Europe devraient utiliser les engagements mondiaux et européens en faveur du développement durable comme cadre d’orientation et incitation à agir. L’Assemblée souscrit pleinement à l’Objectif de développement durable 11 des Nations Unies qui vise à «faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables» et au nouveau Programme pour les villes approuvé en 2016 par l’Assemblée générale des Nations Unies, qui représente «une vision commune pour un monde meilleur et durable – un monde dans lequel les individus peuvent profiter des mêmes droits et bénéficier équitablement des opportunités offertes par la ville». L’Assemblée rappelle que la Charte urbaine européenne II, adoptée par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe en 2008, souligne que les villes sont des carrefours de civilisation; des espaces de rencontre où les différences peuvent librement se rencontrer et s’exprimer dans le respect mutuel.
8. Le Conseil de l’Europe offre une plateforme unique pour partager les bonnes pratiques et établir des normes communes en matière de gouvernance démocratique au niveau européen par le biais de ses institutions – Comité des Ministres, Assemblée parlementaire, Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et Conférence des organisations internationales non gouvernementales – et cette plateforme devrait être renforcée.
9. L’Assemblée est convaincue que le développement urbain durable doit se concentrer avant tout sur les personnes et elle se félicite de l’émergence des «Villes des droits humains», qui ont adopté les principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme comme normes directrices de la gouvernance. Le développement durable, les droits humains et le dialogue interculturel sont intrinsèquement liés. La ville devrait être un incubateur où ces approches se nourrissent et se renforcent mutuellement.
10. À la lumière de ce qui précède, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
10.1. en ce qui concerne le droit interne:
10.1.1. à élaborer et à renforcer les politiques et stratégies nationales pour un développement urbain inclusif et durable;
10.1.2. à veiller à ce que le secteur public dispose d’une influence et d’un pouvoir réglementaire suffisants;
10.1.3. à mettre en place des mesures incitatives et à réduire les obstacles qui empêchent les collectivités locales de donner la priorité à la cohésion sociale dans leurs projets de développement urbain;
10.1.4. à promouvoir un développement urbain fondé sur les droits humains pour que personne ne soit laissé de côté et à prêter attention aux besoins spécifiques des enfants, des personnes âgées, des femmes, des migrants et des réfugiés, des pauvres et des personnes handicapées;
10.1.5. à créer un environnement juridique et institutionnel propice au développement urbain durable, y compris à des initiatives locales;
10.1.6. à promouvoir une utilisation mixte de l’espace urbain, combinant logement, emploi et loisirs, afin de réduire l’utilisation des transports et d’améliorer la qualité de vie;
10.1.7. à utiliser la planification du développement urbain pour faciliter l’interaction entre les différents groupes de population en appliquant, par exemple, des quotas de logements sociaux dans les grands projets immobiliers;
10.1.8. à soutenir la recherche sur le développement urbain durable, inclusif et fondé sur les droits humains;
10.1.9. à promouvoir la solidarité – intra-muros, avec les zones environnantes et avec les villes partenaires à l’étranger – au moyen de mécanismes de redistribution, de la «diplomatie des villes» et d’autres moyens appropriés;
10.1.10. à promouvoir la bonne gouvernance conformément aux 12 Principes de bonne gouvernance démocratique du Conseil de l’Europe;
10.2. en ce qui concerne la participation:
10.2.1. à promouvoir le dialogue social et la participation des citoyens à la définition des principes d’un développement urbain de qualité, à la mise en place des politiques correspondantes et au suivi et à l’évaluation de leur mise en œuvre;
10.2.2. à utiliser pleinement les outils de la démocratie électronique pour permettre une participation transparente et inclusive de la population à la gouvernance locale;
10.2.3. à veiller à ce que les élections locales soient un moyen efficace de représenter les besoins divers de la population, y compris ceux des groupes vulnérables;
10.2.4. à prendre en considération les Recommandations du Comité des Ministres sur les Lignes directrices pour la participation civile à la prise de décision politique (CM(2017)83-final) et sur la participation des citoyens à la vie publique au niveau local (CM/Rec(2018)4);
10.2.5. à promouvoir et à utiliser la Charte européenne révisée sur la participation des jeunes à la vie locale et régionale (Recommandation 128 (2003) du Congrès), l’outil d’évaluation de la participation des enfants du Conseil de l’Europe et la version adaptée aux enfants du Programme urbain «Les villes de nos rêves» élaboré par le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies chargée de la violence à l’encontre des enfants, en coopération avec d’autres partenaires;
10.3. en ce qui concerne leurs engagements au niveau du droit international:
10.3.1. à adopter et à promouvoir le Code de conduite européen pour toutes les personnes participant à la gouvernance locale et régionale (Résolution 433 (2018) du Congrès);
10.4. en ce qui concerne la coopération internationale:
10.4.1. à participer au Programme des cités interculturelles du Conseil de l’Europe, qui aide les villes à réviser et à développer des stratégies interculturelles globales;
10.4.2. à utiliser pleinement les possibilités de coopération offertes par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, le Comité européen sur la démocratie et la gouvernance (CDDG) et le Centre d’expertise pour la bonne gouvernance;
10.4.3. à tirer parti des possibilités de soutien que la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) offre à ses États membres et à leurs collectivités locales par le biais de financements, d’une assistance technique et de partenariats pour une croissance durable et inclusive, d’actions en faveur du climat et de l’intégration des réfugiés, des personnes déplacées et des migrants;
10.4.4. à participer au Prix de l’Europe, qui est la plus haute distinction qui puisse être décernée à une ville européenne pour ses actions dans le domaine européen.
11. L’Assemblée invite les parlements nationaux (et le cas échéant, les parlements régionaux):
11.1. à soutenir les actions visant à atteindre l’Objectif de développement durable 11 des Nations Unies en mettant en place des cadres législatifs ainsi qu’un contrôle budgétaire et démocratique;
11.2. à réaffirmer leur attachement à une approche du développement urbain fondée sur les droits humains en cherchant systématiquement à analyser les inégalités et à compenser les pratiques discriminatoires et les répartitions inéquitables des pouvoirs;
11.3. à encourager un débat public inclusif et à soutenir le développement de mécanismes décisionnels efficaces et transparents pour le développement urbain.

