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Avis de commission | Doc. 14919 | 25 juin 2019
Mettre fin à la violence à l'égard des enfants migrants et à leur exploitation
Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable
A. Conclusions de la commission
(open)1. La commission des questions
sociales, de la santé et du développement durable se félicite de
l’excellent rapport établi à point nommé par Mme Rósa Björk
Brynjólfsdóttir (Islande, GUE) pour la commission des migrations,
des réfugiés et des personnes déplacées. Elle souscrit pleinement
à la recommandation mentionnée dans le rapport, qui met en évidence
la nécessité, pour les gouvernements des États membres du Conseil
de l’Europe, d’adopter une stratégie commune sur les moyens de combattre
la violence infligée aux enfants migrants sous toutes ses formes
et de garantir une protection complète et étendue de leurs droits fondamentaux.
2. Comme le souligne le rapport, les enfants migrants font partie
des groupes les plus vulnérables de nos sociétés. Nous ne devons
pas accepter que la violence et l’exploitation endurées par bon
nombre d’entre eux soient inévitables. Les États membres du Conseil
de l’Europe ont tous pris l’engagement de protéger les droits de
l’enfant au titre de la Convention des Nations Unies relative aux
droits de l’enfant (CIDE) et doivent respecter leurs obligations.
Le 30ème anniversaire de la CIDE en 2019
offre une excellente occasion d’attirer l’attention sur la situation
des enfants migrants et de promouvoir une action plus ferme, pour
contribuer à atteindre la cible 16.2 des Objectifs de développement
durable (ODD): mettre un terme à la maltraitance, à l’exploitation
et à la traite, et à toutes les formes de violence et de torture
dont sont victimes les enfants.
3. La commission des questions sociales souhaite proposer quelques
amendements précis, qui visent à renforcer le texte.
B. Amendements proposés
(open)Amendement A (au projet de résolution)
Au paragraphe 8.1.1, après «des voies de migration sûres, légales et régulières,» ajouter:
«comme des procédures souples, rapides et efficaces de regroupement familial, l’augmentation des quotas de réinstallation des migrants ou l’octroi de visas humanitaires,»
Amendement B (au projet de résolution)
Après le paragraphe 8.1.2, insérer le paragraphe suivant:
«en favorisant le développement d’alternatives à la détention d’enfants migrants – comme la prise en charge par des familles d’accueil et le placement dans un lieu de vie autonome surveillé assorti d’une obligation de signalement – et en définissant une feuille de route claire en vue de mettre fin à la pratique de détention d’enfants en situation de migration;»
Amendement C (au projet de résolution)
Au paragraphe 8.1.3, après «procédures d’asile», ajouter:
«et des garanties que des informations adaptées aux enfants et à leur âge leur soient fournies sur les possibilités d’asile et leurs autres droits»
Amendement D (au projet de résolution)
Après le paragraphe 8.2, ajouter le paragraphe suivant:
«pour ce qui est de l’opinion publique, en favorisant de façon plus soutenue une meilleure protection des enfants migrants contre la violence grâce au débat public, à des campagnes de sensibilisation et à une éducation aux perspectives fondées sur les droits humains des migrations.».
Amendement E (au projet de résolution)
Après le paragraphe 9, ajouter le paragraphe suivant:
«L’Assemblée demande instamment au Parlement européen de revoir, sous l’angle de la CIDE, l’aide ciblée de l’Union européenne aux pays tiers auxquels elle confie l’externalisation de la gestion des migrations, en vue de protéger les enfants migrants contre les traitements inhumains et dégradants, la violence et l’exploitation.»
Amendement F (au projet de recommandation)
Au paragraphe 6.2., après les mots «centres d’accueil d’enfants migrants», ajouter les mots «non-privatifs de liberté».
C. Exposé des motifs, par Mme Sevinj Fataliyeva, rapporteure pour avis
(open)1. Permettez-moi tout d’abord
de féliciter Mme Rósa Björk Brynjólfsdóttir
(Islande, GUE) de l’excellent rapport qu’elle a établi en temps
utile pour la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées.
