1. Introduction
1.1. Procédure
1. Le 8 octobre 2018, une proposition
de résolution «Politique en matière de drogues et droits de l’homme en
Europe: une étude de référence» (
Doc. 14587) a été renvoyée à la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme (la commission) pour rapport, et à la commission
des questions sociales, de la santé et du développement durable
(commission des questions sociales) pour avis. La commission m’a
nommée rapporteure lors de sa réunion organisée à Paris le 13 décembre
2018.
2. La commission a procédé le 4 mars 2019 à l’audition de M. Damon
Barrett, directeur du Centre international sur les droits de l’homme
et les politiques en matière de drogues (Université d’Essex, Royaume-Uni),
conférencier de la Section d’épidémiologie et de médecine sociale
(Université de Göteborg, Suède) et expert du Groupe de Co-opération
en matière de lutte contre l’abus et le trafic illicite de stupéfiants
du Conseil de l’Europe (Groupe Pompidou), de Mme Naomi
Burke-Shyne, directrice exécutive de Harm Reduction International
(Londres) et de M. Zaved Mahmood, conseiller en droits de l’homme
et en politiques en matière de drogues, Haut-Commissariat des Nations
Unies aux droits de l’homme (HCDH, Genève, Suisse).
3. J’ai effectué une visite d’information dans une salle de consommation
de drogue à moindre risque à Strasbourg, le 28 juin 2019, et j’ai
présenté aux membres de la commission une vidéo d’entretiens avec
des utilisateurs de l’établissement. Je tiens à remercier ici le
personnel et la municipalité de Strasbourg de leur précieuse coopération.
J’ai aussi mené des visites d’information dans ma circonscription
parlementaire et ses environs auprès des autorités locales, de professionnels,
d’organisations locales, d’organisations caritatives et de consommateurs
de drogues. J’ai envoyé un questionnaire aux parlements nationaux
pour étudier les politiques adoptées en Europe en la matière et
je remercie les 27 États membres participants et Israël (État observateur)
de leurs informations utiles.

4. Je remercie tous les experts, en particulier le secrétariat
du Groupe Pompidou et Amnesty International, de leur généreux appui
dans la préparation du présent rapport

.
1.2. Enjeux
5. Les enjeux actuellement associés
aux problèmes de société liés aux substances psychoactives (ci-après
«les drogues») relèvent d’une action politique complexe et multidimensionnelle,
menée y compris au moyen de la législation, de la réglementation,
de stratégies et de priorités de financement. Au fil des ans, les pays
d’Europe et d’autres régions du monde ont dû faire face à l’évolution
des modes de consommation des drogues, de même qu’à celle des préjudices
et de la criminalité qui y sont associés. Ces tendances peuvent être
étroitement liées aux effets des guerres, des conflits, du terrorisme,
de la traite des êtres humains, de l’instabilité économique et financière
et de l’usage abusif et pénalement répréhensible des nouvelles technologies
de l’information et de la communication (des réseaux cryptés, par
exemple) que subissent les pays. D’après le
Rapport
européen sur les drogues de 2019 de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies
(EMCDDA), les drogues sont aujourd’hui largement disponibles et,
dans certaines régions, leur disponibilité est même en augmentation.
La polyconsommation est courante et les pratiques individuelles
vont de l’expérimentation à l’usage régulier et compulsif. D’après
le
Rapport mondial
sur les drogues de 2019 des Nations Unies (WDR), environ 271 millions de personnes
dans le monde, soit près de 5,5 % de la population mondiale âgée
de 15 à 64 ans, ont consommé des drogues en 2017.
6. Ce «problème de la drogue» entraîne de graves préjudices et
des risques importants pour la santé et la sécurité des personnes
concernées et pour la société en général. La vulnérabilité personnelle
et le contexte social dans lequel les drogues sont consommées viennent
souvent aggraver la situation. Le Rapport
WDR de 2019 précise que quelque 35 millions de personnes
souffrent de troubles liés à l’usage de drogues et nécessitent un
traitement. Plus de 11 millions de personnes consomment des drogues
injectables. Un huitième environ d’entre elles sont infectées par
le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), et 5,6 millions par
le virus de l’hépatite C. Plus d’un demi-million de personnes sont
mortes du fait de la consommation de drogues dans le monde en 2017.
Plus de la moitié de ces décès étaient dus à une hépatite C non
traitée. En Europe, la santé d’une catégorie vieillissante de consommateurs
d’opioïdes reste inquiétante, et un nombre croissant de consommateurs
de cocaïne se font traiter, le plus souvent pour des problèmes de
polyconsommation.
7. Jusqu’à récemment, il était entendu au niveau mondial que
la meilleure façon de régler les problèmes liés aux drogues était
de se concentrer sur la réduction et – à terme – l’élimination de
la production, de l’offre et de l’usage illicites de stupéfiants
et de substances psychoactives. La commission des questions sociales
notait
en 2015 que «les efforts de lutte contre la drogue […] axés
sur la répression sont responsables de violations des droits humains
de grande ampleur, et notamment d’atteintes aux droits à la santé
et de conséquences désastreuses en termes de santé publique»

.
La répression peut par exemple se traduire par la vente de drogues
contaminées et plus toxiques de qualité inconnue, et par le recours
à des méthodes plus risquées de consommation. L’histoire révèle
qu’il n’y a jamais eu de société sans substances psychoactives, ce
qui pose la question de savoir si un monde sans drogue est un objectif
réaliste. De nombreux éléments tendent à prouver que les politiques
purement répressives ont également pour conséquence la mort, la violence,
les mauvais traitements, la discrimination, la stigmatisation, la
marginalisation, des peines disproportionnées et la surpopulation
carcérale.

8. Le principe de subsidiarité qui transparaît dans les instruments
internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont la Convention
européenne des droits de l’homme (la Convention), laisse aux États
membres du Conseil de l’Europe une grande marge d’appréciation pour
l’élaboration des politiques en matière de drogues – et il existe
de toute évidence un large éventail de réponses possibles en fonction
des contextes culturels et économiques nationaux. L’évolution récente
des politiques en matière de drogues met de plus en plus l’accent sur
une approche globale, intégrée, équilibrée et scientifiquement éprouvée,
qui recoupe étroitement les responsabilités des États en matière
socio-économique, de santé publique, de droits de l’homme, de développement
durable et de dépénalisation.
1.3. Les
objectifs du rapport
9. Le présent rapport décrit,
à l’aide d’exemples concrets, comment les normes relatives aux droits
de l’homme devraient faire partie intégrante de l’élaboration des
politiques en matière de drogues dans les États membres. S’il n’est
pas évident de mesurer le succès et la cohérence des politiques
en matière de drogues, ce rapport préconise l’adoption de dispositifs
d’évaluation et d’indicateurs adaptés à une compréhension nouvelle
des drogues et des risques qui y sont associés. Ces indicateurs
devront fournir des orientations détaillées aux États membres qui
relèvent le défi d’étudier l’impact de leurs politiques en matière
de drogues sur les individus et la société.
2. Un mouvement mondial pour intégrer
les droits de l’homme dans les politiques en matière de drogues
2.1. Les
priorités évolutives du régime international relatif au contrôle
des drogues
10. Actuellement, le cadre juridique
international applicable au contrôle des drogues comprend trois
Conventions
des Nations Unies: la Convention unique sur les stupéfiants (1961, telle
que modifiée par le Protocole de 1972), la Convention sur les substances
psychotropes (1971) et la Convention des Nations Unies contre le
trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (1988).
Ce cadre juridique de la «guerre mondiale contre les drogues» laisse
en théorie aux États parties une «marge de manœuvre suffisante pour concevoir
et appliquer des politiques nationales en matière de drogues répondant
à leurs priorités et besoins, conformément au principe de responsabilité
commune et partagée et au droit international applicable»