B. Exposé des motifs, par Mme Sybille Benning, rapporteure

(open)

1. Introduction: Pour un développement urbain durable – un espace de vie sain propice à une société inclusive

1. En Europe comme ailleurs, l’urbanisation est une tendance évidente, avec des mouvements de population marqués vers les métropoles et les zones urbaines très attractives, comme les villes universitaires 
			(2) 
			Près
de 75 % des Européens vivent déjà dans des zones urbaines et ils
devraient être plus de 80 % d’ici à 2050. Source: Eurostat, Urban
Europe – statistics on cities, towns and suburbs, p. 8-9.. Comment expliquer l’attractivité des villes? Il est vrai que, bien souvent, c’est dans les zones urbaines densément peuplées que se trouvent les meilleures possibilités économiques, sociales et culturelles, ce qui explique l’afflux des jeunes et des migrants en particulier 
			(3) 
			Eurostat, Urban Europe
–- statistics on cities, towns and suburbs, p. 14.. Or dans les villes, cet afflux exerce une forte pression sur les emplois disponibles et sur le marché du logement – avec des risques élevés de bouleversements sociaux et de ségrégation sociale.
2. D’un point de vue environnemental, l’urbanisation a ses bons et ses mauvais côtés. Si les villes sont synonymes de plus de pollution, d’artificialisation du sol et de charges accrues sur l’environnement, les zones urbaines où la densité du bâti est forte offrent aussi de nombreuses possibilités de rationaliser l’utilisation des ressources 
			(4) 
			Ibid.,
p. 13. et donc de répondre durablement au changement climatique et aux enjeux démographiques 
			(5) 
			K.Ø. Johnsen, The impact
of European population dynamics on migration policies, rapport,
3 octobre 2016..
3. Vous vous demandez peut-être pourquoi l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui défend les droits humains, la démocratie et l’État de droit, s’intéresse au développement urbain. Pour ma part, je suis convaincue qu’une société démocratique résiliente où les droits humains de tous sont respectés a besoin d’institutions transparentes et efficaces et ne peut prospérer que dans un environnement sain. En participant aux processus d’aménagement de leurs villes et communes, les citoyens exercent un droit civil. Les conditions préalables à leur participation sont une bonne qualité de vie, des espaces publics où ils peuvent se rencontrer et une bonne mixité sociale. Si nous voulons relever efficacement l’un des plus grands défis de notre époque – le changement climatique –, nous avons impérativement besoin d’une société civile saine et à cet égard, l’Assemblée peut jouer un rôle important en promouvant les politiques pertinentes, en coopération avec d’autres partenaires comme le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe et la Conférence des organisations internationales non gouvernementales.
4. Il convient de rappeler que le Congrès a énoncé les principes fondamentaux de la gouvernance locale dans la Charte européenne de l’autonomie locale (STE no 122) – principes qui doivent être appliqués de façon cohérente dans le développement urbain – et qu’il travaille en étroite collaboration avec les collectivités locales et régionales dans toute l’Europe pour les mettre en œuvre. La Charte, que tous les États membres du Conseil de l’Europe ont ratifiée, souligne l’importance d’une définition claire des pouvoirs des collectivités locales, de la dotation en ressources financières suffisantes, du renforcement des capacités et de procédures de consultation efficaces. L’Assemblée promeut la Charte par le biais de son action parlementaire et de ses activités de suivi. Dans ses Résolutions 2242 (2018) sur le rôle des parlements nationaux pour assurer le succès des processus de décentralisation et 1964 (2013) sur la bonne gouvernance des grandes métropoles, elle souligne respectivement le rôle des parlements comme garants d’une décentralisation réussie et l’importance de la promotion de la participation des citoyens au niveau local.
5. Le présent rapport explore les meilleurs exemples d’urbanisme en Europe – des villes qui se montrent proactives et réussissent à créer des quartiers durables sur les plans économique, social et environnemental. Les facteurs suivants ont été pris en compte: développement équilibré des quartiers denses, nouvelles manières de penser la mobilité durable, concepts d’aménagement orientés vers un habitat urbain de qualité et accessible, espaces publics bien pensés, participation de la collectivité et connexion entre la ville et la région où elle est implantée. Le rapport formule des recommandations sur la manière dont les gouvernements nationaux peuvent faciliter de telles initiatives aux niveaux régional et local.
6. En juillet 2018, M. Joachim Schultz-Granberg, expert externe, a été chargé d’examiner ces questions. Les résultats de ses recherches ont été présentés à la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable lors sa réunion du 18 septembre 2018 à Lisbonne et ont servi de base au présent document. En octobre 2018, j’ai effectué une visite d’information à Zurich qui m’a permis d’étudier des pratiques et approches suisses novatrices en matière de développement urbain.

2. Le développement urbain durable dans le contexte mondial

7. Avant toute chose, je voudrais souligner tout particulièrement les objectifs de développement durable des Nations Unies, notamment parce que le groupe de haut niveau sur les Objectifs de développement durable (ODD) a déclaré que «la bataille pour le développement durable sera gagnée ou perdue dans les villes». L’objectif spécifique en question est l’ODD 11 – Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables. À la Conférence Habitat III de Quito (Pérou) en 2016, les Nations Unies ont adopté le Nouveau programme pour les Villes, une feuille de route mondiale pour le développement urbain durable qui devrait aussi guider nos efforts en Europe: penser globalement et agir localement.
8. De plus, je considère le logement stable comme un facteur essentiel pour le développement positif de l’enfant et les relations familiales, alors qu’un logement qui ne répond pas aux normes a des effets négatifs sur la santé de tous les individus. Le fait que 828 millions de personnes dans le monde vivent dans des logements insalubres est alarmant 
			(6) 
			PNUD
2018, <a href='https://www.un.org/development/desa/family/wp-content/uploads/sites/23/2018/05/BAHIRA.SDG11.pdf'>www.un.org/development/desa/family/wp-content/uploads/sites/23/2018/05/BAHIRA.SDG11.pdf</a>.. Voilà pourquoi une partie substantielle du rapport traitera de la question du logement.

3. Les villes européennes – préserver notre héritage partagé et répondre aux défis à venir

9. Il faut comprendre la ville dans son contexte géographique plus large – la ville se développe dans un espace régional, national et européen. En ce qui concerne les espaces de vie sains, l’Europe jouit d’un patrimoine commun d’un grand intérêt. La ville européenne traditionnelle, avec ses places de marché et son mélange de zones résidentielles et commerciales, favorise l’interaction sociale et offre à ses citoyens une bonne qualité de vie. La proximité est l’un de ses atouts majeurs. Ces centres urbains ont été préservés et rénovés pendant des siècles. Notre tâche aujourd’hui est de trouver des réponses innovantes à la pression de l’afflux de population et aux défis environnementaux.
10. En 2007, les États membres de l’Union européenne ont adopté la Charte de Leipzig sur la ville européenne durable 
			(7) 
			<a href='http://ec.europa.eu/regional_policy/archive/themes/urban/leipzig_charter.pdf'>http://ec.europa.eu/regional_policy/archive/themes/urban/leipzig_charter.pdf</a>., dans laquelle ils s’accordent sur une compréhension commune des principes relatifs à une nouvelle politique de développement urbain en Europe. La stratégie consistant à créer des quartiers urbains mixtes regroupant habitations, activités professionnelles et loisirs, également recommandée dans cette Charte, va à l’encontre du droit unilatéral de propriété et de l’affirmation absolue des intérêts individuels. Le développement de l’espace urbain, pour qu’il soit équilibré, passera obligatoirement par la concertation entre les décideurs politiques, les gestionnaires, les entreprises, la société civile et les citoyens. La prévention de l’exclusion et de l’isolement de certains quartiers est aussi une priorité – un message que je soutiens sans réserve.
11. Plus récemment, la déclaration de Davos adoptée en 2018 et intitulée «Vers une culture du bâti de qualité pour l’Europe 
			(8) 
			<a href='https://davosdeclaration2018.ch/'>https://davosdeclaration2018.ch/</a>.» reconnaît le besoin urgent d’améliorer l’environnement bâti en Europe et reconnaît les défis actuels comme l’accélération de l’urbanisation, le recul des zones rurales, la pénurie de ressources et une utilisation irresponsable du sol.

