1. Introduction
1. En mai 2016, j'ai déposé une
proposition de résolution sur la fixation de normes minimales pour
les systèmes électoraux afin de créer une base pour des élections
libres et équitables que l'Assemblée a renvoyée à notre commission
pour rapport.
2. La proposition de résolution rappelle que la construction,
la protection et le renforcement de la démocratie sont au cœur de
la mission du Conseil de l'Europe et que les systèmes électoraux
sont des instruments essentiels pour pratiquer une démocratie représentative.
Elle plaide pour un aperçu comparatif structuré des différents systèmes
électoraux en Europe, ce qui permettrait de déterminer des normes fondamentales
du Conseil de l'Europe dans ce domaine.
3. Mme Elena Centemero (Italie, PPE/DC)
a été désignée rapporteure en octobre 2016. Sous ses auspices, la
commission a tenu plusieurs échanges de vues sur la question et
a organisé deux auditions d'experts. En janvier 2017, M. Gianni Buquicchio,
président de la Commission européenne pour la démocratie par le
droit (Commission de Venise), a informé notre commission des activités
en matière électorale de la Commission de Venise. M. Michael Krennerich,
un expert de renommée internationale, a malheureusement dû annuler
sa participation, non sans nous avoir malgré tout fourni une précieuse
contribution écrite. En avril 2017, nous avons tenu une audition
conjointe avec la commission sur l’égalité et la non-discrimination,
avec la participation de M. Florian Grotz, titulaire de la chaire
de politique comparée de l’Institut des sciences politiques à l’université
Helmut Schmidt de Hambourg, Mme Marilisa
D’Amico, professeur de droit constitutionnel à l’université de Milan,
et Mme Ana Rusu, conseillère électorale
principale, Bureau des institutions démocratiques et des droits
de l’homme (BIDDH) de l’OSCE.
4. Toutefois, Mme Centemero a perdu
son siège parlementaire lors des élections générales du 4 mars 2018
en Italie et n'a pas pu finaliser son rapport. Néanmoins, afin de
ne pas perdre le travail effectué jusqu’à présent par la commission
et la rapporteure, la présidente de la commission a présenté, en
son nom propre, la note introductive préparée par Mme Centemero,
le 26 juin 2018.
5. Le 11 septembre 2018, la commission m'a désigné pour finaliser
le rapport.
6. À mon avis, la note introductive préparée par Mme Centemero
fournit des informations générales utiles sur la question, notamment
une analyse comparative des différents systèmes électoraux en Europe
et un aperçu des problèmes qui peuvent avoir un impact sur le bon
fonctionnement d'un système électoral. J'ai donc décidé de conserver
ces éléments utiles dans mon rapport final.
7. Toutefois, je crains de ne pouvoir souscrire à l'une des principales
affirmations contenues dans le rapport de Mme Centemero
à propos des conclusions de la Commission de Venise, à savoir «...
aucun des systèmes électoraux en vigueur dans les États membres
du Conseil de l'Europe n'est intrinsèquement antidémocratique en
soi...».
8. À mon avis, les divers systèmes électoraux ne sont pas démocratiques
au même degré. Certains systèmes, plus que d'autres, assurent une
meilleure corrélation entre la volonté des électeurs et le résultat
du vote traduit dans la composition d'un organe élu. Bien que les
mécanismes constitutionnels et juridiques des systèmes électoraux
puissent être conformes aux normes démocratiques, les résultats
ne le sont souvent pas, car les électeurs n'obtiennent pas l'élection
des personnes pour lesquelles ils avaient voté. C'est l'une des raisons
pour lesquelles le populisme et l'extrémisme gagnent du terrain.
9. J'ai fait part de ces préoccupations à la commission le 11 avril 2019.
Certains collègues sont convenus que, même si les élections confèrent
une légitimité à la démocratie, certains systèmes électoraux et
des éléments fondamentaux de la démocratie représentative sont remis
en question dans un certain nombre de pays.
10. À cette occasion, un de nos collègues, Lord George Foulkes
(Royaume-Uni, SOC), s'est demandé si je pouvais présenter la modélisation
des différents résultats possibles en utilisant différents systèmes
dans un pays donné.
11. Le 14 novembre 2019, j'ai présenté à la commission la conclusion
d'une étude comparant les résultats réels des dernières élections
au Parlement flamand (juin 2019) aux résultats qui seraient obtenus
si les sièges étaient répartis selon différents systèmes électoraux
(voir annexe). Auparavant, le 30 septembre, j'avais partagé les
résultats de cette étude avec M. Gianni Buquicchio, Président de
la Commission de Venise, lors d'une réunion à Strasbourg. L'étude
montre clairement que le choix d'un système électoral a un fort
impact sur la répartition des sièges et, par conséquent, sur la
représentativité d'un organe élu, ce qui peut soulever des questions
sur l'équité des élections et, plus généralement, affaiblir la confiance
du public dans le processus démocratique.
