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Résolution 2307 (2019)

Un statut juridique pour les «réfugiés climatiques»

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 3 octobre 2019 (34e séance) (voir Doc. 14955, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteure: Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas). Texte adopté par l’Assemblée le 3 octobre 2019 (34e séance).

1. L’Assemblée parlementaire, rappelant sa Résolution 1655 (2009) et sa Recommandation 1862 (2009) «Migrations et déplacements induits par les facteurs environnementaux: un défi pour le XXIe siècle», et la réponse du Comité des Ministres (Doc. 11999), note que les facteurs environnementaux, dont le changement climatique, continuent d’avoir des conséquences dramatiques sur les personnes risquant de se voir privées de leurs moyens de subsistance en raison de catastrophes naturelles ou causées par l'homme, qui les forcent à migrer.
2. L’Assemblée se félicite de la déclaration faite par la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe le 5 juin 2019, lors de la Journée mondiale de l’environnement, intitulée «Vivre dans un environnement sain, un droit négligé qui nous concerne tous», qui vient à point nommé et fait référence aux 16 Principes-cadres relatifs aux droits de l’homme et à l’environnement présentés en 2018 par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et l’environnement, qui énonce que «les catastrophes naturelles et autres types de dommages environnementaux provoquent souvent des déplacements internes et des migrations transfrontalières, qui risquent d’accroître la vulnérabilité des populations concernées et de donner lieu à d’autres violations des droits de l’homme» (principe 14.41.h).
3. L’Assemblée considère que l’absence de définition juridiquement contraignante des «réfugiés climatiques» n’empêche pas l’élaboration de politiques spécifiques visant à protéger les personnes obligées de se déplacer en raison du changement climatique. La mobilité humaine et les déplacements induits par la dégradation climatique appellent une meilleure réponse. Les États membres du Conseil de l'Europe devraient par conséquent adopter une approche plus proactive de la protection des victimes de catastrophes naturelles et causées par l’homme, et améliorer les mécanismes de préparation aux catastrophes, tant en Europe que dans d’autres régions du monde.
4. Au vu de ce qui précède, les États membres devraient reconnaître que, pour les êtres humains, la migration est un outil pour améliorer la résilience et une forme légitime d’adaptation au changement climatique, et ainsi revoir leur gestion des migrations en tenant compte de ce facteur. Les migrations étant inévitables dans certains cas, les États doivent agir en amont du problème pour mieux appréhender et anticiper les effets potentiels sur les mouvements de population qui peuvent être entraînés par le changement climatique.
5. Par conséquent, l’Assemblée appelle à prendre les mesures spécifiques suivantes aux niveaux local, national et international:
5.1. Pour élever le seuil de résilience des communautés locales:
5.1.1. le seuil de résilience des communautés locales doit être renforcé, conformément à l’objectif 11 des Objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD). Plus précisément, d’ici à 2030, le nombre de victimes de catastrophes – y compris celles qui sont liées à l’eau – doit être nettement réduit, au même titre que la part du produit intérieur brut mondial représentée par les pertes économiques directement imputables à ces catastrophes, l’accent devant être mis sur la protection des pauvres et des personnes en situation vulnérable;
5.1.2. d’ici à 2020, le nombre de villes et d’établissements humains qui adoptent et mettent en œuvre des politiques et des plans d’action intégrés en faveur de l’insertion de tous, de l’utilisation rationnelle des ressources, de l’adaptation aux effets des changements climatiques et de leur atténuation doit être considérablement accru pour améliorer la résilience face aux catastrophes, et une «gestion holistique des risques de catastrophe à tous les niveaux» élaborée, conformément au Cadre d'action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030);
5.1.3. des mesures doivent être prises afin d’améliorer la préparation aux catastrophes au niveau local en ciblant spécialement les populations vulnérables, comme les enfants et les personnes handicapées, qui doivent être activement associées aux phases de planification, de définition et de mise en œuvre de la gestion des catastrophes. Les personnes chargées de la gestion des catastrophes (comme les experts spécialisés dans ce domaine) doivent être dûment formées et éduquées à cet effet;
5.2. Pour améliorer la capacité de réaction et de gestion des catastrophes au niveau national:
5.2.1. les stratégies de préparation aux catastrophes devraient comporter des mesures de protection des personnes frappées par les catastrophes provoquées par le changement climatique et contraintes à se déplacer. La mobilité des êtres humains doit être rationalisée à tous les niveaux. Des plans d’action spécifiques pour mettre en œuvre le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030) et le Programme de développement durable à l'horizon 2030 devraient être instaurés au plus vite, et les recommandations formulées par la Plate-forme mondiale pour la réduction des risques de catastrophe (13 au 17 mai 2019) appliquées, en mettant un accent particulier sur la protection des groupes vulnérables (migrants, demandeurs d'asile, réfugiés, personnes handicapées, enfants);
