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Rapport | Doc. 15351 | 24 août 2021

Une démocratie plus participative pour faire face au changement climatique

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. George PAPANDREOU, Grèce, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15048, Renvoi 4500 du 6 mars 2020. 2021 - Quatrième partie de session

Résumé

La lutte contre le changement climatique est un défi de taille qui requiert non seulement un engagement politique clair de la part des autorités, mais aussi la participation active des citoyen·e·s. La combinaison d’approches descendante et ascendante renforcerait la confiance des citoyen·e·s dans le processus décisionnel public, ainsi que sa légitimité, sa transparence, son caractère inclusif et sa réactivité. Elle se traduirait également par un soutien accru à l'action publique.

Parmi les formes de démocratie participative qui peuvent compléter et enrichir le travail des institutions représentatives, les assemblées citoyennes sont les mieux placées pour exploiter la sagesse collective et permettre aux citoyen·e·s de se réapproprier l'espace public, en fournissant aux autorités des informations utiles sur les préférences de la population et des indications sur la manière de concilier une multitude d'intérêts contradictoires.

Le rapport recommande aux États membres de multiplier les possibilités de participation du public à la prise de décision politique. Il énonce également les conditions que les assemblées citoyennes doivent remplir afin d'être pertinentes et crédibles et précise comment elles peuvent s'attaquer aux facteurs systémiques sous-jacents de l'urgence climatique. Enfin, le rapport recommande au Comité des Ministres de développer davantage ses travaux dans le domaine de la démocratie participative.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 22 juin
2021.

(open)
1. L’Accord de Paris, adopté en 2015 par les Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et signé par les 47 États membres du Conseil de l’Europe, appelle à une action plus énergique en faveur du climat et, parallèlement à un mouvement citoyen d’envergure mondiale fortement porté par les jeunes, créé une pression politique et une dynamique propices à une action plus ambitieuse en faveur du climat partout dans le monde.
2. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution 2210 (2018) «Changement climatique et mise en œuvre de l’Accord de Paris» dans laquelle elle soulignait l’importance de l’action parlementaire concernant l’adoption de mesures nationales fortes pour promouvoir la mise en œuvre de l’Accord de Paris à tous les niveaux de gouvernance et appelait les parlements nationaux à veiller à ce que des structures, des mécanismes et des ressources spécifiques soient mis en place pour intensifier les efforts nationaux en matière de lutte contre le changement climatique.
3. Notant que la crise climatique, d’origine humaine, est également responsable de la recrudescence des pandémies et des zoonoses, l’Assemblée appelle une nouvelle fois à une action immédiate pour éviter la survenue de catastrophes futures. Le changement climatique exige une adaptation à long terme et une évolution de nos modes de vie, de production et de consommation et seuls des citoyens informés et engagés sauront faire preuve de résilience et s’engager dans une dynamique collective.
4. Si les mouvements de protestation ont fait la preuve de leur force, les voix exprimées ont néanmoins besoin d’une structure institutionnelle pour permettre une participation citoyenne durable, régulière et efficace. L’Assemblée a la ferme conviction que la démocratie représentative peut être enrichie par une participation publique véritable, qui permettra également de répondre de manière crédible aux demandes des citoyens, en particulier des jeunes, d’être plus régulièrement associés à la prise de décisions et au débat sur la transition écologique et la relance verte.
5. L’Assemblée invite donc instamment les gouvernements à combiner un engagement politique clair et une gouvernance descendante avec des formes de gouvernance ascendante et participative, afin de répondre à l’urgence de la crise climatique et de garantir une contribution significative des citoyens. La démocratie délibérative peut également agir comme un remède à la menace résurgente des régimes autoritaires et redynamiser les pratiques démocratiques.
6. À cet égard, l’Assemblée, soulignant la nécessité d’accroître la participation active des citoyens et d’assurer un plus grand engagement de tous dans la conduite des affaires publiques, se réfère à sa Résolution 1746 et à sa Recommandation 1928 (2010) «Démocratie en Europe: crises et perspectives» dans lesquelles elle appelait tous les États membres du Conseil de l’Europe à mettre en place des mécanismes participatifs et délibératifs, tels que des jurys ou conférences de citoyens, pour faciliter la participation de ces derniers au processus décisionnel s’agissant d’une affaire publique qui les concerne et qu’il convient de traiter d’urgence.
7. Conformément à sa Résolution 2271, à sa Recommandation 2150 (2019) «Renforcement de la coopération avec les Nations Unies dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l'horizon 2030» et la Résolution 2369 (2021) «La vision de l'Assemblée sur les priorités stratégiques du Conseil de l'Europe», l’Assemblée réaffirme également son plein soutien à la réalisation des Objectifs de développement durable, en particulier de l’Objectif 16 «Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable» qui comprend l’Objectif 16.7 «Faire en sorte que le dynamisme, l’ouverture, la participation et la représentation à tous les niveaux caractérisent la prise de décisions».
8. L’Assemblée constate que les assemblées citoyennes, en particulier, sont un moyen de faire appel à la sagesse collective, de restaurer la confiance dans la politique et de permettre aux citoyens de se réapproprier l'espace public qui a été investi par les réseaux sociaux. Par leurs contributions, les citoyens peuvent éclairer l’action environnementale et fournir aux pouvoirs publics des informations utiles sur les préférences des citoyens, les compromis qu’ils sont disposés à faire et le soutien du public aux actions menées.
9. Pour assurer leur crédibilité et leur pertinence, les assemblées citoyennes devraient:
9.1. fonder leur travail sur la raison, des données probantes, des arguments, des perspectives et différentes formes de connaissances, sans être dominées par le pouvoir, l’argent ou des logiques partisanes;
9.2. s’efforcer de limiter l’influence excessive de groupes d’intérêts et de pression et sélectionner les citoyens par tirage au sort, en veillant à tenir compte de tous les groupes d’âge, et niveaux de qualification, des disparités socio-économiques et de la répartition géographique;
9.3. assurer une coopération étroite avec la communauté scientifique pour parvenir à des décisions judicieuses fondées sur des données scientifiques;
9.4. confronter les avis des experts à ceux des groupes d’intérêts et mobiliser un large éventail de parties prenantes, dont des organisations non gouvernementales – notamment de jeunesse – l’industrie et des militants écologistes;
9.5. susciter un débat national afin que les citoyens gagnent en pouvoir et en confiance, que les mesures proposées aient plus de chances de remporter l’adhésion de la population et qu’une pression s’exerce sur les décideurs politiques pour qu’ils mettent les recommandations en œuvre.
10. À terme, il appartient aux décideurs de donner corps aux recommandations et aux propositions des assemblées de citoyens et de veiller à les intégrer au processus politique, notamment par l’intermédiaire des commissions parlementaires.
11. L’Assemblée fait valoir que pour porter ses fruits, la lutte contre le changement climatique pourrait nécessiter des actions allant bien au-delà de ce que les assemblées pour le climat ont proposé jusqu’ici. Les futures assemblées citoyennes devront s’attaquer aux causes profondes et systémique de l’urgence climatique. Cela suppose notamment:
11.1. d’affirmer explicitement la nécessité d’un changement systémique ambitieux;
11.2. de communiquer aux citoyens les prévisions disponibles les plus notables sur les effets du changement climatique pour illustrer de façon explicite ses véritables conséquences sur la vie des populations dans le monde entier;
11.3. de tenir compte de tous les scénarios possibles, en adoptant une approche tournée vers l’avenir;
11.4. de concevoir un processus robuste et indépendant, comprenant des procédures applicables aux décisions clés, à la définition de l’agenda, à la sélection des experts, au vote;
11.5. de donner la possibilité aux citoyens d’agir sur l’agenda, afin de favoriser l’engagement et la créativité et d’éviter les effets délétères de la polarisation du groupe;
11.6. de veiller à ce que les recommandations des citoyens soient complétées par des travaux de spécialistes, par une évaluation des coûts et fondées sur des faits avérés;
11.7. de mettre en place un suivi responsable, permettant aux membres des assemblées citoyennes d’évaluer tout texte législatif issu de leurs délibérations et d’y apporter leur contribution.
12. L’Assemblée considère qu’il est d’une importance capitale d’associer les jeunes à la prise de décisions en matière de lutte contre la crise climatique et renvoie aux travaux du Conseil consultatif pour la jeunesse du Conseil de l’Europe, qui incarne parfaitement la démocratie participative au niveau européen et sert d’exemple à tous les États membres qui s’engagent dans des processus participatifs.
13. Se référant à la Charte du Conseil de l'Europe sur l'éducation à la citoyenneté démocratique et l'éducation aux droits de l'homme et au Cadre de référence des compétences pour une culture de la démocratie, l’Assemblée appelle tous les États membres du Conseil de l’Europe à encourager une participation constante des jeunes et une éducation à la citoyenneté dans les écoles et les universités, ainsi que dans les groupes de citoyens et les organisations non gouvernementales. Cette démarche implique d’autoriser les enfants et les adolescents à intervenir dans les processus de prise de décision, essentiels pour leur donner les moyens de prendre part à la vie publique, et pour encourager l’esprit critique et la participation à des pratiques démocratiques.
14. Par ailleurs, l’Assemblée se félicite de la conférence de l’Union européenne sur l’avenir de l’Europe, qu’elle voit comme un exercice ouvert et inclusif de démocratie délibérative visant à associer directement les citoyens à la définition de la voie que l’Europe doit suivre et à l’élaboration de ses politiques, grâce à la mise en place d’une série d’assemblées et de panels de citoyens à l’échelle européenne et notamment de plateformes numériques multilingues. Dans le prolongement de son débat conjoint sur le thème de l’environnement et des droits humains, l’Assemblée devrait contribuer à la conférence pour plaider en faveur de la reconnaissance juridique universelle du droit de vivre dans un environnement sain.
15. Enfin, l’Assemblée souligne le potentiel de la délibération publique pour répondre à des enjeux de politique publique qui nécessitent de prendre en compte à la fois des valeurs et des données probantes et encourage tous les États membres du Conseil de l’Europe à inscrire l’approche délibérative dans le cycle d’élaboration des politiques afin de favoriser une approche constructive qui transcende la multiplicité des intérêts.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 22 juin 2021.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution … (2021) «Une démocratie plus participative pour faire face au changement climatique» et souligne la valeur ajoutée de pratiques démocratiques innovantes, ainsi que d’une participation et d’une délibération des citoyens accrues, qui visent à renforcer la démocratie et à favoriser des réponses plus efficaces aux dilemmes majeurs en matière de politiques, notamment la crise climatique.
2. Les immenses défis posés par le changement climatique, ainsi que par son ampleur, sa nature et ses conséquences sans précédent, notamment les conflits distributifs et les nécessaires adaptations à la vie sociale, économique et personnelle, arrivent au moment où, partout dans le monde, les démocraties sont fragiles et où la confiance des citoyens dans les élus, les institutions et les experts s’érode.
3. L’Assemblée est convaincue que la participation et la délibération des citoyens, associées à la démocratie représentative, peuvent contribuer à affermir le soutien de l’opinion publique, la légitimité, la confiance, l’autonomisation, l’inclusion et l’égalité, et encourager une approche constructive qui transcende la multiplicité des intérêts. Elle reconnaît également que la transformation numérique ouvre de nouvelles voies pour promouvoir l’engagement des citoyens et leur participation aux affaires publiques et à la prise de décision, ce qui renforce la gouvernance démocratique.
4. Gardant à l’esprit que les changements des modes de production et de consommation impliquent une modification de nos modes de vie qui requiert la participation de tous, l’Assemblée a la ferme conviction que seuls des citoyens informés et engagés sauront faire preuve de résilience et s’engager dans une dynamique collective en vue d’une action environnementale ambitieuse.
5. En conséquence, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
5.1. sur la base des travaux du Comité européen sur la démocratie et la gouvernance ainsi que de la Recommandation du Comité des Ministres aux États membres sur la participation des citoyens à la vie publique au niveau local (2018) et les Lignes directrices relatives à la participation civile aux décisions politiques (2017), d’encourager son comité directeur compétent à rédiger un rapport sur les nouvelles formes de démocratie participative en vue de partager les bonnes pratiques entre États membres, et de tenir compte du présent rapport en tant que contribution au domaine spécifique du changement climatique;
5.2. d’inviter les États membres à promouvoir des moyens efficaces pour améliorer les compétences des citoyens en matière de culture démocratique, en s’appuyant notamment sur le Cadre de référence des compétences pour une culture de la démocratie du Conseil de l’Europe, avec pour objectif de donner plus de pouvoir aux citoyens, tout particulièrement aux jeunes générations, afin de répondre aux défis environnementaux de façon constructive;
5.3. d’envisager la mise en place, en coopération avec l’Union européenne, d’une «Assemblée citoyenne pour le climat et l’avenir de l’Europe» à l’échelle européenne, qui rassemblerait des citoyens, des experts ainsi que des élus aux échelles locale, régionale, nationale et européenne, et de débattre de cette proposition au cours du prochain Forum mondial de la démocratie, qui se tiendra du 8 au 10 novembre 2021 sur le thème: «La démocratie au secours de l’environnement».

