1. Introduction
1. Le niveau de participation
des femmes dans la prise de décision politique et publique est un
indicateur majeur de l’égalité de genre et de l’autonomisation des
femmes dans la société. Ces dernières décennies, la participation
des femmes à la vie politique n’a cessé de progresser et des avancées
concrètes ont été obtenues partout dans le monde. Dans l’Union européenne,
la proportion de femmes parlementaires est plus élevée que jamais.
La parité de genre est cependant loin d’être atteinte chez les représentant·e·s
politiques. Dans les pays de l’Union européenne, sept parlementaires
sur dix sont des hommes
.
2. Certains pays ont mis en place des quotas pour améliorer de
manière tangible la représentation du genre sous-représenté. En
Espagne, la représentation des femmes au parlement a atteint 44 %,
soit davantage que l’objectif initial de 40 %
. En Suède, la parité de genre a presque
été réalisée (47 %) grâce à une politique résolue d’égalité de genre
et sans quotas. Mais les pays qui frisent la parité de genre dans
la représentation politique demeurent une exception. Selon des données
de l’ONU Femmes, il y aurait 21 % de femmes au sein des gouvernements
à travers le monde
. L’ONU Femmes estime qu’à ce rythme il
faudra 130 ans pour parvenir à l’égalité de genre au niveau des
chef·fe·s de gouvernement
.
3. En 2015, le Premier ministre canadien Justin Trudeau présentait
son gouvernement auquel femmes et hommes participaient de manière
équilibrée, déclarant simplement que cette composition était logique
« en 2015 ». La composition des gouvernements par genre est de plus
en plus analysée et commentée dans les médias. Lorsque le Premier
ministre Pedro Sanchez a nommé davantage de femmes que d’hommes
ministres de son gouvernement en 2018
, il a été interrogé sur les raisons de
son choix et a répondu qu’il avait choisi les personnes les plus
compétentes
. La volonté politique
est essentielle pour progresser.
4. La composition actuelle des parlements et des gouvernements,
outre son absence d’équilibre de genre, ne reflète pas davantage
la diversité de la population. En 2018, le rapport de M. Killion
Munyama (Pologne, PPE/DC) intitulé
«Promouvoir la diversité et l’égalité dans
la vie politique» soulignait que « [l]a promotion d’une participation
et d’une représentation accrues des femmes, des jeunes, des personnes
issues de l’immigration, des personnes handicapées, des minorités
visibles et des personnes LGBTI dans la vie politique est un moyen de
garantir non seulement que les institutions sont reconnues comme
reflétant véritablement la société, mais aussi que les préoccupations
de cette dernière sont bien prises en compte dans les processus
de prises de décisions politiques ». Dans sa
Résolution 2222 (2018) «Promouvoir la diversité et l’égalité dans la vie politique»,
l’Assemblée se disait « convaincue qu’une plus grande représentativité
des institutions élues renforcerait leur caractère démocratique,
améliorerait la qualité et la légitimité de leur prise de décisions
et rehausserait la confiance des citoyens dans le système politique.
Cela contribuerait en outre à prévenir et combattre la discrimination,
en envoyant un message fort en faveur de l’égalité et de l’inclusion ».
5. Au-delà des questions de parité de genre, il semble trop souvent
que, en Europe, la participation des femmes à la prise de décision
politique et publique soit quasiment réservée aux femmes blanches,
très instruites et d’âge moyen élevé, comme c’est le cas pour leurs
homologues masculins. Lorsqu’elle est ouverte aux femmes, la politique
ne paraît pas encore ouverte à toutes les femmes. Les femmes et
les hommes qui participent à la prise de décision politique et publique
sont généralement issu·e·s de groupes favorisés ayant bénéficié,
dès leur plus jeune âge, de conditions favorables. « À l’image des
dirigeants masculins, les femmes qui parviennent à accéder aux espaces
de pouvoir, tels que ceux que l’on trouve dans les processus politiques formels,
proviennent en très grande majorité des élites politiques et économiques »,
a conclu le groupe chargé de la préparation de la 65ème session
de la Commission de la condition de la femme (CSW65)
. La participation des femmes est
étroitement liée à des caractéristiques telles que l’âge, le statut,
l’origine et le niveau d’études. La discrimination double ou triple
est l'un des obstacles les plus difficiles à surmonter. Nous devons
par conséquent nous demander « quelles femmes » participent désormais
à la prise de décision politique et publique et ce qui peut être
fait pour encourager davantage de femmes issues de différents milieux
à y prendre part. Il est par conséquent urgent d’examiner la question
de la participation des femmes issues des groupes sous-représentés
à la prise de décision politique et publique et de réfléchir aux
mesures qui permettraient de l’accroître
.
2. Objectifs et champ d’application du
rapport
6. La
proposition de résolution qui est à l'origine du présent rapport souligne que
l'Assemblée devrait formuler des lignes directrices pour l’élaboration
d’un ensemble d’instruments destinés à renforcer et à améliorer
la participation des femmes issues de groupes vulnérables à la vie
publique
et à tous les niveaux de
prise de décision. Elle indique également qu’il convient d’encourager
les États membres à collecter des données sur la participation des
femmes issues de groupes vulnérables en politique et à la prise
de décision.
7. La proposition de résolution fournit une description des groupes
vulnérables
. J'ai décidé de ne
pas proposer une définition exhaustive, ce qui pourrait signifier
que l'on néglige l'un ou l'autre groupe. Le dénominateur commun
semble être que les femmes appartenant à des groupes vulnérables
ou sous-représentés rencontrent plus de difficultés et ont moins
d'opportunités que les autres femmes, ce qui peut entraver ou retarder
leur entrée en politique et leur participation à la prise de décision
politique et publique.
8. Je me suis efforcée, dans ce rapport, d’analyser pourquoi
il importe que les femmes issues des groupes sous-représentés participent
à la prise de décision politique et publique et quelles mesures
précises peuvent être prises pour favoriser leur participation.
J’ai examiné les bonnes pratiques qui pourraient être promues aussi
bien au niveau local que national, notamment par les partis politiques.
J’ai également passé en revue les différentes difficultés qui empêchent
la participation des femmes issues de groupes sous-représentés et examiné
les projets innovants qui permettent de les surmonter. La commission
a approuvé ma proposition de remplacer le terme « vulnérable » par
« sous-représenté » dans le titre de ce rapport.
3. Méthodes
de travail
10. La réunion virtuelle bilatérale que j’ai tenue avec Mme Maryna
Bardina (Ukraine, ADLE), à qui l’on doit la proposition de résolution,
a été très fructueuse. Je souhaite également remercier Mme Yuliya
Lovochkina (Ukraine, SOC) de sa contribution écrite sur la situation
en Ukraine. Je remercie aussi Mme Serap
Yaşar (Turquie, NI) de sa contribution écrite sur le fonctionnement
de la branche dédiée aux femmes dans le parti politique AKP.
11. Le 3 novembre 2020, j'ai tenu une réunion bilatérale avec
Thorsten Afflerbach et Valérie Poppe de la division Roms du Conseil
de l'Europe sur la participation politique des femmes roms. J’ai
également tenu des réunions le 18 décembre 2020 avec Alazne Irigoyen,
co-fondatrice de la plateforme Young feminist Europe
et chercheuse à l'Université de
Bilbao et le 14 janvier 2021 avec Julie Ballington de l’ONU Femmes
à New York. Les 18 et 19 janvier 2021, j'ai organisé des réunions
bilatérales virtuelles avec une série d'interlocutrices et d’interlocuteurs
en Finlande et aux Pays-Bas les 8-10 février et 16 février 2021
.
Je tiens à remercier les présidents Kimmo Kiljunen et Petra Stienen
ainsi que les secrétariats de ces délégations pour le soutien qu’ils ont
apporté. Le 11 février 2021, je me suis entretenue avec Alja Van
Heel, Conseillère principale pour les questions de genre à l’OSCE/BIDDH.
Le 17 février 2021, j’ai tenu une réunion bilatérale avec Momodou Malcolm
Jallow, Rapporteur général sur la lutte contre le racisme et l’intolérance.
12. En outre, j'ai recueilli plusieurs témoignages de femmes LBT
engagées dans la politique: Faika El-Nagashi, membre du Parlement
autrichien, et Lilian Haak, qui est élue au conseil municipal d'Appeldorn
aux Pays-Bas. J'ai également eu l'occasion de discuter avec Cianán
Russel, représentant d'ILGA Europe
.
