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Rapport | Doc. 14953 | 20 août 2019

Nécessité d'un ensemble de normes communes pour les institutions du médiateur en Europe

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : Lord Richard BALFE, Royaume-Uni, CE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14381, Renvoi 4332 du 13 octobre 2017. 2019 - Quatrième partie de session

Résumé

L’institution du médiateur, qui est chargée de protéger les individus contre la mauvaise administration et les violations des droits de l’homme, joue un rôle fondamental dans le renforcement de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme. Cependant, il n’existe pas de modèle standardisé de cette institution. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme estime qu’il serait utile de définir des normes communes qui régissent son fonctionnement et s’inquiète de ce que dans de nombreux États membres du Conseil de l’Europe les médiateurs aient été menacés.

Ainsi, la commission salue l’adoption par la Commission de Venise, le 15 mars 2019, des Principes sur la protection et la promotion de l’institution du médiateur (Principes de Venise). Elle propose que l’Assemblée les approuve à l’instar du Comité des Ministres. Les États membres du Conseil de l’Europe devraient faire en sorte que les Principes de Venise soient pleinement mis en œuvre et prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance des médiateurs. En outre, le Comité des Ministres pourrait créer un mécanisme pour assurer le suivi de la mise en œuvre de ces principes

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 25 juin
2019.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire, renvoyant à ses Recommandations 757 (1975) et 1615 (2003) et à sa Résolution 1959 (2013), réaffirme que l’institution du médiateur, qui est chargée de protéger les citoyens contre la mauvaise administration et les violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales commises par l’administration publique, joue un rôle fondamental dans le renforcement de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme.
2. L’Assemblée rappelle les travaux déjà menés par d’autres organes du Conseil de l’Europe en matière de promotion de l’institution du médiateur et des institutions nationales des droits de l’homme (INDH), parmi lesquels les Recommandations R (80) 2, R (85) 13, R (97) 14, R (2000) 10, CM/Rec(2007)7 et CM/Rec(2018)11 du Comité des Ministres, les Recommandations 61 (1999) et 309 (2011) et la Résolution 327 (2011) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, ainsi que les recommandations en la matière du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
3. L’Assemblée observe que la plupart des États membres du Conseil de l’Europe ont créé des institutions du médiateur. Un État dispose d’une ample marge d’appréciation dans la configuration institutionnelle du médiateur, dont il n’existe de ce fait pas de modèle standardisé. Il est toutefois très inquiétant que l’efficacité et l’indépendance de l’institution du médiateur aient été menacées ces dernières années dans de nombreux États membres du Conseil de l’Europe. Ces menaces ont notamment pris la forme de réformes législatives visant à affaiblir l’institution, de parlements tardant excessivement à nommer les médiateurs, de parlements refusant d’examiner ou rejetant les rapports annuels ou autres du médiateur, de restrictions budgétaires et d’audits injustifiés ou d’entraves à l’accès aux dossiers et à l’information. L’Assemblée s’inquiète également de voir que, dans certains pays, les médiateurs ont été la cible d’attaques verbales de la part de membres de la classe politique, y compris du gouvernement.
4. Il est donc urgent de définir des normes communes qui régissent le fonctionnement des institutions du médiateur, et en particulier les moyens de garantir leur indépendance.
5. Si certaines institutions du médiateur sont aussi des institutions nationales des droits de l’homme, ces dernières ne sont pas toujours des institutions «classiques» du médiateur. Les Principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme (les «Principes de Paris»), adoptés par les Nations Unies en 1993, fixent des normes minimales en matière de statut et de fonctionnement des INDH et ne s’appliquent donc pas à toutes les formes d’institutions du médiateur.
6. L’Assemblée reconnaît l’importance de la contribution apportée par les avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) à la création et au développement des institutions du médiateur. Elle se félicite donc de l’adoption par la Commission de Venise le 15 mars 2019 des Principes sur la protection et la promotion de l’institution du médiateur (Principes de Venise), élaborés avec la coopération des grandes institutions internationales compétentes dans ce domaine, dont le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et son Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) intergouvernemental, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et l’Institut International de l’Ombudsman. Les Principes de Venise ont aussi été approuvés par le Comité des Ministres le 2 mai 2019. Il s’agit du premier ensemble de normes internationales sur les institutions du médiateur, comparable aux Principes de Paris sur les INDH.
7. Les Principes de Venise rappellent que l’indépendance, l’objectivité, la transparence, l’équité et l’impartialité sont les principes fondamentaux de l’institution du médiateur, et qu’ils peuvent être réalisés au moyen de différents modèles. Ils énoncent 25 principes portant sur les garanties constitutionnelles qui protègent cette institution, le choix d’un modèle institutionnel, les critères de nomination à la fonction, l’élection des titulaires, le statut de l’institution, ses immunités, son mandat, son indépendance budgétaire, ses compétences, ses pouvoirs et son accessibilité.
8. L’Assemblée se félicite du fait que les Principes de Venise comportent des normes minimales visant à protéger et à promouvoir l’institution du médiateur et à accroître son efficacité, à aider les parlements et les gouvernements à créer et à consolider ces institutions et à reconnaître le rôle qu’elles jouent dans le renforcement de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme. Ces principes peuvent également fournir des éléments d’orientation aux institutions du médiateur elles-mêmes, ainsi qu’aux éventuels plaignants et aux représentants de la société civile qui œuvrent à la promotion et à la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ce document aidera par ailleurs les médiateurs à résister à toute ingérence excessive dans leurs activités.
9. L’Assemblée approuve par conséquent les Principes de Venise et appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
9.1. à faire en sorte que les Principes de Venise et les autres recommandations du Conseil de l’Europe en la matière soient pleinement mis en œuvre ;
9.2. à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance de ces institutions ;
9.3. à inviter les parlements nationaux et les organes gouvernementaux concernés à se référer systématiquement aux Principes de Venise lorsqu’ils apprécient la nécessité de procéder à une réforme législative des institutions du médiateur et la teneur de cette réforme  ;
9.4. à s’abstenir de prendre toute mesure visant ou aboutissant à supprimer l’institution du médiateur ou à lui porter atteinte, et de diriger contre elle et son personnel toute attaque ou menace, et à les protéger contre les actes de cette nature ;
9.5. à promouvoir un climat propice au médiateur, notamment en garantissant un accès libre et sans entrave aux institutions du médiateur, en dotant ces institutions de ressources financières et humaines suffisantes et en leur permettant de coopérer librement avec leurs homologues d’autres pays et les associations internationales de médiateurs.
10. L’Assemblée encourage tous les États membres de la Commission de Venise, membres ou non du Conseil de l’Europe, qui ne l’ont pas encore fait à créer rapidement une institution «classique» du médiateur dotée d’un large mandat, afin que les particuliers puissent la saisir d’une plainte en cas de mauvaise administration et de violation de leurs droits de l’homme et de leurs libertés fondamentales, conformément aux Principes de Venise, et à coopérer avec la Commission de Venise à cette fin.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 25 juin 2019.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire, se référant à sa Résolution … (2019) «Nécessité d’un ensemble de normes communes pour les institutions du médiateur en Europe», recommande au Comité des Ministres:
1.1. de prendre toutes les mesures nécessaires pour promouvoir les Principes sur la protection et la promotion de l’institution du médiateur («les Principes de Venise») et leur application par les États membres du Conseil de l’Europe ;
1.2. d’envisager de créer un mécanisme à la composition et au mandat appropriés auquel les États membres du Conseil de l’Europe rendraient régulièrement compte de la situation et des activités de leurs institutions du médiateur, ainsi que du degré de mise en œuvre des Principes de Venise ;
1.3. de condamner toute atteinte ou toute menace aux institutions du médiateur émanant des autorités d’un État membre du Conseil de l’Europe ;
1.4. de rationaliser ses travaux sur les activités des institutions du médiateur par une meilleure coordination avec le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, la Commission européenne pour la démocratie par le droit («Commission de Venise»), le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et l’Assemblée ;
1.5. d’adopter sans tarder le projet de recommandation sur le développement de l’institution du médiateur, en veillant à sa conformité avec les Principes de Venise ;
1.6. de continuer à coopérer dans ce domaine avec d’autres organisations internationales, en particulier l’Union européenne et l’Organisation des Nations Unies, ainsi qu’avec les associations internationales d’institutions du médiateur, comme l’Institut International de l’Ombudsman.