2. Les activités du Conseil de l'Europe
dans le domaine électoral
12. L’Assemblée et la Commission
de Venise attachent toutes deux une grande importance aux questions liées
aux élections. Je mentionnerai notamment les textes suivants de
l’Assemblée: la
Résolution
1897 (2012) «Garantir des élections plus démocratiques», la
Résolution
1826 (2011) «Renforcement de la démocratie par l’abaissement de
la majorité électorale à 16 ans», la
Résolution
1705 (2010) «Les seuils électoraux et autres aspects des systèmes
électoraux ayant une incidence sur la représentativité des parlements
dans les États membres du Conseil de l’Europe», la
Résolution
1590 (2007) «Vote à bulletin secret – Code de bonne conduite européen
sur le vote à bulletin secret comprenant des lignes directrices
pour les personnalités politiques, les observateurs et les électeurs»
et la
Résolution
1320 (2003) «Code de bonne conduite en matière électorale». Plus
récemment, l'Assemblée a adopté la
Résolution
2251 (2019) «Mise à jour des lignes directrices pour garantir des
référendums équitables dans les États membres du Conseil de l'Europe».
13. En ce qui concerne le travail de la Commission de Venise,
il convient de mentionner deux documents de référence: le Code de
bonne conduite en matière électorale (2002) et le Code de bonne
conduite en matière référendaire (2007). Le premier est particulièrement
pertinent au regard du présent rapport. Il a été préparé par la
Commission de Venise en étroite coopération avec l'Assemblée et
a reçu son approbation dans la
Résolution
1320 (2003) susmentionnée. Il a également été soutenu par une déclaration
solennelle du Comité des Ministres en mai 2004 et jouit donc d'un
statut particulièrement important.
14. Parmi les autres études pertinentes de la Commission de Venise,
on peut citer les rapports suivants: Systèmes électoraux – Tableau
de l’offre et critères de choix (2003); Droit électoral et administration des
élections en Europe – Étude de synthèse sur certains défis et problèmes
récurrents (2006); Quorums et autres aspects des systèmes électoraux
restreignant l’accès au parlement (2008 et 2010); Impact des systèmes
électoraux sur la représentation des femmes en politique (2009);
Systèmes électoraux proportionnels: l’attribution des sièges à l’intérieur
des listes (listes ouvertes/bloquées) (2015); et Délimitation des
circonscriptions et répartition des sièges (2017). De plus, la Commission
de Venise a produit, le plus souvent en collaboration avec le BIDDH
de l’OSCE, des dizaines d’études et d’avis portant sur la législation
et la pratique électorales de pays spécifiques.
15. Les résolutions de l’Assemblée et les rapports de la Commission
de Venise mentionnés ci-dessus fournissent une analyse comparative
détaillée des différents systèmes électoraux et définissent l’ensemble des
normes communes du Conseil de l’Europe en matière électorale. Toutefois,
ces normes ne tiennent pas compte du fait mentionné au paragraphe 8
ci-dessus, à savoir que certains systèmes ne traduisent pas correctement
la volonté des électeurs dans la composition d'un organe élu. En
outre, le document normatif clé, à savoir le Code de bonne conduite
en matière électorale, a été élaboré il y a plus de 17 ans et pourrait
donc nécessiter une mise à jour afin de tenir compte des derniers
développements d’une pratique électorale européenne en constante
évolution.
16. Je considère par conséquent le présent rapport comme l’occasion,
d’une part, de rappeler la diversité des systèmes électoraux existants
en Europe en résumant, sans entrer dans les détails, leurs avantages
et inconvénients respectifs et, d’autre part, de plaider en faveur
de l’élaboration de normes minimales applicables à ces systèmes
afin de pouvoir disposer des conditions nécessaires à des élections
libres et équitables. En outre, j'ai l'intention de mettre l’accent
sur d'autres éléments devant être pris en compte pour assurer le
bon fonctionnement de tout système électoral. En réalité, je pense
qu’au sein de certains systèmes électoraux de nombreux éléments
peuvent être considérés comme non démocratiques car ils vont à l'encontre
de règles du jeu équitables entre les candidats.
17. Soulignons d’emblée que le choix d’un système électoral spécifique
relève d’une décision souveraine des autorités politiques de chaque
pays. Citons à ce propos un extrait de la
Résolution
1705 (2010): « […] Il n’y a pas de système électoral unique pouvant
servir de modèle à tous les pays. Le choix dépend de plusieurs facteurs,
notamment du milieu historique et du système politique et de partis.»
(paragraphe 7). L’élaboration de normes minimales communes aux systèmes
électoraux comporte donc des limites et ne saurait être interprétée
comme une tentative de recommander un système comme le meilleur
ou de l’imposer à un pays donné.
3. Les
systèmes électoraux au cœur de la démocratie représentative
3.1. Conversion
des suffrages en mandats politiques et en sièges au parlement
18. La démocratie représentative
est un système de gouvernement dans lequel les citoyens exercent
leur pouvoir en élisant, en leur sein, des représentants aux organes
de gouvernance. Les élections constituent par conséquent la base
même de tout gouvernement démocratique. C’est pourquoi on s’accorde
généralement à considérer que le système électoral, en tant qu’ensemble
de règles conçues pour organiser les élections et convertir les
suffrages en mandats politiques et en sièges au parlement, représente
l’un des éléments les plus fondamentaux de la démocratie représentative.
