Imprimer
Autres documents liés
Résolution 2280 (2019)
Situation des migrants et des réfugiés dans les îles grecques: il faut redoubler d’efforts
1. L’Assemblée
parlementaire note que la situation autrefois tendue dans les centres
d’accueil et d’identification des îles grecques de Leros et de Kos
s’est améliorée en 2017. Elle relève cependant avec beaucoup d’inquiétude
que la situation humanitaire des demandeurs d’asile dans les centres
des îles grecques de Lesbos, Samos et Chios reste très difficile
depuis plusieurs années. Prévue initialement pour héberger environ
7 500 personnes, la capacité de ces cinq centres a été diminuée
à quelque 5 000 places à la fin de l’année 2017 alors qu’ils étaient
en réalité occupés par 10 907 personnes. Ce nombre a même augmenté,
le centre de Moria, sur l’île de Lesbos, accueillant à lui seul
plus de 8 000 personnes à l’automne 2018 en raison d’une hausse
des arrivées en provenance des côtes proches de la Turquie.
2. L’Assemblée note que, depuis la Déclaration UE-Turquie du
18 mars 2016, les situations humanitaires et des droits de l’homme
dans les «hot spots» des îles de Lesbos, de Samos et de Chios ne
se sont pas améliorées. De plus, elle constate que la mise en œuvre
du concept de «hot spot» de l’Union européenne ne remplit pas les
conditions nécessaires pour améliorer la situation sur ces îles
car elle ne répond pas aux dispositions du droit international concernant
les réfugiés tels que la Convention de Genève relative au statut des
réfugiés et la Convention européenne des droits de l’homme (STE
no 5).
3. L’Assemblée salue l’initiative du Haut-Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés (HCR) de fournir des logements en location
aux demandeurs d’asile en Grèce continentale et sur les îles grecques,
ainsi que les travaux de l’Organisation internationale pour les
migrations (OIM) pour rénover et gérer les centres d’accueil ouverts,
et son programme «Aide au retour volontaire et à la réintégration»;
toutes ces initiatives sont financées par l’Union européenne. De
concert avec les transferts rapides et à grande échelle de demandeurs d’asile
vers la Grèce continentale avant l’hiver 2018, ces initiatives ont
permis d’abaisser le nombre d’occupants du centre de Moria à environ
5 000 personnes à la fin de 2018. L’Assemblée salue également les efforts
constants déployés par les autorités grecques pour transférer des
centres insulaires vers la Grèce continentale toutes les personnes
vulnérables qui ont été enregistrées et identifiées. La situation
des centres de Moria à Lesbos et de Vathy à Samos reste cependant
préoccupante puisqu’un grand nombre de personnes sont hébergées
dans des tentes, avec des équipements sanitaires inadaptés, des
distributions alimentaires insuffisantes, un manque de services
de santé, de mauvaises conditions de sécurité, en particulier la
nuit, et des niveaux élevés de violence et de criminalité à l’intérieur
des centres.
4. L’Assemblée est particulièrement préoccupée par les signalements
de violence sexuelle, d’exploitation et de traite des êtres humains
par des gangs au sein des camps, des passeurs et d’autres membres
de criminalité organisée, qui provoquent une détresse psychologique
s’ajoutant aux situations traumatisantes vécues par de nombreuses
personnes au cours de leur fuite vers la Turquie puis la Grèce,
et invite les autorités grecques à redoubler d’efforts pour lutter
contre les infractions susmentionnées;
4.1. rappelant que la Grèce et la Turquie sont toutes deux
des États parties au Protocole contre le trafic illicite de migrants
par terre, air et mer, et au Protocole visant à prévenir, réprimer
et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des
enfants, additionnels à la Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée, l’Assemblée invite les deux
pays à signer et à ratifier la Convention des Nations Unies pour
la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation
de la prostitution d'autrui. Les services répressifs grecs devraient
coopérer avec Interpol et Europol au niveau international ainsi
qu’avec les services répressifs turcs afin de mettre fin à ce climat d’impunité;
4.2. l’Assemblée invite le Groupe d’action financière (GAFI),
lors de son évaluation de la Grèce et de la Turquie par rapport
aux normes financières internationales applicables relatives à la
lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement des activités
terroristes, ainsi que le Comité d'experts sur l'évaluation des
mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement
du terrorisme (MONEYVAL), lors de son évaluation du respect de ces
normes par les pays limitrophes de la Grèce qui font partie de ses
membres, à accorder une attention particulière aux transferts d’argent
générés par le trafic illicite et la traite de migrants.
