1. Introduction
1. La procédure de suivi de l'Assemblée
parlementaire s’appuie sur la
Résolution
1115 (1997) relative à la «Création d'une commission de l'Assemblée
pour le respect des obligations et engagements des États membres
du Conseil de l'Europe (commission de suivi)», telle que modifiée
par la
Résolution 1431(2005), la
Résolution
1515 (2006), la
Résolution
1698 (2009), la
Résolution
1710 (2010), la
Résolution
1936 (2013), la
Résolution
2018 (2014), la
Résolution
2261 (2019), la
Résolution
2325 (2020) et la
Résolution
2357 (2021). La
Résolution
1115 (1997) définit le mandat de la commission de suivi, qu’elle
charge de veiller «au respect des obligations contractées par les
États membres aux termes du Statut du Conseil de l'Europe, de la Convention
européenne des droits de l'homme (STE n° 5) et de toutes les autres
conventions de l'Organisation auxquelles ils sont parties, ainsi
qu'au respect des engagements pris par les autorités des États membres
à l’occasion de leur adhésion au Conseil de l'Europe».
2. Conformément au paragraphe 14 de la
Résolution 1115 (1997) telle que modifiée, la commission de suivi est tenue
de rendre compte à l’Assemblée, une fois par an, du déroulement
général des procédures de suivi. En accord avec la pratique établie,
la commission m’a chargé, en ma qualité de président, de faire rapport sur
ses activités sur la période de janvier à décembre 2021.
3. Conformément à son mandat, la commission de suivi veille au
respect par tous les États membres des obligations découlant de
leur adhésion au Conseil de l’Europe et, s’il en est, des engagements
spécifiques qu’ils ont contractés. Actuellement, onze pays sont
soumis à une procédure de suivi stricto
sensu (l’Albanie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine,
la Géorgie, la République de Moldova, la Pologne, la Fédération
de Russie, la Serbie, la Turquie et l’Ukraine) et trois autres sont
engagés dans un dialogue postsuivi (la Bulgarie, la Macédoine du
Nord et le Monténégro). Six pays (la France, la Hongrie, Malte,
les Pays-Bas, la Roumanie et Saint-Marin) font l’objet d’un rapport
d’examen périodique sur le respect des obligations. La commission
de suivi possède en outre une sous-commission sur les conflits entre
les États membres du Conseil de l’Europe conformément à l’article
49 du Règlement de l’Assemblée.
4. En accord avec la pratique établie de la commission, les commentaires
par pays ont été élaborés sur la base des déclarations des rapporteurs
ainsi que sur celle des débats de la commission de suivi et des
constats d’autres mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe. Tous
ont fait l’objet d’une consultation avec les rapporteurs respectifs
avant d’être publiés et j'ai essayé d'intégrer, dans la mesure du
possible, leurs éventuelles observations.
2. Aperçu des activités de la commission
2.1. Observations générales
5. La situation sanitaire en Europe
créée par la pandémie de covid-19 s’est améliorée dans une certaine mesure
au cours de la période de référence, mais les activités de suivi
ont continué de faire face à des difficultés considérables. En particulier,
les restrictions de voyage n’ont cessé de poser des problèmes à l'organisation
des visites des rapporteurs. Je tiens à rappeler que la commission
estime que le dialogue politique direct ne peut pas être remplacé
par des réunions en ligne et que la visite d'information est une condition
nécessaire à l'élaboration de chaque rapport.
6. Malgré les difficultés et les contraintes changeantes imposées
par les différents États membres du Conseil de l'Europe, notamment
les pays de destination et les pays dont les rapporteurs sont responsables, un
certain nombre de visites (Arménie, Géorgie, Malte, la République
de Moldova, la Fédération de Russie et l’Ukraine) ont pu avoir lieu
en profitant des périodes parfois brèves d'amélioration des conditions
sanitaires, tandis que d'autres visites ont dû être annulées en
raison de leur dégradation.
7. Il convient cependant de souligner que les contacts en ligne
entre les rapporteurs respectifs et les différentes parties prenantes
dans les pays dont ils ont la responsabilité sont devenus une méthode
de travail commune qui est conforme à la pratique mise en place
progressivement l'année précédente et qui est bien établie depuis.
Presque tous les rapporteurs ont procédé à des échanges de vues
en ligne, certains à de nombreuses reprises. Comme indiqué plus
haut, ces réunions en ligne n'ont pas été organisées dans le cadre du
dialogue politique avec les autorités, mais avec la participation
de la société civile, de journalistes ou d'avocats. Elles ont néanmoins
permis aux rapporteurs de se tenir au courant de l'évolution de
la situation et de recevoir des informations de première main.
8. Dans le cadre des réunions de la commission tenues en mode
hybride, un certain nombre d'auditions et d'échanges de vues ont
été organisés à l'initiative de plusieurs rapporteurs, notamment
sur l'Arménie, la Hongrie, la Géorgie, Malte, le Monténégro, la
Roumanie, la Fédération de Russie, la Turquie et la Serbie. La commission
a eu en particulier des échanges de vues avec M. Nicolaas Bel, représentant
de la Commission européenne, sur la situation de l'État de droit
en Hongrie, en Roumanie et à Malte, avec M. Nils Muižnieks, directeur
pour l'Europe d'Amnesty International, sur les récents rapports
d'Amnesty International sur la Hongrie et la Turquie, ainsi que
sur les tendances générales en matière de protection des droits
humains en Europe. En outre, la commission a organisé un échange
de vues avec M. Roger Torrent i Ramió, président du Parlement catalan,
et M. Antonio Gutiérrez Limones (Espagne, SOC), président de la
délégation espagnole auprès de l’Assemblée, sur l’évolution de la
situation relative à la Catalogne.
9. Au cours de la période de référence, la commission s'est réunie
en mode hybride à quatre reprises en dehors des sessions parlementaires
et pendant quatre sessions parlementaires. Malheureusement, la réunion prévue
à Copenhague en décembre à l'invitation du parlement danois a dû
être remplacée par une réunion à Paris en raison de la dégradation
de la situation sanitaire en Europe et des restrictions de voyage
vers le Danemark imposées aux citoyens de certains pays, dont six
États membres du Conseil de l'Europe.
10. En raison de ces difficultés et d'une procédure de suivi spécifique
pour la préparation des rapports, seuls trois rapports de suivi
par pays ont pu être soumis à l'Assemblée au cours de la période
considérée: «Contestation, pour des raisons substantielles, des
pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la
Fédération de Russie», «Le dialogue postsuivi avec le Monténégro»
et «Le fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie».
11. Le rapport sur «Le fonctionnement des institutions démocratiques
en Arménie» a été adopté par la commission le 14 décembre 2021 et
le débat est prévu pour la première partie de session de l’Assemblée 2022.
12. L'avant-projet de rapport d'examen périodique sur la Hongrie
a été approuvé par la commission et envoyé aux autorités hongroises
pour commentaires.
13. Dans le même temps, la commission a examiné et déclassifié
les notes d'information sur l'Albanie, la Géorgie, la République
de Moldova et l'Ukraine.
14. Les rapporteurs pour l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Géorgie,
la République de Moldova, le Monténégro, la Pologne, la Fédération
de Russie, la Serbie, la Turquie et l'Ukraine ont fait des déclarations
concernant l'évolution de la situation dans les pays dont ils ont
la responsabilité.