C. Exposé des motifs par M. George Papandreou, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le débat sur le changement climatique présente un grand intérêt non seulement pour la recherche scientifique et économique et l’activisme écologique et social, mais aussi en raison de son incidence sur le fonctionnement de la démocratie. C’est pourquoi la commission des questions politiques et de la démocratie a déposé, en janvier 2020, une proposition de résolution.
2. Certains spécialistes ont fait valoir que la réponse à la crise climatique ne devrait pas suivre la voie démocratique ordinaire 
			(3) 
			Hickman, L., James
Lovelock: <a href='https://www.theguardian.com/science/2010/mar/29/james-lovelock-climate-change'>«Humans
are too stupid to prevent climate change »</a>,The Guardian, 29 mars 2010., cette crise devant être considérée comme une situation exceptionnelle, à l’instar d’une guerre, qui nécessite de mettre la démocratie en suspens pour y faire face efficacement 
			(4) 
			Willis, R., <a href='https://theconversation.com/to-tackle-the-climate-crisis-we-need-more-democracy-not-less-119265'>«To
tackle the climate crisis we need more democracy, not less</a>», 9 mars 2020.. À l’opposé, d’autres affirment que nous avons besoin d’un sursaut de démocratie mieux administrée pour affronter la crise climatique, et préconisent de moderniser les processus démocratiques 
			(5) 
			Fritsch, M., «Democracy,
Climate Change, and Environmental Justice», Mosaic:
a journal for the interdisciplinary study of literature,
p.30, 2015..
3. La crise du climat, d’origine humaine, est responsable de la montée des pandémies et des zoonoses, et une action immédiate s’impose pour éviter la survenue d’événements catastrophiques. Comme l’a déclaré Wangari Matthai, première femme africaine à avoir reçu le prix Nobel de la paix, en 2004: «Dans quelques décennies, la relation entre environnement, ressources et conflits pourrait sembler presque aussi évidente que le lien que nous observons aujourd’hui entre droits de l’homme, démocratie et paix.»
4. Le mode de gestion actuel de la crise post-pandémie, axé sur un «retour à la normale» n’est pas la bonne réponse. C’est pourquoi il nous faut insister sur l’urgence de traiter la crise climatique en même temps que la crise liée à la pandémie.
5. Parallèlement à la montée des pressions en faveur de l’action climatique dans le monde à la suite de l’Accord de Paris signé en 2015 
			(6) 
			L'Accord
de Paris, qui s’appuie sur la Convention-cadre des Nations Unies
sur les changements climatiques, est un traité international juridiquement
contraignant sur les changements climatiques. Adopté par 196 parties
lors de la COP 21 à Paris, le 12 décembre 2015, il est entré en
vigueur le 4 novembre 2016., les appels en faveur d’une démocratie participative et délibérative se sont multipliés, avec une implication et un contrôle parlementaires, pour répondre à la grande complexité des politiques publiques, raviver le débat social sur la transition écologique et la relance verte, associer les citoyens aux prises de décisions et améliorer les processus de gouvernance. Cela vaut en particulier pour la politique climatique, qui ne peut fonctionner qu’avec l’adhésion de la société, puisqu’elle suppose des décisions politiques fermes et le soutien du public aux actions entreprises 
			(7) 
			Environmental
Protection Agency (Irlande), «Deepening public engagement on climate
change: lessons from the Citizens’ Assemblies», avril 2020..
6. La démocratie participative et en particulier les assemblées citoyennes sont un moyen de faire appel à la sagesse collective et de restaurer la confiance dans la politique. Elles permettent aux citoyens de se réapproprier l’espace public, l’«agora», qui a été investi par les réseaux sociaux et les géants du numérique, qui influent sur la politique par le biais d’algorithmes et servent de support à la désinformation, à la haine, à la démagogie, à la polarisation des conflits et à l’autoritarisme. Ces nouvelles formes de participation démocratique sont susceptibles d’apporter, à la place, des réponses plus démocratiques, justes et appropriées aux crises sanitaire et environnementale que connaît l’humanité.
7. Les objectifs définis dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies reflètent également cette tendance. Selon le Conseil de sécurité de l’ONU, la «Décennie d’action», qui s’étend de 2020 à 2030, nécessite trois niveaux d’intervention dont «l’action individuelle» 
			(8) 
			Remarques
du Secrétaire général de l’ONU au <a href='https://www.un.org/press/fr/2019/sgsm19763.doc.htm'>Forum
politique de haut niveau pour le développement durable</a>, septembre 2019.. Par ailleurs, l’objectif 16 mentionne également que «le dynamisme, l’ouverture, la participation et la représentation à tous les niveaux caractérisent la prise de décisions» 
			(9) 
			Jessica,
Koski, Cleo, Claudia, & Piggot, <a href='https://www.sei.org/publications/how-public-participation-shapes-environmental-decision-making/'>«Making
space: how public participation shapes environmental decision-making</a>», octobre 2019..
8. Du point de vue européen, les programmes de budgétisation participative sont déjà une réalité, surtout à l’échelon local. Au niveau de l’Union européenne, le Traité de Lisbonne de 2009 a renforcé le rôle des citoyens dans la prise de décisions grâce aux initiatives citoyennes européennes, qui constituent un instrument important de la démocratie participative au sein de l’Union européenne. De plus, en 2019, quelque 200 villes de l’Union européenne ont signé la déclaration d’Eurocities sur l’engagement citoyen, qui vise à accroître la participation des citoyens au processus décisionnel 
			(10) 
			<a href='https://eurocities.eu/latest/50-cities-sign-declaration-on-citizens-engagement/'>50
cities sign Declaration on citizens engagement</a>..
9. Dès 2010, dans sa Résolution 1746 et sa Recommandation 1928 (2010) «Démocratie en Europe: crises et perspectives», l’Assemblée parlementaire soulignait la nécessité d’accroître la participation active des citoyens et d’assurer un plus grand engagement de tous dans la conduite des affaires publiques. Tous les États membres du Conseil de l’Europe étaient appelés à mettre en place des structures participatives et délibératives, telles que des jurys ou conférences de citoyens, pour faciliter la participation de ces derniers au processus décisionnel s’agissant d’une affaire publique qui les concerne et qu’il convient de traiter d’urgence.
10. Au niveau du Conseil de l’Europe, la déclaration finale adoptée lors de la conférence de haut niveau intitulée «Protection de l’environnement et droits de l’homme» organisée sous l’égide de la présidence géorgienne en février 2020 appelle à moderniser les normes juridiques paneuropéennes à la lumière des urgences environnementales et des défis climatiques actuels, pour prévoir une coopération internationale plus efficace, ancrer des approches communes entre les États membres et explorer des voies viables pour de nouveaux développements juridiques, aux niveaux national et européen.
11. L’Assemblée a entrepris l’élaboration de plusieurs rapports pour faire entendre les préoccupations des parlementaires, ainsi que pour guider et soutenir les actions du Conseil de l’Europe dans ce domaine 
			(11) 
			<a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?fileid=28084'>Propositions
de résolution: Doc. 14947</a> «Inaction face au changement climatique – une violation
des droits de l’enfant», <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?fileid=28152'>Doc. 14972</a> «Changement climatique et État de droit : étude de base»; Doc. 15074 «Impact des conflits armés sur l’environnement transfrontalier»; <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-EN.asp?fileid=28644&lang=EN&search=KjoqfGNhdGVnb3J5X3N0cl9lbjoiV29ya2luZyBkb2N1bWVudCI='>Doc.
15068</a> «Intelligence artificielle et changement climatique»
et Doc 15108 «Ancrer le droit à un environnement sain: la nécessité
d’une action renforcée du Conseil de l’Europe»; Doc. 15113 «Climat et migrations»;
décisions du Bureau: «Examen des questions de responsabilité civile
et pénale dans le contexte du changement climatique»; «La lutte
contre les inégalités dans l’accès aux droits environnementaux»,
«Politiques en matière de recherche et protection de l’environnement».. Lors d’une rencontre à New York le 11 décembre 2020, Rik Daems, Président de l’Assemblée, et António Guterres, Secrétaire général de l’ONU, se sont accordés sur la nécessité de renforcer la coopération en faveur d’un environnement sûr, propre, sain et durable, et ont appelé à un changement de paradigme pour transformer cet objectif politique en un «principe contraignant». Le débat de l’Assemblée sur le thème «Environnement et droits de l’homme» prévu en septembre 2021 plaidera pour la reconnaissance juridique universelle du droit de vivre dans un environnement sain 
			(12) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/news/8139/heads-of-un-and-pace-building-a-safe-clean-healthy-and-sustainable-environment-must-become-a-binding-principle-'>«Responsables
des Nations Unies et de l’APCE: la construction d’un environnement
sûr, propre, sain et durable doit devenir un ‘principe contraignant’»</a> (coe.int)..
12. Mon rapport entend apporter une contribution au débat conjoint et vise à réfléchir aux liens entre la démocratie participative et délibérative et le changement climatique et à examiner les tendances et les exemples de mécanismes participatifs en rapport avec la crise climatique dans les États membres du Conseil de l’Europe. Quels sont les avantages et les inconvénients de la démocratie participative? Comment mettre en œuvre ce processus démocratique pour lutter efficacement contre la crise climatique?
13. Le 16 décembre 2019, la sous-commission des relations extérieures s’est réunie à Rovaniemi en Finlande pour discuter des opportunités de coopération internationale dans la région arctique et des implications politiques du réchauffement climatique. Les membres sont convenus d’accroître la contribution parlementaire en proposant des lois, en demandant à leurs gouvernements de rendre compte de leurs actions et de l'application des lois et des engagements internationaux, et enfin et surtout, en créant un pont entre les peuples et les institutions 
			(13) 
			«<a href='https://pace.coe.int/fr/news/7739/-what-happens-in-the-arctic-doesn-t-stay-in-the-arctic-'>Ce
qui se passe en Arctique dépasse l’Arctique</a>», 17 décembre 2019..
14. Le 18 janvier 2021, j’ai assisté à la table ronde sur «La démocratie représentative contre la crise climatique», organisée par la sous-commission de la santé publique et du développement durable avec le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et qui constituait leur contribution conjointe au Forum mondial de la démocratie. Les approches participatives et délibératives y ont également été abordées.
15. La commission a tenu trois auditions, qui ont grandement contribué à éclairer mon rapport, le 15 octobre 2020 avec M. Thierry Pech, coprésident de la Convention citoyenne pour le climat (France), le 4 février 2021, avec Mme Helene Landemore, Professeure associée de sciences politiques à l’Université de Yale, M. Gerd Leipold, Directeur de Climate Transparency, et Mme Alice Bergholtz, Membre du Bureau du Conseil consultatif pour la jeunesse du Conseil de l’Europe (Conseil national des organisations suédoises de la jeunesse – LSU), et, plus récemment, le 11 mai 2021 avec M. Archon Fung, Professeur de citoyenneté et d’autonomie à la Kennedy School of Government de l’Université d’Harvard.
16. La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable et la commission sur l’égalité et sur la non-discrimination examinent également les aspects liés à la participation des enfants et des peuples autochtones à la lutte contre la crise climatique, et je renvoie à leurs travaux pour de plus amples informations.