5. Consciente que la Grèce a reçu 16 670 premières demandes d’asile
au troisième trimestre 2018, le chiffre le plus élevé de demandes
d’asile par habitant au sein de l’Union européenne après Chypre, l’Assemblée
se félicite de l’aide financière d’environ 2 milliards d’euros accordée
par l’Union européenne à la Grèce, qui inclut les 289 millions d’euros
mis récemment à la disposition de la gestion des migrations et des frontières.
Confrontées depuis plus d’une décennie à un afflux permanent de
migrants arrivant par les frontières maritimes et terrestres gréco-turques,
la Grèce et la Turquie méritent la solidarité de tous les États membres
du Conseil de l’Europe. Renvoyant aux informations faisant état
de détournement des fonds de l’Union européenne par les autorités
grecques, qui aurait empêché l’amélioration de la situation déplorable
des demandeurs d’asile en matière de logement pendant plusieurs
années, l’Assemblée invite l’Union européenne à contrôler efficacement
l’utilisation appropriée de ses fonds.
6. Rappelant que la Grèce est liée par la Directive 2013/32/UE
relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de
la protection internationale, la Directive 2013/33/UE établissant
des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection
internationale, la Directive 2011/95/UE concernant les normes relatives
aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers
ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale,
à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier
de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection,
le Règlement Dublin III (no 604/2013) et
le Règlement EURODAC (no 603/2013), l’Assemblée
prend note que la Grèce entreprend des efforts soutenus pour améliorer
les conditions d’accueil et accélérer les procédures d’asile, tels
que l’adoption d’une nouvelle loi en mai 2018 (loi no 4540/2018).
En conséquence, l’Assemblée invite l’Union européenne à continuer
d’aider la Grèce à respecter le droit de l’UE, notamment en ce qui
concerne les manquements apparents en matière d’hébergement des
demandeurs d’asile dans les centres d’accueil et d’identification,
et de traitement rapide et approprié des demandes d’asile.
7. L’Assemblée invite l’Union européenne et l'Agence européenne
de garde-frontières et de garde-côtes de l’Union européenne (Frontex)
à mettre en place des procédures de suivi, à demander des retours d’information
spécifiques sur la situation des migrants sans papiers en Grèce,
telle qu’elle est rapportée par certains acteurs, et à aider les
autorités grecques à enregistrer et identifier correctement toutes
les personnes qui arrivent par les frontières maritimes et terrestres
gréco-turques. Les migrants sans papiers sont particulièrement vulnérables
et exposés à la criminalité organisée, notamment aux trafiquants
de drogue présents tout au long de l’axe principal de la drogue
entre l’Afghanistan et l’Europe occidentale.
8. L’Assemblée regrette que la Grèce n’autorise pas le regroupement
familial dans le cadre de la protection subsidiaire. Elle note par
ailleurs que la situation des mineurs non accompagnés demeure très
préoccupante et invite la Grèce à mettre en œuvre la nouvelle loi
sur la tutelle (loi no 4554/2018). Conformément
à la Résolution 2243
(2018) sur le regroupement familial des réfugiés et des migrants
dans les États membres du Conseil de l’Europe, les mineurs non accompagnés
bénéficiant de la protection subsidiaire ne devraient pas être empêchés
de rejoindre en Grèce les membres de leur famille.