13. La commission a tenu une audition le 2 février 2021, avec
la participation de Zeyna Hilal de l'Union interparlementaire, Alia
El-Yassir, coordinatrice régionale du Bureau régional de l'ONU Femmes
pour l’Europe et l’Asie centrale et Marina Bublik, une jeune femme
rom engagée dans la vie politique en Ukraine.
14. J'ai également pu assister à des consultations tenues en vue
de la CSW65, axée sur la participation pleine et effective des femmes
et la prise de décision dans la vie publique, ainsi que l’élimination
de la violence, afin de promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation
de toutes les femmes et de toutes les filles.
15. Dernier point, mais non des moindres, j’ai tenu des réunions
avec Bardhylka Kospira, vice-ministre à la Santé et à la Protection
sociale en Albanie, le 6 février 2021, et avec Brisilda Taço, militante
rom, cheffe de projet chez Romano Kham, le 9 février 2021 à Tirana,
Albanie.
16. Toutes ces réunions ont largement contribué à ce rapport qui,
selon moi, arrive à point nommé et est extrêmement utile pour montrer
à la fois les progrès accomplis et ce qu'il reste à entreprendre.
Ces nombreux entretiens enrichissants sont décrits dans le rapport
et j’ai tenu compte des expériences directes et d’expert·e·s des
quatre coins de l’Europe dans les recommandations formulées.
4. Obstacles
à la participation
17. Lors de notre audition du 2
février 2021, Mme El Yassir, représentante
d’ONU Femmes, a fait référence au rapport du Secrétaire général
des Nations Unies en vue de la 65ème session
de la Commission de la condition de la femme, dans lequel il est
mentionné que les « femmes vivant en milieu rural, en situation
de handicap, autochtones, LBTI et confrontées à des problèmes de
racisme ainsi que les femmes d’ascendance africaine font partie
des groupes les plus exclus de la vie publique et sont confrontées
à une discrimination spécifique ». Elle regrette que les femmes
en politique continuent d’être victimes de stéréotypes liés au genre et
de discrimination et que des efforts suffisants n’aient pas été
entrepris pour combattre les multiples formes de discrimination
à l’encontre des femmes.
18. La
Stratégie
du Conseil de l'Europe pour l’égalité entre les femmes et les hommes
2018-2023 souligne que la réalisation « de la participation pleine
et entière des femmes à la vie publique, privée et politique requiert des
changements fondamentaux, des politiques, des mesures et des actions
ciblées pour éliminer les obstacles sociétaux et structurels ».
Ces obstacles sont en effet nombreux et revêtent diverses formes.
Leur analyse nous permet de les surmonter avec efficacité.
19. Les femmes issues de groupes sous-représentés sont confrontées
à de multiples obstacles et entraves à leur participation à la prise
de décision politique et publique. Leur accès à l’éducation et aux
services est souvent limité. Elles peuvent être victimes de discrimination
en raison de leur genre, de leur identité de genre, de leur orientation
sexuelle, de la couleur de leur peau, de leur origine sociale ou
ethnique, de leur âge ou de leur handicap, entre autres
. C'est pourquoi le Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes (CEDEF) a adopté une approche
intersectionnelle et a reconnu que la discrimination peut être fondée sur
une combinaison de motifs, ce qui produit alors une sorte de discrimination
cumulative. Cette approche prend en considération les contextes
historique, social et politique de la discrimination. Le CEDEF demande aux
États de prendre en considération les formes de discrimination intersectionnelles
auxquelles les femmes peuvent être confrontées, car toutes les femmes
ne sont pas touchées de la même manière par la discrimination
. La lutte contre toutes les formes
de discrimination doit donc être intensifiée afin d'apporter un changement
systémique. Un environnement sans discrimination est plus propice
à une participation politique diversifiée et plus susceptible d'assurer
une représentation de toutes et tous.
20. La violence à l’égard des femmes en politique, dans l'hémicycle,
dans la rue et sur les médias sociaux peut décourager toute volonté
de s'engager davantage. La crainte du harcèlement et de la violence
peut décourager les candidates potentielles de se présenter aux
élections. Comme le montre l'étude de l'UIP-APCE sur le sexisme,
le harcèlement et la violence à l’égard des femmes dans les parlements
en Europe
, la violence à l’égard des
femmes est répandue et généralisée dans le monde de la politique.
Les femmes issues de groupes sous-représentés peuvent être attaquées
pour divers motifs. Les discours de haine et le harcèlement en ligne
à l’encontre des femmes dans la vie politique et publique entravent
l'engagement des femmes en politique, en particulier celles qui
sont issues de groupes sous-représentés. Des actions claires et fortes
pour lutter contre les discours de haine, le harcèlement en ligne
et la violence contre les femmes en politique contribueront sans
aucun doute à renforcer la participation des femmes des groupes
sous-représentés à la prise de décision politique et publique.
21. En général, les femmes portent le poids des préjugés et des
normes sociales de la société et de leur propre famille, qui s'opposent
à leur entrée en politique. On pourrait attendre d'elles qu'elles
s'occupent de leur famille plutôt que de devenir une figure publique,
en raison des rôles sociaux qu'elles sont censées accomplir. Comme
l'a souligné Mme Yaşar dans sa contribution, «dans les zones rurales,
la participation des femmes peut être plus difficile en raison du
manque d'approbation des membres de la famille». Les femmes peuvent être
sous-représentées en politique, en raison de la perception qu'elles
sont moins qualifiées ou qu'elles ne possèdent pas suffisamment
de compétences en matière de leadership. Ces stéréotypes sont liés
au rôle traditionnel des femmes en tant que qu’aidantes.
22. Cette pression sociale est préjudiciable à la confiance en
soi, et a souvent pour conséquence que les femmes limitent leurs
ambitions, croyant qu'elles n'ont pas le profil ou ne correspondent
pas au « type de personne prenant des décisions ». Elles peuvent
penser qu'elles n'ont pas le profil socio-économique ou éducatif
dit approprié. Cette autocensure empêche des femmes brillantes de
décider d'être plus actives en politique et dans la vie publique.
Le manque de confiance en soi et d'assurance constitue donc un obstacle supplémentaire
majeur. Une formation et un encadrement spécifiques sont essentiels
pour renforcer la confiance en soi et permettre aux femmes de se
familiariser avec l'environnement politique. Dans le même temps,
les parlements nationaux et régionaux devraient devenir plus sensibles
à la question du genre, notamment en ce qui concerne les conditions
de travail et intégrer la dimension de genre dans leur travail.
23. Le partage inégal des responsabilités domestiques et des soins
peut empêcher les femmes de s'engager en politique. La participation
à la prise de décision politique et publique prend du temps et le
soutien de la famille au candidat ou à la candidate est important
pour réussir. Les longues heures de travail, l'organisation de réunions
souvent le soir et le week-end et l'absence de mesures visant à
assurer la compatibilité avec la vie privée peuvent conduire à la
décision de reporter l'entrée en politique de quelques années. Ces
facteurs peuvent également constituer une raison de ne pas prolonger
un mandat. Des politiques plus favorables à l'égalité de genre devraient
être élaborées pour créer un meilleur équilibre entre vie professionnelle
et vie personnelle. La Norvège et la Suède ont adopté de bonnes
pratiques pour surmonter les obstacles concrets auxquels sont confrontées
les femmes en tant que qu’aidantes principales. En Norvège, l'État
subventionne largement les crèches publiques et privées pour aider
les femmes à assumer la charge des soins aux enfants. En Suède,
les crèches sont accessibles aux femmes travaillant dans les secteurs
public et privé, et sont financées en partie par des subventions
du gouvernement central, en partie par les recettes fiscales et
en partie par les contributions des parents; les parents ne doivent
dépenser qu'entre 1 et 3 % du revenu familial pour la garde des
enfants, en fonction du nombre d'enfants; et depuis 1991, tous les
enfants âgés de 18 mois et plus, dont les parents travaillent ou
étudient, ont accès à une place soit dans une garderie agréée, soit
dans une garderie familiale agréée, soit dans une école maternelle.