15. La situation dans la région du Haut-Karabakh a été suivie
de près par la commission au cours de la période considérée. La
commission a eu un échange de vues avec M. Peter Svedberg, du ministère
suédois des affaires étrangères, Groupe de travail pour la présidence
suédoise de l'OSCE sur la mise en œuvre de la déclaration trilatérale,
notamment en ce qui concerne la question des prisonniers de guerre
et la commission a fait une déclaration à ce sujet. Les rapporteurs
pour l'Arménie et l'Azerbaïdjan ont fait un certain nombre de déclarations
communes en réaction à l'évolution de la situation.
16. L'excellente coopération avec la Commission de Venise s'est
poursuivie tout au long de la période considérée, comme les années
précédentes. Des échanges de vues ont été organisés avec M. Michael Frendo,
membre de la Commission de Venise, sur les récents avis de la Commission
sur la Géorgie, avec M. Martin Kuijer, membre suppléant, sur les
avis adoptés sur la Serbie et avec Mme Simona
Granata-Menghini, Secrétaire de la Commission de Venise, sur les
avis sur la République de Moldova. La commission a demandé des avis
sur le cadre constitutionnel et juridique régissant le fonctionnement
des institutions démocratiques en Serbie ainsi que sur l’ensemble
de mesures constitutionnelles et législatives adopté par le Parlement
hongrois en décembre 2020.
17. Dans le cadre de ses efforts continus pour améliorer ses méthodes
de travail, son efficacité et son impact, la commission a réfléchi
à l'élection du président de la sous-commission sur les conflits
entre les États membres du Conseil de l'Europe et a convenu des
critères à appliquer au cours de cette procédure.
18. Hélas, la commission a aussi connu cette année, comme ces
dernières années, d’importantes fluctuations concernant ses rapporteurs.
De nouveaux rapporteurs ont été désignés pour les pays suivants: Azerbaïdjan,
Bosnie-Herzégovine, Malte, République de Moldova, Monténégro, Roumanie
et pour trois nouveaux pays sélectionnés pour l’examen périodique:
France, Pays-Bas et Saint-Marin. Au moment de la finalisation du
présent rapport, les postes de rapporteurs suivants restaient vacants:
Albanie et Hongrie. La procédure de désignation spécifique des rapporteurs
de suivi entraîne parfois de longues périodes de vacance, ce qui
a clairement un impact négatif sur le travail de la commission.
J’y reviendrai dans le chapitre 4 du présent rapport.
2.2. Pays soumis à une procédure complète
de suivi
2.2.1. Albanie
19. En raison de la pandémie de
covid-19, aucune visite d’information en Albanie n'a pu avoir lieu
en 2021. Cependant, les rapporteurs ont poursuivi leur travail de
suivi en ligne en se concentrant sur les questions électorales et
la situation des médias. Un échange de vues sur la réforme électorale
a été organisé par la commission et une note d'information a été
publiée. Au moment de la rédaction de ce rapport, M. Peter Eide (Norvège,
GUE), qui a quitté l'Assemblée, n’avait pas été remplacé en tant
que corapporteur pour l'Albanie.
20. Les élections législatives du 25 mars 2021 ont eu lieu dans
le cadre de réformes électorales de grande envergure et de la mise
en place d'un nouveau système d'élections proportionnelles à liste
ouverte avec des circonscriptions régionales convenues entre le
parti au pouvoir et l'opposition en 2020, en vue de résoudre la crise
politique systémique du pays.
21. Une mission internationale d’observation des élections (MIOE),
dont l’Assemblée faisait partie, a observé ce scrutin. La MIOE a
conclu que ces élections avaient été bien organisées et caractérisées
par une campagne animée et inclusive. Le nouveau cadre juridique
est adapté à l'organisation d'élections démocratiques et garantit
le respect des libertés fondamentales. Malheureusement, les observateurs internationaux
ont également constaté un abus généralisé des ressources administratives
par les autorités ainsi que des allégations d'achat massif de votes.
Pour renforcer la confiance dans le processus électoral et la normalisation
du climat politique, il est important que toute allégation d'irrégularité
électorale fasse l'objet d'une enquête complète et transparente.
22. Comme indiqué précédemment, ces élections ont été le point
d'aboutissement du processus de réforme électorale et se sont inscrites
dans un cadre juridique électoral ayant fait l'objet d'un consensus
de tous les partis. Elles devraient dès lors constituer un préalable
à une normalisation des relations entre les partis et à l’instauration
d’un climat politique moins tendu et polarisé. Il faut donc se féliciter
que les membres de l’opposition aient annoncé qu'ils exerceraient
leurs mandats au sein du nouveau parlement lorsque celui-ci se réunira
en septembre 2021. Dans le même temps, il sera important de veiller
à ce que les droits de l'opposition et son rôle dans la gouvernance
du pays soient respectés par la majorité au pouvoir.
23. Malheureusement, la polarisation de l'environnement politique
n'a pas fléchi. Le 4 mai 2021, la majorité au pouvoir au sein du
parlement sortant a entamé une procédure de destitution à l'encontre
du Président Meta, qui aurait «commis des actes contre la Constitution
albanaise» dans le cadre des élections du 25 avril 2021. Cette procédure
a été dénoncée par l'opposition et le Président Meta. Le 9 juin
2021, le Parlement albanais sortant a voté la destitution de M. Meta
par 107 voix contre 7. L'opposition a critiqué la décision du parlement d’adopter
cette mesure avant que le nouveau parlement, où siègent les députés
de l'opposition actuellement absents, soit constitué. Conformément
à la Constitution albanaise, la Cour constitutionnelle devra statuer
dans un délai de trois mois sur la légalité de la décision relative
à la destitution du président. Si elle se range du côté du parlement,
le Président Meta sera démis de ses fonctions.
24. La liberté des médias en Albanie est restée un sujet de préoccupation
en 2021. Les corapporteurs ont continué à suivre de près le processus
d'élaboration des amendements à la loi albanaise sur le service
des médias audiovisuels (ensemble de mesures contre la diffamation)
qui ont suscité la controverse en 2020. La commission de suivi a
demandé un avis de la Commission de Venise sur la version finale
de ces amendements dès qu'ils seront déposés pour adoption au parlement.
Le 28 septembre 2021, les autorités ont annoncé la création d'une
agence d'information sur les médias. Cette mesure a été contestée
par les organisations de la société civile et des médias, qui ont
estimé que cette agence, ainsi que l’ «ensemble de mesures contre
la diffamation», était un moyen pour les autorités de contrôler
les médias et le flux d'informations publiques dans le pays.
2.2.2. Arménie
25. Depuis le déclenchement des
hostilités militaires entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan le 27 septembre
2020 et dans le sillage de la déclaration trilatérale des 9-10 novembre
2021, les travaux de la commission de suivi se sont concentrés sur
le conflit et son incidence sur le fonctionnement des institutions
démocratiques et la protection des droits humains dans les deux
pays. Les déclarations communes faites régulièrement par les quatre
corapporteurs respectifs illustrent la priorité donnée à ces sujets,
ainsi que la déclaration de la commission du 24 avril 2021, dans
laquelle elle a exprimé sa conviction que les parlements nationaux
des deux pays peuvent et doivent jouer un rôle important dans les
mesures de confiance nécessaires de toute urgence, le processus
de réconciliation et la reprise de négociations de paix concrètes
entre les parties.
