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Résolution 2321 (2020)
Obligations internationales relatives au rapatriement des enfants des zones de guerre et de conflits
1. L’Assemblée parlementaire est profondément
préoccupée par la désastreuse situation des enfants en Syrie et
en Irak dont les parents, considérés comme ayant fait allégeance
à Daech, sont ressortissants des États membres du Conseil de l’Europe.
La plupart de ces enfants sont âgés de moins de 12 ans, abandonnés dans
des camps et des centres de détention sordides; ils manquent de
nourriture, de refuge contre les éléments, d’accès à l’eau potable,
de services médicaux et d’éducation. Ils sont exposés à des risques
de violence endémique, d’exploitation et d’abus sexuel, de trafic,
de harcèlement et de radicalisation. Les filles sont particulièrement
vulnérables. Une approche et des politiques tenant compte du genre
doivent être mises en place partout pour atténuer risques et vulnérabilité.
Bon nombre de ces enfants ne sont pas accompagnés et/ou sont orphelins.
Au fil des jours, ces enfants seront de plus en plus nombreux à
perdre la vie ou à voir leur existence brisée, à moins que les États
membres concernés n’agissent sans plus tarder.
2. L’Assemblée reconnaît les difficultés considérables et les
défis auxquels les autorités nationales sont confrontées pour rapatrier
ces enfants, ainsi que l’extrême polarisation des opinions au sujet
de ces rapatriements au sein des États membres du Conseil de l’Europe.
L’Assemblée souligne que ces enfants ne sont pas responsables des
actes de leurs parents ni des situations dans lesquelles ils se
trouvent. En outre, comme le stipule la Convention internationale
relative aux droits de l'enfant (CIDE), l'Assemblée souligne que les
enfants sont titulaires de droits à titre personnel et que leurs
droits ne peuvent donc pas être compromis par les actions de leurs
parents.
3. L’Assemblée rappelle que les États membres du Conseil de l’Europe
ont tous ratifié la CIDE, ainsi que les autres conventions applicables.
Ils ont par conséquent pris l’engagement de protéger tous les enfants
et de prendre toutes les mesures possibles pour garantir que les
enfants touchés par les conflits armés bénéficient d’une protection
et d’une prise en charge. Les Nations Unies, leur Conseil de sécurité
et leurs agences ont tous rappelé que les enfants dont on estime
que les parents ont fait allégeance à Daech devraient être considérés
avant tout comme des victimes.
4. L'Assemblée souligne que la CIDE stipule clairement qu'un
enfant ne doit pas être séparé de ses parents contre leur gré, à
moins qu'une telle séparation ne soit nécessaire dans l'intérêt
supérieur de l'enfant. Rester dans des camps ou des centres de détention
ne peut être considéré comme étant dans l'intérêt supérieur de l'enfant.
5. L’Assemblée rappelle aux États membres leurs obligations et
engagements à l’égard de ces enfants, qui découlent du droit international
et européen des droits humains et du droit humanitaire; ces droits
incluent, sans s’y limiter, la protection du droit à la vie; le
droit de ne pas subir de mauvais traitements; la protection contre
toute forme de violence physique ou psychologique, de préjudice
ou d’abus, de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation,
y compris d’abus sexuels; de protection contre l’apatridie; ainsi
que la nécessité de tenir compte avant tout de l’intérêt supérieur
de l’enfant en toutes circonstances. Les États sont également tenus
de mettre en place des procédures efficaces pour l’établissement
de programmes sociaux afin de fournir aux enfants et à ceux qui
en ont la charge l’aide dont ils ont besoin, et de prendre toutes
les mesures nationales, bilatérales et multilatérales appropriées
pour prévenir l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants à quelque
fin ou sous quelque forme que ce soit.
6. À la lumière de ce qui précède, l’Assemblée est convaincue
que le fait de procéder activement au rapatriement, à la réadaptation
et à la (ré)intégration de ces enfants sans plus tarder est une
obligation relevant des droits humains et un devoir humanitaire.
La prise en considération des droits de l'enfant dans les mesures de
lutte contre le terrorisme représente non seulement un impératif
sur le plan des droits humains, mais elle constitue aussi une contribution
essentielle à la sécurité nationale des pays concernés.
7. L'Assemblée appelle les médias à veiller à ce que la couverture
médiatique ne fasse pas courir aux enfants un risque de préjudice
physique ou psychologique. Des standards éditoriaux pour les médias,
des codes de conduite et autres garanties devraient être mis en
œuvre pour éviter de mettre les enfants en danger, de violer les
normes de confidentialité et de causer des dommages aux enfants
ou à leur famille, comme le soulignent les Principes et lignes directrices
sur les enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés (Principes
de Paris).
8. À cette fin, l’Assemblée invite instamment les États membres:
8.1. en matière de rapatriement:
8.1.1. à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour assurer
le rapatriement immédiat de tous les enfants dont les parents, considérés
comme ayant fait allégeance à Daech, sont ressortissants de leur
État, indépendamment de leur âge ou de leur degré d’implication
dans le conflit;
8.1.2. à rapatrier les enfants en compagnie de leur mère ou de
la personne qui en a principalement la charge, sauf si cette mesure
n’est pas conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant;
8.1.3. à éviter de prendre des mesures qui pourraient faire d’un
enfant un apatride et à s’assurer que chaque enfant est enregistré;
8.1.4. à dispenser une aide d’urgence à l’ensemble des enfants
dans les camps et les centres de détention de Syrie et d’Irak, en
vue d’atténuer la crise humanitaire qui règne dans ces installations,
et à prodiguer des soins et une protection durables à tous les enfants
victimes, quelle que soit leur nationalité;
8.1.5. à sensibiliser l’opinion publique à la situation des enfants
concernés en se fondant sur des données fiables, afin d’atténuer
les inquiétudes des citoyens sur le plan de la sécurité nationale;
8.2. en matière de réadaptation et de (ré)intégration:
8.2.1. à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour assurer
la réadaptation et la (ré)intégration effectives de tous les enfants
rapatriés dont les parents, considérés comme ayant fait allégeance
à Daech, sont ressortissants de leur État;
8.2.2. à prendre en premier lieu toutes les mesures adéquates
pour promouvoir le rétablissement physique et psychologique et la
réinsertion sociale de ces enfants, indépendamment de leur âge ou
de leur degré d’implication dans le conflit;
8.2.3. lorsque les enfants sont soupçonnés d’avoir commis des
actes criminels, à respecter les garanties d’une procédure régulière
et les normes applicables à un procès équitable, y compris la présomption
d’innocence et le droit d’interjeter appel, en tenant compte à bon
escient de leur âge et de leur sexe, dans le respect des normes
applicables à la protection de l’enfance et à une justice adaptée
aux enfants; et, si possible, à écarter les enfants de ces procédures
pénales.
9. L’Assemblée invite instamment l’Union européenne à intégrer
une approche fondée sur les droits humains et une perspective des
droits de l’enfant dans ses efforts de lutte contre le terrorisme.
Cette perspective doit être au cœur de la politique visant à «promouvoir
le mode de vie européen», protéger les valeurs et les citoyens européens,
et permettre l’émergence d’une société plus résiliente au terrorisme
et au radicalisme. L’Assemblée encourage l’Union européenne à poursuivre
son soutien aux acteurs investis dans la réadaptation et la (ré)intégration
des enfants rapatriés (justice, services sociaux, collectivités
territoriales, universités, société civile, etc.) et l’invite avec
l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe à partager les
résultats et les leçons apprises.