1. Introduction
Les enfants s’épanouissent lorsqu’ils
se sentent en sécurité et protégés, lorsque les liens au sein de
la famille et de la communauté sont solides et lorsque leurs besoins
fondamentaux sont satisfaits. UNICEF
1. Le 6 juillet 2020, la commission
des questions sociales, de la santé et du développement durable
a déposé une proposition de résolution intitulée «L’impact de la
covid-19 sur les droits de l’enfant». Cette proposition a ensuite
été renvoyée à notre commission pour rapport, et j’ai été désignée
rapporteure le 22 septembre 2020.
2. Bien que les enfants ne figurent pas parmi les groupes à haut
risque directement touchés par la covid-19 et qu’ils aient tendance
à contracter des formes plus légères de cette maladie, la pandémie
a eu un effet dévastateur sur des millions d’enfants dans le monde
entier. La génération actuelle d’enfants (parfois qualifiée de «génération
covid»
) subira pendant de nombreuses années
les conséquences de cette crise de santé publique sur la santé,
en particulier la santé mentale, les difficultés familiales, l’éducation,
le sport, la culture et les arts, le manque de rapports sociaux
et les difficultés socio-économiques. Leurs droits à la vie, à la
survie et au développement, au meilleur état de santé possible,
à la sécurité sociale et à la protection contre la violence ont
trop souvent été affectés. À moins que des mesures adéquates ne
soient adoptées, leur avenir est gravement menacé. La pandémie de
covid-19 affectera de manière disproportionnée les enfants vulnérables.
Le ralentissement économique continuera d’affecter, en particulier,
les familles les plus modestes et les familles vivant dans les pays
les plus pauvres, et par conséquent les enfants.
3. L’Assemblée parlementaire devrait attirer l’attention sur
l’impact de la pandémie de covid-19 sur les droits de l’enfant et
demander aux États membres du Conseil de l’Europe de prendre des
initiatives plus vigoureuses pour garantir la protection des enfants
conformément aux normes internationales existantes, notamment la
Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant
et les instruments pertinents du Conseil
de l’Europe tels que la Convention européenne des droits de l’homme
(
STE
n° 5), la Charte sociale européenne (
STE
n° 163), la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention
et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique (
STCE
n° 120, «Convention d’Istanbul»), la Convention du Conseil
de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels (
STCE
n° 201, «Convention de Lanzarote»), la Convention pour la protection
des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère
personnel (
STE
n° 108), la Convention sur la cybercriminalité (
STE n° 185, «Convention de Budapest») et la Convention sur la lutte
contre la traite des êtres humains (
STCE n° 197).
L’Assemblée devrait aussi attirer l’attention sur la récente stratégie
de l’Union européenne sur les droits de l’enfant ainsi que sur le
travail de la Division des droits de l’enfant du Conseil de l’Europe
et son Centre de jeunesse.
4. Dans le cadre de la préparation du présent rapport, j’ai recherché
des éléments montrant l’impact de la covid-19 sur la vie des enfants,
provenant des enfants eux-mêmes, des organisations travaillant avec
des enfants et des commissaires pour les enfants, ainsi que des
responsables politiques aux niveaux national et international. Des
rencontres virtuelles ont été organisées avec: M. David Nabarro,
Envoyé spécial de l’Organisation mondiale de la santé pour la covid-19 ;
Mme Stella Kyriakides, Commissaire européenne
à la santé et à sécurité alimentaire ; Mme Dubravka
Šuica, Vice-présidente et Commissaire européenne chargée de la démocratie
et la démographie ; et Mme Ewa Kopacz,
Vice-présidente et Coordinatrice du Parlement européen pour les
droits de l’enfant. Je suis également reconnaissante aux personnes
suivantes pour leurs contributions: M. Emilio Puccio, Coordinateur
de l’intergroupe du Parlement européen sur les droits de l’enfant ; Mme Mieke
Schuurman, Responsable des politiques relatives aux droits de l’enfant,
EuroChild ; M. Bruce Anderson, Directeur du Réseau européen des
médiateurs pour enfants (ENOC) ; Mme Dorothy
Rozga, Directrice des droits de l’enfant, Centre for Sport and Human
Rights ; Mme Liz Twyford, Sport and Children’s Rights,
UNICEF-Royaume-Uni; Mme Anne Tivas, Directrice,
Safe Sport International et Mme Samantha
Cairns, de l’association The Cultural Learning Alliance, Royaume-Uni.
En novembre 2020, M. Niall Muldoon, médiateur irlandais pour les
enfants, a participé à une audition publique sur l’impact de la
covid-19 sur les droits de l’enfant. Je suis très reconnaissante
pour toutes ces contributions au présent rapport.
5. Si ces éléments ont nécessairement été écourtés compte tenu
des contraintes liées à la longueur limitée du présent rapport,
j’espère néanmoins qu’ils donneront une idée de l’impact que la
pandémie de covid-19 a eu, et continue d’avoir, sur la vie des enfants.
Ces échanges et discussions inspirants ont été riches d’informations
et de réflexions. Des notes complètes ont été faites. J’ai tenté
d’en fournir un aperçu consolidé en conjuguant les points de vue,
tout en reconnaissant que cela pourrait ne pas faire justice à la
sagesse, expérience et à l’enthousiasme des personnes interrogées.
Il était réconfortant d’entendre, de la part de toutes les personnes
interrogées, leur engagement énorme en faveur des droits de l’enfant
et leur désir de collaborer entre les agences pour approfondir cette
collaboration dans la lutte contre les conséquences de la pandémie de
covid-19.
6. Je remercie également la Division des droits de l’enfant du
Conseil de l’Europe, le Centre européen de la jeunesse et le Comité
de Lanzarote pour leurs contributions continues et très estimées,
ainsi que les autres commissions de l’Assemblée qui prennent en
considération et soutiennent les droits de l’enfant dans leurs travaux.
2. But et portée du rapport
7. Le présent rapport vise à évaluer
la manière dont la pandémie affecte les droits de l’enfant et à
proposer des lignes directrices, en se fondant sur les normes internationales
et les exemples de bonnes pratiques dans les États membres du Conseil
de l’Europe. J’entends étudier les moyens les plus efficaces de
garantir la protection des enfants, de soutenir les victimes de
violence et de mettre en place des mesures financières et économiques
pour atténuer les effets négatifs de la pandémie sur le bien-être
des enfants. Il importe également de mettre l’accent sur les perspectives
de l’après-covid-19 et d’envisager des actions propres à assurer
une protection efficace lors de crises futures et de renforcer les
capacités des enfants.