C. Exposé des motifs par Lord Richard Balfe, rapporteur

(open)

1. Introduction

1.1. Procédure et mandat

1. Le présent rapport se fonde sur une proposition de résolution déposée par notre ex-collègue M. Philippe Mahoux (Belgique, SOC) et d’autres membres de l’Assemblée le 30 juin 2017 (Doc. 14381) et renvoyée à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme pour rapport le 13 octobre 2017. La commission m’a nommé rapporteur le 12 décembre 2017. Lors de sa réunion du 25 janvier 2018, la commission s’est entretenue avec M. Jan Helgesen, membre de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise). Elle a tenu une audition le 23 mai 2018 avec la participation de M. Tryggvi Gunnarsson, ombudsman de l’Althing (Islande), et de Mme Catherine De Bruecker, Médiatrice fédérale de Belgique et vice-présidente pour la région européenne du conseil d’administration de l’Institut International de l’Ombudsman. Enfin, lors de sa réunion du 29 mai 2019, dans le sillage de l’adoption le 15 mars 2019 des Principes sur la protection et la promotion de l’institution du médiateur (Principes de Venise) par la Commission de Venise, la commission s’est entretenue avec M. Igli Totozani, ancien Avocat du peuple d’Albanie et expert à la Commission de Venise.

1.2. Enjeux

2. La proposition de résolution demande à l’Assemblée parlementaire de renforcer les institutions du médiateur dans les États membres du Conseil de l’Europe par l’établissement et la promotion d’une série de principes inspirés par les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (les «Principes de Paris»), en tenant compte de l’importance de l’action des institutions du médiateur et de leurs caractéristiques propres, en coopération étroite avec la Commission de Venise.
3. Il existe 140 institutions du médiateur dans le monde. Comme l’indique la proposition de résolution, elles sont chargées de protéger les personnes contre la mauvaise administration et ont un rôle essentiel à jouer dans la défense des droits de l’homme, la consolidation de la démocratie et la promotion de l’État de droit. Ces institutions doivent donc avoir un mandat étendu, mais clairement défini, et être régies par les principes d’indépendance, d’impartialité et de neutralité. Le Conseil de l’Europe a constamment promu la création et le renforcement des institutions du médiateur. Dans sa Recommandation 757 (1975) et sa Recommandation 1615 (2003), l’Assemblée a souligné l’importance des institutions du médiateur et a invité les États membres à mettre en place de telles institutions, en insistant dans la deuxième sur les caractéristiques essentielles du médiateur modèle. Dans sa Résolution 1959 (2013) «Renforcer l’institution du médiateur en Europe» 
			(3) 
			Voir le rapport de
notre ancien collègue M. Jordi Xuclà (Espagne, ADLE), <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=19786&lang=FR'>Doc.
13236</a>., l’Assemblée a par ailleurs appelé les États membres qui ont créé des institutions de médiateur à veiller à ce que celles-ci satisfassent à un certain nombre de critères, en particulier sur le plan de l’indépendance et de l’impartialité, de la procédure de nomination, de leur mission et de leur accès. Le Comité des Ministres a adopté divers textes sur la question de la protection des personnes contre la mauvaise administration, notamment sur la protection de l’individu vis-à-vis des actes des autorités administratives; la Recommandation n° R (80) 2 concernant l’exercice des pouvoirs discrétionnaires de l’administration; la Recommandation n° R (85) 13 relative à l’institution de l’ombudsman; la Recommandation n° R (97) 14 relative à l’établissement d’institutions nationales indépendantes pour la promotion et la protection des droits de l’homme; la Recommandation n° R (2000) 10 sur les codes de conduite pour les agents publics; et la Recommandation CM/Rec(2007)7 relative à une bonne administration et la Recommandation CM/Rec(2018)11 sur la nécessité de renforcer la protection et la promotion de l'espace dévolu à la société civile en Europe. Le Comité directeur pour les droits de l'homme (CDDH) du Conseil de l'Europe travaille actuellement à un projet de recommandation du Comité des Ministres sur le développement de l’institution du médiateur et à une compilation des bonnes pratiques nationales.
4. En outre, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux a appelé à l’établissement et à l’échange de bonnes pratiques entre les institutions du médiateur aux échelons national, régional et local dans sa Recommandation 61 (1999) sur le rôle des médiateurs/ombudsmans locaux et régionaux dans la défense des droits des citoyens et ses Recommandation 309 (2011) et Résolution 327 (2011) sur la fonction de l’ombudsman et les pouvoirs locaux et régionaux. La Commission de Venise a publié divers avis et recommandations sur les institutions du médiateur, dont une compilation a été adoptée en février 2016 (CDL-PI(2016)001). Le Commissaire aux droits de l’homme est par ailleurs mandaté pour faciliter les activités des institutions nationales du médiateur et autres structures de défense des droits de l’homme.
5. Les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (les «Principes de Paris»), adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993 
			(4) 
			Assemblée générale
des Nations Unies, Res 48/134, UN Doc. A/RES/48/134 (1993)., définissent les normes minimales applicables à l’établissement et au fonctionnement des institutions nationales des droits de l’homme (INDH), afin de veiller notamment à ce que ces institutions soient indépendantes et aient un mandat clairement défini sur la base des normes universelles des droits de l’homme. À l’époque où la proposition de résolution a été déposée, il n’existait pas au niveau international de principes équivalents spécifiquement applicables aux institutions du médiateur. Alors que je préparais mon rapport, la Commission de Venise a commencé à rédiger ses Principes sur la protection et la promotion de l’institution du médiateur, en liaison avec de grandes institutions internationales travaillant dans ce domaine, notamment le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, le CDDH, l’Institut International de l’Ombudsman (IIO) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Cet instrument, également appelé «Principes de Venise», a été adopté par la Commission de Venise le 15 mars 2019 
			(5) 
			Commission de Venise,
Principes sur la protection et la promotion de l’institution du
Médiateur (« les Principes de Venise »), CDL-AD(2019)005-f.. Il a été approuvé par le Comité des Ministres lors de la 1345e réunion des Délégués des Ministres à Strasbourg, le 2 mai 2019, et sera probablement approuvé par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux dans un très proche avenir. Les Principes sur la protection et la promotion de l’institution du médiateur énoncent 25 principes portant sur l’indépendance du médiateur, les caractéristiques de son mandat, ses attributions, ses compétences et son obligation de rendre des comptes, ainsi que les conditions d’accès à l’institution.
6. L’histoire et l’évolution des institutions du médiateur dans les États membres du Conseil de l’Europe ont déjà été abondamment décrites dans le rapport de notre ancien collègue, M. Jordi Xuclà, sur le renforcement de l’institution du médiateur en Europe 
			(6) 
			Ibid., voir en particulier
paragraphes 5-7.. Nous nous bornerons par conséquent ici à définir le but et le rôle des institutions du médiateur, en examinant le modèle «classique» et le modèle «droits de l’homme» et analyserons la teneur et la pertinence des «Principes de Paris» sur les institutions nationales des droits de l’homme. Nous examinerons ensuite plus en détail les Principes de Venise, à la lumière d’exemples concrets de menaces qui pèsent sur l’institution du médiateur et identifierons l’importance de ces principes pour les institutions du médiateur. Pour conclure, nous formulerons un certain nombre de propositions de travaux que le Conseil de l’Europe pourrait consacrer à l’avenir à cette question.