. Pour autant,
ces instruments juridiques sont de plus en plus critiqués par les
institutions et les experts de haut niveau, car ils proposent une
approche rigide, dépassée et contre-productive, qui ne tient pas
compte des réalités de l’usage des drogues et de la dépendance

.
11. En 2009, les États membres des Nations Unies ont réaffirmé
leur «engagement à faire en sorte que tous les aspects de la réduction
de la demande, de la réduction de l’offre et de la coopération internationale
soient traités en [totale conformité] avec tous les droits de l’homme»

. Cependant, comme l’a souligné
le
Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la santé en
2015, «ce langage est le bienvenu, mais il n’a de sens que s’il
est étayé par des normes et des principes clairs et explicites en
matière de droits de l’homme»; «cette promesse ne représente qu’un
engagement fondé sur le consensus répété dans différents forums,
mais qui est encore loin d’être réalisé». Le document final de la
session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies
sur le problème mondial de la drogue tenue en avril 2016 (UNGASS
2016) a confirmé l’engagement de 2009 et émis des recommandations
opérationnelles. En mars 2019, les ministres réunis au sein de la
Commission des stupéfiants (CND) ont renouvelé leur engagement envers
le document final de l’UNGASS 2016

. La Rapporteure
spéciale des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires,
sommaires ou arbitraires a
observé un an plus tard que les gouvernements avaient «reconnu
explicitement l’inefficacité de la “guerre contre la drogue” – qu’elle
soit menée au niveau communautaire, national ou mondial. En outre, de
nombreux dommages associés aux drogues ne sont pas causés par les
stupéfiants, mais par les effets négatifs des […] politiques mal
pensées et mal conçues en matière de drogues [qui] non seulement
ne s’attaquent pas à la dépendance, à la criminalité associée aux
drogues et au trafic de stupéfiants, mais […] démultiplient, intensifient
ou aggravent les problèmes».
2.2. Le
rôle prépondérant de l’Europe dans l’intégration des droits de l’homme
dans les politiques en matière de drogues
12. Depuis la publication de son
rapport
“Pour
une Convention européenne sur la promotion des politiques de santé
publique dans la lutte contre la drogue” en 2007, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (l’Assemblée)
a appelé plusieurs fois à délaisser les modèles punitifs pour privilégier
des politiques axées sur la santé publique, y compris des politiques
de prévention, d’éducation, de traitement, de réadaptation, de réinsertion
sociale et de réduction des risques. La commission des questions
sociales a aussi souligné que les résultats bénéfiques de ces mesures
déjà mises en œuvre dans certains États membres «avaient été ressentis par
l’ensemble de la société et s’étaient manifestés par un recul de
la délinquance, une réduction des coûts pour le système de santé
et la justice, une diminution des risques de transmission du VIH
et d’autres virus véhiculés par voie sanguine et, au final, une
baisse de la consommation de drogues»

.
13. Les États membres reconnaissent de plus en plus qu’il leur
incombe de veiller à ce que leurs politiques en matière de drogues
respectent le droit international relatif aux droits de l’homme

–
y compris la Convention selon l’interprétation retenue par la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour) et la Charte
sociale européenne, qui lie également la plupart d’entre eux – et
les autres normes pertinentes des organes du Conseil de l’Europe.
14. Le Groupe Pompidou du Conseil de l’Europe joue un rôle crucial
de plate-forme de coopération entre les États membres sur les questions
de drogues. En novembre 2018, la «
Déclaration
de Stavanger» de sa Conférence ministérielle a réaffirmé l’importance
des «droits de l’homme en tant que pierre angulaire de la politique
en matière de drogues, conformément à la mission principale du Conseil
de l’Europe». Considérant le document final de l’UNGASS 2016 comme
une «étape importante», les ministres ont envisagé la possibilité de
modifier le titre officiel du Groupe Pompidou «afin de mieux refléter
les évolutions récentes et les enjeux des politiques en matière
de drogues, et d’engager ensuite une réflexion plus large sur la
mission du Groupe, son fonctionnement et ses méthodes de travail».
En janvier 2019, le Comité des Ministres a pris note de cette décision,
qui pourrait se concrétiser par l’adoption d’une résolution statutaire
en 2021, à l’occasion du 50e anniversaire
du Groupe Pompidou

.
3. Une
approche des politiques en matière de drogues fondée sur les droits
de l’homme
3.1. Définir
une approche des politiques en matière de drogues fondée sur les
droits de l’homme
16. Il n’y a guère de consensus
sur la signification d’une «approche fondée sur les droits de l’homme»
de la conception, de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation
des politiques en matière de drogues. L’absence d’accord en la matière
complique manifestement les initiatives prises par les États en
vue de mettre en œuvre des politiques efficaces et harmonisées.
Moins de la moitié de ceux qui ont répondu au questionnaire mentionnent
explicitement les droits de l’homme comme un principe de base de
leur stratégie en matière de drogues. On observe toutefois des progrès.
17. Les États membres adoptent progressivement une approche plus
équilibrée entre les actions visant à libérer les consommateurs
de drogues de leurs dépendances et de leur marginalisation, et la
lutte contre le trafic et autres activités criminelles connexes.
Ce passage s’accompagne d’habitude du transfert de la compétence
générale de la coordination de la politique en matière de drogues
du ministère de l’Intérieur au ministère de la Santé (comme en Allemagne,
en Croatie, en Géorgie, en Lettonie, au Monténégro, en Norvège, aux
Pays-Bas, en Pologne, au Portugal et en Slovénie).
18. Le Groupe Pompidou a énuméré en 2017, dans une
déclaration, plusieurs engagements que devaient contracter les États
membres soucieux de prendre pleinement en compte les droits de l’homme.
Au niveau de l’Union Européenne, l’EMCDDA a aussi élaboré
des
lignes directrices sur les réponses sanitaires et sociales aux problèmes
de drogue et mis en place un
portail
en ligne des meilleures pratiques. En mars 2019, un ensemble de
Lignes directrices
internationales sur les droits de l’homme et la politique en matière
de drogues a été présenté à l’issue d’un processus multipartite
mondial de deux ans auquel ont participé les gouvernements, la société
civile, le monde universitaire et les organismes des Nations Unies.
Ces orientations analysent les normes relatives aux droits de l’homme
et les appliquent aux politiques en matière de drogues. Elles décrivent
les obligations qui découlent ou devraient découler des normes relatives
aux droits de l’homme, telles que le droit de jouir du meilleur
état de santé possible, le droit à la vie, le droit à un procès
équitable, le droit au respect de la vie privée et le droit de vivre
à l’abri de la torture, des peines ou traitements inhumains et dégradants
ou des arrestations et détentions arbitraires.
19. Certains de ces droits et libertés sont associés à la Convention,
qui lie les États membres. Toutefois, la Cour, qui contrôle l’application
de la Convention, ne fournit pas de directives détaillées pour les
politiques nationales en matière de drogues. Pour ce qui est de
certains droits (non absolus), la Cour laisse une grande marge d’appréciation
aux États membres. Néanmoins, l’interprétation qu’elle donne de
la Convention peut fournir des points de repère utiles dans l’examen
des politiques en matière de drogues du point de vue des droits
de l’homme. En général, les États membres s’efforcent de ménager
un juste équilibre entre l’intérêt général de la collectivité et
la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu

. L’ingérence des
États dans certains droits (non absolus) est possible dans les cas
où, par exemple, il est indispensable de protéger les enfants ou
de préserver la santé publique et la sécurité. Il leur incombe alors
de démontrer que ces mesures sont nécessaires pour atteindre le
but poursuivi et qu’il n’existe pas de moyens moins restrictifs
pour atteindre le même objectif.
20. Il existe plusieurs moyens par lesquels le Conseil de l’Europe,
ses organes et ses instances peuvent contribuer à l’élaboration
de normes pour harmoniser les politiques en matière de drogues.
Comme indiqué plus haut, l’Assemblée a préconisé en 2007 que le
Conseil de l’Europe adopte une convention européenne sur la promotion
des politiques de santé publique dans le contrôle des drogues. Le
Groupe Pompidou a également
appelé à obtenir des «orientations concrètes de la part des
organes habilités à interpréter le droit international relatif aux
droits de l’homme, notamment la Cour». L’Assemblée devrait inviter
les États membres et le Comité des Ministres à poursuivre leurs
travaux dans ce domaine et à adopter des lignes directrices concrètes, complètes
et faisant autorité sur les droits de l’homme et les politiques
en matière de drogues. Ces travaux devraient garantir l’authentique
participation de toutes les parties prenantes à toutes les étapes
du processus. Ces parties prenantes sont les États membres, les
autorités locales et régionales (éventuellement avec la participation
du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe),
les institutions régionales et internationales concernées, la société
civile, et en particulier les consommateurs de drogues.
3.2. Évaluer
les effets des politiques en matière de drogues sur les droits de
l’homme et y remédier
21. Outre leurs obligations juridiques
existantes, les États doivent évaluer les effets attendus et involontaires des
mesures politiques envisagées en matière de drogues, en tenant compte
de leurs effets potentiels sur l’exercice des droits de l’homme.
Par exemple, la Charte sociale européenne exige que les politiques respectent
le droit de bénéficier de mesures permettant aux individus de jouir
du meilleur état de santé possible. Il peut être judicieux d’utiliser
le test dit «DAAQ» pour déterminer si les services de santé sont «Disponibles,
Accessibles, Acceptables et de Qualité suffisante» pour toutes les
personnes présentant des troubles liés aux drogues ou une addiction.
Les prestations de soins de santé en deçà des normes dans les prisons
méritent une attention particulière. Conformément au principe d’équivalence
applicable de façon générale aux soins de santé dispensés dans les
prisons, les détenus qui souffrent d’addictions ou de troubles liés
aux drogues doivent recevoir les mêmes soins que la population en
milieu libre

.
22. En procédant à cette évaluation soigneuse fondée sur les droits
de l’homme, les États pourront adapter régulièrement leurs politiques
en matière de drogues à l’évolution actuelle et aux données les
plus précises, fiables et objectives sur les coûts, les incidences
et les effets discriminatoires des politiques en matière de drogues.
Des dispositifs doivent être mis en place pour garantir l’existence
de voies de recours appropriées lorsque les textes législatifs,
les politiques et les pratiques en matière de drogues sont incompatibles
avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme.
23. Le renforcement des capacités des décideurs et la participation
des communautés touchées (c’est-à-dire les consommateurs de drogues,
leurs familles et plus largement la collectivité) et de la société
civile sont indispensables à la conception et à la mise en œuvre
de politiques choisies en connaissance de cause en matière de drogues,
et adaptées aux vulnérabilités et aux besoins. Il conviendrait que
les États offrent un environnement sûr et porteur aux défenseurs
des droits de l’homme qui travaillent à la réforme de la législation et
des politiques relatives aux drogues, et doivent pouvoir mener leurs
activités sans crainte de sanctions, de représailles ni d’intimidation

.
4. Mesurer
l’impact des réponses fondées sur les droits de l’homme aux problèmes
de drogues
4.1. Identification
de nouveaux indicateurs fondés sur les droits de l’homme pour l’évaluation
de l’efficacité des politiques en matière de drogues
24. La recherche de politiques
globales, fondées sur des données probantes, en matière de drogues
exige une méthodologie transparente et efficace d’évaluation de
leur efficacité. La collecte de données devrait se fonder sur un
jeu complet d’indicateurs spécifiques relatifs au processus et aux
résultats des politiques en matière de drogues. Ces derniers devraient
permettre de dégager les tendances émergentes en matière de drogues
et guider leurs auteurs dans la conception d’interventions durables
et respectueuses des droits de l’homme. L’amélioration des données
relatives aux dépenses publiques liées à la drogue devrait aussi
aider à canaliser les ressources vers les investissements les plus
efficients et à améliorer la transparence et l’obligation de rendre
des comptes des institutions publiques

.
25. Il apparaît de plus en plus clairement que les indicateurs
traditionnels axés sur l’application des politiques en matière de
drogues (c’est-à-dire les arrestations, les saisies et les mesures
de justice pénale) sont insuffisants pour en montrer l’impact réel
sur les individus et la collectivité. Le Consortium International sur
les Politiques des Drogues (IDPC), par exemple, explique que «si
le contrôle des drogues cesse de porter exclusivement sur la réduction
de la culture, du trafic et de la consommation pour inclure également
la diminution des risques pour la santé liés à la drogue, l’amélioration
de l’accès aux soins de santé, le respect des droits humains fondamentaux,
la réduction de la pauvreté, le renforcement de la sécurité des
citoyens et la baisse de la corruption, alors l’utilisation d’indicateurs
visant à mesurer le volume et les flux du marché des drogues illicites
ne suffira plus»

.
26. Les indicateurs doivent être adaptés aux normes nationales,
régionales et internationales existantes en matière de droits de
l’homme. Il est déjà possible d’extraire une série d’indicateurs
pertinents en matière de droits de l’homme des travaux du Conseil
de l’Europe et de divers organes nationaux, régionaux et internationaux

. Les indicateurs peuvent viser à la collecte
de données sur les causes profondes des préjudices causés par la
drogue à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement (culture,
production, distribution, consommation). Au nombre de ces indicateurs
pourraient figurer la disponibilité et l’étendue de la réduction
des risques et des traitements, la situation socio-économique des
consommateurs de drogues, les cas signalés de stigmatisation et
de discrimination dans l’accès aux soins de santé, les cas signalés
de violences physiques et psychologiques commises par les services
répressifs, les cas signalés d’atteintes aux droits de l’homme des
consommateurs de drogues commises par les réseaux criminels, les
affaires signalées de corruption liée à des marchés illicites, la
fourniture d’une aide juridictionnelle en cours de procès et la proportion
d’auteurs de crimes liés à la drogue en détention provisoire. Ces
données devraient par exemple être ventilées en fonction de l’âge,
du sexe, de la race et l’appartenance ethnique, de l’orientation
sexuelle et l’identité de genre, et de la situation économique (notamment
l’exercice de la prostitution). Les cibles des Objectifs de développement
durable et les indicateurs axés sur l’impact doivent être pris en
compte, l’objectif général étant de ne pas faire de laissés-pour-compte.