8. Les enfants ont été touchés à bien des égards par la pandémie
de covid-19. Par conséquent, je propose de prêter une attention
particulière aux six domaines suivants, en m’appuyant sur les normes
et recommandations internationales: 1) la santé physique et mentale
et le bien-être ; 2) la protection contre toutes les formes de violence ;
3) l’accès à l’éducation et à d’autres services publics ; 4) la
pauvreté et les inégalités socio-économiques ; 5) les enfants en
situation de vulnérabilité ; 6) la participation des enfants à la
prise de décisions.
9. En période de crise, telle que la pandémie de covid-19, on
oublie aisément que les enfants ont certains droits, même si le
droit à la vie est prédominant. Des articles spécifiques de la Convention
des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et d’autres instruments
juridiques internationaux s’appliquent aux effets de la pandémie
de covid-19 sur les enfants ; j’y ferai référence dans les chapitres
pertinents. Il importe également de rappeler que l’article 1 stipule
qu’un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit
ans et qu’en vertu de l’article 3, l’intérêt supérieur de l’enfant
doit être une considération primordiale dans toutes les décisions
et actions qui concernent les enfants.
3. Domaines
de préoccupations
3.1. La
santé physique et mentale et le bien-être
10. Les droits à la vie et à la
santé sont les plus importants pour tous, et constituent le fondement
de la jouissance de tous les autres droits. Tous les pays ayant
ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant
se sont engagés à garantir le droit à la vie, à la survie et au
développement de l’enfant (article 6) ; le droit de l’enfant de
jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier notamment
de la fourniture d’aliments nutritifs, d’un environnement propre
et d’une éducation à la santé et au bien-être (article 24) ; le
droit des enfants handicapés de mener une vie pleine et décente
(article 23) ; le droit de rencontrer d’autres enfants et de se
réunir au sein de groupes et d’organisations dans la mesure où cela
ne prive pas les tiers de jouir de leurs droits (article 15). Les
articles 11 et 13 de la Charte sociale européenne soulignent le
droit à la protection de la santé et le droit à l’assistance sociale
et médicale qui doit être fournie par l’État à toute personne ne disposant
pas de ressources suffisantes. Plus précisément, le droit des enfants
et des jeunes à une protection et à des soins de santé est inscrit
à l’article 7, paragraphes 9 et 10, et à l’article 17, paragraphe
1, de la Charte sociale européenne
.
11. La pandémie a entraîné des perturbations des services de santé
et continue de grever les ressources financières de ce secteur dans
le monde entier. Au vu de la situation, des experts ont déjà mis
en garde contre les effets potentiellement dévastateurs de la pandémie
sur la mortalité maternelle et infantile
. Au Royaume-Uni, près d’un poste
sur cinq n’est pas pourvu dans les services de maternité et plus
d’un cinquième des unités dirigées par des sages-femmes ont été
fermées, ce qui suscite des inquiétudes quant aux risques pour les mères
et les nouveau-nés
. Selon les estimations, on pourrait
enregistrer sur le plan mondial 1,2 million de décès supplémentaires
d’enfants de moins de cinq ans au cours des six prochains mois
.
12. L’interruption des chaînes d’approvisionnement en médicaments,
comme les antibiotiques et l’oxygène prescrits pour le traitement
de la pneumonie et les solutions de réhydratation orale pour traiter
la diarrhée, pourrait accroître encore les taux de mortalité infantile
et juvénile
. Les programmes de vaccinations essentielles
ont été perturbés. Au niveau mondial, jusqu’à 80 millions d’enfants
pourraient ne pas être vaccinés et le risque de résurgence de maladies
infectieuses et évitables comme la rougeole, la diphtérie, la poliomyélite et
le choléra est élevé
. Les enfants immunodéprimés ou souffrant
de problèmes respiratoires chroniques sont particulièrement exposés
à la covid-19. Ceux qui présentent un handicap physique ou mental
sont touchés de façon disproportionnée par les difficultés d’accès
aux services de santé. L’impact des confinements et des fermetures
sur la santé, notamment sur la malnutrition et le manque de contacts
humains variés, suscite également de vives inquiétudes
.
13. Qu’il soit dû au décès d’un proche, à une baisse ou une perte
du revenu familial, au manque de contact avec des amis et des membres
de la famille, ou à l’absence d’une éducation «normale», la pandémie
génère un stress ambiant et un environnement déstabilisant pour
les enfants. La santé mentale des enfants s’est considérablement
dégradée pendant les périodes de confinement. Selon les résultats
d’un sondage réalisé par l’UNICEF-Royaume-Uni auprès d’enfants de
6 à 16 ans, plus des deux tiers d’entre eux (62 %) se sont dits inquiets
des conséquences de la maladie sur leur vie, et 46 % ont déclaré
souffrir d’anxiété. Un parent sur quatre (27 %) a affirmé avoir
eu quotidiennement peur pour la santé mentale de ses enfants pendant
le confinement et 29 % ont indiqué avoir eu du mal à rassurer leurs
enfants
. Plus de la moitié
des enfants (57 %) ont également jugé l’enseignement à domicile
stressant
.
Dès lors que le suicide des enfants constitue un problème de santé
publique évitable important dans le monde entier, et la deuxième
cause de mortalité des jeunes âgés de 10 à 24 ans, l’augmentation
des cas de suicides parmi les enfants et les jeunes pendant la pandémie
suscite de vives inquiétudes
.
14. Il importe de souligner également que certains enfants font
état de l’incidence positive de la pandémie sur leur vie, notamment
du fait qu’ils disposent de plus de temps pour réfléchir et se rapprocher
de leurs parents, même si ces réactions ne sont absolument pas courantes.
Les autres effets positifs notés sont les améliorations apportées
à notre environnement, un sujet qui inquiète de nombreux enfants.
Moins de déplacements et moins d’émissions ont eu leur impact. Ces
impacts peuvent être analysés et promus dans les écoles, et en général,
afin de renforcer la prise de conscience du changement climatique.
15. Notre collègue M. Simon Moutquin (Belgique, SOC) travaille
actuellement à l’élaboration d’un rapport intitulé «Pour une prise
en compte de l’impact de la lutte contre la pandémie de covid-19
sur la santé mentale des mineurs et des jeunes adultes»
et fournira des informations complémentaires
sur ces questions. Notre collègue, Mme Jennifer
De Temmerman (France, ADLE) travaille à l’élaboration d’un rapport
et diverses initiatives de sensibilisation sur le changement climatique
et l’implication des enfants
.
