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Résolution 2324 (2020)
Disparitions d’enfants réfugiés ou migrants en Europe
1. L’Assemblée parlementaire est profondément
préoccupée par les informations des Nations Unies selon lesquelles,
chaque jour, un enfant migrant enregistré a été déclaré mort ou
disparu entre 2014 et 2018 dans le monde. Elle est consciente que
ce chiffre ne représente que la partie émergée de l’iceberg et que
beaucoup d’autres enfants ont en fait disparu ou ont trouvé la mort
pendant leur périple en quête d’un refuge dans un autre pays, mais
que ces disparitions n’ont pas été enregistrées. L’Assemblée se
réfère à sa Résolution 2136 (2016) «Harmoniser
la protection des mineurs non accompagnés en Europe», qui attire
l’attention sur la déclaration d’Europol de janvier 2016 selon laquelle
10 000 mineurs migrants ont disparu en Europe, suivie d’une déclaration
des autorités allemandes selon laquelle 9 000 mineurs migrants auraient
disparu uniquement en Allemagne. Il ne semble pas que ces chiffres
aient diminué sensiblement, et la prise de conscience au plan international
concernant la situation des enfants réfugiés ou migrants disparus
est toujours aussi faible.
2. Les enfants constituant un groupe particulièrement vulnérable
de migrants et de demandeurs d’asile, ils ont besoin d’une protection
privilégiée contre les multiples dangers qui pèsent sur eux tout
au long de leur voyage, notamment les violences, les abus sexuels,
la traite des êtres humains et l’exploitation. De nombreuses formes
de violence à l’encontre des enfants migrants et réfugiés conduisent
à leur disparition, car ils «se volatilisent» dans des réseaux clandestins
qui les éloignent toujours plus de la protection et des soins auxquels
ils ont droit, d’abord et avant tout en raison de leur âge, mais
aussi en qualité de migrants ou de réfugiés. Les parlements nationaux
et les gouvernements des États membres doivent faire tout ce qui
est nécessaire et requis dans l’intérêt supérieur de l’enfant pour
éviter la disparition des enfants réfugiés ou migrants, et réduire
ainsi les risques pour leur vie et leur intégrité physique et mentale.
3. L’activité criminelle est cependant loin d’être la seule cause
de la disparition d’enfants migrants. Des conditions d’accueil inférieures
aux normes, la peur de la rétention, les rapatriements ou refoulements sommaires
et l’absence d’une tutelle digne de ce nom sont, entre autres, autant
de facteurs supplémentaires expliquant la disparition d’enfants
– seuls ou en petits groupes – animés par l’espoir d’atteindre la
destination de leur rêve par leurs propres moyens. Ces facteurs,
à leur tour, peuvent entraîner les enfants dans une spirale descendante
vers d’autres traumatismes, violences et abus.
4. L’Assemblée rappelle que tous les États membres du Conseil
de l’Europe sont parties à la Convention des Nations Unies relative
aux droits de l’enfant et doivent donc défendre l’intérêt supérieur
des enfants en tant que principe de base et leur accorder la protection
et les soins nécessaires à leur bien-être. À cet égard, les États
membres devraient veiller à ce que:
4.1. les normes de protection les plus exigeantes soient accordées
à l’ensemble des enfants réfugiés ou migrants, indépendamment de
leur statut;
4.2. les conditions d’accueil et de prise en charge des enfants
migrants et réfugiés répondent aux droits et besoins fondamentaux
de ces personnes, en prenant en compte les besoins spécifiques de
la protection de l’enfant; en aucun cas les enfants ne doivent être
placés en rétention;
4.3. tout enfant réfugié ou migrant soit accueilli, dans la
mesure du possible, avec sa famille; tous les efforts devraient
être faits pour réunir les familles de réfugiés et de migrants qui
ont été séparées, dans le droit-fil de l’article 22 de la Convention
des Nations Unies relative aux droits de l’enfant;
4.4. les parents, les membres de la famille et les amis disposent
des informations et des moyens nécessaires pour contacter les services
de protection de l’enfance ou la police lorsqu’un enfant réfugié ou
migrant disparaît; les enfants réfugiés ou migrants devraient également
disposer des informations et des moyens nécessaires pour pouvoir
contacter un service de protection de l’enfance ou la police s’ils sont
en mesure de le faire. La police et les agences de protection de
l’enfance doivent suivre une formation adéquate afin de pouvoir
s’occuper des cas de disparition d’enfants réfugiés ou migrants;
4.5. les écoles, les centres d’accueil et les personnes chargées
d’accueillir les enfants réfugiés ou migrants, et de répondre à
leurs besoins, informent immédiatement les organismes de protection