4.2. Mettre
en œuvre des méthodes de collecte exhaustive des données
27. Les méthodes et outils de communication
des données doivent être conçus et constamment réajustés pour permettre
aux États membres de recueillir et d’évaluer des statistiques utiles
et de qualité sur les effets des politiques en matière de drogues
sur les droits de l’homme.
28. Le Conseil de l’Europe est également en mesure de soutenir
les structures nationales, en particulier les observatoires nationaux
des drogues. Le Groupe Pompidou appuie la création d’observatoires
nationaux au sein de MedNET – son réseau de coopération dans la
région méditerranéenne qui couvre 17 pays (dont sept ne sont pas
membres du Groupe Pompidou, à savoir l’Algérie, l’Égypte, l’Espagne,
le Liban, le Maroc, la Palestine

, la Tunisie)

. Le Groupe Pompidou
pourrait servir de plate-forme d’échange d’informations afin d’identifier
des lacunes des outils statistiques pertinents et des autres systèmes
de surveillance des drogues. Dans son
Programme
de travail 2019-2022, le Groupe a annoncé son intention de créer un registre
des pratiques nationales en matière de drogues et de leur impact
sur la réalisation des obligations relatives aux droits de l’homme.
29. Les autorités nationales doivent soutenir les réseaux d’experts
de la société civile, ainsi que les réseaux d’autorités et d’élus
nationaux et locaux. Elles doivent s’efforcer de coopérer avec les
institutions compétentes, telles que l’EMCDDA et les instances des
Nations Unies, dont le rôle a été souligné dans la
Position
commune de l’ONU sur les politiques des drogues en novembre 2018. La révision en cours du questionnaire
destiné aux rapports annuels (QRA) de l’Office des Nations unies
contre la drogue et le crime (ONUDC) vise à faciliter la mise en
œuvre de la recommandation du
document
final de l’UNGASS, selon laquelle les États devraient recueillir
des données relatives à l’âge et au genre et «envisager, à titre
volontaire, […] d’inclure des données concernant, notamment la promotion
des droits fondamentaux, de la santé, de sécurité et du bien-être
de tous les individus, de toutes les communautés et de tous les
membres de la société dans le cadre de la mise en œuvre, par ces
derniers, desdites conventions [relatives au contrôle des drogues]
au niveau national, ainsi que les derniers faits nouveaux, les meilleures
pratiques et les obstacles rencontrés».
30. Un QRA révisé devrait constituer une bonne base de travail
pour les décideurs politiques européens, en fonction de la qualité
et de l’étendue des données recueillies. Alors que l’ONUDC prévoit
de définir une feuille de route pour l’élaboration de normes mondiales
et la production de données plus nombreuses et de meilleure qualité
sur les drogues, il est essentiel que le Conseil de l’Europe suive
attentivement ce processus et participe aux travaux consacrés à
l’émergence d’une compréhension commune des notions et des indicateurs
des droits de l’homme pour les politiques en matière de drogues

.
5. Exemples
concrets d’intégration des droits de l’homme dans les politiques
en matière de drogues
5.1. Prévention
de l’usage et de l’abus de drogues
31. Les États doivent mettre en
œuvre des mesures préventives efficaces pour lutter contre le problème
de la drogue, telles que des programmes éducatifs et des campagnes
de sensibilisation et de prévention fondées sur des preuves scientifiques,
dans divers contextes (famille, école, communauté, rue, fêtes, lieux
de travail, etc.), en ciblant les tranches d’âge et les niveaux
de risque concernés

. Les
gouvernements devraient par ailleurs veiller à l’équilibre des mesures
préventives pour faire en sorte qu’elles n’aient pas de conséquences négatives
involontaires sur les droits de l’homme. Par exemple, le fait de
soumettre (parfois de façon aléatoire) des enfants à des tests obligatoires
de dépistage de drogues en milieu éducatif en guise de mesure de prévention
suscite régulièrement des préoccupations sur le plan des droits
de l’homme. Cette pratique a finalement été déconseillée, car elle
ne respectait pas le critère de proportionnalité

.
32. L’Écosse dépendant à l’heure actuelle du gouvernement britannique,
elle n’est pas en mesure de définir convenablement et pleinement
sa propre politique sur les questions de drogues. Par exemple, le
conseil municipal de Glasgow et le Service national de santé du
Grand Glasgow et de Clyde ont proposé la création d’un centre de
consommation de drogue au centre-ville

, mais ce projet reste bloqué par
le gouvernement de Westminster qui est seul compétent en matière
de drogues. Cette situation est navrante, puisque l’an dernier les
décès liés à la drogue dans la seule ville de Dundee (qui compte
une population d’environ 148 000 habitants) étaient deux fois plus
importants que ceux de l’ensemble du Portugal. Le nombre de décès occasionnés
par la drogue dans l’ensemble de l’Écosse est 30 fois plus important
que celui du Portugal, alors que la population de ce dernier est
presque deux fois plus nombreuse

.
33. Une approche centrée sur les droits de l’homme, comme celle
du Portugal, favoriserait par conséquent la promotion d’un discours
de santé publique accompagné d’un comportement et d’un langage non stigmatisants,
et protégerait les consommateurs de drogues contre la discrimination,
l’exclusion ou les préjugés. La criminalisation peut entraîner la
stigmatisation des personnes souffrant de troubles liés aux drogues,
considérées comme des délinquants plutôt que comme des patients.
Dans les situations où l’expérimentation est probable, il est essentiel
de dispenser une éducation aux effets de la drogue et aux risques
que font encourir les drogues aux consommateurs et à d’autres personnes

. Il serait également
utile de diffuser des informations sur les pratiques plus sûres
de consommation de drogues et les contrôles de qualité des drogues
visant à prévenir la consommation de drogues de rue douteuses et
potentiellement mortelles. La Commission globale de politique en
matière de drogues (GCDP)
a
recommandé que, «s’il faut absolument mener des campagnes de sensibilisation
publique sur la question des jeunes et de la consommation de drogues,
elles devraient fournir des informations honnêtes, qui incitent
les jeunes à la modération lors d’expérimentations et à faire prévaloir
la sécurité à travers le savoir».
34. Le modèle islandais de prévention mérite aussi d’être mentionné
pour son approche ascendante centrée sur la réduction des facteurs
de risque connus de la consommation de drogues et la création de
liens socio-économiques au niveau local, avec renforcement concomitant
d’un large spectre de facteurs de protection liés à la collectivité
(comme le rôle des parents et de l’école, et les réseaux de possibilités
qui les entourent). Il cherche par exemple à influer sur le comportement
indésirable en modifiant les aspects physiques, économiques et réglementaires
de l’environnement susceptibles d’offrir ou de réduire les possibilités d’apparition
dudit comportement (activités de loisirs supervisées après l’école,
avec accès universel pour les jeunes au sport et aux activités culturelles).
5.2. Réduction
des risques
35. Il n’existe pas de définition
universellement admise de la réduction des risques, mais elle peut
être décrite comme un ensemble de politiques, de programmes et de
mesures ayant un impact décisif dans la lutte contre les effets
néfastes sanitaires et sociaux des drogues au sein de la société.
Ces mesures peuvent englober les traitements par agonistes opioïdes
(TAO), les salles de consommation de drogues à moindre risque (SCMR),
les interventions en salle d’urgence pour les intoxications aiguës
par drogues et les surdoses en hôpital ou au sein de la collectivité,
l’accès à la naloxone et la formation de premiers répondants potentiels dans
la gestion des surdoses, les programmes d’échanges d’aiguilles et
de seringues (PES), la distribution de nécessaires plus sûrs pour
fumeurs, les services de contrôle de la qualité des drogues, les
services fournis sur les sites de vie nocturne et la création de
«zones de sécurité» où l’information peut s’échanger entre pairs.
Ils ont souvent prouvé leur efficacité et leur rentabilité dans
la prévention des conséquences mortelles et préjudiciables de la
consommation continue de drogues (mort par surdose, maladies infectieuses transmissibles
par le sang, abus de nouvelles substances) et, au bout du compte,
dans la promotion du droit à la santé