3.2. La
protection contre toutes les formes de violence
16. La violence à l’égard des enfants
est un problème majeur de droits humains que j’ai soulevé dans mes précédents
rapports intitulés «Mettre fin à la violence à l’égard des enfants:
une contribution du Conseil de l’Europe aux Objectifs de développement
durable»
et «Lutte contre la violence sexuelle
à l’égard des enfants: renforcer l’action et la coopération en Europe»
. La Convention des Nations Unies
relative aux droits de l’enfant exige des gouvernements qu’ils protègent
les enfants contre toute forme de violence, d’abus ou de négligence
(article 19) et contre toutes les formes d’exploitation sexuelle
et de violence sexuelle (article 34). La Convention de Lanzarote
vise spécifiquement à combattre l’exploitation et les abus sexuels
concernant des enfants, par le biais à la fois de la prévention
et de l’assistance dans l’accès à la justice. Les articles 13 et
14, ainsi que l’ensemble des chapitres V et VI, sont centrés sur
l’aide pratique aux victimes, et soulignent la nécessité que les
États adoptent des mesures effectives pour satisfaire les besoins
des enfants. En outre, l’article 17, paragraphe 1, de la Charte
exige que les États parties interdisent toutes les formes de violence
à l’égard des enfants (y compris toutes les formes de châtiments
corporels). Les États doivent agir avec la diligence nécessaire
pour garantir l’élimination de la violence en pratique. L’article
7, paragraphe 10, de la Charte sociale européenne garantit une protection
contre l’exploitation sexuelle et autre des enfants, ainsi qu’une
protection contre l’utilisation abusive des technologies de l’information
et des réseaux sociaux (à des fins d’intimidation en ligne, d’abus
sexuels, de
grooming, de harcèlement,
etc.), ce qui est particulièrement pertinent compte tenu de l’accélération
de la numérisation et de l’activité en ligne provoquée par la pandémie
.
17. Les niveaux de violence à l’égard des enfants – tant à la
maison qu’en ligne – ont considérablement augmenté durant la pandémie.
Les tensions au sein des ménages, le confinement prolongé dans un
espace restreint, le manque d’accès aux structures de soutien et
aux services sociaux créent un environnement propice à la violence,
aux abus et à la négligence, et limitent les possibilités de les
détecter. La situation des enfants est d’autant plus critique en
cas de problèmes de toxicomanie ou de santé mentale préexistants
au sein de la famille
.
18. Étant donné l’allongement du temps passé par les enfants devant
les écrans durant les périodes de confinement et le contrôle moindre,
la publication sur internet d’images d’abus sexuels sur des enfants
a aussi fortement augmenté. Internet Watch Foundation a noté une
augmentation de 50 % des signalements de contenus d’abus sexuels
sur des enfants par des membres du public pendant le confinement
. Les images à caractère sexuel autoproduites
par les enfants à des fins personnelles ont atterri sur des sites
web pornographiques, les prédateurs cherchant à maximiser l’accès
sans précédent à ce type de matériel. Dans certains cas, les enfants
ont été contraints de vivre avec leurs agresseurs, à domicile ou
dans des institutions, sans avoir accès à des services d’assistance.
Ces enfants sont particulièrement vulnérables et ont grandement besoin
de protection et de soutien.
19. Le problème des comportements addictifs parmi les enfants,
notamment en lien avec les jeux en ligne, les réseaux sociaux, les
jeux d’argent, la pornographie et les achats compulsifs ont également
été amplifiés pendant la pandémie. Notre collègue M. Joseph O’Reilly
(Irlande, PPE/DC) examinera ces questions dans son rapport intitulé
«Prévenir les comportements addictifs chez l’enfant»
.
3.3. L’accès
à l’éducation et à d’autres services
20. L’éducation ne commence pas
avec la scolarité. Les fondements, tels que la langue et la sociabilité,
sont construits dans les premières années de la vie d’un enfant.
L’interaction d’un bébé avec ses parents (souvent la mère) est vitale.
Si des déficits se développent, l’enfant est plus susceptible de
manquer de compétences de base et d’avoir une parole et un langage
plus pauvres. Les études montrent qu’un mauvais développement de
la parole peut avoir des effets à long terme sur l’apprentissage
. Pourtant, certains parents (en particulier les
mères de jeunes enfants) se sont sentis isolés pendant les confinements
et les bébés n’ont pas eu de contacts avec différents autres adultes,
y compris les grands-parents, réduisant ainsi les possibilités de développement
social et de vocabulaire.
21. L’accès aux services est essentiel pour le bien-être et le
développement de l’enfant. La Convention des Nations Unies relative
aux droits de l’enfant exige des gouvernements qu’ils garantissent
le droit de l’enfant à l’éducation pour permettre l’épanouissement
de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et
de ses aptitudes (article 28) et le droit aux loisirs, de se livrer
au jeu et à des activités récréatives (article 31). La Charte sociale
européenne protège le droit à l’éducation dans de multiples perspectives,
par exemple par le biais de l’article 17, paragraphe 2 (droit des
enfants à un enseignement primaire et secondaire), de l’article 7,
paragraphe 3 (protection des enfants soumis à l’instruction obligatoire),
de l’article 10 (formation technique et professionnelle y compris
des adultes) et de l’article 15, paragraphe 1 (droit à l’éducation
et à la formation des personnes handicapées, question abordée ci-dessous
de manière plus détaillée). L’article 14 de la Charte sociale européenne
comprend le droit au bénéfice des services sociaux.
22. Dans le secteur de l’éducation, la situation s’est avérée
instable, en raison de l’ouverture et de la fermeture des établissements
d’enseignement (souvent avec un court préavis) et de la difficulté
à mettre en place des procédures sanitaires efficaces. Plus généralement,
les risques d’infection liés au rassemblement d’enfants dans des
lieux clos sont évidents et difficiles à traiter. Si la présence
d’enfants dans les structures éducatives augmente les risques d’infection,
les solutions alternatives telles que l’enseignement à distance présentent
aussi des inconvénients, comme l’inégalité d’accès aux services
en ligne souvent désignée par l’expression «fracture numérique»,
en raison soit du manque d’équipement informatique nécessaire soit
de l’insuffisance de l’infrastructure numérique, en particulier
dans les zones rurales, mais aussi en raison d’un manque de compétences
informatiques de la part des parents. Les familles les plus modestes
peuvent ne pas avoir un accès suffisant à l’informatique à leur
domicile, en particulier dans les familles ayant plus d’un enfant. La
qualité des contenus en ligne est inégale et le temps passé devant
les écrans est excessif
. Les enfants qui sont tributaires
de l’école pour bénéficier de services de santé, de nutrition et
d’autres systèmes d’assistance sociale sont laissés sans protection
en cas d’interruption de la scolarité en période de confinement
.