2. Les institutions du médiateur

2.1. Définition et rôle

7. L’institution du médiateur se définit dans sa forme classique comme «une fonction prévue par la Constitution ou par l’action du législateur ou du parlement et dirigée par un agent public de haut niveau indépendant, responsable devant le législateur ou le parlement, qui reçoit les plaintes de personnes lésées par les services, les agents et les employés de l’administration ou agit de sa propre initiative et qui a le pouvoir d’enquêter, de recommander des mesures réparatrices et de publier des rapports» 
			(7) 
			Ombudsman Committee, International Bar Association Resolution (Vancouver :
International Bar Association, 1974), pp. 1-2..
8. Dans ce modèle classique, l’institution du médiateur a avant tout le pouvoir d’enquêter sur les plaintes relatives à la mauvaise administration des autorités du secteur public. La «mauvaise administration» au sens large englobe les infractions à la législation, ainsi que des formes de comportements comme le retard excessif, le fait de ne pas communiquer une information, l’impolitesse ou l’insensibilité 
			(8) 
			Doc. 13236, paragraphe 5.. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reconnaît expressément à la bonne administration la qualité de droit fondamental dans son article 41: «toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable». Le principe de la bonne administration englobe les principes de légalité, égalité, impartialité, proportionnalité, sécurité juridique, prise de mesure dans un délai raisonnable, participation, respect de la vie privée et transparence 
			(9) 
			Voir la Recommandation <a href='https://rm.coe.int/16807096b9'>CM/Rec(2007)7</a> du Comité des Ministres aux États membres relative à
une bonne administration, adoptée le 20 juin 2017; et <a href='https://www.ombudsman.europa.eu/fr/resources/code.faces'>Le
Code européen de bonne conduite administrative</a>, Médiateur européen, 2015.. Les institutions du médiateur jouent par conséquent un rôle important dans l’amélioration de la responsabilité démocratique.
9. À l’heure actuelle, les institutions classiques du médiateur assument des rôles additionnels, comme la liberté de l’information, la protection de la vie privée, la protection de l’enfance, la lutte contre la corruption et le suivi des services de santé, ce qui peut leur conférer une compétence dans certains domaines du secteur privé. Bien que les institutions classiques du médiateur envisagées selon une définition étroite n’aient pas expressément de mandat pour les droits de l’homme, leur action peut de plus en plus être amenée à assurer le règlement de plaintes qui présentent des aspects relatifs aux droits de l’homme 
			(10) 
			Linda
Reif, The Ombudsman, Good Governance
and the International Human Rights System, Brill, 2004,
p. 2.. Dans le contexte européen actuel, la quasi-totalité des institutions du médiateur recourent aux normes des droits de l’homme, parallèlement à d’autres sources normatives 
			(11) 
			Voir Milan Remac, « Standards
of Ombudsman Assessment: A New Normative Concept? » (2013) 9 Utrecht Law Review 62, p. 69 ; et
Victor Ayeni, « Ombudsmen as Human Rights Institutions » (2014)
13 Journal of Human Rights 498, p.
498.. Comme les principes des droits de l’homme imprègnent de plus en plus la vie publique, il est de plus en plus admis que le respect et la protection des droits de l’homme fassent partie de la bonne administration.
10. Les institutions du médiateur des droits de l’homme ont expressément pour mandat de protéger et, de plus en plus, de promouvoir les droits de l’homme. Ces institutions peuvent également recevoir des mandats supplémentaires, comme l’attribution classique d’enquêter sur la mauvaise administration ou d’assurer la protection de l’environnement. En outre, certaines institutions du médiateur des droits de l’homme tiennent lieu d’organes de prévention et de suivi des droits de l’homme, comme l’exigent les traités relatifs aux droits de l’homme et le droit non contraignant des Nations Unies 
			(12) 
			Par
exemple les mécanismes nationaux de prévention du Protocole facultatif
des Nations Unies se rapportant à la Convention contre la torture
(OPCAT) et les mécanismes nationaux de suivi de la Convention des
Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH)., ainsi que le droit de l’Union européenne 
			(13) 
			Par exemple la directive
2000/43/CE relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité
de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine
ethnique, la directive 2004/113/CE mettant en œuvre le principe
de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès
à des biens et services et la fourniture de biens et services et
la directive 2006/54/CE relative à la mise en œuvre du principe
de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes
et femmes en matière d'emploi et de travail.. Outre les compétences non contraignantes classiques d’enquête, de recommandation et de rapport du médiateur, de nombreuses institutions du médiateur des droits de l’homme se voient conférer des attributions supplémentaires, comme la capacité d’engager une action devant les tribunaux, d’engager des poursuites et de procéder à l’inspection et au contrôle des centres de détention 
			(14) 
			Linda
Reif, « Transplantation and Adaptation: The Evolution of the Human
Rights Ombudsman » (2011) 31 Boston College
Third World Law Journal 269, p. 302-307..
11. Des institutions thématiques ou spécialisées du médiateur ont également été créées, notamment celles qui reçoivent expressément mandat pour les droits de l’homme, comme les institutions du médiateur pour la protection de l’enfance et de l’égalité, et celles qui sont dépourvues d’un tel mandat, comme les institutions du médiateur des forces de la défense, des services de police et des prisons.
12. Les États disposent d’une marge d’appréciation étendue dans le choix du modèle de l’institution du médiateur 
			(15) 
			Commission de Venise, Opinion on the Law on the People’s Advocate
(Ombudsman) of the Republic of Moldova, CDL-AD(2015)017,
para 25., étant entendu qu’il n’existe aucun modèle normalisé. En Europe, les États comptent parfois plus d’un médiateur, chacun d’eux s’occupant alors d’un domaine spécifique, et des médiateurs régionaux et/ou locaux, comme en Suède. D’autre part, les États peuvent également opter pour le modèle d’un médiateur général doté d’attributions universelles, comme c’est le cas en France, où le Défenseur des droits est cependant assisté de quatre adjoints compétents à chaque fois dans un domaine propre.
13. Selon la Commission de Venise, le modèle le plus courant est celui «d'un fonctionnaire indépendant qui joue un rôle primordial d'intermédiaire entre la population et l'administration centrale et locale, et qui jouit de compétences d'enquête et d'accès à l'information pour suivre les activités de l'administration et adresser à celle-ci des recommandations sur la base du droit et de l'équité au sens large, pour lutter contre des violations des droits de l'homme et des cas d'abus administratifs et y remédier» 
			(16) 
			Commission de Venise,
Avis sur la réforme éventuelle de l'institution de l'Ombudsman au
Kazakhstan, CDL-AD(2007)020, paragraphe 12.. Aux fins du présent rapport, les termes «institution du médiateur» et «médiateur» englobent tous les cas précités, indépendamment de la terminologie variable employée par les États membres du Conseil de l’Europe.
14. «L’indépendance du médiateur est l’un des principes fondamentaux de cette institution» 
			(17) 
			Commission
de Venise, Avis sur le projet de loi sur le médiateur (Ombudsman)
de « l’ex-République yougoslave de Macédoine », CDL-AD(2003)007,
B.II Article 5.1.. Comme il ressort de la définition de l’institution du médiateur, le principal facteur de son bon fonctionnement est son indépendance à l’égard du pouvoir exécutif. L’indépendance du médiateur est triple: institutionnelle, personnelle et fonctionnelle. L’institution du médiateur doit non seulement être indépendante, mais aussi être perçue comme telle. Les citoyens doivent avoir confiance dans l’existence d’un médiateur indépendant, capable de demander des comptes au gouvernement et à l’administration, et qu’ils peuvent saisir d’une plainte sans crainte de représailles. L’institution du médiateur doit en outre être impartiale et neutre.