.
36. Diverses expériences européennes et internationales en matière
de stratégies de réduction des risques ont largement surmonté l’opinion
négative des citoyens et l’opposition du monde politique, ce qui
a permis de lutter contre les attitudes de stigmatisation et la
discrimination. La plupart des États membres ont, à des degrés divers,
adopté une démarche de réduction des risques

. Le rapport 2018
sur l’état d’avancement de la réduction des risques dans le monde
(
Global
State of Harm Reduction, GSHR) indique que 17 pays d’Europe occidentale sur
25, et 26 sur les 29 de la région eurasienne, ont adopté des documents
d’orientation prônant la réduction des risques. Le
Plan
d’action antidrogue de l’Union Européenne (2017-2020) vise spécifiquement à mettre davantage l’accent sur
les mesures de réduction des risques et des dommages.
37. Dans le contexte de ce rapport, j’ai accordé une attention
particulière au développement en Europe des SCMR, qui ont connu
un succès notable ces dernières décennies. Selon le rapport GSHR
de 2018, il existe 89 de ces salles en Europe occidentale, mais
aucune en Eurasie. Celle que j’ai visitée à Strasbourg est encore trop
récente pour qu’il soit possible de mesurer convenablement ses effets
sur l’ordre et la santé publiques, mais bien d’autres expériences
européennes semblent avoir eu un impact positif: amélioration des
indicateurs sanitaires et sociaux, baisse des frais de santé, améliorations
dans le domaine du logement et de l’emploi, recul de la violence
et de la prostitution, réduction des nuisances publiques associées
aux lieux publics de consommation et meilleure coopération avec
les forces de l’ordre. La commission de la santé et de la protection
sociale de la Chambre des communes a recommandé la mise en place
de SCMR comme un moyen de réduction des risques, sur la base de
l’étude du cas de Francfort et des explications données par le préfet de
police adjoint du Conseil national des préfets de police. Selon
elle, ces installations permettraient aux consommateurs de drogues
de disposer d’autres types d’aide et de bénéficier d’une surveillance
médicale

. Il
apparaît clairement que ces salles ne sont efficaces que si elles
s’intègrent dans une politique plus large de santé publique, assortie
d’une législation, d’une réglementation et d’un financement appropriés.
Elles exigent une excellente connaissance des pratiques locales
et des produits utilisés, ainsi que des paramètres du site retenu
(besoins sécuritaires, type de voisinage, etc.). Il est possible
d’éviter les conflits si tous les acteurs sont invités à participer
et si la collectivité reçoit un retour d’information régulier. Le
renforcement des capacités est essentiel, de même que la mise en
œuvre de dispositifs de suivi et d’évaluation. Strasbourg fait également partie
du réseau «Solidify» que coordonne le Forum européen pour la sécurité
urbaine (EFUS), et qui a vocation à aider les villes à déployer
des politiques de réduction des risques en leur fournissant des
outils efficaces pour accompagner la mise en place de SCMR

.
38. Les expériences nationales et les difficultés signalées dans
la mise en œuvre des SCMR montrent qu’une approche holistique des
droits de l’homme peut aider à protéger les individus et les sociétés
contre les conséquences imprévues des mesures. Ces conséquences
incluent notamment les arrestations et les saisies effectuées par
des agents de police peu formés autour des dispositifs (fixes et
mobiles) de réduction des risques, l’accès difficile à ces dispositifs
en raison de leur localisation isolée, des critères discriminatoires d’accès
aux services, l’absence d’accord et de soutien des services répressifs
par rapport aux responsabilités en cas de violence ou autres urgences,
ou encore des normes de sécurité insuffisantes pour le personnel. Diverses
recherches menées par Harm Reduction International (HRI) ont montré
que la baisse des financements alloués – tant par les gouvernements
que par les donateurs internationaux – aux dispositifs de réduction
des risques avait des effets préjudiciables sur les individus et
en matière de santé publique, en particulier en milieu carcéral

. L’évaluation systématique
des services de réduction des risques peut mettre en lumière les
enjeux et les tensions associés aux droits de l’homme. La participation
de toutes les parties prenantes – en particulier les consommateurs
de drogues et les services répressifs – à la conception des stratégies
de réduction des risques et à des rencontres collectives régulières
de suivi et l’échange d’informations aux niveaux local, national
et international contribuent à résoudre les problèmes en tenant dûment
compte des droits de l’homme.
39. La consommation de drogues est très présente dans les prisons
européennes. Les prisons constituent des environnements à haut risque
de transmission de maladies infectieuses comme le VIH, l’hépatite
C et la tuberculose. Les efforts visant à protéger la santé des
détenus comme s’ils étaient à l’extérieur de la prison ont également
conduit à la mise en œuvre de mesures de réduction des risques dans
les établissements de détention. Mais l’accès aux services de réduction
des risques dans les prisons varie considérablement entre les pays
et au sein de ceux-ci. Selon le rapport GSHR, quatre pays d’Europe
occidentale et cinq pays d’Eurasie ont mis en place des PES dans
les prisons. Les traitements TAO sont offerts en prison dans tous
les pays d’Europe occidentale, sauf à Andorre, en Islande, au Liechtenstein,
en Turquie, à Monaco et à Saint-Marin. Dans la région eurasienne,
18 en fournissent dans les prisons, y compris le Kirghizistan, dont
le Parlement a le statut de partenaire pour la démocratie auprès
de l’Assemblée. Dans un
rapport
de 2014, le Comité européen pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) indiquait
que différents types de PES avaient permis «d’améliorer la santé
des détenus, de réduire le partage de seringues et d’atténuer les
craintes de violence» durablement, sans «qu’aucune preuve d’une augmentation
de la consommation de drogues ou d’autres conséquences négatives
aient été observées». Une approche fondée sur les droits de l’homme
implique l’apport d’une aide efficace aux détenus ayant des problèmes
liés à la drogue (dans le cadre d’une stratégie nationale antidrogue
plus large). Cela doit inclure des mesures de réduction des risques,
une formation spécifique pour le personnel, la fourniture de matériel d’information
adéquat sur les questions liées à la drogue et les services accessibles
aux détenus, des services psychosociaux et le respect du secret
médical

