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Rapport | Doc. 14903 | 07 juin 2019

Budget et priorités du Conseil de l'Europe pour l'exercice biennal 2020-2021

Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles

Rapporteur : M. Mart van de VEN, Pays-Bas, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 4432 du 1er mars 2019. 2019 - Troisième partie de session

Résumé

Au moment de célébrer son 70ème anniversaire, le Conseil de l’Europe doit faire face à une pression budgétaire exercée par la Fédération de Russie qui pourrait affaiblir l’Organisation. Malgré ce contexte d’incertitude, le programme et le budget du Conseil de l’Europe pour l’exercice biennal 2020-2021 affiche une volonté de promouvoir une Organisation de plus en plus adaptable et confiante dans son savoir-faire et son expertise. Pour réussir, le Conseil de l’Europe doit pouvoir compter sur ses États membres. Aussi le Comité des Ministres est-il invité à prendre un engagement ferme pour renouer avec une croissance réelle ou au moins zéro en termes réels du budget.

A. Projet d’avis 
			(1) 
			Projet d’avis adopté
à l’unanimité par la commission le 3 juin 2019.

(open)
1. Au moment de célébrer son 70ème anniversaire, le Conseil de l'Europe et son Assemblée parlementaire sont pris en otage par un État membre qui refuse de payer sa contribution annuelle depuis le 1er juillet 2017. La préparation de l'avis de l'Assemblée sur le budget et les priorités pour l'exercice biennal 2020-2021 intervient de ce fait dans un contexte extraordinaire. Face à la crise financière actuelle, il est regrettable que l’Assemblée n’ait pas de prérogatives en matière budgétaire. L’Assemblée réitère donc sa demande pour un meilleur équilibre institutionnel entre les organes du Conseil de l’Europe en la matière. L'Assemblée rappelle que le Conseil de l'Europe est une organisation internationale de caractère politique, sans but économique ou lucratif, créée par des États souverains. Le financement du Conseil de l'Europe repose sur les contributions de ses États membres.
2. L’Assemblée considère que la pression budgétaire exercée par un État membre sur le Conseil de l’Europe fait peser un risque fort qui pourrait déstabiliser l’Organisation et la priver des moyens d’action lui permettant d’offrir à l’ensemble de ses États membres et aux autres États partenaires les éléments de réponse leur permettant de relever les défis concrets et de combattre les dérives actuelles.
3. L’Assemblée est consciente que le contexte politique interne est défavorable, en raison de l’attitude de la Fédération de Russie, qui, en utilisant le levier budgétaire pour arriver à ses fins, conduit le Conseil de l’Europe à subir la plus grave crise financière de son histoire. Cela obligera l’Organisation à prendre des décisions qui pourraient être irrémédiables et l’affaiblir au moment même où cette dernière commémore les 70 ans de sa création.
4. L’Assemblée estime que les choix stratégiques de ces dernières années, qui ont privilégié les programmes d’assistance et de coopération pour certains pays ou certains domaines d’action thématiques, financés presque exclusivement par des ressources extrabudgétaires, ont finalement affaibli le système de coopération intergouvernementale, qui est essentiellement financé par le budget ordinaire.
5. L’Assemblée reste convaincue que c’est pourtant ce système de coopération unique entre les États membres, centré sur l’élaboration de normes communes et dont les conventions sont la principale source de l’acquis du Conseil de l’Europe, qui constitue la raison d’être de l’Organisation, comme elle l’a rappelé dans sa Recommandation 2114 (2017) «Défendre l’acquis du Conseil de l’Europe» et sa Résolution 2277 (2019) «Rôle et mission de l’Assemblée parlementaire: principaux défis pour l’avenir».
6. En 70 ans, le système conventionnel du Conseil de l’Europe a fortement contribué à améliorer le fonctionnement des institutions démocratiques en Europe, à développer l’État de droit dans toute l’Europe et à protéger et promouvoir les droits de tous les citoyens européens. Le Conseil de l’Europe demeure aujourd’hui l’un des très rares forums multilatéraux capable d’élaborer rapidement des instruments internationaux portant sur une gamme étendue de sujets, dont beaucoup sont parmi les plus novateurs dans le monde, pour relever les défis, répondre aux préoccupations des citoyens européens et protéger leurs droits fondamentaux.
7. L’Assemblée apporte à ces instruments internationaux une contribution essentielle dès leur processus d'élaboration et dans le suivi de leur mise en œuvre efficace. Dans de nombreux cas, elle a identifié les domaines dans lesquels la mise en place de nouvelles normes serait pertinente. Il est donc important pour l’Assemblée de maintenir cette capacité à réagir rapidement et d'aider tous les acteurs au sein des États membres à les mettre en œuvre de manière probante.
8. Dans ce cadre, l’Assemblée soutient pleinement les initiatives prises par le Conseil de l’Europe concernant les questions liées à l’intelligence artificielle, qui occupe une place de plus en plus grande dans le fonctionnement de nos sociétés. Elle appelle le Comité des Ministres à aller plus loin dans la coopération dans ce domaine en élaborant un nouvel instrument juridique établissant un cadre pour le développement, la conception et l’application de l’intelligence artificielle en conformité avec les normes du Conseil de l’Europe.
9. L’Assemblée se félicite également du fait que l'égalité entre les femmes et les hommes reste l'une des principales priorités de l'Organisation et que la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210) soit devenue un texte de référence mondial. Elle soutient également la Stratégie du Conseil de l'Europe pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2018-2023, qui définit les priorités d'action pour les années à venir, y compris l'intégration de la dimension de genre dans toutes les politiques et activités de l'Organisation.
10. L'Assemblée, se référant à sa Résolution 2271 (2019) et à sa Recommandation 2150 (2019) «Renforcer la coopération avec les Nations Unies pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l'horizon 2030», se félicite de la décision du Comité des Ministres d'accorder une attention particulière à cet Agenda au cours du prochain exercice biennal, et appelle au renforcement de la contribution du Conseil de l'Europe, notamment en fournissant un soutien à ses États membres en vue de la réalisation des Objectifs de développement durable.
11. Depuis juillet 2017, le Conseil de l’Europe est confronté à une situation budgétaire et financière sans précédent liée au défaut de paiement volontaire d’un de ses États membres. Dans ce contexte, l’Assemblée demande au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe et au Comité des Ministres de rechercher d’autres alternatives que le plan de contingence du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe aboutissant à une réduction du budget de 32,4 millions d’euros. À ce titre, elle revient sur l’idée proposée par son Rapporteur général sur le budget d’étudier la faisabilité d’une cession de créance à une tierce partie.
12. L’Assemblée remarque que cette possibilité existe au niveau international et qu’elle a été utilisée par plusieurs États dans le passé. En effet, la cession de créances internationales et la cession internationale de créances sont une action connue dans le commerce international, qui est encadrée par la Convention des Nations Unies sur la cession de créances dans le commerce international du 12 décembre 2001.
