1. Introduction:
la pollution atmosphérique, cette meurtrière invisible et silencieuse
1. Selon l’Organisation mondiale
de la Santé (OMS), la pollution atmosphérique représente une menace considérable
pour la santé publique mondiale et constitue l’une des premières
causes de mort prématurée. L’OMS estime que, sur les 56 millions
de décès recensés chaque année, 6 millions sont liés au tabagisme
et 7 millions à la pollution de l’air
intérieur aussi bien qu’extérieur.
Tout compte fait, neuf personnes sur dix dans le monde respirent
un air toxique qui excède les limitations des lignes directrices
de l’OMS. La pollution intérieure
est
un problème non-négligeable dans les pays en développement, où les
logements et les appareils de cuisson sont souvent dépourvus d’aération.
La pollution de l’air extérieur – provoquant 4,2 millions de décès
parmi le chiffre de 7 millions sus-mentionné – concerne les pays
développés et les pays en développement, en particulier les zones
industrielles et urbaines. Elle est largement due à la combustion
des combustibles fossiles, notamment dans les centrales (pour la
production d’énergie), l’industrie et les transports, ou l’incinération
des déchets. Les dispositifs domestiques de chauffage (par exemple,
chauffage au bois ou au charbon) contribuent également à augmenter
le niveau de pollution de l’air extérieur. En Europe, la circulation
routière est la première source de pollution extérieure dans les
zones urbaines, tandis que les émissions provenant de l’agriculture
sont très problématiques dans les zones rurales. Pour de nombreux Européens,
il n’est pas aisé d’échapper à la pollution atmosphérique.
2. En 2018, l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) a
estimé que la pollution atmosphérique était responsable de 520 000 décès
par an dans 41 pays européens et qu’elle coûtait chaque année environ 500 milliards
d’euros
.
Si nous y ajoutons les données de l’OMS pour les pays européens
restants, le nombre de décès atteint 753 000 par an
. Les
trois polluants les plus nocifs pour la santé humaine sont les particules fines
(y compris les hydrocarbures polycycliques liés à des particules),
le dioxyde d’azote et l’ozone
. Les pathologies
telles que les maladies respiratoires, en particulier l’asthme,
les infarctus, les accidents vasculaires cérébraux et le cancer
du poumon sont les plus étroitement liées à la pollution atmosphérique.
Il existe également un lien avec le diabète et l’obésité, ainsi
qu’à la démence sénile
.
Au début de la vie, la pollution atmosphérique est associée à une
baisse du poids à la naissance, aux altérations précoces du développement du
système immunitaire, à la réduction de la capacité pulmonaire et
aux retards dans le développement neurocognitif, notamment un QI
plus faible. Des études plus récentes ont établi une relation entre
pollution de l’air et troubles mentaux chez l’enfant
.
3. Suite à la proposition de résolution (
Doc. 14185) présentée par M. Geraint Davies et d’autres membres de
l’Assemblée parlementaire, le présent rapport vise à évaluer les
efforts déployés au niveau européen pour améliorer la qualité de
l’air extérieur et présenter des recommandations de politiques concernant
les domaines pour lesquels des améliorations s’imposent de toute
urgence, tout en gardant à l’esprit les impératifs de santé publique
et la nécessité d’adopter à l’échelle de l’Europe une approche holistique
de la lutte contre la pollution atmosphérique. En tant que rapporteur
désigné pour succéder à M. Davies, qui a quitté l’Assemblée, je
ferai très souvent référence aux recherches menées par mon prédécesseur
ainsi qu’aux conseils d’experts reconnus dans ce domaine
. Par ailleurs, afin d’actualiser
les données utilisées dans le présent rapport et d’obtenir des informations
sur les dernières évolutions, j’ai effectué une visite d’information
à l’AEE le 17 juillet 2018
et
j’ai participé à la première Conférence globale de l’OMS sur la
pollution atmosphérique et la santé (tenue à Genève du 30 octobre
au 1er novembre 2018).
2. Un regard plus soutenu sur la situation
en Europe
4. Dans toute l’Europe, malgré
les progrès importants réalisés ces dix dernières années, la pollution atmosphérique
représente toujours le plus grand risque environnemental pour notre
santé, provoquant des maladies et raccourcissant les vies. Loin
d’être un phénomène abstrait, la pollution de l’air nous impacte
tous, car elle se déplace sur de longues distances au-delà des frontières
nationales. À court terme, elle frappe les plus vulnérables d’entre
nous – les enfants, les femmes enceintes et tous ceux qui ont une
santé plus fragile en général. Les nouveaux éléments présentés par
l’OMS semblent indiquer que la charge de mortalité et de morbidité
due à la pollution de l’air extérieur est encore sous-estimée et
qu’elle «devrait augmenter considérablement», en raison du caractère
persistant de la plupart des sources de pollution liées aux activités humaines.
À l’échelle mondiale, l’émission d’un certain nombre de polluants
atmosphériques contribue également au changement climatique et inversement.
5. D’après l’AEE, le secteur des transports, en particulier la
circulation routière, est l’un des principaux éléments à l’origine
de la mauvaise qualité de l’air, notamment en ville: l’intensité
du trafic augmente et les voitures diesel ont envahi l’espace public.
En 2012, on comptait déjà plus d’un milliard de véhicules en circulation
dans le monde, dont environ un quart aux États-Unis. En 2014, la
production de nouvelles voitures a atteint 90 millions à l’échelle
mondiale, la Chine en ayant produit 24 millions en un an, l’Union
européenne 17 millions et les États-Unis 11,5 millions. Les transports
représentent environ 15 % des émissions mondiales de gaz à effet
de serre et 27 % des émissions de l’Union européenne – c’est le
seul secteur où les émissions augmentent encore. L’amélioration
de l’efficacité énergétique des véhicules qui s’est opérée ces vingt dernières
années a été neutralisée par l’augmentation du nombre de voitures
sur les routes et du nombre de kilomètres parcourus.