9. L’Assemblée regrette qu’en décembre 2018 les institutions
de l’Union européenne et le Gouvernement grec aient convenu de maintenir
des taux de taxe sur la valeur ajoutée moins élevés dans les îles
hébergeant des centres d’accueil et d’identification tant que ces
centres seront surpeuplés. L’Union européenne et le Gouvernement
grec devraient revoir cet accord.
10. Enfin, l’Assemblée recommande les mesures suivantes pour améliorer
la situation des demandeurs d’asile, des réfugiés, des demandeurs
d’asile déboutés et des migrants en situation irrégulière:
10.1. les autorités grecques devraient:
10.1.1. améliorer rapidement les conditions
d’hébergement, d’hygiène et de sécurité à l’intérieur des centres
d’accueil et d’identification surpeuplés de Lesbos, Samos et Chios,
et/ou transférer les demandeurs d’asile enregistrés et identifiés
vers les centres d’accueil ouverts gérés par l’OIM, les camps alternatifs
gérés par des organisations humanitaires non gouvernementales (ONG)
et les logements loués par le HCR sur les îles grecques et en Grèce continentale;
les transferts incontrôlés vers les rues des villes grecques ou
vers des pays tiers doivent cesser;
10.1.2. revoir la pratique consistant à conditionner le transfert
vers la Grèce continentale à une situation de vulnérabilité ou à
un état de santé grave des demandeurs d’asile, afin d’éviter des cas
d’automutilation; les services médicaux devraient être améliorés
rapidement à l’intérieur de tous les camps des îles ainsi qu’en
Grèce continentale;
10.1.3. faire en sorte que le transfert des demandeurs d’asile
vers la Grèce continentale ou dans d’autres logements dans les îles
n’ait pas d’effet négatif sur le traitement de leur demande d’asile;
10.1.4. dûment identifier et enregistrer tous les migrants qui
arrivent par bateau dans les îles grecques ou qui traversent la
frontière terrestre gréco-turque afin d’éviter qu’ils restent sans papiers
et, par conséquent, fortement exposés à la criminalité organisée,
et partager ces données avec le système d’information sur les visas
de Schengen ainsi qu’avec d’autres pays voisins;
10.1.5. faire en sorte que les mineurs non accompagnés et les
femmes soient particulièrement protégés contre la violence, l’exploitation
sexuelle et la traite des êtres humains, comme l’exigent la Convention
sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus
sexuels (STCE no 201) et la Convention
sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197);
utiliser le manuel à l'usage des professionnels de terrain sur la
communication d'informations adaptées aux enfants en situation de
migration (How to convey child-friendly
information to children in migration – A handbook for frontline
professionals);
10.1.6. garantir la tutelle effective des mineurs non accompagnés,
ce qui implique la responsabilité des tuteurs et le respect du droit
des parents au maintien de l’autorité parentale sur les mineurs
non accompagnés; assurer davantage de logements pour les mineurs
non accompagnés, tant en Grèce continentale que sur les îles; les
mineurs non accompagnés devraient être autorisés à se regrouper
avec les membres de leur famille ou à maintenir des contacts avec
eux, en application notamment de l’Accord européen relatif à la
suppression des visas pour les réfugiés (STE no 31);
conformément à la Résolution
2195 (2017) de l’Assemblée «Enfants migrants non accompagnés: pour
une détermination de l’âge adaptée à l'enfant», une attention particulière
devrait être accordée à l’évaluation de l’âge des mineurs non accompagnés;
10.1.7. mettre en place des unités de répression spécifiques chargées
du crime organisé, afin de lutter contre la traite et le trafic
des êtres humains ainsi que le détournement des fonds publics alloués
à l’aide aux réfugiés, conformément aux Conventions pénale et civile
sur la corruption (STE nos 173 et 174)
et à la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie
et à la confiscation des produits du crime et au financement du