19. Chaque système électoral consiste en un ensemble de règles
régissant tous les aspects du processus: depuis le calendrier des
élections jusqu’aux conditions auxquelles il faut répondre pour
pouvoir voter ou se présenter comme candidat, en passant par le
mode de scrutin, le dépouillement des bulletins, les limites des dépenses
électorales et d’autres facteurs pouvant influer sur le résultat.
Les modalités des élections politiques sont définies par la Constitution
ou une loi électorale et leur respect contrôlé par une commission
électorale. Le mode de scrutin peut en outre varier selon le type
du mandat en cause.
3.2. Principales
exigences pesant sur les systèmes électoraux: garantir la démocratie,
la représentativité et la gouvernabilité
20. Pour servir de cadre à des
élections véritablement démocratiques, chaque mode de scrutin doit
garantir le respect de cinq principes fondamentaux: le suffrage
doit être universel, égal, libre, secret et direct
.
En outre, les élections doivent être périodiques
. Par ailleurs, des élections véritablement
démocratiques ne peuvent avoir lieu que si certaines conditions
essentielles d’un État démocratique fondé sur l’État de droit sont respectées: respect
des droits fondamentaux, stabilité du droit électoral et garanties
procédurales effectives
.
21. Selon la Commission de Venise: «Le choix du système électoral
est libre, sous réserve du respect des principes mentionnés ci-dessus
». Cela peut être interprété comme une
affirmation selon laquelle aucun des systèmes électoraux en vigueur
dans les États membres du Conseil de l'Europe n'est intrinsèquement antidémocratique
en soi dans la mesure où il garantit de manière satisfaisante le
respect des principes susmentionnés et de règles du jeu équitables
entre les candidats, les partis et au sein des partis. Par conséquent,
nul ne saurait recommander un système donné comme le meilleur modèle
pour tous les pays. Toutefois, je pense que les systèmes qui ne
traduisent pas de manière équitable la volonté des électeurs dans la
composition d'un organe élu ne peuvent pas être considérés comme
pleinement démocratiques si la démocratie signifie toujours «le
gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple».
22. Tout système électoral se doit non seulement de respecter
ces conditions préalables de portée générale liées à la démocratie,
mais également prévoir la formation d’institutions politiques démocratiques
répondant à deux critères fondamentaux: la représentativité et la
gouvernabilité. D’une part, les institutions démocratiques doivent
être inclusives et permettre aux citoyens de participer de différentes
manières au processus politique et d’être représentés. D’autre part,
elles doivent permettre un processus décisionnel efficace afin que
des décisions faisant autorité puissent être adoptées et mises en
œuvre dans un délai raisonnable.
23. Bien que ces deux critères revêtent une importance cruciale
pour le bon fonctionnement des institutions démocratiques, il convient
de parvenir à un compromis: une représentativité accrue va généralement
de pair avec une moindre gouvernabilité et inversement. Différents
systèmes électoraux produisent différents résultats: si certains
favorisent une meilleure représentativité en garantissant des sièges
à un plus grand nombre de partis au prix d’une fragmentation accrue
des institutions, d’autres assurent une meilleure gouvernabilité
en garantissant une forte majorité aux grands partis au prix de
l’exclusion des petites formations. Je crois fermement qu'une représentation
équitable de la volonté des électeurs, c'est-à-dire la représentativité, doit
avoir la priorité sur la gouvernabilité si celle-ci se fait au détriment
de la première.
3.3. Réforme
des systèmes électoraux en vue d’améliorer la démocratie et de façonner
les systèmes politiques
24. Les systèmes électoraux ont
une forte influence réciproque sur la structure politique d’un pays,
y compris le nombre de partis représentés au parlement et l’importance
relative de la représentation des partis et, par conséquent, sur
la formation du gouvernement et le choix des politiques publiques.
25. Comme indiqué plus haut, la stabilité du droit électoral figure
parmi les principes fondamentaux du patrimoine électoral européen.
Toutefois, la démocratie elle-même ne cessant d’évoluer et de se
trouver confrontée à de nouveaux défis, il est normal que lesdits
systèmes doivent eux-mêmes être actualisés. Toute réforme du système
électoral d’un pays donné ne manquera pas de modifier son paysage
politique et peut contribuer à la consolidation de la démocratie.
Selon la Commission de Venise:
«La
réussite d’une réforme électorale repose sur au moins trois éléments:
1) une législation claire et complète qui respecte les normes internationales
et tient compte des recommandations antérieures; 2) l’adoption de
la législation par un large consensus après de vastes consultations
publiques avec toutes les parties prenantes; 3) l’engagement politique
de mettre en œuvre pleinement la législation électorale, de bonne
foi» .
26. À supposer qu’un système électoral doive être réformé, ce
processus devra être mené de manière à garantir les intérêts de
tous les acteurs pertinents. Une réforme électorale mise en œuvre
de manière unilatérale par les forces politiques au pouvoir ne pourrait
qu’affecter la stabilité à long terme du système et, par conséquent,
miner sa légitimité.