2.2. Les institutions nationales des droits de l’homme (INDH)

15. Les Nations Unies définissent l’institution nationale des droits de l’homme comme «un organe établi, soit par un gouvernement en vertu de la Constitution, soit par la loi ou par décret, dont les fonctions sont spécialement conçues pour promouvoir et protéger les droits de l’homme» 
			(18) 
			Centre pour les droits
de l'homme des Nations Unies, National
Human Rights Institutions: A Handbook on the Establishing and Strengthening
of National Institutions for the Promotion and Protection of Human
Rights, Professional Training Series No. 4, UN Doc. HR/P/PT
4 1995, p. 6. . Ce terme englobe les institutions du médiateur, bien que toutes ces institutions ne soient pas des INDH.
16. Les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme établis à l’occasion de l’Atelier international des Nations Unies sur les institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme et adoptés par l’Assemblée générale en 1993 définissent les normes minimales de l’établissement et du fonctionnement des INDH. Les Principes de Paris énumèrent les caractéristiques essentielles d’une INDH: indépendance vis-à-vis du gouvernement; mandat étendu de promotion et de protection des droits de l’homme, établi par la Constitution ou la législation; représentation pluraliste de la société dans le choix des membres de commissions; et ressources financières et humaines suffisantes 
			(19) 
			Voir également Principes
de Paris, « Modalités de fonctionnement », adoptés par l’Assemblée
générale des Nations Unies, Res 48/134, UN Doc. A/RES/48/134 (1993)..
17. Les Principes de Paris sont uniquement applicables aux institutions nationales du médiateur des droits de l’homme, les autres institutions du médiateur étant toutes exclues de la définition d’une INDH. Les institutions classiques et thématiques du médiateur ne sont de ce fait pas considérées comme des INDH, et ne peuvent donc être pleinement conformes avec les Principes de Paris. En outre, au sein d’un même État, il est pratiquement impossible que plus d’une INDH obtienne l’accréditation de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme (GANHRI). De ce fait, un certain nombre d’institutions nationales du médiateur des droits de l’homme ne peuvent obtenir d’accréditation.
18. Par ailleurs, les Principes de Paris ne reflètent pas de manière satisfaisante la structure, les compétences et les activités relatives aux droits de l’homme des institutions classiques du médiateur. Ils considèrent en effet l’instruction des plaintes comme une compétence facultative des INDH, alors que ce devrait être une composante essentielle du mandat de l’institution du médiateur 
			(20) 
			Linda Reif, note 11,
pp. 96-97.. Par conséquent, les Principes de Paris ne prévoient pas un cadre pertinent suffisant pour la réglementation des institutions du médiateur. Il convient donc d’autant plus de se féliciter que la Commission de Venise ait adopté ses «Principes de Venise».

2.3. Exemples de menaces pesant sur les institutions du médiateur

19. Les médiateurs sont exposés dans de nombreux pays à des menaces et attaques en raison de leur rôle dans la lutte contre la mauvaise administration et dans la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les agressions peuvent parfois être mortelles (comme cela a été le cas pour le médiateur mexicain de la Baja California, M. Silvestre de la Toba Camacho, assassiné en 2017).
20. Même si la situation n’est pas aussi dramatique dans les États membres du Conseil de l’Europe, on a observé chez certains d’entre eux des ambivalences à l’égard de l’institution du médiateur et des tentatives faites pour discréditer le médiateur ou restreindre ses pouvoirs. Quelques exemples: projets de modification de la loi visant à affaiblir l’institution (Croatie 
			(21) 
			Commissaire aux droits
de l’homme, déclaration du 11 juillet 2017 “<a href='https://www.coe.int/en/web/commissioner/-/croatian-government-should-reconsider-the-draft-law-on-the-ombudsman-for-children'>Croatian
government should reconsider the draft law on the Ombudsman for
Children</a>”.), menaces d’annulation de la nomination du médiateur (Ukraine 
			(22) 
			Bureau
du Conseil de l'Europe en Ukraine, <a href='https://www.coe.int/en/web/kyiv/home/-/asset_publisher/uM1v0WAOgHb2/content/the-sasg-expresses-concern-on-the-threat-to-the-independence-of-the-ukrainian-parliament-commissioner-for-human-rights-'>The
SASG expresses concern on the threat to the independence of the Ukrainian
Parliament Commissioner for Human Rights</a>, 5 juin 2015.), réductions du budget du médiateur (Pologne 
			(23) 
			Commissaire
aux droits de l’homme, <a href='https://www.coe.int/en/web/commissioner/blog/-/asset_publisher/xZ32OPEoxOkq/content/paris-principles-at-25-strong-national-human-rights-institutions-needed-more-than-ever?_101_INSTANCE_xZ32OPEoxOkq_languageId=fr_FR'>25
ans des Principes de Paris: des institutions nationales des droits
de l'homme fortes restent plus nécessaires que jamais</a>, 18 décembre 2018), demandes d’audit injustifiées (Chypre 
			(24) 
			IIO,
Rapport annuel 2017/2018, p. 24. ), refus d’accès à des dossiers ou informations (en Croatie, la police des frontières a récemment refusé de laisser la médiatrice consulter des dossiers, ce qui constitue clairement une violation de ses attributions 
			(25) 
			Voir note 24.; à Malte, la Commission de Venise a constaté un «refus généralisé de l’administration de communiquer à l’Ombudsman les informations dont il a besoin pour accomplir sa mission» 
			(26) 
			Avis sur les dispositions
constitutionnelles, la séparation des pouvoirs et l'indépendance
des organes judiciaires et répressifs, CDL-AD(2018)028, 15 décembre
2018.), rejet du rapport annuel du médiateur par le parlement (Croatie, 2016 
			(27) 
			Voir le rapport du
Commissaire aux droits de l’homme, <a href='https://rm.coe.int/ref/CommDH(2016)31'>CommDH(2016)31</a>, p. 8.), déclarations publiques de personnalités politiques critiquant le médiateur (France 
			(28) 
			<a href='http://www.lefigaro.fr/flash-actu/rapport-sur-le-maintien-de-l-ordre-le-defenseur-des-droits-oublie-l-essentiel-castaner-20190312'>Rapport
sur le maintien de l’ordre : Toubon « oublie l’essentiel » (Castaner)</a>, Le Figaro, 12 mars 2019., Géorgie, Serbie 
			(29) 
			Voir note
24., Pologne 
			(30) 
			Commissaire aux droits
de l’homme, <a href='https://www.coe.int/en/web/commissioner/view/-/asset_publisher/ugj3i6qSEkhZ/content/commissioner-concerned-about-human-rights-backsliding-in-poland?_101_INSTANCE_ugj3i6qSEkhZ_languageId=fr_FR'>lettre
au Premier ministre polonais</a>, 19 janvier 2018. ou République slovaque 
			(31) 
			Ombudswoman: I need
to point out human rights violations, the Slovak Spectator, 24 août
2017.) ou actions indûment intentées en justice (Pologne 
			(32) 
			Voir ma déclaration
du<a href='https://pace.coe.int/en_GB/web/as-jur/main?p_auth=Hqctp3fe&p_p_id=newsreader_WAR_PACECALENDARportlet&p_p_lifecycle=1&p_p_state=normal&p_p_mode=view&p_p_col_id=column-1&p_p_col_pos=1&p_p_col_count=2&_newsreader_WAR_PACECALENDARportlet_articleId=7370&_newsreader_WAR_PACECALENDARportlet_backUrl=%2Fen_GB%2Fweb%2Fas-jur%2Fmain%3Bjsessionid%3DF6927E1362AC485C23FC5B89399FD671%3Fp_p_id%3Dnewsreader_WAR_PACECALENDARportlet%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview%26p_p_col_id%3Dcolumn-1%26p_p_col_pos%3D1%26p_p_col_count%3D2%26_newsreader_WAR_PACECALENDARportlet_delta%3D6%26_newsreader_WAR_PACECALENDARportlet_keywords%3D%26_newsreader_WAR_PACECALENDARportlet_advancedSearch%3Dfalse%26_newsreader_WAR_PACECALENDARportlet_andOperator%3Dtrue%26_newsreader_WAR_PACECALENDARportlet_resetCur%3Dfalse%26cur%3D3&_newsreader_WAR_PACECALENDARportlet_javax.portlet.action=viewDetail'> 18
février 2019</a>. ). Faute de consensus politique, l’élection du médiateur espagnol est en souffrance depuis près de deux ans à présent, et son suppléant est en fonction depuis 2017; la même chose s’est produite récemment en Grèce. En République tchèque, l’élection récente du suppléant du médiateur a été controversée, car il était considéré comme trop proche des autorités 
			(33) 
			<a href='https://spectator.sme.sk/c/20633169/ombudswoman-i-need-to-point-out-human-rights-violations.html'>Czech
civil society urges MPs not to elect President's nominee for Deputy
Public Defender of Rights,</a> romea.cz, 12 mars 2019. . Les institutions du médiateur sont particulièrement visées dans les pays en transition démocratique. Mais même dans des pays à la longue tradition démocratique, ces institutions sont encore en butte à des difficultés et à des menaces. L’IIO a par exemple fait état de cas de prolifération d’institutions dotées de mandats thématiques empiétant sur les pouvoirs du médiateur et diluant ainsi le contrôle démocratique (Royaume-Uni et Belgique); de restrictions de ses compétences, excluant par exemple des domaines essentiels des activités de l’administration (Irlande); ou d’exclusions de compétences dans certains domaines de l’activité administrative par suite de privatisations (Autriche, Belgique, Irlande, Pays-Bas et Royaume-Uni).