26. La commission a tenu plusieurs auditions et échanges de vues
avec des représentants des deux pays ainsi qu'avec des experts indépendants.
27. En février 2021, à la suite de la révocation d'un officier
supérieur des forces armées, l'État-major arménien des forces armées
a publié deux déclarations successives appelant à la démission du
Premier ministre. Ces déclarations ont été interprétées comme une
tentative de coup d'État par la majorité parlementaire et comme
une déclaration publique de certains partis d'opposition, dont Bright
Armenia, malgré l'obligation constitutionnelle de neutralité des
forces armées. Extrêmement préoccupés par ces développements, les
corapporteurs, Mme Boriana Åberg (Suède,
PPE/DC) et M. Kimmo Kiljunen (Finlande, SOC), ont publié une déclaration
dans laquelle ils ont jugé inacceptable,
entre autres, «la déclaration initiale publiée par le bureau de
l'état-major général des forces armées, appelant à la démission
d'un gouvernement démocratiquement élu». Ils ont appelé «toutes
les forces politiques et les institutions de l’État à respecter pleinement
les principes démocratiques et la Constitution arménienne, et à
prendre toutes les mesures nécessaires pour désamorcer immédiatement
la situation actuelle». Reconnaissant que l'Arménie traverse une
phase très difficile de son histoire récente, ils ont déclaré qu'elle
avait «plus que jamais besoin de calme, de retenue, de sagesse et
du soutien indéfectible de toutes les parties concernées pour faire
valoir les principes démocratiques afin de résoudre la crise politique
à laquelle elle est confrontée». Finalement, le chef d'État-major
a été démis de ses fonctions, ce qu'il a contesté devant le tribunal
administratif, et le Premier ministre Pashinyan a organisé des rassemblements
assez massifs pour soutenir le gouvernement.
28. Les autorités arméniennes ont cherché à surmonter la crise
politique consécutive à la défaite dans le conflit du Haut-Karabakh
en organisant des élections législatives anticipées le 20 juin 2021,
répondant ainsi aux souhaits de l'opposition parlementaire et extra-parlementaire
et à la recommandation de certaines institutions constitutionnelles.
Cependant, le gouvernement n'a démissionné que lorsque les élections
ont été convoquées et est resté en fonction en tant que gouvernement
de tutelle jusqu'à la tenue des élections, conformément aux dispositions
légales.
29. Le 13 avril 2021, les corapporteurs se sont entretenus avec
des experts arméniens sur la situation politique et les enjeux électoraux
de ces élections anticipées. Ils ont pris note de l'avis conjoint
urgent de la Commission de Venise et du Bureau des institutions
démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) sur l’ensemble
de mesures législatives du 1er avril modifiant la législation électorale.
Cet avis, globalement positif, indiquait notamment que le paquet d’amendements
devait être «largement salué car il répond à la majorité des recommandations
soulevées dans les avis précédents de la Commission de Venise et
du BIDDH, ainsi que dans les rapports finaux des missions d'observation
des élections du BIDDH
». Ils ont également
insisté pour que le président de la commission ad hoc du Bureau
de l'Assemblée chargée d'observer les élections anticipées du 20
juin 2021 soit entendu par la commission de suivi lors de sa réunion
de septembre. M. George Katrougalos a présenté à la commission de suivi
les conclusions de la mission d'observation, selon lesquelles «les
élections législatives anticipées en Arménie ont été concurrentielles
et bien gérées dans des délais serrés. Elles se sont cependant caractérisées par
de profonds clivages et ont été marquées par les propos de plus
en plus incendiaires des principaux candidats ainsi que par la mise
à l’écart des femmes pendant toute la durée de la campagne
».
30. Les corapporteurs se sont rendus en Arménie du 3 au 5 novembre
2021. Ils ont également soumis leur rapport sur le fonctionnement
des institutions démocratiques en Arménie à la commission de suivi
lors de sa réunion de décembre. Le rapport doit être examiné lors
de la partie de session de janvier 2022 de l’Assemblée.
2.2.3. Azerbaïdjan
31. Le dernier rapport sur le fonctionnement
des institutions démocratiques en Azerbaïdjan a fait l’objet d’un débat
à l’Assemblée en 2017 et la dernière visite du rapporteur remonte
à juillet 2019. Une note d'information a ensuite été présentée à
la commission et déclassifiée.
32. Depuis le déclenchement des hostilités militaires entre l'Arménie
et l'Azerbaïdjan le 27 septembre 2020 et dans le sillage de la déclaration
trilatérale des 9-10 novembre 2021, les travaux de la commission
de suivi se sont concentrés sur le conflit et son incidence sur
le fonctionnement des institutions démocratiques et la protection
des droits humains dans les deux pays. Les déclarations communes
faites régulièrement par les quatre corapporteurs respectifs illustrent
la priorité donnée à ces sujets, ainsi que la déclaration de la commission
du 24 avril 2021 dans laquelle elle a exprimé sa conviction que
les parlements nationaux des deux pays peuvent et doivent jouer
un rôle important dans les mesures de confiance nécessaires de toute
urgence, le processus de réconciliation et la reprise de négociations
de paix concrètes entre les parties.
33. La commission a tenu plusieurs auditions et échanges de vues
avec des représentants des deux pays ainsi que des experts indépendants.
34. Dans le même temps, il convient de noter que les préoccupations
qui subsistent, telles qu'elles ont été exposées dans le dernier
rapport et la dernière note d'information de la commission, n'ont
pas été prises en compte.
35. En particulier, le manque d’indépendance de la justice, illustré
par un schéma de répression de longue date contre les opposants
au gouvernement, est un problème majeur en Azerbaïdjan. L’arrestation
et la détention arbitraires de personnes critiques à l’égard du
gouvernement, relevée par la Cour européenne des droits de l’homme,
et le «problème structurel» d’abus de la détention administrative
décrit par le Comité des Ministres persistent. Les avocats continuent
d'être harcelés et les informations faisant état d'actes de torture et
d'autres mauvais traitements infligés à des opposants au gouvernement
en détention restent très répandues.
36. Les libertés fondamentales, notamment la liberté d'expression,
de réunion et d'association, sont sévèrement restreintes, ce qui
a un impact désastreux sur l'ensemble du processus démocratique,
y compris le pluralisme, l'État de droit et le respect des droits
humains.
37. La corruption reste un gros problème comme l'illustrent, entre
autres, l'Addendum au deuxième rapport de conformité sur la prévention
de la corruption des parlementaires, juges et procureurs publié
par le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) en mai 2021,
et les rapports publiés sous le nom de Pandora Papers le 3 octobre
2021 par le Consortium international des journalistes d’investigation
qui portaient des accusations contre la famille du Président Aliyev.
2.2.4. Bosnie-Herzégovine
38. En 2020, les corapporteurs
ont pu saluer une évolution positive: la tenue d'élections municipales
en Bosnie-Herzégovine, en particulier à Mostar. Il s’agissait des
premières élections organisées depuis 2008. En 2021, les corapporteurs
ont moins eu l’occasion de se réjouir.
