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Résolution 2324 (2020)

Disparitions d’enfants réfugiés ou migrants en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 30 janvier 2020 (8e séance) (voir Doc. 15026, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteure: Mme Serap Yaşar; et Doc. 15032, avis de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur: Lord Don Touhig). Texte adopté par l’Assemblée le 30 janvier 2020 (8e séance).Voir également la Recommandation 2172 (2020).

1. L’Assemblée parlementaire est profondément préoccupée par les informations des Nations Unies selon lesquelles, chaque jour, un enfant migrant enregistré a été déclaré mort ou disparu entre 2014 et 2018 dans le monde. Elle est consciente que ce chiffre ne représente que la partie émergée de l’iceberg et que beaucoup d’autres enfants ont en fait disparu ou ont trouvé la mort pendant leur périple en quête d’un refuge dans un autre pays, mais que ces disparitions n’ont pas été enregistrées. L’Assemblée se réfère à sa Résolution 2136 (2016) «Harmoniser la protection des mineurs non accompagnés en Europe», qui attire l’attention sur la déclaration d’Europol de janvier 2016 selon laquelle 10 000 mineurs migrants ont disparu en Europe, suivie d’une déclaration des autorités allemandes selon laquelle 9 000 mineurs migrants auraient disparu uniquement en Allemagne. Il ne semble pas que ces chiffres aient diminué sensiblement, et la prise de conscience au plan international concernant la situation des enfants réfugiés ou migrants disparus est toujours aussi faible.
2. Les enfants constituant un groupe particulièrement vulnérable de migrants et de demandeurs d’asile, ils ont besoin d’une protection privilégiée contre les multiples dangers qui pèsent sur eux tout au long de leur voyage, notamment les violences, les abus sexuels, la traite des êtres humains et l’exploitation. De nombreuses formes de violence à l’encontre des enfants migrants et réfugiés conduisent à leur disparition, car ils «se volatilisent» dans des réseaux clandestins qui les éloignent toujours plus de la protection et des soins auxquels ils ont droit, d’abord et avant tout en raison de leur âge, mais aussi en qualité de migrants ou de réfugiés. Les parlements nationaux et les gouvernements des États membres doivent faire tout ce qui est nécessaire et requis dans l’intérêt supérieur de l’enfant pour éviter la disparition des enfants réfugiés ou migrants, et réduire ainsi les risques pour leur vie et leur intégrité physique et mentale.
3. L’activité criminelle est cependant loin d’être la seule cause de la disparition d’enfants migrants. Des conditions d’accueil inférieures aux normes, la peur de la rétention, les rapatriements ou refoulements sommaires et l’absence d’une tutelle digne de ce nom sont, entre autres, autant de facteurs supplémentaires expliquant la disparition d’enfants – seuls ou en petits groupes – animés par l’espoir d’atteindre la destination de leur rêve par leurs propres moyens. Ces facteurs, à leur tour, peuvent entraîner les enfants dans une spirale descendante vers d’autres traumatismes, violences et abus.
4. L’Assemblée rappelle que tous les États membres du Conseil de l’Europe sont parties à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et doivent donc défendre l’intérêt supérieur des enfants en tant que principe de base et leur accorder la protection et les soins nécessaires à leur bien-être. À cet égard, les États membres devraient veiller à ce que:
4.1. les normes de protection les plus exigeantes soient accordées à l’ensemble des enfants réfugiés ou migrants, indépendamment de leur statut;
4.2. les conditions d’accueil et de prise en charge des enfants migrants et réfugiés répondent aux droits et besoins fondamentaux de ces personnes, en prenant en compte les besoins spécifiques de la protection de l’enfant; en aucun cas les enfants ne doivent être placés en rétention;
4.3. tout enfant réfugié ou migrant soit accueilli, dans la mesure du possible, avec sa famille; tous les efforts devraient être faits pour réunir les familles de réfugiés et de migrants qui ont été séparées, dans le droit-fil de l’article 22 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant;
4.4. les parents, les membres de la famille et les amis disposent des informations et des moyens nécessaires pour contacter les services de protection de l’enfance ou la police lorsqu’un enfant réfugié ou migrant disparaît; les enfants réfugiés ou migrants devraient également disposer des informations et des moyens nécessaires pour pouvoir contacter un service de protection de l’enfance ou la police s’ils sont en mesure de le faire. La police et les agences de protection de l’enfance doivent suivre une formation adéquate afin de pouvoir s’occuper des cas de disparition d’enfants réfugiés ou migrants;