4. Avantages
et inconvénients respectifs des principales catégories de systèmes
électoraux
4.1. Typologie
des systèmes électoraux
27. Dans cette section, je me concentrerai
principalement sur les élections à des organes représentatifs comprenant
plusieurs sièges, c’est-à-dire les parlements, ainsi que les assemblées
régionales et locales.
28. Les systèmes électoraux en Europe se caractérisent par leur
extrême diversité, de sorte qu’il est quasiment impossible de trouver
deux systèmes rigoureusement identiques. En outre, dans certains
cas, les systèmes électoraux diffèrent aux niveaux national et infranational
dans un même pays (par exemple en Allemagne et au Royaume-Uni).
En fait, chaque système est le résultat d’un consensus politique
et reflète une histoire et des caractéristiques propres au pays
en question.
29. Il reste cependant possible de catégoriser cette diversité
en plusieurs types génériques en fonction de leurs principes sous-jacents
respectifs et de la manière dont ceux-ci se traduisent concrètement
au niveau politique.
30. À l’une des extrémités du spectre, on trouve les systèmes
électoraux conçus sur le principe de majorité de manière à augmenter
la concentration du système de parti et, par conséquent, à renforcer
la gouvernabilité du système. L’exemple le plus caractéristique
de ce type est le mode de scrutin en usage en Grande-Bretagne qui
repose sur un système majoritaire à un tour dans des circonscriptions
uninominales (scrutin uninominal à un tour), parfois également désigné
sous l’appellation « le gagnant remporte tout». Le candidat qui
obtient plus de voix que les autres est élu au tour unique
.
31. Parmi les autres systèmes fondés sur le même principe, il
convient de citer le système uninominal à deux tours en usage en
France: le candidat ayant recueilli 50 % des voix plus une est élu
dès le premier tour et, si aucun candidat n’obtient ce score, un
deuxième tour est organisé conformément à la règle de la majorité simple.
32. À l’autre extrémité du spectre, on trouve les systèmes électoraux
basés sur le principe de la représentation proportionnelle. Conçus
pour assurer la meilleure corrélation possible entre la part des
voix accordée à un parti donné et le nombre de sièges obtenus par
ce dernier, ils privilégient la représentativité de l’organe élu.
33. L’exemple «le plus pur» de ce système électoral se trouve
aux Pays-Bas, mais il est également en usage à quelques variantes
près (représentation proportionnelle au niveau national
,
représentation proportionnelle dans des circonscriptions plurinominales
,
représentation proportionnelle à plusieurs niveaux
)
dans la plupart des États membres du Conseil de l’Europe.
34. Enfin, il convient de mentionner les systèmes électoraux mixtes
ou hybrides qui tentent de combiner les avantages des systèmes proportionnels
et non proportionnels et incorporent des éléments de pluralité au scrutin
uninominal à un tour et au scrutin proportionnel au niveau national
, ainsi
que les systèmes de représentation proportionnelle mixte
.
35. S’agissant des élections directes à un poste unique (président,
gouverneur, maire, etc.), il existe deux systèmes basés respectivement
sur la majorité au deuxième tour et au premier tour. Le second prévoit l’élection
du candidat ayant obtenu le plus de voix; il est rarement utilisé
dans la mesure où il peut aboutir à l’entrée
en fonction d’un candidat rejeté par la plus grande partie des électeurs.
La plupart des pays ont donc recours au système de la majorité: pour
pouvoir remporter le scrutin au premier tour, le candidat doit obtenir
la majorité absolue (50 % des voix plus une) et, en l’absence d’un
gagnant au premier tour, le candidat retenu sera celui ayant obtenu
la majorité simple au deuxième tour.
4.2. Avantages
et inconvénients respectifs des divers types de systèmes électoraux
36. Comme indiqué plus haut, chaque
type de système électoral produit des résultats différents, de sorte que
les choix opérés dans ce domaine jouent un rôle déterminant dans
le façonnement du paysage politique d’un pays.
37. Le scrutin majoritaire favorise les partis politiques forts
et permet souvent à un parti d’obtenir une majorité parlementaire
et de former un gouvernement ne comprenant aucun membre d’une autre
formation. Il permet donc d’établir un gouvernement stable en mesure
de mettre en œuvre des politiques claires et sans compromis (bonne
gouvernabilité). La position dominante du parti gagnant est obtenue
aux dépens des petits partis et compromet gravement la représentation
de la diversité des opinions politiques et, par conséquent, la représentativité
de l’organe élu.
38. Dans les systèmes majoritaires, ce désavantage peut être partiellement
compensé lorsque les petits partis forment des alliances électorales
avant le second tour afin d’obtenir des sièges au sein de l’organe
élu. Cette pratique permet de renforcer la représentation de la
diversité des opinions politiques et, par là même, la représentativité
de l’organe concerné aux dépens de sa gouvernabilité (dans la mesure
où des accords de compromis devront être passés avant et après le
scrutin).
