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Résolution 2328 (2020)

Prévention de la violence et de la discrimination à l'égard des minorités religieuses parmi les réfugiés en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 6 mars 2020 (voir Doc. 15083, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteur: M. Egidijus Vareikis).

1. Le droit humanitaire international et les normes en vigueur en matière de droits de l’homme reconnaissent aux réfugiés et aux demandeurs d’asile le droit à une protection adéquate. Déracinés de leur pays d’origine, ces migrants n’ont parfois pour tout bagage que leurs pratiques culturelles, leurs traditions et leur foi: l’attachement à ces pratiques joue un rôle d’autant plus important dans la conservation de leur dignité humaine, voire de leur intégrité physique et psychologique.
2. L’Assemblée parlementaire estime que les croyances et les pratiques religieuses des migrants et des réfugiés doivent être prises en considération comme un facteur de réussite essentiel des politiques d’accueil et d’intégration. Aussi l’Assemblée appelle-t-elle les États membres du Conseil de l’Europe à exprimer leur volonté politique d’assurer une meilleure protection aux réfugiés et aux demandeurs d’asile en Europe, en prévenant la violence et la discrimination fondées sur la religion.
3. La prévention de la violence et de la discrimination à l’égard des réfugiés et des demandeurs d’asile appartenant à des minorités religieuses en Europe exige de prendre des mesures à tous les niveaux – international, européen, national et, surtout, local. Les États doivent faire davantage d’efforts pour apaiser les tensions et assurer un climat de respect et les moyens de vivre dans la dignité aux réfugiés et aux demandeurs d’asile.
4. L’Assemblée rappelle sa Recommandation 1962 (2011) sur la dimension religieuse du dialogue interculturel et invite les États membres à promouvoir des partenariats associant le Conseil de l’Europe, des institutions religieuses et des organisations humanistes et non confessionnelles, visant à favoriser l’engagement actif de toutes les parties prenantes pour promouvoir les valeurs fondamentales de l’Organisation, notamment dans le contexte de leurs politiques en matière de droit d’asile.
5. Les États membres devraient promouvoir le dialogue interreligieux et interconfessionnel dans le contexte des procédures de demande d’asile, régler avec davantage d’efficacité et de respect pour la dignité et les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile les conflits fondés sur la religion au sein des centres et des structures d'hébergement temporaire accueillant des réfugiés, et promouvoir les bonnes pratiques et les initiatives sur le terrain favorisant le dialogue interreligieux et la cohabitation pacifique, d’une manière sensible au genre. Les mesures dans ce sens devraient notamment:
5.1. favoriser le dialogue interreligieux et interconfessionnel dans le contexte de l’asile:
5.1.1. l’Assemblée rappelle son souhait que soit établie à l’échelle paneuropéenne une plate-forme consacrée à la dimension religieuse du dialogue interculturel et suggère qu’une attention particulière soit portée au dialogue interreligieux dans le contexte des politiques en matière de droit d’asile et de migrations;
5.1.2. les États membres devraient établir des plates-formes de dialogue interreligieux aux niveaux national et local, et en appuyer les travaux, en veillant notamment à leur implication dans l’accueil et l’intégration des réfugiés et des demandeurs d’asile en Europe;
5.1.3. les préjugés, le racisme et les discours de haine devraient être combattus dans les structures d'hébergement accueillant des réfugiés, par exemple par la mise en place de processus de dialogue inclusif dans ces lieux faisant appel à l’expertise de tierces parties agissant en qualité d’intermédiaires, de médiateurs spécialistes des questions ethnoreligieuses et de facilitateurs du dialogue;
5.1.4. une formation spéciale devrait être dispensée aux médiateurs, aux responsables de communautés et aux autres parties prenantes concernées, y compris les bénévoles, afin de promouvoir le dialogue interreligieux et une meilleure cohésion sociale. Cette formation devrait inclure une dimension de la perspective de genre;
5.1.5. l’accès des réfugiés et des demandeurs d’asile placés dans des centres d’accueil à des programmes de dialogue interconfessionnel devrait être facilité, ce qui favorisera une meilleure compréhension des cultures et croyances religieuses des autres et créera un espace de confiance;
5.2. régler, avec davantage d’efficacité et de respect pour la dignité et les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile, les conflits fondés sur la religion dans les centres et les structures d'hébergement temporaire accueillant des réfugiés:
5.2.1. pour veiller au respect de la liberté de religion, les États membres devraient dispenser une formation spécifique au personnel des centres d’accueil et des structures d'hébergement temporaire, afin d’améliorer ses connaissances des différentes religions des résidents, notamment s’agissant des célébrations religieuses, des temps de prière et des aménagements nécessaires à la pratique de ces religions. La formation devrait aussi dispenser un enseignement sur la médiation interreligieuse;
5.2.2. des sessions de formation et d’information devraient être organisées à l’intention des résidents des centres d’accueil et des structures d'hébergement temporaire, à leur arrivée et périodiquement pendant leur séjour. Les sessions devraient porter sur le droit international et national en matière de liberté de religion, inclure des informations sur les pratiques religieuses dans le pays d’accueil, comprendre des ateliers de prévention de la radicalisation et permettre les pratiques religieuses dans le centre;
5.2.3. des procédures de plainte devraient être mises en place dans les centres afin que les résidents puissent lutter contre la discrimination fondée sur la religion. Des permanences téléphoniques nationales destinées aux victimes de discrimination fondée sur la religion pourraient être mises en place et dotées d’un personnel formé à évaluer au mieux la situation et à réagir rapidement. Les permanences téléphoniques devraient être en relation avec des médiateurs interreligieux et avec la police, afin de permettre une intervention immédiate de leur part et d’aider les victimes présumées;
5.2.4. les centres et les structures d'hébergement temporaire accueillant des réfugiés et des demandeurs d’asile devraient disposer d’un bureau réservé aux dépôts de plaintes et offrir la possibilité de remplir un formulaire de plainte de manière anonyme. De plus, le droit de porter plainte anonymement auprès de la police devrait également être garanti par les États;
5.2.5. en cas de plainte pour agression ou discrimination fondée sur la religion, la priorité doit être donnée à la sécurité de la victime présumée. La plainte devrait déclencher une procédure de protection: la victime doit être immédiatement transférée en lieu sûr, par exemple dans un autre centre, avant la réalisation d’une enquête approfondie. De telles procédures devraient tenir compte de la perspective de genre;
5.2.6. les enquêtes sur les actes criminels fondés sur la religion devraient faire partie intégrante de la formation des agents de police. L’administration de la police devrait nommer des correspondants au sein des préfectures de police pour régler les conflits fondés sur la religion dans les centres et les structures d'hébergement temporaire accueillant les réfugiés;
5.3. promouvoir les bonnes pratiques et les initiatives de terrain favorisant le dialogue interreligieux et le vivre ensemble:
5.3.1. les bonnes pratiques et les initiatives locales favorisant le dialogue interreligieux devraient être promues, qu’elles mettent en contact les représentants des différents groupes religieux auxquels appartiennent les réfugiés et les demandeurs d’asile, ou qu’elles les mettent en contact avec la communauté locale du pays d’accueil. Ces initiatives pourraient inclure des réunions avec les responsables des différentes communautés religieuses, des réunions avec les fidèles dans leurs différents lieux de culte afin de promouvoir la connaissance mutuelle des aspects rituels et des modalités de culte et de socialisation, et la participation aux célébrations religieuses des différentes communautés présentes;
5.3.2. dans le contexte des demandes d’asile, la participation active des femmes au dialogue interculturel, y compris dans sa dimension religieuse, devrait être encouragée. L’autonomie des demandeuses d’asile devrait être renforcée afin qu’elles agissent en actrices du changement, conformément à la Résolution 1615 (2008) «Renforcer l'autonomie des femmes dans une société moderne et multiculturelle» et à la Recommandation 1838 (2008) «Renforcer l'autonomie des femmes dans une société moderne et multiculturelle» de l’Assemblée;
5.3.3. il conviendrait de sensibiliser davantage les enfants aux points communs entre les différentes religions, afin d’encourager le dialogue et une meilleure compréhension des autres croyances religieuses grâce à l’éducation. Les classes pour réfugiés, tout comme les établissements scolaires des pays d’accueil, devraient assurer dans l’enseignement institutionnel comme dans les apprentissages informels une éducation aux différentes religions ainsi qu’aux systèmes de pensée non religieux.