24. Les femmes issues de groupes sous-représentés rencontrent
également des difficultés majeures pour figurer sur les listes électorales
ou pour progresser dans leur parti politique. Les partis politiques
peuvent être les « gardiens » de l’accès des personnes issues de
groupes sous-représentés à la vie politique. Ils font partie du
problème, et doivent donc devenir une partie de la solution. Il
est important d'inclure des femmes d'origines diverses sur les listes,
mais les placer à des postes éligibles fait toute la différence.
Le manque de financement et le manque d'investissements des partis
dans les candidatures féminines constituent également des obstacles
importants. La conduite d'une campagne électorale nécessite des
ressources financières substantielles. Le plafonnement des dépenses
électorales pourrait contribuer à attirer des candidats et candidates
d'origines plus diverses. Les partis politiques devraient apporter
un soutien aux femmes des groupes sous-représentés afin de s’assurer
qu’elles disposent des ressources financières nécessaires.
25. Le fait que les compétences et l'expertise des femmes en général
ne soient dans l’ensemble pas prises en compte par les autres politiciens
ou les médias a un impact négatif sur la participation des femmes
à la vie politique et publique. Les femmes sont évaluées différemment
des hommes, que ce soit en tant que candidates potentielles à des
postes de direction ou à des postes de prise de décision. Elles
sont généralement confrontées à la double obligation de faire preuve
de qualités de leadership (généralement associées aux hommes), tout
en présentant les caractéristiques attendues des femmes (comme être
chaleureuses et attentionnées). Les femmes candidates ou élues sont
toujours interrogées sur leur situation familiale, leurs enfants
ou font l'objet de commentaires sur leur apparence. Les gros titres
se concentrent encore trop souvent sur ces aspects plutôt que sur
les compétences, l'expertise et la contribution professionnelles.
En 2021, il semble très limitatif pour les femmes d'avoir encore
à répondre à ce genre de questions.
26. Le manque d'accessibilité des procédures, des informations
et des structures peut rendre difficile la participation des femmes
en situation de handicap à la vie publique et politique. Il existe
quelques bonnes pratiques, mais elles ne sont pas généralisées et
la participation des femmes en situation de handicap est encore
limitée. Il convient de promouvoir davantage la participation et
la représentation dans les structures décisionnelles.
27. La pandémie de covid-19 a eu un impact extrêmement négatif
sur l’égalité et la non-discrimination. Dans son rapport intitulé
«Garantir les droits humains
en temps de crise et de pandémie: la dimension de genre, l’égalité
et la non-discrimination» ,
Mme Petra Stienen (Pays-Bas, ADLE) souligne
que la pandémie de covid-19 « a eu des répercussions sur le fonctionnement
de nos démocraties et sur l’ensemble des droits humains. Du point
de vue de l’égalité et de la non-discrimination, elle a mis en évidence
les inégalités profondes et structurelles qui affectent nos sociétés
et les a aggravées ». Les femmes issues de groupes sous-représentés ont
été touchées de manière disproportionnée par la pandémie, ce qui
a rendu leur engagement en politique encore plus difficile. Selon
Caroline Hubbard et Saskia Brechenmacher, « les effets politiques
et socio-économiques profonds de la pandémie pourraient stopper
ou inverser les progrès dans le domaine de l'inclusion politique
des femmes »
.
Elles soulignent toutes deux qu’un retour à des rôles de genre traditionnels,
une plus grande précarité, des pratiques moins structurées en politique
et une moindre visibilité des femmes dans les médias peuvent conduire
à exclure davantage les femmes. Elles relèvent cependant aussi des
exemples encourageants comme le nombre plus élevé que jamais de
femmes noires briguant un mandat politique aux États-Unis en 2020,
qui pourrait être directement lié à la pandémie de covid-19 qui
a touché les personnes de couleur de manière disproportionnée. Il
serait très intéressant, selon moi, de mener davantage de recherches
pour analyser l’impact de la pandémie sur la participation des femmes
issues de groupes sous-représentés à la prise de décision politique
et publique.
28. Sur une note plus positive, et comme le souligne Julie Ballington
(ONU Femmes), le changement peut se produire rapidement s'il existe
une volonté politique forte. Nous assistons en effet à un changement
aux États-Unis avec la nomination d'un cabinet plus diversifié sous
l'administration Biden ainsi que d'une femme vice-présidente. L'expérience
positive de plusieurs pays, en matière d'augmentation de la participation
des femmes aux niveaux décisionnels, pourrait être un excellent
modèle à suivre pour renforcer la participation des femmes issues
de groupes sous-représentés en politique et dans les organes décisionnels
publics. Le fait d'avoir plus de femmes en politique peut changer
les attitudes et contribuer à remettre en question les stéréotypes.
5. Participation
des femmes roms à la prise de décision politique et publique
29. Les Roms et les Gens du voyage
sont sous-représentés dans la vie politique aux niveaux local, national et
européen. Les femmes roms sont particulièrement sous-représentées
dans le paysage politique européen. La participation politique des
femmes issues des communautés roms et de Gens du voyage a été le
thème principal de la Sixième conférence internationale des femmes
roms en 2017
.
Son résultat principal concerne les partis politiques, qui sont
des acteurs essentiels pour assurer la participation des femmes
de divers milieux à la vie politique dans la mesure où ils décident
des listes pour les élections et peuvent avoir une approche proactive
dans la sélection des candidats et candidates d'origines diverses.
Les partis et groupes politiques ont donc été encouragés à signer
l'« Engagement sur la représentation politique des femmes roms »
,
déclarant qu'ils « s'engagent à promouvoir l'égalité entre les femmes
et les hommes et la participation aux instances de décision de femmes
appartenant à des groupes minoritaires et en particulier de femmes
issues des communautés roms et de Gens du voyage, ainsi que leur
représentation politique lors des prochaines élections européennes,
nationales, régionales et locales ». Je trouve cette initiative
très inspirante et je suis d'avis qu'elle devrait être davantage
promue. Il a été décevant d'apprendre que seuls 13 partis politiques
ont signé cet engagement jusqu'à présent. Avec ce rapport, j'ai
l'intention d'encourager davantage de partis politiques à le signer
et à prendre des mesures afin de le mettre en œuvre.
30. La conférence a permis de discuter de la manière dont l'autonomisation
pourrait commencer une fois les défis reconnus. Des recommandations
essentielles ont été formulées lors de cette conférence. Si elles
visent spécifiquement à promouvoir la participation des femmes issues
des communautés roms et des Gens du voyage, elles pourraient également
être une source d'inspiration pour d'autres groupes de femmes. La
lutte contre la discrimination structurelle est une recommandation
clé et une condition préalable à la participation. Une autre recommandation
importante est de proposer des initiatives de formation, de mentorat,
d'orientation professionnelle, de mise en réseau des pairs et de
renforcement des capacités aux femmes issues des communautés roms
et des Gens du voyage qui souhaitent s'engager en politique.
31. Certaines participantes ont mentionné qu'elles étaient confrontées
à un dilemme entre la préservation de leur identité culturelle en
tant que Roms et la participation à un mouvement politique général.
C'est pourquoi la lutte contre les stéréotypes et la discrimination
est si importante. Une personne qui entre en politique ne doit pas
avoir l'impression d'abandonner son identité. Nous avons donc également
besoin d'une plus grande ouverture de la part des partis et de mesures
spécifiques pour promouvoir la participation de personnes issues de
différents milieux. L'adoption de quotas par les partis politiques
pourrait avoir un impact significatif. La formation des dirigeants
et dirigeantes et des partis politiques à la prise en compte de
la dimension de genre dans la structure des partis politiques et
dans les pratiques de recrutement et de sélection a également été évoquée
comme une recommandation pertinente.
32. La Division des Roms et des Gens du voyage du Conseil de l'Europe
a organisé des sessions de formation pour accroître leur participation
à l'élaboration des politiques, ainsi que leur représentation politique, en
mettant l'accent sur le renforcement des capacités. À mon avis,
ces formations peuvent être considérées comme de bonnes pratiques
qu'il convient de promouvoir. Les participantes à la formation sont
sélectionnées sur la base de leurs projets et de leur motivation,
et elles doivent prévoir de se présenter aux élections au niveau
local, national ou européen. Les organisations de la société civile
rom peuvent aussi bien suggérer des noms de candidates prometteuses
qui seraient intéressées par cette formation. Elles apprennent à
mener une campagne électorale, à s'exprimer en public et à obtenir
le soutien des citoyens et citoyennes pendant la campagne. Une formation
de suivi est également organisée sur la manière d'exercer un mandat
une fois élue, ce que je trouve particulièrement important. Après
leur élection au niveau national ou local, les candidates élues
ont besoin de programmes de formation, de mentorat et d'accompagnement
pour s'adapter à un nouvel environnement, la plupart du temps peu
convivial, et pour accroître l'efficacité de leurs connaissances
et compétences politiques. D'après mon expérience personnelle et
professionnelle, je considère ces programmes de formation comme
extrêmement importants et étroitement liés à leurs performances professionnelles.