terrorisme (STCE no 198);
10.1.8. faire en sorte que les réfugiés qui périssent en Grèce
aient des funérailles décentes, conformes à leurs coutumes religieuses;
10.1.9. ne pas interdire aux ONG qui fournissent l’assistance
humanitaire nécessaire aux demandeurs d’asile d’accéder aux camps;
10.2. les autorités turques devraient:
10.2.1. accroître leurs efforts pour assurer que les trafiquants
d’êtres humains et les passeurs ne peuvent pas agir en toute impunité
lorsqu’ils déplacent des migrants vers la Grèce;
10.2.2. respecter l’accord bilatéral Grèce-Turquie relatif à la
réadmission des migrants en situation irrégulière et des demandeurs
d’asile déboutés, ainsi que la Déclaration UE-Turquie;
10.2.3. enregistrer et identifier tous les migrants et réfugiés
qui entrent en Turquie, et partager ces données avec le système
d’information sur les visas de Schengen ainsi qu’avec d’autres pays;
10.3. l’Union européenne devrait:
10.3.1. aider la Grèce à accueillir les demandeurs d’asile et
les réfugiés, et à gérer les frontières extérieures de l’Union européenne;
10.3.2. aider la Grèce à établir de meilleures procédures d’asile
sur les îles grecques, avec des transferts rapides vers la Grèce
continentale;
10.3.3. réintroduire des programmes de financement de projets
humanitaires gérés par les ONG et d’autres acteurs intéressés, y
compris les pouvoirs publics, qui permettent des projets plus décentralisés,
plus proches des personnes dans le besoin;
10.3.4. aider la Turquie à mettre en œuvre l’accord bilatéral
de réadmission Grèce-Turquie, qui s’applique aux migrants en situation
irrégulière et aux demandeurs d’asile déboutés arrivés par bateau
en provenance de Turquie, ainsi qu’à ceux qui sont entrés par la
frontière terrestre gréco-turque;
10.3.5. aider la Grèce à conclure et mettre en œuvre des accords
de réadmission avec les autres pays d’origine sûrs des demandeurs
d’asile déboutés et des migrants en situation irrégulière;
10.3.6. inviter la Grèce à empêcher les mesures de renvoi de demandeurs
d’asile, en reconnaissant le fait que ces mesures constituent une
violation grave des droits de l'homme fondamentaux;
10.3.7. aider les États membres à mettre en œuvre le regroupement
familial, conformément à la Directive 2003/86/CE du Conseil de l’UE
relative au droit au regroupement familial, et à la Résolution 2243 (2018) de l’Assemblée;
10.3.8. introduire un nouveau programme de relocalisation visant
à alléger la pression exercée par les demandeurs d’asile dans les
pays de première arrivée;
10.3.9. contrôler l’utilisation efficace et transparente des fonds
de l’Union européenne, et établir des indicateurs de performance
ainsi que des mécanismes de contrôle du respect et des exigences
de bonne gouvernance;
10.3.10. mettre en place un système commun de répartition, afin
d’alléger effectivement le fardeau qui pèse sur les États membres
de première ligne;
10.3.11. évaluer l’impact sur les droits de l’homme de la Déclaration
UE-Turquie, en tenant compte des Résolutions de l’Assemblée Résolution 2109 (2016) sur la situation des réfugiés et des migrants dans le
cadre de l’Accord UE-Turquie du 18 mars 2016, 2118 (2016) «Les réfugiés en Grèce: défis et risques – Une responsabilité
européenne», 2174 (2017) sur les répercussions sur les droits de l’homme de la
réponse européenne aux migrations de transit en Méditerranée, et 2228 (2018) «Conséquences pour les droits de l'homme de la “dimension
extérieure” de la politique d’asile et de migration de l’Union européenne:
loin des yeux, loin des droits?»;
10.3.12. élaborer sans tarder une nouvelle approche en matière
de réfugiés conforme aux dispositions internationales applicables
aux réfugiés, comme la Convention de Genève relative au statut des
réfugiés et la Convention européenne des droits de l’homme, afin
de faire face à la situation des nouveaux réfugiés qui demandent
à bénéficier d’une protection aux frontières extérieures de l’Union
européenne.