2. Processus participatif et délibératif et action climatique

17. La démocratie représentative demeure la règle dans la plupart des démocraties du monde entier ainsi que dans tous les États membres du Conseil de l’Europe. Cependant, la représentation est toujours limitée et approximative, et peut nuire à la bonne mise en œuvre des politiques dans toutes les couches de la société. C’est la raison pour laquelle de plus en plus d’universitaires tendent à s’intéresser aux modèles participatifs et délibératifs et à la sagesse des foules 
			(14) 
			<a href='https://urbact.eu/do-we-need-participatory-democracy-save-democracy'>«Do
we need participatory democracy to save democracy?</a>», 5 février 2020..
18. Ainsi que l’a souligné le Professeur Fung, les immenses défis du changement climatique, ainsi que l’ampleur et la nature sans précédent de celui-ci, notamment les conflits distributifs et les difficultés d’adaptation dans la vie sociale, économique et personnelle arrivent au plus mauvais moment, alors que, partout dans le monde, les démocraties sont fragiles et que les citoyens ne font plus confiance aux élus, aux institutions ni aux experts et ne croient plus que l’État est géré dans l’intérêt de tous 
			(15) 
			Pew Research Center,
Global Attitude Survey 2019, <a href='https://www.pewresearch.org/global/2020/02/27/democratic-rights-popular-globally-but-commitment-to-them-not-always-strong/'>«Democratic
Rights Popular Globally but Commitment to Them Not Always Strong»</a>.. La participation et la délibération des citoyens peuvent se révéler utile en apportant légitimité, confiance, informations et égalité.
19. Avec la démocratie participative, un certain niveau du pouvoir de décision est délégué aux citoyens pour qu’ils puissent agir directement. Si l’objectif de la démocratie délibérative est de parvenir à un consensus par le biais de débats publics, dans la démocratie participative, les citoyens sont eux-mêmes des décideurs 
			(16) 
			Lodewijckx, I., <a href='https://www.citizenlab.co/blog/civic-engagement/whats-the-difference-between-deliberative-and-participatory-democracy/'>«What's
the difference between deliberative and participatory democracy?</a>», 14 novembre 2019.. Certains universitaires mettent aussi en avant les idées de «gouvernement ouvert», d’intelligence collective et de pouvoir du plus grand nombre 
			(17) 
			Hélène Landemore, «Democratic
reason: politics, collective intelligence and the rule of the many»,
Princeton, 2012. 
			(17) 
			Voir aussi: <a href='https://www.newyorker.com/news/the-future-of-democracy/politics-without-politicians'>«The
Political Scientist Hélène Landemore on Open Democracy»,</a>The New Yorker,
19 février 2020..
20. La démocratie délibérative peut être une solution pratique à de nombreux maux de la démocratie. La démocratie est assiégée dans la plupart des pays, où les institutions démocratiques sont peu approuvées et font face à une menace résurgente des régimes autoritaires. La démocratie délibérative peut fournir un antidote et revigorer notre politique démocratique 
			(18) 
			James S. Fishkin, Democracy when the people are thinking: revitalizing
our politics through public deliberation, Oxford University
Press, 2018..
21. Les modes de participation évoluent constamment, en raison notamment de l’impact de la numérisation sur la démocratie et sur les moyens de communication individuels, permettant aux citoyens engagés, en particulier aux jeunes, de prendre part au débat public.
22. Selon une étude menée récemment par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les pouvoirs publics devraient envisager de mettre au point une législation ou une réglementation introduisant des obligations en matière de processus délibératifs et permettant aux citoyens d’engager une telle procédure autour de sujets essentiels. Ces processus peuvent revêtir diverses formes à tous les échelons du gouvernement et porter sur de nombreuses questions politiques, en particulier des conflits de valeurs, des problèmes complexes impliquant des compromis et des enjeux à long terme. L’étude recense 12 modèles de processus délibératifs, regroupés sous quatre types d’objectifs: recommandations éclairées des citoyens sur les questions de politiques publiques; opinion des citoyens sur les questions de politiques publiques; évaluation citoyenne éclairée des mesures de vote, et organes délibérants permanents 
			(19) 
			<a href='https://www.oecd.org/gov/innovative-citizen-participation-and-new-democratic-institutions-339306da-en.htm'>«Innovative
Citizen Participation and New Democratic Institutions: Catching
the Deliberative Wave», OCDE</a>, 10 juin 2020..
23. Dans son intervention devant notre commission, la professeure Landemore a fait valoir que la démocratie délibérative avait plus de chances de parvenir à dégager de bonnes solutions aux problèmes collectifs que les processus moins inclusifs, méritocratiques ou oligarchiques 
			(20) 
			Elle a également évoqué
l'échec de la taxe sur les carburants en France, déclencheur du
mouvement des Gilets jaunes parce que les législateurs n'avaient
pas prévu la colère que cette taxe susciterait chez les personnes
issues des classes défavorisées, vivant dans les zones périurbaines.. Selon elle, plus encore que la compétence individuelle, ce qui importe pour l’intelligence collective, c’est la diversité des modes de pensée des uns et des autres. Par conséquent, la sélection aléatoire est le meilleur moyen de maximiser la diversité cognitive.
24. Les citoyens ordinaires devraient avoir accès au pouvoir législatif par le biais de «mini-publics ouverts», de vastes organes délibératifs chargés de déterminer l’agenda politique ainsi que de légiférer sur certaines questions, composés de citoyens tirés au sort, qui seraient également ouverts au reste de la population par des plateformes de crowdsourcing, la médiatisation et au travers de référendums occasionnels, afin d’exploiter toute la diversité des voix 
			(21) 
			<a href='https://www.oecd.org/gov/innovative-citizen-participation-and-new-democratic-institutions-339306da-en.htm'>«Innovative
Citizen Participation and New Democratic Institutions: Catching
the Deliberative Wave» op. cit.</a> Ce rapport de l’OCDE présente plus de 200 exemples de
telles expériences délibératives dans le monde au cours des vingt dernières
années..
25. L’intérêt porté par les milieux universitaires aux liens entre démocratie et environnement s’est intensifié dans les années 1970, parallèlement à l’essor des mouvements écologiques modernes. Dans les années 2000, certains chercheurs se sont efforcés de concilier libéralisme et durabilité et d’étudier les liens entre protection de l’environnement et démocratie délibérative 
			(22) 
			Pickering, J., Bäckstrand,
K., & Schlosberg, D., Between environmental
and ecological democracy: theory and practice at the democracy-environment
nexus. Journal of Environmental
Policy & Planning, 22(1),
3, 2020..
26. En 2002, alors que j’étais ministre des Affaires étrangères, le premier sondage mondial en ligne sur l’environnement a été lancé, à l’occasion du Sommet mondial des Nations Unies sur le développement durable tenu à Johannesburg du 26 août au 4 septembre, qui avait réuni plus de 25 000 personnes de 175 pays différents. Les résultats pointaient un manque de confiance dans la capacité des gouvernements à résoudre les problèmes environnementaux les plus marquants 
			(23) 
			<a href='https://euobserver.com/foreign/8275'>«Global poll blames
governments for environment», </a>euobserver.com,
2002. En 2003, la présidence grecque de l'Union européenne (de janvier
à juin 2003) a également été marquée par le lancement d'e-Vote,
une initiative audacieuse visant à renforcer et à étendre la démocratie
électronique dans l'Union européenne. Loin d'être “perdues dans
le cyberespace”, les opinions des citoyens intéressés ont eu un
impact réel sur l'élaboration des politiques européennes, voir «e-Democracy
for the European Union», George A. Papandreou, 30 juin 2003..
27. Ces dernières années ont vu naître une nouvelle forme de démocratie délibérative: les assemblées citoyennes, composées de personnes tirées au sort, dont l’issue des discussions et délibérations constitue une composante clé du processus de prise de décisions. Elles trouvent leurs racines dans l’Athènes de l’Antiquité, avec les agoras, et dans l’Italie de la Renaissance.
28. Dans le domaine des politiques sur le changement climatique, une liste de normes fondamentales a été établie pour veiller à la qualité et au caractère démocratique des assemblées citoyennes sur le climat 
			(24) 
			Center
for Climate Assemblies: <a href='https://climateassemblies.org/what-is-a-citizens-assembly/'>«What
is a citizens’ assembly?».</a>. Dans certains cas, cette expérience a eu un très fort impact sur les responsables politiques, soit en leur ouvrant les yeux, soit en leur révélant le potentiel de changement progressif au niveau des attitudes et du soutien du public, qui servent si souvent d’excuses à l’inaction.