39. Lors de sa réunion du 7 au 9 juin 2021, le Comité des Ministres
a examiné la mise en œuvre des arrêts du groupe Sejdić et Finci
de la Cour européenne des droits de l'homme. Dans ces jugements,
la Cour a constaté, en décembre 2009, l’existence d’une discrimination
subie par des personnes qui ne sont pas affiliées aux peuples constituants
de Bosnie-Herzégovine ou qui ne satisfont pas à une combinaison
de critères d'origine ethnique et de lieu de résidence quant à leur
droit de se présenter aux élections à la Chambre des peuples et
à la présidence de Bosnie-Herzégovine. Le Comité des Ministres a
exhorté les autorités bosniennes à veiller à ce qu'un projet de
proposition d'amendements à la Constitution et à la loi électorale
soit élaboré afin que les prochaines élections législatives prévues
en 2022 se déroulent dans des conditions conformes à la Convention
européenne des droits de l'homme. Pour la première fois en 11 ans,
le Comité des Ministres a explicitement fixé une date limite au
1er septembre 2021
pour la soumission de ce projet.
40. Lors de la partie de session de juin 2021, le corapporteur,
M. Tiny Kox, s'est entretenu avec le Représentant permanent de la
Hongrie auprès du Conseil de l'Europe, qui présidait alors le Comité
des Ministres, puis avec les membres de la délégation bosnienne
présents à Strasbourg. Il a souligné en particulier l'importance
de cette décision et sa portée politique.
41. Notant l'absence de progrès tangibles dans l’exécution des
arrêts, en particulier le fait que le groupe de travail interinstitutionnel
pour la préparation des amendements à la législation électorale,
malgré sa mise en place par les autorités bosniennes, ne s'est pas
réuni depuis le 23 juillet, le Comité des Ministres, dans une nouvelle
décision du 16 septembre 2021
, a accordé à la Bosnie-Herzégovine
un délai supplémentaire pour présenter un projet d'amendement à
son cadre électoral jusqu'à sa réunion de décembre. Il a indiqué
que si aucun progrès n'était réalisé d'ici là, il examinerait un
projet de résolution intérimaire. En ce qui concerne l'exécution
des arrêts, la «résolution intérimaire» est la dernière étape avant
que le Comité des Ministres ne décide de recourir à l'article 46.4.
de la Convention, qui lui permet de demander à la Cour de constater
qu'un État partie à la Convention refuse de se conformer à l'un
de ses arrêts devenu définitif.
42. Au-delà du respect de ses obligations conventionnelles, il
est également important que les autorités bosniennes prennent les
mesures nécessaires pour éviter que l'Assemblée parlementaire de
Bosnie-Herzégovine ne puisse pas, après les élections législatives
prévues en octobre 2022, présenter de délégation à notre Assemblée
pendant plus d'un an, comme cela a été le cas après les élections
de 2018 tout au long de l'année 2019.
2.2.5. Géorgie
43. Les rapporteurs se sont rendus
deux fois en Géorgie en 2021, du 1er au 3 juin 2021 et du 8 au 10 décembre
2021. Le 13 septembre 2021, la commission a déclassifié une note
d'information élaborée par les rapporteurs sur la base des constatations
qu’ils avaient faites pendant la visite de juin. Les rapporteurs
ont l'intention de présenter un rapport sur le respect des obligations
et engagements de la Géorgie lors de la partie de session d'avril
2022 de l'Assemblée.
44. Le climat politique tendu et polarisé en Géorgie, qui compromet
la consolidation démocratique du pays, est resté un sujet de préoccupation
majeur en 2021.
45. La crise politique qui a suivi les élections législatives
de 2020 et le refus des partis d'opposition de siéger au nouveau
parlement ont été provisoirement résolus le 19 avril 2021, lorsque
la majorité au pouvoir et la plupart des partis d'opposition ont
signé un accord politique négocié par M. Charles Michel, président
du Conseil européen. Malheureusement, le principal parti d'opposition,
le Mouvement national uni (UNM), ainsi que le parti Géorgie européenne
ont refusé de signer cet accord.
46. L'accord négocié par le président Michel comportait de nombreux
volets, notamment les réformes électorales, les réformes judiciaires,
le traitement d’une justice perçue comme politisée ainsi que les mécanismes
de répartition du pouvoir au sein du nouveau parlement. L'accord
du 19 avril comprenait deux éléments importants: l'amnistie/le pardon
pour deux personnalités, l'éminent dirigeant de l'UNM, M. Nika Melia, et
le fondateur et actionnaire de Mtavari Arkhi TV, M. Giorgi Rurua,
qui étaient considérés comme des prisonniers politiques par l'opposition,
et l'organisation d'élections législatives anticipées en 2022 si
le parti Rêve géorgien obtenait moins de 43 % des voix aux élections
locales d'octobre 2021. Ce dernier a transformé les élections locales
en un plébiscite de facto à
l’égard de la majorité au pouvoir et a conduit à une extrême polarisation
du paysage électoral. Les rapporteurs appellent toutes les parties
prenantes à réduire les tensions dans le paysage politique et à
ne pas négliger la pertinence des élections locales d'octobre pour
le renforcement des collectivités locales et de la démocratie.
47. Malheureusement, l'accord du 19 avril n'a pas mis fin à la
forte polarisation du paysage politique en Géorgie, ni donné lieu
à un regain de coopération constructive entre l'opposition et la
majorité au pouvoir au sein du parlement. Il est regrettable que,
le 28 juillet 2021, l'accord du 19 avril ait été rompu lorsque le
parti Rêve géorgien a annoncé qu'il s'était retiré d’un accord qui,
selon lui, n’était plus viable et n'était toujours pas soutenu par
les principaux partis d'opposition, notamment le plus grand groupe
d’opposition dirigé par l’UNM.
48. Malgré un contexte politique tendu, les réformes électorales
convenues au titre de l'accord du 19 avril ont été décidées dans
le cadre d'un processus inclusif entre l'opposition et la majorité
au pouvoir. Il en est résulté, entre autres, une nouvelle administration
électorale davantage pluraliste. Les réformes électorales comprenaient
également de nouvelles dispositions pour l'élaboration de protocoles
de résultats et le traitement des plaintes relatives aux élections.
49. Les élections locales ont eu lieu le 2 octobre 2021 et un
second tour de scrutin s’est déroulé le 30 octobre pour élire les
maires et les membres du conseil municipal majoritaire lorsqu’aucun
des candidats n'avait obtenu la majorité requise au premier tour.
La Mission internationale d'observation des élections, dont le Congrès
des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe faisait
partie, a conclu après le premier tour que ces élections avaient
été concurrentielles et bien organisées, mais entachées d'allégations
de pressions sur les électeurs, d'achat de voix et de conditions
de concurrence inégales
.
Le nouveau cadre juridique avait été globalement adéquat pour l'organisation
d'élections démocratiques, mais il était trop complexe et avait
tendance à réglementer à l’excès de nombreux aspects du processus
électoral. L'administration électorale, qui a géré les élections
de manière efficace, a été davantage pluraliste en raison de sa
nouvelle composition, mais le débat politique national a éclipsé
les questions locales, ce qui a donné lieu à des discours de plus
en plus agressifs accompagnés de cas de violence et de confrontation
physique. Malheureusement, un déséquilibre important dans les ressources,
un contrôle insuffisant du financement de la campagne et un avantage
injustifié de la fonction publique ont entraîné des conditions de
concurrence inégales en faveur des autorités en place, et des allégations
persistantes d'achat de voix et de pressions sur les électeurs ont
été signalées.
