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Avis 297 (2019)

Budget et priorités du Conseil de l'Europe pour l'exercice biennal 2020-2021

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 25 juin 2019 (21e séance) (voir Doc. 14903, rapport de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, rapporteur: M. Mart van de Ven). Texte adopté par l’Assemblée le 25 juin 2019 (21e séance).

1. Au moment de célébrer son 70e anniversaire, le Conseil de l'Europe – et son Assemblée parlementaire – est pris en otage par un État membre qui refuse de payer sa contribution annuelle depuis le 1er juillet 2017. La préparation de l'avis de l'Assemblée sur le budget et les priorités pour l'exercice biennal 2020-2021 intervient de ce fait dans un contexte extraordinaire. Face à la crise financière actuelle, il est regrettable que l’Assemblée n’ait pas de prérogatives en matière budgétaire. L’Assemblée réitère donc sa demande pour un meilleur équilibre institutionnel entre les organes du Conseil de l’Europe en la matière. L'Assemblée rappelle que le Conseil de l'Europe est une organisation internationale de caractère politique, sans but économique ou lucratif, créée par des États souverains. Le financement du Conseil de l'Europe repose sur les contributions de ses États membres.
2. L’Assemblée considère que la pression budgétaire exercée par un État membre sur le Conseil de l’Europe fait peser un risque sérieux, qui pourrait déstabiliser l’Organisation et la priver des moyens d’action lui permettant d’offrir à l’ensemble de ses États membres et aux États partenaires les réponses leur permettant de relever les défis concrets et de combattre les dérives actuelles.
3. L’Assemblée est consciente que le contexte politique interne est défavorable, en raison de l’attitude de la Fédération de Russie, qui, en utilisant le levier budgétaire pour parvenir à ses fins, conduit le Conseil de l’Europe à subir la plus grave crise financière de son histoire. Cela obligera l’Organisation à prendre des décisions qui pourraient être irrémédiables et l’affaiblir au moment même où cette dernière célèbre son 70e anniversaire.
4. L’Assemblée estime que les choix stratégiques de ces dernières années, qui ont privilégié les programmes d’assistance et de coopération pour certains pays et certains domaines d’action thématiques, financés presque exclusivement par des ressources extrabudgétaires, ont finalement affaibli le système de coopération intergouvernementale, qui est essentiellement financé par le budget ordinaire.
5. L’Assemblée reste convaincue que c’est pourtant ce système de coopération unique entre les États membres, centré sur l’élaboration de normes communes et dont les conventions sont la principale source de l’acquis du Conseil de l’Europe, qui constitue la raison d’être de l’Organisation, comme elle l’a rappelé dans sa Recommandation 2114 (2017) «Défendre l’acquis du Conseil de l’Europe: préserver le succès de 65 ans de coopération intergouvernementale» et sa Résolution 2277 (2019) «Rôle et mission de l’Assemblée parlementaire: principaux défis pour l’avenir».
6. En soixante-dix ans, le système conventionnel du Conseil de l’Europe a fortement contribué à améliorer le fonctionnement des institutions démocratiques en Europe, à développer l’État de droit dans toute l’Europe et à protéger et promouvoir les droits de tous les citoyens européens. Le Conseil de l’Europe demeure aujourd’hui l’un des très rares forums multilatéraux capable d’élaborer rapidement des instruments internationaux portant sur une gamme étendue de sujets, dont beaucoup sont parmi les plus novateurs dans le monde, pour relever les défis, répondre aux préoccupations des citoyens européens et protéger leurs droits fondamentaux.
7. L’Assemblée apporte à ces instruments internationaux une contribution essentielle dès leur processus d'élaboration et dans le suivi de leur mise en œuvre efficace. Dans de nombreux cas, elle a identifié les domaines dans lesquels la mise en place de nouvelles normes serait pertinente. Il est donc important pour l’Assemblée de maintenir cette capacité à réagir rapidement et d'aider tous les acteurs au sein des États membres à les mettre en œuvre efficacement.
8. Dans ce cadre, l’Assemblée soutient pleinement les initiatives prises par le Conseil de l’Europe concernant les questions liées à l’intelligence artificielle, qui occupe une place de plus en plus importante dans le fonctionnement de nos sociétés. Elle appelle le Comité des Ministres à développer la coopération dans ce domaine en élaborant un nouvel instrument juridique établissant un cadre pour la conception, le développement et l’application de l’intelligence artificielle, en conformité avec les normes du Conseil de l’Europe.