6. En Europe, la pollution de l’air et les préoccupations relatives
aux changements climatiques sont étroitement liées. Suite au Protocole
de Kyoto, l’Union européenne a obligé le secteur des transports
à réduire ses émissions de CO2 au cours des
années 1990. Étant donné que les véhicules à essence consomment
plus de carburant que ceux au diesel, les constructeurs automobiles
européens ont persuadé les gouvernements que le passage du premier
carburant au second contribuerait à réduire les émissions de CO2.
La part du diesel dans le marché des véhicules neufs a donc augmenté
considérablement entre 2000 et 2015. Ainsi, au Royaume-Uni, elle
est passée d’environ 10 % avant 2000 à presque 50 % en 2015, et
des hausses similaires ont été enregistrées en Italie et en Allemagne.
En 2015, les véhicules diesel représentaient 52 % des nouvelles immatriculations
dans l’Union européenne juste avant que le scandale du «dieselgate»
de Volkswagen n’éclate et n’inverse la tendance. En raison d’une
action en justice visant à sanctionner la pollution au diesel, les
ventes de voitures diesel en Allemagne avaient chuté d’environ 10 %
en un an à la mi-2018, alors que dans l’Union européenne, elles
avaient diminué de 16 % au cours de la même période.
7. Toutefois, s’agissant de la pollution atmosphérique, le diesel
est un carburant «sale»
. Un moteur diesel
émet davantage de particules et trois à quatre fois plus de dioxyde
d’azote (NO2) qu’un moteur à essence. Du
fait de l’arbitrage à réaliser entre économie de carburant et lutte
contre la pollution, la technologie nécessaire pour atténuer la
pollution causée par les véhicules diesel tend à annuler les gains
d’efficacité énergétique. En outre, le diesel génère d’autres polluants
responsables de l’effet de serre tels que l’ozone, le protoxyde
d’azote (N2O) et le noir de carbone. L’Europe
a été le seul groupe de pays à adopter le diesel pour réduire les
émissions de CO2 ; cette stratégie a été
un échec du point de vue climatique et une catastrophe en termes
de santé publique.
8. Les normes de référence concernant les émissions de gaz pour
les nouveaux véhicules sont fixées par l’Union européenne et la
concentration des différents polluants dans l’air est réglementée
par la directive (2008/50/CE) de l’Union européenne sur la qualité
de l’air. On s’attendait à ce que la qualité de l’air des zones urbaines
de l’Union s’améliore avec l’introduction de normes d’émissions
plus strictes et de systèmes de lutte contre la pollution de plus
en plus efficaces. Toutefois, ces améliorations ne se sont pas concrétisées,
ce qui a entraîné le déclenchement de plusieurs actions en justice
contre des États membres: en 2017, la Cour de justice de l’Union
européenne a condamné la Bulgarie et la Pologne et, en mai 2018,
la Commission européenne a renvoyé l’Allemagne, la France, la Hongrie,
l’Italie, la Roumanie et le Royaume-Uni devant la Cour pour manquement
persistant à l’obligation de prendre des mesures efficaces visant
à améliorer la qualité de l’air. L’Union a également menacé d’engager
des actions en justice contre plusieurs autres pays
. Des citoyens ont en outre, à titre individuel
ou au sein d’organisations de la société civile, engagé une série d’actions
en justice contre l’État parce qu’il n’a pas adopté de mesures permettant
de réduire de façon effective la pollution de l’air extérieur ainsi
que les problèmes de santé et les décès qui en découlent
.
9. L’OMS a fixé des limites plus strictes que l’Union européenne
en termes de qualité de l’air, mais celles-ci constituent des recommandations
qui ne sont pas juridiquement contraignantes. Afin de limiter le
risque de préjudice pour la santé, les lignes directrices de l’OMS
sur les particules, qui sont fondées sur des données factuelles,
indiquent que les concentrations moyennes annuelles en particules
PM2.5 et PM10 ne devraient pas dépasser respectivement 10 μg/m3 et
20 μg/m3. En comparaison, la directive
de l’Union européenne sur la qualité de l’air fixe un objectif obligatoire
à 25 μg/m3 pour les PM2.5 et à 40 μg/m3 pour
les PM10. Concernant la pollution au dioxyde d’azote (NO2),
les normes de l’OMS et de l’Union sont toutes deux fixées à 40 μg/m3.
Les villes et pays ambitieux
peuvent donc choisir volontairement
de respecter les valeurs de référence plus strictes de l’OMS, mais
l’Union européenne devrait être encouragée à aligner ses normes
sur celles de l’OMS.
10. Il existe plusieurs raisons pour lesquelles l’amélioration
de la qualité de l’air est si lente. Premièrement, les normes d’émissions
pour les véhicules diesel sont bien moins strictes que celles s’appliquant
aux véhicules à essence, et le diesel représente aujourd’hui une
part bien plus importante du marché des véhicules neufs. Deuxièmement,
les émissions en conditions de conduite réelles ont peu de rapport
avec les résultats en laboratoire. Ainsi, les niveaux de dioxyde
d’azote sont généralement quatre à cinq fois plus élevés sur la
route que dans les conditions d’essais. Ce problème a été mis en
lumière par le scandale Volkswagen: le constructeur automobile avait
installé des dispositifs d’invalidation afin de couper le système
de contrôle des émissions de NO2, à la suite
de quoi les émissions réelles étaient de 20 à 40 fois plus élevées
que celles mesurées en conditions d’essais. D’autres constructeurs
ont truqué le système en installant des dispositifs de contrôle
qui ne se mettent en marche que lorsque le moteur atteint une certaine
température, ce qui entraîne une pollution bien plus importante
lors des froides journées d’hiver. En outre, les propriétaires des
véhicules peuvent aussi illégalement contourner les systèmes de
contrôle des émissions
.