5.2.2. la réduction des risques de catastrophe devrait être intégrée dans les politiques de développement et d’aménagement durables, conformément aux plans d'action convenus à l'échelle internationale, tels que le Cadre d'action de Hyogo 2005-2015;
5.2.3. les institutions, les mécanismes et les capacités pour construire la résilience face aux catastrophes et pour incorporer des approches de réduction des risques dans la mise en œuvre des programmes de préparation aux situations d’urgence, de secours et de reconstruction devraient être renforcés, notamment en faisant de la réduction des risques de catastrophe une priorité, en améliorant l’information sur les risques et les systèmes d’alerte rapides, en développant une culture de la sécurité et de la résilience, en réduisant les risques dans les secteurs clés, et en renforçant la préparation en vue d’une intervention efficace;
5.2.4. les seuils et ce qui déclenche les déplacements devraient faire l'objet de plus amples recherches, tout en reconnaissant les multiples causes de déplacements qui traduisent une interaction entre le changement climatique et les conflits/actes de violence;
5.3. Pour améliorer la coordination, la médiation et le financement:
5.3.1. l’évolution du droit international relatif aux droits de l’homme devrait être prise en compte en vue de renforcer la protection globale des personnes contraintes d’émigrer à la suite de catastrophes environnementales ou de changements liés au climat. En particulier, la mise en œuvre de mécanismes tels que la Convention de 2009 de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala) devrait être encouragée par des programmes européens de coopération au développement;
5.3.2. l'obligation de protéger les personnes déplacées à l'intérieur du pays (PDI) pour des raisons environnementales doit être considérée comme le premier niveau de protection juridique dans la législation de chaque État membre. L'accueil des victimes de catastrophes naturelles sur le territoire des États membres devrait être prévu en droit interne, notamment avec l’octroi d’un permis de séjour temporaire;
5.3.3. la création d’un fonds international de solidarité pour assurer la protection des personnes contraintes d’émigrer à la suite de catastrophes climatiques devrait être étudiée. Par ailleurs, la coopération avec la Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB) pourrait être envisagée, conformément à la Déclaration sur les Principes européens pour l’environnement signée par la CEB le 30 mai 2006 ainsi que par la Commission européenne et plusieurs autres institutions financières internationales (la Banque européenne d’investissement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la Nordic Environment Finance Corporation, la Banque nordique d’investissement), dans un effort commun de mise en œuvre du droit fondamental des générations présentes et futures de vivre dans un environnement sain;
5.3.4. des stratégies de préparation aux catastrophes et de réduction des risques devraient être mises en œuvre, pour renforcer ainsi la résilience et les capacités d’adaptation face aux aléas climatiques et aux catastrophes naturelles liées au climat; des mesures relatives aux changements climatiques devraient être incorporées dans les politiques et la planification nationales, et les progrès devraient faire l’objet d’un suivi régulier;
5.3.5. l’éducation, la sensibilisation et les capacités individuelles et institutionnelles en ce qui concerne l’adaptation aux changements climatiques, l’atténuation de leurs effets et la réduction de leur impact, ainsi que les systèmes d’alerte rapide devraient être améliorés, en mettant l’accent sur les femmes, les jeunes, les populations locales et les groupes marginalisés;
5.3.6. l’engagement pris par les pays développés parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de mobiliser ensemble auprès de multiples sources 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 devrait être honoré et le Fonds vert pour le climat devrait être rendu pleinement opérationnel;
5.3.7. des recherches et une coopération interdisciplinaires approfondies entre les centres d’étude sur l’environnement, les migrations, le climat et la démographie devraient être menées de manière à produire des données prévisionnelles fiables sur les migrations induites par les facteurs environnementaux;
5.4. Pour élaborer, dans les régimes d’asile des États membres et en droit international, une protection des personnes qui fuient les changements climatiques persistants dans leur pays d’origine. Les États membres industrialisés du Conseil de l’Europe ont une responsabilité particulière vis-à-vis de ces pays, surtout vis-à-vis des pays du Sud de la planète qui sont touchés par un changement climatique généré par l’homme; ces États membres devraient par conséquent offrir aux réfugiés climatiques un vaste asile en adéquation avec cette situation.