13. L’Assemblée regrette que cette alternative n’ait pas été étudiée et qu’un plan de contingence soit mis en place pour absorber l’ampleur de la dette laissée volontairement par un État membre (près de 90 millions d’euros à la fin de 2019). La mise en œuvre de ce plan signifiera qu’un nombre important d’activités et des pans entiers du travail du Conseil de l’Europe pourraient disparaître, dont certains de manière irrémédiable pour les États membres. Le coût humain sera également très lourd, avec un plan de départ de 250 personnes, soit près de 10 % des effectifs du Conseil de l’Europe, que les États membres devront financer.
14. L’Assemblée note que le Programme et Budget 2020-2021, qui s'inscrivent dans un contexte d’incertitude persistante concernant le paiement des contributions obligatoires de la Fédération de Russie, affichent néanmoins une volonté de promouvoir une Organisation de plus en plus adaptable et confiante dans son savoir-faire et son expertise grâce à des réformes visant à améliorer ses processus et procédures de travail.
15. Dans ce contexte, l’Assemblée a pris note de l’intention du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe de rationaliser le programme d'activités et de concentrer les activités sur neuf programmes opérationnels avec un ensemble cohérent de sous-programmes. Cela devrait conduire à mettre davantage l'accent sur les priorités politiques, à améliorer les synergies et à réduire les doubles emplois inutiles et permettra également une plus grande souplesse de gestion dans la mise en œuvre des mesures de réforme administrative.
16. L’Assemblée constate également que le Conseil de l’Europe pourrait devoir se priver d’agents qui ont une expérience et une connaissance approfondie des domaines d’action du Conseil de l’Europe qu’il sera difficile de remplacer. En effet, la politique en matière de ressources humaines conduite ces dernières années (avec un recours massif aux contrats à durée déterminée) affaiblit la transmission des connaissances et de l’acquis du Conseil de l’Europe puisqu’elle exclut la formation d’une nouvelle génération d’agents.
17. C’est pourquoi l’Assemblée attend que le Conseil de l’Europe mette en place une politique du personnel suffisamment attractive pour retenir de bons candidats en leur donnant également une perspective d’évolution de carrière, malgré les incertitudes budgétaires actuelles. Dans ce contexte, le nouveau projet de stratégie des ressources humaines 2019-2023, qui a fait l’objet d’une vaste consultation incluant le personnel à tous les niveaux, devrait permettre de répondre aux besoins du Conseil de l’Europe et par là même aux aspirations légitimes de son personnel.
18. L’Assemblée acceptera de prendre sa juste part des efforts collectifs demandés, sous plusieurs conditions:
18.1. que toutes les pistes alternatives à la réduction du budget de l’Organisation soient sérieusement étudiées;
18.2. que toutes les entités et secteurs du Conseil de l’Europe contribuent à l’effort général;
18.3. que les efforts demandés à l’Assemblée ne la privent pas de ses capacités opérationnelles.
19. L’Assemblée invite les États membres à participer davantage au financement du Conseil de l’Europe. Cet appel fait écho aux demandes répétées de l’Assemblée contenues dans plusieurs de ses avis budgétaires et dans sa Recommandation 1812 (2007) sur la dimension politique du budget du Conseil de l’Europe. Dans cette dernière, elle demandait au Comité des Ministres de revoir la méthode de calcul des barèmes des contributions en vue d’accorder un poids plus important au produit intérieur brut et à établir un barème minimum des contributions des États membres permettant de couvrir au moins les coûts administratifs d’un juge à la Cour européenne des droits de l'homme.
20. L’Assemblée, se référant à son Avis 288 (2015) sur le budget et les priorités du Conseil de l’Europe pour l’exercice biennal 2016-2017, souligne, d’une part, l’importance des contributions volontaires et, d’autre part, le danger qu’elles peuvent créer concernant l’équilibre financier du Conseil de l’Europe. C'est pourquoi l'Assemblée est favorable à l'idée de créer un fonds destiné à recevoir des contributions volontaires pour le budget ordinaire, qui représente le poumon de l'Organisation. Elle espère qu'un tel fonds sera créé rapidement.
21. L’Assemblée estime que le montant minimal de la contribution au budget ordinaire à verser par un État membre devrait avoisiner les 500 000 euros, afin de couvrir le coût budgétaire annuel d’un juge à la Cour européenne des droits de l'homme, d’un administrateur et d’une assistante à plein temps ainsi que les charges administratives annuelles afférentes à leur travail et leur présence à Strasbourg. Aujourd’hui, un tiers des États membres (16 sur 47) versent une contribution au budget ordinaire inférieure à ce montant. Pourtant tous ont un juge élu à la Cour.
22. Dans sa Recommandation 2124 (2018) «Modification du Règlement de l’Assemblée: l’impact de la crise budgétaire sur la liste des langues de travail de l’Assemblée», l’Assemblée a suggéré au Comité des Ministres plusieurs décisions d’ordre budgétaire et financier qui pourraient être prises, notamment de constituer un compte de réserve obligatoire financé par tout ou une partie substantielle du reliquat constaté à la fin de chaque exercice ou cycle budgétaire. Il s’agit là d’une demande répétée de l’Assemblée figurant dans ses avis sur le programme et le budget du Conseil de l’Europe (en particulier les Avis 268 (2008), 279 (2009) et 281 (2011)).
23. Se référant à son Avis 294 (2017), l’Assemblée demande au Comité de Ministres de revenir à une croissance réelle du budget du Conseil de l’Europe afin de renforcer les capacités opérationnelles de l’Organisation. Dans ce contexte, elle regrette vivement que la demande d’un retour à une croissance zéro en termes réels du budget que le Secrétaire Général avait présentée pour l’exercice biennal 2018-2019 ait été rejetée en raison du refus de deux États sur les 47 représentés au Comité des Ministres. Sachant que le Règlement financier prévoit l’adoption du budget sur la base de la majorité des deux tiers, l’Assemblée s’étonne que les États membres favorables au retour à une croissance zéro en termes réels n’aient pas insisté davantage.
24. L’Assemblée procédera au cours de sa partie de session de juin 2019 à l’élection d’un·e nouveau/nouvelle Secrétaire Général·e du Conseil de l’Europe qui prendra ses fonctions le 1er octobre 2019 pour un mandat de cinq ans. Aussi l’Assemblée invite-t-elle le Comité des Ministres à prendre un engagement ferme pour assurer au Conseil de l’Europe durant cinq ans une croissance réelle du budget ou au moins zéro en termes réels pour tenir compte de l’inflation. Elle considère qu’une telle décision serait un signe clair de soutien des États membres au/à la futur·e Secrétaire Général·e, en donnant à l’Organisation un cadre budgétaire plus stable pour les cinq années de son mandat.
25. Enfin, l’Assemblée se félicite de la décision adoptée par le Comité des Ministres lors de sa 129e Session (Helsinki, 17 mai 2019) sur «Une responsabilité partagée pour la sécurité démocratique en Europe – Garantir le respect des droits et obligations, principes, normes et valeurs», qui rappelle que «conformément à l’article 38 du Statut, l’une des obligations fondamentales des États membres est de s’acquitter de leur contribution obligatoire au Budget ordinaire». Dans ce contexte, et se référant à sa Recommandation 2153 (2019), l'Assemblée invite à nouveau «la Fédération de Russie, conformément à ses obligations statutaires, à présenter une délégation à l'Assemblée et à reprendre le paiement obligatoire de sa contribution au budget de l'Organisation, dont le défaut pourrait entraîner la suspension de ses droits de représentation dans les deux organes statutaires si le Comité des Ministres décide d’appliquer l'article 9 du Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1)».