4.5. les écoles, les centres d’accueil et les personnes chargées d’accueillir les enfants réfugiés ou migrants, et de répondre à leurs besoins, informent immédiatement les organismes de protection de l’enfance et la police si un enfant disparaît;
4.6. la recherche sur les cas de disparition d’enfants migrants et réfugiés soit soutenue et encouragée, et serve à orienter les politiques et les pratiques dans ce domaine;
4.7. les observations faites par les réfugiés et les migrants, y compris les enfants, au sujet des réponses apportées aux problèmes de disparition d’enfants réfugiés ou migrants soient prises en compte de manière appropriée, utile et sûre, en particulier avec l’aide des institutions nationales des droits de l’homme et des organisations de la société civile qui exercent leurs activités dans ce domaine. Cela ne devrait pas retarder, entraver ou être préjudiciable aux procédures se rapportant au statut de migrant et de réfugié;
4.8. les médias nationaux et régionaux, y compris la presse, l’audiovisuel et les réseaux sociaux, soient alertés de la situation concernant la disparition d’enfants réfugiés ou migrants et prennent des mesures appropriées pour sensibiliser davantage l’opinion aux disparitions et pour aider à retrouver les enfants disparus, tout en veillant à ce que les informations diffusées n’interfèrent pas avec les procédures policières ou avec le droit individuel à la vie privée; l’Assemblée devrait donner l’exemple en publiant, par le biais de ses différents supports médiatiques, une base de données de bonnes pratiques pour la prévention des disparitions et la recherche des enfants disparus en vue d’une réunification familiale;
4.9. la coopération internationale entre la police et les autorités judiciaires soit renforcée pour éviter la disparition d’enfants réfugiés ou migrants, par le biais d’Interpol, du système d’information Schengen (SIS), d’Europol et d’Eurojust, ainsi que par l’entraide judiciaire. Les enfants réfugiés ou migrants portés disparus devraient faire l’objet d’une notice jaune d’Interpol et d’une notification au SIS;
4.10. les organisations de la société civile aidant à retrouver les enfants disparus soient soutenues dans leur travail, lequel ne devrait pas être entravé ou détourné. Les campagnes de sensibilisation menées par ces organisations et les lignes d’assistance téléphonique mises en place, telles que celle de Missing Children Europe, devraient être soutenues par des ressources financières et humaines. Des dispositions facilitant le travail des organisations non gouvernementales qui interviennent dans le secteur des enfants réfugiés ou migrants disparus devraient être prévues dans la législation nationale des États membres;
4.11. des ressources financières adéquates soient mises à la disposition de la prévention des disparitions d’enfants réfugiés ou migrants.
5. Les enfants migrants sans papiers sont extrêmement vulnérables car ils sont privés de la protection de la loi. Afin d’éviter que les enfants migrants deviennent ou restent sans papiers, les États membres devraient veiller à ce que:
5.1. chaque enfant migrant sans papiers soit identifié et enregistré auprès des autorités publiques, ce qui suppose d’enregistrer son nom, ses date et lieu de naissance, le nom de ses parents, sa photographie d’identité biométrique, ses empreintes digitales et d’autres données d’identification, conformément à la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (STE no 108) telle qu’amendée. Une attention accrue devra être accordée à la protection des droits de l’enfant et à l’intérêt supérieur de l’enfant pendant la procédure d’enregistrement, la prise des données biométriques et la procédure d’identification, y compris par le recours à des mesures de protection spécifiques. Il importe que les enfants concernés soient dûment informés de la manière dont ces données seront utilisées. La force physique ou les pressions psychologiques ne devraient en aucun cas être employées pour obtenir les empreintes digitales;
5.2. une fois recueillies, les données d’enregistrement et d’identification concernant les enfants migrants sans papiers soient partagées en passant par des réseaux tels qu’Interpol, le SIS, Frontex et des accords bilatéraux; cette pratique devrait diminuer le risque que des enfants migrants soient considérés comme disparus dans un pays alors qu’ils sont enregistrés dans un autre;
5.3. les documents d’identité perdus soient enregistrés dans la base de données d’Interpol sur les documents de voyage volés ou perdus;
5.4. les enfants migrants sans papiers, en particulier ceux qui présentent des besoins spéciaux, à cause de handicaps physiques et mentaux, par exemple, les privant de la possibilité de s’exprimer de façon adaptée, bénéficient d’une aide psychologique et médicale personnalisée selon les cas.