2.1. Avantages de la participation citoyenne 
			(25) 
			<a href='https://www.involve.org.uk/resources/knowledge-base/what-impact-participation/benefits-and-costs-public-participation'>Involve
UK, «Benefits and costs of public participation</a>», juin 2018; Environmental Protection Agency, Ireland, «Deepening
public engagement on climate change: lessons from the Citizens’
Assemblies», avril 2020.

29. Au niveau des pouvoirs publics, les assemblées de citoyens peuvent contribuer à la résolution de questions politiquement controversées. Elles peuvent accroître la légitimité de certaines décisions et mesures politiques. Pour les participants, elles peuvent constituer un environnement d’apprentissage unique et susciter un sentiment de fierté à l’idée de participer à la prise de décision nationale. Quelques autres avantages de la démocratie participative sont présentés ci-dessous:
  • Une meilleure gouvernance: un renforcement de la légitimité démocratique et de la confiance envers les institutions grâce aux liens étroits tissés avec les citoyens, une meilleure image des instances publiques, une multiplication des possibilités d’exercice de la citoyenneté active et une plus grande responsabilisation des instances publiques grâce à une diffusion plus efficace de l’information et à un meilleur dialogue;
  • Une meilleure représentation de la population: la composition d’une assemblée citoyenne peut être considérée comme représentative de la communauté locale, puisque ses membres sont tirés au sort parmi un vivier de volontaires répondant à des critères clés (âge, sexe, région, niveau d’études, etc.). Elle reflète mieux les minorités et donne donc à entendre la voix de tous les groupes sociaux, permettant ainsi aux élus de faire le point sur les mesures climatiques qui pourraient être acceptées par le grand public;
  • Une meilleure cohésion sociale: le rapprochement de communautés diverses et parfois hostiles, l’établissement de relations au sein de différents groupes sociaux et communautés ainsi qu’entre eux, le renforcement et la mise en place de nouveaux réseaux permettant à différentes parties intéressées de travailler ensemble grâce à l’établissement de relations plus constructives fondées sur une meilleure connaissance mutuelle et égalité d’accès aux processus d’élaboration des politiques et de décision;
  • Une meilleure qualité des services, des projets et des programmes: l’assurance que les investissements publics reposent davantage sur les besoins exprimés par les citoyens, la possibilité pour les citoyens de prendre leur part de responsabilité dans l’amélioration de leur qualité de vie (par exemple, en matière de santé et de bien-être, ou d’environnement local);
  • Un meilleur renforcement des capacités et apprentissage: un renforcement des connaissances quant aux institutions publiques et au fonctionnement de la démocratie, l’instauration d’un climat de confiance et d’optimisme parmi les citoyens, un soutien accordé aux secteurs associatif et bénévole en reconnaissant leur rôle essentiel dans le renforcement des capacités de la collectivité et de groupes d’intérêts spécifiques (en particulier les groupes défavorisés et exclus);
  • Une meilleure compréhension des multiples perceptions des personnes concernées par le changement climatique: cela pourrait contribuer à créer des modes de persuasion plus efficaces et connectés au réel, afin de communiquer l’urgence de la crise climatique et d’améliorer le niveau national des connaissances environnementales.

2.2. Coûts et obstacles à la participation citoyenne

30. Les coûts financiers comprennent les heures travaillées du personnel (rémunéré et non rémunéré), les dépenses de personnel, les honoraires et défraiements des consultants externes et des participants, la formation du personnel et des participants, les frais administratifs, la location de locaux et les frais liés à la communication, au suivi et à l’évaluation. Parmi les coûts non financiers figurent le temps consacré par les participants, le temps nécessaire à l’acquisition des compétences nécessaires à la nouvelle approche (au détriment de leur activité rémunérée principale).
31. Les risques comprennent le risque d’entacher sa réputation (en raison d’une mauvaise pratique participative), le stress, l’incertitude et les conflits. Une analyse coûts-avantages pourrait donc s’avérer nécessaire avant d’entreprendre un exercice participatif, quel qu’il soit.

3. Exemples d’assemblées citoyennes européennes sur le changement climatique

32. On a vu apparaître des assemblées citoyennes dans le monde entier, notamment en Allemagne, en Belgique, en Espagne, en France, en Irlande, aux Pays-Bas, en Pologne, et au Royaume-Uni, ainsi qu’en Australie, au Canada et aux États-Unis 
			(26) 
			Climate Assembly UK,
«The path to net zero». <a href='https://www.climateassembly.uk/about/citizens-assemblies/'>«Governments
and parliaments around the world are increasingly using citizens'
assemblies in their work</a>».. Les études de cas présentées ci-après permettent de comprendre leur fonctionnement, en pratique, au cours des vingt dernières années dans un certain nombre d’États membres du Conseil de l’Europe.