50. La polarisation du paysage politique s'est encore accentuée
lors du second tour des élections. Du fait de cette polarisation
et de l'utilisation abusive continue et systématique des ressources
administratives, les observateurs locaux ont indiqué que l'issue
de certains scrutins du deuxième tour, où les écarts entre les deux candidats
avaient été faibles, a pu être affectée. Les autorités doivent mener
une enquête complète et transparente sur toutes les allégations
de fraude électorale et prendre toutes les mesures nécessaires pour que
le public ait confiance dans l'équité du système électoral. Ce point
est particulièrement important dans le contexte de la faible confiance
du public dans la magistrature, qui peut avoir une incidence sur
la confiance dans les mécanismes de règlement des plaintes électorales
qui dépendent du système judiciaire.
51. Le renforcement de l’indépendance du système judiciaire et
une administration de la justice impartiale et efficace sont restés
au cœur de l’attention portée dans le cadre de la procédure de suivi
à l’égard de la Géorgie. L'un des principaux obstacles à l'indépendance
du pouvoir judiciaire reste le Conseil supérieur de la Justice (CSJ)
et son fonctionnement. En raison des lacunes constatées dans ses
méthodes de travail et d'un manque de transparence caractérisant
la prise de décisions, le CSJ fonctionne en fait comme un organe corporatif
où un petit nombre de juges-membres influents, qui décident principalement
sur la base de l'intérêt personnel corporatiste, sont en mesure
de contrôler ou d'influencer les travaux du CSJ et du système judiciaire dans
son ensemble.
52. Le fonctionnement du Conseil supérieur de la Justice a été
particulièrement problématique en ce qui concerne la nomination
des juges de la Cour suprême. Il convient de rappeler qu'à la suite
de la réforme constitutionnelle en Géorgie, les juges de la Cour
suprême sont désormais nommés à vie et que le nombre minimum de
juges a été porté à 28. En 2019, le Parlement géorgien a nommé 14
nouveaux juges de la Cour suprême dans le cadre d'un processus de
nomination très controversé et politisé qui a sapé la confiance
du public dans cette institution. À la suite de nombreuses critiques
sur le processus de nomination, la majorité au pouvoir a accepté
de ne pas pourvoir le reste des postes vacants avant les élections
législatives de 2020 et sur la base d'un cadre juridique modifié.
Les préoccupations et recommandations de la Commission de Venise concernant
le cadre juridique de la nomination des juges de la Cour suprême
n'ont été pleinement prises en compte qu'en avril 2021, après plusieurs
séries d'amendements. Malheureusement, en dépit de plusieurs appels
de la communauté internationale en faveur du contraire, un nouveau
processus de sélection qui avait commencé entre-temps n'a pas été
annulé et a pu se poursuivre. Le 17 juin 2021, le Conseil supérieur
de la Justice a présenté une liste de neuf candidats au poste de
juge de la Cour suprême. Cette décision a été dénoncée par les organisations
de la société civile géorgienne, ainsi que par les membres de la
communauté internationale, car elle est en contradiction avec l'accord
du 19 avril et les recommandations de la Commission de Venise. Néanmoins,
le 12 juillet 2021, le Parlement géorgien a nommé 6 des 9 candidats
du Conseil supérieur de la Justice à la Cour suprême de Géorgie.
Le 24 août 2021, l'OSCE/BIDDH a publié son quatrième rapport de
suivi sur le processus de nomination et de désignation des juges
de la Cour suprême, dans lequel il concluait que le processus de
sélection avait été caractérisé par des variations dans les conditions,
des manquements aux règles, des clivages au sein du CSJ et de graves
conflits d'intérêts
».
Malheureusement, malgré les critiques et les préoccupations exprimées
notamment par la communauté internationale au sujet du processus
de nomination, et contrairement à ce qui avait été convenu le 19
avril, le Parlement géorgien a nommé quatre autres juges de la Cour
suprême le 1er décembre 2021.
53. La nomination de ces juges de la Cour suprême contre les recommandations
répétées de la communauté internationale et des parties prenantes
nationales et sur la base d'un mode de désignation manifestement
déficient qui, à plusieurs égards, n'était pas conforme aux normes
et standards internationaux, est regrettable et sape davantage la
confiance du public dans l'indépendance et l'impartialité de la
Cour suprême et du pouvoir judiciaire en tant que tel.
2.2.6. République de Moldova
54. L'année 2021 a été marquée
par des élections législatives anticipées qui se sont tenues en
juillet 2021 et qui ont radicalement changé le paysage politique
de la République de Moldova. En novembre 2020, Mme Maia
Sandu, du parti Action et solidarité (PAS), a été élue Présidente
de la République de Moldova. Or son parti ne disposait pas d'une
majorité parlementaire pour mettre en œuvre les réformes promises, notamment
dans le domaine du système judiciaire et de la lutte contre la corruption.
Le PAS et le Parti socialiste (PSRM) qui, à l'époque, disposait
du plus grand groupe politique au parlement, étaient en désaccord sur
le calendrier des élections législatives anticipées, ce qui a entraîné
une lutte de pouvoir entre l'administration présidentielle et le
parlement et une grave crise politique et constitutionnelle de décembre 2020 à
avril 2021. Après deux tentatives infructueuses de nomination d'un
Premier ministre et un arrêt de la Cour constitutionnelle le 15
avril 2021 déclarant que la dissolution du parlement était justifiée,
le parlement a décidé de révoquer le président de la Cour constitutionnelle,
en violation flagrante de l'État de droit et des normes européennes
. La Cour constitutionnelle
a finalement déclaré cette décision inconstitutionnelle le 24 avril 2021,
ce qui a ouvert la voie à l'organisation d'élections anticipées.
Cette crise a été décrite en détail par les corapporteurs de l'Assemblée,
M. Pierre-Alain Fridez (Suisse, SOC) et Mme Inese
Lībiņa-Egnere (Lettonie, PPE/DC), dans leur note d'information
.
55. L'Assemblée a observé les élections anticipées du 11 juillet
2021, qui ont été jugées concurrentielles et bien organisées malgré
le traitement inapproprié des litiges électoraux et des questions
de financement de la campagne
. Les élections anticipées
se sont soldées par la victoire du parti Action et solidarité, qui
a obtenu 52 % des voix et 63 sièges au parlement (sur 101), bénéficiant
ainsi d'une large majorité. Deux autres partis sont entrés au parlement,
à savoir le bloc des socialistes et des communistes (32 sièges)
et le parti d'Ihan Shor (6 sièges). La commission de suivi a observé
de près l'évolution de la situation politique et a tenu des échanges de
vues avec la délégation moldave et des représentants de la Commission
de Venise les 9 mai et 13 septembre 2021.
56. Les rapporteurs se sont rendus à Chisinau et Tiraspol du 12
au 15 octobre 2021
. Ils se sont félicités de la détermination
des autorités moldaves à réformer le système judiciaire pour renforcer
son indépendance et lutter contre la corruption, créant ainsi une
dynamique de changement visant à répondre aux préoccupations de
la population et à poursuivre la coopération avec le Conseil de
l'Europe, notamment son Groupe de travail de haut niveau sur la
réforme de la justice et sa Commission de Venise, qui doit rendre,
en décembre 2021, deux avis (sur les amendements à la loi sur le
parquet et sur le projet de loi relatif à certaines mesures concernant
la sélection des candidats aux postes administratifs dans les organes
autonomes des juges et des procureurs). Les rapporteurs ont reconnu
que les autorités au pouvoir bénéficiaient d'une large majorité
au parlement mais qu’elles étaient confrontées au défi considérable
de devoir s’attaquer, sans solution toute faite, aux racines de
la «captation de l'État» prévalant dans le pays jusqu'à présent.