39. Le système de représentation proportionnelle pure garantit
un maximum de proportionnalité et la représentation du plus large
éventail possible d’opinions politiques, surtout lorsqu’il prévoit
un seuil bas (par exemple, aux Pays-Bas, le seuil est de 1/150e
du nombre total de suffrages valides, soit 0,67 %, de sorte que tout
parti obtenant ce résultat disposera d’un siège au parlement). Cette
diversité se traduit par des organes élus très fragmentés. Aucun
parti n’étant en mesure d’obtenir la majorité absolue des sièges,
plusieurs formations doivent coopérer pour former un gouvernement
de coalition, dont la capacité d’élaborer des politiques fortes
sera forcément affectée par les compromis nécessaires et la stabilité
menacée en cas de désaccord entre les partenaires.
40. La plupart des systèmes électoraux en Europe tendent à trouver
un certain équilibre entre la représentativité et la gouvernabilité,
sans pour autant parvenir à respecter scrupuleusement les deux critères en
même temps. Les systèmes conçus pour favoriser la gouvernabilité
en offrant des sièges supplémentaires aux partis les plus forts
afin de faciliter la formation d’un gouvernement ont inévitablement
un impact sur la représentation des petits partis. En conséquence,
une proportion plus ou moins importante des électeurs n’est pas
représentée.
41. D’autres aspects plus ou moins techniques de l’appareil électoral
(seuils, taille des circonscriptions, personnalisation des votes,
etc.) ont un impact sur le fonctionnement des systèmes électoraux
et leur capacité à remplir leur fonction essentielle, à savoir convertir
avec le plus de précision possible les suffrages exprimés en sièges
au sein de l’organe élu tout en assurant la fonctionnalité de ce
dernier.
42. Enfin et surtout, le fonctionnement d’un système électoral
et les résultats qu’il produit dépendent non seulement de sa conception
institutionnelle, mais aussi du contexte politique dans lequel il
opère.
4.3. Difficultés
à favoriser un système plutôt qu’un autre
43. Les systèmes de représentation
proportionnelle semblent donner de meilleurs résultats au regard
du degré de corrélation entre l’expression de la volonté des électeurs
et la composition de l’organe élu, mais il faut du courage politique
pour qualifier ces systèmes de plus démocratiques que les autres.
44. Comme indiqué plus haut (voir le paragraphe 21), la Commission
de Venise ne privilégie pas un système particulier par rapport à
un autre et les trouve tous également démocratiques (sous réserve
du respect des principes fondamentaux). Lors de l’audition organisée
par notre commission, M. Gianni Buquicchio, président de la Commission
de Venise, s’est montré réticent à l’idée de procéder à une évaluation
qualitative. Les deux experts ayant contribué à la rédaction du
présent rapport, MM. Krennerich et Grotz, partagent également cette
position. En particulier, selon le professeur Grotz: «Il est extrêmement
difficile, voire impossible, de fixer, pour les systèmes électoraux,
des normes uniformes qui aillent au-delà d’orientations très générales
(comme celles qui figurent dans le Code de bonne conduite en matière
électorale et dans d’autres documents élaborés par la Commission
de Venise)
».
45. L’une des raisons de cet état de choses tient au fait que
les systèmes électoraux font partie intégrante d’un paysage politique
plus large dans les pays concernés, lequel résulte de l’histoire,
de la culture et des traditions politiques nationales, ainsi que
d’un consensus entre les acteurs politiques et les électeurs. Pour juger
véritablement du fonctionnement de l’appareil politique d’un pays
donné, il faut en faire partie intégrante. Les points de vue extérieurs
peuvent s’avérer utiles pour procéder à une évaluation critique
de certains aspects spécifiques dudit fonctionnement et faire des
propositions d’amélioration, mais l’initiative de sa réforme doit émaner
des acteurs qui voient et expérimentent directement le système dans
sa globalité et reposer sur un large consensus national.
46. Il est compréhensible qu'une instance d'experts comme la Commission
de Venise ait des difficultés à faire des déclarations politiques.
En tant qu'organe politique, le rôle de notre Assemblée est précisément d'affirmer
clairement que les systèmes électoraux qui ne traduisent pas de
manière équitable la volonté des électeurs dans la composition d'un
organe élu ne peuvent pas être considérés comme pleinement démocratiques.
Nous devons donner une impulsion politique à la Commission de Venise
pour qu'elle reconsidère sa position sur la question et l'inviter
à élaborer, en coordination avec l'Assemblée, les normes minimales
permettant de définir un système électoral comme étant démocratique.
5. Autres
éléments garantissant le fonctionnement correct d’un système électoral
47. Les systèmes électoraux ont
une certaine influence sur la compétition électorale et, plus largement,
sur le fonctionnement du système politique. Certains éléments spécifiques
des systèmes électoraux peuvent créer des difficultés supplémentaires
pour l’organisation d’élections démocratiques, difficultés dont
il conviendra de tenir compte en cas de mise à jour des documents
normatifs pertinents.
5.1. Stabilité
et clarté du droit électoral
48. La stabilité du droit électoral
est cruciale pour la crédibilité du processus électoral. Quel que
soit le type de système en vigueur, il convient d’éviter que celui-ci
soit modifié trop souvent en particulier juste avant les élections.