Les domaines de compétences concernés comprennent notamment la compréhension
du fonctionnement formel et informel de la politique, la collecte
de fonds, le travail avec les médias, le leadership, le travail
en réseau, la négociation, le lobbying, le leadership et les relations
entre les élu·e·s et les électeurs et électrices.
33. La sélection des participantes est très importante afin d'assurer
une participation variée. Ce processus est ouvert, transparent et
inclusif. Il peut y avoir certains obstacles à la participation
à une formation, comme la réticence de la famille ou les critiques
des pairs et des amis. La participation est également entravée par
de multiples inégalités, par exemple dans l'accès à l'éducation
ou des problèmes plus logistiques tels que l'éloignement et le manque
de transport. Il peut être difficile pour une femme rom d'affirmer
que l’on souhaite entrer en politique, participer, être visible
et éventuellement voyager et devenir plus indépendante. Les organisatrices
et organisateurs d’activités visant à promouvoir la participation
doivent tenir compte de ces obstacles éventuels et adopter une approche
sensible au caractère délicat de la question pendant le processus de
sélection. Les sessions de formation sont adaptées aux besoins des
femmes qui y participent.
34. J'ai lu avec intérêt qu'en 2019, sur 15 femmes roms candidates,
six femmes ont été élues conseillères locales en République de Moldova.
Elles avaient toutes participé à un programme de formation « Les
femmes roms en politique » organisé par le Centre national rom et
l’ONU Femmes. Les obstacles suivants à la participation politique
des femmes roms en République de Moldova ont été recensés par le
Centre national rom: la discrimination et le sexisme, les rôles
des hommes et des femmes et les responsabilités familiales, les procédures
bureaucratiques limitant l'enregistrement des femmes roms ayant
un faible niveau d'éducation, la préférence des partis politiques
pour l'inscription de candidats roms masculins plutôt que féminins
sur leurs listes électorales, la tendance des partis politiques
à placer les femmes roms à des postes non éligibles sur leurs listes
électorales et une démotivation liée à la corruption, la manipulation
politique et la situation politique instable
.
Ces obstacles ont été clairement identifiés et examinés au cours
de la formation, ce qui a eu un résultat positif.
35. J'ai été heureuse d'apprendre qu'Eileen Flynn a été inscrite
sur la liste des 100 femmes de 2020 de la BBC en devenant la première
femme de la communauté des gens du voyage irlandais à siéger au
Seanad Éireann, la chambre haute du Parlement irlandais.
36. J’ai également reçu des informations sur le projet « Femmes
roms: la force du changement dans les Balkans occidentaux et en
Turquie », d’une durée de trois ans, mis en œuvre par Roma Active
Albanie avec le soutien du réseau ERGO (European
Roma Grassroots Organisations) et le financement de l’Union européenne.
Ce projet vise à renforcer la participation des femmes roms dans
les processus décisionnels et politiques locaux et nationaux. Une
partie du projet est destinée à sensibiliser l’opinion à l’impact
négatif des structures de pouvoir patriarcales sur les femmes roms
et à trouver des moyens de les faire participer aux structures de
la société civile et à la vie publique.
37. J’ai eu la possibilité de m’entretenir avec Brisilda Taço,
lauréate en 2019 du Prix « Héros méconnus » de l’Union européenne
pour l’intégration des roms dans les Balkans occidentaux et en Turquie.
Elle m’a dit que les femmes roms qui veulent s’engager dans la vie
publique et politique sont confrontées à une double discrimination,
de la communauté rom en raison du décalage par rapport aux rôles
de genre traditionnels et de la population dans son ensemble. Elle
a recommandé de promouvoir des modèles positifs de jeunes filles et
de femmes dans les médias, d’investir dans l’éducation en proposant
des bourses d’études pré- et post-universitaires pour les filles
et jeunes femmes roms, de les encourager à participer aux conseils
municipaux et à des réseaux à divers niveaux.
38. Certains modèles ont effectivement émergé et pourraient être
une source d'inspiration pour les femmes roms afin qu'elles participent
à la vie politique et publique. Le 21 octobre 2020, Zuzana Kumanová
a été nommée secrétaire d'État du ministère de la Culture de la
République slovaque. Elle est la première femme rom à être nommée
à un tel poste dans ce pays
. Mme Soraya
Post, citoyenne de la Suède, a été membre du Parlement européen
de 2014 à 2019. Lorsqu'elle a été élue au Parlement, elle a déclaré
dans une interview: « Je me mets toujours sous pression pour montrer
que je suis aussi intelligente que les autres et que je peux réussir.
Il y a quinze ans, j'ai décidé que je ne me sentirai plus jamais
comme une citoyenne de seconde zone. Il est important de connaître
ses droits, mais aussi de les appliquer »
. Elle a été candidate pour l'Initiative féministe,
un parti politique féministe suédois, qui lui a demandé de se présenter
alors qu’elle présidait le Réseau international des femmes roms.
Se présenter aux élections est apparu comme une étape logique, après
des années d'activisme au sein de la société civile
. De manière plus générale, il
est important de consolider les acquis en matière de participation
des femmes à la prise de décision, de soutenir les modèles positifs
et de promouvoir l'impact de leur contribution, afin d'inciter davantage
de femmes et de jeunes filles à entrer en politique et à participer
à la prise de décision. Lors de notre audition du 2 février 2021,
Marina Bublik a partagé son expérience de jeune femme rom qui s’est
présentée aux élections en Ukraine et a souligné l'importance du
rôle des écoles politiques roms du Conseil de l'Europe, au-delà
des sessions de formation, en offrant un réseau de soutien. Elle
a trouvé la formation dispensée très bénéfique mais aimerait voir
davantage de renforcement des capacités de leadership pour les femmes.
6. Les
jeunes femmes sont les nouveaux moteurs du changement en politique
39. Les chiffres de l'UIP montrent
que seulement 2,2 % des parlementaires dans le monde ont moins de
30 ans, dont les femmes ne représentent qu’une petite partie
. Néanmoins,
ces dernières années, de jeunes femmes politiques sont arrivées
sur le devant de la scène politique et ont impressionné par leurs connaissances,
leur charisme et leur courage. Alexandra Ocasio-Cortez, aux États-Unis,
est l'une d'entre elles et a incité de nombreux jeunes à être plus
actifs en politique. Elle a été particulièrement active durant son premier
mandat au Congrès et a expliqué son action à ses partisans sur les
médias sociaux presque quotidiennement. Elle les a emmenés au Congrès,
ce qui a contribué à accroître leur intérêt pour la sphère politique.
Elle a été réélue en novembre 2020. L'utilisation croissante des
médias sociaux en politique a définitivement changé la façon dont
les campagnes électorales sont menées. Avec Instagram, les photos
et les discussions en direct avec les abonnés rapprochent les candidats
et candidates de leurs électeurs et de leurs électrices et permettent
une interaction plus directe.
40. En Finlande et en Nouvelle-Zélande, des jeunes femmes ont
été nommées au poste de Premier ministre. Elles ont été félicitées
pour leur gestion de la première vague de covid-19 et ont mis en
avant la nécessité de mieux équilibrer vie privée et vie professionnelle.
Sanna Marin et Jacinda Ardern sont toutes deux parents de jeunes
enfants, ce qu'elles ne considèrent pas comme un problème les empêchant
d'exercer leurs fonctions. Sanna Marin a grandi dans une famille
arc-en-ciel et est devenue Première ministre à l'âge de 34 ans.
Son profil est inhabituel dans la politique européenne et attire
beaucoup l'attention. La majorité des du Gouvernement finlandais
actuel sont des femmes et la plupart des responsables de partis
sont des femmes de moins de 40 ans. Leur nomination à un niveau
de responsabilité politique aussi élevé envoie un puissant message
de confiance dans les capacités des jeunes générations.