4. Le rôle des villes dans les processus démocratiques

12. Qu’est-ce qui incite les habitants à se sentir responsables de leur cadre de vie et qu’est-ce qui les pousse à participer activement à la vie de la collectivité? Je suis intimement convaincue que l’une des conditions fondamentales est un espace de vie sain et la possibilité de s’impliquer dans son aménagement. Les gens apprécient les bâtiments qui ont un potentiel historique et les espaces publics qui favorisent l’interaction sociale. Des processus participatifs au niveau local sont indispensables pour impliquer les citoyens dans l’aménagement de leur ville tout en étant un moyen efficace de leur faire vivre en direct la démocratie participative. Pour vivre pleinement leur ville, les habitants doivent être des citoyens actifs et informés. Le manque d’espaces publics adaptés et d’occasions de participer socialement et de s’engager de façon citoyenne voit rapidement émerger des foyers de tension sociale marqués par le manque de perspectives d’emploi et la délinquance.
13. Toutefois, pour contrer ces foyers de tension et promouvoir la participation active et l’exercice d’une démocratie locale moderne, il serait souhaitable de mettre en place des conseils élus aux différents niveaux de la prise de décision urbaine. Face à la crise de la représentation politique que traversent de nombreux pays, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux est fermement convaincu que la désaffection croissante du politique doit être combattue au niveau local, comme le prévoit la Charte urbaine II 
			(9) 
			Conseil de l’Europe
2009, Manifeste pour une nouvelle urbanité – Charte urbaine européenne
II (en anglais): <a href='https://5cidade.files.wordpress.com/2011/06/urban-charter_en.pdf'>https://5cidade.files.wordpress.com/2011/06/urban-charter_en.pdf</a>.. Les villes doivent travailler ensemble pour instaurer une démocratie locale ambitieuse. Les technologies de l’information et de la communication doivent être utilisées pour lutter contre la désaffection à l’égard du processus démocratique.
14. En Allemagne, un programme national spécial d’aide aux collectivités territoriales vise à promouvoir la participation civique. L’objectif du «Pacte d’investissement pour l’intégration sociale dans le quartier 
			(10) 
			Investitionspakt «Soziale
Integration im Quartier»: <a href='https://www.investitionspakt-integration.de/'>www.investitionspakt-integration.de/</a> (en allemand).» est de rendre la vie urbaine attrayante et dynamique, et de promouvoir l’intégration sociale de tous les citoyens, notamment en investissant dans des infrastructures d’éducation publiques, des lieux de rencontre, des centres communautaires, des centres commerciaux, des installations sportives, des terrains de jeux et des parcs publics.
15. Nommer des responsables de la gestion de l’intégration (Integrationsmanagement) dans certains quartiers sensibles y est aussi devenu monnaie courante. Là où je vis, à Münster, le quartier proche de la gare centrale est un bon exemple d’une gestion de l’intégration qui aide à concilier des intérêts contradictoires et qui contribue à une plus grande sécurité et à une meilleure qualité de vie.
16. En Islande, Betri Reykjavík (Meilleur Reykjavík) est un réseau social participatif en ligne qui permet aux citoyens de s’exprimer, de débattre et de classer par ordre de priorité les idées avancées pour améliorer leur ville grâce à un dialogue ouvert entre les habitants et le conseil municipal. Betri Reykjavík permet également aux électeurs de peser directement sur la prise de décision 
			(11) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/interculturalcities/-/better-reykjavik'>www.coe.int/en/web/interculturalcities/-/better-reykjavik</a>..
17. Si nous voulons faire en sorte que les politiques de développement urbain répondent aux besoins de tout le monde, y compris les enfants, les femmes, les personnes âgées, les pauvres, les personnes handicapées, les migrants et les réfugiés, nous devons mettre en place des processus de consultation inclusive. Les élections locales devraient aussi prévoir des procédures efficaces pour refléter la diversité des intérêts et des préoccupations de la population en matière de développement urbain. Compte tenu du principe de subsidiarité, la municipalité est tout à la fois décideur politique, fournisseur de services, employeur et gardien des espaces publics et de la participation publique. Les maires jouent un rôle important dans l’élaboration des politiques de développement urbain participatif au niveau supérieur 
			(12) 
			Charaf Ahmimed, Bureau
régional de l’UNESCO pour l’Afrique austral, <a href='https://www.un.org/development/desa/family/wp-content/uploads/sites/23/2018/05/UNDESA-Presentation-on-Inclusive-Cities-16-May-C.Ahmimed.pdf'>www.un.org/development/desa/family/wp-content/uploads/sites/23/2018/05/UNDESA-Presentation-on-Inclusive-Cities-16-May-C.Ahmimed.pdf</a>..
18. Le partage de bonnes pratiques est, en outre, essentiel aux niveaux européen et international. Au sein du Conseil de l’Europe, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe, le Comité européen sur la démocratie et la gouvernance (CDDG) et le Centre d’expertise pour la bonne gouvernance fournissent des outils de travail et des plateformes de coopération qui sont utiles. Le programme des Cités interculturelles aide les villes à revoir leurs politiques dans une perspective interculturelle et à élaborer des stratégies interculturelles globales. La Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) soutient ses pays membres et leurs autorités locales par le biais de financements, d’assistance technique et de partenariats pour une croissance durable et inclusive, l’action climatique et l’intégration des réfugiés, des personnes déplacées et des migrants 
			(13) 
			Voir: Banque de développement
du Conseil de l’Europe (2018), Promoting inclusive growth in cities: <a href='https://coebank.org/media/documents/Technical_Brief_4_Promoting_Inclusive_Growth_in_Cities.pdf'>https://coebank.org/media/documents/Technical_Brief_4_Promoting_Inclusive_Growth_in_Cities.pdf</a>..
19. Les réseaux internationaux offrent encore d’autres possibilités. La Coalition internationale des villes inclusives et durables (ICCAR) est une initiative lancée par l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) en mars 2004 
			(14) 
			<a href='http://www.unesco.org/new/en/harare/social-human-sciences/inclusive-and-sustainable-cities/'>www.unesco.org/new/en/harare/social-human-sciences/inclusive-and-sustainable-cities/</a>.. Le Human Rights Cities Network (Réseau des villes pour les droits humains), soutenu par l’Institut Raoul Wallenberg, a lancé sa plateforme en ligne pour marquer le 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. La plateforme crée une communauté interactive de praticiens des droits humains dans les villes et promeut le développement des droits humains en Europe et au-delà. Les principaux acteurs sont les villes membres invitées et les membres associés, qui partagent de nouvelles idées et reprennent les concepts dans leurs villes 
			(15) 
			<a href='https://humanrightscities.net/who-we-are/'>https://humanrightscities.net/who-we-are/</a>..

