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Résolution 2318 (2020)
La protection de la liberté de religion ou de conviction sur le lieu de travail
1. L’Assemblée parlementaire rappelle
que l’Europe est le foyer d’un large éventail de confessions religieuses
et qu’elle promeut la culture du «vivre ensemble», reposant sur
le pluralisme religieux. Elle a condamné à de nombreuses reprises
les actes d’intolérance et de discrimination fondés sur la religion
ou les convictions, et a appelé les États membres du Conseil de
l’Europe à prendre des mesures plus fortes pour lutter contre de
tels actes.
2. L’Assemblée rappelle sa Résolution
2036 (2015), «Combattre l’intolérance et la discrimination
en Europe, notamment lorsqu’elles visent des chrétiens», sa Résolution 2076 (2015) «Liberté
de religion et vivre ensemble dans une société démocratique», sa Résolution 1928 (2013) «Sauvegarder
les droits de l’homme en relation avec la religion et la conviction,
et protéger les communautés religieuses de la violence», ainsi que sa Résolution 1846 (2011) et
sa Recommandation 1987
(2011) «Combattre toutes les formes de discrimination
fondées sur la religion».
3. L’Assemblée rappelle que la liberté de pensée, de conscience
et de religion représente un droit de l’homme universel consacré
dans l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme,
dans l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques, et dans l’article 9 de la Convention européenne des
droits de l’homme (STE no 5, la Convention).
En outre, la discrimination fondée sur la religion ou les convictions
est interdite par l’article 26 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, l’article 14 de la Convention et l’article
1 du Protocole no 12 à la Convention
(STE no 177).
4. La liberté de pensée, de conscience et de religion présente
à la fois un aspect interne et un aspect externe. L’aspect interne,
c’est-à-dire le droit d’avoir ou non une conviction et de changer
de religion ou de conviction selon sa conscience, est un droit absolu
qui ne peut faire l’objet de restrictions. L’aspect externe, c’est-à-dire
la liberté de manifester sa religion ou sa conviction «individuellement
ou collectivement, en public ou en privé», n’est pas un droit absolu.
Toute restriction qui lui est imposée doit cependant être «prévue
par la loi» et «nécessaire, dans une société démocratique,» à la
poursuite d’un but légitime. Ces buts légitimes sont la sécurité
publique, la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale
publics, ou la protection des droits et libertés d’autrui. Cela
signifie notamment que toute ingérence dans la manifestation d’une
religion ou d’une conviction doit être proportionnée au but légitime
poursuivi.
5. L’Assemblée rappelle que la liberté de manifester sa religion
ou ses convictions s’applique également sur le lieu de travail et
que la Cour européenne des droits de l’homme a élaboré une jurisprudence
approfondie sur cette question. Elle souligne également que la religion
représente un aspect essentiel de l’identité d’une personne et que
l’identité religieuse englobe la pratique et les convictions religieuses.
Comme de nombreuses personnes passent une part importante de leur
vie quotidienne au travail, la garantie de la non-discrimination à
l’égard des employés au motif de leur religion ou de leurs convictions
revêt une importance cruciale.
6. L’Assemblée observe également que la présence de membres de
groupes religieux ou non religieux différents peut être source de
défis sur le lieu de travail, que certains employeurs peuvent essayer
de résoudre en imposant des règles à première vue «neutres». Toutefois,
l’application de règles à première vue neutres sur le lieu de travail,
comme celles qui prescrivent certaines tenues vestimentaires, les
régimes alimentaires, les jours fériés ou la réglementation du travail,
peut entraîner une discrimination indirecte des représentants de
certains groupes religieux, même s’ils ne sont pas visés précisément.
7. L’Assemblée réaffirme l’obligation des États membres de garantir
la non-discrimination sur le lieu de travail, y compris celle motivée
par la religion ou les convictions. La liberté des employés de manifester
leur religion ou leurs convictions peut uniquement être assortie
de restrictions conformes aux normes du droit international des
droits de l'homme, nécessaires et proportionnées, et poursuivant
un but légitime.
8. L’Assemblée appelle par conséquent les États membres du Conseil
de l’Europe:
8.1. à promouvoir une
culture de la tolérance et du «vivre ensemble» dans une société
de pluralisme religieux, conformément aux articles 9 et 14 de la
Convention et aux autres instruments juridiques internationaux relatifs
à la protection des droits de l’homme;
8.2. à veiller à ce que le droit à la liberté de pensée, de
conscience et de religion de toute personne relevant de leur compétence
soit respecté sans porter atteinte à quiconque dans les autres droits garantis
par la Convention et les autres instruments internationaux des droits
de l'homme;
8.3. à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour lutter
contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions
dans tous les domaines de la vie civile, économique, politique et
culturelle.
9. Compte tenu de l’importance du droit de manifester sa religion
ou ses convictions sur son lieu de travail, l’Assemblée appelle
les États membres du Conseil de l’Europe:
9.1. à adopter une législation anti-discrimination efficace,
qui englobe l’interdiction de la discrimination fondée sur la religion
ou les convictions, et à mettre en place des mécanismes de suivi adéquats
pour évaluer sa mise en œuvre, si cela n’a pas encore été fait;
9.2. à prendre des mesures législatives et toute autre mesure
appropriée, afin de garantir que les employés puissent dénoncer
les violations de leur droit à la non-discrimination fondée sur
la religion ou les convictions;
9.3. à établir des mécanismes adéquats, judiciaires ou autres,
pour traiter les plaintes pour discrimination fondée sur la religion,
les convictions ou tout autre motif interdit;
9.4. à dispenser une formation et des conseils aux employeurs
des secteurs public et privé, afin de les sensibiliser aux notions
de religion et de diversité religieuse, ainsi qu’au droit à la non-discrimination;
9.5. à encourager le dialogue entre les employeurs, les communautés
religieuses, les syndicats et les organisations non gouvernementales
qui œuvrent en faveur de la protection des droits de l’homme, afin de
favoriser la coopération et la tolérance;
9.6. à promouvoir l’action des institutions nationales des
droits de l’homme en matière de lutte contre la discrimination,
y compris la discrimination indirecte fondée sur la religion ou
les convictions, et à les encourager à développer des activités
de formation à l’intention des employeurs aussi bien du secteur public
que du secteur privé.