9. L’Assemblée se félicite également du fait que l'égalité entre les femmes et les hommes reste l'une des principales priorités de l'Organisation et que la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210) soit devenue un texte de référence mondial. Elle soutient également la Stratégie du Conseil de l'Europe pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2018-2023, qui définit les priorités d'action pour les années à venir, y compris l'intégration de la dimension de genre dans toutes les politiques et activités de l'Organisation.
10. L'Assemblée, se référant à sa Résolution 2271 (2019) et à sa Recommandation 2150 (2019) «Renforcement de la coopération avec les Nations Unies dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l'horizon 2030», se félicite de la décision du Comité des Ministres d'accorder une attention particulière à cet agenda au cours du prochain exercice biennal, et appelle au renforcement de la contribution du Conseil de l'Europe, notamment en fournissant un soutien à ses États membres en vue de la réalisation des objectifs de développement durable.
11. Depuis juillet 2017, le Conseil de l’Europe est confronté à une situation budgétaire et financière sans précédent liée au défaut de paiement volontaire d’un de ses États membres. Dans ce contexte, l’Assemblée demande au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe et au Comité des Ministres de rechercher des alternatives au plan de contingence du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe aboutissant à une réduction du budget de 32,4 millions d’euros. À ce titre, elle revient sur l’idée proposée par son rapporteur général sur le budget d’étudier la faisabilité d’une cession de créance à une tierce partie.
12. L’Assemblée remarque que cette possibilité existe au niveau international et qu’elle a été utilisée par plusieurs États dans le passé. La cession de créances internationales et la cession internationale de créances sont une action connue dans le commerce international, qui est encadrée par la Convention des Nations Unies sur la cession de créances dans le commerce international du 12 décembre 2001.
13. L’Assemblée regrette que cette alternative n’ait pas été étudiée et qu’un plan de contingence soit mis en place pour absorber la dette laissée volontairement par un État membre (près de 90 millions d’euros à la fin de 2019). La mise en œuvre de ce plan signifiera qu’un nombre important d’activités et des pans entiers du travail du Conseil de l’Europe pourraient disparaître, dont certains de manière irrémédiable pour les États membres. Le coût humain sera également très lourd, avec un plan de départ de 250 personnes, soit près de 10 % des effectifs du Conseil de l’Europe, que les États membres devront financer.
14. L’Assemblée note que le programme et le budget 2020-2021, qui s'inscrivent dans un contexte d’incertitude persistante concernant le paiement des contributions obligatoires de la Fédération de Russie, affichent néanmoins une volonté de promouvoir une Organisation de plus en plus adaptable et confiante dans son savoir-faire et son expertise grâce à des réformes visant à améliorer ses processus et procédures de travail.
15. Dans ce contexte, l’Assemblée a pris note de l’intention du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe de rationaliser le programme d'activités et de concentrer les activités sur neuf programmes opérationnels, avec un ensemble cohérent de sous-programmes. Cela devrait conduire à mettre davantage l'accent sur les priorités politiques, à améliorer les synergies et à réduire les doubles emplois, et permettra une plus grande souplesse de gestion dans la mise en œuvre des mesures de réforme administrative.
16. L’Assemblée constate également que le Conseil de l’Europe pourrait devoir se priver d’agents qui ont une expérience et une connaissance approfondies des domaines d’action du Conseil de l’Europe qu’il serait difficile de remplacer. La politique en matière de ressources humaines conduite ces dernières années (avec un recours massif aux contrats à durée déterminée) affaiblit la transmission des connaissances et de l’acquis du Conseil de l’Europe puisqu’elle exclut la formation d’une nouvelle génération d’agents.
17. Par conséquent, l’Assemblée s’attend à ce que le Conseil de l’Europe mette en place une politique du personnel suffisamment attractive pour retenir de bons candidats et leur offre également une perspective d’évolution de carrière, malgré les incertitudes budgétaires actuelles. Dans ce contexte, le nouveau projet de stratégie des ressources humaines 2019-2023, qui a fait l’objet d’une vaste consultation incluant le personnel à tous les niveaux, devrait permettre de répondre aux besoins du Conseil de l’Europe, tout en répondant aux aspirations légitimes de son personnel.
18. L’Assemblée acceptera de prendre sa juste part des efforts collectifs demandés, à plusieurs conditions:
18.1. que toutes les pistes alternatives à la réduction du budget de l’Organisation soient sérieusement étudiées;
18.2. que toutes les entités et secteurs du Conseil de l’Europe contribuent à l’effort général;
18.3. que les efforts demandés à l’Assemblée ne la privent pas de ses capacités opérationnelles.