11. De plus, comme il ressort des échanges tenus au sein de la
commission des questions sociales, de la santé et du développement
durable, les choix de certains États membres en matière de politique
industrielle ont des effets secondaires indésirables tant sur la
qualité de l’air – et, au final, sur la santé publique – qu’au regard
des émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, à la suite de
la catastrophe de Fukushima, l’Allemagne a décidé d’accélérer la
sortie progressive du nucléaire sur son territoire et de privilégier
les sources d’énergie renouvelables, principalement le solaire et
l’éolien. Or, l’approvisionnement en énergie éolienne étant intermittent,
il faut prévoir pour cette source d’énergie une capacité de réserve
et recourir davantage aux centrales à charbon et aux centrales à
gaz, ce qui entraîne une plus grande pollution de l’air. Il est
bien souvent difficile de trouver un juste équilibre entre priorités
économiques et besoins de développement durable.
12. De nombreux pays non membres de l’Union européenne situés
dans l’est et le sud-est du continent sont confrontés au phénomène
de la pollution atmosphérique. Pour eux, la priorité absolue est
d’assurer l’expansion rapide de leur économie pour combler leur
retard sur les régions les plus riches d’Europe, un objectif qui
passe bien avant les préoccupations relatives au développement durable,
et la qualité de l’air est donc reléguée au second plan. Un développement
propre axé sur les nouvelles technologies est également plus onéreux;
étant donné que les pays de l’Union européenne sont pressés à se
défaire de leurs voitures et usines polluantes, celles-ci sont souvent
en fin de compte exportées vers l’est. Comme nous le verrons dans les
chapitres suivants, l’exposition de la population à certains polluants
est particulièrement marquée en Europe centrale et orientale.
3. Les
coupables: les polluants atmosphériques, leurs sources et leurs
répercussions sur notre santé
13. Il existe de nombreuses sources
de pollution atmosphérique liées aux activités humaines qui ont d’importantes
répercussions sur la santé. Je m’intéresserai ici en particulier
aux polluants de l’air extérieur les plus nocifs qui affectent le
plus gravement notre santé et qui nécessitent donc que les décideurs
politiques et les instances réglementaires leur accordent une attention
prioritaire: les particules en suspension, le dioxyde d’azote, l’ozone
et quelques autres substances.
3.1. Émission
de particules (PM2,5, PM10 et autres)
14. Du point de vue de la santé
publique, le polluant le plus dangereux prend la forme de particules
en suspension, ou matière particulaire («PM2,5» et «PM10»)
: l’AEE leur attribue environ 84 %
des décès dus à la pollution atmosphérique et d’innombrables cas
d’infarctus, de maladies cardiovasculaires, d’accidents vasculaires
cérébraux et de troubles respiratoires
.
Les particules proviennent principalement de l’utilisation de combustibles
dans les centrales électriques, l’industrie et les véhicules ainsi
que de l’incinération des déchets et du chauffage domestique, mais
peuvent aussi être d’origine naturelle (pollen, bactéries, etc.)
en tant que polluants primaires; certaines sont des polluants secondaires
qui flottent dans l’air à la suite d’interactions avec d’autres
substances chimiques, notamment en agriculture. Si les particules
grossières peuvent être visibles sous forme de fumée, à la sortie
des pots d’échappement des voitures et lors des feux de forêt, par exemple,
les particules plus petites sont invisibles. En fait, plus les particules
sont fines, plus les conséquences sont graves pour notre santé.
Pourtant, on commence seulement à prendre conscience de la dangerosité
des particules ultrafines d’un diamètre inférieur à 0,1 micron (PM0,1)
et, malheureusement, ces particules ne font pas l’objet d’études
ni de mesures systématiques
.
15. Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) constituent
un sous-ensemble de particules particulièrement préoccupant, le
benzo[a]pyrène (B[a]P) étant le seul HAP régulièrement contrôlé
dans l’ensemble de l’Union européenne. D’après le Centre international
de recherche sur le cancer (CIRC), ils pénètrent dans les poumons
et augmentent le risque de cancer du poumon. L’OMS associe 29 %
des décès dus au cancer du poumon dans le monde à la pollution de
l’air, principalement en raison de la présence de diverses particules
en suspension. De façon tout aussi inquiétante, de nouveaux éléments
établissent un lien entre l’exposition aux HAP pendant la grossesse
et des retards neurocognitifs ainsi que des troubles de la santé
mentale pendant l’enfance
, qu’il s’agisse entre autres d’anxiété,
de dépression ou de TDAH (trouble du déficit de l’attention avec
ou sans hyperactivité). Étant donné l’augmentation largement inexpliquée
de ces troubles chez les élèves à l’heure actuelle, il est nécessaire
de mener des recherches supplémentaires dans ce domaine.
16. Les moteurs diesel sont la principale source de particules
dans les zones urbaines. Toutefois, cela pourrait changer avec une
nouvelle génération de moteurs à essence, qui utilisent la technologie
de l’injection directe d’essence et émettent encore plus de particules
que les moteurs diesel. Il est clair que nous devons abandonner
progressivement tous les véhicules fonctionnant grâce aux combustibles
fossiles et pas uniquement les moteurs diesel. À court terme, les
émissions peuvent être réduites en recourant à des dispositifs de
contrôle de la pollution, comme les pièges à particules. Ces systèmes
sont efficaces lorsque leur installation est récente, mais il existe
de sérieux doutes quant à leur efficacité dans le temps, en particulier
dans des conditions de conduite urbaine. Leurs performances ne sont
pas mesurées dans le cadre des procédures ordinaires de contrôle
technique des véhicules, qui reposent uniquement sur un test optique
de l’opacité des fumées. Enfin, les filtres à particules diesel
sont moins efficaces pour capturer les particules ultrafines, qui pourraient
bien être les plus dangereuses sur le plan biologique.