41. Greta Thunberg a gagné en popularité dans le monde entier
pour son activisme contre le changement climatique. Bien qu'elle
ne soit pas membre d'un parti politique, elle est une militante
pour la protection de l'environnement et a rencontré des dirigeant·e·s
politiques dans le monde entier. Elle encourage les jeunes à s'exprimer
davantage dans le cadre du dialogue social et politique. Elle est
une source d'inspiration pour les jeunes générations et au-delà.
Elle a été louée et attaquée dans les médias et par certains dirigeants
politiques pour son action. Elle a toujours répondu de façon spirituelle
et non agressive, ce qui est sa façon d'être un modèle. Je pense
que ses actions ont incité davantage de jeunes femmes à s'engager
en politique.
42. Les premiers engagements et vocations se trouvent souvent
dans les mouvements dénonçant le changement climatique ou dans les
mouvements féministes. Le manque de confiance dans la politique, considérée
comme un lieu de trop nombreux compromis, fait que les jeunes hésitent
à entrer en politique. La professeure Irigoyen a souligné au cours
de notre échange
que
les jeunes femmes ne participeraient pas systématiquement à la prise
de décision politique et publique de manière traditionnelle. Des
structures moins institutionnalisées sont plus susceptibles d'attirer
les jeunes, et il est compréhensible que des environnements non
inclusifs aux comportements sexistes ne soient pas attrayants pour
les jeunes générations. Il est donc nécessaire de repenser la manière
dont les espaces de décision sont construits pour garantir qu'ils
soient des espaces sûrs et libres pour toutes et tous.
43. Lors de notre réunion bilatérale virtuelle avec Mme Bardina,
nous avons examiné la nouvelle Boîte à outils du Conseil de l'Europe
pour les autorités locales et les organisations de la société civile
sur la participation des jeunes femmes et des filles appartenant
à des groupes défavorisés aux processus de décision publique et
politique au niveau local, qui a été mise en œuvre en Ukraine en
2020 et peut être considérée comme une bonne pratique
.
44. La Suède, qui a fait de la promotion de l'égalité de genre
une priorité au niveau national et international, a alloué des fonds
spécifiquement pour promouvoir la participation politique des filles
et des jeunes femmes. L'égalité de genre a été intégrée dans tous
les aspects de la gouvernance et de la mise en œuvre des projets, et
a eu un impact tangible
.
7. Participation
et visibilité des femmes LBTI
45. La situation est très différente
entre les États membres du Conseil de l'Europe en ce qui concerne
la participation des femmes LBTI à la prise de décision politique
et publique. Dans certains États membres, la législation anti-LGBTI
complique l'engagement politique, tandis que dans d'autres, les
femmes LBTI ont pu accéder à des postes de pouvoir au sein du gouvernement.
46. Les femmes transgenres, par exemple, sont discriminées en
tant que femmes et en raison de leur identité de genre. Les programmes
de tutorat et les groupes de soutien entre pairs peuvent les exclure.
Cianán Russell a souligné que l'homophobie et la transphobie étaient
aujourd'hui socialement plus acceptées que le racisme et la xénophobie
. La crainte du harcèlement
et de la violence peut décourager les candidates LBTI potentielles
de se présenter aux élections. Une représentation plus importante
des femmes LBTI est nécessaire.
47. La question des quotas doit également être mentionnée. Fixer
un objectif qui ne serait pas de 50/50, mais peut-être un peu moins
donnerait de l'espace aux personnes non binaires. Il serait important
de veiller à ce que nos recommandations empêchent toute discrimination
future à cet égard.
48. Petra De Sutter, une femme transgenre, qui est une ancienne
membre éminente de l'Assemblée et présidente de la commission du
Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, a été
récemment nommée vice-première ministre en Belgique, choisie pour
ce poste en raison de son haut niveau de compétence. Dans les médias
belges, la couverture médiatique de sa nomination a présenté son
expérience et son expertise passées, mais dans la presse internationale,
les commentaires sur sa nomination se sont concentrés sur son identité
de genre en tant que femme transgenre, et non sur ses compétences
et son expérience professionnelle. Un autre exemple est celui d'Ana
Brnabić, qui est la première femme ouvertement lesbienne à occuper
la fonction de première ministre de Serbie. Il existe une forte
volonté de faire connaître l'expertise de tout politicien ou politicienne,
indépendamment de son genre ou de son parti politique. Les femmes
LBTI, ainsi que toutes les femmes issues de groupes sous-représentés,
doivent être plus fortes, plus compétentes et plus performantes
que les autres afin d'atteindre des postes de pouvoir.
49. Lilian Haak, une femme transgenre des Pays-Bas, élue à un
conseil municipal, a souligné au cours de notre réunion
que
les femmes LBTI avaient deux batailles à mener. Elles ont dû se
battre pour leur statut et pour la cause qu'elles défendent. Cela
a rendu la participation à la prise de décision publique et politique encore
plus difficile pour les femmes LBTI. Elle a souligné l'importance
d'avoir un réseau de soutien pour les femmes qui commencent à faire
de la politique.
50. Dinah de Riquet-Bons, candidate des Verts aux Pays-Bas, a
déclaré qu’il est difficile pour une femme transgenre d’entrer en
politique. Elle est d’origine juive et a été la cible de propos
antisémites depuis qu’elle fait de la politique.
51. J'ai tenu une réunion inspirante avec Tanja von Knorring,
une femme transgenre connue qui s'est présentée aux élections de
2019 en Finlande. Elle a mis en garde contre l'instrumentalisation
des personnes issues de groupes sous-représentés dans les processus
électoraux et a dénoncé le harcèlement sur les médias sociaux. Les
défis auxquels sont confrontées la plupart des femmes en politique
sont exacerbés pour les femmes issues de groupes sous-représentés.
Selon elle, il n'existe pas encore suffisamment de données sur les
groupes sous-représentés dans l'Union européenne et elle a donc
appelé à une meilleure collecte de données. Il est nécessaire d'établir
des lignes directrices dans les programmes de formation visant à
renforcer la participation de femmes issues de groupes sous-représentés
sur la manière dont les cours peuvent être menés avec une approche
intersectionnelle.
52. J'ai trouvé particulièrement intéressants les cycles de formation
à la participation en politique menés par le NDI (Institut national
démocratique) dans les Balkans afin de permettre aux militants LGBT
d’acquérir les compétences requises pour s’engager dans des partis
politiques, au parlement et dans des organismes publics. Ces sessions
ont également pour objet de préparer les participant·e·s à se présenter
à une élection. Elles ont été organisées en partenariat avec le
Gay and Lesbian Victory Institute basé aux États-Unis et Labris, une
organisation serbe de défense des droits fondamentaux des lesbiennes.
53. Faika El-Nagashi, membre du Parlement autrichien, m'a fait
part de son histoire. Elle et ses parents sont nés à l'étranger.
Elle s'identifie comme une femme de couleur issue de l'immigration,
lesbienne, qui a grandi dans une famille catholique et musulmane.
Il est difficile de séparer ses différentes identités, ce qui l'a
rendue plus vulnérable à la discrimination multiple. Malgré tous
ces défis, son histoire est celle d’une réussite. Elle a souligné
le rôle important des communautés qui la soutiennent ainsi que son
expérience de militante. Le mentorat a été crucial dans sa carrière
politique. Lorsqu'elle rencontre des candidates ou candidats potentiels, elle
leur conseille de faire preuve de résilience, ce qui est essentiel
pour survivre dans un environnement politique qui peut être hostile.
Selon elle, les femmes ayant été élues ont un rôle majeur à jouer
pour encourager les femmes issues de groupes sous-représentés à
s'engager en politique.
8. La
participation des femmes de couleur et des femmes issues de l’immigration
54. Je voudrais souligner que l'accession
de Kamala Harris au poste de vice-présidente des États-Unis d'Amérique
le 20 janvier 2021 est un changement historique. Elle est la première
femme à être nommée à ce poste, ce qui est déjà révolutionnaire
en soi. De plus, elle est la fille d'un père jamaïcain et d'une
mère indienne, ce qui prouve aux jeunes générations que la voie
est ouverte. En montrant que c'est possible, les modèles ouvrent
la voie.