Ils se sont également félicités de l'adoption d'amendements constitutionnels,
approuvés par tous les partis politiques, visant à dépolitiser le système
judiciaire, tout en invitant les autorités moldaves à veiller à
ce que les réformes entreprises, aussi urgentes et nécessaires soient-elles,
respectent les principes de l'État de droit (avec la participation
appropriée des partis d'opposition et des représentants de la société
civile), améliorent la transparence du financement des partis politiques,
rétablissent la confiance dans les organes de l'État et mettent
en place des institutions durables fondées sur des normes européennes.
En outre, les rapporteurs ont félicité la République de Moldova pour
la ratification de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention
et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence
domestique (
STCE
n°210, “Convention d'Istanbul”) et les progrès réalisés en
matière de participation des femmes à la vie publique
.
La Commission de Venise doit adopter en décembre 2021, à la demande
de la Cour constitutionnelle, un mémoire d’amicus curiae sur la
ratification de la Convention d'Istanbul, afin de répondre aux socialistes
qui ont contesté la loi de ratification.
57. Enfin, les corapporteurs, qui se sont rendus à Tiraspol, ont
noté la volonté des autorités
de facto d'engager
un dialogue avec la sous-commission de l'Assemblée sur les conflits
entre États membres du Conseil de l'Europe, sur la protection des
droits humains dans le contexte du processus de règlement du conflit en
Transnistrie
.
Les rapporteurs ont soumis une note d'information à la commission
de suivi le 14 décembre 2021.
2.2.7. Pologne
58. Aucune visite d’information
des rapporteurs n’a pu avoir lieu en 2021. Le 3 février 2021, la
commission a organisé un échange de vues sur l’évolution de la situation
en Pologne dans le cadre d'une série de réunions en ligne entre
les rapporteurs et la délégation de la Pologne auprès de l'Assemblée
parlementaire, les organisations de la société civile, ainsi que
le médiateur sortant et son personnel.
59. Malheureusement, la situation concernant le respect de l’État
de droit et l'indépendance du pouvoir judiciaire a continué de se
détériorer en 2021. Aucun progrès n'a été réalisé en ce qui concerne
la mise en œuvre des recommandations et préoccupations de la
Résolution 2316 (2020) de l'Assemblée.
60. La Commission européenne a engagé un certain nombre d'actions
contre la Pologne devant la Cour européenne de justice pour violation
des règles et principes européens en matière d'État de droit et d'indépendance
du pouvoir judiciaire. Ces actions portaient sur le fonctionnement
et le manque d'indépendance de la nouvelle chambre disciplinaire
qui avait été créée lors de la réforme de la Cour suprême et sur
le Conseil national de la magistrature réformé (mieux connu sous
l'abréviation polonaise KRS).
61. Selon la Constitution polonaise, le KRS est un organe autonome
du système judiciaire institué pour préserver l’indépendance de
la justice. Suite à sa réforme, tous les membres de ce Conseil sont
désormais nommés par la Diète de Pologne, qui peut également nommer
les candidats qui y postulent. Suite à ces réformes, le KRS réformé
est composé de personnes nommées par le pouvoir politique et ne
peut plus être considéré comme une institution judiciaire indépendante.
La réforme de la Cour suprême a créé deux nouvelles chambres: la
chambre disciplinaire et la chambre des recours extraordinaires.
Les membres de ces deux chambres sont nommés par le Président de
la Pologne sur proposition du KRS. Étant donné le manque d'indépendance
du KRS, l'indépendance de ces deux chambres est largement remise
en question, ce qui a été confirmé dans les arrêts de la Cour de
Justice de l’Union européenne (CJUE) et de la Cour européenne des
droits de l’homme.
62. Le 15 juillet 2015, la CJUE a rendu son arrêt dans la procédure
d'infraction engagée par la Commission européenne dans l'affaire
791/19 et a estimé que le régime disciplinaire des juges en Pologne
n'est pas compatible avec le droit de l'Union européenne. Confrontées
à des sanctions financières considérables, les autorités polonaises
ont annoncé le 7 août 2021 qu'elles allaient dissoudre la chambre
disciplinaire, sans toutefois donner de calendrier précis pour cette
dissolution.
63. Le 6 octobre 2021, dans un arrêt rendu dans l'affaire C-487/19,
la CJUE a estimé que «les mutations non consenties d’un juge vers
une autre juridiction ou, comme ce fut le cas dans l’affaire au
principal, la mutation non consentie d’un juge entre deux sections
d’une même juridiction sont […] potentiellement de nature à porter
atteinte aux principes d’inamovibilité et d’indépendance des juges».
En outre, elle a jugé que la nomination du juge de la chambre disciplinaire
qui avait rejeté le recours contre le transfert, était intervenue «en
méconnaissance manifeste des règles fondamentales de la procédure
de nomination des juges à la Cour suprême» et que les conditions
dans lesquelles le juge de la Cour suprême avait été nommé avaient
créé «des doutes légitimes quant à l’imperméabilité de ce juge à
l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité». Selon le Premier
ministre polonais, cette décision était «une tentative de frapper
au cœur même du système social et juridique», ce qui pourrait affecter
«des centaines de milliers» de jugements rendus par les tribunaux polonais.
64. En réponse à une demande du Premier ministre polonais concernant
la constitutionnalité du traité sur l'Union européenne, la Cour
constitutionnelle de Pologne a jugé que certaines dispositions de
ce traité étaient incompatibles avec la Constitution polonaise.
Ce défi direct à la suprématie du droit européen a déclenché une crise
politique entre Varsovie et Bruxelles, certains milieux craignant
que cela ne conduise à un «PolExit».
65. Dans sa
Résolution
2316 (2020), l'Assemblée s'est déclarée préoccupée par le fait que
les réformes judiciaires en Pologne et leur violation des normes
et standards européens en matière d'État de droit pourraient compromettre
la légitimité du système judiciaire polonais, entraîner un afflux
de plaintes auprès de la Cour européenne des droits de l’homme et
augmenter considérablement sa charge de travail. Dans ce contexte, l'Assemblée
a notamment exprimé sa préoccupation concernant la légitimité de
la Cour constitutionnelle et de ses décisions suite à la crise constitutionnelle
qui a éclaté en 2015. Ces préoccupations ont été validées le 7 mai
2021 lorsque la Cour européenne des droits de l’homme a jugé dans
l'affaire
Xero Flor w Polsce sp. Z o.o.
c. Pologne (4907/18) que l'élection des juges à la Cour
constitutionnelle en 2015 avait été irrégulière et que la formation
de jugement (qui n’était pas un tribunal établi par la loi) dont
ils étaient les membres était par conséquent illégal.
66. Le 22 juillet 2021, la Cour européenne des droits de l’homme
a rendu son arrêt dans l'affaire Reczkowicz c.
Pologne (43447/19) dans lequel elle a jugé à l'unanimité
que dans la procédure disciplinaire contre le plaignant il y avait
eu une violation de l'article 6.1 de la Convention car la procédure
de nomination des juges [de la chambre disciplinaire] avait été
indûment influencée par les pouvoirs législatif et exécutif. Il
s'agit d'une irrégularité fondamentale qui affecte l'ensemble de
la procédure et compromet la légitimité de la chambre disciplinaire
de la Cour suprême, qui a examiné le cas du requérant. La chambre
disciplinaire n'était donc pas un «tribunal établi par la loi» au
sens de la Convention européenne.»