5. Une approche du développement urbain fondée sur les droits humains

20. Je suis convaincue que le développement urbain doit miser sur le bien-être des personnes et accorder une attention particulière aux groupes vulnérables. Les droits humains et le développement durable sont intrinsèquement liés et doivent aller de pair au moment de la conception et de la mise en œuvre des politiques de développement urbain.
21. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) définit l’approche fondée sur les droits humains comme un cadre conceptuel pour le processus de développement humain qui repose sur les normes internationales en matière de droits humains et vise à promouvoir et à protéger les droits humains. Elle s’efforce d’analyser les inégalités sous-jacentes des problèmes de développement et de remédier aux pratiques discriminatoires et à la répartition inéquitable des pouvoirs qui entrave le progrès en matière de développement 
			(16) 
			<a href='https://www.unicef.org/policyanalysis/rights/index_62012.html'>www.unicef.org/policyanalysis/rights/index_62012.html</a>..
22. Adoptée en 2011, la «Déclaration de Gwangju sur la ville des droits humains» définit une ville des droits humains comme «une communauté locale et un processus sociopolitique dans un contexte local où les droits humains jouent un rôle central en tant que valeurs fondamentales et principes directeurs». Une ville des droits humains place l’individu au centre. Concrètement, cela revient à permettre à tous de se faire entendre dans la prise de décision en matière de développement urbain. Identifier ceux qui sont laissés de côté et ceux qui ne sont pas entendus fait partie intégrante d’une ville des droits humains 
			(17) 
			<a href='https://rwi.lu.se/publications/human-rights-cities-and-the-sdgs/'>https://rwi.lu.se/publications/human-rights-cities-and-the-sdgs/</a>..
23. En 2017, la ville de York a été déclarée première ville des droits humains au Royaume-Uni. York a mené des enquêtes auprès des habitants pour savoir quelles étaient leurs priorités en matière de droits humains, avant de produire un rapport sur les moyens d’améliorer la jouissance du droit à l’égalité, à l’éducation, à un niveau de vie décent, au logement, à la santé et aux services sociaux. Le rapport suit les progrès accomplis, encourage le débat et incite à agir. La ville en est maintenant à son deuxième rapport; l’analyse montre en quoi la jouissance des droits est affectée, en bien et en mal, et pourquoi 
			(18) 
			Ibid..
24. En Suède, le Conseil municipal de Lund a décidé de respecter la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant dans toutes ses décisions et il a mis en place des procédures pour prendre en compte les points de vue des enfants dans le cadre de la planification des routes, des bâtiments, des parcs, de l’approvisionnement en eau, de l’assainissement, de la gestion des déchets, de la culture, des soins aux personnes âgées et aux handicapés, du développement des entreprises et des investissements 
			(19) 
			M. Kjaerum, M.F. Davis,
G. Fredriksson et I. Sartori Reis (2018). Human rights cities and
the SDGs. Lund: Raoul Wallenberg Institute of Human Rights: <a href='http://portal.research.lu.se/portal/files/53375782/HR_Cities_and_SDGs_print_updated.pdf'>http://portal.research.lu.se/portal/files/53375782/HR_Cities_and_SDGs_print_updated.pdf.</a>.

6. Le modèle de développement urbain durable – finalité et vision

25. Le développement urbain a besoin d’une vision et d’une planification stratégique. Premièrement, les collectivités locales doivent faire une description de leur modèle de développement de la ville, car aucun objectif ne pourra être atteint si la finalité n’est pas clairement définie. Le développement durable et une approche fondée sur les droits humains doivent être au cœur de ce modèle.
26. La ville de Vienne, par exemple, a adopté en 2014 le Cadre stratégique Smart City Vienne comme modèle de développement urbain jusqu’en 2050. Le cadre stratégique fixe des priorités globales, qui bien sûr se chevauchent dans certains domaines. Ces priorités sont la qualité de vie (inclusion sociale, participation, santé et environnement), les ressources (énergie, mobilité, infrastructures et bâtiments) et l’innovation (éducation, entreprises, recherche et technologie) 
			(20) 
			<a href='https://smartcity.wien.gv.at/site/en/'>https://smartcity.wien.gv.at/site/en/.</a>.
27. Il est en outre important de tenir compte de la situation régionale. À Münster, où environ 40 % des 300 000 habitants se déplacent à vélo tous les jours, les problèmes ne sont pas les mêmes que dans une métropole comme Londres. Le modèle de développement urbain doit être précis sans être figé, c’est important, afin de pouvoir l’adapter à tout moment. Le développement urbain nécessite toujours une réflexion à long terme, car les structures spatiales restent, quand les tendances sociétales évoluent.
28. Sur la base de chaque modèle et de ses composantes, il s’agit ensuite d’élaborer des plans de développement spécifiques pour chaque quartier. Ces plans devraient inclure, par exemple, la densité d’occupation, l’utilisation du sol, les correspondances de transport et les besoins de développement urbain en termes d’espaces et d’installations publics.

7. Les nouvelles approches de la mobilité

29. Les voyages et la mobilité occupent une place de plus en plus importante dans la société actuelle d’échanges intenses. Avoir une approche durable de la mobilité dans les zones urbaines et leur périphérie est en soi un impératif. En effet, dans ce domaine, il est tout à fait possible de mieux organiser la vie des habitants tout en contribuant de façon significative à la protection de l’environnement. À ce stade, je voudrais rappeler que les zones périphériques rurales doivent, bien évidemment, être intégrées dans les plans de transport et d’aménagement du territoire.
30. Les nouvelles approches de la mobilité, avec des véhicules automatisés et connectés, seront déterminantes pour la sécurité routière ainsi que pour l’efficience et la compatibilité environnementale du trafic routier. Les systèmes de transport public de nombreuses villes bénéficient déjà d’applications mobiles qui simplifient la vie des passagers, par exemple. L’utilisation de ces outils pour informer en temps réel sur les retards leur permet de changer d’itinéraire sur-le-champ, réduisant ainsi les risques d’embouteillage. Les nouvelles possibilités numériques et les véhicules sans chauffeurs seront essentiels pour relier et intégrer tous les quartiers urbains et les zones périphériques rurales. Toutefois, pour que le développement durable soit réel, la mobilité ne doit pas faire la part belle à la voiture particulière. L’artificialisation des sols – routes, bâtiments et infrastructures – doit être limitée dans l’intérêt de la durabilité. L’approche d’un développement urbain durable, outre qu’elle doit être favorable aux piétons, doit donc clairement privilégier des approches intégrées de la mobilité et miser sur l’autopartage, les transports publics locaux et le vélo.
31. Il est très important aussi de tenir compte du trafic commercial et de la logistique commerciale dans le cadre du processus de planification, car le transport de marchandises représente environ un tiers du volume du trafic routier. Le nombre de trajets effectués par des services de messagerie et de colis – dus en partie aux achats en ligne – est en forte progression dans les villes. La planification du développement urbain a besoin de nouvelles stratégies.