3.1. Le Jury citoyen en Poitou-Charentes

33. La région française du Poitou-Charentes accueille l’une des plus anciennes assemblées de démocratie délibérative d’Europe 
			(27) 
			Manoharan,
A., & Holzer, M., Active citizen
participation in e-government: a global perspective.
Hershey, PA: Information Science Reference, 2012., qui a également une dimension internationale puisqu’elle mène des projets conjoints avec la Toscane et la Catalogne 
			(28) 
			<a href='http://www.ipsnews.net/2007/10/europe-participatory-democracy-can-resolve-crisis/'>Participatory
Democracy Can Resolve Crisis</a>..
34. En 2008, à la demande du Conseil régional, le jury citoyen a établi un rapport sur la lutte contre le changement climatique et les émissions de gaz à effet de serre. Plutôt que de faire appel à des volontaires, ce qui aurait pu créer un biais sociologique 
			(29) 
			Par «biais sociologique»,
on entend l’inconvénient que présente la participation volontaire,
à savoir que ce sont généralement les personnes les plus diplômées
et qualifiées, ou encore les plus habituées à s’exprimer en public,
qui constitueront les membres du jury. Par conséquent, les femmes
actives, les chômeurs et les travailleurs peu qualifiés ne sont
pas entendus pendant le processus décisionnel., les membres du jury ont été tirés au sort.
35. Les principales activités comprenaient des séances de formation et d’information pour maîtriser les enjeux d’un sujet complexe comme le changement climatique, des auditions d’experts, l’élection de représentants de la majorité et de l’opposition, la nomination d’un «tiers neutre» et celle d’un groupe de professionnels indépendants et de contrôleurs qualité 
			(30) 
			Région
Poitou-Charentes, <a href='https://www.oecd.org/gov/digital-government/41095800.pdf'>Participatory
Democracy in Region Poitou-Charentes</a>, 2008..

3.2. L’Assemblée citoyenne irlandaise

36. Plus récemment, en 2016, l’Assemblée citoyenne irlandaise (Thionól na Saoránach) a été créée par le parlement. Elle se composait d’un président et de 99 citoyens tirés au sort en veillant à constituer un échantillon représentatif de l’électorat irlandais en termes d’âge, de sexe, de classe sociale et de répartition régionale.
37. Cette assemblée a déjà joué un rôle déterminant dans le traitement de certains sujets politiques controversés comme l’avortement et le mariage homosexuel 
			(31) 
			Coleman
M., <a href='https://www.climatechangenews.com/2019/06/27/irelands-world-leading-citizens-climate-assembly-worked-didnt/'>«Ireland's
world-leading citizens' climate assembly. What worked? What didn't?</a>», Climate Home News 2019., ouvrant la voie à la tenue d’un référendum favorable à l’abrogation du huitième amendement de la Constitution irlandaise.
38. En 2017, l’Assemblée citoyenne sur le changement climatique s’est réunie pendant quatre week-ends pour auditionner des experts ainsi que des représentants de groupes d’intérêts, et a adopté des recommandations à l’issue d’un vote à bulletin secret 
			(32) 
			Celles-ci ont été regroupées
sous des rubriques spécifiques (thèmes généraux, transports, énergie,
agriculture et production de denrées alimentaires, réduction/prévention
des déchets/prévalence du plastique, et fiscalité/financements/mesures
d’incitation).. Les militants irlandais engagés dans la lutte contre le changement climatique se sont, dans un premier temps, montrés sceptiques quant au fonctionnement pratique d’une telle assemblée, mais ont finalement été surpris par la profondeur des recommandations formulées 
			(33) 
			«<a href='https://www.citizensassembly.ie/en/how-the-state-can-make-ireland-a-leader-in-tackling-climate-change/how-the-state-can-make-ireland-a-leader-in-tackling-climate-change.html'>How
the State can make Ireland a leader in tackling climate change</a>», The Citizens' Assembly..
39. L’exercice ne s’est pas déroulé sans difficultés, notamment en raison du peu de temps imparti aux délibérations – qui a limité les possibilités d’aborder l’ampleur et l’étendue de la crise climatique – et des modalités choisies pour prendre en compte les points de vue du grand public et des groupes d’intérêts. Ces derniers ont reçu quelque 1 185 propositions portant sur le thème du changement climatique (contre, à titre de comparaison, plus de 12 000 propositions sur la question politiquement sensible du droit à l’avortement). De toute évidence, il est difficile de trouver un moyen d’intégrer un tel volume de contributions dans le processus 
			(34) 
			Fenton S, <a href='https://www.newstatesman.com/politics/environment/2019/11/are-citizens-assemblies-really-answer-climate-crisis'>«Are
citizens' assemblies really the answer to the climate crisis?</a>», 2019..
40. Les 13 recommandations adoptées sur le changement climatique étaient nettement plus radicales que beaucoup l’attendaient. Elles ont apporté une précieuse source de données sur la connaissance des questions environnementales en Irlande, ainsi que des leçons sur l’engagement du public dans ce domaine 
			(35) 
			Citizens’ Climate Research
Project, Dublin City University, funded by the Irish Environmental
Protection Agency.. Le rapport final conclut que l’État devrait jouer un rôle moteur en matière d’atténuation des effets du changement climatique. Il recommande que les pouvoirs publics privilégient les investissements dans les transports publics plus que dans de nouvelles routes, taxent les émissions de gaz à effet de serre provenant de l’agriculture et cessent de subventionner l’extraction de la tourbe. Fait frappant, 80 % des participants se sont dit prêts à payer des taxes plus élevées sur les activités à forte intensité carbonique 
			(36) 
			<a href='https://2016-2018.citizensassembly.ie/en/How-the-State-can-make-Ireland-a-leader-in-tackling-climate-change/Recommendations/'>«Recommendations
on how the State can make Ireland a leader in tackling climate change»,
the Citizens' Assembly</a>..
41. Il convient de mentionner que les recommandations formulées par l’Assemblée n’ont qu’une valeur consultative, la décision finale appartenant aux pouvoirs publics. Pour savoir si l’Assemblée citoyenne a vraiment contribué à renforcer l’action de l’Irlande face au changement climatique, il faudra observer dans quelle mesure les 13 recommandations seront reprises et mises en œuvre dans les politiques et, à terme, quelle trajectoire suivront les émissions de gaz à effet de serre en Irlande dans les années à venir 
			(37) 
			Environmental
Protection Agency, Irlande: «Deepening public engagement on climate
change: lessons from the Citizens’ Assemblies», avril 2020..

3.3. La Convention Citoyenne pour le Climat française

42. En janvier 2019, sur fond de manifestations des gilets jaunes, le Président Emmanuel Macron a annoncé la mise en place d’un «Grand débat», doté d’une enveloppe de 4 millions d’euros. L’initiative comprenait un forum en ligne, 21 assemblées citoyennes et l’organisation de milliers de réunions publiques.
43. S’agissant du changement climatique, pour la première fois en France, un panel reflétant la diversité des citoyens français a été directement associé à la préparation de la loi. La Convention citoyenne pour le climat a reçu pour mandat de définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990), dans un esprit de justice sociale.
44. La Convention a réuni cent cinquante personnes, toutes tirées au sort, qui illustraient la diversité de la société française. Les séances plénières ont été retransmises sur le site dédié de la Convention.
45. Dans son intervention devant notre commission le 15 octobre 2020, M. Pech, coprésident de la Convention, a souligné que l’indépendance dans la direction et la modération des échanges, ainsi que les auditions d’experts indépendants, permettaient un débat objectif et transparent. Il a présenté comme capital, à terme, que les responsables politiques soutiennent le processus et s’engagent à trouver des moyens de mettre en œuvre les recommandations des citoyens. Selon M. Pech, le fait que les recommandations émanent des citoyens eux-mêmes, et non des politiques, permet de convaincre plus facilement d’autres citoyens de leur importance et de leur neutralité.
46. En juin 2020, les membres de la Convention citoyenne ont été reçus par le Président Macron qui a décidé de retenir 146 des 149 propositions formulées 
			(38) 
			<a href='https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/06/29/le-president-emmanuel-macron-repond-aux-150-citoyens-de-la-convention-citoyenne-pour-le-climat'>«Emmanuel
Macron dit oui à 146 propositions de la Convention citoyenne pour
le climat!</a>».. La Convention a proposé, entre autres, d’ajouter à l’article 1er de la Constitution française un nouvel alinéa: «La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique».
47. En décembre 2020, le Président Macron a confirmé son intention de soumettre à référendum la proposition d’inscrire la protection du climat et de l’environnement dans la Constitution française. « Ce sera une réforme constitutionnelle» qui «doit d’abord passer par l’Assemblée nationale puis le Sénat et être votée en des termes identiques. Ce jour-là, elle sera soumise à référendum», a-t-il affirmé, laissant à la législature nationale le soin d’en déterminer le calendrier. D’après le Président français, la réforme constitutionnelle proposée par la Convention citoyenne sera intégrée à un projet de loi sur le climat, qui inscrira dans la législation environ la moitié des mesures de la Convention 
			(39) 
			<a href='https://www.politico.eu/author/louise-guillot/'>Guillot</a> L., <a href='https://www.politico.eu/article/macron-agrees-to-add-environmental-protection-as-a-constitutional-duty/'>«Macron
announces referendum to add environmental protection to the constitution</a>», Politico, 14 December 2020..