En outre, la législation pertinente doit réglementer de manière
claire et complète tous les aspects du processus électoral.
5.2. Découpage
des circonscriptions
49. La répartition des sièges législatifs
sur un territoire donné et le découpage des circonscriptions électorales
sont essentiels à la tenue d’élections compétitives. Les questions
de redistribution et de réajustement des circonscriptions électorales
sont donc importantes pour tous les systèmes électoraux prévoyant
des circonscriptions uninominales ou plurinominales.
50. Afin de garantir l’égalité des droits de vote, les sièges
doivent être répartis également entre les circonscriptions sur la
base du nombre de citoyens ou d’électeurs inscrits. Dans plusieurs
États membres du Conseil de l’Europe, les fortes inégalités entre
circonscriptions – en ce qui concerne le nombre de votes requis pour
obtenir un mandat – peuvent être incompatibles avec le principe
d’égalité du vote.
51. De plus, tous les systèmes électoraux reposant sur des circonscriptions
courent le risque de voir celles-ci découpées de manière à favoriser
certains partis ou candidats. Même en présence d’un organe indépendant et
impartial chargé de cette tâche, chaque modification de la carte
électorale provoque immanquablement des querelles partisanes et
de vifs débats.
5.3. Circonscriptions
uninominales
52. Les circonscriptions uninominales
peuvent favoriser une relation étroite entre les électeurs et leurs représentants.
Elles peuvent cependant aussi encourager la corruption et la fraude
dans les pays où la culture politique démocratique n’est pas suffisamment
ancrée. Ceci, parce qu’il est plus facile de manipuler les élections
au niveau des circonscriptions qu’au niveau régional ou national.
Dans un certain nombre de « nouvelles démocraties », les éléments
empruntés au scrutin majoritaire dans les systèmes électoraux mixtes font
l’objet de critiques en raison de leur grande vulnérabilité aux
fraudes.
5.4. Droit
de vote des citoyens résidant à l’étranger
53. Il est de plus en plus admis
d’autoriser les citoyens résidant à l’étranger à participer aux
élections nationales. Dans le cas d’un scrutin proportionnel au
niveau national, le vote des intéressés peut être facilement géré,
puisqu’il n’existe qu’une seule circonscription. Lorsque le mode
de scrutin repose sur des circonscriptions uninominales ou plurinominales,
cependant, les électeurs résidant à l’étranger seront affectés à
des circonscriptions ou des circonscriptions spécifiques seront
créées pour eux. Il conviendrait d’adopter à cette fin des critères
clairs et compréhensibles.
54. En Allemagne, par exemple, les électeurs de l’étranger sont
affectés à la circonscription électorale de leur dernière résidence.
Dans un certain nombre d’autres pays, ces électeurs disposent de
leurs propres circonscriptions. Toutefois, pour garantir le principe
du droit de vote égal, il convient d’accorder une attention particulière
à l’égalité de la répartition des électeurs entre les circonscriptions
nationales et étrangères.
5.5. Candidatures
indépendantes
55. En présence d’un système de
représentation proportionnelle au niveau national ou même de circonscriptions,
il arrive parfois que seuls les partis politiques ou les alliances
électorales soient autorisés à se présenter aux élections, à l’exclusion
de candidats indépendants. Pourtant, même avec les systèmes de représentation
proportionnelle, il faudrait autoriser également ce type de candidatures.
5.6. Classement
des candidats sur les listes de partis
56. Dans tous les systèmes de listes
proportionnelles, il devrait être interdit aux partis de modifier
le classement des candidats sur une liste électorale après le scrutin.
L’électeur est en effet censé savoir pour qui il vote et sa décision
doit être respectée. Dans le cas contraire, l’appareil du parti
disposerait d’un pouvoir excessif et notamment de la faculté d’attribuer
un mandat électif à un candidat pour lequel les électeurs n’ont pas
voté. La concentration du pouvoir politique au sein d'un cercle
étroit de responsables de parti, notamment concernant la prise de
décision sur le classement des candidats sur les listes électorales,
crée le risque de transformer la démocratie en «partitocratie».
5.7. Exigences
relatives au taux de participation
57. Dans certains pays, le droit
électoral impose un taux de participation minimum pour que le scrutin
soit considéré comme valide. Dans le cas où le seuil de participation
n'a pas été atteint, l'élection doit être considérée comme n'ayant
pas eu lieu et une nouvelle élection serait inutile car elle entraînerait
normalement une participation encore plus faible. Cela empêcherait
la création même de l'organe à élire et entraînerait donc une crise
institutionnelle. En outre, dans la mesure où une telle exigence
peut s’avérer arbitraire, en l’absence d’un processus rigoureux
d’inscription des électeurs, l’application du taux minimum pourrait
poser problème dans certains pays et pourrait provoquer des tentatives
de fraudes dans la communication des taux de participation.
5.8. Seuils
légaux
58. La question des seuils légaux
de représentation suscite des controverses. Cette technique permet d’exiger
d’un parti qu’il obtienne une part minimale de suffrages valides
pour pouvoir participer à la distribution des sièges. L’objectif
principal est d’éviter la fragmentation des partis et de permettre
la formation de gouvernements stables en excluant les petits partis
au moment de la conversion des voix en sièges. Il s’agit donc d’un
but légitime. Toutefois, du point de vue de la représentativité,
un taux élevé, surtout au niveau national, peut s’avérer problématique.