8. Les quartiers mixtes – une qualité de vie élevée pour tous

32. Le concept de quartiers mixtes vise à améliorer l’accès aux lieux de travail, aux services, aux sites culturels et aux installations sportives. Il permet de réduire l’utilisation des transports et donc la pollution, favorise la cohésion communautaire, contribue à la qualité de vie et permet le développement de sociétés dynamiques.
33. Dans les quartiers hybrides, la qualité de vie est excellente si le brassage social s’accompagne d’une utilisation mixte de l’espace urbain, où les gens vivent près de leurs lieux de travail, dans un espace émaillé d’équipements culturels et d’espaces verts, tous situés à distance de marche les uns des autres. Les établissements d’enseignement, du niveau scolaire à l’enseignement supérieur et l’accès aux possibilités d’apprentissage tout au long de la vie doivent, bien entendu, être inclus. Les structures d’accueil des enfants devraient être situées, si possible, dans des lieux facilement accessibles avec, le cas échéant, des lieux de rencontre intergénérationnels pour la formation et les activités de loisirs, qui rassemblent enfants et personnes âgées. Cette vitalité participe à la durabilité économique, sociale et environnementale.
34. On assiste aussi clairement à un rejet des villes dortoirs, où on rentre chez soi uniquement pour dormir et où il n’y a pas vraiment de vie communautaire. Là où elles sont nécessaires – dans les zones de tension sur le marché du logement – les nouvelles banlieues périphériques doivent être intégrées judicieusement dans l’existant et le plan d’aménagement doit prévoir de mélanger des couches sociales et les utilisations du sol.

9. Le développement spatial sain – atténuer le changement climatique

35. Si l’aménagement intercalaire est une nécessité, il ne doit pas se faire au détriment de la qualité de vie. Des espaces publics sûrs, inclusifs et attrayants, en particulier dans les zones urbaines densément peuplées, sont essentiels. Des espaces verts de qualité sont les éléments essentiels du développement urbain durable, car ils améliorent la qualité de vie et de l’air, contribuent à atténuer le changement climatique et à promouvoir la biodiversité. L’Europe devant s’attendre à des étés plus chauds et secs, nous avons besoin de stratégies d’adaptation au changement climatique, en particulier dans les villes, où les espaces verts sont rares.
36. En France, l’étude réalisée en 2016 par l’Agence de la santé publique a conclu que la pollution tue 48 000 personnes par an, ce qui fait de la pollution un problème majeur de santé publique, après le tabac et l’alcool 
			(21) 
			Voir <a href='https://www.santepubliquefrance.fr/Accueil-Presse/Tous-les-communiques/Impacts-sanitaires-de-la-pollution-de-l-air-en-France-nouvelles-donnees-et-perspectives'>www.santepubliquefrance.fr/Accueil-Presse/Tous-les-communiques/Impacts-sanitaires-de-la-pollution-de-l-air-en-France-nouvelles-donnees-et-perspectives</a>., et démontre l’urgence du problème. Afin de garantir un «air respirable», des efforts particuliers devraient être faits pour encourager le développement d’espaces verts, qui atténuent la chaleur, et pour soutenir l’optimisation de l’approvisionnement en eau. Il faudra améliorer la végétation et promouvoir des transports durables.
37. Dans les zones urbaines fortement peuplées, nous devrions également privilégier la végétalisation des surfaces verticales et horizontales, comme les façades et les toits. Malgré le manque d’espace – ou justement à cause du manque d’espace –, le potentiel de ces formes innovantes d’écologisation est particulièrement intéressant.
38. Selon le dernier rapport sur les indicateurs relatifs aux objectifs de développement durable des Nations Unies, la part des espaces de loisirs est de 13,9 % dans les villes allemandes (ODD 11 – Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables) 
			(22) 
			Superficie des espaces
verts urbains en pourcentage de la superficie bâtie dans les villes
de 100 000 habitants et plus. Source: Office fédéral allemand de
la statistique, Indikatoren der UN-Nachhaltigkeitsziele, octobre
2017.. Dans les décennies à venir, grâce au déclin des véhicules privés à moteur, on peut s’attendre à un recul des sols artificialisés qui résultent de l’expansion du bâti et des infrastructures. Il n’est pas irréaliste de penser que la proportion des espaces de loisirs augmentera fortement dans les villes – elle pourrait bien atteindre 20 % d’ici 2050. C’est un domaine où il est possible de fixer des objectifs et de planifier un développement urbain durable. Ne ratons pas l’occasion d’encourager le reboisement urbain systématique.

10. L’efficacité énergétique dans l’environnement bâti

39. Notre environnement bâti peut et doit contribuer dans une large mesure à la réalisation des objectifs climatiques de l’Accord de Paris de 2015. À l’occasion de ma mission à Zurich, j’ai découvert la vision suisse de la «Société à 2000 watts», dont l’objectif est de réduire la consommation d’énergie primaire à 2 000 watts par personne et à une tonne d’émissions de CO2 maximum par personne et par an à l’horizon 2050-2100. D’où l’idée du certificat «Site 2000 watts 
			(23) 
			<a href='https://www.2000watt.swiss/'>www.2000watt.swiss/</a>.», qui permet pour la première fois d’évaluer les développements de grands sites en termes de qualité, de densité, d’utilisation mixte et de mobilité. La consommation totale d’énergie d’un site certifié est optimisée par rapport aux objectifs de la Société à 2000 watts. À Winterthour, j’ai ainsi pu visiter le chantier de la Lokstadt qui a demandé le certificat de «Site 2000 watts».
40. Cette approche de la durabilité est globale et vise le long terme. L’idée de base est un processus continu d’évaluation de la durabilité d’un site en termes de développement énergétique, de planification, de mise en œuvre et d’exploitation. Je soutiens fermement cette approche et j’encourage les autres États membres du Conseil de l’Europe à s’inspirer de l’exemple suisse.
41. En outre, notre vision actuelle de la ville durable ne prête guère attention aux écosystèmes extra-muros. La question de savoir comment les villes vont réduire la charge qui pèse sur les écosystèmes extra-urbains qui les approvisionnent en ressources n’est pas systématiquement abordée. Combien faut-il de camions pour approvisionner chaque jour des villes comme Londres ou Paris? Quel pourcentage de la consommation énergétique le transport de marchandises vers les centres urbains représente-t-il? Ces questions soulèvent à leur tour de graves questions sur les mécanismes de compensation possibles en faveur de ces zones de production agricole et d’élevage que nous avons tendance à négliger.