de l’enfance et la police si un enfant disparaît;
4.6. la recherche sur les cas de disparition d’enfants migrants
et réfugiés soit soutenue et encouragée, et serve à orienter les
politiques et les pratiques dans ce domaine;
4.7. les observations faites par les réfugiés et les migrants,
y compris les enfants, au sujet des réponses apportées aux problèmes
de disparition d’enfants réfugiés ou migrants soient prises en compte
de manière appropriée, utile et sûre, en particulier avec l’aide
des institutions nationales des droits de l’homme et des organisations
de la société civile qui exercent leurs activités dans ce domaine. Cela
ne devrait pas retarder, entraver ou être préjudiciable aux procédures
se rapportant au statut de migrant et de réfugié;
4.8. les médias nationaux et régionaux, y compris la presse,
l’audiovisuel et les réseaux sociaux, soient alertés de la situation
concernant la disparition d’enfants réfugiés ou migrants et prennent
des mesures appropriées pour sensibiliser davantage l’opinion aux
disparitions et pour aider à retrouver les enfants disparus, tout
en veillant à ce que les informations diffusées n’interfèrent pas
avec les procédures policières ou avec le droit individuel à la
vie privée; l’Assemblée devrait donner l’exemple en publiant, par
le biais de ses différents supports médiatiques, une base de données
de bonnes pratiques pour la prévention des disparitions et la recherche
des enfants disparus en vue d’une réunification familiale;
4.9. la coopération internationale entre la police et les autorités
judiciaires soit renforcée pour éviter la disparition d’enfants
réfugiés ou migrants, par le biais d’Interpol, du système d’information
Schengen (SIS), d’Europol et d’Eurojust, ainsi que par l’entraide
judiciaire. Les enfants réfugiés ou migrants portés disparus devraient
faire l’objet d’une notice jaune d’Interpol et d’une notification
au SIS;
4.10. les organisations de la société civile aidant à retrouver
les enfants disparus soient soutenues dans leur travail, lequel
ne devrait pas être entravé ou détourné. Les campagnes de sensibilisation menées
par ces organisations et les lignes d’assistance téléphonique mises
en place, telles que celle de Missing Children Europe, devraient
être soutenues par des ressources financières et humaines. Des dispositions
facilitant le travail des organisations non gouvernementales qui
interviennent dans le secteur des enfants réfugiés ou migrants disparus
devraient être prévues dans la législation nationale des États membres;
4.11. des ressources financières adéquates soient mises à la
disposition de la prévention des disparitions d’enfants réfugiés
ou migrants.
5. Les enfants migrants sans papiers sont extrêmement vulnérables
car ils sont privés de la protection de la loi. Afin d’éviter que
les enfants migrants deviennent ou restent sans papiers, les États
membres devraient veiller à ce que:
5.1. chaque enfant migrant sans papiers soit identifié et enregistré
auprès des autorités publiques, ce qui suppose d’enregistrer son
nom, ses date et lieu de naissance, le nom de ses parents, sa photographie
d’identité biométrique, ses empreintes digitales et d’autres données
d’identification, conformément à la Convention pour la protection
des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère
personnel (STE no 108) telle qu’amendée.
Une attention accrue devra être accordée à la protection des droits
de l’enfant et à l’intérêt supérieur de l’enfant pendant la procédure d’enregistrement,
la prise des données biométriques et la procédure d’identification,
y compris par le recours à des mesures de protection spécifiques.
Il importe que les enfants concernés soient dûment informés de la
manière dont ces données seront utilisées. La force physique ou
les pressions psychologiques ne devraient en aucun cas être employées
pour obtenir les empreintes digitales;
5.2. une fois recueillies, les données d’enregistrement et
d’identification concernant les enfants migrants sans papiers soient
partagées en passant par des réseaux tels qu’Interpol, le SIS, Frontex
et des accords bilatéraux; cette pratique devrait diminuer le risque
que des enfants migrants soient considérés comme disparus dans un
pays alors qu’ils sont enregistrés dans un autre;
5.3. les documents d’identité perdus soient enregistrés dans
la base de données d’Interpol sur les documents de voyage volés
ou perdus;
5.4. les enfants migrants sans papiers, en particulier ceux
qui présentent des besoins spéciaux, à cause de handicaps physiques
et mentaux, par exemple, les privant de la possibilité de s’exprimer
de façon adaptée, bénéficient d’une aide psychologique et médicale
personnalisée selon les cas.
