Imprimer
Autres documents liés
Résolution 2307 (2019)
Un statut juridique pour les «réfugiés climatiques»
1. L’Assemblée parlementaire, rappelant
sa Résolution 1655 (2009) et
sa Recommandation 1862
(2009) «Migrations et déplacements induits par les facteurs
environnementaux: un défi pour le XXIe siècle»,
et la réponse du Comité des Ministres (Doc. 11999), note que les facteurs
environnementaux, dont le changement climatique, continuent d’avoir
des conséquences dramatiques sur les personnes risquant de se voir
privées de leurs moyens de subsistance en raison de catastrophes
naturelles ou causées par l'homme, qui les forcent à migrer.
2. L’Assemblée se félicite de la déclaration faite par la Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe le 5 juin 2019, lors
de la Journée mondiale de l’environnement, intitulée «Vivre dans
un environnement sain, un droit négligé qui nous concerne tous»,
qui vient à point nommé et fait référence aux 16 Principes-cadres
relatifs aux droits de l’homme et à l’environnement présentés en
2018 par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits
de l’homme et l’environnement, qui énonce que «les catastrophes naturelles
et autres types de dommages environnementaux provoquent souvent
des déplacements internes et des migrations transfrontalières, qui
risquent d’accroître la vulnérabilité des populations concernées
et de donner lieu à d’autres violations des droits de l’homme» (principe
14.41.h).
3. L’Assemblée considère que l’absence de définition juridiquement
contraignante des «réfugiés climatiques» n’empêche pas l’élaboration
de politiques spécifiques visant à protéger les personnes obligées de
se déplacer en raison du changement climatique. La mobilité humaine
et les déplacements induits par la dégradation climatique appellent
une meilleure réponse. Les États membres du Conseil de l'Europe
devraient par conséquent adopter une approche plus proactive de
la protection des victimes de catastrophes naturelles et causées
par l’homme, et améliorer les mécanismes de préparation aux catastrophes,
tant en Europe que dans d’autres régions du monde.
4. Au vu de ce qui précède, les États membres devraient reconnaître
que, pour les êtres humains, la migration est un outil pour améliorer
la résilience et une forme légitime d’adaptation au changement climatique, et
ainsi revoir leur gestion des migrations en tenant compte de ce
facteur. Les migrations étant inévitables dans certains cas, les
États doivent agir en amont du problème pour mieux appréhender et
anticiper les effets potentiels sur les mouvements de population
qui peuvent être entraînés par le changement climatique.
5. Par conséquent, l’Assemblée appelle à prendre les mesures
spécifiques suivantes aux niveaux local, national et international:
5.1. Pour élever le seuil de résilience
des communautés locales:
5.1.1. le seuil de résilience des
communautés locales doit être renforcé, conformément à l’objectif
11 des Objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD).
Plus précisément, d’ici à 2030, le nombre de victimes de catastrophes
– y compris celles qui sont liées à l’eau – doit être nettement
réduit, au même titre que la part du produit intérieur brut mondial représentée
par les pertes économiques directement imputables à ces catastrophes,
l’accent devant être mis sur la protection des pauvres et des personnes
en situation vulnérable;
5.1.2. d’ici à 2020, le nombre de villes et d’établissements
humains qui adoptent et mettent en œuvre des politiques et des plans
d’action intégrés en faveur de l’insertion de tous, de l’utilisation rationnelle
des ressources, de l’adaptation aux effets des changements climatiques
et de leur atténuation doit être considérablement accru pour améliorer
la résilience face aux catastrophes, et une «gestion holistique
des risques de catastrophe à tous les niveaux» élaborée, conformément
au Cadre d'action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe
(2015-2030);
5.1.3. des mesures doivent être prises afin d’améliorer la préparation
aux catastrophes au niveau local en ciblant spécialement les populations
vulnérables, comme les enfants et les personnes handicapées, qui
doivent être activement associées aux phases de planification, de définition
et de mise en œuvre de la gestion des catastrophes. Les personnes
chargées de la gestion des catastrophes (comme les experts spécialisés
dans ce domaine) doivent être dûment formées et éduquées à cet effet;
5.2. Pour améliorer la capacité de réaction et de gestion des
catastrophes au niveau national:
5.2.1. les stratégies de
préparation aux catastrophes devraient comporter des mesures de protection
des personnes frappées par les catastrophes provoquées par le changement climatique
et contraintes à se déplacer. La mobilité des êtres humains doit
être rationalisée à tous les niveaux. Des plans d’action spécifiques
pour mettre en œuvre le Cadre de Sendai pour la réduction des risques
de catastrophe (2015-2030) et le Programme de développement durable à
l'horizon 2030 devraient être instaurés au plus vite, et les recommandations
formulées par la Plate-forme mondiale pour la réduction des risques