11. Des logements abordables, de qualité et inclusifs – un facteur essentiel pour construire des communautés cohésives

11.1. Une utilisation des sols socialement responsable

42. Un peu partout, l’afflux massif de personnes dans des villes très attrayantes a entraîné une forte augmentation de la demande de logements et une flambée des prix de l’immobilier. Déplacements, zones résidentielles homogènes et tensions sociales résultent de la pénurie de logements et de la hausse des prix immobiliers. Pour que la cohésion sociale soit possible grâce au brassage social, il faut créer et entretenir des logements à loyers abordables dans les villes – non seulement des logements sociaux classiques pour les personnes aux revenus les plus bas, mais aussi, et de plus en plus, des logements pour celles qui se trouvent dans les tranches de rémunération moyennes, et en particulier pour les jeunes qui veulent fonder une famille. Favoriser l’accès à la propriété immobilière contribue à une mixité sociale positive, sans compter que l’achat d’un logement est un investissement en prévision du troisième âge et contribue à la budgétisation durable. En Europe, le ratio propriétaires/locataires varie fortement d’un pays à l’autre. Une aide à l’achat d’un logement abordable devrait également être proposée, en tenant compte du contexte régional.
43. Si les associations de logements municipaux et les coopératives d’habitants peuvent contribuer à proposer des logements à des prix abordables, il ne faut pas sous-estimer le rôle important joué par les promoteurs privés dans l’extension du parc immobilier, car ils sont souvent plus habiles pour développer le marché de la construction. L’accent devrait également porter sur les projets de logement à petite échelle mis en œuvre par des propriétaires privés, car ils contribuent à la diversité des constructions urbaines. Des solutions intelligentes d’habitat communautaires peuvent également être encouragées pour différents groupes cibles, avec une utilisation commune de services et/ou pour espaces intergénérationnels afin d’aider les personnes âgées et de proposer des logements plus abordables pour les jeunes.
44. Autre raison de la flambée des prix de l’immobilier – l’augmentation de la spéculation foncière, quand des terrains sont achetés mais jamais bâtis ou sont vendus et revendus à répétition. Elle rend impossible la construction des nouveaux logements dont les villes ont besoin et entraîne un gonflement artificiel des prix du foncier. Les gouvernements ont divers moyens à leur disposition pour lutter contre ce phénomène. S’ils décident de faire du logement abordable une question d’intérêt public au motif qu’il contribue au développement durable, les terrains peuvent être vendus moins chers pour développer le logement. Les terrains appartenant aux autorités publiques nationales, régionales ou locales devraient être utilisés pour construire des logements abordables. En Allemagne, par exemple, la directive sur la baisse des prix (Verbilligungsrichtlinie) adoptée par l’Agence fédérale pour la gestion des biens immobiliers (Bundesanstalt für Immobilienaufgaben) prévoit la possibilité de vendre aux autorités locales des terrains appartenant à l’État à un prix réduit, à condition que celles-ci y construisent des logements sociaux. Le but n’est pas d’exclure les investisseurs privés, puisque les investisseurs privés qui achètent un terrain à la collectivité locale et s’engagent à construire un certain pourcentage de logements sociaux bénéficient aussi de ce prix réduit.
45. D’autres options sont possibles, comme une taxe plus élevée sur les terrains constructibles non bâtis ou l’obligation pour les propriétaires fonciers de déposer une déclaration préalable de travaux pour construire certains types de logements sur leur terrain.
46. Les villes européennes où l’afflux massif de nouveaux habitants ne fait que commencer feraient bien de prendre des mesures pour conserver les terrains et immeubles d’habitation situés dans les centres villes, au lieu de les vendre pour en tirer un profit à court terme. De nombreuses villes allemandes ont malheureusement commis cette erreur et l’évolution des prix a rendu pratiquement impossible le rachat des biens vendus.

11.2. La construction de logements sociaux

47. S’agissant du logement social, l’objectif est de construire des logements destinés aux personnes à faibles revenus grâce à des aides publiques. Dans ce cadre, les autorités nationales et régionales peuvent subventionner la construction de logements sociaux et créer des incitations fiscales. À charge ensuite pour les municipalités, bien évidemment, de fixer et de respecter un quota de logement social, en tenant compte du contexte local. Münster impose actuellement un quota de 30 % de logements sociaux aux grands projets immobiliers.
48. Or la concentration de logements sociaux dans les zones périphériques – dans les banlieues en France ou les council estates au Royaume-Uni, par exemple – favorise les poudrières sociales. L’objectif devrait donc être de répartir les logements sociaux sur les territoires des villes puisque la clé de la réussite – il est utile de le rappeler –, c’est une bonne mixité sociale. Il faut veiller à ce qu’aucun quartier urbain ne soit isolé, à ne pas en faire des «culs-de-sac» urbains où le développement et la mobilité sociale sont inexistants et les transports insuffisants. À cet égard, il importe aussi de rappeler les problèmes associés à des environnements sociaux homogènes dans les écoles publiques de banlieue et leurs conséquences sur la cohésion sociale.
49. Dans le domaine du logement social, le problème des attributions inadaptées est récurrent. En Autriche comme en Allemagne, les revenus des futurs locataires ne sont vérifiés qu’au moment de l’attribution d’un logement social – pour s’assurer qu’ils ne dépassent pas le plafond des ressources autorisé –, après quoi ils peuvent rester à vie dans leur logement. Vu la pénurie de logements sociaux, il en résulte que des personnes qui ont un bon revenu restent dans des logements sociaux à loyer modique, alors qu’aucun logement n’est disponible pour ceux qui en ont vraiment besoin. Le problème pourrait être réglé en appliquant un surloyer, par exemple, ce qui aurait au moins le mérite de générer des revenus supplémentaires pour construire de nouveaux logements sociaux.
50. Rappelons également que le parc social est tout particulièrement menacé par les programmes de remplacement des logements sociaux anciens par des constructions neuves – les loyers sont si élevés dans le neuf que les locataires à faibles revenus ne peuvent les louer sans aides massives.
51. En Europe, Vienne est l’exemple le plus marquant d’un soutien exceptionnel au logement abordable. L’agglomération d’1,89 million d’habitants compte plus de 420 000 logements appartenant à des collectivités municipales et à des associations de logement à but non lucratif. Il faut dire que ce pourcentage élevé de logements aidés a des origines historiques et qu’il serait presque impossible de le reproduire ailleurs. Les loyers des logements locatifs disponibles sur le marché libre sont par contre très élevés. En outre, l’accès au parc social est réservé aux seuls Autrichiens et, depuis 2008, aux autres citoyens de l’Union européenne, à condition qu’ils résident à Vienne depuis au moins deux ans. Tous les nouveaux arrivants et les migrants sont ainsi exclus de l’habitat social, du moins pendant un certain temps.