B. Exposé des motifs par M. Mart van de Ven, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La préparation de l’avis de l’Assemblée parlementaire sur le budget et les priorités du Conseil de l’Europe pour l’exercice biennal 2020-2021 se fait dans un contexte étrange. En effet, l’Assemblée doit se prononcer sur des priorités du Conseil de l’Europe en tenant compte de la participation des 47 États membres au budget du Conseil de l’Europe, alors que la réalité devrait nous conduire à présenter un avis sur la base de la situation réelle dans laquelle se trouve le Conseil de l’Europe, c’est-à-dire sans le financement d’un des cinq grands contributeurs: la Fédération de Russie. Une partie de la crise financière actuelle est due au fait que l’Assemblée parlementaire n’a pas de prérogatives en matière budgétaire 
			(2) 
			Dans
ce contexte on rappellera la Recommandation
1728 (2005) de l’Assemblée sur les pouvoirs de l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe en matière budgétaire: la demande de l’Assemblée
pour un meilleur équilibre institutionnel entre les organes du Conseil
de l’Europe telle qu’elle figure dans la Recommandation 1763 (2006) sur l’équilibre institutionnel au Conseil de l’Europe
ne peut qu’être réitérée.. Je rappelle que le Conseil de l'Europe est une organisation internationale à caractère politique, sans but économique ou lucratif, créée par des États souverains. Le financement du Conseil de l'Europe repose sur les contributions de ses États membres.
2. Aujourd’hui, fort est de constater que beaucoup d’États membres souhaitent que la Fédération de Russie ne quitte pas l’Organisation mais s’acquitte de ses contributions (actuelle et dues) au budget du Conseil de l’Europe conformément à ses engagements financiers. Dès lors on peut se demander si ces États sont prêts à renoncer aux principes de primauté du droit, en oubliant que la Fédération de Russie n’a pas respecté ses engagements pris au moment de son adhésion, notamment en ne respectant pas la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, telles que définies après la disparition de l’Union soviétique.
3. Il n’est pas acceptable qu’un État membre, pour des considérations purement politiques, exerce une telle pression budgétaire sur le Conseil de l’Europe, pour arriver à ses fins, précipitant toute une Organisation vers un abîme au moment même où cette dernière célèbre les 70 ans de sa création et alors que l’Europe, qui assiste à une montée du populisme et une remise en cause du multilatéralisme, est confrontée à une crise sociale et politique sans précédent depuis les années 1930.
4. Aux politiques portant atteinte aux droits sociaux et démocratiques des citoyens en Europe s’ajoutent des défis extérieurs tels que la crise des migrants et des réfugiés, les hostilités persistantes dans de nombreuses régions du monde et la menace permanente du terrorisme. Un nouvel engagement du Conseil de l’Europe s’impose pour relever efficacement ces défis et trouver des solutions à long terme. Mais il ne peut le faire sans renforcer sa capacité normative, mise en œuvre à travers son réseau de comités intergouvernementaux, dont les mandats pourraient être revus pour tenir compte des défis susmentionnés.
5. Le Conseil de l’Europe est-il prêt, dans les perspectives financières actuelles, à apporter à l’ensemble de ses États membres et aux autres États partenaires les éléments de réponse permettant à ces derniers de relever ces défis et combattre les dérives actuelles?