23. Les écoles fournissent bien plus qu’un encouragement scolaire.
La socialisation avec des amis, le sport et les autres activités
physiques, les arts créatifs et l’apprentissage de la vie dans des
structures démocratiques sont tous importants. L’interface entre
les écoles et les communautés est vitale. À l’extérieur de l’école,
les terrains de jeux, les installations communautaires telles que
les clubs de jeunes et les lieux culturels tels que les musées,
les galeries d’art et les théâtres ont été fermés aux visiteurs.
La fermeture des établissements culturels est une perte considérable,
et pourrait avoir des conséquences à long terme non seulement sur
les connaissances et leur jouissance, mais également sur la construction
de l’identité culturelle des enfants.
24. L’identité des enfants et leur place dans des communautés
solidaires ont été mises en danger. Les organisations travaillant
dans le domaine artistique et culturel au Royaume-Uni ont conjugué
leurs efforts pour protéger le droit des enfants d’accéder à l’art
et à la culture. De nombreux enfants considèrent que la participation
aux activités artistiques renforce les compétences de la vie courante.
Comme cela a été indiqué dans un rapport, «les compétences essentielles
telles que la confiance, la motivation, la résilience et la communication
sont associées à de meilleurs résultats scolaires», tout en étant
précieuses en tant que telles
.
25. L’Assemblée a dûment reconnu la gravité de la situation dans
les secteurs de l’éducation et de la culture, et un rapport intitulé
«L’impact de la pandémie de covid-19 sur l’éducation et la culture»
est en cours d’élaboration au sein de la Commission de la culture,
de la science, de l’éducation et des médias
.
26. Les activités sportives, qui sont essentielles au bien-être
des enfants, constituent un domaine particulièrement important à
cet égard
. La privation de sport affecte la
santé physique et mentale des enfants. Les enfants qui participent
à des activités sportives organisées, notamment les sportifs de
haut niveau, sont privés d’une partie de leur identité et d’un «refuge».
L’absence de routine, de structure et de discipline est difficile
à gérer. La motivation s’effondre et l’estime de soi est affectée.
De nombreux enfants se tournent vers l’«e-sport», ce qui suscite
des inquiétudes en raison du manque de normes en matière de protection
de l’enfance dans ce contexte. L’école met surtout l’accent sur
les résultats scolaires, et une attention insuffisante est consacrée
aux sports et aux arts. En raison des problèmes socio-économiques
liés à la pandémie, de nombreux parents ne peuvent plus se permettre
de financer des activités sportives et artistiques payantes.
27. Avant même le confinement, les services sociaux s’efforçaient
d’assurer la protection essentielle de l’enfance, avec des ressources
limitées et des réglementations inadéquates. La pandémie de covid-19
a renforcé ce problème. Trop souvent, les travailleurs sociaux ont
été confrontés à des situations dans lesquelles les exigences de
leur travail, les questions de sécurité et le souci du bien-être
des enfants étaient en conflit. Beaucoup ont continué à rendre visite
aux familles, malgré les risques, animés par leur professionnalisme.
28. Les services de santé mentale destinés aux enfants, qui étaient
déjà insuffisants avant les confinements, sont maintenant au point
de rupture. Ces services ont besoin de plus de financement, de formation
et de capacités accrues pour aider les enfants, en particulier les
enfants en situation de risque
.
3.4. La
pauvreté et les inégalités socio-économiques
29. La pauvreté et les inégalités
socio-économiques compromettent gravement les chances des enfants dans
la vie et les rendent vulnérables à des violations de leurs droits.
L’article 26 de la Convention des Nations Unies relative aux droits
de l’enfant stipule que tout enfant a le droit de bénéficier de
la sécurité sociale. La Charte sociale européenne garantit les droits
de l’enfant de deux manières différentes: en premier lieu, un grand
nombre des droits garantis par la Charte sont particulièrement pertinents
pour les enfants ; par exemple, l’article 16 (droit de la famille
à une protection sociale, juridique et économique) protège les enfants
en tant que membres de la famille. En deuxième lieu, la Charte contient
des droits spécifiques liés exclusivement aux enfants, comme l’article
17 (droit des enfants et des adolescents à une protection sociale,
juridique et économique). Plus largement, l’article 30 de la Charte
prévoit l’obligation des États membres de mettre en œuvre une approche
globale et coordonnée de lutte contre la pauvreté et l’exclusion
sociale.
30. Les enfants vivant dans la pauvreté constituent un groupe
particulièrement préoccupant. En moyenne, un enfant sur sept est
pauvre dans les pays de l’OCDE
. Leur situation, qui était déjà difficile
avant la pandémie, s’est considérablement aggravée l’an passé. L’écart
croissant entre les riches et les pauvres n’est pas nouveau. Il
ne cesse de se creuser dans la plupart des régions du monde depuis
la crise financière de 2008. Même en Europe, les inégalités se sont
accentuées au cours des deux dernières décennies. La Banque de développement
du Conseil de l’Europe l’a clairement signalé dans une série thématique
d’études sur les inégalités en Europe, notamment en ce qui concerne
les revenus, le logement ou encore l’accès aux services publics
. Malgré les efforts déployés par
les gouvernements en faveur d’une relance économique après la crise
de 2008, le potentiel de croissance économique et la taille du «gâteau»
dans son ensemble se sont à nouveau soudainement rétrécis, et les
quintiles de revenus inférieurs ont été les plus durement touchés.
31. Dans le contexte de la pandémie, de nombreuses personnes ont
perdu leur emploi et le revenu des ménages a accusé une baisse,
certaines familles ayant du mal à subvenir aux besoins essentiels
de leurs enfants. Ces derniers sont à présent exposés à des risques
accrus d’inégalité et d’injustice sociale. Les inégalités de revenus
renforcent la vulnérabilité des groupes défavorisés de deux manières:
1) les quintiles de revenus inférieurs sont en proie à des difficultés
pour satisfaire les besoins de base et faire face aux dépenses en
période de récession économique ; 2) la montée des inégalités entrave
encore davantage la possibilité pour ces groupes de bénéficier de
l’égalité des chances, notamment dans le domaine de l’emploi, du
logement, de l’éducation et des soins de santé. Par conséquent,
les enfants issus de ces familles risquent plus de pâtir des effets
négatifs de la pandémie et de voir leurs droits fondamentaux négligés.