3.2. Dioxyde
d’azote
17. La combustion de carburant
entraîne une pollution de l’air par des oxydes d’azote (NOx),
parmi lesquels le N2O (oxyde nitreux), le
NO (oxyde nitrique) et le NO2 (dioxyde d’azote).
Du point de vue de la santé publique, ce dernier composé est le
plus toxique, car il aggrave non seulement l’asthme, mais provoque
aussi cette maladie chez les enfants et les adultes à la suite d’une
exposition prolongée
.
La circulation, notamment celle des voitures diesel, détermine le
niveau de pollution tant aux particules en suspension qu’au NO2 dans
les zones urbaines, et parce que ces composés sont si étroitement
liés, leurs effets relatifs et combinés sur la santé ont fait l’objet
de nombreux débats. La situation est encore plus complexe dans la
mesure où les oxydes d’azote conduisent à la formation d’ozone et
de particules secondaires. L’AEE attribue au moins 13 % des décès
au NO2
.
De plus, l’impact estimé des dispositifs d’invalidation installés
sur les voitures Volkswagen correspond à 13 000 années de vie perdues
en Europe, principalement en Allemagne, au cours de la période 2008-2015
en raison de l’augmentation des niveaux d’ozone et de particules
engendrée par l’émission supplémentaire de NOx
.
3.3. Ozone
18. L’ozone (O3)
est l’un des principaux éléments contribuant aux maladies respiratoires
et à la mortalité: il est à l’origine d’environ 16 000 décès prématurés
(3 % du total) dus à la pollution atmosphérique dans 41 pays européens.
Polluant secondaire, l’ozone provient de réactions photochimiques
de précurseurs tels que les NOx et des composés organiques volatils
sous l’action de la lumière du soleil. Les niveaux d’ozone ont donc tendance
à être plus élevés en été et sont souvent les plus importants à
la campagne, sous le vent apportant la pollution urbaine.
3.4. Autres
polluants notables: dioxyde de soufre, benzène, monoxyde de carbone
et métaux lourds
19. Bien qu’elles aient diminué
au cours des dernières décennies, les émissions de dioxyde de soufre
(SO2) provenant de combustibles contenant
du soufre, dépassent encore les normes fixées par l’OMS dans de nombreux
endroits en Europe et touchent entre 20 % et 38 % de la population
urbaine totale. Ces composés provoquent une inflammation du système
respiratoire et la formation d’aérosols de particules liquides dans
l’air ainsi que l’acidification du sol et de l’eau. Le benzène (C6H6),
qui est toujours utilisé comme additif dans les carburants en Europe,
est nocif pour les cellules humaines et augmente le risque de développer
divers cancers. Environ 80 % du benzène émis en Europe est issu
de la consommation de carburant du secteur des transports. D’après
les données de l’AEE, 15 pays européens dépassent les niveaux de
référence de l’OMS pour ce polluant
. Les niveaux les plus
élevés de monoxyde de carbone (CO), une molécule qui touche particulièrement
les personnes atteintes de certains types de maladies cardiaques,
sont observés dans les zones urbaines aux heures de pointe et près
des grandes installations industrielles. Toutefois, une concentration
excessive (par rapport aux valeurs de référence de l’Union européenne
et de l’OMS) n’a été relevée que sur quatre sites de mesure en Albanie
et en Allemagne.
20. Il est établi que les métaux lourds – comme le zinc (Zn),
le cuivre (Cu), le nickel (Ni), le plomb (Pb), le chrome (Cr), le
sélénium (Se), l’arsenic (As), le mercure (Hg), le thallium (Tl)
et le cadmium (Cd) – sont toxiques pour le biote en raison de leur
accumulation progressive dans l’organisme par l’intermédiaire de
la pollution atmosphérique et de la chaîne alimentaire. L’exposition
aux métaux lourds a été associée à un retard du développement, à
des troubles immunologiques et de la reproduction, à divers cancers,
à des lésions rénales et à des décès. À l’heure actuelle, les principales
sources d’émissions de métaux lourds sont les centrales de production
d’électricité et de chaleur et les installations industrielles dont
le fonctionnement repose sur la combustion de combustibles. L’incinération
des déchets municipaux est une autre source importante de pollution
par les métaux lourds, avec les dioxines, une substance cancérigène.
Cependant, les données sur l’exposition de la population à ces polluants
sont sporadiques.
4. Situation
actuelle en ce qui concerne le problème de l’exposition
21. La pollution atmosphérique
ne fait pas les gros titres, pourtant cela devrait être le cas.
Comme l’a souligné Dr Arvind Kumar lors de la première Conférence
mondiale de l’OMS sur la pollution de l’air et la santé
, le fait d’inhaler de l’air pollué
à hauteur de 22 μg/m3 de PM2,5 équivaut
à fumer une cigarette par jour, ce qui signifie que tous les habitants
deviennent de fait des fumeurs. Dans les pays très pollués comme
l’Inde, cette situation implique que tout le monde, y compris les
nouveau-nés, respire en moyenne l’équivalent de cinq à sept cigarettes
par jour. Dans ces conditions, les poumons des non-fumeurs deviennent
noirs dès l’âge de 15 ou 20 ans et l’âge moyen du cancer du poumon
est avancé à entre 30 et 40 ans (contre entre 50 et 60 ans en 1988).
Une fois que les poumons sont devenus noirs, il n’y a aucun moyen
de les nettoyer. Il s’agit véritablement d’un scandale de santé
publique et d’une urgence absolue.
22. Dans toute l’Europe, la population est prisonnière de l’air
toxique qu’elle respire et est mal informée des répercussions sur
la santé. Le tableau ci-dessous indique le pourcentage de la population
urbaine de l’Union européenne exposée à différents polluants qui
affectent la santé humaine selon les normes de l’Union européenne
ou de l’OMS. Pour les PM2,5, la limite fixée par l’Union européenne
est de 25 μg/m3 d’air, alors que le seuil
de l’OMS n’est que de 10: c’est un écart important si l’on considère
la part de la population urbaine exposée à des niveaux inacceptables.