3.4. La Climate Assembly United Kingdom (Assemblée britannique sur le climat)

48. Instaurée en 2019 par la Chambre des communes du Royaume-Uni, la Climate Assembly UK est composée de plus de 100 membres tirés au sort et représentatifs de la population britannique. Ils se sont réunis pendant six week-ends en 2020 (d’abord en présentiel puis en ligne en avril-mai durant le confinement), et ont entendu des témoignages équilibrés sur les choix auxquels le Royaume-Uni est confronté, ont tenu des débats sur le thème et formulé des recommandations sur ce que le pays devrait faire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, sur la base du principe d’«équité».
49. Le calendrier modifié en raison de la pandémie de covid-19 prévoyait un bref délai permettant de réfléchir à l’impact du coronavirus sur la lutte contre le changement climatique. Les fruits de cette réflexion sont publiés dans le rapport final de la Climate Assembly, afin d’orienter le débat sur les mesures de relance 
			(40) 
			<a href='https://www.climateassembly.uk/report/'>«Climate Assembly
UK's final report sets out a clear, internally consistent and timely
path for reaching the UK's target of net zero emissions by 2050»</a>..
50. En septembre 2020, la Climate Assembly UK a rendu son rapport final aux commissions parlementaires, intitulé «The path to net zero», dans lequel elle appelle fermement le parlement et le gouvernement à relever le défi visant à atteindre l’objectif du «zéro émissions nettes» d’une manière claire et responsable. Elle a demandé au gouvernement «d’établir un consensus entre les partis qui garantisse un certain degré de certitude et permette une planification à long terme et une transition progressive», ajoutant que «ce n’est pas le moment pour les partis politiques de chercher à marquer des points».
51. Beaucoup de participants racontent que cette expérience leur a «ouvert les yeux» et a «changé leur vie». Parmi les propositions les plus avancées figurent l’imposition d’une taxe aux personnes qui prennent fréquemment l’avion, l’interdiction de la vente des SUV et une réduction de la consommation de viande, pour mettre en avant les bienfaits – souvent ignorés – d’un régime largement végétarien pour la santé et pour l’environnement 
			(41) 
			<a href='https://www.theguardian.com/environment/2020/dec/31/its-awakened-me-uk-climate-assembly-participants-hail-a-life-changing-event'>«'It's
awakened me': UK climate assembly participants hail a life-changing
event», </a>Climate change, The Guardian, 31 décembre 2020..
52. Nous ne disposons pas d’informations précises quant aux suites que le gouvernement entend donner aux recommandations finales, qui pourraient probablement avoir un rôle consultatif 
			(42) 
			Buranyi, S., <a href='https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/feb/17/citizens-assembly-climate-pointless'>«A
citizens' assembly on climate is pointless if the government won't
listen</a>», 17 avril 2020.; certains soulignent le risque que le gouvernement fasse simplement «son marché» parmi les mesures, en sélectionnant celles qui confortent sa position et en ignorant les plus exigeantes 
			(43) 
			<a href='https://theconversation.com/citizens-assembly-what-weve-learned-about-the-kind-of-climate-action-the-public-wants-to-see-146161'>«Citizens'
assembly: what we've learned about the kind of climate action the
public wants to see (theconversation.com)</a>, 18 septembre 2020..
53. Un rapport de l’Institute for Government (Royaume-Uni) estime que le défi décisif pour atteindre l’objectif «zéro carbone» en 2050 consistera à bâtir, et à conserver, un consensus public et politique. Le modèle de la Climate Assembly, déployé à plus grande échelle, pourrait représenter un important moyen d’y parvenir, dans le cadre d’une stratégie plus large d’association de la population. Ce modèle a aussi démontré son potentiel pour aborder des sujets politiques complexes au niveau national. Une évaluation officielle devrait être réalisée en 2021. Sur les 110 participants, 90 % se sont dit «d’accord» ou «parfaitement d’accord» avec l’idée que des assemblées de ce type devraient être utilisées plus souvent pour orienter les prises de décisions gouvernementales et parlementaires 
			(44) 
			<a href='https://www.lse.ac.uk/granthaminstitute/news/where-next-for-the-uk-climate-assembly/'>Where
next for the UK Climate Assembly? – Grantham Research Institute
on climate change and the environment», lse.ac.uk</a>, 30 septembre 2020..

3.5. Premiers retours d’expérience sur les assemblées citoyennes en France et au Royaume-Uni 
			(45) 
			Bouyé
M., <a href='https://www.wfd.org/2020/10/13/early-lessons-from-france-and-the-uk-on-the-roles-of-climate-citizens-assemblies-and-legislators-to-enhance-climate-action/'>«Early
lessons from France and the UK on the roles of climate citizens’
assemblies and legislators to enhance climate action»</a>, Westminster Foundation for Democracy, 13 octobre 2020; <a href='https://carnegieeurope.eu/2020/11/05/getting-climate-citizens-assemblies-right-pub-83133'>«Getting
Climate Citizens’ Assemblies Right», Carnegie Europe, Carnegie Endowment
for International Peace</a>, 5 novembre 2020.

54. Il existe quelques points communs entre les expériences d’assemblées citoyennes menées dans différents pays. Ainsi, en France comme au Royaume-Uni par exemple, ces initiatives ont vu le jour dans le sillage de mouvements de contestation.
55. Ces assemblées suivent peu ou prou le même format: information, délibération, vote. Les membres sont sélectionnés au hasard parmi un échantillon correspondant à certains critères, qui sont similaires mais non identiques d’un pays à l’autre, toujours dans le but de refléter la population du pays. La plupart des assemblées sont ensuite divisées en sous-groupes, chargés de travailler sur différents sujets. La question posée et les objectifs varient, par exemple au niveau de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou du temps imparti.
56. Le budget n’est pas non plus le même d’un pays à l’autre. Par exemple, le budget de la Convention citoyenne pour le climat (France) était près de dix fois supérieur à celui de la Climate Assembly (Royaume-Uni): respectivement 5,4 millions d’euros et 520 000 livres britanniques. Il faut en tenir compte au moment de tenter des comparaisons.
57. En France, les représentants de la société civile ont joué un rôle formel et actif dans la détermination de l’ordre du jour. Les représentants de la société civile au comité de gouvernance de la Convention, qui se sont baptisés «Gilets citoyens», ont activement œuvré à définir la problématique globale de la Convention. Ils ont cocréé des mesures de politique, en se fondant sur l’apport d’experts.
58. En revanche, la problématique de la Climate Assembly avait été définie par des commissions parlementaires du Royaume-Uni, et se centrait sur des choix politiques prédéterminés en amont par des experts sans participation du comité consultatif de citoyens.
59. En résumé, la Convention citoyenne pour le climat était conçue comme une instance politique, alors que la Climate Assembly était un exercice délibératif visant à orienter le travail des instances politiques. Les participants français étaient encouragés à s’engager politiquement. Les participants britanniques, au contraire, devaient se montrer apolitiques et mener un processus de recherche rigoureux et délibératif, en vue d’orienter la définition des politiques. Aucun membre du parti au pouvoir n’intervenait dans ce processus. Les participants à la Climate Assembly devaient conserver un maximum d’indépendance, afin de rester représentatifs des «citoyens ordinaires».
60. En France, les participants avaient plus de latitude pour solliciter des contributions extérieures, discuter avec leur entourage, des députés ou des experts et pour s’exprimer dans les médias, le but étant de bâtir une intelligence collective et un consensus pour influencer la définition des politiques. Ils ont communiqué librement entre eux sans l’ingérence d’aucun tiers, avaient accès à une plate-forme en ligne favorisant leur engagement et ont suivi de nombreux webinaires pour continuer à apprendre et conserver l’élan entre deux sessions.
61. Beaucoup de participants français se sont mis à agir comme des représentants de fait, s’exprimant dans les médias au nom de toute la Convention et recueillant les opinions des personnes qu’ils estimaient représenter. Au contraire, les participants britanniques n’étaient encouragés ni à s’exprimer dans les médias, ni à effectuer des recherches supplémentaires sur le thème du changement climatique entre deux sessions. Ils ne devaient recevoir que des informations «équilibrées, complètes et précises».
62. En conséquence, la Convention française a engendré un véritable débat national, par opposition à la Climate Assembly, qui n’avait jamais poursuivi ce but. D’après un sondage réalisé par Odoxa, la majorité des personnes interrogées approuve la plupart des 149 propositions, résultat qui plaide clairement en faveur du changement 
			(46) 
			«<a href='http://www.odoxa.fr/sondage/mesures-de-convention-citoyenne-seduisent-francais-a-lexception-notable-110-km-h/'>Les
mesures de la Convention citoyenne séduisent les Français … à l’exception
notable des 110 km/h», Odoxa</a>, 25 juin 2020..
63. Par ailleurs, la Climate Assembly du Royaume-Uni avait une gouvernance très structurée, tandis que l’assemblée française suivait une approche plus collective et d’auto-organisation. Le processus britannique se fondait sur des règles de participation précises et connues; le processus français n’en avait pas et faisait confiance aux citoyens pour qu’ils s’organisent et se régulent par eux-mêmes.
64. L’une des étapes cruciales consistait à consulter la législation nationale et européenne existante pour vérifier la conformité et les doublons entre cette législation et les mesures proposées. En France, le «comité légistique» n’avait qu’un rôle d’appui et de conseil sur les projets de mesures, qui ont été soumises pour adoption «sans filtre», selon le souhait de la Présidence française.
65. Des recherches sont actuellement menées pour savoir si le comité légistique a influencé le travail des citoyens, en les poussant à affiner leurs propositions pour éviter qu’elles ne soient rejetées. Au Royaume-Uni, au moment de la publication du rapport, les commissions parlementaires concernées ont servi d’instances de contrôle 
			(47) 
			<a href='https://www.wfd.org/2020/10/13/early-lessons-from-france-and-the-uk-on-the-roles-of-climate-citizens-assemblies-and-legislators-to-enhance-climate-action/'>Early
lessons from France and the UK on the roles of climate citizens’
assemblies and legislators to enhance climate action</a>, op. cit..
66. Lors de son intervention devant notre commission, la professeure Landemore a reconnu que les citoyens français étaient en mesure de prendre part à l’établissement de la loi, en collaboration avec des élus et des experts, en avançant des propositions poussées et parfois radicales. Elle a cependant souligné que, malgré les bonnes intentions, cette approche de la gouvernance n’en restait pas moins descendante et opaque et qu’il aurait fallu donner aux citoyens davantage de contrôle sur le programme et les procédures.
67. La conception des processus participatifs revêt une véritable importance. À défaut de faire confiance aux citoyens, les personnes chargées de leur élaboration auront tendance à limiter leurs sources, la structure de leurs conversations et leurs réponses. La responsabilité «après coup», c’est-à-dire la capacité des membres de l’assemblée citoyenne à évaluer toute législation issue de leurs délibérations et à apporter leur contribution, est également essentielle pour maintenir un dialogue entre les citoyens, le gouvernement ou le parlement. En l’absence d’un suivi responsable, le processus risque de se résumer à un exercice vide de sens, ayant peu ou pas d’impact. La participation ne fonctionne qu’à condition d’avoir une incidence réelle sur le pouvoir.