32. Au plan mondial, le nombre de personnes vivant dans l’extrême
pauvreté a augmenté de 37 millions depuis le début de la pandémie
et, selon les prévisions actuelles, connaîtra une nouvelle hausse
de 25 millions l’an prochain. La faim et la malnutrition suscitent
des inquiétudes de plus en plus vives
. Aujourd’hui, 152 millions de filles
et garçons sont astreints au travail des enfants et 72 millions
d’entre eux effectuent des travaux dangereux. Et ces chiffres devraient
monter en flèche
.
33. On ne connaît pas ni ne maîtrise encore parfaitement toutes
les conséquences socio-économiques de la crise. Alors que les gouvernements
tentent de parer aux problèmes à venir et de mettre en place des mesures
de protection, de nombreuses personnes «passent entre les mailles
du filet», et leurs familles et enfants endurent des difficultés
économiques et souffrent d’anxiété profonde face à la situation.
Deux rapports sont en cours de préparation pour l’Assemblée sur
ce sujet. Notre collègue M. Andrej Hunko (Allemagne, GUE) prépare
actuellement un rapport intitulé «Surmonter la crise socio-économique
déclenchée par la pandémie de covid-19», et notre collègue M. Pierre-Alain Fridez
(Suisse, SOC) aborde la question de l’extrême pauvreté des enfants
dans son rapport intitulé «Éliminer la pauvreté extrême des enfants
en Europe: une obligation internationale et un devoir moral».
3.5. Les
enfants en situation de vulnérabilité
34. Certains enfants sont particulièrement
exposés à des violations de leurs droits en raison d’un aspect de leur
identité ou de leur situation. La Convention des Nations Unies relative
aux droits de l’enfant stipule que les États parties garantissent
les droits énoncés dans la Convention à tout enfant relevant de
leur juridiction, sans aucune discrimination (article 2) ; que les
enfants réfugiés doivent obtenir aide et assistance ainsi que le
droit d’être réuni à leur famille (article 21) ; que les enfants
handicapés aient le droit à une vie pleine et décente qui garantit
leur dignité (article 23) et que tout enfant placé ait droit à un
examen périodique de son traitement (article 25).
35. Il convient d’accorder une attention particulière aux enfants
en situation de vulnérabilité, notamment aux enfants appartenant
à des minorités, aux enfants migrants et réfugiés, aux enfants de
travailleurs migrants laissés au pays, aux enfants handicapés, aux
enfants privés de liberté, aux enfants placés en institutions et aux
enfants des rues. Même s’il est impossible d’analyser en détail
l’impact de la covid-19 sur chacun de ces groupes, il nous faut
tenir compte de leur situation spécifique lors de la formulation
de réponses politiques à la crise, notamment en encourageant les
enfants eux-mêmes à exprimer leur point de vue.
3.6. La
participation des enfants à la prise de décisions
36. Le fait d’être en mesure d’influencer
les décisions qui nous concernent est une condition préalable essentielle
de notre bien-être, de notre autonomie et de notre estime de soi.
La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant
stipule que tout enfant a le droit d’exprimer librement son opinion
sur toute question l’intéressant (article 12) et le droit d’accéder
à une information fiable provenant de sources diverses, notamment
des médias (article 17).
37. Les gouvernements ont, à juste titre, pour priorité de sauver
des vies, de relever efficacement les défis socio-économiques et
répondre aux enjeux de santé publique nés de la pandémie. Cependant,
les réponses à la crise ne sauraient être efficaces si elles ne
tiennent pas compte de l’avis des personnes à qui elles s’adressent.
Toute mesure visant à améliorer la protection de l’enfance en période
de pandémie doit prendre en considération les besoins et les avis
des enfants. Les enfants gagnent en confiance en étant consultés
et les décideurs témoignent également des avantages d’écouter les
avis des enfants.
38. Je traiterai de la question de la participation des enfants
de manière plus détaillée dans mon rapport «Donner la parole aux
enfants: promouvoir la participation de l’enfant comme fondement
des sociétés démocratiques», qui s’appuiera sur une initiative pilote
sur la participation des enfants aux travaux de l’Assemblée
.
4. La
pandémie de covid-19 en tant que crise des droits de l’enfant et
occasion de prendre des mesures décisives
39. La pandémie de covid-19 a mis
en lumière les faiblesses des services publics face à d’éventuelles perturbations,
même dans les économies les plus avancées du monde. Par le passé,
nous avons eu des pandémies mettant la vie en danger dans de nombreuses
régions du monde, y compris le VIH/SIDA, le syndrome respiratoire
aigu sévère (SRAS) et le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS).
Nous avons vu qu’aucune partie du monde n’a jamais été suffisamment
préparée, et nous l’avons vu clairement avec l’avènement de la covid-19
également. En ce qui concerne les enfants, nous avons dû essayer
de développer, et nous développons encore, des stratégies pour minimiser
les perturbations et les menaces à leur bien-être.
40. L’UNICEF-Royaume-Uni a avancé que la présidence du G7 en 2021
constitue une excellente occasion de prendre des engagements nouveaux
et ambitieux en faveur de la santé infantile, pour mettre fin aux
décès évitables d’enfants d’ici 2030 et veiller à ce que les générations
futures développent leur plein potentiel
. Le G7, au même titre que les événements
similaires et les sommets internationaux, sont des enceintes de
premier plan pour sensibiliser à l’impact de la pandémie sur les
enfants et renforcer l’engagement à protéger les droits de l’enfant
en temps de crise.
41. Malgré le manque de financement adéquat et la lenteur des
réponses des gouvernements, l’action locale dans les communautés
a souvent été dynamique et inclusive dans le traitement de la pandémie
de covid-19. Le travail et le dévouement des ONG ont été remarquables
pour défendre les droits de l’enfant pendant la crise de la covid-19.
Les commissaires pour les enfants ont activement souligné l’impact
de la pandémie sur les droits de l’enfant dans tous les domaines,
y compris l’impact à long terme sur la vie des enfants, en particulier
les enfants vulnérables, et sur les abus et la justice pénale avec
les sanctions pénales infligées à des jeunes en raison de violations
des restrictions liées à la covid-19
.
5. Exemples
d’initiatives visant à faire face à l’impact de la pandémie de covid-19
sur les droits de l’enfant
42. Il est désormais établi que
la prise de conscience des droits de l’enfant et les actions en
faveur de l’enfance pendant la pandémie de covid-19 ont globalement
augmenté au cours de l’année dernière, notamment les actions du
secteur bénévole, les initiatives des écoles et des autorités locales
et la sensibilisation des parlementaires. Le Parlement européen
et la Commission européenne, les ONG, les commissaires/médiateurs,
les enseignants, les autorités nationales et locales et certains
députés ont soutenu ces actions. Ces initiatives sont bienvenues
et il faut espérer que cette énergie positive pour s’occuper du
bien-être des enfants et encourager leur participation sera au centre
des travaux futurs.