Ainsi, alors que 8 % seulement de la population urbaine est exposée
à un niveau de pollution aux PM2,5 supérieur à la limite de l’Union
européenne, 85 % sont concernés par une exposition chronique dépassant
la limite de l’OMS. Si l’on se réfère au parallèle dressé par M.
Kumar et mentionné ci-dessus, cela signifie que 85 % de la population
respire une demi-cigarette par jour. Environ 40 millions de personnes
vivant dans les 115 plus grandes villes de l’Union européenne sont
exposées à un air qui dépasse les valeurs de référence définies
par l’OMS pour au moins un type de polluant.
Polluant
|
Limite
de l’Union européenne et
taux d’exposition estimé en %
|
Limite
de l’OMS et
taux
d’exposition estimé en %
|
PM10
|
24 heures (50) 19 %
|
Annuel (20) 52 %
|
PM2,5
|
Annuel (25) 8 %
|
Annuel (10) 85 %
|
B[a]P
|
Annuel (1) 24 %
|
Annuel (0.12) 90 %
|
NO2
|
Annuel (40) 8 %
|
Annuel (40) 8 %
|
SO2
|
24 heures (125) <1
|
24 heures (20) 38 %
|
O3
|
8 heures (120) 30 %
|
8 heures (100) 98 %
|
Source: AEE; tous les niveaux
de polluants (entre parenthèses) sont exprimés en μg (microgrammes)/m3 d’air, à
l’exception du benzo[a]pyrène (B[a]P), qui est mesuré en ng (nanogrammes)/m3.
Pour les estimations de l’exposition, les valeurs maximales sont
prises en compte.
23. Il est plus difficile d’évaluer
la situation relative à la qualité de l’air dans les pays non membres
de l’Union européenne, en particulier ceux qui ne font pas l’objet
des mesures réalisées par l’AEE. L’indice européen de la qualité
de l’air établi par l’AEE et l’autre instrument existant, l’indice
de la qualité de l’air en temps réel, montrent les points où la
pollution atmosphérique est la plus marquée en Europe de l’Est et
du Sud-Est, mais tous deux manquent de données concernant le Bélarus,
la République de Moldova, la Fédération de Russie, l’Ukraine, plusieurs
pays des Balkans et la région du Caucase; de plus, l’Agence dispose
de peu de statistiques sur la Turquie. S’agissant des données de
l’OMS sur les décès prématurés dus à la pollution atmosphérique, les
résultats de ces pays sont très décevants et comparables à ceux
des pays les moins performants de l’Union européenne (Bulgarie,
Pologne, République slovaque, Grèce et Italie pour les PM2,5, et
Italie, Espagne, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Autriche et Royaume-Uni
pour le NO2). La carte interactive de l’OMS
portant sur la pollution de l’air ambiant (extérieur) dans les pays
d’Europe de l’Est et du Sud-Est non membres de l’Union européenne
montre qu’il y a très peu de stations de mesure et les valeurs fournies
indiquent une exposition extrêmement excessive aux particules en
suspension (PM2,5 et PM10) dans les zones à forte densité de population.
24. Les conséquences d’une exposition excessive à la pollution
atmosphérique sont particulièrement graves pour les catégories de
population les plus vulnérables (enfants, femmes enceintes, personnes
à la santé précaire et certaines catégories de travailleurs). Les
enfants sont concernés au premier chef et d’une façon qui leur est
propre, notamment aux premiers stades de leur vie (pendant le développement
du fœtus et la petite enfance): ils respirent plus vite que les
adultes, inhalent plus d’air (donc plus de polluants), vivent plus
près du sol, où la concentration en polluants atmosphériques est
la plus forte, et passent plus de temps à l’extérieur à courir et
à jouer (ce qui intensifie la respiration), alors que leurs poumons
et leur cerveau se développent rapidement; dans l’utérus, ils ne
peuvent se soustraire à l’exposition de leur mère à un air toxique.
Cette situation peut provoquer des maladies et une mauvaise santé
qui les accompagnent ensuite tout au long de leur vie. Selon l’OMS,
sur le nombre total de décès dus à la pollution atmosphérique, il
s’agit d’enfants dans 9 % des cas; en Europe, la mortalité infantile
causée par la mauvaise qualité de l’air est plus élevée dans les pays
à revenu faible et intermédiaire
.
25. Dans toute l’Europe, les inégalités sociales – à l’intérieur
des pays et entre eux – tendent à pénaliser les tranches les plus
pauvres de la population en termes de maladies (asthme, problèmes
cardiaques, etc.) et de mortalité liées à la pollution d’air. Ainsi,
l’exposition aux particules en suspension (notamment aux PM2,5)
et à l’ozone est plus élevée en Europe de l’Est et du Sud-Est, des
régions qui connaissent des taux de pauvreté et de chômage importants.
À l’intérieur des pays, les zones urbaines les plus défavorisées
sur le plan social sont également les premières à souffrir de la
pollution atmosphérique et de ses effets sur la santé. Une étude récente
montre par exemple qu’à Londres et dans ses environs, la qualité
de l’air est la plus mauvaise dans près de la moitié des zones les
plus défavorisées, contre 2 % des zones les plus riches; des tendances similaires
ont été observées en France, en Allemagne, à Malte, aux Pays-Bas,
dans certaines régions du Royaume-Uni (pays de Galles) et en Belgique
(Wallonie)
.
26. Si la pollution atmosphérique continue par le biais de l’attitude
«c’est comme ça», le droit des générations présentes et futures
à un environnement de vie sain sera compromis. Nous ne pouvons plus
être sûrs que nos enfants auront une vie meilleure, car notre immobilité
actuelle est en train de détruire leur avenir. Il ne faut pas s’étonner
que les enfants portent leur contestation dans la rue, comme en
témoigne la vague mondiale de mouvement des jeunes sur les changements
climatiques. Le message est clair: nous avons tous besoin d’une
planète plus propre – basée sur le développement durable pour un
avenir sain et prospère.