67. Malheureusement, au lieu de se conformer à ces arrêts, les
autorités, de la même manière que pour les décisions de la CJUE,
ont remis en question leur validité. Le 29 juillet 2021, le ministre
de la Justice a demandé au Tribunal constitutionnel polonais d'examiner
la constitutionnalité, au regard de la Constitution polonaise, de l'article
6 de la Convention. Le 24 novembre 2021, le Tribunal constitutionnel
polonais a jugé que l'article 6.1 de la Convention (le droit à un
procès équitable devant un tribunal indépendant) n'est pas compatible
avec la Constitution polonaise s'il est appliqué au Tribunal constitutionnel
ou utilisé pour donner à la Cour de Strasbourg le droit d'évaluer
la légalité du processus d'élection des juges au Tribunal constitutionnel.
Cet arrêt, qui a été condamné par les rapporteurs pour la Pologne,
est une remise en cause directe et inacceptable de la suprématie
de la Convention européenne des droits de l'homme et des valeurs
fondamentales du Conseil de l'Europe.
68. La profonde polarisation politique et sociale en Pologne,
qui imprègne de nombreux aspects de la société polonaise, reste
un sujet de préoccupation. Il faut cependant se féliciter que la
majorité qui est au pouvoir et les forces d’opposition qui siègent
à la Diète et au Sénat aient réussi à sortir de l'impasse concernant la
nomination d'un nouveau médiateur pour remplacer M. Adam Bodnar,
dont le mandat était terminé. Le 8 juillet 2021, un compromis a
été trouvé et M. Marcin Wiącek a été nommé nouveau médiateur avec
un large soutien de l'opposition et du parti au pouvoir.
2.2.8. Fédération de Russie
69. Le dernier rapport sur le respect
des obligations et engagements de la Fédération de Russie remonte
à 2021. Depuis le retour de la délégation russe à l’Assemblée en
juin 2019, trois rapports sur la contestation de ses pouvoirs non
encore ratifiés ont été soumis par la commission de suivi et débattus
à l’Assemblée, en juin 2019, janvier 2020 et janvier 2021.
70. Dans ce dernier, la commission a mis en lumière un certain
nombre de tendances négatives aggravantes concernant la démocratie,
l'État de droit et les droits humains dans la Fédération de Russie, notamment
la répression contre la société civile, l'opposition extraparlementaire
et les journalistes critiques. Elle a évoqué les restrictions imposées
par les autorités russes aux libertés fondamentales, notamment la liberté
de réunion, la liberté d'expression et la liberté d'association.
Elle a demandé la libération immédiate de M. Navalny et l’ouverture
d’une enquête sérieuse en coopération avec l'Organisation pour l'interdiction
des armes chimiques.
71. Les corapporteurs ont fait deux déclarations publiques en
janvier 2021: ils ont demandé la libération de M. Navalny et ont
exhorté les autorités russes à ne plus inscrire l'Association des
écoles d'études politiques du Conseil de l'Europe sur la liste des
«organisations indésirables». Au moment de la rédaction du présent rapport,
aucune de ces demandes n'avait été prise en compte: M. Alexey Navalny
reste en prison malgré la décision de la Cour européenne des droits
de l'homme, et l'Association du Conseil de l'Europe n'a pas été retirée
de la liste des «organisations indésirables» et a dû mettre fin
à ses activités.
72. En mars 2021, la Commission de Venise a adopté son avis intermédiaire
sur les amendements constitutionnels et la procédure de leur adoption,
comme demandé par la commission de suivi en mai 2020, dans lequel
elle a relevé de graves lacunes dans les amendements et la procédure
de leur adoption. Elle a conclu que les changements allaient bien
au-delà de ce qui est approprié en vertu du principe de séparation des
pouvoirs, même dans les régimes présidentiels.
73. Les corapporteurs se sont rendus à Moscou du 28 au 30 juin
2021 malgré une situation sanitaire difficile. Avant de rencontrer
les responsables, ils ont tenu une série de réunions avec les principales
ONG russes et avec le chef du parti d'opposition extraparlementaire
Iabloko et ont entendu leurs préoccupations. Des lois, en particulier,
la loi sur les agents étrangers, la loi sur les organisations indésirables
et la loi sur l'extrémisme ainsi que leur mise en œuvre restrictive
suscitent une inquiétude particulière. L'Assemblée a critiqué ces
lois à de nombreuses reprises et demandé leur abrogation. Cependant,
au lieu d'être abrogées, elles ont été modifiées au fil des ans
afin de devenir plus restrictives. L'ensemble des dernières modifications
apportées à la loi sur les agents étrangers a été adopté en décembre
2020 et a été critiqué par l'avis de la Commission de Venise publié
le 6 juillet 2021. La loi sur les organisations indésirables a été
modifiée en juin 2021. En juillet 2021, la Fédération de Russie
avait qualifié 76 organisations et 20 médias ou personnes individuelles
d'«agents étrangers», et de nombreuses autres, dont l'Association
des écoles d’études politiques du Conseil de l'Europe ou des organisations
allemandes d'échange d'étudiants, ont été inscrites sur la liste
des organisations indésirables. Les rapporteurs ont soulevé ces
questions lors de leurs rencontres au ministère de la Justice, au bureau
du procureur général, à la Cour suprême ainsi qu'à la Douma et au
Conseil de la Fédération. Ils ont souligné que tous leurs interlocuteurs
étaient ouverts au dialogue. Ils ont également convenu avec les parlementaires
russes d'élaborer une feuille de route qui définirait leurs attentes
en matière de modifications concrètes de la législation, et qui
servirait de base à la poursuite du dialogue sur le respect des
engagements et des obligations.
74. Malheureusement, le 12 novembre 2021, le bureau du procureur
général de la Fédération de Russie a demandé à la Cour suprême de
dissoudre l'organisation de défense des droits de l'homme bien connue «Memorial»
sur la base d'une violation présumée de la loi sur les agents étrangers.
La dissolution de Memorial porterait un nouveau coup à la société
civile russe. Malgré les appels de la communauté internationale, notamment
de la Secrétaire Générale du Conseil de l'Europe et de la Commissaire
aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, la procédure n'a pas
été arrêtée.
75. En Fédération de Russie, les élections législatives, qui se
sont déroulées sur trois jours, du 17 au 20 septembre 2021, ont
été le principal événement de l'année 2021. Sur décision du Bureau,
une commission ad hoc de l’Assemblée s’est réunie à Moscou, du 17
au 20 septembre 2021, sous la forme d’une mission d’évaluation des
élections composée de représentants des cinq groupes politiques.