55. Il n’en reste pas moins que les femmes de couleur et les femmes
issues de l’immigration qui s’engagent en politique sont régulièrement
la cible d’attaques racistes. Kristina Stenman, médiatrice en matière
de non-discrimination en Finlande, a mentionné la discrimination
à l'égard des Afro-finlandais et le discours de haine, qui constituent
un obstacle à la participation à la vie politique. Selon elle, il
est important d'aborder les aspects genrés du racisme. Jenni Tuominen,
de l'association Monika, a souligné que les femmes issues de groupes sous-représentés
étaient encore assez invisibles dans la politique finlandaise. Les
femmes roms et sames sont par exemple sous-représentées. Selon Mme Tuominen,
il y a un niveau important de discrimination raciale et de discours
de haine qui doit être combattu afin d'augmenter la participation
des femmes issues de groupes sous- représentés. L'association Monika
apporte un soutien aux femmes issues de l'immigration qui participent aux
élections, discute du rôle des différentes institutions et prépare
le terrain pour leur participation politique. Ses membres sont optimistes
pour l'avenir en ce qui concerne la participation des femmes d'origines
diverses à la prise de décision politique et publique.
56. Lors de notre rencontre avec les représentantes de l'Association
des femmes finlandaises NYTKIS, nous avons discuté de leur programme
visant à lutter contre les discours de haine et le harcèlement à l’encontre
des femmes pendant les campagnes électorales. Elles ont exprimé
leur inquiétude face à l'augmentation des discours de haine contre
les femmes et ont regretté que le paysage politique actuel ne soit pas
très diversifié, malgré la forte participation des femmes.
57. La participation des femmes de couleur et des femmes issues
de l’immigration a progressé ces dernières années aux Pays-Bas.
Marie-Anne von der Reijen regrette cependant qu’il leur soit plus
difficile de se hisser à des fonctions de direction. Amma Asante
a souligné que la norme était encore l’homme blanc, ce qui rend
la situation encore plus difficile pour les femmes de couleur. Le
fait de pouvoir participer aux décisions permettrait, selon elle,
de comprendre le système de l’intérieur.
58. Selon Tanja Jadnanansing, conseillère municipale d’Amsterdam,
les femmes issues de groupes sous-représentés ne sont pas considérées
à leur plein potentiel. Elles ont beaucoup à apporter et à enseigner
au reste de la population. La formation ne devrait pas être dispensée
de manière paternaliste, mais en tenant compte des possibilités
de contribution de chaque participant·e·s. L’emploi du terme « autonomisation »
a été critiqué. Il est important d’adopter une démarche humble lorsqu’on
prépare et propose des activités telles que des formations.
59. J’ai également eu un échange de vues passionnant avec Samira
Rafaela, membre du Parlement européen. Elle regrette l’absence de
femmes de couleur dans la politique néerlandaise et affirme ne pas
être la norme au Parlement européen. On lui demande parfois si elle
est l’assistante parlementaire d’un membre du parlement. Elle dit
être régulièrement la cible d’attaques racistes, qui sont manifestement
dissuasives pour des femmes de couleur ayant des ambitions politiques.
Les femmes de couleur entendent souvent qu’elles ne sont pas assez
douées pour participer à la prise de décision, ce qui est discriminatoire.
9. Participation
des femmes en situation de handicap
60. En 2017, l’Assemblée a adopté
une résolution inédite, « Les droits politiques des personnes handicapées:
un enjeu démocratique»
. Toutes les recommandations présentées
dans le rapport devraient être suivies. Des mesures concrètes sont
nécessaires pour permettre aux personnes en situation de handicap de
participer davantage à la prise de décision politique et publique.
Leur accès à la politique n’est pas encore une réalité dans les
États membres du Conseil de l’Europe et, trop souvent, on attend
des personnes en situation de handicap qu’elles travaillent uniquement
sur les questions de handicap au sein des partis politiques.
61. Tarja Filatov, vice-présidente du Parlement finlandais, a
mentionné que les partis politiques essayaient de recruter des personnes
en situation de handicap en vue des prochaines élections municipales.
Elle a souligné l'importance du mentorat pour les candidats et candidates.
62. Lors de notre audition, Mme El
Yassir a partagé l’histoire d’Elena, une femme en situation de handicap qui
est entrée récemment en politique en République de Moldova. Elena,
qui est âgée de 35 ans, a essayé d’accéder à un centre médical de
sa ville. Elle n’a pas pu rentrer et a été contrainte de se déplacer
avec ses mains et ses genoux pour pénétrer dans le bâtiment. Elle
est allée à la mairie pour solliciter de l’aide. Le maire a donné
à Elena un sac de ciment et du sable et lui a dit de se débrouiller
seule. Elle a décidé de prendre les choses en main et de présenter
sa candidature à un poste de conseillère municipale comme candidate indépendante.
Elle a trouvé des soutiens et des mentors qui l’ont aidée. Elle
a bénéficié de la formation d’ONU Femmes, qui a contribué à créer
le premier réseau de femmes en situation de handicap regroupant
désormais 100 membres. Une campagne nationale dans les médias a
contribué à lutter contre les normes sociales et attitudes négatives
à l’égard des femmes en situation de handicap.
63. Lors de notre réunion, la vice-ministre, Mme Kospiri,
a souligné que l’absence de stratégies sociales inclusives ou l’inefficacité
de leur mise en œuvre a perpétué l’invisibilité en politique des
femmes issues de groupes sous-représentés, notamment des femmes
en situation de handicap. Selon elle, il faut faire obstacle aux
stéréotypes sur les capacités des femmes en situation de handicap.
L’engagement auprès de la société civile a été décisif dans son
parcours politique. Son action vise à accroître la visibilité des
personnes en situation de handicap sur la scène politique et à leur
donner une tribune pour exprimer leurs besoins. L’accès aux informations,
aux services, à la justice et à une éducation inclusive est indispensable
à cette fin.
10. Les
hommes peuvent être des alliés dans le renforcement de la participation
des femmes issues de groupes sous-représentés
64. Les femmes ne supportent pas
seules le fardeau de la réalisation de l’égalité de genre ; il s’agit
d’une responsabilité commune qui peut profiter à toutes et à tous.
Il est essentiel, selon moi, d’associer les hommes dès un jeune
âge, à la promotion de l’égalité de genre. Ils sont des agents potentiels
du changement. Ils peuvent reconnaître que les hommes sont sur-représentés
dans les institutions politiques et réclamer la participation accrue
des femmes, notamment celles qui sont issues de groupes sous-représentés.
Les efforts des hommes qui s’engagent dans cette voie devraient
être reconnus.
65. J'ai lu avec intérêt une e-discussion électronique organisée
sur iknowpolitics sur l'engagement de champions masculins pour soutenir
la participation politique des femmes. Elle souligne que l'équilibre
de genre en politique ne peut être atteint que «si les hommes travaillent
côte à côte avec les femmes pour partager la responsabilité de briser
les normes et pratiques culturelles néfastes, ainsi que les barrières
institutionnelles, structurelles et juridiques qui entravent la
participation politique égale et influente des femmes»
.
66. Le partage du pouvoir est une question difficile à aborder.
Le fait d’accepter des règles, par exemple au sein d’un parti politique,
qui garantissent l’égale participation des femmes et des hommes,
entraîne une participation accrue des femmes. La redistribution
du pouvoir sera difficile sans implication des hommes. Lors de notre
réunion, M. Jallow a souligné que la sur-représentation politique
des hommes et la masculinité toxique sont étroitement liées. Dès
leur plus jeune âge, les hommes sont considérés comme des décideurs.
Il considère que la sous-représentation des femmes est un problème
systémique qui implique de modifier le système. Dans une société
patriarcale, ce changement n’est pas possible sans la participation
des hommes.
67. Les hommes peuvent être des alliés dans le combat pour l’égalité
de genre à la maison et au travail. En partageant les soins et les
activités ménagères ainsi qu'en établissant des normes égales pour
les garçons et les filles au sein de la famille, les hommes jouent
un rôle crucial dans la promotion de l'égalité de genre. La promotion
de l’égalité en matière d’emploi, de l’égalité salariale pour un
travail de valeur égale et la contribution à l’obtention d’un meilleur
équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle sont des
mesures qui peuvent être prises par des hommes ou des femmes occupant
des postes de responsabilité. Les hommes devraient être également
considérés comme des aidants et s’impliquer davantage dans la lutte
contre la violence à l’égard des femmes. Dès leur plus jeune âge,
la plupart des hommes entendent qu’ils doivent être forts et se conformer
à une vision stéréotypée d’une masculinité forte tandis que les
femmes et les filles sont considérées comme vulnérables. Aux Pays-Bas,
l’initiative « Men Engage » vise à étudier avec des hommes comment changer
les comportements masculins toxiques.