19. L’Assemblée invite les États membres à participer davantage au financement du Conseil de l’Europe. Cet appel fait écho aux demandes répétées de l’Assemblée contenues dans plusieurs de ses avis budgétaires et dans sa Recommandation 1812 (2007) sur la dimension politique du budget du Conseil de l’Europe. Dans cette dernière, elle demandait au Comité des Ministres de revoir la méthode de calcul des barèmes des contributions en vue d’accorder un poids plus important au produit intérieur brut et à établir un taux minimal des contributions des États membres permettant de couvrir au moins les coûts administratifs d’un juge à la Cour européenne des droits de l'homme.
20. L’Assemblée, se référant à son Avis 288 (2015) sur le budget et les priorités du Conseil de l’Europe pour l’exercice biennal 2016-2017, souligne non seulement l’importance des contributions volontaires, mais aussi le danger qu’elles peuvent engendrer concernant l’équilibre financier du Conseil de l’Europe. C'est pourquoi l'Assemblée est favorable à l'idée de créer un fonds destiné à recevoir des contributions volontaires pour le budget ordinaire, qui représente le poumon de l'Organisation. Elle espère qu'un tel fonds sera créé rapidement.
21. L'Assemblée estime qu'un montant minimal de contribution au budget ordinaire doit être payé par chaque État membre, afin de couvrir le coût budgétaire annuel d'un juge à la Cour européenne des droits de l'homme, d'un administrateur et d'un assistant à plein temps, ainsi que les charges administratives afférentes à leur travail et à leur présence à Strasbourg.
22. Dans sa Recommandation 2124 (2018) «Modification du Règlement de l’Assemblée: l’impact de la crise budgétaire sur la liste des langues de travail de l’Assemblée», l’Assemblée a suggéré au Comité des Ministres de prendre plusieurs décisions d’ordre budgétaire et financier, notamment constituer un compte de réserve obligatoire financé par tout ou une partie substantielle du reliquat constaté à la fin de chaque exercice ou cycle budgétaire. Il s’agit là d’une demande répétée de l’Assemblée figurant dans ses avis sur le programme et le budget du Conseil de l’Europe (en particulier les Avis 268 (2008), 279 (2010) et 281 (2011)).
23. Se référant à son Avis 294 (2017), «Budget et priorités du Conseil de l'Europe pour l'exercice biennal 2018-2019», l’Assemblée demande au Comité des Ministres de revenir à une croissance réelle du budget du Conseil de l’Europe afin de renforcer les capacités opérationnelles de l’Organisation. Dans ce contexte, elle regrette vivement que la demande d’un retour à une croissance zéro en termes réels du budget, que le Secrétaire Général avait présentée pour l’exercice biennal 2018-2019, ait été rejetée en raison du refus de deux États sur les 47 représentés au Comité des Ministres. Sachant que le règlement financier prévoit l’adoption du budget sur la base de la majorité des deux tiers, l’Assemblée s’étonne que les États membres favorables au retour à une croissance zéro en termes réels n’aient pas insisté davantage.
24. L’Assemblée procédera au cours de sa partie de session de juin 2019 à l’élection d’un·e nouveau/nouvelle Secrétaire Général·e du Conseil de l’Europe qui prendra ses fonctions le 1er octobre 2019 pour un mandat de cinq ans. Aussi l’Assemblée invite-t-elle le Comité des Ministres à prendre un engagement ferme pour assurer au Conseil de l’Europe durant cinq ans une croissance réelle du budget ou au moins zéro en termes réels pour tenir compte de l’inflation. Elle considère qu’une telle décision serait un signe clair de soutien des États membres au/à la futur·e Secrétaire Général·e, en donnant à l’Organisation un cadre budgétaire plus stable pour les cinq années de son mandat.
25. Enfin, l’Assemblée se félicite de la décision adoptée par le Comité des Ministres lors de sa 129e Session (Helsinki, 17 mai 2019) sur «Une responsabilité partagée pour la sécurité démocratique en Europe – Garantir le respect des droits et obligations, principes, normes et valeurs», qui rappelle que «conformément à l’article 38 du Statut, l’une des obligations fondamentales des États membres est de s’acquitter de leur contribution obligatoire au budget ordinaire». Se référant à sa Recommandation 2153 (2019) «Rôle et mission de l’Assemblée parlementaire: principaux défis pour l’avenir», l’Assemblée invite le Comité des Ministres à faire en sorte que l’ensemble des États membres se conforment à leurs obligations statutaires et lui demande d’appliquer sans délai les articles 8 et 9 du Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1) si la Fédération de Russie persiste à refuser de payer une partie ou la totalité de ses contributions non versées.