2. Audit des comptes 2016 et 2017

6. La Najwyższa Izba Kontroli (NIK), Auditeur externe du Conseil de l'Europe, a examiné les états financiers consolidés du Conseil de l’Europe pour les exercices clos le 31 décembre 2016 et 2017 et a donné une opinion sans réserve pour les deux exercices. Les états financiers présentent fidèlement la situation financière du Conseil de l’Europe ainsi que les résultats de ses opérations et des flux de sa trésorerie en fin d’exercice.
7. Au cours de son audit portant sur les comptes de 2016, l’Auditeur externe a réalisé trois audits de performance dans le domaine des retraites et des pensions du Conseil de l’Europe, les archives et la modernisation du système informatique de la gestion des ressources humaines. Pour 2017 les audits de performance ont concerné les prélèvements administratifs sur les ressources extrabudgétaires, les systèmes informatiques de gestion des «records» et des documents et la ligne de programme Éducation à la citoyenneté démocratique, Centre européen des langues vivantes (Graz) et Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud) (Lisbonne).
8. Dans ses deux rapports, l’Auditeur externe a plus particulièrement souligné le problème des pensions et la situation financière du Conseil de l’Europe depuis 2017. En ce qui concerne les pensions, il convient de noter que le montant des avantages du personnel inscrits au passif de l’état de la situation financière au 31 décembre 2017 représente un montant total de 2 795,8 millions d’euros (2 757,1 millions d’euros en 2016) et dépasse celui du total des actifs du Conseil de l’Europe de 1 940,1 millions d’euros et en 2017 (1 986,1 millions d’euros en 2016)
9. Dans ce contexte, il convient de rappeler que depuis 1949, le Conseil de l’Europe et son personnel versaient des cotisations à un plan de pensions à cotisations définies. Ce plan a été clôturé le 1er juillet 1974 par le Comité des Ministres et les cotisations versées par les États membres et le personnel ont été remboursées aux seuls États membres. En avril 1977, le Comité des Ministres a adopté la Résolution (77) 11 relative à un nouveau régime de pensions à prestations définies, également en vigueur dans cinq autres organisations internationales. Le personnel a continué à verser des cotisations pour ses droits à pension tandis que l’employeur, à savoir les États membres, n’ont versé que les montants complémentaires nécessaires pour couvrir les petites prestations de retraite réellement versées chaque année.
10. Le Conseil de l’Europe a aujourd’hui 3 régimes de pension: le régime de pension coordonné, tel que mentionné ci-dessus; le nouveau régime de pension (NRP), entré en vigueur en 2003 et le troisième régime de pension (TRP) établi en 2013. Si les deux nouveaux régimes sont autofinancés, ce n’est pas le cas du premier régime coordonné qui traîne derrière lui une dette créée dans les années 70 et 80 du fait du non-paiement par les États de leur contribution.
11. Pour ces trois régimes les «États membres de l’Organisation garantissent collectivement le paiement des prestations» et si un État, membre ou ancien membre de l’Organisation, n’assume pas les obligations prévues par leur règlement, «les autres États en reprennent la charge, en proportion de leur contribution au budget de l’Organisation, telle qu’elle est fixée annuellement à compter de la défaillance de l’État susdit.»
12. Les contributions des États ont depuis lors augmenté de manière significative et, en 1996-1997, leur montant dépassait du double les cotisations versées par le personnel. Face à ce défi et pour répondre à son obligation, le Comité des Ministres a adopté en 2002 la Résolution Res(2002)53 visant à créer un fonds de réserve pour les pensions conçu pour contribuer au financement des futures obligations de pension. Ce texte a été révisé en 2006 et remplacé par la Résolution Res(2006)1.
13. Le fonds de réserve pour les pensions n’est pas conçu comme un fonds de pension mais il a pour objectif de lisser (stabiliser) à moyen et à long terme le financement des obligations des États membres au titre des régimes de pension de l’Organisation. Le fonds a trois sources principales de revenu: les cotisations du Conseil de l’Europe et du personnel (part employeur et employés), les contributions directes des États membres (déterminées par le Comité des Ministres sur la base d’études actuarielles) et les rendements d’investissement (revenu généré par les actifs du Fonds). Au 31 décembre 2017, les actifs du fonds s’élevaient à 362,2 millions d’euros (320,4 millions d’euros en 2016).
14. S’agissant de la situation financière pour 2017, l’Auditeur externe a noté l’existence d’une créance à recevoir de la Fédération de Russie au 31 décembre 2017, pour un montant de 22,3 millions d’euros, qui représente la partie impayée de la contribution annuelle obligatoire de ce pays pour 2017. Sur ce montant, 2,5 millions d’euros correspondent à une contribution directe au Fonds de réserve pour les pensions.