4. Exemples de participation citoyenne aux niveaux européen et international

68. À l’échelle des Nations Unies, un projet en cours vise à constituer une assemblée citoyenne mondiale en vue d’influencer les décideurs qui se réuniront en 2021 à Glasgow pour la COP26 (26e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques). Une assemblée virtuelle, composée d’un millier de personnes tirées au sort dans le monde entier, fonctionnera plusieurs mois, en amont des débats de la COP26 prévue en novembre 2021. Bien qu’elle n’ait aucun pouvoir de contrainte sur les gouvernements, ses partisans pensent que leurs recommandations auront suffisamment d’autorité morale pour influencer les décideurs politiques 
			(48) 
			<a href='https://www.theguardian.com/environment/2020/dec/10/cop26-global-citizens-assembly-planned-to-address-climate-crisis'>«Global
citizens' assembly planned to address climate crisis</a>», The Guardian, 10 décembre 2020..
69. Le «vote populaire sur le climat», une initiative du Programme des Nations Unies pour le développement dont les résultats ont été publiés en janvier 2021, est un autre exemple significatif. Avec 1,2 million de personnes ayant répondu à ce sondage, il s’agit de la plus grande enquête d’opinion publique jamais réalisée sur le changement climatique, couvrant 50 pays soit plus de 56 % de la population mondiale. Elle a fourni aux décideurs politiques des informations fiables leur permettant de savoir si les gens considèrent le changement climatique comme une urgence et comment ils souhaitent que leur pays réagisse, dans le contexte notamment d’une pandémie mondiale 
			(49) 
			«<a href='https://www.undp.org/content/undp/en/home/librarypage/climate-and-disaster-resilience-/The-Peoples-Climate-Vote-Results.html'>The
Peoples' Climate Vote», UNDP</a>, 26 janvier 2021..
70. La Conférence sur l’avenir de l’Europe organisée par l’Union européenne et présentée à notre commission le 30 mars 2021 par Mme Dubravka-Šuica, vice-présidente de la Commission européenne 
			(50) 
			<a href='https://pace.coe.int/fr/news/8236/closer-relations-pace-ep-the-parliamentary-contribution-to-the-conference-on-the-future-of-europe-'>«Relations
plus étroites APCE/PE: la contribution parlementaire à la Conférence
sur l'avenir de l'Europe» (coe.int)</a>, 30 mars 2021., vise à associer directement les citoyens à la définition de la voie à suivre, grâce à la mise en place, d’une série d’assemblées et de panels de citoyens à l’échelle européenne, et notamment de plateformes numériques multilingues. La question de l’environnement devrait figurer en bonne place sur la liste des priorités et notre Assemblée pourrait apporter une contribution concrète aux thèmes de la conférence après le débat qu’elle tiendra en septembre en vue de promouvoir la reconnaissance juridique universelle du droit de vivre dans un environnement sain.
71. Au niveau du Conseil de l’Europe, le neuvième Forum mondial de la démocratie tient également compte des évènements mondiaux. Des discussions, désormais en ligne, ont commencé en novembre 2020 et se poursuivront jusqu’en novembre 2021, pour donner à un large éventail d’acteurs l’occasion d’échanger et de participer à des webinaires. Il est prévu d’aborder chaque mois un thème différent 
			(51) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/world-forum-democracy/12-months-1-question'>World
Forum for Democracy: “12 Months, 1 Question” campaign (coe.int)</a>., axé sur la démocratie et l’environnement, pour aboutir en novembre 2021 (sous réserve de l’évolution de la pandémie) à la tenue du Forum habituel à Strasbourg, où j’espère présenter mon rapport.
72. Pour ce qui est de l’avenir, je me félicite de la proposition faite lors de l’audition du 4 février 2021 de créer à l’échelle européenne une «Assemblée de citoyens pour le climat et l’avenir de l’Europe», avec la participation de groupes de citoyens, d’experts et d’élus, en s’appuyant sur l’expérience passée des assemblées citoyennes et en y associant les médias pour engager un débat et un discours européens sur le sujet. J’encourage le Conseil de l’Europe et l’Union européenne à unir leurs forces dans ce domaine.
73. Il est également essentiel d’impliquer davantage les jeunes dans les processus décisionnels. Les conclusions de la réunion du groupe de travail du Conseil mixte pour la jeunesse du Conseil de l’Europe, chargé de «rendre le secteur jeunesse plus vert», tenue en février 2021 juste après la réunion consultative sur «La crise climatique, les jeunes et la démocratie», ont mis en avant le fait que l’absence de représentants de la jeunesse dans les processus décisionnels sur la crise climatique inquiète beaucoup les jeunes, qui ont le sentiment que leur avenir leur échappe et qu’ils ne sont pas pleinement associés à la lutte contre la crise climatique.
74. Il faudrait établir une nouvelle norme sur l’utilisation de la démocratie participative en tant qu’outil d’épanouissement, donnant aux jeunes la possibilité de prendre part à la réponse. Le Conseil consultatif pour la jeunesse du Conseil de l’Europe incarne parfaitement la démocratie participative au niveau européen et sert d’exemple à tous les États membres qui s’engagent dans des processus participatifs 
			(52) 
			Le Conseil consultatif
pour la jeunesse est composé de 30 jeunes représentants européens
d'ONG et de réseaux de jeunesse issus des 50 États parties à la
Convention culturelle européenne. Le système de cogestion insiste
sur le dialogue direct entre les jeunes et les représentants des
ministères et d’autres instances, ce qui confère une légitimité
aux décisions du Conseil mixte pour la jeunesse..