5. Outils
juridiques et cadres de référence pour le contrôle de la pollution
atmosphérique
5.1. Principaux
instruments juridiques européens de référence pour l’amélioration
de la qualité de l’air
27. Outre une multitude de réglementations
nationales relatives au contrôle de la qualité de l’air, les pays européens
disposent d’un certain nombre d’outils internationaux. Le principal
instrument de référence à cet égard est la Convention sur la pollution
atmosphérique transfrontière à longue distance adoptée en 1979 par la
Commission économique pour l’Europe des Nations Unies (CEE-ONU),
accompagnée de ses protocoles, parmi lesquels le protocole de Göteborg
(adopté en 1999 et modifié en 2012) est le plus important. Presque tous
les États membres du Conseil de l’Europe (à l’exception d’Andorre
et de Saint-Marin) ainsi que l’Union européenne sont Parties à la
Convention, qui prend en compte un large éventail de polluants atmosphériques. En
outre, la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants
(2001) oblige les pays européens et l’Union européenne à mettre
un terme à l’émission de dioxines; Andorre, l’Italie
et
Saint-Marin ne sont pas Parties à cette convention.
28. Les pays de l’Union européenne sont tous soumis à la politique
communautaire sur la qualité de l’air qui repose sur trois piliers:
1) les directives sur la qualité de l’air ambiant (2004 et 2008),
qui rend obligatoire l’adoption de plans nationaux pour la qualité
de l’air; 2) la directive sur les plafonds d’émission nationaux (2016),
qui définit des objectifs nationaux de réduction des émissions et
des mécanismes de contrôle connexes
; 3) des normes
spécifiques en matière d’émissions et d’efficacité énergétique pour
les principales sources de pollution atmosphérique, des véhicules
et des carburants aux produits et secteurs industriels. Le programme
«Air pur pour l’Europe», lancé en 2013, oblige les États membres
de l’Union européenne à se conformer pleinement à la législation
actuelle avant 2020 et à continuer d’améliorer la qualité de l’air
afin de réduire de moitié, par rapport à 2005, le nombre de décès
prématurés d’ici à 2030. La Commission européenne révise actuellement
ses directives et ses cadres de référence en matière de qualité
de l’air et devrait harmoniser ses seuils de référence avec les
normes de l’OMS.
29. Les Lignes directrices de l’OMS relatives à la qualité de
l’air (éditions 2000 et 2005) sont utilisées comme référence mondiale,
bien qu’en Europe, les États membres de l’Union européenne soient
liés par des normes communautaires plus souples. En 2015, compte
tenu des nouveaux éléments démontrant la toxicité de la pollution
atmosphérique, l’OMS s’est engagée dans la révision de ses lignes
directrices et a estimé que les normes existantes devraient être
réévaluées en priorité en ce qui concerne les particules en suspension
(y compris les HAP et notamment le benzo[a]pyrène), l’ozone, le
NO2, le SO2, le monoxyde
de carbone et le benzène ainsi que certains métaux lourds (cadmium,
chrome, plomb, nickel et arsenic)
.
30. En ce qui concerne les concentrations de mercure dans l’air,
l’Union européenne et plusieurs de ses États membres ont ratifié
la Convention de Minamata sur le mercure (Nations Unies, 2013) en
mai 2017, ce qui a permis son entrée en vigueur. Il est à espérer
que cette avancée conduira à la mise en place de mesures plus rigoureuses
des émissions de mercure et de l’exposition au mercure.
5.2. Plan
d’action de Genève – l’Europe dans le contexte mondial
31. D’un point de vue mondial,
s’attaquer à la pollution de l’air extérieur pour prévenir les maladies
et les décès contribuerait également à la réalisation des Objectifs
de l’Agenda 2030 du développement durable, en particulier de l’objectif 3
(bonne santé), de l’objectif 7 (énergie propre), de la cible 11.6
(qualité de l’air dans les villes), de la cible 11.2 (accès à des
transports viables) et de l’objectif 13 (changements climatiques).
En 2016, déjà, l’Assemblée mondiale de la Santé avait présenté sa
«Feuille de route pour une action mondiale renforcée face aux effets
néfastes de la pollution de l’air sur la santé». Puis, en 2018,
l’OMS a lancé un plan d’action ambitieux – le programme d’action
de Genève pour lutter contre la pollution de l’air – qui vise à
mobiliser les parties prenantes aux niveaux mondial, national et
local pour réduire de deux tiers le nombre de décès dus à la pollution
atmosphérique d’ici à 2030
, ce qui est un objectif beaucoup
plus ambitieux que celui de l’Union européenne.
32. Dans les grandes lignes, le plan de l’OMS prévoit ainsi une
intensification des efforts à l’échelle mondiale dans le cadre de
la campagne «Respire la vie», une réduction considérable de la combustion
de combustibles fossiles et de biomasse, la création d’une dynamique
en faveur des économies circulaires et de l’assainissement des villes,
un renforcement de la protection des tranches d’âge les plus vulnérables
de la population (notamment des enfants), la stimulation des partenariats
pour obtenir des effets bénéfiques sur les plans climatique, atmosphérique
et sanitaire dans le cadre des ODD, l’harmonisation des contrôles
de la pollution de l’air et une sensibilisation à la pollution atmosphérique
comme facteur essentiel de l’amélioration de la santé et de la qualité
de vie. Les aspects pratiques de la mise en œuvre du plan relèvent
maintenant des parties prenantes multisectorielles; beaucoup d’entre
elles ont participé à la première Conférence mondiale de l’OMS sur
la pollution de l’air et la santé et se sont volontairement engagées
à atteindre des objectifs relatifs à la qualité de l’air.