Par exemple, le seuil légal de 10 % applicable aux élections nationales en
Turquie est le plus élevé de tous les États membres du Conseil de
l’Europe et soulève de nombreuses critiques, y compris de la part
de l’Assemblée.
59. Pourtant, la recommandation générale de l’Assemblée en faveur
d’un abaissement des seuils légaux supérieurs à 3 %
mériterait de faire
l’objet d’un examen plus approfondi. En Europe, la plupart des seuils sont
fixés à 5 %. En outre, les effets du seuil dépendent non seulement
du pourcentage, mais également du niveau et de la phase de son application.
De plus, dans les systèmes de représentation proportionnelle reposant
sur des petites et moyennes circonscriptions, les seuils « naturels »
sont nettement supérieurs à 3 % au niveau desdites circonscriptions.
60. La question de savoir si l’on devrait appliquer des seuils
légaux différents aux partis et aux alliances électorales reste
ouverte. En outre, il semble logique que les seuils soient calculés
sur la base des suffrages valides exprimés (et non sur la base du
nombre total des suffrages exprimés).
5.9. Participation
équilibrée des femmes et hommes et représentation égale des femmes
61. Il existe un large consensus
sur la nécessité d’accroître la représentation parlementaire des
femmes. La démocratie est forcément incomplète si la moitié de la
population ne jouit pas d’une représentation appropriée.
62. Les quotas obligatoires ou volontaires de femmes pour les
partis présentant des candidats ou des listes de candidats peuvent
être considérés comme une « voie rapide » vers la représentation
accrue des femmes au parlement, à condition de prévoir non seulement
une forte proportion de candidates, mais aussi des règles strictes
relatives à la place des intéressées sur les listes et des sanctions
efficaces en cas de non-respect. L’augmentation du financement public
des partis politiques encourageant la participation de femmes comme candidates
pourrait constituer une autre possibilité à envisager.
63. En ce qui concerne le type de système électoral, il est généralement
plus facile pour les femmes d’avoir accès au parlement dans le cadre
d’une représentation proportionnelle. Ce système semble en effet
plus propice à la nomination et à l’élection de femmes, surtout
en présence de grandes circonscriptions ou d’une circonscription
nationale unique. Plus il y a de députés élus par circonscription
(taille de la circonscription) et plus le nombre de sièges qu'un
parti s'attend à remporter (taille du parti) est grand, plus les
stratégies d'équilibrage des listes pour inclure les femmes sont
significatives.
64. Pour la même raison, le seuil légal peut étonnamment jouer
en faveur de la représentation accrue des femmes. Bien qu’elle exclue
les petits partis (qui peuvent représenter les intérêts des femmes),
cette technique permet aux partis franchissant le seuil requis d’obtenir
suffisamment de sièges pour pouvoir mieux respecter la parité.
65. Il est difficile de formuler une recommandation générale concernant
le format des listes dans le cadre d’un système de représentation
proportionnelle. En fonction des conditions prévalant dans chaque
pays, les listes fermées ou ouvertes peuvent en effet aussi bien
favoriser les femmes que les pénaliser.
66. Enfin, il convient de préciser que le choix de tel ou tel
système électoral ne saurait à lui seul accroître la représentation
des femmes dans la vie politique et publique. Des mesures complémentaires
sont nécessaires.
5.10. Représentation
des minorités nationales
67. Nombreux sont les pays dans
lesquels des voix se font de plus en plus entendre en faveur d’une meilleure
représentation des minorités nationales au parlement. Dans un tel
contexte, le choix d’un système électoral adéquat peut faciliter
ladite représentation. S’agissant de minorités nationales géographiquement éparpillées
sur le territoire national et non regroupées dans des bastions,
les systèmes de représentation proportionnelle basés sur de larges
circonscriptions ou une circonscription unique paraissent indiqués,
surtout lorsque les listes des partis représentant une minorité
ne sont pas soumises au seuil légal. S’agissant de minorités nationales
concentrées dans une région, cependant, les systèmes de représentation
proportionnelle basés sur de petites circonscriptions, voire les
systèmes majoritaires basés sur des circonscriptions uninominales,
peuvent garantir eux aussi la représentation des membres desdites
minorités.
68. Da manière alternative ou complémentaire, certaines dispositions
réservent des sièges affectés séparément aux minorités nationales.
Toutefois en cas d’application de règles spéciales aux minorités nationales,
il convient de fixer dans la loi des critères précis permettant
de déterminer celles bénéficiant de privilèges comme l’exemption
du seuil ou la réservation de sièges.