6. Les enfants réfugiés ou migrants non accompagnés et séparés sont particulièrement vulnérables, car ils ne sont ni pris en charge, ni protégés par leurs parents ou par des membres de leur famille proche. À cet égard, les États membres devraient veiller à ce que:
6.1. des recherches soient activement menées pour permettre de retrouver les parents ou les autres membres de la famille des enfants réfugiés ou migrants, de manière à réunir les familles. La coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) doit être renforcée, afin de faciliter le regroupement familial dans toute l’Europe et de garantir la mise en place de procédures de regroupement familial plus efficaces et conformes aux droits de l’homme;
6.2. un tuteur individuel ayant bénéficié d’une formation adéquate soit désigné le plus tôt possible après l’accueil d’un enfant, la procédure d’obtention du statut de migrant par les enfants réfugiés ou migrants soit lancée dans les meilleurs délais et dans le respect scrupuleux du droit à une procédure équitable et du droit à un recours effectif;
6.3. les tuteurs désignés des enfants réfugiés ou migrants non accompagnés disposent de mécanismes de liaison efficaces et facilement accessibles (tels que des lignes téléphoniques directes («hotlines»)) de manière à pouvoir communiquer avec les services de protection de l’enfance et la police lors de chaque disparition d’un enfant;
6.4. dans les endroits où les conditions de vie sont en dessous des normes minimales, ne permettent pas une prise en charge des enfants de manière adéquate et dans le respect de leur intérêt supérieur, et où il n’y a pas d’amélioration notable ou envisagée, des programmes de réinstallation humanitaires accélérés pour les enfants réfugiés ou migrants les plus vulnérables (tels que les enfants non accompagnés) vers d’autres pays européens soient mis en œuvre.
7. Les mesures visant à prévenir les disparitions d’enfants réfugiés ou migrants devraient tenir compte des disparitions volontaires visant à fuir une famille d’accueil, un tuteur, une école, une structure d’hébergement ou toute autre institution. À cet égard, les États membres devraient veiller à ce que:
7.1. les structures d’accueil soient protégées et ouvertes, et qu’elles disposent des ressources nécessaires pour répondre a minima aux normes élémentaires en matière de santé et de sécurité, et à ce que le personnel professionnel soit suffisamment formé pour s’occuper d’enfants réfugiés ou migrants, lesquels sont souvent profondément traumatisés et ont des besoins particuliers;
7.2. les enfants migrants bénéficient d’une protection et de conseils supplémentaires lorsque leur demande d’asile risque d’être rejetée, surtout lorsque la notification officielle du refus de protection internationale approche, afin d’empêcher qu’ils s’enfuient. Tout retour dans leur pays d’origine ou dans un pays tiers sûr devrait s’accompagner d’une aide adéquate adaptée aux besoins des enfants, lesquels devraient bénéficier en outre d’informations communiquées dans des termes compréhensibles pour eux à tous les stades de la procédure. Une attention particulière devrait par ailleurs être accordée à la protection des filles qui risquent de prendre la fuite, dans la mesure où elles sont extrêmement vulnérables à la traite et aux abus sexuels;
7.3. des politiques incluant la dimension du genre soient développées, et des installations tenant compte de la dimension du genre, telles que l’hébergement différencié et sûr, soient mises à la disposition d’enfants réfugiés et migrants.
8. Se félicitant du projet sur les migrants disparus mis en œuvre par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), l’Assemblée reconnaît que la question des enfants réfugiés ou migrants disparus requiert davantage d’attention et d’efforts de la part des autorités nationales. Il conviendrait d’encourager les médias internationaux, nationaux et régionaux à sensibiliser l’opinion à l’ampleur et à l’importance du problème des enfants migrants ou réfugiés disparus, et à aider à les retrouver ainsi qu’à assurer leur protection une fois qu’ils ont été retrouvés. L’Assemblée invite aussi les parlements nationaux à nommer un commissaire parlementaire ou un rapporteur général pour les personnes réfugiées et migrantes disparues, en mettant un accent particulier sur les enfants.
9. Consciente que les pays qui accueillent un grand nombre de migrants et de réfugiés n’ont pas toujours les moyens de prévenir efficacement les disparitions d’enfants, l’Assemblée appelle l’Union européenne et les Nations Unies à apporter une assistance technique et financière pour éviter dans la mesure du possible ces disparitions et faciliter la réunification des familles de réfugiés et de migrants séparées.