2. En ma qualité de rapporteure sur les thèmes «Éradiquer la
pauvreté des enfants en Europe» ,
«Protéger les enfants touchés par des conflits armés» et
«Prévenir la radicalisation d’enfants en s’attaquant à ses causes
profondes» , j’attache la plus grande
importance à la protection des droits de l’enfant et je suis honorée de
contribuer à ce texte important. Dans tous ces rapports, j’ai accordé
une attention particulière aux causes profondes des situations dans
lesquelles les droits de l’enfant n’étaient pas respectés. Je me
félicite, par conséquent, de voir que tel a également été le point
de départ du rapport de Mme Brynjólfsdóttir.
3. De fait, le nombre de mineurs non-accompagnés au sein de la
population migratoire augmente à une vitesse inquiétante. Le chiffre
de 96 % d’enfants migrants arrivés non-accompagnés en Italie au
cours du premier semestre 2017 est choquant. Les conditions de migration
extrêmement difficiles des familles, d’une part, et les avantages
supposés ou réels des enfants migrants, d’autre part, créent un
contexte propice à ce phénomène préoccupant. Certains pays se montrent
réticents à améliorer la situation des enfants migrants, de peur
que cette démarche ne devienne un facteur d’attraction. Mais est-ce
une solution acceptable à ce problème? Alors que cette méthode pourrait
sembler un moyen dissuasif efficace, elle n’a pas empêché des milliers
d’enfants de finir dans des conditions comparables à une détention
sur le sol européen. En dehors de son coût humain, cette démarche
est également susceptible d’alimenter la violence et le conflit
au sein de nos sociétés et de faire croître le ressentiment à l’égard
de la «forteresse Europe» dans de nombreuses régions du monde.
4. Le budget à long terme proposé par l’Union européenne pour
les migrations est de 1 135 milliards d’euros sur la période 2021
à 2027. Chaque État membre consacre également des fonds substantiels
à l’élaboration de sa propre réponse aux migrations. L’Europe dispose
de ressources suffisantes pour assurer un niveau de protection minimal
à chaque enfant. Mais il faudrait un engagement politique fort et
donner la priorité au bien-être des enfants. Le fait de garantir
la protection des droits de l’enfant, en accordant une attention
particulière aux plus vulnérables d’entre eux, nous permet d’édifier
une «Europe à visage humain» et un monde plus sûr.
5. Je me félicite de ce que la rapporteure mette l’accent sur
la création de voies de migration sûres, légales et régulières,
destinées à renforcer les garanties des enfants et des membres de
leur famille (paragraphe 8.1.1 du projet de résolution). De fait,
il n’existe pas de meilleures mesures de protection que la création
de ces voies de migration et le regroupement familial est un élément
essentiel de ce processus. M. Nils Muižnieks, ancien Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, a souligné que l’application
de la Directive de l’Union européenne relative au droit au regroupement
familial était souvent contestée et que le Règlement de Dublin ne
garantissait pas efficacement l’unité familiale. Il a évoqué de
nombreux obstacles, notamment les longs délais d’attente, les délais
courts de dépôt des demandes, les exigences strictes en ce qui concerne
les attestations, le coût financier et les obstacles liés à la région
d’origine. M. Muižnieks a formulé 36 recommandations préconisant
de revoir la législation, les politiques et les pratiques et a souligné
l’importance de la suppression des restrictions dans ce domaine . J’aimerais encourager chacun de
nous à mettre pleinement en œuvre ces recommandations lorsque nous
revoyons la législation pertinente dans nos pays respectifs. En
outre, l’augmentation des quotas de réinstallation des migrants
ou l’octroi de visas humanitaires offre un autre exemple de moyens
qui permettent de favoriser une migration sûre (amendement A).
6. Comme l’a indiqué la rapporteure, de nombreuses mesures alternatives
ont déjà été prises dans le contexte de la migration par différents
pays et ont donné des résultats positifs. C’est le cas notamment
de la prise en charge par des familles d’accueil, du placement dans
un lieu de vie autonome surveillé avec obligation de signalement.
Bien que ces mesures restent marginales par rapport à la politique
classique, elles ont un énorme potentiel d’amélioration du bien-être
des enfants concernés, ainsi que de nos sociétés. En Italie, en mai
2018, 4 110 personnes avaient proposé d’être les tuteurs volontaires
d’enfants non-accompagnés . La volonté politique et les ressources
devraient être axées sur le développement de ces mesures et une
politique pertinente doit être mise en œuvre de manière prioritaire
(amendement B).