5.3. Réseau
européen des Villes-santé: partage de bonnes pratiques pour un air
plus pur
33. Il est inconcevable de parvenir
à améliorer la qualité de l’air dans l’ensemble de l’Europe sans
une forte mobilisation, une vision politique et les connaissances
des acteurs locaux. Quelque 1 400 communes européennes travaillent
ensemble dans le cadre du Réseau européen des Villes-santé de l’OMS
pour favoriser les contributions stratégiques des collectivités
locales à l’orientation des changements, au renforcement des capacités,
à la planification axée sur des partenariats et à l’innovation visant
à améliorer la qualité de vie et le bien-être dans les villes. La
vision du réseau pour l’avenir repose sur la construction de sociétés
inclusives et sur une prospérité partagée grâce à un développement
durable qui satisfait aux impératifs en matière de qualité de l’air.
34. Les exemples de bonnes pratiques au niveau des villes européennes
sont particulièrement emblématiques des évolutions satisfaisantes
sur le terrain. La mesure qui est peut-être la plus radicale est l’interdiction
des voitures polluantes (notamment des voitures diesel): en 2018,
plusieurs grandes villes (Oslo, Madrid, Hambourg, Stuttgart, Copenhague,
Helsinki, Paris, Londres, Bruxelles, Rome, pour n’en citer que quelques-unes)
ont annoncé des interdictions plus ou moins restrictives, principalement
à partir de la période 2019-2020, ou d’une date ultérieure. L’extension
des zones piétonnes en centre-ville, l’augmentation des taxes contre
les embouteillages et sur les «vieilles voitures», la mise en place
de zones «à émissions faibles ou nulles» et la promotion du vélo
et des transports publics propres font partie des mesures qui ont
été appliquées
. De nombreuses villes allemandes ont été
contraintes par les tribunaux administratifs locaux à interdire
ou à restreindre considérablement l’utilisation des voitures diesel
(Aix-la-Chapelle, Berlin, Bonn, Cologne, Essen, Francfort, Gelsenkirchen
et Mayence, par exemple)
.
35. En parallèle, les véhicules électriques et hybrides gagnent
du terrain, à mesure que les communes étendent leur réseau de dispositifs
de recharge et que des initiatives nationales ou locales pénalisent
les voitures sales par la mise en place de «taxes vertes». Dans
les villes «vertueuses», comme Copenhague, environ 40 % des déplacements
à l’intérieur de la ville sont effectués à vélo et environ 75 %
des habitants utilisent quotidiennement la bicyclette. L’adoption
de diverses formes de taxation verte semble être l’un des moyens
les plus efficaces pour appliquer le principe du «pollueur-payeur»
et réduire ainsi la pollution atmosphérique. Ces taxes peuvent être
imposées au niveau national ou local et les recettes fiscales ainsi collectées
peuvent servir à financer des infrastructures publiques assurant
une mobilité plus propre, la rénovation des installations municipales
de traitement des déchets ou l’entretien des espaces verts en milieu urbain.
Dans le même temps, les décideurs politiques au niveau national
doivent bien veiller à ce que l’électricité soit surtout produite
à partir de sources d’énergie renouvelables et garantir la traçabilité
des matériaux et des procédés utilisés pour la construction des
batteries de véhicules électriques, de sorte qu’aucun maillon de
la chaîne de production n’implique le travail d’enfants dans les
pays tiers concernés.
5.4. Des
lacunes dans la législation et la pratique nationales?
36. Un sondage parlementaire sur
les lois, les réglementations et les normes nationales relatives
à la qualité de l’air (y compris sur les sanctions en cas d’infraction)
mené en 2017 par le Centre européen de recherche et de documentation
parlementaires (CERDP) dans les États membres du Conseil de l’Europe
fournit des informations précieuses sur la situation dans 24 pays,
principalement ceux de l’Union européenne
.
Tous ces pays disposent d’un socle législatif complet pour la protection
de la qualité de l’air. Cependant, la moitié des pays européens
(notamment ceux d’Europe de l’Est et du Sud-Est, où la qualité de
l’air est la plus mauvaise) n’ont pas répondu au questionnaire.
Les obligations juridiques nationales en matière de contrôle et d’évaluation
de la qualité de l’air ne sont donc pas claires pour cette région.
37. En ce qui concerne le respect au niveau national des obligations
internationales en matière de contrôle de la qualité de l’air, consacrées
par la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière
à longue distance et ses huit protocoles, les États membres de l’Union
européenne se sont jusqu’à présent investis beaucoup plus fermement
que les pays d’Europe de l’Est et du Sud-Est, qui ont à peine adopté
quelques-uns des protocoles de la Convention qui constituent le
cadre réglementaire le plus rigoureux. Dans l’ensemble, les États
participants n’ont pas beaucoup progressé en ce qui concerne l’ozone
troposphérique, les particules en suspension et les métaux lourds
ainsi que, de façon plus générale, les polluants organiques persistants.
En outre, les préoccupations économiques ont conduit de nombreux
États à modérer leurs engagements en matière d’amélioration de la
qualité de l’air d’ici à 2020 et les experts notent que le niveau
général d’ambition est largement insuffisant pour protéger notre
santé et l’environnement de manière adéquate
.
38. Il convient de noter que le protocole de Göteborg adopté en 1999
contient des dispositions spécifiques sur l’accès du public aux
informations relatives à la qualité de l’air, telles que les émissions
annuelles nationales, les niveaux de pollution et les effets sanitaires
et environnementaux des polluants atmosphériques. Ces obligations
sont accentuées par le système de transparence renforcée prévu par
la Convention d’Aarhus de 1998 sur l’accès à l’information, la participation
du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière
d’environnement. La mise à disposition du public d’informations
adéquates sur la qualité de l’air est capitale pour des raisons
de transparence et de contrôle démocratique, en particulier dans
les pays les plus pollués qui échappent à la surveillance de l’Union
européenne et ne sont pas couverts par le réseau de collecte de
données relatives à l’air mis en place par l’AEE.