3. Année 2017

15. Dans son rapport sur la situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a alerté les États membres sur la résurgence des politiques populistes en Europe, qui voit non seulement une progression inquiétante des partis nationalistes et xénophobes dans les pays européens attisant les craintes des citoyens européens vis-à-vis des questions migratoires mais également certaines dérives lorsque des gouvernements contestent ouvertement les règles constitutionnelles et passent outre à leurs obligations internationales en matière de protection des droits de l’homme.
16. La lutte contre le terrorisme est restée une question d’actualité à l’agenda du Conseil de l’Europe. En particulier à l’occasion de la 127ème session ministérielle du 19 mai 2017 à Nicosie, le Comité des Ministres a ouvert à la signature la Convention du Conseil de l’Europe sur les infractions visant les biens culturels (STCE no 221) et à cette occasion, 12 États membres et non membres l’ont signée ((l’Arménie, Chypre, la Fédération de Russie, la Grèce, l’Italie, la Lettonie, le Monténégro, le Portugal, Saint-Marin, la Slovénie, l’Ukraine et le Mexique). Chypre et le Mexique l’ont ratifiée.
17. En outre, les ministres des Affaires étrangères ont aussi adopté de nouvelles lignes directrices visant à améliorer la prise en charge, l’information et l’indemnisation des victimes d’attentats terroristes dans chacun des 47 États membres. Ces lignes directrices énoncent un certain nombre de mesures que les États sont invités à mettre en place, notamment des services d’assistance et d’aide médicale, psychologique et sociale d’urgence – tous gratuits – et des centres d’information pour les victimes, des mécanismes permettant d’avoir accès à la justice et des dispositifs d’indemnisation rapide. Le Comité des Ministres a également adopté une Recommandation [CM/Rec(2017)6] relative aux «techniques spéciales d’enquête» en relation avec des infractions graves y compris des actes de terrorisme.
18. Dans le domaine des migrations, le Comité des Ministres a adopté un Plan d’action du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants réfugiés et migrants en Europe. En parallèle, l’Assemblée parlementaire, avec le soutien de la Suisse, a poursuivi sa campagne parlementaire, lancée en 2015, pour mettre fin à la détention d’enfants migrants. Elle a continué à avoir au centre de ses débats des questions portant à fois sur un plan plus large – trouver une réponse humanitaire et politique à la crise – et sur des aspects spécifiques, tels que les incidences des migrations de transit sur les droits de l'homme, l'intégration des réfugiés à un moment de pression critique, ou la protection des femmes réfugiées. Parmi les autres événements importants, il convient aussi de noter les efforts déployés par l’Assemblée dans le domaine de la lutte contre la corruption avec deux rapports débattus au cours de sa session de 2017 et la décision de créer un groupe d’enquête externe indépendant chargé d’examiner les allégations de corruption la concernant.
19. Dans le domaine de la coopération juridique, il convient de noter l’adoption du Protocole portant amendement au Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées (STE no 167) ainsi que les demandes du Brésil et du Ghana d’adhérer à la Convention elle-même (STE no 112). Il convient également de signaler d’autres demandes d’adhésion d’États non membres à des traités du Conseil de l’Europe: l’Argentine et le Burkina Faso pour la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (STE no 08) et son Protocole additionnel (STE no 181); le Nigéria et le Cap-Vert pour la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185); et enfin la demande de la Tunisie à adhérer à la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201).
20. S’agissant des autres domaines d’activités du Conseil de l’Europe (cohésion sociale, éducation, culture, jeunesse et sport), on peut noter le lancement en mars 2017 de la nouvelle Stratégie 2017-2023 du Conseil de l’Europe en faveur des personnes handicapées ainsi que l’adoption de plusieurs recommandations dans le domaine culturel et de résolutions dans le domaine des greffes d’organes. Par ailleurs, un autre État, le Liban, a adhéré à l’Accord Partiel Élargi du Conseil de l’Europe sur les Itinéraires culturels (Luxembourg) et la demande de l’Algérie d’adhérer au Centre Nord Sud (Lisbonne) a été acceptée par le Comité des Ministres.
21. De son côté, l’Assemblée, en plus des questions liées à la lutte contre la corruption ou aux migrations citées plus haut, a accordé une attention particulière à la situation des médias et des journalistes en Europe, au fonctionnement des institutions démocratiques dans plusieurs États membres du Conseil de l'Europe (Azerbaïdjan, Turquie et Ukraine). L’Assemblée a également décerné son Prix Václav Havel des droits de l’homme à Murat Arslan (Turquie).