6. Les enfants réfugiés ou migrants non accompagnés et séparés
sont particulièrement vulnérables, car ils ne sont ni pris en charge,
ni protégés par leurs parents ou par des membres de leur famille
proche. À cet égard, les États membres devraient veiller à ce que:
6.1. des recherches soient activement
menées pour permettre de retrouver les parents ou les autres membres
de la famille des enfants réfugiés ou migrants, de manière à réunir
les familles. La coopération avec le Haut-Commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés (HCR) doit être renforcée, afin de faciliter
le regroupement familial dans toute l’Europe et de garantir la mise
en place de procédures de regroupement familial plus efficaces et
conformes aux droits de l’homme;
6.2. un tuteur individuel ayant bénéficié d’une formation adéquate
soit désigné le plus tôt possible après l’accueil d’un enfant, la
procédure d’obtention du statut de migrant par les enfants réfugiés
ou migrants soit lancée dans les meilleurs délais et dans le respect
scrupuleux du droit à une procédure équitable et du droit à un recours
effectif;
6.3. les tuteurs désignés des enfants réfugiés ou migrants
non accompagnés disposent de mécanismes de liaison efficaces et
facilement accessibles (tels que des lignes téléphoniques directes («hotlines»)) de manière à pouvoir
communiquer avec les services de protection de l’enfance et la police lors
de chaque disparition d’un enfant;
6.4. dans les endroits où les conditions de vie sont en dessous
des normes minimales, ne permettent pas une prise en charge des
enfants de manière adéquate et dans le respect de leur intérêt supérieur, et
où il n’y a pas d’amélioration notable ou envisagée, des programmes
de réinstallation humanitaires accélérés pour les enfants réfugiés
ou migrants les plus vulnérables (tels que les enfants non accompagnés)
vers d’autres pays européens soient mis en œuvre.
7. Les mesures visant à prévenir les disparitions d’enfants réfugiés
ou migrants devraient tenir compte des disparitions volontaires
visant à fuir une famille d’accueil, un tuteur, une école, une structure
d’hébergement ou toute autre institution. À cet égard, les États
membres devraient veiller à ce que:
7.1. les structures d’accueil soient protégées et ouvertes,
et qu’elles disposent des ressources nécessaires pour répondre a
minima aux normes élémentaires en matière de santé et de sécurité,
et à ce que le personnel professionnel soit suffisamment formé pour
s’occuper d’enfants réfugiés ou migrants, lesquels sont souvent
profondément traumatisés et ont des besoins particuliers;
7.2. les enfants migrants bénéficient d’une protection et de
conseils supplémentaires lorsque leur demande d’asile risque d’être
rejetée, surtout lorsque la notification officielle du refus de
protection internationale approche, afin d’empêcher qu’ils s’enfuient.
Tout retour dans leur pays d’origine ou dans un pays tiers sûr devrait
s’accompagner d’une aide adéquate adaptée aux besoins des enfants,
lesquels devraient bénéficier en outre d’informations communiquées
dans des termes compréhensibles pour eux à tous les stades de la
procédure. Une attention particulière devrait par ailleurs être
accordée à la protection des filles qui risquent de prendre la fuite,
dans la mesure où elles sont extrêmement vulnérables à la traite
et aux abus sexuels;
7.3. des politiques incluant la dimension du genre soient développées,
et des installations tenant compte de la dimension du genre, telles
que l’hébergement différencié et sûr, soient mises à la disposition
d’enfants réfugiés et migrants.
8. Se félicitant du projet sur les migrants disparus mis en œuvre
par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), l’Assemblée
reconnaît que la question des enfants réfugiés ou migrants disparus
requiert davantage d’attention et d’efforts de la part des autorités
nationales. Il conviendrait d’encourager les médias internationaux,
nationaux et régionaux à sensibiliser l’opinion à l’ampleur et à
l’importance du problème des enfants migrants ou réfugiés disparus,
et à aider à les retrouver ainsi qu’à assurer leur protection une
fois qu’ils ont été retrouvés. L’Assemblée invite aussi les parlements
nationaux à nommer un commissaire parlementaire ou un rapporteur
général pour les personnes réfugiées et migrantes disparues, en
mettant un accent particulier sur les enfants.
9. Consciente que les pays qui accueillent un grand nombre de
migrants et de réfugiés n’ont pas toujours les moyens de prévenir
efficacement les disparitions d’enfants, l’Assemblée appelle l’Union
européenne et les Nations Unies à apporter une assistance technique
et financière pour éviter dans la mesure du possible ces disparitions
et faciliter la réunification des familles de réfugiés et de migrants
séparées.