43. Outre les services publics de l’éducation, de la santé et
des autorités locales partout en Europe, de nombreuses organisations
travaillent avec et pour les enfants. Il s’agit notamment d’ONG
et du secteur bénévole, de volontaires et, dans certains pays, d’organes
parlementaires consacrés à l’éducation. Ces organisations fournissent
une contribution inestimable pour la recherche, l’assistance et
la défense des enfants. Je me suis appuyée sur des rapports, des
notes d’information et des conversations avec un grand nombre de
telles organisations pour étayer les informations et les propositions
du présent rapport, et pour alimenter ses conclusions et recommandations.
Je propose ci-dessous une sélection de faits marquants qui illustrent
le large éventail d’initiatives lancées aux niveaux national, européen
et international pour faire face à l’impact de la pandémie de covid-19
sur les droits de l’enfant.
44. En mai 2020, l’UNICEF a lancé
#Reimagine,
une campagne mondiale visant à empêcher que la pandémie ne se convertisse
en une crise durable pour les enfants. L’objectif de la campagne
est d’encourager les gouvernements, le public, les donateurs et
le secteur privé à «réagir, se redresser et repenser un monde actuellement
assiégé par le coronavirus»
. L’UNICEF a été mandatée par l’Assemblée
générale des Nations Unies pour veiller au respect de la Convention
des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Trente-six commissions
nationales collectent des fonds et défendent les droits de l’enfant
dans le monde entier. Au Royaume-Uni, l’UNICEF travaille avec deux
millions d’enfants à travers des autorités locales, des hôpitaux
et près de 5 000 enfants dans le cadre de l’initiative Rights Respecting
Schools Award (Prix des écoles respectueuses des droits). Ils font
des propositions au gouvernement et aux commissions spécialisées.
Cela permet de tenir compte de l’avis des enfants par le biais d’une
consultation directe.
45. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) fournit régulièrement
des informations sur la situation des enfants dans le contexte de
la pandémie de covid-19, par exemple à travers un podcast sur «Les
enfants et la covid-19»
, un site internet comprenant des
ressources sur les soins aux jeunes enfants
et des pages «questions et réponses»
sur les thèmes «Les enfants et les masques» et «La covid-19, la
grossesse, la naissance et l’allaitement». Des notes d’information
régulières sont proposées sur différents aspects de la pandémie
et disponibles sur le site internet de l’OMS.
46. En juillet 2020, la Commission européenne a lancé l’initiative
visant à lutter contre les abus sexuels commis sur des enfants à
la fois en ligne et hors ligne
. En mars 2021, elle a lancé la Stratégie
sur les droits de l’enfant de l’Union européenne et a proposé une
Garantie pour l’enfance, fondée sur de larges consultations avec
des citoyens, des parties prenantes et, ce qui est plus important
encore, avec plus de 10 000 enfants
. De nombreuses activités du Parlement
européen traitent également de l’impact de la pandémie de covid-19 sur
les enfants. Par exemple, la résolution du Parlement européen «sur
l’avenir de l’éducation européenne dans le contexte de la covid-19»
et la résolution «sur les droits
de l’enfant dans la perspective de la stratégie de l’Union européenne
sur les droits de l’enfant»
abordent un grand nombre de questions
et de domaines impactés par la pandémie de covid-19. L’impact de
la pandémie sur les droits de l’enfant a été également au centre
des travaux des 60 jeunes participants du Forum européen sur les
droits de l’enfant
. Parmi les inquiétudes exprimées
concernant l’éducation, la santé mentale et la participation des
enfants, les enfants ont considéré que traiter de l’impact de la
pandémie de covid-19 sur les droits de l’enfant devrait être une
priorité de l’Union européenne. La Commission européenne a été invitée
à veiller à ce que tous les enfants, y compris les enfants dans
les situations les plus vulnérables, soient mieux soutenus et entendus.
47. Le Comité directeur pour les droits de l’enfant (CDENF) du
Conseil de l’Europe, qui fournit une plate-forme d’échanges et de
coopération entre les États membres du Conseil de l’Europe sur les
droits de l’enfant, a réalisé un examen des mesures adoptées par
les différents pays pour gérer la pandémie de covid-19 et a fourni
des conseils quant à la manière d’atténuer les effets négatifs de
la pandémie sur les enfants en général et les enfants en situation
vulnérable en particulier
. Le Comité a également organisé une
série de séminaires par internet sur certains aspects de la covid-19,
notamment concernant l’accès à l’éducation, la violence à l’égard
des enfants et la situation des enfants de parents séparés. La conférence
des ministres des sports du Conseil de l’Europe consacre une attention
croissante aux enfants sportifs de haut niveau et étudie l’impact
de la pandémie de covid-19 sur les enfants. Le comité de Lanzarote
a publié une déclaration sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels pendant la pandémie de covid-19
.
48. Comme l’a montré l’enquête du CDENF, les États membres du
Conseil de l’Europe ont adopté un large éventail de mesures pour
améliorer la situation des enfants. En Angleterre, en Hongrie et
à Malte, les enfants qui recevaient des repas gratuits à l’école
ont continué de recevoir une aide alimentaire à domicile pendant
la période de fermeture des écoles. En Hongrie, en dépit de la pandémie,
le service d’aide aux victimes de violences domestiques a fonctionné
à plein régime tous les jours et des places étaient immédiatement disponibles
pour les victimes. À Chypre, les parents divorcés ont été exemptés
des restrictions à la liberté de circulation, pour assurer le droit
de chaque parent de rester en contact avec son enfant pendant cette
période. En Belgique et en Croatie, des dispositifs de financement
public ont été mis en place pour fournir des ordinateurs portables
et d’autres dispositifs technologiques à des enfants qui, sans cela,
n’aurait pas pu accéder à l’apprentissage en ligne. À Chypre et
en Italie, des mesures ont été prises pour permettre aux parents
exerçant une activité professionnelle de rester au domicile avec
leurs enfants en période de fermeture des écoles, tout en conservant
une partie significative de leur salaire. En Belgique, la chaîne
de télévision RTBF a développé une série de programmes pour les
enfants, notamment des talk-shows adaptés aux enfants (
Les Niouzz) et des sessions de questions
et réponses adaptées aux jeunes (
Matière
grise) sur la crise de la covid-19
.
