Imprimer
Autres documents liés

Résolution 2285 (2019)

Un développement urbain durable propice à l’inclusion sociale

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 24 mai 2019 (voir Doc. 14887, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteure: Mme Sybille Benning).

1. Des villes qui répondent aux besoins de tous posent les fondations de sociétés prospères et pacifiques. Les États membres du Conseil de l’Europe doivent tirer parti de la dynamique politique créée par le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies pour promouvoir leurs réalisations, combler les lacunes qui subsistent en construisant des communautés urbaines inclusives et, ainsi, réaliser l’Objectif de développement durable 11 (faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables).
2. Avec l’urbanisation rapide de nos sociétés, il est important de saisir pleinement les nouvelles occasions et de minimiser les risques. Aujourd’hui, près de 75 % de la population européenne vit dans des zones urbaines – un chiffre qui devrait dépasser les 80 % d’ici à 2050. D’une part, les villes permettent des économies d’échelle, une utilisation efficace des ressources, l’innovation sociale, le dialogue interculturel et la solidarité. D’autre part, elles génèrent de la pollution et d’autres charges sur l’environnement. L’afflux de population exerce une pression sur l’espace disponible et les marchés de l’emploi et du logement, ce qui peut entraîner et entraîne effectivement exclusion, ségrégation et troubles sociaux.
3. L’Assemblée parlementaire est préoccupée par l’étalement urbain qui exerce une pression massive sur l’environnement et nuit à la qualité de vie dans les zones urbaines. Les villes sont de plus en plus affectées par le réchauffement planétaire, auquel elles contribuent aussi de façon importante. Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement, les villes sont responsables de 75 % des émissions mondiales de CO2. La pollution atmosphérique cause chaque année des centaines de milliers de décès prématurés en Europe.
4. Le développement urbain implique souvent la prise en compte de besoins et d’intérêts contradictoires, et nécessite des mécanismes efficaces de négociation et de prise de décision. Les objectifs du développement économique peuvent, mais ne doivent pas, entrer en conflit avec la protection de l’environnement. Dans les villes, les nouveaux arrivants sont souvent perçus comme une menace pour le bien-être de la population déjà installée. L’incapacité à résoudre rapidement ces problèmes et à trouver des solutions viables qui répondent aux préoccupations de chacun peut mener à la désillusion vis-à-vis des institutions démocratiques, à des actions de protestation et à la violence.
5. Dans ce contexte, l’Assemblée note avec préoccupation que, dans de nombreux pays, le secteur public se désengage en tant que propriétaire foncier, investisseur et autorité de régulation, ce qui réduit sa capacité à déterminer l’espace public. L’Assemblée déplore, en outre, le manque de transparence et de responsabilité dans la prise de décision actuelle en matière de développement urbain.
6. Il devrait être entendu que tous les partenaires clés unissent leurs forces et créent des synergies. Les gouvernements, les parlementaires, les collectivités locales et régionales et les organisations non gouvernementales ont des rôles complémentaires et doivent travailler en étroite collaboration.
7. Les États membres du Conseil de l’Europe devraient utiliser les engagements mondiaux et européens en faveur du développement durable comme cadre d’orientation et incitation à agir. L’Assemblée souscrit pleinement à l’Objectif de développement durable 11 des Nations Unies et au Nouveau Programme pour les villes approuvé en 2016 par l’Assemblée générale des Nations Unies, qui offre «une vision commune pour un monde meilleur et durable – un monde dans lequel les individus peuvent profiter des mêmes droits et bénéficier équitablement des opportunités offertes par la ville». L’Assemblée rappelle que la Charte urbaine européenne II, adoptée par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe en 2008, souligne que les villes sont des carrefours de civilisations, des espaces de rencontre où les différences peuvent librement se côtoyer et s’exprimer dans le respect mutuel.
8. Le Conseil de l’Europe offre une plateforme unique pour partager les bonnes pratiques et établir des normes communes en matière de gouvernance démocratique au niveau européen par le biais de ses institutions – Comité des Ministres, Assemblée parlementaire, Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et Conférence des organisations internationales non gouvernementales –, plateforme qui devrait être renforcée.
9. L’Assemblée est convaincue que le développement urbain durable doit se concentrer avant tout sur les personnes et se félicite de l’émergence des «villes des droits humains», qui ont adopté les principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme comme normes directrices de la gouvernance. Le développement durable, les droits humains et le dialogue interculturel sont intrinsèquement liés. La ville devrait être un incubateur où ces approches se nourrissent et se renforcent mutuellement.