3. Les «Principes de Venise» 
			(34) 
			Les
principaux documents de référence de cette partie proviennent de
la compilation des avis de la Commission de Venise sur l’institution
du médiateur (<a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-PI(2016)001-e'>CDL-PI(2016)001</a>) du 5 février 2016. Voir également Linda Reif, note 10
ci-dessus, p. 399 ; et Marten Oosting, The
Independent Ombudsman in a Democracy, Government by the Rule of
Law, Occasional Paper 66, septembre 1998.

3.1. Observations générales

21. Le préambule des Principes de Venise rappelle qu’il existe des institutions du médiateur à plusieurs niveaux (national, régional ou local), dotées de compétences différentes. Les principes fondamentaux de l’institution du médiateur (indépendance, objectivité, transparence, équité et impartialité) peuvent être réalisés par le biais de différents modèles.
22. Le préambule définit le médiateur comme «une institution qui agit en toute indépendance, contre les abus administratifs et les violations alléguées des droits de l’homme et des libertés fondamentales que subissent les personnes physiques ou morales». Le droit de saisir le médiateur «s’ajoute au droit d’avoir accès à la justice par le biais des tribunaux». Le médiateur peut aussi «jouer un rôle important dans la protection des défenseurs des droits de l’homme». Le premier principe précise que l’institution du médiateur «a un rôle important à jouer dans le renforcement de la démocratie, de la prééminence du droit, de la bonne administration et de la protection et de la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales».
23. Le principe 24 évoque le cas où l’institution du médiateur serait soumise à des menaces, son travail serait entravé, ou encore l’État lui-même agirait directement ou indirectement pour le dissoudre. Il indique clairement que «les États s’abstiennent de prendre toute mesure visant ou résultant à supprimer l’institution du médiateur ou à entraver son fonctionnement efficace, et protègent efficacement l’institution contre toute menace de cette nature».
24. Les Principes de Venise «doivent être lus, interprétés et utilisés afin de consolider et de renforcer les pouvoirs de l’institution du médiateur» (première phrase du principe 25), ce qui veut dire qu’ils peuvent constituer une importante source d’interprétation dans les affaires concernant le mandat et le fonctionnement d’une institution du médiateur. «Compte tenu des différents types, systèmes et statuts juridiques des institutions du médiateur et de leur personnel, les États membres sont invités à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris des ajustements constitutionnels et autres ajustements législatifs, afin de mettre en place des conditions adéquates qui renforcent et développent les institutions du médiateur ainsi que leur pouvoir, leur indépendance et leur impartialité dans l’esprit et conformément aux Principes de Venise et, de ce fait, à garantir leur mise en œuvre appropriée, opportune et effective», précise par ailleurs la seconde phrase du principe 25.

3.2. Garanties constitutionnelles relatives à l’institution du médiateur

25. Afin de protéger les institutions indépendantes du médiateur «des aléas de la politique», la Commission de Venise a précédemment souligné qu’il importait de garantir l’existence et les principes fondamentaux de l’activité de ces institutions dans la Constitution 
			(35) 
			Commission
de Venise, Joint Opinion on the Law on
the Ombudsman of Serbia by the Venice Commission, the Commissioner
for Human Rights and the Directorate General of Human Rights of
the Council of Europe, CDL-AD(2004)041, paragraphe 9.
Voir également la Recommandation
1615 (2003) de l’Assemblée, paragraphe 7.1..
26. Dans un certain nombre d’États, les institutions du médiateur ont été créées par la législation ordinaire, et non pas dans un texte de rang constitutionnel. Il peut en effet arriver que cette législation ait été adoptée à une époque où l’importance du rôle des institutions du médiateur n’était pas aussi clairement admise qu’aujourd’hui. Cette situation peut également s’expliquer par les difficultés que présente la révision de la Constitution dans de nombreux États. Toutefois, il est préférable que la Constitution garantisse les institutions du médiateur, ses caractéristiques et son fonctionnement étant traités au niveau de la loi. Cette idée se retrouve dans le principe 2, qui réaffirme que «l’institution du médiateur, y compris son mandat, doit avoir une solide assise juridique, de préférence au niveau constitutionnel».
27. Mais il ne faut pas qu’une formulation trop restrictive des dispositions constitutionnelles fasse obstacle au développement raisonnable de l’institution du médiateur. En particulier, les garanties constitutionnelles relatives aux institutions nationales du médiateur ne devraient pas empêcher la création d’institutions locales, régionales, ou spécialisées.