49. Pendant toute la crise de la covid-19, le réseau EuroChild
a travaillé en étroite collaboration avec des partenaires de la
société civile pour collecter les avis d’enfants sur l’impact de
la pandémie sur leurs droits. Début 2020, EuroChild a travaillé
avec des membres répartis dans 10 pays européens pour organiser
des consultations avec plus de 200 enfants, dans le cadre d’une
étude de la Commission européenne
sur la participation des enfants
à la vie politique et démocratique. Une des questions analysées
dans le cadre des groupes de discussion était l’impact de la covid-19
sur la vie des enfants. Fin 2020, EuroChild a recueilli l’avis de
plus de 10 000 enfants et jeunes, en coopération avec UNICEF, Save
the Children, World Vision et Child Fund Alliance. Les conclusions
de cette étude ont été consignées dans le rapport «Notre Europe ;
nos droits ; notre avenir»
et ont influencé le contenu et les
priorités de la Stratégie sur les droits de l’enfant et de la Garantie
pour l’enfance de l’Union européenne. Les consultations ont mis
en exergue les inquiétudes concernant l’impact de la pandémie de
covid-19 et de nombreux enfants ont indiqué souffrir d’anxiété,
de solitude et s’inquiéter de leur avenir en raison de la pandémie.
Certains enfants ont mentionné la précarité financière croissante
de leur famille. Un aspect a été soulevé à plusieurs reprises par
les enfants pendant les consultations: leur souhait de participer
aux décisions qui les concernent, à la fois dans le contexte de
la pandémie et plus largement.
50. Le Centre pour la participation des enfants et des jeunes
(Centre for Children and Young People’s Participation) de l’Université
de Central Lancashire a tissé de nombreux contacts avec des organisations travaillant
sur la participation des enfants dans toute l’Europe et dans le
monde. En 2020, le centre a publié un bref rapport de recherche
intitulé «Building on Rainbows: Supporting Children’s Participation
in Shaping Responses to covid-19» (Bâtir sur des arcs-en-ciel: soutenir
la participation des enfants à l’élaboration des réponses à la pandémie
de covid-19). Le rapport souligne que des défis sont à relever dans
tous les pays et que la participation des enfants est un droit ancré
dans l’article 12 de la Convention des Nations Unies relative aux
droits de l’enfant. Or, au sein du réseau, 70 % des personnes interrogées
n’ont pu identifier aucune initiative de participation des enfants
au niveau local ou national. Les 30 % restants ont indiqué que de
telles activités étaient en cours, mais n’ont pas, à ce stade, influencé
l’action du gouvernement. Les recommandations comprennent la nécessité
de reconnaître l’importance de la participation et de s’engager
en ce sens ; de soutenir la participation individuelle des enfants ;
de soutenir l’action collective permettant aux enfants d’échanger
leurs idées, de contribuer aux décisions, d’exprimer leurs inquiétudes
et de demander des comptes aux responsables ; de promouvoir la participation
numérique ; de promouvoir l’inclusion en satisfaisant les droits
des enfants marginalisés, notamment des enfants handicapés, placés,
migrants et réfugiés, et des enfants de familles vulnérables ; de
coordonner les solutions numériques et hors-ligne ; d’échanger des informations
sur la sécurité sur internet et de soutenir l’apprentissage entre
pairs.
51. Ecorys et l’Université de Huddersfield ont élaboré le projet
intitulé «To Lockdown and Back» (Vers le confinement et de retour
du confinement) financé par la fondation Nuffield. Il s’agit d’un
projet de collaboration entre des chercheurs adultes et 70 jeunes
âgés de 14 à 18 ans en Italie, au Liban, en Angleterre, en Écosse, dans
le Pays de Galles, en Irlande du Nord et à Singapour, visant à créer
une plate-forme de jeunes d’horizons différents, afin qu’ils échangent
leurs expériences de vie pendant la pandémie. Ce projet combine
une étude participative menée par des jeunes, un groupe de discussion,
des notes d’observation, des entretiens et une analyse en collaboration
avec des jeunes. Un résumé de cette étude a été publié en 2020 et
ses principales conclusions ont été présentées lors d’un séminaire
sur internet organisé en février 2021. En voici quelques-unes: la
covid-19 a eu un effet de polarisation sur les jeunes, certains
ayant utilisé les périodes d’isolement en confinement pour réfléchir
et se reconcentrer sur eux-mêmes, leur bien-être et leurs relations,
d’autres ayant trouvé cette période traumatisante et source d’isolement ;
la période de covid-19 a été particulièrement difficile pour les
personnes souffrant de problèmes de santé mentale ou de conflits
familiaux ; les enfants ont signalé des difficultés d’accès aux
services et ont exprimé le sentiment de ne pas être entendus et
suffisamment compris. Sur la base de ces avis, des recommandations
ont été adressées aux gouvernements, aux autorités locales et aux
organismes s’occupant des enfants.
6. Conclusions
et recommandations
52. Alors que les États membres
du Conseil de l’Europe déploient des efforts considérables pour
relever les multiples défis liés à la pandémie actuelle, l’Assemblée
devrait exprimer son inquiétude quant à la situation des enfants
et rappeler aux gouvernements l’importance d’adopter une approche
fondée sur les droits humains et d’appliquer le principe de l’intérêt
supérieur de l’enfant dans le cadre de l’élaboration et de la mise
en œuvre de politiques pertinentes. L’Assemblée devrait donner des
orientations sur la meilleure façon de procéder dans le contexte
d’une crise de santé publique. Trois messages clés ressortent des
discussions et des activités de recherche menées dans le cadre de
la préparation du présent rapport.
53. En premier lieu, pour améliorer la situation des enfants et
pour contrer l’impact négatif de la pandémie sur leur bien-être,
nous devons améliorer la situation des parents et des autres personnes
qui s’occupent des enfants. Pour cela, nos réformes économiques
et sociales doivent être orientées pour créer plus de sécurité et
de stabilité pour tous, mais en particulier pour les personnes qui
s’occupent des générations futures. La précarité professionnelle,
le phénomène des travailleurs pauvres et les heures supplémentaires
entraînent des niveaux excessifs de pression et de stress, et privent
les enfants des soins et du soutien dont ils ont besoin à des stades
essentiels de leur vie et de leur développement. Permettre aux parents
d’être plus présents, sereins et impliqués dans la vie de leurs
enfants est la meilleure stratégie pour protéger les enfants et
atténuer l’impact de la pandémie de covid-19. Qu’il s’agisse de
problèmes de santé mentale, de violence à l’égard des enfants ou
de conflit avec la loi, il est toujours bien moins coûteux de prévenir
les conséquences négatives, plutôt que d’y remédier après les faits.