39. La situation dans mon propre pays (Ukraine) est critique à
de nombreux égards en ce qui concerne les défis de la qualité de
l’air. Cela concerne la configuration institutionnelle des contrôles
de la qualité de l'air, les problèmes techniques dus au vieillissement
des équipements de surveillance de l'air et le respect des meilleures
pratiques internationales, y compris des dispositions pertinentes
des directives de l'Union européenne. Actuellement, les compétences
et les responsabilités des institutions gouvernementales participant
au système de surveillance de l'air ne sont pas claires, les principaux
polluants atmosphériques (PM2.5, PM10, ozone) ne font pas l'objet
de surveillance et la méthodologie est dépassée. De plus, les informations
sur la qualité de l'air ne sont pas diffusées auprès du public et
la fréquence d'échantillonnage n'est pas conforme aux exigences
de l'Union européenne et de l'OMS. Cependant, de nombreux changements essentiels
sont en cours à la lumière de l'accord d'association UE-Ukraine.
Par exemple, le Gouvernement de l'Ukraine a élaboré un projet de
loi sur un nouveau système de surveillance et de gestion de l'air
basé sur les normes de l'Union européenne. Cette législation, actuellement
soumise au processus de consultation des parties prenantes publiques,
rationalisera le système national de collecte, d’analyse et de diffusion
des informations sur la qualité de l’air et, plus important encore,
jettera les bases d’une amélioration effective de la qualité de
l’air
.
40. Alors que certains pays européens prennent des mesures efficaces
pour limiter la pollution atmosphérique, beaucoup ont du mal à se
conformer aux exigences actuelles et le nombre de victimes ne cesse
d’augmenter. Les comparaisons de données fondées sur les rapports
de l’AEE sur la qualité de l’air en 2018 et en 2017 montrent que
les pays nordiques (Danemark, Estonie, Finlande, Suède et en partie Norvège),
la Belgique, la Pologne et le Royaume-Uni ont réussi à réduire le
nombre de décès dus à la pollution atmosphérique, alors que la situation
s’est dégradée dans les autres pays examinés. Certains pays ont
obtenu des résultats positifs s’agissant de la réduction de la pollution
aux PM2,5 et au NO2 (Pays-Bas et République tchèque),
uniquement de la pollution aux PM2,5 (Albanie, Allemagne, Lituanie,
Macédoine du Nord et Suisse) ou uniquement de la pollution au NO2 (Bulgarie
et Roumanie).
41. Les stratégies nationales de réduction des émissions d’ozone
ne semblent pas fonctionner et les niveaux d’ozone restent problématiques
dans toute l’Europe, en particulier dans la région méditerranéenne. Cela
s’explique principalement par l’association de la circulation, des
émissions provenant de l’industrie et des tendances au réchauffement
climatique; ainsi, dans 4 % seulement des sites de mesure les valeurs recommandées
par l’OMS ne sont pas dépassées.
6. Mettre
un terme à la pollution atmosphérique: la nécessité d’une action
forte et concertée
42. Respirer un air propre est
un droit fondamental: lorsque nous naissons, la première chose que
nous faisons est de respirer. Où que nous vivions, nous avons besoin
d’un air respirable qui ne raccourcisse pas notre espérance de vie
et qui ne détériore pas notre santé. Étant donné que la pollution
de l’air traverse les frontières très facilement, nous devons prendre
des mesures concertées dans toute l’Europe. Les normes de l’Union
européenne en vigueur constituent un point de repère utile pour
ses États membres, mais elles doivent être pleinement alignées sur
les Lignes directrices plus strictes de l’OMS et doivent être mieux
appliquées. Les États non-membres de l’Union européenne devraient
suivre les lignes directrices de l’OMS, qui pourraient servir de
fondement à l’élaboration de lois nationales sur la protection de
la santé publique.
43. Les États membres du Conseil de l’Europe doivent s’attacher
plus fermement à la réduction de la pollution atmosphérique, à court
et à long terme. En fonction des particularités de la situation
nationale s’agissant des principaux polluants et des sources de
pollution, les mesures mises en place ou renforcées pourraient inclure
l’amélioration des méthodes pour tester les émissions, le suivi
compréhensif en temps réel de la qualité de l’air assorti d’une
information au public, l’adoption d’incitations et de pénalités
fiscales, l’urbanisme durable
(par exemple, la
création de zones d’«air propre» avec des restrictions de circulation,
le recours accru aux transports publics et à des sources d’énergie
plus propres, la promotion de l’utilisation du vélo) et l’intensification
des investissements dans les technologies propres pour l’industrie
(particulièrement les secteurs du transport et de l’énergie), l’agriculture
et les foyers domestiques (notamment pour les systèmes de chauffage
et la mobilité personnelle). Lorsque les lois et normes relatives
à la qualité de l’air ne sont pas suffisamment détaillées au niveau
national, l’action parlementaire pourrait contribuer à remédier
à la situation.
44. Il est important de considérer le problème de la pollution
atmosphérique dans une perspective plus large: la dégradation spectaculaire
de notre espace de vie a des effets néfastes considérables sur les
générations actuelles et futures. Nous sommes littéralement en train
de scier la branche sur laquelle nous sommes assis. On constate
de nombreux signaux alarmants sur les risques environnementaux (concernant
le capital naturel, le climat, la biodiversité, la pollution de
l’eau par des produits chimiques), des interactions et des points
de basculement qui entraînent notre société vers un effondrement
du développement qui provoquera des perturbations sociales, économiques
et politiques majeures
. En luttant contre la pollution
atmosphérique par la mise en œuvre d’initiatives multisectorielles,
nous pouvons tirer parti des synergies existantes et réparer les dommages
causés à notre santé, à notre bien-être et à la planète.