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Résolution 2295 (2019)
Mettre fin à la violence à l'égard des enfants migrants et à leur exploitation
1. Parmi les migrants qui arrivent
en Europe depuis 2015, beaucoup sont des enfants, et nombre d’entre eux
sont non accompagnés. Les enfants migrent pour échapper à la violence,
à un conflit armé, aux persécutions, aux ravages du changement climatique
et des catastrophes naturelles, et à la pauvreté. Beaucoup de jeunes
migrants sont en quête d’opportunités professionnelles ou éducatives.
Dans d’autres cas, les enfants quittent leur foyer pour fuir la
menace d’un mariage forcé, les mutilations génitales féminines ou
la violence fondée sur le genre (pour les filles) ou la conscription
(pour les garçons).
2. L’Assemblée parlementaire est très préoccupée par les graves
menaces qui pèsent sur les enfants migrants au cours de leur périple
vers l’Europe, ainsi que par les lacunes importantes des politiques
et des procédures, qui limitent les voies légales de migration en
Europe et exposent ces enfants au risque de tomber entre les mains
de passeurs et de trafiquants. Une fois arrivés en Europe, les enfants
migrants peuvent aussi être victimes de maltraitance dans des centres
de rétention ou des zones de transit, d’agressions sexuelles et de
violence, ou être contraints de vivre dans la rue pour éviter l’expulsion,
surtout s’ils sont entrés illégalement dans un pays européen. Ils
courent également le risque d’être exploités sexuellement par des
organisations criminelles se livrant à la traite d’êtres humains,
ou d’être exploités en tant que travailleurs sans papiers. Ils sont
aussi souvent confrontés à la discrimination et à la xénophobie
dans les pays hôtes.
3. L’Assemblée rappelle sa Recommandation
2117 (2017) et sa Résolution
2195 (2017) «Enfants migrants non accompagnés: pour une
détermination de l’âge adaptée à l’enfant», sa Résolution 2136 (2016) «Harmoniser
la protection des mineurs non accompagnés en Europe», sa Résolution 2128 (2016) sur
la violence envers les migrants et sa Résolution 2174 (2017) sur les répercussions
sur les droits de l’homme de la réponse européenne aux migrations
de transit en Méditerranée, qui soulevaient des questions particulières liées
à la violation des droits des enfants migrants. Elle regrette qu’un
certain nombre de signataires européens de la Convention des Nations
Unies relative aux droits de l’enfant continuent de violer leurs
obligations en n’accordant pas une protection adéquate aux enfants
migrants et en ne protégeant pas leurs droits.
4. Les États membres du Conseil de l'Europe doivent respecter
les principes de la Convention des Nations Unies relatives aux droits
de l’enfant, ce qui implique notamment de faire passer avant toute
chose l’intérêt supérieur de l’enfant et d’assurer qu’une procédure
visant à déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant est inscrite
dans la loi et appliquée pour chaque enfant migrant.
5. L’Assemblée souligne que les collectivités territoriales ont
la grande responsabilité d’accorder la protection nécessaire aux
enfants migrants sur les lieux d’arrivée et de veiller à ce qu’ils
aient accès à leurs droits et à des procédures adaptées aux enfants,
comme l’énonce la Résolution 428 (2018) du Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux du Conseil de l’Europe: «Enfants réfugiés non
accompagnés: rôle et responsabilités des collectivités locales».
6. L’Assemblée réitère sa position condamnant les pratiques violentes
telles que le placement d’enfants migrants en rétention et le recours
à des méthodes invasives durant la procédure de détermination de
l’âge, qui peuvent avoir des effets dévastateurs sur le développement
physique, affectif et psychologique de l’enfant. Elle se félicite
des activités menées par la Campagne parlementaire pour mettre fin
à la rétention d’enfants migrants, promouvant des alternatives à
la rétention des migrants et encourageant une approche globale de la
détermination de l’âge.
7. L’Assemblée est convaincue de la nécessité, pour les gouvernements
des États membres du Conseil de l’Europe, d’adopter une stratégie
commune sur les moyens de combattre la violence infligée aux enfants migrants
sous toutes ses formes et de garantir une protection complète et
étendue de leurs droits humains. Cette stratégie devrait comprendre
des propositions visant à garantir des conditions d’entrée sûres
et légales aux enfants migrants en provenance d’autres États afin
de limiter le risque de traite et d’abus.