. HRI a mis
au point un
outil
de suivi pour aider les organismes de surveillance à superviser
les services de réduction des risques proposés aux détenus.
5.3. Services
de traitement et de réadaptation
40. Les décideurs européens mettent
de plus en plus l’accent sur le traitement des troubles liés aux
drogues et des toxicomanies, qu’ils considèrent comme des pathologies
médicales chroniques complexes (fréquemment en comorbidité avec
d’autres troubles psychologiques) et comme des risques de marginalisation
sociale, plutôt que comme une infraction. Les drogues peu fiables
et potentiellement mortelles vendues dans la rue, les pratiques
de consommation de drogues qui ne font guère l’objet d’une information
et la stigmatisation aggravent souvent les souffrances des personnes
ayant des problèmes de drogues et doivent inciter les États à s’acquitter
de leurs obligations en vertu de leur devoir conventionnel partagé
de protection. Le
document final de 2016 énonce «qu’il est possible de prévenir et soigner
la toxicomanie par des programmes de traitement, de prise en charge
et de réadaptation fondés sur des données scientifiques».
41. Il convient de mettre en place des dispositifs garantissant
que le fonctionnement des services de traitement et de réadaptation
ne compromette ni ne menace le droit à la santé et prévienne toute
atteinte aux droits de l’homme. Les États membres devraient par
exemple donner la priorité aux soins de santé et à l’assistance
sociale au sein de la collectivité plutôt qu’au placement en institution.
Pour éviter la prolifération d’approches de «traitement disciplinaire»,
où les personnes souffrant de dépendance aux drogues sont placées
de force dans des centres et soumises à des mauvais traitements
ou au travail forcé, les traitements devraient toujours impliquer
la participation volontaire des personnes souffrant de troubles
liés à la consommation de drogues, et leur consentement éclairé

. Les programmes de traitement
et de réadaptation doivent être assortis de mesures de protection
des droits de toute personne incapable, temporairement ou définitivement,
de donner son consentement. Les États devraient surveiller les pratiques
de traitement des dépendances aux drogues et inspecter les centres
de traitement ainsi que les lieux de détention, pour veiller à l’absence
de tout acte de torture et de traitements inhumains ou dégradants.
42. Le droit à la santé (cf. note 6) exige également des États
qu’ils révisent et modifient leurs politiques nationales si elles
ont des effets disproportionnés sur l’accès à un traitement médical
efficace, y compris les médicaments essentiels (comme les substances
réglementées utilisées dans le TAO, le soulagement de la douleur
et les soins palliatifs). Les préjudices occasionnés par l’abus
des médicaments sur ordonnance, dont les opioïdes, donnent toutefois
lieu à des inquiétudes

. Je renvoie à ce sujet aux travaux
actuellement réalisés par M. Joseph O’Reilly (Irlande, PPE/DC) pour
la commission des questions sociales sur
la
dépendance involontaire aux médicaments sur ordonnance.
43. En ce qui concerne les détenus, les États membres ont le devoir
de protéger leur santé et de «gérer les symptômes de manque dus
à l’arrêt de la consommation de drogues, de médicaments ou d’alcool», conformément
à la jurisprudence de la Cour (
Kudła
c. Pologne [GC], no
30210/96) et aux
Règles pénitentiaires européennes. Comme l’explique le
HRI, «le fait de refuser un traitement à une personne ayant
une dépendance à la drogue peut causer des douleurs et des souffrances
insupportables». En 2016, la Cour a reconnu que le refus d’accorder
un traitement, y compris un TAO, aux détenus souffrant d’une dépendance aux
stupéfiants pouvait constituer un traitement inhumain et dégradant

. Les États doivent assurer l’équivalence
de soins dans les prisons et autres établissements de détention,
ainsi que la continuité des soins après l’admission en prison ou
la sortie de prison.
5.4. La
répression et les droits de l’homme
44. Les activités des services
répressifs ont gagné en efficacité, et le renforcement de la coopération internationale
peut contribuer à l’accroissement de l’interception des drogues
illicites. Malgré des efforts considérables, les services répressifs
ne sont pas parvenus à réduire régulièrement la consommation et
la disponibilité des drogues, ni à éliminer les violations des droits
de l’homme commises par les criminels de la drogue, notamment le
trafic et l’exploitation. Le Rapport WDR 2019 indique que pour lutter
efficacement contre l’offre de drogues, il faut que les services
répressifs, au lieu de mesurer l’efficacité de leur action aux quantités saisies,
s’attachent davantage à démanteler les organisations de trafic de
drogue et les groupes de la criminalité organisée transnationale.
Cet objectif nécessite une meilleure compréhension de la dynamique
de la criminalité organisée, et la conception d’interventions efficaces
de lutte contre le trafic des stupéfiants en coordination avec des
organismes nationaux, régionaux et internationaux.
45. Le
document final de l’UNGASS appelle à «une action de prévention et de
répression (…) efficace» dans le domaine de la criminalité liée
aux drogues et à apporter «des réponses pénales efficaces aux crimes
liés aux drogues». À cette fin, les « garanties juridiques et les
garanties d’une procédure pénale régulière» et le droit à un procès
équitable doivent être respectés. À cette même occasion, les États
se sont de nouveau engagés à respecter l’interdiction de procéder
à des arrestations et détentions arbitraires, ainsi que l’interdiction
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Ces engagements figurent aussi dans la Convention aux articles 3
(prévention de la torture), 5 (droit à la liberté et à la sécurité),
6 (droit à un procès équitable), 14 (et Protocole no 12
sur l’interdiction de la discrimination), ainsi que dans le Protocole no 6
(abolition de la peine de mort)

.
46. Dans la pratique, les mesures répressives de lutte contre
la consommation de drogue s’accompagnent souvent d’un recours excessif
à la force ou de peines ou détentions disproportionnées, et ont
eu des effets négatifs sur les personnes vulnérables

. Cette situation appelle une
approche équilibrée et globale, où la justice pénale donne aux infractions
liées aux drogues des réponses axées sur la santé et respectueuse
des droits. Le CPT a noté que «l’impact psychosocial négatif de
l’incarcération – en particulier sur les jeunes toxicomanes – et
l’absence de dispositifs appropriés de traitement et de réadaptation
des toxicomanes en milieu carcéral devaient être sérieusement pris
en compte». La stratégie respectueuse des droits la plus pertinente
est celle qui vise à épuiser toutes les alternatives disponibles
(par ex. la déjudiciarisation, les peines de substitution, la libération
conditionnelle assortie d’un traitement volontaire au sein de la
communauté) avant d’incarcérer des délinquants dépendants aux drogues

. La détention ne devrait être infligée
que lorsqu’elle est jugée raisonnable, nécessaire et proportionnée.
À ce propos, plusieurs experts ont estimé que l’article 5.1e de
la Convention, qui prévoit «la détention régulière d’une personne
susceptible de propager une maladie contagieuse, […] d’un toxicomane»,
pouvait être considéré comme dépassé