7. Lorsqu’on souscrit à des garanties légales pour des enfants
migrants en ce qui concerne leur accès aux procédures de demande
d’asile, il convient d’y adhérer en veillant à fournir aux mineurs
des informations adaptées aux enfants et à leur âge sur les possibilités
d’asile et leurs autres droits. Il arrive trop souvent que ces informations
ne soient pas faciles à obtenir et que les enfants ne connaissent
pas les possibilités qui existent et ne soient pas en mesure de
les utiliser (amendement C).
8. Je considère qu’il n’est pas possible, dans ce contexte, de
lutter efficacement contre la violence à l’égard des enfants migrants
et leur exploitation sans sensibiliser l’opinion publique aux migrations,
en général, et à la situation des enfants en particulier. Malheureusement,
trop de responsables politiques adoptent un discours populiste.
Les statistiques sont souvent manipulées et l’opinion publique est
trompée. En parallèle, les études montrent que de nombreux citoyens
n’apprécient pas l’idée de «frontières ouvertes» ou de «frontières fermées».
Ils attendent de leur gouvernement qu’il gère efficacement les migrations . Il est donc essentiel de fournir
des chiffres et des faits fiables, de discuter des véritables «coûts»
et «avantages» des migrations, ainsi que du rôle de l’Europe dans
le monde. Il est important de montrer la tragédie humaine que représentent
les migrations et de mettre en commun des solutions concrètes et
d’un bon rapport coût-efficacité. Cette démarche ne devrait pas
prendre la forme d’une «propagande» bien intentionnée, mais doit
s’inscrire dans le cadre d’un débat public ouvert et respectueux
(amendement D).
9. Je propose, en outre, que l’Assemblée appelle le Parlement
européen à revoir l’aide ciblée de l’Union européenne aux pays tiers
auxquels elle confie l’externalisation de la gestion des migrations,
ce choix ayant conduit les migrants à subir dans ces pays des traitements
inhumains et dégradants, sans que leurs besoins les plus élémentaires
soient satisfaits, et avec des enfants victimes de violences et
de privations à des degrés extrêmes. Une requête récemment déposée
auprès de la Cour pénale internationale (CPI), alléguant l’existence
de «crimes contre l’humanité», représente l’une des dernières initiatives
prises pour attirer l’attention sur la terrible situation des migrants
dans ces pays. Cette requête vise l’Union européenne et les États
membres qui ont joué un rôle de premier plan dans la crise des réfugiés:
l’Italie, l’Allemagne et la France. Elles précisent que, «[a]fin
d’endiguer à tout prix les flux migratoires depuis la Libye (…)
et au lieu de procéder au sauvetage et au débarquement en toute
sécurité des migrants comme l’exige le droit, l’UE orchestre une politique
de transfert forcé vers des centres de détention comparables à des
camps de concentration [situés en Libye], où des crimes atroces
sont commis» . Les enfants seraient détenus avec
des adultes dans ces centres et dans les mêmes conditions sordides . Bien que ces enfants ne se trouvent
pas en Europe, leur situation est la conséquence de la politique
menée par l’Union européenne et il incombe aux États membres de
l’Union européenne de prendre les mesures qui s’imposent (d’où l’amendement E proposé).
10. Je souscris pleinement à l’appel lancé aux États membres du
Conseil de l’Europe pour garantir «la conformité de la législation
nationale avec les normes internationales relatives à la protection
des enfants migrants, en particulier en interdisant la rétention
de ces derniers» (projet de résolution, paragraphe 8.1.2). Néanmoins
je crains que le fait d’appeler le Comité des Ministres à «charger
le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) d’examiner
la possibilité d’élaborer des normes européennes pour les centres
d’accueil d’enfants migrants» (projet de recommandation, paragraphe
6.2) ne soit mal compris et passe pour une forme de justification
de leur rétention. L’Assemblée fait depuis longtemps campagne contre
la rétention des enfants en situation de migration. C’est également
l’approche adoptée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour
les réfugiés et le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies.
Il importe selon moi de préciser que ces centres d’accueil devraient
être des structures ouvertes non-privatives de liberté (amendement F).