4. Année 2018

22. Le Comité des Ministres a adopté le quatrième programme et budget biennal de l’Organisation (pour les années 2018 et 2019). Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe avait préparé un budget en croissance réelle de 0,5 %. Malheureusement à la suite du refus de deux États membres, le budget a finalement été adopté sur la base d’une croissance zéro en termes nominaux. De plus, au mois de décembre 2017, après l’adoption du budget biennal, le ministre des Affaires étrangères de la Turquie a informé le Conseil de l’Europe que son pays renonçait, à compter du 1er janvier 2018, à son statut de grand contributeur. À la suite de cette décision soudaine, il a été nécessaire d’identifier dans le budget ordinaire de 2018, 14,8 millions d’euros sous forme d’économies et de mesures de renforcement de l’efficience. À ce montant s’est ajouté le non-paiement par la Fédération de Russie de sa contribution pour 2018. L’Assemblée a été impactée avec une réduction de son budget pour 2018 de 1,5 millions d’euros.
23. Malgré ces difficultés budgétaires, le Secrétaire Général a opté pour une utilisation optimale de la trésorerie de l’Organisation pour lui permettre de poursuivre son travail et ses missions auprès des États membres, aidé en cela par des ressources extrabudgétaires versées par les États membres et les projets financés par l’Union européenne. À la fin du 3e trimestre 2018, un total de 37 611 568 euros avait été perçu, dont 23 113 670 euros de l’Union européenne, pour les programmes conjoints.
24. Garantir l’efficacité continue du système de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) est un sujet que le Comité des Ministres a suivi avec beaucoup d’attention. En particulier, il a endossé la Déclaration adoptée à l’occasion de la Conférence de haut niveau tenue à Copenhague sur la «Protection continue du système de la Convention européenne des droits de l’homme: un meilleur équilibre et une protection renforcée».
25. Par ailleurs, lors de sa 128ème Session ministérielle qui s’est tenue à Elseneur (Danemark) en mai 2018, le Comité des Ministres a également adopté le Protocole d’amendement à la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (STCE no 223), qui s’attaque aux problèmes que pose, en termes de respect de la vie privée, l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication, et renforce le mécanisme de la Convention afin de garantir sa mise en œuvre effective. Dans ce contexte, il a également appelé les États Parties à la Convention européenne des droits de l’homme à signer et ratifier les Protocoles nos 15 et 16 (STCE nos 213 et 214) afin de permettre leur entrée en vigueur.
26. S’agissant de la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, il convient de signaler que le Comité des Ministres a marqué son accord pour inviter le Mexique à y adhérer ainsi qu’à son protocole additionnel. Concernant l’adhésion à d’autres conventions, il convient de signaler que le Costa Rica a demandé à adhérer à la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains (STCE no 216).
27. Dans le domaine de la coopération et en réponse aux différents défis posés aux États membres, le Comité des Ministres a adopté tout un ensemble de plans d’action pluriannuels, l’un au profit de la Bosnie-Herzégovine pour la période 2018-2021, ainsi que deux autres visant à apporter une assistance à l’Ukraine et à l’Azerbaïdjan pour la même période. D’autre part, le Comité des Ministres a approuvé la Stratégie du Conseil de l’Europe contre le terrorisme (2018-2022) qui s’articule autour de trois axes principaux: la prévention du terrorisme, la poursuite d’auteurs d’infractions en lien avec le terrorisme et la protection de toutes les personnes présentes sur le territoire des États membres contre le terrorisme. Enfin dans le domaine de l’égalité des sexes, le Comité des Ministres a adopté, en mars 2018, la Stratégie du Conseil de l'Europe pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2018-2023.
28. En ce qui concerne les relations avec les États non membres, le Comité des Ministres a approuvé les Partenariats de voisinage pour la période 2018-2021 avec le Maroc et la Tunisie. Il a également pris note d’un rapport final sur la mise en œuvre des Priorités de coopération 2014-2015 (prolongées jusqu’en 2018) avec le Kazakhstan et a invité le Secrétariat à poursuivre les discussions avec les autorités du Kazakhstan concernant la préparation d’un nouveau document de coopération. Enfin, le Comité a également pris note d’un rapport intérimaire sur la mise en œuvre des priorités de coopération pour la période 2015-2017 (prolongées jusqu’en 2019) avec la République kirghize ainsi qu’avec la Palestine pour la période 2016-2018.
29. La coopération avec d’autres instances internationales a continué d’être une priorité en 2018 et dans ce contexte, il convient de noter la mise en place d’un programme de coopération pour 2018 et 2019 avec l’Organisation internationale de la Francophonie.
30. Concernant plus particulièrement les travaux de l’Assemblée parlementaire, la question du rôle de la Russie au Conseil de l’Europe a été un thème récurrent au cours de l’année 2018. Sur le plan social, les droits des migrants et des réfugiés ont été au centre de ses travaux. L’Assemblée a également appelé à mettre fin à la discrimination à l’encontre des familles arc-en-ciel. Dans le domaine juridique, l’Assemblée a appelé à une meilleure protection des défenseurs des droits de l'homme et des organisations non gouvernementales.
31. La liberté des médias a également occupé une grande partie du travail de l’Assemblée, avec des débats sur la protection de l’intégrité éditoriale et le statut des journalistes. Enfin, la lutte contre le terrorisme et le crime organisé figurait également à l’ordre du jour de ses travaux notamment avec plusieurs résolutions sur la manière de priver Daech de tout financement, de confisquer les avoirs illégaux et de lutter contre la radicalisation des migrants et des diasporas.
32. Enfin l’Assemblée a élu Mme Dunja Mijatović en tant que nouvelle Commissaire aux droits de l’homme, pour un mandat de six ans, en remplacement de Nils Muižnieks et a remis son sixième prix Václav Havel des droits de l’homme à M. Oyub Titiev, dirigeant du Centre Mémorial des droits de l’homme de Grozny (Tchétchénie).