68. Il arrive parfois que des mouvements de femmes s’opposent
à l’implication des hommes dans les efforts de promotion de la participation
des femmes. L’exclusion des hommes est, selon moi, contre-productive.
Les hommes ne sont pas tous opposés à l’égalité de genre. Les mouvements
de femmes peuvent également tirer profit d’une plus grande participation
des hommes, et l'égalité de genre ne peut être réalisée que si les
femmes et les hommes y contribuent.
69. Il faut s’attaquer aux racines des inégalités de genre pour
provoquer un changement radical. Les programmes scolaires peuvent
contribuer à remettre en question les stéréotypes de genre et les
cadres d’apprentissage peuvent avoir une approche sensible au genre.
Les médias peuvent aussi jouer un rôle important. L'éducation et
les médias peuvent tous deux contribuer à changer les normes sociales.
11. Mesures
concrètes pour améliorer la participation
70. L'amélioration de la participation
des femmes issues de groupes sous-représentés à la prise de décision politique
et publique nécessite une multitude de mesures et une forte volonté
politique. Les partis politiques doivent reconnaître leurs lacunes
en matière de représentativité et prendre des mesures concrètes
pour recruter des candidats et candidates aux profils variés et
garantir une participation et une représentation inclusives. Le
système éducatif doit veiller à inclure dans ses programmes des
informations sur la contribution des femmes à l'histoire et à la
politique et à mettre en lumière des exemples pouvant servir de
modèles en vue d’inspirer des nouvelles générations. Pour s’opposer
aux normes sociales et promouvoir des sociétés inclusives du point
de vue du genre, il faut lutter, dès le plus jeune âge, contre les
stéréotypes fondés sur le genre. La norme du leadership uniquement
masculin doit être remise en question.
71. Il ne peut y avoir de participation accrue des candidates
et candidats issu·e·s de groupes sous-représentés si aucune autre
mesure n'est prise pour prévenir et combattre la discrimination.
La législation discriminatoire à l'encontre d'un groupe sous-représenté,
tel que les personnes LGBTI, doit être abrogée afin d'ouvrir la
voie à la participation. Une législation antidiscriminatoire forte
doit être mise en œuvre, si ce n'est pas encore le cas.
72. Il convient également de prendre des mesures résolues pour
prévenir et combattre le discours de haine, le sexisme et la violence
à l'égard des femmes en politique, qui affectent leur volonté de
s'engager et de continuer à participer à la vie politique et à la
prise de décision publique. Les recommandations formulées dans le
rapport de Mme Thorhildur Sunna Ævarsdóttir
« Pour des parlements sans sexisme ni harcèlement sexuel »
restent valables et devraient être
mises en œuvre sans plus attendre. Des environnements sûrs et propices
à l’égalité de genre contribuent à augmenter la participation des
femmes à la prise de décision politique et publique.
73. La collecte de données ventilées sur la participation des
femmes issues de groupes sous-représentés doit être encouragée et
les mesures doivent être adaptées aux résultats. Les parlements
pourraient étudier comment intégrer différents groupes de personnes.
Davantage de recherches sont nécessaires dans le domaine des démocraties
inclusives, de l’intersectionnalité et de la manière dont elle est
liée et a un impact sur les rôles de leadership des femmes, du rôle
des hommes dans la promotion de la participation des femmes et des
origines socio-économiques des femmes en politique. Une analyse
de l’ensemble de la sphère politique et de la représentation et
de la participation des groupes sous-représentés pourrait être également
indiquée. D'autres travaux de recherche sont également nécessaires
pour déterminer comment augmenter la représentation des femmes dans
les organes élus au niveau local et le nombre de femmes maires.
74. L'utilisation de quotas peut être un point de départ du changement.
Ils pourraient être mis en place pour les jeunes candidats et candidates
avec une composante de genre. On pourrait également exiger que sur
les trois premières femmes d'une liste, une soit issue d'un groupe
sous-représenté. Les personnes non binaires doivent également être
prises en compte lorsqu’il est question de quotas afin d’éviter
toute discrimination supplémentaire. Des objectifs assortis de délais
peuvent aider à obtenir des résultats positifs. Des sanctions efficaces
en cas de non-respect des quotas législatifs doivent être appliquées.
Les quotas pourraient être une mesure temporaire pour provoquer
un changement important, mais ils ne suffisent pas à eux seuls à
changer un système. Ils doivent être accompagnés de politiques inclusives
et sensibles à la dimension de genre, d’une budgétisation sensible
au genre et d’une législation appropriée. Les quotas doivent être
considérés comme un minimum et non pas comme un objectif.
75. La communication stratégique incitant à voter pour des femmes
peut également avoir un impact positif. Aux Pays-Bas, l’initiative
« Voter pour une femme » créée par Devika Partiman en 2017 est très
inspirante. Elle appelle les femmes et les hommes à effectuer un
vote stratégique pour une femme qui n’est pas nécessairement en
tête de liste (vote préférentiel) et a été largement partagée sur
les réseaux sociaux. Cette stratégie a contribué à l’élection de
plus de 150 femmes.
76. Les partis politiques peuvent prendre des mesures spécifiques
pour encourager la participation des femmes issues de groupes sous-représentés.
Les règles de sélection des candidats et candidates peuvent garantir
la prise en compte de la diversité. Les partis peuvent analyser
leur composition et le profil des candidats et candidates et organiser
des discussions sur la manière d'accroître la participation et la représentation.
L’OSCE/BIDDH a élaboré un outil en ligne permettant aux partis politiques
de réaliser leur propre audit de genre, qui comprend une question
sur la participation des différents groupes de femmes
. Les plans d'action pour l'égalité
de genre des partis politiques pourraient être un instrument utile
pour garantir leur responsabilité en la matière. Les partis décident
également de l'allocation des ressources pour les campagnes électorales
et devraient utiliser une approche sensible au genre pour soutenir
les candidats et candidates. Les partis politiques devraient promouvoir
les candidatures de femmes issues de groupes sous-représentés par l'adoption
de programmes de formation spéciaux, le recrutement et des incitations
financières. Il importe également de garantir que les femmes, une
fois élues, conservent leur poste et que des mesures soient prises dans
ce sens
.
77. Une autre recommandation vise à faire de l’accessibilité pour
toutes les femmes et les filles une priorité. La participation des
femmes en situation de handicap doit être davantage soutenue. Les
partis politiques devraient s’adapter aux besoins des personnes
en situation de handicap et être plus inclusifs.
78. Le développement de la garde d'enfants pour toutes et tous,
y compris pour les femmes qui participent à la prise de décision
politique et publique, peut être une incitation. La sensibilisation
au partage des responsabilités parentales pourrait représenter une
aide. Il convient de promouvoir des politiques familiales favorables
à l'égalité de genre. Il est important d'investir dans l'éducation
civique à l'école et dans l'éducation des adultes sur l'égalité
de genre, l'inclusion et la non-discrimination pour parvenir à un
changement profond des mentalités en faveur d'une société plus égalitaire
et plus inclusive. Accroître l'autonomie économique des femmes issues
de groupes sous-représentés et améliorer leur accès à l'éducation,
à la santé et aux services sociaux sont autant d'éléments qui contribuent
à leur engagement dans la vie publique et politique.
79. Les formations formelles et informelles sont importantes et
ont un grand impact sur leurs performances professionnelles. Il
est important que les femmes reçoivent une formation avant d'entrer
en politique, pendant leur campagne en tant candidates et pendant
leur mandat. Des programmes de tutorat créatifs peuvent jouer un
rôle important en renforçant leur confiance, leurs connaissances
et leurs compétences en matière de politique et de prise de décision.
Des rencontres avec des femmes dirigeantes qui ont réussi, qui partageraient des
histoires de réussite, des expériences personnelles en termes de
réalisation d'objectifs, de conciliation de la vie professionnelle
et de la vie personnelle, de la manière de gérer un environnement
non convivial en politique, de la manière de gérer les discours
de haine, pourraient également être motivantes et encourageantes.