. Pour
ma part, j’estime que nul ne devrait être détenu pour le seul motif
de consommation de drogue ou de toxicomanie.
47. Près d’un tiers des pays qui ont répondu à mon questionnaire
ont indiqué qu’ils ne poursuivent pas les délits mineurs liés à
la drogue, préférant privilégier la santé publique, éviter d’aggraver
les vulnérabilités et décongestionner la surpopulation carcérale.
En Europe, le Portugal a été à l’avant-garde des modèles de politiques
alternatives en matière de drogues, au lendemain d’une très grave
crise de toxicomanie. En 2001, sans modifier sa législation sur
le trafic de drogue, il a converti l’achat ou la possession de petites
quantités (équivalant à 10 jours de consommation au maximum) en
contravention administrative (au lieu d’une infraction pénale).
Les contrevenants doivent maintenant comparaître devant la commission
pour la dissuasion de la toxicomanie, rattachée au ministère de
la Santé. Seules les quantités supérieures à 10 jours de consommation donnent
lieu à l’engagement d’une procédure pénale

. Il convient
de distinguer cette approche de santé publique des «tribunaux de
traitement de la toxicomanie», qui offrent aux personnes souffrant
de dépendance aux drogues des traitements supervisés par la justice.
Ces tribunaux sont de plus en plus critiqués, parce qu’ils freinent
l’accès à des traitements volontaires de meilleure qualité, et en
raison des violations des droits de l’homme commises dans les centres
de désintoxication obligatoire

. D’autres voix ont
avancé que les politiques actuelles en matière de drogues interféraient
avec le droit au respect de la vie privée. En effet, l’interdiction
de la consommation «récréative» de drogues dans la sphère privée
pourrait constituer une ingérence dans le droit à la vie privée,
voire une violation de ce dernier (en particulier dans des circonstances où
il n’existe aucun risque pour la santé des enfants ou pour la santé
publique)

.
48. Tous les États membres ont aboli la peine de mort. Toutefois,
dans une
déclaration
commune prononcée le 10 octobre 2018, le Secrétaire Général
du Conseil de l’Europe et la Haute Représentante de l’Union européenne
pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ont exhorté
les États européens à ne pas coopérer à la mise en œuvre de politiques
de lutte contre la drogue dans les pays où les infractions liées
aux stupéfiants sont passibles de la peine de mort

. Au moins 3 940 personnes ont été
exécutées pour des infractions liées à la drogue ces dix dernières
années. Dans la
Déclaration
de Stavanger de 2018, le Groupe Pompidou encourageait les gouvernements
à «lutter activement» contre la peine de mort pour les infractions
liées à la drogue et à «condamner les exécutions extrajudiciaires».
Certains États membres ont déclaré avoir cessé de soutenir les activités
de coopération internationale en matière de lutte contre la drogue susceptibles
de conduire ou de contribuer directement ou indirectement à l’exécution
ou à l’arrestation illégale de personnes pour des infractions liées
aux stupéfiants

. M. João
Goulão, président du Groupe Pompidou, a déclaré en 2019 que «nous
avons la lourde responsabilité d’encourager les pays qui recourent
encore à la peine de mort pour les infractions liées à la drogue
à abolir cette pratique inhumaine».
6. Questions
transversales relatives aux droits de l’homme dans les politiques
en matière de drogues
49. La mise en œuvre des politiques
en matière de drogues peut avoir un impact très disproportionné
sur les consommateurs de drogues, notamment en fonction de leur
sexe, de leur race, de leur couleur ou de leur origine nationale
ou sociale. De multiples formes de discrimination affectent leur
vie et les empêchent de jouir pleinement de leurs droits de l’homme.
Les politiques en la matière devraient s’attaquer aux causes profondes et
aux facteurs socio-économiques (comme un niveau de vie insuffisant,
l’absence de couverture sociale) susceptibles d’accroître les risques
de consommation de drogues ou de pousser des personnes à pratiquer
le trafic de drogue.
6.1. Les
femmes et les filles
51. Les femmes qui consomment des drogues sont particulièrement
exposées à la stigmatisation et à la marginalisation au sein de
leur famille et de leur communauté

. Elles peuvent
en particulier avoir peur de demander à bénéficier d’un traitement
si elles sont enceintes, ont survécu à des violences sexistes ou craignent
les problèmes judiciaires ou la stigmatisation sociale. Si les avantages
susmentionnés des dispositifs de réduction des risques et des programmes
de traitement de la toxicomanie encouragent leur promotion, les autorités
doivent apporter un soin particulier à la suppression de tout obstacle
à l’accès volontaire et d’égale qualité des femmes aux mesures axées
sur la santé, y compris les soins psychologiques, sexuels et génésiques
abordés de manière globale. La conception et la mise en œuvre des
politiques en matière de drogues devraient toujours intégrer une
perspective de genre pour répondre aux besoins, aux risques et aux préjudices
distincts des femmes et des filles, rappelait le Groupe Pompidou
en 2018 dans sa
Déclaration
de Stavanger et les
travaux
en cours relatifs à la dimension de genre des politiques en matière
de drogues. Ainsi, l’Irlande a intégré, dans sa
stratégie
nationale sur l’usage des drogues, le fait que «l’absence de services
de garde d’enfants peut constituer un obstacle pour les femmes qui
fréquentent les services de traitement et de postcure». Le pays
vise donc à étendre «l’éventail de services communautaires et résidentiels
complets de façon à pouvoir répondre aux besoins des femmes qui
consomment des drogues et/ou de l’alcool de manière nocive, notamment
celles qui ont des enfants ou qui sont enceintes». Dans leurs réponses
au questionnaire, l’Autriche et Chypre ont par exemple indiqué que
leurs services liés aux drogues intègrent la dimension de genre.
52. Les femmes et les filles continuent d’être particulièrement
exposées au risque d’implication dans la criminalité liée aux drogues,
surtout si elles souffrent d’un déficit d’éducation et de possibilités
économiques, ou ont été victimes d’abus. Le milieu carcéral est
particulièrement préoccupant. Selon HRI, 31 000 femmes détenues
dans les pays d’Europe et d’Asie centrale en 2012 ont été incarcérées
pour des infractions liées aux stupéfiants. Cela représente 28 %
des femmes incarcérées dans la région, soit plus du quart

. De ce fait, à l’occasion
de l’
UNGASS 2016, les États se sont engagés à «recenser les facteurs
de risque et de protection, ainsi que les circonstances qui font
que les femmes et les filles restent particulièrement susceptibles
d’être exploitées et mises à contribution pour le trafic de drogues
[…], et à y remédier afin d’éviter que celles-ci soient impliquées
dans des infractions liées aux drogues». Ils se sont également engagés
à «assurer l’accès, sur une base non discriminatoire, à des services
de santé, de prise en charge et de protection sociale dans le cadre des
programmes de prévention, de soins primaires et de traitement, y
compris ceux offerts aux détenus condamnés ou aux prévenus, qui
doivent être équivalents aux services disponibles en milieu libre,
et veiller à ce que les femmes, y compris les détenues, aient accès
à des services de santé et de conseil adaptés, notamment à ceux
qui sont particulièrement nécessaires pendant la grossesse

».
6.2. Les jeunes et les enfants
53. Les réponses au questionnaire
indiquent que les jeunes constituent un groupe cible important de nombreuses
interventions liées à la drogue. Le Conseil de l’Europe s’est engagé
dans la promotion de la Convention relative aux droits de l’enfant
des Nations Unies et a élaboré un large éventail de
normes
juridiques qui s’appliquent aux droits de l’enfant. Les États membres
se sont engagés à défendre l’intérêt supérieur de l’enfant en tenant
dûment compte de l’évolution de leurs capacités, en éliminant toutes
les formes de violence contre les enfants, y compris les violences
sexuelles, l’exploitation et les châtiments corporels; à promouvoir une
justice et des services sociaux adaptés aux enfants; et à garantir
les droits des enfants en situation de vulnérabilité, notamment
les conditions de vie abusives liées aux drogues