5. Priorités 2020-2021

33. L’avis que j’ai préparé porte essentiellement sur les grandes orientations politiques pour le Conseil de l’Europe et des suggestions spécifiques en vue de permettre à l’Organisation de se projeter dans l’avenir.
34. Soixante-dix ans après sa création, le Conseil de l’Europe est inquiet de voir se développer sur l’ensemble du continent européen une remise en cause de la primauté du droit, des droits de l’homme et des institutions démocratiques, et assiste aussi à la résurgence sans précédent du discours de haine et de l’antisémitisme. Dans ces temps troublés, le Conseil de l’Europe doit agir comme dernier rempart contre les atteintes à la démocratie. Le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire ont le devoir de défendre l’Organisation et les États membres doivent s’engager véritablement pour la soutenir et lui assurer son financement afin qu’elle demeure une institution efficace pour garantir les droits de l’homme, l’État de droit et la démocratie tant au niveau européen que national.
35. Le système conventionnel du Conseil de l’Europe a fortement contribué à améliorer le fonctionnement des institutions démocratiques en Europe, à développer l’État de droit dans toute l’Europe et à protéger et promouvoir les droits de tous les citoyens européens. Le Conseil de l’Europe demeure aujourd’hui l’un des très rares forums multilatéraux capables d’élaborer rapidement des instruments internationaux de type classique (comme les conventions) portant sur une gamme étendue de sujets pour répondre aux enjeux de société et aux préoccupations des citoyens européens.
36. Dans ce cadre, le Conseil de l’Europe pourrait renforcer sa coopération et établir de nouveaux instruments juridiques en particulier en ce qui concerne les questions liées à l’intelligence artificielle, qui occupe une place de plus en plus grande dans le fonctionnement de nos sociétés.
37. Il convient par ailleurs de noter la volonté de l’Organisation de contribuer à l’Agenda 2030 des Nations Unies pour le développement durable, comme l’Assemblée l’a démontré en adoptant sa Résolution 2271 (2019) et à sa Recommandation 2150 (2019) sur le renforcement de la coopération avec les Nations Unies dans la mise en œuvre de l'Agenda 2030 pour le développement durable.
38. Les efforts déployés par l'Organisation dans le domaine de l'égalité entre les femmes et les hommes sont également salués, en particulier dans le contexte de la Stratégie du Conseil de l'Europe pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2018-2023, qui souligne l'importance de l'intégration de la dimension de genre dans toutes les politiques et activités de l'Organisation.
39. Les choix stratégiques de ces dernières années, qui ont privilégié les programmes d’assistance et de coopération à l’égard de certains pays ou certains domaines d’action thématiques, financés presque exclusivement par des ressources extrabudgétaires, ont finalement affaibli le système de coopération intergouvernemental qui, lui, repose sur le budget ordinaire. C’est pourtant ce système de coopération unique entre les États membres centré sur l’élaboration de normes communes – les conventions étant la principale source de l’acquis du Conseil de l’Europe – qui constitue la raison d’être de l’Organisation.
40. Aujourd’hui, le contexte politique interne est défavorable au maintien de ce qui fait la force de l’Organisation, en raison de l’attitude de l’un de ses États membres, la Fédération de Russie qui, en utilisant l’arme budgétaire pour arriver à ses fins, conduit le Conseil de l’Europe à subir la plus grave crise financière de son histoire et, de ce fait, pourrait obliger l’Organisation à prendre des décisions qui pourraient être irrémédiables et qui l’affaibliraient.
41. À l’occasion d’une réunion de la Commission du Règlement en janvier 2019, à laquelle le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe avait été invité, en tant que Rapporteur général sur le budget j’avais suggéré de réfléchir à différentes alternatives pour faire face à cette crise financière, et pas seulement par le biais de coupes budgétaires, et en particulier d’étudier la faisabilité de la cession de créance russe à une tierce partie.
42. Ce principe existe au niveau international. Il a été utilisé par plusieurs États dans le passé. L’Assemblée avait étudié cette question des créances d’États dans le contexte de la protection de l’aide financière des États membres du Conseil de l’Europe aux pays pauvres contre les fonds financiers dits «fonds vautours» (voir la Recommandation 1870 (2009) et son rapport, Doc. 11862). Pour autant, la cession de créances internationales et la cession internationale de créances sont une action connue dans le commerce international, encadrée par la Convention des Nations Unies sur la cession de créances dans le commerce international du 12 décembre 2001.
43. Il est regrettable que le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe ait écarté cette alternative sans même se donner les moyens de l’étudier, optant pour un plan de contingence afin d’absorber l’ampleur de la dette laissée volontairement par la Fédération de Russie (90 millions d’euros à la fin de 2019). La mise en œuvre de ce plan signifiera qu’un nombre important d’activités et des pans entiers du travail du Conseil de l’Europe seraient voués à leur perte, dont certains de manière irrémédiable pour les États membres. Le coût humain sera également très lourd avec un plan de départ de 250 personnes, soit près de 10 % des effectifs du Conseil de l’Europe, que les États membres devront financer.
44. Le Programme et Budget 2020-2021, qui s'inscrivent dans ce contexte d’incertitude, affichent néanmoins une volonté de promouvoir une Organisation de plus en plus adaptable et confiante dans son savoir-faire et son expertise grâce à des réformes visant à améliorer ses processus et procédures de travail. Cela devrait conduire à mettre davantage l'accent sur les priorités politiques, à améliorer les synergies et à réduire les doubles emplois inutiles et permettra également une plus grande souplesse de gestion dans la mise en œuvre des mesures de réforme administrative.
45. Le Conseil de l’Europe va devoir se priver d’agents qui ont une expérience et une connaissance des domaines d’action du Conseil de l’Europe qu’il sera difficile de remplacer. En effet, la politique en matière de ressources humaines conduite ces dernières années (un recours massif aux contrats à durée déterminée) a affaibli la transmission de la connaissance et de l’acquis du Conseil de l’Europe à une nouvelle génération d’agents. En conséquence, et malgré les incertitudes budgétaires, le Conseil de l’Europe devra mettre en place une politique du personnel suffisamment attractive pour attirer de bons candidats et leur donner également une perspective d’évolution de carrière. Les indemnités de licenciement pour le départ anticipé du personnel ne sont pas incluses dans le plan de contingence, sauf un montant réservé à cet effet dans le cadre du Programme et Budget 2018-2019.