5. Observations finales et recommandations

75. L’Accord de Paris signé en 2015 a encouragé l’adoption de mesures plus rigoureuses à l’égard du changement climatique et, parallèlement à un mouvement citoyen d’envergure mondiale fortement porté par les jeunes, a sensibilisé l’opinion publique à cette cause et créé une pression politique et une dynamique propices à une action plus ambitieuse en faveur du climat. Ces dernières années, les mouvements de protestation ont fait la preuve de leur force mais les voix exprimées ont néanmoins besoin d’une structure institutionnelle pour permettre une participation citoyenne durable, régulière et efficace.
76. Les actions en justice sur les questions de changement climatique se sont multipliées, les citoyens s'adressant aux tribunaux pour contester les politiques gouvernementales, ainsi que celles des entreprises privées, en faisant valoir le devoir de l'État de protéger l'environnement de manière adéquate. L'implication des jeunes dans ces litiges, dans l'intention de rendre les gouvernements responsables des effets du changement climatique, est en augmentation.
77. Au cours du demi-siècle passé, les pays démocratiques se sont davantage mobilisés face à la crise climatique, tandis que les régimes non démocratiques n’ont pas encore fait preuve d’un réel leadership. De fait, des élections régulières, la liberté d’expression, d’association et de réunion, un secteur de la société civile actif et le pluralisme politique permettent aux partis politiques et aux citoyens eux-mêmes de défendre et de soulever de nouveaux sujets.
78. Cependant, la pandémie de covid-19 montre que, si au départ une approche descendante semblait porter ses fruits, à mesure que la pandémie se poursuit, l’adoption d’un comportement adaptatif plus difficile nécessite la participation de tous.
79. Mais contrairement à une pandémie, le changement climatique est loin d’être une crise ponctuelle. Il exige une adaptation à long terme de nos sociétés. Tous les citoyens doivent modifier leur mode de vie et changer leurs modes de consommation et de production, et seuls des citoyens informés et engagés sont à même de renforcer la résilience et de tirer parti de la capacité collective.
80. Les pouvoirs publics doivent combiner un engagement politique clair et une gouvernance descendante avec des formes de gouvernance ascendantes et participatives, afin de répondre à l’urgence de la crise climatique, de mettre un terme aux approches élitistes, d’assurer la cohérence des mesures et de permettre aux citoyens de contribuer de manière significative.
81. La démocratie représentative doit aussi être enrichie par la participation afin de répondre de manière crédible à la demande des citoyens d’être plus régulièrement associés à la prise de décisions publiques. La démocratie participative peut s’exprimer sous diverses formes et elle est davantage influencée par l’impact du numérique sur la démocratie. Les citoyens engagés, en particulier les jeunes, saisissent constamment les nouvelles opportunités de participation au débat public.
82. L'une d'entre elles, les assemblées de citoyens, qui sont au cœur de mon rapport, a été qualifiée de «moyen de combler un déficit démocratique», pour débloquer des situations complexes, enlisées dans une impasse politique. Les assemblées de citoyens permettent d’impliquer utilement les personnes qui ne participent généralement pas activement au processus politique et peuvent s’avérer un puissant outil formateur et être sources de légitimité démocratique. Elles peuvent également réduire l’impact des théories du complot et des infox, ainsi que les craintes des décideurs quant au coût politique des mesures à adopter. Il convient de tenir compte à leur égard des caractéristiques suivantes:
  • Il importe de veiller à ce que les assemblées restent des événements qui ne sont ni liés à des partis politiques, ni dominés par le pouvoir, l’argent ou des logiques partisanes. En revanche, ces assemblées devraient s’appuyer sur la raison, des données probantes, des arguments, des perspectives et différentes formes de connaissances, qu’elles soient locales, techniques, scientifiques, voire d’ordre affectif 
			(53) 
			<a href='https://www.opendemocracy.net/en/transformation/how-could-citizens-assemblies-be-used-to-tackle-climate-change/'>Open
democracy, «How can citizens’ assemblies be used to tackle climate
change? »</a>, 9 mai 2020.;
  • En vue de limiter l’influence excessive de groupes d’intérêts et de lobbies, les citoyens devraient être tirés au sort, en veillant à tenir compte d’une représentation de tous les groupes d’âge, niveaux de qualification, disparités socio-économiques ainsi que de la répartition géographique;
  • Il faut associer étroitement la communauté scientifique et collaborer avec elle pour prendre des décisions significatives fondées sur des données scientifiques;
  • Les avis des experts doivent être confrontés à ceux des groupes d’intérêts, et les assemblées de citoyens doivent être ouvertes à un large éventail de parties prenantes, dont les ONG, l’industrie, les militants écologistes, etc. Ces assemblées ne doivent pas exclure les points de vue des activistes de la lutte contre le changement climatique, des défenseurs de l’environnement ou des opposants à certains aspects de la politique climatique, mais elles peuvent toutefois contribuer à faire barrière aux climatosceptiques 
			(54) 
			Climate home news,
«<a href='https://www.climatechangenews.com/2019/06/27/irelands-world-leading-citizens-climate-assembly-worked-didnt/'>Ireland’s
world-leading citizens’ climate assembly. What worked? What didn’t?</a>», 27 juin 2019..
83. Les contributions des assemblées citoyennes peuvent éclairer l’action environnementale et fournir aux pouvoirs publics des informations utiles sur les préférences des citoyens et les compromis qu’ils sont prêts à faire 
			(55) 
			Idem.. Au final, il appartient aux décideurs de donner corps aux recommandations et aux propositions des assemblées de citoyens et de veiller à ce qu’elles soient dûment intégrées au processus politique, notamment via les commissions parlementaires concernées, afin d’assurer la légitimité des résultats. Le gouvernement et le parlement devraient examiner les conclusions de ces dernières et déterminer en toute transparence la marche à suivre, qui peut ou non inclure la possibilité de tenir un référendum.
84. Il faut encore attendre pour savoir si les assemblées citoyennes pour le climat auront un impact significatif sur les politiques climatiques. Les données montrent qu’elles ont eu un effet important et immédiat sur le contexte des politiques climatiques, en particulier en France et au Royaume-Uni. Cependant, pour réussir, la lutte contre le changement climatique pourrait requérir des actions allant bien au-delà de ce que les assemblées pour le climat ont proposé à ce jour 
			(56) 
			La modélisation
du climat ne cesse de gagner en précision. En 2020, le Forum économique
mondial de Davos (Suisse) s’est penché sur les conséquences possibles
du changement climatique, en étudiant les villes les plus vulnérables
à la montée des eaux côtières et les territoires qui pouvaient être
sauvés. Si ces données avaient été diffusées, elles auraient présenté
le grand intérêt de mieux faire comprendre aux citoyens l’ampleur
du défi et la réaction nécessaire. «<a href='https://www.weforum.org/agenda/2020/01/climate-change-crisis-what-we-learned-at-davos-2020/'>5
things we learned about climate change at Davos 2020», World Economic
Forum (weforum.org)</a>, 24 janvier 2020..
85. Les prochaines assemblées citoyennes devront peut-être aller encore plus loin pour s’attaquer aux causes structurelles du changement climatique. Cela suppose, entre autres 
			(57) 
			<a href='https://carnegieeurope.eu/2020/11/05/getting-climate-citizens-assemblies-right-pub-83133'>«Getting
Climate Citizens’ Assemblies Right», </a>op. cit.
  • d’affirmer explicitement la nécessité d’un changement structurel ambitieux;
  • de communiquer aux citoyens les prévisions disponibles les plus frappantes sur l’impact du changement climatique, qui devraient être illustrées par des exemples concrets, afin de rendre tangibles les conséquences prévisibles sur la vie quotidienne;
  • de communiquer tous les scénarios possibles, à travers une approche tournée vers l’avenir;
  • de concevoir un processus solide et indépendant comprenant des procédures applicables aux décisions clés, à la définition de l’ordre du jour, à la sélection des experts, au vote, etc.;
  • de donner aux citoyens leur mot à dire sur l’ordre du jour, pour favoriser l’engagement et la créativité et éviter les effets délétères de la polarisation du groupe;
  • de veiller à ce que les recommandations des citoyens soient complétées par le travail de spécialistes, par une évaluation des coûts et par l’apport de faits avérés, pour éviter de donner un poids démesuré aux contributions des citoyens ou de ne se fonder que sur leur travail;
  • de mettre en place un suivi responsable, permettant aux membres des assemblées citoyennes d’évaluer tout texte législatif issu de leurs délibérations et d’y apporter leur contribution.
86. Les assemblées citoyennes devraient générer un débat public national, afin que les citoyens gagnent en pouvoir et en confiance, que les mesures proposées aient plus de chances de remporter l’adhésion de la population et qu’une pression s’exerce sur les décideurs politiques pour qu’ils mettent les recommandations en œuvre.
87. Les pouvoirs publics devraient aussi envisager d’investir dans d’autres approches de sensibilisation et de formation des citoyens, en vue de créer de nouvelles formes de citoyenneté environnementale, en passant par les médias et par des campagnes pédagogiques ciblées.
88. Les exemples de participation citoyenne aux niveaux européen et international montrent qu’il est possible d’étendre les pratiques participatives à une plus grande échelle. Notre Assemblée devrait participer activement à la conférence de l’Union européenne sur l’avenir de l’Europe et apporter une contribution dans le domaine de l’environnement et des droits humains.
89. Le Conseil de l’Europe et l’Union européenne pourraient également envisager de conjuguer leurs efforts pour mettre en place à l’échelle européenne une «Assemblée de citoyens pour le climat et l’avenir de l’Europe» et j’espère que le Forum mondial de la démocratie qui se tiendra en novembre examinera également cette possibilité.
90. Il convient d’accorder une attention particulière à la participation des jeunes afin de veiller à les associer à la prise de décisions en matière de lutte contre la crise climatique et affectant directement leur avenir. Le Conseil consultatif pour la jeunesse du Conseil de l’Europe incarne parfaitement la démocratie participative au niveau européen et sert d’exemple à tous les États membres qui s’engagent dans des processus participatifs.
91. Se référant à la Charte du Conseil de l'Europe sur l'éducation à la citoyenneté démocratique et l'éducation aux droits de l'homme 
			(58) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/edc/charter-on-education-for-democratic-citizenship-and-human-rights-education'>Charte
sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux
droits de l’homme (coe.int)</a>. et au Cadre de référence des compétences pour une culture de la démocratie 
			(59) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/reference-framework-of-competences-for-democratic-culture/home'>Cadre
de référence des compétences pour une culture de la démocratie (RFCDC)
(coe.int)</a>., les gouvernements devraient également encourager une participation constante des jeunes et une éducation à la citoyenneté dans les écoles et les universités, ainsi que dans les groupes de citoyens et les organisations non gouvernementales. Cette démarche implique d’autoriser les enfants et les adolescents à intervenir dans les processus de prise de décisions, essentiels pour leur permettre de participer à la vie publique et pour promouvoir l’esprit critique et la participation à des pratiques démocratiques.
92. Dans son mandat 2020-2021, le Comité européen sur la démocratie et la gouvernance (CDDG) du Conseil de l’Europe a abordé la question de la démocratie participative et délibérative dans le cadre de son travail sur la démocratie et la technologie. Son étude des conséquences de la transformation numérique sur la démocratie et la bonne gouvernance fournit un certain nombre d’études de cas tirées de l’expérience des États membres du Conseil de l’Europe et reconnaît que la technologie propose une large gamme d’outils profitables à la démocratie délibérative, qui contribuent à l’importance grandissante de cette dernière en tant que complément de la démocratie représentative.
93. Sur la base de ces travaux, de la Recommandation du Comité des Ministres aux États membres sur la participation des citoyens à la vie publique au niveau local (2018) et des Lignes directrices relatives à la participation civile aux décisions politiques (2017), le comité directeur compétent devrait être encouragé à rédiger un rapport sur les nouvelles formes de démocratie participative, en vue de partager les bonnes pratiques entre États membres, et à tenir compte du présent rapport en tant que contribution au domaine spécifique du changement climatique.
94. Enfin, l’expérience de la démocratie participative et délibérative dans plusieurs États membres du Conseil de l’Europe illustre le potentiel de l’approche délibérative dans d’autres domaines, comme la sécurité et les migrations, et pour d’autres débats sur certains conflits de valeurs ou sur d’autres enjeux complexes ou à l’échelle d’une population, qui pourraient là aussi aboutir à des réformes constitutionnelles.
95. Une fois qu’ils sont confrontés à la complexité des politiques et qu’ils la saisissent, les citoyens ont tendance à se forger des opinions plus nuancées et moins radicales, ce qui facilite l’application du processus démocratique et une approche constructive qui transcende la multiplicité des intérêts et renforce le soutien public aux actions en faveur de l’environnement.