. Les
autorités doivent protéger les enfants contre le risque que la consommation
de drogues ou la toxicomanie de leurs parents ne les exposent à
la négligence ou à des abus. Agissant toujours dans l’intérêt de
l’enfant, les États sont tenus de dispenser aux parents l’aide dont
ils peuvent avoir besoin pour exercer leurs responsabilités parentales.
L’obligation d’aider les parents souffrant de dépendance aux drogues
en fait partie. Si le fait qu’un parent soit consommateur de drogues
ne justifie pas à lui seul de le séparer de son enfant, les autorités
de protection de l’enfance doivent se montrer particulièrement vigilantes
en pareil cas.
54. La
Déclaration
de Stavanger du Groupe Pompidou a rappelé le droit des enfants d’être
protégés contre l’usage illicite de stupéfiants et de substances
psychoactives. Dans une
lettre
conjointe publiée en amont de l’UNGASS 2016, plusieurs experts
des Nations Unies affirment toutefois que «l’histoire et divers
éléments de preuves ont montré que l’impact négatif des politiques
répressives en matière de drogues sur la santé et le développement
sain des enfants l’emportait souvent sur l’élément protecteur qui
sous-tend ces politiques, et que les enfants qui consomment des
drogues sont traités comme des criminels, n’ont pas accès aux dispositifs de
réduction des risques ou à un traitement adéquat et sont placés
dans des centres de désintoxication obligatoire». Les opérations
des services répressifs, un casier judiciaire et/ou la détention
feraient plus de tort aux enfants et aux jeunes, notamment dans
le domaine de l’emploi, du logement, de l’éducation et de l’aide sociale.
Pendant l’
UNGASS 2016, les États se sont engagés à «prendre des dispositions
pratiques adaptées à l’âge et aux besoins particuliers des enfants
(et) des jeunes» pour prévenir leur initiation à la consommation de
drogues et l’abus de drogues, et leur participation à des activités
criminelles liées aux stupéfiants. La détention de délinquants juvéniles
devrait toujours rester exceptionnelle, et la durée de la détention
provisoire ne jamais être excessive
![(51)
Le Comité des droits
de l’enfant a appelé à «s’assurer que les lois pénales n’entravent
pas l’accès à ces services [de réduction des risques et de traitement
de la toxicomanie], notamment en modifiant les lois qui incriminent
les enfants pour possession ou usage de stupéfiants». Voir observations
finales, <a href='http://docstore.ohchr.org/SelfServices/FilesHandler.ashx?enc=6QkG1d%2fPPRiCAqhKb7yhskqYO9zSBmqrbZ%2fIIWaof%2fxmgc2poLwGOwZ%2bR2SvBVFLBOSFc2VjazEWrImwMygVxZixR1lDUTClKj56KaxB11lkrg4g5V9hSc%2b3eEWQyYFz'>CRC/C/UKR/CO/3-4</a>, 2011.](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
. Il convient d’accorder une
attention particulière au droit de l’enfant à un consentement éclairé,
d’une façon qui tienne compte du développement de ses capacités,
dès lors qu’un traitement médical est indiqué.
6.3. Autres membres de la société exposés
à des risques particuliers
55. Concernant l’interdiction de
la discrimination énoncée à l’article 14 de la Convention, les États
doivent veiller à ce que les politiques en matière de drogues n’aient
pas d’incidences inutiles, indésirables ou disproportionnées sur
la fourniture de soins de santé et l’offre de logement, d’éducation
et d’emploi aux personnes souffrant d’addictions et d’autres troubles
liés aux drogues. Les États devraient se doter de dispositifs appropriés
de surveillance et de prévention de toutes les formes de discrimination
et de stigmatisation. Les États membres devraient veiller à ce que
soient menés des débats inclusifs et publics, avec la participation
des groupes concernés.
56. Le Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance
africaine des Nations Unies a constaté que certaines minorités,
en particulier les personnes d’ascendance africaine, étaient touchées
de manière disproportionnée par les politiques excessivement punitives
en matière de drogues et le profilage racial. Un
rapport de 2019 émanant de la société civile a montré par exemple
comment l’inégalité d’application de la législation sur les drogues
était source de profondes injustices raciales en Angleterre et au
pays de Galles. Il précise que les personnes noires ont été interpellées
et fouillées pour des contrôles de drogues près de neuf fois plus
souvent que les personnes blanches en 2016-2017. Quelque 9 % des
personnes blanches auraient indiqué avoir consommé des drogues au
cours de cette période, contre 4,7 % des personnes noires. Les personnes
d’origine asiatique et métisses ont été interpellées et fouillées
pour des contrôles de drogues près de trois fois plus souvent que
les personnes blanches. Les politiques en matière de drogues affectent particulièrement
aussi les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et
intersexuées (LGBTI) consommatrices de drogues dans de nombreux
pays. Plusieurs éléments indiquent que les personnes LGBTI qui consomment
des drogues renoncent parfois à se tourner vers les professionnels
de santé pour solliciter un soutien ou un traitement en raison d’expériences
antérieures de discrimination ou parce qu’elles les redoutent

.
57. Par exemple, à travers sa
stratégie
nationale sur l’usage des drogues, l’Irlande a décidé d’améliorer l’accès
aux services – et de renforcer les capacités de ces derniers – pour
les personnes ayant des besoins plus complexes, y compris les membres
de la communauté des
Travellers et
d’autres minorités ethniques, les membres des communautés LGBTI
et de migrants, les travailleurs du sexe et les personnes sans-abri.
En outre, cette stratégie vise à favoriser la collaboration avec
les représentants de ces communautés et/ou les services qui travaillent
avec elles, ainsi qu’à «intervenir précocement auprès des groupes
à risque dans le cadre de la justice pénale» en offrant une formation
adaptée au personnel et des interventions appropriées.
7. Conclusions
58. Alors que les tendances anciennes
et nouvelles en matière de drogues mettent les pays à l’épreuve,
les États membres trouvent de plus en plus de solutions viables
en intégrant les droits de l’homme dans l’élaboration, la mise en
œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques en matière de drogues.
Ce qui semblait évoluer dans des «univers parallèles» pourrait bien
trouver aujourd’hui un point de rencontre

. Les possibilités ne manquent
pas pour garantir des politiques durables en matière de drogues,
mais il convient d’adopter une approche globale en amont pour lutter
contre les problèmes sociaux liés aux drogues dans le plein respect
des droits de l’homme. Les obstacles politiques et infrastructurels
doivent être identifiés et surmontés pour permettre la mise en œuvre
de réponses efficaces et compatibles avec les droits de l’homme.
Il importe que les États membres utilisent les outils existants
pour évaluer les incidences de leurs politiques sur les individus et
que des indicateurs adéquats soient mis à disposition pour aider
les gouvernements et les institutions à recueillir des données pertinentes
sur les politiques relatives aux drogues.
59. Le présent rapport et ses conclusions sont résumés dans les
projets de résolution et de recommandation au Comité des Ministres,
présentés au début du document.