11.3. Les coopératives, un moyen de promouvoir la stabilité des prix et la responsabilité commune en matière de logement

52. En Autriche, comme en Allemagne et en Suisse, les coopératives sont un moyen qui a fait ses preuves pour créer des logements à des prix stables et lutter contre la spéculation immobilière. Ce sont souvent des organismes à but non lucratif qui ont l’obligation de réinvestir la majeure partie de leurs bénéfices, aussi petit soit-il. Elles bénéficient d’exonérations fiscales, mais sont aussi soumises à des obligations juridiques spéciales. En Allemagne, les associations de logement sans but lucratif ont été supprimées en 1990, mais les coopératives de logement bénéficient toujours d’une exonération fiscale 
			(24) 
			Brockhaus Enzyklopädie
Online, «Gemeinnützige Wohnungsunternehmen», article en allemand
sur les organismes de logement d’intérêt public: <a href='https://brockhaus.de/'>https://brockhaus.de</a>.  
			(25) 
			Hans-Jürgen Schaffland,
commentaire sur l’article 1 de la loi allemande sur les coopératives
(en allemand), in Johann Lang
et Ludwig Weidmüller, Genossenschaftsgesetz,
De Gruyter, 2005, p. 77..
53. Les coopératives de logement se distinguent des autres sociétés coopératives en ce que leurs membres ne détiennent pas une partie des actifs, mais des parts sociales dans la coopérative propriétaire du bien immobilier. 
			(26) 
			Drömer,
Drexler et Schultz-Granberg (2016), Bezahlbar.
Gut. Wohnen – Strategien für erschwinglichen Wohnraum, éd.
Jovis, p. 39. Il peut s’agir de plusieurs bâtiments voire, dans le cas des grandes coopératives, d’un portefeuille immobilier réparti sur plusieurs sites. Les associés coopérateurs ne peuvent pas vendre des parties d’un immeuble, comme un appartement, mais seulement leurs parts dans la coopérative. Les membres occupants doivent, en plus d’acquérir des parts sociales dans la coopérative, payer une redevance pour le logement qu’ils occupent.
54. L’Allgemeine Baugenossenschaft Zürich, que j’ai pu visiter lors de ma mission d’information en Suisse, est un bon exemple. ABZ est une coopérative de logement d’intérêt public fondée en 1916 qui possède 4 500 logements dans l’agglomération zurichoise. Il est écrit dans le cahier des charges que «ABZ construit et agit de manière socialement, économiquement et écologiquement durable. Notre préoccupation première est l’humain, pas le profit. Nous nous engageons à baser les loyers sur les coûts et à soustraire les terrains constructibles au système spéculatif. Nous défendons les idées coopératives tant à l’intérieur qu’à l’extérieur d’ABZ. En tant qu’associés coopérateurs, nos membres prennent part aux décisions portant sur des questions fondamentales et soutiennent ainsi collectivement la coopérative 
			(27) 
			<a href='https://www.abz.ch/home/Ueber-uns/ABZ-in-K%C3%BCrze.html'>www.abz.ch/home/Ueber-uns/ABZ-in-Kürze.html</a>.».
55. L’avantage des coopératives réside non seulement dans leur effet sur la stabilité des prix, mais aussi, et surtout, dans la dynamique participative et la responsabilité commune qui sont leurs signes distinctifs.

11.4. De nouvelles coopératives qui promeuvent la mixité sociale et l’utilisation mixte du sol

56. À côté des grandes coopératives traditionnelles, propriétaires d’importants parcs immobiliers qui, bien souvent, n’accordent aux résidents que des droits de participation limités, on observe aujourd’hui une évolution, en particulier dans les métropoles et les villes universitaires où la pression du logement est forte, vers des coopératives innovantes qui s’inscrivent dans une démarche radicalement nouvelle, où les objectifs de mixité sociale et d’utilisation mixte du sol tiennent une place importante.
57. Mehr als wohnen (Plus que des logements), le projet d’habitat coopératif du Hunziker Areal à Zurich, est un exemple de développement coopératif innovant, plusieurs fois primé. Le but du projet d’une superficie de 41 000 m² et comprenant 450 logements était de créer tout un quartier dynamique et non pas simplement un grand ensemble (Siedlung). Les résidents ont emménagé en 2016 et la population est en effet très diversifiée, avec de nombreux logements pour des familles, mais aussi pour des étudiants, des jeunes couples, des célibataires et des personnes âgées. Les 20 % de logements sociaux sont disséminés sur le site pour éviter la ghettoïsation. Des personnes handicapées y sont également logées, ainsi que des mineurs orphelins. On y trouve aussi deux restaurants, un complexe hôtelier, un café, des boutiques, des ateliers et des bureaux, un club de musique, une galerie d’art, une école maternelle, et bien d’autres choses encore.
58. Créer moins d’espace habitable par personne et de plus grands espaces communs fait partie de la nouvelle approche. Ces nouveaux projets coopératifs à petite échelle reposent dès le départ sur la forte implication des futurs résidents. En règle générale, un groupe est constitué, qui examine les attentes des résidents avec les architectes et les concepteurs; l’espace de vie est ensuite aménagé en conséquence. Les économies peuvent être substantielles notamment si, par exemple, le fait de renoncer à avoir sa propre voiture permet de créer quelques places de parking pour un service d’autopartage ou pour des voitures en copropriété, au lieu d’un garage souterrain plus grand et plus coûteux.
59. Toujours à Zurich, la coopérative de logements Kalkbreite est elle aussi exemplaire: le niveau de cogestion et la part des espaces de vie communautaire y sont élevés. C’est manifeste dans les «logements communautaires», un type de logement expérimental très intéressant que j’ai eu la chance de visiter. Dans ces logements, 20 personnes partagent une grande cuisine et un salon; chacun a sa chambre à coucher et sa salle de bain et les familles disposent de deux pièces privées proches des espaces communs. Dans les grands complexes, plusieurs logements communautaires se partagent aussi des terrasses sur les toits et des garages à vélos; on peut également y trouver un service de restauration, des salles de sport communes et même un café. La mixité réunit des retraités, des étudiants, des célibataires et des couples dans ces logements communautaires.
60. En plus de favoriser un sentiment de communauté, cette approche permet de réduire l’espace nécessaire à l’habitat individuel et donc d’utiliser les ressources plus efficacement et à un coût moindre. Les avis sont néanmoins partagés quant aux limites de la participation et de l’utilisation des espaces communs. Ce niveau élevé de consultation ne satisfait pas tout le monde – notamment lors des décisions sur l’éventail des activités sportives proposées par la coopérative –, pas plus que le fort pourcentage d’espace de vie dédié aux équipements collectifs.
61. Il convient néanmoins de souligner que l’attrait de la vie urbaine découle précisément de cette diversité des solutions et qu’une administration municipale devrait s’efforcer de soutenir un large éventail d’initiatives qui créent des logements abordables et favorisent le brassage. Qu’il s’agisse de logements fournis par une coopérative, une société municipale de logement ou des investisseurs privés, qu’il s’agisse de logements sociaux, de logements pour les classes moyennes ou de logements habités par leurs propriétaires, la bonne combinaison est la clé d’une ville saine.

12. Établir des liens entre la communauté scientifique et les municipalités

62. Les gouvernements nationaux et régionaux devraient soutenir les programmes de recherche dans le domaine du développement urbain durable. Ils devraient collaborer avec les instituts de recherche et les partenaires locaux dans les communes pour imaginer de nouvelles idées favorisant le développement urbain durable, lesquelles devraient ensuite être pilotées dans les zones urbaines. Les théories doivent être mises à l’épreuve de la réalité urbaine au quotidien.
63. Dans ce contexte, je voudrais évoquer FONA, le programme de recherche du gouvernement fédéral allemand pour le développement durable. La plateforme d’innovation Zukunftsstadt 
			(28) 
			<a href='https://www.fona.de/de/innovationsplattform-zukunftsstadt-20752.html'>www.fona.de/de/innovationsplattform-zukunftsstadt-20752.html </a>(in German). (Ville du futur) a été créée en 2016, dans le cadre de ce programme, pour faire le lien entre la communauté scientifique et les municipalités, afin de contribuer au développement durable de nos villes.