3.3. Choix du modèle et organisation interne

28. La Commission de Venise a déjà indiqué qu’un État «dispose d’une ample marge d’appréciation dans l’organisation de ses dispositifs institutionnels, qui dépendent dans une large mesure du contexte national. Un médiateur unique peut mieux convenir à certaines phases du développement démocratique d’un État, un système à plusieurs médiateurs à d’autres» 
			(36) 
			Commission de Venise,
avis sur la nouvelle Constitution de la Hongrie, CDL-AD(2011)016, paragraphe 115.
Voir également le paragraphe 29.. En ce qui concerne la spécialisation d’une institution du médiateur, il est possible de créer une section spéciale en son sein et/ou de nommer un médiateur adjoint chargé d’un domaine spécifique. La spécialisation des adjoints peut leur permettre de traiter efficacement les questions qui leur sont soumises, tandis que le mandat général de l’institution du médiateur assure la cohérence entre les domaines spécialisés. Bien que de nombreux États préfèrent nommer des médiateurs régionaux ou locaux non rattachés à l’institution nationale du médiateur, il est aussi possible de prendre en compte la taille et la population du pays dans la création de sections spécialisées au sein d’une institution unique. Les États ne devraient pas choisir un modèle ou en changer dans le seul but d’affaiblir l’institution. Pour ce qui est de l’organisation interne des services, le médiateur doit être libre de choisir son ou ses adjoints et son personnel, et d’adapter sa structure et son fonctionnement à ses priorités. Cette souplesse institutionnelle renforce l’indépendance de l’institution à l’égard des pressions politiques.
29. Les Principes de Venise réaffirment la marge d’appréciation dont dispose l’État dans le choix d’un modèle unique ou pluriel d’institution du médiateur: le principe 4 fait dépendre la décision «de l’organisation de l’État, de ses particularités et de ses besoins» ; l’institution peut être «organisée à différents niveaux et avec différentes compétences». Les États doivent adopter «des modèles entièrement conformes à ces Principes, qui renforcent l’institution et augmentent le niveau de protection et de promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans le pays» (principe 5).
30. En ce qui concerne l’organisation interne, le principe 22 réaffirme que l’institution du médiateur peut «comprendre un ou plusieurs médiateurs adjoints, à désigner par le médiateur». Il précise aussi qu’elle doit disposer de ressources humaines suffisantes et d’une structure suffisamment souple, et que le médiateur doit être en mesure de recruter son personnel.

3.4. Critères de nomination à la fonction

31. Il importe que les critères applicables à la fonction des institutions du médiateur ne soient pas trop restrictifs. Les médiateurs doivent posséder une expérience et une compétence dans le domaine d’activité de l’institution, bien que le fait d’être titulaire d’un diplôme universitaire en droit ne soit pas une condition préalable indispensable; ils doivent jouir du crédit et du respect du gouvernement et des citoyens, de manière à renforcer l’efficacité et l’autorité de l’institution. Le Principe 8 précise que les critères de nomination à la fonction de médiateur «doivent être suffisamment larges pour encourager une grande variété de candidats adéquats». Une haute considération morale, l’intégrité et une expertise et une expérience professionnelles appropriées, y compris dans le domaine des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont autant de critères essentiels à l’exercice de cette fonction.
32. Il est important pour l’indépendance et l’impartialité des institutions du médiateur d’éviter toute incompatibilité. Comme l’a déjà indiqué la Commission de Venise, le médiateur «n’occupera aucun poste incompatible avec l’accomplissement voulu de sa charge officielle, avec son impartialité et la confiance du public» 
			(37) 
			Commission de Venise,
voir note 36 paragraphe 16.. La fonction serait incompatible avec une autre fonction ou profession rémunérée, qu’elle soit publique ou privée, ainsi qu’avec la qualité de membre d’un parti politique, par exemple 
			(38) 
			Commission
de Venise, voir note 18, B.II article 8.. C’est pourquoi le principe 9 prévoit que «le médiateur ne peut exercer, pendant son mandat, des activités politiques, administratives ou professionnelles incompatibles avec son indépendance ou son impartialité». De plus, «le médiateur et son personnel sont liés par des codes d’éthique autoréglementés».

3.5. Élection

33. Le mode de désignation du médiateur est une garantie essentielle d’indépendance de l’institution. Bien que ce ne soit pas toujours le cas, la Commission de Venise et l’Assemblée avaient précédemment recommandé que la procédure de nomination du médiateur soit celle de l’élection par le parlement à la majorité qualifiée de l'ensemble des députés 
			(39) 
			Commission
de Venise, voir note 17, paragraphe 11.. Ce mode de désignation confère à l’institution un large socle politique et social, renforce «l’impartialité, l’indépendance et la légitimité du médiateur, et contribue à la confiance du public à l’égard de l’institution» 
			(40) 
			Commission
de Venise, voir note 16, paragraphe 50..
34. Le principe 6 réaffirme que «le médiateur est élu ou nommé selon des procédures visant à renforcer dans toute mesure du possible l’autorité, l’impartialité, l’indépendance et la légitimité de l’institution». Il est de préférence élu par le parlement à une majorité qualifiée convenable. Le principe 7 précise que les candidats à la fonction de médiateur doivent être sélectionnés après appel public à candidatures, et que la procédure doit être publique, transparente, fondée sur le mérite, objective et prévue par la loi.

3.6. Statut et immunités

35. Bien qu’il n’existe aucune norme européenne relative au statut du médiateur, il convient de conférer systématiquement à cette institution un grade élevé adéquat, car c’est «l’un des facteurs essentiels qui garantissent l’indépendance du médiateur vis-à-vis de toute ingérence politique et permettent à l’institution de fonctionner de manière effective et efficace» 
			(41) 
			Commission de Venise, Opinion on the status and rank of the human
rights ombudsman of Bosnia and Herzegovina, CDL-AD(2004)006, paragraphe 10.. Le principe 3 réaffirme que l’institution du médiateur doit avoir «un rang suffisamment élevé», ce que doit refléter sa rémunération. Le principe 14 insiste une fois encore sur la nécessité de garantir l’indépendance de l’institution en prévoyant que «le médiateur ne reçoit ni ne suit d’instructions de quelque autorité que ce soit».
36. Il importe par ailleurs que les institutions du médiateur jouissent d’une immunité de fonction 
			(42) 
			Voir par exemple Commission
de Venise, voir note 36, paragraphe 18.. Cette idée se retrouve dans le principe 23, qui précise que le médiateur, les adjoints et le personnel dirigeant doivent jouir d’une immunité fonctionnelle, c’est-à-dire d’une immunité de juridiction pour leurs activités et travaux, oraux ou écrits, menés dans l’exercice de leurs fonctions pour l’institution. Cette immunité fonctionnelle perdure également après qu’ils ont quitté l’institution.

3.7. Mandat

37. Il importe que la procédure de révocation de l’institution du médiateur soit aussi rigoureuse et transparente que pour sa nomination: qu’elle soit prévue par la loi et qu’elle exige un large consensus parlementaire, sur la base de critères définis de manière exhaustive par la loi ou la Constitution. La majorité qualifiée prévue pour la fin du mandat du médiateur devrait être au moins égale, et de préférence supérieure, à la majorité qualifiée exigée pour son élection. Après expiration du mandat du médiateur et avant l’élection d’un nouveau médiateur, le médiateur sortant devrait rester en fonction jusqu’à la prise de fonction de son successeur, afin d’éviter toute situation dans laquelle aucun médiateur ne serait en poste.
38. Ces exigences se retrouvent dans le principe 11: «le médiateur peut être démis de ses fonctions uniquement conformément à une liste exhaustive de conditions claires et raisonnables définies par la loi.» Ces conditions ne portent que sur les critères essentiels d’«incapacité» ou d’«incapacité d’exercer les fonctions du poste», d’«inconduite» ou de «faute», qui doivent être interprétés étroitement. Il en découle que le médiateur peut être révoqué par décision du parlement ou, si ce dernier le demande, d’une juridiction. Ce principe n’impose pas expressément la majorité qualifiée pour la révocation du médiateur, mais exige au moins la même majorité que pour sa nomination («la majorité parlementaire requise pour mettre fin aux fonctions du médiateur — par le parlement lui-même ou par une cour sur demande du parlement — doit être au moins égale à, et de préférence plus élevée que, celle fixée pour son élection»). La procédure de révocation doit être «publique, transparente et prévue par la loi», est-il précisé.
39. La durée du mandat du médiateur n’est soumise à aucune norme impérative et sa définition incombe en définitive aux pouvoirs publics. Un mandat de 5 ou 6 ans est jugé suffisamment long. Toutefois, la Commission de Venise estime préférable que les médiateurs soient élus pour un mandat unique plus long (de sept ou huit ans), sans possibilité de réélection. Le principe du mandat unique offre une garantie d’indépendance de l’institution du médiateur et permet d’éviter le reproche que les activités ou les recommandations du médiateur puissent être motivées par le désir d’être réélu.
40. Ces recommandations sont reprises dans le principe 10, qui indique que «le mandat du médiateur est plus long que le mandat de l’organe de nomination». Le mandat est de préférence unique, d’au moins sept ans, sans possibilité de réélection. S’il est renouvelable, ce doit être une fois seulement.

