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Résolution 2321 (2020)

Obligations internationales relatives au rapatriement des enfants des zones de guerre et de conflits

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 30 janvier 2020 (7e séance) (voir Doc. 15055, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: M. Stefan Schennach). Texte adopté par l’Assemblée le 30 janvier 2020 (7e séance).Voir également la Recommandation 2169 (2020).

1. L’Assemblée parlementaire est profondément préoccupée par la désastreuse situation des enfants en Syrie et en Irak dont les parents, considérés comme ayant fait allégeance à Daech, sont ressortissants des États membres du Conseil de l’Europe. La plupart de ces enfants sont âgés de moins de 12 ans, abandonnés dans des camps et des centres de détention sordides; ils manquent de nourriture, de refuge contre les éléments, d’accès à l’eau potable, de services médicaux et d’éducation. Ils sont exposés à des risques de violence endémique, d’exploitation et d’abus sexuel, de trafic, de harcèlement et de radicalisation. Les filles sont particulièrement vulnérables. Une approche et des politiques tenant compte du genre doivent être mises en place partout pour atténuer risques et vulnérabilité. Bon nombre de ces enfants ne sont pas accompagnés et/ou sont orphelins. Au fil des jours, ces enfants seront de plus en plus nombreux à perdre la vie ou à voir leur existence brisée, à moins que les États membres concernés n’agissent sans plus tarder.
2. L’Assemblée reconnaît les difficultés considérables et les défis auxquels les autorités nationales sont confrontées pour rapatrier ces enfants, ainsi que l’extrême polarisation des opinions au sujet de ces rapatriements au sein des États membres du Conseil de l’Europe. L’Assemblée souligne que ces enfants ne sont pas responsables des actes de leurs parents ni des situations dans lesquelles ils se trouvent. En outre, comme le stipule la Convention internationale relative aux droits de l'enfant (CIDE), l'Assemblée souligne que les enfants sont titulaires de droits à titre personnel et que leurs droits ne peuvent donc pas être compromis par les actions de leurs parents.
3. L’Assemblée rappelle que les États membres du Conseil de l’Europe ont tous ratifié la CIDE, ainsi que les autres conventions applicables. Ils ont par conséquent pris l’engagement de protéger tous les enfants et de prendre toutes les mesures possibles pour garantir que les enfants touchés par les conflits armés bénéficient d’une protection et d’une prise en charge. Les Nations Unies, leur Conseil de sécurité et leurs agences ont tous rappelé que les enfants dont on estime que les parents ont fait allégeance à Daech devraient être considérés avant tout comme des victimes.
4. L'Assemblée souligne que la CIDE stipule clairement qu'un enfant ne doit pas être séparé de ses parents contre leur gré, à moins qu'une telle séparation ne soit nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Rester dans des camps ou des centres de détention ne peut être considéré comme étant dans l'intérêt supérieur de l'enfant.
5. L’Assemblée rappelle aux États membres leurs obligations et engagements à l’égard de ces enfants, qui découlent du droit international et européen des droits humains et du droit humanitaire; ces droits incluent, sans s’y limiter, la protection du droit à la vie; le droit de ne pas subir de mauvais traitements; la protection contre toute forme de violence physique ou psychologique, de préjudice ou d’abus, de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris d’abus sexuels; de protection contre l’apatridie; ainsi que la nécessité de tenir compte avant tout de l’intérêt supérieur de l’enfant en toutes circonstances. Les États sont également tenus de mettre en place des procédures efficaces pour l’établissement de programmes sociaux afin de fournir aux enfants et à ceux qui en ont la charge l’aide dont ils ont besoin, et de prendre toutes les mesures nationales, bilatérales et multilatérales appropriées pour prévenir l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants à quelque fin ou sous quelque forme que ce soit.
6. À la lumière de ce qui précède, l’Assemblée est convaincue que le fait de procéder activement au rapatriement, à la réadaptation et à la (ré)intégration de ces enfants sans plus tarder est une obligation relevant des droits humains et un devoir humanitaire. La prise en considération des droits de l'enfant dans les mesures de lutte contre le terrorisme représente non seulement un impératif sur le plan des droits humains, mais elle constitue aussi une contribution essentielle à la sécurité nationale des pays concernés.
7. L'Assemblée appelle les médias à veiller à ce que la couverture médiatique ne fasse pas courir aux enfants un risque de préjudice physique ou psychologique. Des standards éditoriaux pour les médias, des codes de conduite et autres garanties devraient être mis en œuvre pour éviter de mettre les enfants en danger, de violer les normes de confidentialité et de causer des dommages aux enfants ou à leur famille, comme le soulignent les Principes et lignes directrices sur les enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés (Principes de Paris).
8. À cette fin, l’Assemblée invite instamment les États membres:
8.1. en matière de rapatriement:
8.1.1. à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour assurer le rapatriement immédiat de tous les enfants dont les parents, considérés comme ayant fait allégeance à Daech, sont ressortissants de leur État, indépendamment de leur âge ou de leur degré d’implication dans le conflit;
8.1.2. à rapatrier les enfants en compagnie de leur mère ou de la personne qui en a principalement la charge, sauf si cette mesure n’est pas conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant;
8.1.3. à éviter de prendre des mesures qui pourraient faire d’un enfant un apatride et à s’assurer que chaque enfant est enregistré;
8.1.4. à dispenser une aide d’urgence à l’ensemble des enfants dans les camps et les centres de détention de Syrie et d’Irak, en vue d’atténuer la crise humanitaire qui règne dans ces installations, et à prodiguer des soins et une protection durables à tous les enfants victimes, quelle que soit leur nationalité;
8.1.5. à sensibiliser l’opinion publique à la situation des enfants concernés en se fondant sur des données fiables, afin d’atténuer les inquiétudes des citoyens sur le plan de la sécurité nationale;
8.2. en matière de réadaptation et de (ré)intégration:
8.2.1. à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour assurer la réadaptation et la (ré)intégration effectives de tous les enfants rapatriés dont les parents, considérés comme ayant fait allégeance à Daech, sont ressortissants de leur État;
8.2.2. à prendre en premier lieu toutes les mesures adéquates pour promouvoir le rétablissement physique et psychologique et la réinsertion sociale de ces enfants, indépendamment de leur âge ou de leur degré d’implication dans le conflit;
8.2.3. lorsque les enfants sont soupçonnés d’avoir commis des actes criminels, à respecter les garanties d’une procédure régulière et les normes applicables à un procès équitable, y compris la présomption d’innocence et le droit d’interjeter appel, en tenant compte à bon escient de leur âge et de leur sexe, dans le respect des normes applicables à la protection de l’enfance et à une justice adaptée aux enfants; et, si possible, à écarter les enfants de ces procédures pénales.
9. L’Assemblée invite instamment l’Union européenne à intégrer une approche fondée sur les droits humains et une perspective des droits de l’enfant dans ses efforts de lutte contre le terrorisme. Cette perspective doit être au cœur de la politique visant à «promouvoir le mode de vie européen», protéger les valeurs et les citoyens européens, et permettre l’émergence d’une société plus résiliente au terrorisme et au radicalisme. L’Assemblée encourage l’Union européenne à poursuivre son soutien aux acteurs investis dans la réadaptation et la (ré)intégration des enfants rapatriés (justice, services sociaux, collectivités territoriales, universités, société civile, etc.) et l’invite avec l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe à partager les résultats et les leçons apprises.