5.11. Autres
questions soulevées au sein de la commission
69. Pendant la discussion au sein
de la commission, un certain nombre de mes collègues ont soulevé d’autres
questions s’étant fait jour ces dernières années et susceptibles
d’affecter le fonctionnement des systèmes électoraux et, in fine, la qualité du processus
démocratique. Il s’agit notamment: de la transition vers la société
de l’information et du rôle et de l’influence sans précédent des
réseaux sociaux; de l'utilisation abusive des médias traditionnels
et sociaux pour diffuser des informations biaisées et de fausses
informations; de la fluidité des paysages politiques nationaux avec
l’émergence rapide de nouveaux visages et de nouveaux acteurs (partis
et mouvements politiques, par exemple) au détriment des paysages
politiques «traditionnels»; de l’influence croissante des partis
qui tend à primer sur le choix des électeurs; des marges potentielles
d’abus dans l’utilisation de la publicité politique, etc. La liste
est loin d’être exhaustive.
70. Même si ces questions méritent d’être prises en considération,
je me demande dans quelle mesure elles pourraient faire l’objet
de réglementations uniformes au niveau européen. Bon nombre de mes
collègues conviennent qu’une bonne culture politique générale est
indispensable au fonctionnement correct de tout système électoral.
Même si cet objectif est louable et mérite d’être promu, il est
difficile d’imaginer comment un tel fonctionnement pourrait être
assuré sur la seule base d’une codification idoine. En tout état
de cause, il convient d'attirer l'attention sur un rapport conjoint
que la Commission de Venise a préparé avec la Direction de la société
de l'information et de la lutte contre la criminalité du Conseil
de l'Europe sur les technologies numériques et les élections, adopté
en juin 2019
. La Commission de Venise a également
décidé de préparer une liste de principes pour l'utilisation des
technologies numériques dans le respect des droits de l'homme, en rapport
avec les élections.
6. Conclusions
71. Il existe en Europe une grande
variété de systèmes électoraux, tant sur le plan de la législation
que de la mise en œuvre pratique. Cette variété – héritage des histoires,
des cultures et des traditions politiques diverses – traduit un
consensus entre les acteurs politiques et la société dans son ensemble.
À ce titre, elle constitue un véritable patrimoine électoral européen.
72. Les principes fondamentaux d’élections démocratiques sont
résumés et expliqués dans le Code de bonne conduite en matière électorale
(2002) élaboré par la Commission de Venise en collaboration avec l’Assemblée
parlementaire, lequel est largement reconnu comme un document clé
du Conseil de l’Europe visant à promouvoir l’harmonisation des normes
électorales et à servir de référence pour l’évaluation des élections.
73. Les systèmes électoraux de différents pays reposent sur des
principes politiques différents et produisent des résultats qui
varient en termes de représentativité et de gouvernabilité. En particulier,
les différents systèmes électoraux n'offrent pas le même degré d'équité
lorsqu'il s'agit de convertir les suffrages en mandats politiques
et en sièges au parlement. Dans certains systèmes électoraux, même
si les règles juridiques sont respectées, une grande partie des
électeurs n’est pas représentée dans les institutions élues ou ne
voit pas au parlement les candidats pour lesquels elle a voté. A
l’inverse, certains systèmes offrent aux partis vainqueurs des majorités
parlementaires qui dépassent largement le soutien réel dont ils
bénéficient parmi les citoyens.
74. Cette incohérence entre légalité et légitimité mine la confiance
du public dans le processus démocratique et crée un terrain fertile
pour le populisme et l'extrémisme. Lorsqu’un système électoral ne parvient
pas à empêcher un important décalage entre les choix politiques
des électeurs tels qu’ils sont exprimés par les élections et la
composition des institutions élues, c’est un signe de déficit démocratique
et son équité est mise en doute.
75. Le Code de 2002 n’établit aucun critère spécifique obligatoire
qu’un système électoral doit respecter pour être considéré comme
équitable et démocratique. Cette lacune doit être comblée. En conséquence,
la Commission de Venise devrait être invitée à réfléchir au problème
de l'incapacité systémique de certains systèmes électoraux à convertir
les votes en sièges de manière équitable et à réfléchir aux moyens
d'établir des normes minimales auxquelles les systèmes électoraux
devront se conformer pour être considérés comme garantissant non
seulement des élections libres mais également l’équité des résultats
qui en découlent.
76. En outre, la démocratie est un processus vivant. Les lignes
directrices en matière électorale devront peut-être faire l’objet
d’une mise à jour afin de suivre l’évolution des réalités politiques
observées dans nos sociétés et d’affronter les nouveaux défis. Ma
principale proposition est donc d’examiner si le Code de 2002 devrait
être mis à jour pour tenir compte de cette évolution et également,
dans la mesure du possible, des résolutions pertinentes de l’Assemblée
et des travaux de la Commission de Venise sur certaines questions spécifiques
liées à la conduite des élections.
77. Par ailleurs, les rapports et avis de la Commission de Venise
établis par pays contiennent une mine d’informations analytiques
sur la diversité du cadre juridique et des pratiques politiques
réelles observées lors des élections dans de nombreux États membres
du Conseil de l’Europe. Ces documents contiennent également des
propositions concrètes sur les moyens de remédier aux insuffisances
systémiques et aux dysfonctionnements pratiques. Il conviendrait
de prendre également en considération ces propositions au moment
d’évaluer la nécessité de mettre à jour et d’affiner le Code.