3.8. Indépendance budgétaire

41. L’indépendance financière, qui revêt une importance considérable en ce qui concerne l’indépendance générale de l’institution du médiateur, pourrait être assurée par une loi prévoyant que les institutions du médiateur soumettent une proposition de budget aux autorités gouvernementales chargées de la présentation du budget national au parlement et que cette proposition doit être reprise dans le budget national sans modification. Tout en admettant que les moyens financiers accordés au service du médiateur ne peuvent être illimités ni augmenter considérablement hors du cadre de la discipline des dépenses publiques de l’État membre concerné, il importe néanmoins que le niveau général du budget reste stable d’année en année, qu’il augmente globalement conformément aux dépenses publiques et, surtout, que les dépenses effectuées dans la limite convenue soient définies par les services du médiateur et ne soient soumises à aucun organe extérieur qui en définira les priorités. La Commission de Venise a déjà indiqué qu’en tout état de cause, «l'affectation de crédits de fonctionnement doit être suffisante pour assurer l'exercice effectif, indépendant et efficace des responsabilités et des fonctions de l'institution», sur la base d’indicateurs tels que le nombre de plaintes déposées auprès de l’institution au cours de l’année précédente 
			(43) 
			Commission
de Venise, voir note 17, paragraphe 28..
42. Le principe 21 reflète ces considérations en précisant que «des ressources budgétaires indépendantes et suffisantes doivent être garanties à l’institution du médiateur». D’autre part, «la loi doit indiquer que les fonds alloués permettent au médiateur de s’acquitter pleinement, indépendamment et effectivement de ses responsabilités et de ses fonctions». Le médiateur doit être consulté sur la préparation de son budget, et invité à présenter un projet de budget pour l’exercice budgétaire suivant. Le budget adopté pour l’institution ne doit pas être réduit pendant l’exercice budgétaire sauf si la réduction s’applique de manière générale aux institutions publiques. La dernière phrase du principe 21 ajoute que l’audit financier du budget du médiateur doit être indépendant et «ne doit tenir compte que de la légalité des procédures financières et non du choix des priorités dans l’exécution du mandat».

3.9. Compétences et attributions

43. Les médiateurs doivent avoir la capacité de contrôler les actes de l’exécutif (à l’exception des questions relatives au fonctionnement interne du gouvernement), y compris du Premier ministre ou du Président, sauf si leurs activités présentent un caractère politique ou exceptionnel, comme une déclaration de guerre. «Seules les décisions «politiques» et générales du gouvernement dans son intégralité devraient être exclues du champ de compétence du médiateur; les décisions ministérielles et gouvernementales ayant une incidence directe sur les individus devraient être soumises au contrôle du médiateur» 
			(44) 
			Commission
de Venise, voir note 36, paragraphe 20.. Le contrôle des juridictions indépendantes devrait être exclu des compétences des institutions du médiateur 
			(45) 
			Voir
Assemblée, Recommandation
1615 (2003). « [L]es médiateurs devraient tout au plus disposer
d’un pouvoir rigoureusement encadré de contrôle des tribunaux. Si
les circonstances exigeaient l’exercice d’une telle compétence,
elle devrait se limiter à un souci d’efficacité de la procédure
et de bonne administration du système judiciaire ».. Le mandat des institutions du médiateur devrait avoir une large assise, et couvrir les violations des principes de bonne administration ainsi que, lorsque cela est nécessaire et approprié, les droits de l’homme et les libertés fondamentales. En cas de mauvaise administration, «l’existence d’un recours légal ne devrait pas empêcher une personne d’introduire une plainte auprès du médiateur, mais celui-ci devrait avoir l’obligation de conseiller le plaignant sur les recours légaux» 
			(46) 
			Commission de Venise,
voir note 36, paragraphe 27.. Si les compétences des institutions du médiateur portent principalement sur l’administration publique, il n’est pas inhabituel qu’elles couvrent aussi certaines parties du secteur privé 
			(47) 
			Voir
par exemple, sur les questions de lutte contre la discrimination,
Commission de Venise, note 16, paragraphe 28., en raison de la privatisation croissante de services d’intérêt public. Les compétences du médiateur devraient englober non seulement les actes de l’exécutif, mais aussi les violations par omission 
			(48) 
			Voir Commission de
Venise, Avis sur les amendements apportés à la loi relative au défenseur
des Droits de l'Homme de l'Arménie, CDL-AD(2006)038, paragraphes
20 et 89..
44. Ces recommandations sont formulées de façon générale dans le principe 12, qui indique que le mandat du médiateur prend en compte la prévention et la correction des abus de l’administration, ainsi que la protection et la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le principe 13 ajoute que la compétence institutionnelle du médiateur s’étend à l’administration publique à tous les niveaux. Son mandat englobe tous les services d’intérêt général délivrés au public, qu’ils soient fournis par l’État, les communes, des organismes étatiques ou des entités privées. S’agissant du système judiciaire, la compétence du médiateur «est limitée à garantir l’efficacité de la procédure et le fonctionnement administratif de ce système». La troisième phrase du principe 19 ajoute que «l’introduction officielle d’une requête auprès du médiateur peut avoir un effet suspensif sur les délais de saisine d’une juridiction, en vertu de la loi».
45. Il est généralement admis que l’institution du médiateur devrait être clairement habilitée à formuler des recommandations (notamment à proposer l’adoption ou la révision d’une législation). L’administration devrait fournir, dans un délai raisonnable, des réponses complètes, décrivant la mise en œuvre des conclusions, des avis, des propositions et des recommandations ou exposant les motifs pour lesquels ils ne peuvent être mis en œuvre. Le principe 17 en est la traduction: «le médiateur doit être habilité à adresser des recommandations particulières aux organismes relevant de sa compétence» et «doit avoir le droit juridiquement exécutoire d’exiger des responsables et des autorités qu’ils répondent dans un délai raisonnable» fixé par lui.
46. En outre, pour ce qui est des violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il est admis dans de nombreux pays que les institutions du médiateur devraient avoir la capacité de saisir les juridictions constitutionnelles. La première phrase du principe 19 précise à cet égard que, «à la suite d’une enquête, le médiateur doit, de préférence, disposer du pouvoir de contester la constitutionnalité de lois et de règlements ou d’actes administratifs généraux». En outre, il «doit de préférence pouvoir intervenir devant les organismes juridictionnels et tribunaux compétents» (deuxième phrase du principe 19). L’un des traits caractéristiques du mandat des institutions du médiateur est leurs pouvoirs indépendants d’enquête, auxquels s’ajoutent le pouvoir d’accepter ou non les plaintes en fonction de leur recevabilité, le pouvoir discrétionnaire de poursuivre une enquête même lorsque le plaignant ne fait preuve d’aucun intérêt à ce sujet, ainsi que le pouvoir de se saisir de sa propre initiative de certaines questions importantes. Les médiateurs devraient avoir la faculté de demander tous les documents et informations nécessaires, de les obtenir sans retard et de s’entretenir avec les responsables des autorités administratives. En outre, lorsqu’ils sont conçus comme le mécanisme national de prévention prévu par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture, ils devraient pouvoir accéder sans restriction à tous les lieux dans lesquels des personnes sont privées de liberté par une autorité publique pour les inspecter, sans devoir au préalable en informer un quelconque service ni obtenir son consentement, en ayant la possibilité de s’entretenir en privé avec ces personnes.
47. Le principe 16 réaffirme que «le médiateur doit avoir le pouvoir discrétionnaire d’enquêter, de sa propre initiative ou à la suite d’une plainte, en tenant dûment compte des recours administratifs disponibles». Il «est habilité à demander la coopération de tout individu ou organisation susceptibles de l’assister dans ses enquêtes». Ce principe réaffirme aussi que l’institution «doit avoir un accès illimité juridiquement exécutoire à tout document, base de données et matériels pertinents, y compris ceux qui pourraient par ailleurs être juridiquement privilégiés ou confidentiels». Ce droit inclut «un accès sans entraves aux bâtiments, aux institutions et aux personnes, également à celles privées de liberté». Le second paragraphe du principe 16 ajoute que le médiateur a le pouvoir d’interroger ou de demander des explications écrites aux responsables et aux autorités, en accordant une attention et une protection particulières aux lanceurs d’alerte au sein du secteur public.
48. Les rapports annuels ou autres du médiateur au parlement sont en général considérés comme le principal canal de communication entre les deux institutions, par lequel le médiateur rend compte de son activité au parlement. Ces documents peuvent aussi servir utilement au contrôle de l’exécutif par le parlement, en permettant de déceler les domaines particuliers dans lesquels le législateur devrait intervenir 
			(49) 
			Rafael
Ribó, Joan Vintró Castells et Ignacio Aragonés Seijo, <a href='http://www.sindic.cat/site/unitFiles/3682/International framework of Ombudsman institutions_abril 2016-ok.pdf'>International
Framework of the Ombudsman Institution</a>, Síndic, première édition de mai 2014, pp. 25-26.. Le principe 20 réaffirme que le médiateur doit rendre compte au parlement des activités de son institution au moins une fois par an. Il peut, à cette occasion, «informer le parlement de l’absence de suivi par l’administration publique». Il peut également se prononcer sur des questions précises, s’il le juge opportun. Ses rapports sont publiés et doivent être dûment pris en compte par les autorités. Les recommandations formulées dans le principe 20 s’appliquent aussi aux rapports remis par les institutions du médiateur nommées par l’exécutif. Le principe 18 ajoute que, «dans le cadre du suivi de la mise en œuvre, au niveau national, des instruments internationaux ratifiés relatifs aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ainsi que de l’harmonisation de la législation nationale avec ces instruments, le médiateur est habilité à présenter en public des recommandations au parlement ou à l’exécutif». Ce faisant, il peut proposer de modifier la législation en vigueur ou d’adopter de nouveaux textes de loi.