13. Initiatives urbaines pour l’inclusion sociale

64. Les initiatives ciblées financées par les collectivités locales ont souvent un vaste rayonnement et des effets durables. Qu’il s’agisse de lutter contre la discrimination, de promouvoir le dialogue interculturel ou d’encourager la participation active, les villes d’Europe développent des activités pour construire des communautés inclusives et pacifiques.
65. De plus en plus, les villes prennent des mesures pour que les femmes se sentent plus en sécurité lors de leurs déplacements en ville et les femmes sont plus que jamais consultées sur les questions de planification du nouveau développement urbain. En 2016, la mairie de Barcelone a lancé une campagne de communication «Barcelone contre la violence sexiste» pour sensibiliser les citoyens à la violence sexiste subie par les femmes dans leur vie personnelle, professionnelle et sociale 
			(29) 
			<a href='http://ajuntament.barcelona.cat/bcnantimasclista/en'>http://ajuntament.barcelona.cat/bcnantimasclista/en</a>..
66. Réussir l’intégration des migrants et des réfugiés est une priorité pour beaucoup de municipalités européennes. À Vienne, le Jugendcollege (Collège de la jeunesse) est un programme gratuit d’éducation, de formation et de tutorat pour les jeunes migrants de 15 à 21 ans. Dans le cadre de «Start Wien», l’initiative d’intégration plus globale de la ville, l’objectif du Collège de la jeunesse est d’aider les jeunes migrants à mener une vie indépendante le plus rapidement possible en les préparant à suivre des études ou une formation professionnelle, ou à trouver un emploi 
			(30) 
			<a href='https://www.uclg-cisdp.org/en/observatory/jugendcollege-training-and-education-young-migrants-vienna'>www.uclg-cisdp.org/en/observatory/jugendcollege-training-and-education-young-migrants-vienna</a>..
67. Le conseil municipal de Dublin vise à soutenir diverses communautés dans leurs activités et projets en encourageant leur participation et leur implication dans la ville grâce à un programme annuel de subventions destiné à financer des projets de proximité. Ce programme permet à divers groupes – communautés ou bénévoles – de déposer une demande de subvention pour financer des activités aux retombées bénéfiques à l’échelle locale. Les agents du conseil municipal de Dublin travaillant au développement de la collectivité sont chargés de prendre contact avec des membres de la communauté, de les informer, de les assister et de les aider à créer des réseaux sociaux solides. Ils s’emploient à donner à chacun la possibilité de participer à la vie de la commune et de se faire entendre 
			(31) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/interculturalcities/-/community-grants'>www.coe.int/en/web/interculturalcities/-/community-grants</a>..

14. Recommandations – renforcer le rôle des autorités locales dans le processus de planification

68. Le développement urbain durable demande une vision et une planification stratégique. Il est essentiel que le bien-être de la société soit placé au cœur du développement urbain et que les pouvoirs publics retrouvent et utilisent leur capacité de façonner le mode de vie de nos villes. Le secteur public doit jouer un rôle de premier plan dans la planification urbaine et, en tant qu’autorité de planification efficace, il doit être en accord avec les investisseurs privés. Dans certaines circonstances, le secteur public doit également assumer le rôle d'investisseur et de propriétaire foncier, afin de contrecarrer les évolutions indésirables résultant de la spéculation excessive et de la déréglementation.
69. Les autorités nationales devraient établir des cadres juridiques et institutionnels qui soutiennent et encouragent un développement urbain fondé sur la cohésion sociale et les droits humains. Les administrations municipales ont un rôle majeur à jouer dans la mise en œuvre du modèle de développement urbain. Les acteurs concernés doivent être formés et encouragés à choisir et à suivre la voie de la durabilité et à soutenir des projets durables sur les plans économique, environnemental et social. Elles doivent impérativement et systématiquement soutenir les idées novatrices.
70. Des consultations et des mécanismes de prise de décision efficaces associant les principaux acteurs doivent étayer le développement urbain à chaque stade, de sa conception à son suivi et à son évaluation. L’inclusion des groupes vulnérables dans les processus pertinents est essentielle pour garantir que les besoins de chacun sont satisfaits de manière appropriée, afin de réduire le risque d’exclusion sociale et d’apaiser les tensions.
71. Dans les zones très recherchées, les villes doivent comprendre qu’elles peuvent imposer des exigences claires avant de vendre des terrains ou de procéder à leur zonage en vue de leur aménagement, dans le but de soutenir la construction d’une communauté inclusive. Alors que la pression grandit sur les marchés du logement, d’autres solutions que celles consistant à vendre des terrains municipaux au plus offrant commencent à voir le jour. Dans ces systèmes alternatifs, les terrains ne sont pas vendus au promoteur qui offre le prix le plus élevé, mais à celui dont le plan directeur offre les approches les plus durables qui favorisent le développement continu du quartier. Cette approche est connue sous le nom de Konzeptvergabe (attribution de terrains publics en fonction de la qualité du concept).
72. Des procédures de consultation sur l’aménagement du territoire avant la vente des terrains ou l’attribution des marchés sont très importantes. La participation de la population en amont de la vente est cruciale pour que les villes se développent conformément aux attentes de leurs habitants et que les projets de construction soient bien accueillis par la population. Par principe, des tables rondes devraient réunir des élus, des administrateurs, des représentants des entreprises, des investisseurs, des représentants de la société civile et des citoyens.
73. Les contrats de développement urbain (comme en Autriche, en Allemagne et en Suisse) devraient être utilisés comme moyen supplémentaire – en plus du plan local d’urbanisme – pour réaliser les objectifs de la collectivité locale. Cet instrument a un fort potentiel pour promouvoir le développement urbain durable. Dans ce contexte, il est primordial de préciser les priorités et les conditions préalables, car elles permettent aux autorités locales de poursuivre des objectifs, comme le développement d’une culture de l’environnement bâti de qualité (Baukultur) ou les économies d’énergie. Comme décrit plus haut, les villes peuvent promouvoir l’objectif d’une bonne mixité sociale en exigeant qu’un certain pourcentage des nouvelles constructions soit dédié au logement social.
74. Des incitations devraient en outre venir encourager les promoteurs à créer davantage d’espaces publics ou d’espaces verts pour compenser l’augmentation de la densité de population. L’ajout d’un étage pourrait ainsi être autorisé à condition de créer une station de métro dans le sous-sol de l’immeuble.
75. En résumé, la durabilité, une qualité de vie élevée et une bonne mixité sociale devraient être les principes directeurs de toute procédure de planification urbaine. Une planification urbaine inclusive et participative est indispensable dans toute société démocratique et à ce titre, elle devrait être soutenue et encouragée dans les États membres du Conseil de l’Europe.