8. L’Assemblée exhorte les États membres à prévenir par les moyens
ci-dessous toutes les violences exercées contre des enfants migrants:
8.1. pour ce qui est des mesures
législatives:
8.1.1. en créant des voies de migration sûres,
légales et régulières, comme des procédures souples, rapides et
efficaces de regroupement familial, l’augmentation des quotas de réinstallation
des migrants et l’octroi de visas humanitaires, ce qui renforcera
les garanties pour les enfants et les membres de leur famille;
8.1.2. en veillant à la conformité de la législation nationale
avec les normes internationales relatives à la protection des enfants
migrants, en particulier en interdisant leur rétention, en veillant
à l’intérêt supérieur des enfants et en garantissant le droit des
enfants de prendre part aux décisions qui les concernent;
8.1.3. en favorisant le développement d’alternatives à la rétention
d'enfants migrants – comme la prise en charge par des familles d’accueil
et le placement dans un lieu de vie autonome surveillé, assorti
d’une obligation de signalement – et en définissant une feuille
de route claire afin de mettre fin à la pratique de rétention d’enfants
dans le contexte de la migration;
8.1.4. en prévoyant des garanties légales pour l’accès des enfants
migrants aux procédures d’asile et des garanties que des informations
adaptées aux enfants et à leur âge leur soient fournies sur les
possibilités d’asile et leurs autres droits;
8.1.5. en veillant à ce que la législation nationale protège
les enfants migrants contre toutes les formes d’exploitation et
accorde le statut de victimes de crime aux enfants qui font l’objet d’exploitation
et de violence;
8.1.6. en veillant à ce que la législation nationale interdise
les pratiques invasives de détermination de l’âge;
8.1.7. en garantissant la mise en place de mécanismes permettant
aux enfants migrants de dénoncer les violences commises à leur encontre;
8.1.8. en veillant à ce que la législation nationale intègre
le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et qu’une procédure
visant à déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant soit inscrite
dans la loi et appliquée pour chaque enfant migrant;
8.1.9. pour les parlements des États membres qui ne l’ont pas
encore fait, en signant et en ratifiant la Convention internationale
sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et
des membres de leur famille, et les Conventions du Conseil de l'Europe
sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197)
et sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus
sexuels (STCE no 201, «Convention de
Lanzarote»);
8.2. pour ce qui est de la mise en œuvre des politiques:
8.2.1. en s’abstenant de renvoyer les enfants migrants, en particulier;
8.2.2. en allouant les ressources nécessaires dans les budgets
nationaux à la protection des enfants migrants et à l’offre de services
adaptés aux enfants, notamment en matière de formation, d’éducation
et de renforcement des capacités des professionnels de la protection
de l’enfance;
8.2.3. en intégrant la prise en compte de considérations liées
au genre dans les dispositifs nationaux de prise en charge des enfants
demandeurs d’asile;
8.2.4. en dispensant des formations spéciales aux fonctionnaires
de police, aux agents des services de l’immigration et aux gardes-frontières
sur le droit international humanitaire et les principales normes
internationales relatives au traitement des enfants migrants;
8.2.5. en associant les organisations non gouvernementales qui
interviennent auprès des enfants migrants aux programmes gouvernementaux
visant à prévenir la violence à l’égard de ces enfants;
8.2.6. en adoptant des politiques spécifiques pour parvenir à
une parfaite insertion des enfants migrants dans la société du pays
d’accueil et pour empêcher toute forme de discrimination ou de marginalisation
qui pourrait aboutir à des violences et à des abus;
8.2.7. en promouvant des projets communs entre les services répressifs
nationaux, Interpol et Europol, portant sur l’identification des
réseaux de criminalité organisée et de traite des êtres humains
impliqués dans l’exploitation et la maltraitance des enfants migrants;
8.2.8. en adoptant des stratégies proactives et inclusives en
faveur des enfants migrants qui ont été victimes de violence et
d’abus, en abordant les questions de santé mentale et physique;
8.2.9. en créant des unités d’asile spécialisées dans l’assistance
aux enfants migrants et dans la communication d’informations adaptées
aux enfants, dans leur langue maternelle;
8.2.10. en formant des réseaux locaux de protection de l’enfance
à l’identification et au suivi des enfants migrants qui risquent
d’être exposés à la violence et à l’exploitation;
8.3. pour ce qui est de l’opinion publique, en renforçant la
protection des enfants migrants contre la violence grâce au débat
public, à des campagnes de sensibilisation et à une éducation aux
perspectives fondées sur le respect des droits humains dans le contexte
de la migration.
9. L’Assemblée invite le Conseil de l'Europe, en coopération
avec l’Union européenne et Europol, à élaborer un système unifié
d’enregistrement des enfants migrants non accompagnés qui entrent
en Europe, afin de protéger leurs droits et obligations.
10. L’Assemblée demande instamment au Parlement européen de revoir,
sous l’angle de la Convention internationale des droits de l'enfant,
l’aide ciblée de l’Union européenne aux pays tiers auxquels elle
confie l’externalisation de la gestion des migrations, en vue de
protéger les enfants migrants contre les traitements inhumains et
dégradants, la violence et l’exploitation.