3.10. Accessibilité

49. Toute personne physique ou morale qui fait valoir un intérêt légitime devrait pouvoir saisir l’institution du médiateur d’une plainte, y compris les ressortissants étrangers et les personnes apatrides. Les plaintes peuvent également être déposées par un tiers ou une ONG, un groupe de personnes ou d’organisations de la société civile au nom de l’intéressé, avec son consentement, voire sans ce consentement lorsque celui-ci est impossible. Il importe que les institutions du médiateur soient directement et facilement accessibles au moyen d’une procédure de requête simple et gratuite. Malgré le caractère public des décisions et recommandations des institutions du médiateur, la confidentialité de l’identité du plaignant devrait être garantie. Le principe 15 réaffirme que «toute personne physique ou morale, y compris les organisations non gouvernementales, doit avoir le droit d’accéder librement, sans entraves et gratuitement, au médiateur et celui de déposer une plainte».

4. Conclusions

50. Même si la présence d’un médiateur ne serait pas indispensable dans un pays qui respecte pleinement l’État de droit et dont la justice est indépendante, il est toujours plus aisé pour un particulier de contacter un médiateur qu’un juge. C’est pourquoi la plupart des États membres du Conseil de l’Europe, à l’exception de l’Allemagne et de l’Italie, ont à présent mis en place des institutions du médiateur, qui agissent en qualité d’intermédiaires, en protégeant les individus contre la mauvaise administration et les violations des droits de l’homme commises par les autorités du secteur public; ce faisant, elles consolident la démocratie et promeuvent l’État de droit. Comme il n’existe aucune disposition européenne sur le fonctionnement de ces institutions (les Principes de Paris ne s’appliquant qu’aux INDH), il est indispensable d’établir un ensemble de normes communes pour les institutions du médiateur, afin de prévenir l’influence excessive qu’elles subissent et de contribuer à la mise en place d’un cadre juridique satisfaisant, qui protège ces importantes institutions. C’est pourquoi je me félicite que la Commission de Venise ait adopté ses «Principes de Venise». Ce document réaffirme les grands principes relatifs au fonctionnement de l’institution du médiateur: indépendance, impartialité, neutralité, mandat solide et étendu, consacré par la Constitution ou la législation, compétences d’enquête, de recommandation et de rapport sans restriction; financement adéquat; accessibilité publique; efficacité opérationnelle; obligation de rendre des comptes. Il comporte quelques normes minimales visant à protéger et à promouvoir l’institution du médiateur et à accroître son efficacité, à aider les parlements et gouvernements à consolider ces institutions et à reconnaître leur rôle dans le renforcement de la démocratie, l’État de droit, la bonne gouvernance, ainsi que la protection et la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ces principes donnent aux États des éléments d’orientation sur la manière de définir un cadre juridique convenable à leurs institutions du médiateur, et peuvent aussi aider les médiateurs à résister aux ingérences excessives dans leur mission. C’est pourquoi il importe que l’Assemblée les approuve, comme elle avait approuvé dans sa Résolution 2187 (2017) 
			(50) 
			Adoptée
le 11 octobre 2017, voir Commission de Venise, Liste des critères
de l’État de droit, rapport de Philippe Mahoux, Commission des questions
juridiques et des droits de l’homme, Doc. 14387 du 17 juillet 2017. la Liste de critères de l’État de droit de 2016 de la Commission de Venise.
51. Il ne faut pas oublier que le médiateur, que son mandat amène à examiner des affaires de mauvaise administration, voire à protéger et à promouvoir les droits de l’homme, est en un sens un défenseur des droits de l’homme. C’est la raison pour laquelle diverses menaces directes ou indirectes pèsent parfois sur lui dans certains pays, comme nous l’avons indiqué plus haut. L’adoption des Principes de Venise par la Commission de Venise, un organe spécialisé composé d’experts de 62 pays, montre donc qu’il est de plus en plus largement admis que le rôle de l’institution doit être globalement reconnu comme une garantie du respect de l’État de droit, des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le principe 25 des Principes de Venise, en particulier, invite les États membres à prendre toutes les mesures nécessaires afin de créer des conditions propices au renforcement et au développement des institutions du médiateur et à la mise en œuvre des Principes de Venise. Au vu de cette recommandation, je recommanderais également que le Conseil de l’Europe établisse un mécanisme de suivi de la façon dont les Principes de Venise ont été ou sont mis en œuvre dans les États membres du Conseil de l’Europe. Cela pourrait certainement conduire à la constitution d’une ample liste de bonnes pratiques et contribuer à déceler les lacunes des législations nationales relatives aux institutions du médiateur. Le Conseil de l’Europe, dont un certain nombre d’organes et d’instances coopèrent régulièrement avec les institutions nationales du médiateur, serait bien placé pour assurer ce suivi des Principes de Venise.