La formation à la préparation des campagnes électorales, à la conduite
des mandats, au renforcement de la confiance, à la collecte de fonds,
à la définition de l'agenda, à la mise en réseau, à la formation
de groupes et d'alliances, à la négociation et au leadership, aux
médias sociaux et aux nouvelles technologies sont des outils utiles
qui nécessitent des ressources financières suffisantes. Pour que
la formation soit adaptée à leurs besoins, il faudrait interroger
les femmes issues de groupes sous-représentés sur leurs besoins,
leurs souhaits et l’idée qu’elles se font de leur contribution à
la prise de décision politique et publique. J’ai été informée qu’au
Kosovo*
, le NDI
a repensé ses programmes pour soutenir les femmes et les jeunes
et a organisé une formation utilisant la technologie pour soutenir
leur activité politique
.
80. Les groupes parlementaires féminins agissent à la fois comme
soutien aux femmes parlementaires et comme mécanismes permettant
d'influencer l'élaboration des politiques. Les groupes nationaux
et locaux de femmes parlementaires, de membres de mouvements de
femmes et d'hommes sensibles à la dimension de genre peuvent travailler
ensemble sur des programmes communs, et œuvrer consciemment pour
l'égalité de genre et le renforcement de l'engagement des femmes
des groupes sous-représentés dans la politique et la vie publique.
Il n'y aura pas de progrès en matière d'égalité de genre sans une
plus grande implication des hommes députés. La formation des hommes
à l'égalité de genre peut également apporter une contribution positive
et sensibiliser à l’importance de l’égalité et de l’inclusion. De
manière plus générale, l'application d'une optique de genre intersectionnelle
à l'élaboration des politiques devrait devenir un réflexe, de même
que la budgétisation sensible au genre.
81. Les médias ont également un rôle important à jouer pour promouvoir
une culture de l'égalité de genre et de la diversité. Des campagnes
stratégiques devraient être organisées pour remettre en question
les stéréotypes de genre, offrir un espace aux femmes de tous les
groupes dans les médias et pour rendre visibles leur contribution
et leur participation dans tous les domaines de la vie. Il convient
de promouvoir des modèles positifs afin de garantir que davantage
de femmes et de filles participent à la vie publique. La contribution
des femmes à la politique et à l'économie politique devrait être
plus visible.
82. Dans de nombreux pays, les organisations de promotion des
droits des femmes soutiennent fermement la participation des femmes
issues de groupes sous-représentés à la prise de décision politique
et publique aux niveaux local, régional et national. Je considère
les mouvements et les organisations de promotion des droits des
femmes comme essentiels à la lutte pour une participation et une
représentation égales. Elles sont essentielles pour motiver et faire
participer les femmes à la vie publique et à la politique, en mobilisant
leur pouvoir collectif pour exiger des comptes et des changements,
et pour ces raisons leur expérience et leur expertise pourraient
être utilisées pour soutenir les femmes des groupes sous-représentés.
Les gouvernements devraient allouer en priorité des fonds aux organisations
qui travaillent pour les femmes, en particulier les femmes des groupes
sous-représentés. En général, les partenariats entre les gouvernements
et la société civile peuvent contribuer à faire progresser la participation.
J'ai trouvé très intéressant qu'en Finlande, les organisations de
protection des droits des femmes soient assez fortes pour fournir
des programmes et des parrainages destinés à renforcer la participation
des femmes.
83. Il devrait être également reconnu officiellement que les institutions
publiques, les parlements et les partis politiques ont la responsabilité
de rendre les démocraties plus inclusives, comme l’a souligné Alja
van Heel
. La participation
des femmes à tous les niveaux de la prise de décision devrait être
considérée comme cruciale pour améliorer leur nature représentative,
leur responsabilité et la qualité des démocraties, ainsi que pour rendre
les programmes d'élaboration des politiques plus sensibles au genre.
12. Conclusions
84. De nombreux obstacles s’opposent
à la participation des femmes issues de groupes sous-représentés dans
la prise de décision publique et politique. L'investissement dans
l'éducation et la formation, ainsi que, plus spécifiquement, dans
l'éducation civique, peut conduire à l'expression de l'intérêt de
candidates et candidats potentiels. Pour être efficace, pertinent
et poursuivre sa noble mission de servir les intérêts de la population, le
monde de la politique doit s'ouvrir davantage aux femmes des groupes
sous-représentés et fournir à tous les citoyens les outils nécessaires
pour participer efficacement à la politique et exercer leurs droits.
85. Il est important d’adopter une approche intersectionnelle
et de faire en sorte que le paysage politique européen commence
à mieux refléter la diversité des sociétés européennes. Divers outils
sont à notre disposition et il est de notre responsabilité de provoquer
le changement, au niveau individuel et au sein des structures de
nos partis politiques. Nous devons montrer clairement que la diversité
ne doit cependant pas être instrumentalisée et être une simple façade.
Les femmes et hommes issus de groupes sous-représentés qui participent
à la prise de décision politique et publique ne représentent pas
uniquement un groupe ; elles et ils apportent une nouvelle vision
et leur expertise dans de nombreux domaines.
86. La participation accrue des femmes issues de groupes sous-représentés
à la prise de décision politique et publique aura un impact important
et positif à long terme. Avoir davantage de femmes de groupes sous-représentés
qui participent à la prise de décision politique et publique signifie
plus de participation et de représentativité. Cela contribue à accroître
la confiance du grand public dans les décideurs et les décideuses et
à réduire les écarts réels et/ou perçus entre les décideurs et les
décideuses et la population. Elle a ainsi la garantie que ses besoins
sont pris en compte. L’ensemble du système démocratique s’en trouve
renforcé. Comme l'a déclaré le groupe d'experts chargé de préparer
la CSW65, « [l]a représentation des femmes dans la vie publique
est plus significative lorsqu'elle reflète les femmes dans toute
leur diversité et qu'elle s'attaque aux modèles transversaux d'inégalité
entre les différents groupes de femmes. Les femmes sont diverses
par leur situation sociale, leurs valeurs, leur statut économique,
leurs idéologies politiques et leurs expériences vécues. Les décideurs
politiques, les militants et les législateurs qui souhaitent faire
progresser des changements substantiels au profit de toutes les
femmes doivent également reconnaître que la cécité face aux spécificités
des besoins et aux inégalités entre et parmi les différents groupes
de femmes peut causer plus de mal que de bien »
.
87. Selon moi, assurer une composition équilibrée des parlements
aux niveaux central et local ainsi que des gouvernements est un
premier pas, mais l’inclusivité devrait également être prise en
compte. Une transformation institutionnelle et structurelle plus
large devrait être prévue pour faire en sorte de n’oublier personne.
La voix des femmes dans la prise de décision politique, dans les
communautés, dans les parlements et dans les négociations de paix
doit être considérée comme essentielle pour soutenir et maintenir
des sociétés prospères et pacifiques.
88. Des progrès continus en ce qui concerne la participation des
femmes à la politique et à la prise de décision publique ne peuvent
être réalisés qu'en garantissant des mécanismes de responsabilisation
solides qui soutiennent la mise en œuvre des engagements internationaux.
L'absence de mécanismes de responsabilisation solides pourrait devenir
un autre obstacle au renforcement de la participation des femmes issues
de groupes sous-représentés à tous les niveaux de la prise de décision.
89. La participation égale des femmes dans les parlements aux
niveaux national et local est cruciale pour améliorer la nature
représentative, la responsabilité et la qualité des démocraties.
Pour renforcer nos démocraties, il est essentiel de les rendre plus
inclusives. Il pourrait être nécessaire de repenser ses structures pour
atteindre cet objectif. La lourde tâche du renforcement de la participation
ne devrait pas incomber uniquement aux femmes, mais à la société
dans son ensemble. Les institutions et les partis politiques doivent leur
laisser de la place pour participer et s’engager. Les hommes ont
également la responsabilité de permettre et promouvoir le changement
et de se montrer les alliés de l’égalité de genre. De profonds changements structurels
sont nécessaires pour garantir davantage de participation, d’égalité
et d’inclusivité dans la prise de décision publique et politique.
L’heure est venue de relever ce défi et de redoubler d’efforts pour
éliminer les disparités de genre.