46. Dans le cadre des réformes administratives qui sont actuellement en cours d’élaboration, il convient de citer le projet de nouvelle stratégie des ressources humaines 2019-2023, présentée par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Cette stratégie, qui a fait l’objet d’une vaste consultation incluant le personnel du Conseil de l’Europe à tous les niveaux, devrait permettre de répondre aux besoins présents et futurs du Conseil de l’Europe en termes de ressources humaines en ayant à l’esprit de placer les bonnes personnes au bon endroit et en insufflant une dynamique permettant le renouvellement du personnel et la transmission des connaissances.
47. Le plan de contingence prévoit également une réduction de l’éventail des activités du Conseil de l’Europe qui pourrait conduire à geler jusqu’à 30 % des activités financées par le budget ordinaire. Toutes les entités administratives devront contribuer à l’effort. Il n’est pas proposé d’entreprendre des réductions transversales dans les lignes de programme, néanmoins certains secteurs seront plus touchés que d’autres par ces réductions, notamment celui de la démocratie. De plus, il est envisagé de rationaliser les méthodes de travail au sein de l'Organisation et de concentrer les activités sur neuf programmes opérationnels pour le prochain exercice biennal. Le but poursuivi est de mettre davantage l'accent sur les priorités politiques, les synergies et la réduction les doubles emplois improductifs.
48. Le Secrétaire Général a indiqué qu’il préserverait certains secteurs, notamment les capacités de la Cour européenne des droits de l'homme à traiter les affaires, la supervision de l’exécution des arrêts de cette dernière ainsi que le fonctionnement des différents mécanismes de suivi existants à ce jour dans le secteur intergouvernemental. En conséquence, ce sont les autres secteurs du Conseil de l’Europe y compris les organes directeurs et statutaires (Assemblée, Comité des Ministres, Congrès) qui devront absorber une plus grande part de ces réductions.
49. En ce qui concerne l’Assemblée, elle ne refusera pas de prendre sa part des efforts collectifs demandés sous plusieurs conditions:
  • toutes les pistes alternatives à la réduction du budget de l’Organisation doivent avoir été sérieusement étudiées;
  • toutes les entités et secteurs du Conseil de l’Europe contribuent à l’effort général;
  • les efforts demandés à l’Assemblée ne la privent pas de ses capacités opérationnelles.
50. L’Assemblée n’acceptera pas de supporter une part proportionnellement supérieure à ce qu’elle représente dans le budget du Conseil de l’Europe et rappelle que le Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1) dans son article 37.b oblige le Secrétaire Général à fournir à l’Assemblée les services administratifs et autres dont elle peut avoir besoin.
51. Le Secrétaire Général a invité les États membres à participer davantage au financement du Conseil de l’Europe. Cette demande fait écho à une demande de l’Assemblée contenue dans plusieurs de ses avis budgétaires et dans sa Recommandation 1812 (2007) sur la dimension politique du budget du Conseil de l’Europe. Dans cette dernière, elle demandait au Comité de Ministres de revoir la méthode de calcul des barèmes des contributions en vue d’accorder un poids plus important au produit intérieur brut et d’établir un barème minimum des contributions des États membres permettant de couvrir les coûts administratifs d’un juge à la Cour.
52. Le montant minimum de la contribution au budget ordinaire payable par un État membre devrait avoisiner 500 000 euros afin de couvrir au moins le coût budgétaire annuel d’un juge, d’un administrateur et d’une assistante à plein temps, ainsi que les charges administratives annuelles afférentes à leur travail et leur présence à Strasbourg. Or, aujourd’hui, un tiers des États membres (16 sur 47) versent une contribution au budget ordinaire inférieure à ce montant. Pourtant tous ont un juge élu à la Cour européenne des droits de l’homme.
53. D’autre part, dans sa Recommandation 2124 (2018) «Modification du Règlement de l’Assemblée: l’impact de la crise budgétaire sur la liste des langues de travail de l’Assemblée», l’Assemblée a suggéré au Comité des Ministres plusieurs décisions d’ordre budgétaire et financier qui pourraient être prises, notamment de constituer un compte de réserve obligatoire financé par une partie du reliquat de chaque exercice budgétaire. Il s’agit là d’une demande répétée de l’Assemblée figurant dans ses avis sur le programme et le budget du Conseil (voir entre autres ses Avis 268 (2008), 279 (2009) et 281 (2011)).
54. Dans son Avis 294 (2017), l’Assemblée avait également demandé au Comité de Ministres, afin de renforcer les capacités opérationnelles de l’Organisation, de revenir à une croissance réelle du budget du Conseil de l’Europe équivalent au minimum au taux d’inflation constaté pour la France. Une demande que le Secrétaire Général eût repris pour l’exercice biennal 2018-2019, si deux États sur les 47 représentés au Comité des Ministres n’avaient pas catégoriquement refusé. Sachant que le règlement financier prévoit l’adoption du budget sur la base de la majorité des deux tiers, on peut s’étonner que le Secrétaire Général n’ait pas insisté davantage.
55. Un·e nouveau/nouvelle Secrétaire Général·e du Conseil de l’Europe doit être élu·e par l’Assemblée au cours de la partie de session de juin 2019 avec une prise de fonction le 1er octobre 2019 pour un mandat de cinq ans. Dans ce contexte, il serait opportun que le Comité des Ministres prenne un engagement ferme pour assurer au Conseil de l’Europe durant cinq ans une croissance réelle du budget, ou zéro en termes réels pour ne tenir compte que de l’inflation. Ce serait là un signe fort de soutien des États membres au/à la futur·e Secrétaire Général·e.
56. En fin de compte, le plan de contingence présenté par le Secrétaire Général est lié au non-paiement de la contribution de la Fédération de Russie pour 2019 et sur les arriérés des années 2017 et 2018, et s’apparente à un plan social. Mais il est toujours possible qu’une telle éventualité ne se produise pas. Suite à la décision adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe lors de sa 129e Session (Helsinki, 17 mai 2019) sur «Une responsabilité partagée pour la sécurité démocratique en Europe – Garantir le respect des droits et obligations, principes, normes et valeurs», un début de solution pourrait se concrétiser. À la fin du processus, la Fédération de Russie pourrait décider de revenir à l’Assemblée et s’acquitter du paiement de ses contributions impayées. Si tel n’est pas le cas, l’Assemblée, rappelant sa Recommandation 2153 «Rôle et mission de l’Assemblée parlementaire: principaux défis pour l’avenir», pourrait demander au Comité des Ministres d’appliquer l’article 9 du Statut du Conseil de l’Europe. Compte tenu du caractère instable de la conjoncture politique actuelle et des incertitudes y afférentes, ce rapport ne prend pas en compte – et il ne saurait le faire – les conséquences pour les activités, les opérations, la pérennité et l’avenir du Conseil de l’Europe dans l’éventualité où le plan de contingence doive être exécuté.