54. En deuxième lieu, la pandémie de covid-19 a révélé l’inadéquation
de nos systèmes de protection sociale. Si nous entendons nous engager
sérieusement à respecter les droits de l’enfant, nous devons investir dans
des services publics solides, qui ne soient pas sollicités jusqu’au
point de rupture. Ces services doivent être accessibles à tous,
de haute qualité et doivent être durables, indépendamment de l’instabilité
des agendas politiques. Ils doivent disposer d’une marge leur permettant
de consentir des efforts supplémentaires en période de crise, sans
compromettre la santé et le bien-être des professionnels du secteur.
Il ne s’agit pas de vœux pieux, mais d’une redéfinition de nos priorités.
Si nous n’y parvenons pas, nous manquerons également à nos obligations
vis-à-vis de nos enfants, et nos sociétés ne seront pas prêtes à
affronter de futures crises. Nous pouvons et nous devons y parvenir.
55. En troisième lieu, cette crise de santé publique a montré
que les sociétés basées sur la concurrence et la recherche du profit
individuel sont mal équipées pour faire face à une pandémie. Des
inégalités profondes dans la société existaient avant la pandémie.
La covid-19 a intensifié ces clivages, et beaucoup de gens en souffrent
disproportionnément. Des régions ou même des villes spécifiques
dans certains pays sont profondément impactées, et d’autres ne le
sont point. La tendance montre que ceux qui souffrent davantage ont
de pires résultats en matière de santé générale et il y a peu de
changement depuis des années. La pandémie a fait ressortir des données
frappantes qui montrent les inégalités en matière de santé qui impactent les
personnes de couleur et d’ethnicité minoritaire, les pauvres, les
personnes handicapées et certaines femmes. De même, la pandémie
a eu des conséquences dramatiques sur la vie des enfants dans tous
les pays du monde, mais le degré et la gravité de cet impact ne
sont pas comparables. Au lendemain de la pandémie, lorsque les conséquences
financières et économiques apparaîtront au premier plan, les tensions
et frustrations entre les pays et au sein même des pays continueront
de croître. Il y a des leçons à en tirer et des actions à mener
en conséquence ; le principe de solidarité doit guider nos décisions
dans une bien plus grande mesure qu’auparavant.
56. L’adoption des politiques et la mise en œuvre des mesures
de protection de l’enfance relèvent des gouvernements nationaux,
mais les institutions européennes et internationales peuvent jouer
un rôle utile pour donner l’élan, fixer les priorités et créer des
synergies dans ce domaine. La Commission européenne, le Parlement
européen et le Conseil de l’Europe sont en train de développer une
excellente coopération. L’adoption de la première Stratégie de l’Union
européenne sur les droits de l’enfant en 2021 et la proposition de
Garantie européenne pour l’enfance constituent des jalons majeurs
pour renforcer la protection des droits de l’enfant. Nous devons
veiller à ce que la mise en œuvre effective des stratégies de l’Union
européenne et du Conseil de l’Europe dans leurs États membres respectifs
soit soutenue par les institutions européennes, basée sur une approche
coordonnée exploitant leurs forces et leurs compétences respectives,
au bénéfice de tous les enfants. Il convient de renforcer la coopération
entre le Parlement européen et l’Assemblée, et d’utiliser de manière
optimale nos expériences communes et les capacités de rayonnement
impliquant les parlementaires. Tous mes contacts avec des représentants
de haut niveau de l’Union européenne ont été extrêmement positifs
et fructueux. Il existe manifestement une volonté de conjuguer nos
efforts en ces temps difficiles. Nous devons saisir cette occasion.
Le rôle positif du secteur bénévole, des commissaires à l’enfance et
des autres organisations liées aux droits de l’enfant et au changement
social est bien reconnu.
57. Heureusement, dans le domaine de la protection des droits
de l’enfant, nous ne devons pas repartir de zéro. Nous disposons
aujourd’hui d’un grand nombre d’outils utiles sous forme de normes
internationalement reconnues concernant ce qu’un gouvernement doit
faire pour protéger chaque enfant. La Convention des Nations Unies
relative aux droits de l’enfant
ainsi que les instruments pertinents
du Conseil de l’Europe tels que la Convention européenne des droits
de l’homme, la Charte sociale européenne, la Convention sur la prévention
et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique (Convention d’Istanbul), la Convention sur la protection
des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (Convention
de Lanzarote), la Convention pour la protection des personnes à
l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel,
la Convention sur la cybercriminalité (Convention de Budapest) et
la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains, doivent
être pleinement appliqués et mieux exploités dans nos pays. Le programme des
Nations Unies pour le développement durable a fixé des objectifs
ambitieux en matière de droits de l’enfant. Assurons-nous d’atteindre
des résultats tangibles d’ici 2030.
58. La recherche et les données sont essentielles pour analyser
les problèmes et les pistes de changement. Les institutions universitaires,
les gouvernements, les autorités locales et le secteur bénévole
font partie de ceux qui fournissent cette toile de fond. Des études
longitudinales sur l’impact de la covid-19 sur les enfants (comme
celles lancées au Royaume-Uni
)
seraient utiles dans de telles analyses et pourraient non seulement réfléchir
à ce qui a mal tourné, mais aussi s’appuyer sur les bonnes pratiques
et développer de nouvelles stratégies pour le bien-être futur des
enfants.
59. J’aimerais conclure par un appel à mes collègues – les parlementaires
des États membres du Conseil de l’Europe – afin qu’ils fassent participer
activement les enfants aux décisions concernant les réponses à cette crise
de santé publique, les plans de relance et le partage de bonnes
pratiques
. Comme souligné par EuroChild,
les enfants sont les experts de leur propre vie, mais ils sont trop
souvent écartés des discussions qui les touchent profondément, eux
et leurs communautés. Les enfants du monde entier demandent clairement que
cela change et que leur droit de participation soit promu et respecté.
La pandémie actuelle a le potentiel de susciter des changements
rapides dans des domaines jusque-là considérés comme difficiles
ou impossibles à traiter, avec par exemple le recours massif au
télétravail et la baisse de la consommation de carburant. Je suis
convaincue que la participation des enfants dans les décisions concernant
la pandémie de covid-19 et ses lendemains peut contribuer au développement
d’une relance plus rapide, plus équitable et plus durable et à une
société plus humaine.