de catastrophe (13 au 17 mai 2019) appliquées, en mettant un accent
particulier sur la protection des groupes vulnérables (migrants, demandeurs
d'asile, réfugiés, personnes handicapées, enfants);
5.2.2. la réduction des risques de catastrophe devrait être intégrée
dans les politiques de développement et d’aménagement durables,
conformément aux plans d'action convenus à l'échelle internationale,
tels que le Cadre d'action de Hyogo 2005-2015;
5.2.3. les institutions, les mécanismes et les capacités pour
construire la résilience face aux catastrophes et pour incorporer
des approches de réduction des risques dans la mise en œuvre des
programmes de préparation aux situations d’urgence, de secours et
de reconstruction devraient être renforcés, notamment en faisant
de la réduction des risques de catastrophe une priorité, en améliorant
l’information sur les risques et les systèmes d’alerte rapides,
en développant une culture de la sécurité et de la résilience, en
réduisant les risques dans les secteurs clés, et en renforçant la
préparation en vue d’une intervention efficace;
5.2.4. les seuils et ce qui déclenche les déplacements devraient
faire l'objet de plus amples recherches, tout en reconnaissant les
multiples causes de déplacements qui traduisent une interaction
entre le changement climatique et les conflits/actes de violence;
5.3. Pour améliorer la coordination, la médiation et le financement:
5.3.1. l’évolution du droit international relatif aux droits
de l’homme devrait être prise en compte en vue de renforcer la protection
globale des personnes contraintes d’émigrer à la suite de catastrophes
environnementales ou de changements liés au climat. En particulier,
la mise en œuvre de mécanismes tels que la Convention de 2009 de
l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes
déplacées en Afrique (Convention de Kampala) devrait être encouragée
par des programmes européens de coopération au développement;
5.3.2. l'obligation de protéger les personnes déplacées à l'intérieur
du pays (PDI) pour des raisons environnementales doit être considérée
comme le premier niveau de protection juridique dans la législation
de chaque État membre. L'accueil des victimes de catastrophes naturelles
sur le territoire des États membres devrait être prévu en droit
interne, notamment avec l’octroi d’un permis de séjour temporaire;
5.3.3. la création d’un fonds international de solidarité pour
assurer la protection des personnes contraintes d’émigrer à la suite
de catastrophes climatiques devrait être étudiée. Par ailleurs,
la coopération avec la Banque de développement du Conseil de l'Europe
(CEB) pourrait être envisagée, conformément à la Déclaration sur
les Principes européens pour l’environnement signée par la CEB le
30 mai 2006 ainsi que par la Commission européenne et plusieurs
autres institutions financières internationales (la Banque européenne
d’investissement, la Banque européenne pour la reconstruction et
le développement, la Nordic Environment Finance Corporation, la
Banque nordique d’investissement), dans un effort commun de mise
en œuvre du droit fondamental des générations présentes et futures
de vivre dans un environnement sain;
5.3.4. des stratégies de préparation aux catastrophes et de réduction
des risques devraient être mises en œuvre, pour renforcer ainsi
la résilience et les capacités d’adaptation face aux aléas climatiques
et aux catastrophes naturelles liées au climat; des mesures relatives
aux changements climatiques devraient être incorporées dans les
politiques et la planification nationales, et les progrès devraient
faire l’objet d’un suivi régulier;
5.3.5. l’éducation, la sensibilisation et les capacités individuelles
et institutionnelles en ce qui concerne l’adaptation aux changements
climatiques, l’atténuation de leurs effets et la réduction de leur
impact, ainsi que les systèmes d’alerte rapide devraient être améliorés,
en mettant l’accent sur les femmes, les jeunes, les populations
locales et les groupes marginalisés;
5.3.6. l’engagement pris par les pays développés parties à la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
de mobiliser ensemble auprès de multiples sources 100 milliards
de dollars par an d’ici à 2020 devrait être honoré et le Fonds vert
pour le climat devrait être rendu pleinement opérationnel;
5.3.7. des recherches et une coopération interdisciplinaires
approfondies entre les centres d’étude sur l’environnement, les
migrations, le climat et la démographie devraient être menées de
manière à produire des données prévisionnelles fiables sur les migrations
induites par les facteurs environnementaux;
5.4. Pour élaborer, dans les régimes d’asile des États membres
et en droit international, une protection des personnes qui fuient
les changements climatiques persistants dans leur pays d’origine. Les
États membres industrialisés du Conseil de l’Europe ont une responsabilité
particulière vis-à-vis de ces pays, surtout vis-à-vis des pays du
Sud de la planète qui sont touchés par un changement climatique généré
par l’homme; ces États membres devraient par conséquent offrir aux
réfugiés climatiques un vaste asile en adéquation avec cette situation.