10. À la lumière de ce qui précède, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
10.1. en ce qui concerne le droit interne:
10.1.1. à élaborer et à renforcer les politiques et stratégies nationales pour un développement urbain inclusif et durable;
10.1.2. à veiller à ce que le secteur public dispose d’une influence et d’un pouvoir réglementaire suffisants;
10.1.3. à mettre en place des mesures incitatives et à réduire les obstacles qui empêchent les collectivités locales de donner la priorité à la cohésion sociale dans leurs projets de développement urbain;
10.1.4. à promouvoir un développement urbain fondé sur les droits humains afin que personne ne soit laissé de côté, et à prêter attention aux besoins spécifiques des enfants, des personnes âgées, des femmes, des migrants et des réfugiés, des pauvres et des personnes handicapées;
10.1.5. à créer un environnement juridique et institutionnel propice au développement urbain durable, y compris à des initiatives locales;
10.1.6. à promouvoir une utilisation mixte de l’espace urbain, combinant logement, emploi et loisirs, afin de réduire l’utilisation des transports et d’améliorer la qualité de vie;
10.1.7. à utiliser la planification du développement urbain pour faciliter l’interaction entre les différents groupes de population en appliquant, par exemple, des quotas de logements sociaux dans les grands projets immobiliers;
10.1.8. à soutenir la recherche sur le développement urbain durable, inclusif et fondé sur les droits humains;
10.1.9. à promouvoir la solidarité – intra-muros, avec les zones environnantes et avec les villes partenaires à l’étranger – au moyen de mécanismes de redistribution, de la «diplomatie des villes» et d’autres moyens appropriés;
10.1.10. à promouvoir la bonne gouvernance conformément aux 12 Principes de bonne gouvernance démocratique du Conseil de l’Europe;
10.2. en ce qui concerne la participation:
10.2.1. à promouvoir le dialogue social et la participation des citoyens à la définition des principes d’un développement urbain de qualité, à la mise en place des politiques correspondantes, et au suivi et à l’évaluation de leur mise en œuvre;
10.2.2. à utiliser pleinement les outils de la démocratie électronique pour permettre une participation transparente et inclusive de la population à la gouvernance locale;
10.2.3. à veiller à ce que les élections locales soient un moyen efficace de représenter les besoins divers de la population, y compris ceux des groupes vulnérables;
10.2.4. à prendre en considération les Lignes directrices relatives à la participation civile à la prise de décision politique (CM(2017)83-final) du Comité des Ministres, ainsi que sa Recommandation CM/Rec(2018)4 sur la participation des citoyens à la vie publique au niveau local;
10.2.5. à promouvoir et à utiliser la Charte européenne révisée sur la participation des jeunes à la vie locale et régionale (Recommandation 128 (2003) du Congrès), l’outil d’évaluation de la participation des enfants du Conseil de l’Europe et la version adaptée aux enfants du programme urbain «Les villes de nos rêves» élaboré par le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies chargée de la question de la violence à l’encontre des enfants, en coopération avec d’autres partenaires;
10.3. en ce qui concerne leurs engagements au niveau du droit international:
10.3.1. à adopter et à promouvoir le Code de conduite européen pour toutes les personnes participant à la gouvernance locale et régionale (Résolution 433 (2018) du Congrès);
10.4. en ce qui concerne la coopération internationale:
10.4.1. à participer au programme «Cités interculturelles» du Conseil de l’Europe, qui assiste les villes dans la révision et le développement des stratégies interculturelles globales;
10.4.2. à utiliser pleinement les possibilités de coopération offertes par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, le Comité européen sur la démocratie et la gouvernance (CDDG) et le Centre d’expertise pour la bonne gouvernance;
10.4.3. à tirer parti des possibilités de soutien que la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) offre à ses États membres et à leurs collectivités locales par le biais de financements, d’une assistance technique et de partenariats pour une croissance durable et inclusive, d’actions en faveur du climat et de l’intégration des réfugiés, des personnes déplacées et des migrants;
10.4.4. à participer au prix de l’Europe, qui est la plus haute distinction qui puisse être décernée à une ville européenne pour ses actions dans le domaine européen.
11. L’Assemblée invite les parlements nationaux (et, le cas échéant, les parlements régionaux):
11.1. à soutenir les actions visant à atteindre l’Objectif de développement durable 11 des Nations Unies en mettant en place des cadres législatifs ainsi qu’un contrôle budgétaire et démocratique;
11.2. à réaffirmer leur attachement à une approche du développement urbain fondée sur les droits humains en cherchant systématiquement à analyser les inégalités et à compenser les pratiques discriminatoires et les répartitions inéquitables des pouvoirs;
11.3. à encourager un débat public inclusif et à soutenir le développement de mécanismes décisionnels efficaces et transparents pour le développement urbain.