En l'absence d'une mission internationale d'observation des élections
à part entière, cette mission n’a pas été en mesure de procéder
à une observation des élections, mais elle s'est rendue dans un
certain nombre de bureaux de vote. Sur la base des informations
recueillies dans le cadre des réunions préélectorales à distance,
des constatations de la Commission de Venise, ainsi que des réunions
sur place avec des acteurs politiques, notamment la Commission électorale
centrale, des observateurs nationaux et des organisations de la
société civile, la mission d’évaluation des élections a signalé
des préoccupations en ce qui concerne le cadre juridique électoral,
l'enregistrement des candidats (certains membres bien connus des
partis d'opposition se sont vu refuser l'enregistrement et la Mission
a été informée de procédures pénales engagées et en cours et de condamnations
pénales à l'encontre d'un certain nombre de personnalités de l'opposition,
ce qui les a effectivement empêchées de se présenter aux élections),
la radiation par la CEC d'un certain nombre de candidats sur la
base d'informations reçues des autorités, sans aucune décision judiciaire
(ce qui aurait privé quelque 9 millions de citoyens russes de leur
droit de vote passif); des allégations de pressions exercées sur les
employés de l'État pour qu'ils votent le vendredi et la sécurité
des bulletins de vote pendant la nuit; des conditions de campagne
inégales, en particulier la couverture médiatique, des allégations
d'utilisation abusive des ressources de l'État et de l'administration,
l'impact de la législation sur les agents étrangers. La délégation a
apprécié la bonne coopération avec les autorités ainsi que le bon
déroulement général du scrutin aux dates des élections. Elle a rappelé
la position de l'Assemblée concernant l'annexion illégale de la
Crimée, confirmée tout récemment dans la
Résolution 2363 (2021), et s'est référée à l'avis de la Commission de Venise
sur «La conformité avec les normes du Conseil de l'Europe et les
autres normes internationales de l'inclusion d'un territoire non
reconnu internationalement dans une circonscription nationale pour
les élections parlementaires», qui souligne que «l'organisation
d'élections dans le territoire annexé ne remédie pas et ne peut
pas remédier à l'annexion».
76. Malheureusement, aucun progrès n’a été réalisé dans la mise
en œuvre des exigences de la communauté internationale en ce qui
concerne l’Ukraine orientale, la Crimée et les régions géorgiennes occupées
d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie et la présence de troupes russes
dans la région transnistrienne de la République de Moldova. La récente
concentration d'un grand nombre de troupes militaires russes le
long de la frontière avec l'Ukraine compromet la sécurité et la
stabilité de la région au sens large et suscite de vives inquiétudes.
2.2.9. Serbie
77. Les corapporteurs de l'Assemblée,
M. Piero Fassino (Italie, SOC) et M. Ian Liddell-Grainger (Royaume-Uni,
CE/DA), ont principalement axé leurs travaux sur le dialogue interpartis
et la révision constitutionnelle dans le domaine du pouvoir judiciaire
au cours de l'année. La commission a débattu le 3 février 2021 des
«défis démocratiques en Serbie après les élections de juin 2020»
en présence de M. Ivica Dačić, président du Parlement (et président
de la délégation serbe auprès de l’Assemblée). La commission a été
informée du processus complexe de révision constitutionnelle (qui
devra finalement être approuvé par référendum) et du fonctionnement
des institutions démocratiques à la suite des élections législatives
de juillet 2020, qui ont abouti à la prééminence d’un parti disposant
de la majorité absolue à l'Assemblée nationale et à l'absence d'une opposition
parlementaire viable. Dans ce contexte sans précédent, la commission
de suivi a décidé, en février 2021, de solliciter l'avis de la Commission
de Venise sur «le cadre constitutionnel et juridique régissant le fonctionnement
des institutions démocratiques en Serbie» et a invité, en novembre
2021, la Commission de Venise à préparer un avis complet sur la
question, tenant compte de son avis d'octobre 2021 sur les amendements
constitutionnels et la réforme constitutionnelle.
78. La révision constitutionnelle a finalement été lancée le 7
juin 2021 par un premier vote du parlement, ce dont les rapporteurs
se sont félicités dans leur déclaration
,
rappelant que l'Assemblée avait appelé de longue date les autorités
serbes à mettre la constitution de 2006 en conformité avec les normes
du Conseil de l'Europe, à la suite notamment des recommandations
émises par la Commission de Venise en 2007 sur la
constitution et en 2018 sur les actuels
projets
d'amendements constitutionnels visant à dépolitiser le système judiciaire. Les rapporteurs
ont également appelé les autorités serbes à mettre à jour le cadre
juridique de l'organisation du référendum, en tenant compte des
normes du Conseil de l'Europe.
79. À cet égard, compte tenu de la coopération étroite établie
avec les autorités et de leur demande, la Commission de Venise a
adopté, en septembre 2021, un avis urgent sur le projet de loi sur
les référendums et les initiatives populaires
, ainsi qu'un avis sur «le projet
d'amendements constitutionnels sur le système judiciaire et le projet
de loi constitutionnelle pour la mise en œuvre des amendements constitutionnels
». À cet égard, la Commission de Venise
a estimé que le processus de consultation publique sur ces projets d'amendement
était «suffisamment inclusif et transparent», mais a souligné qu'il
était absolument nécessaire «d'adopter une approche inclusive qui
devrait viser à obtenir une légitimité aussi large que possible
pour la réforme constitutionnelle parmi tous les acteurs institutionnels
et toutes les forces politiques en Serbie». En novembre 2021, à
la demande des autorités serbes, les 8 et 26 octobre, la Commission
de Venise a émis deux avis supplémentaires urgents sur la version
révisée de ces projets de loi.
80. Le dialogue interpartis s'est poursuivi en 2021. Il avait
été initié en 2019 dans le but d’améliorer les conditions d'élection.
Cependant, les discussions n'ont pas apporté jusqu'à présent les
améliorations et la confiance attendues dans l'environnement électoral
et n'ont pas empêché plusieurs partis d'opposition de boycotter
les élections de juillet 2020. Les partis d'opposition n'étant pas
d'accord sur le format de négociation, le dialogue interpartis a
été organisé en deux «temps»: les discussions avec la médiation
d'anciens et d'actuels députés européens ont abouti à la publication
de «16 mesures pour améliorer la conduite du processus électoral»
le 18 septembre 2021, tandis que les discussions organisées par
le président du parlement ont abouti à la signature d'un accord
entre deux partis au pouvoir et sept partis d'opposition le 29 octobre,
qui portait sur le processus électoral, la présentation des listes
électorales, le contrôle des listes d'électeurs, le financement
des campagnes et les médias.
81. Enfin, les rapporteurs ont publié le 19 novembre 2021 une
déclaration exhortant les autorités serbes à prendre des mesures
fortes contre la glorification des criminels de guerre. Ancienne
lauréate du prix Václav Havel, l’ONG Youth Initiative for Human
Rights, avait précédemment dû renoncer à manifester et à supprimer une
peinture murale de Ratko Mladic, condamné pour crimes de guerre
et crimes contre l'humanité, illégalement affichée à Belgrade. Les
rapporteurs ont souligné que l'incapacité des autorités à agir contre
la glorification des criminels de guerre nuit à la coopération régionale
et entrave le processus d'intégration européenne auquel la Serbie
aspire.
2.2.10. Turquie
82. L'évolution de la situation
en Turquie est restée préoccupante et a continué de compromettre
la démocratie, l'État de droit et les droits de l'homme. Les corapporteurs
de l'Assemblée, M. Thomas Hammarberg (Suède, SOC) et M. John Howell
(Royaume-Uni, CE/AD), l’ont suivie de près, en particulier la situation
des députés de l'opposition. Ils se sont félicités du retour au
parlement de M. Enis Berberoğlu
en février, mais ont déploré, en
mars, la levée de l'immunité et du mandat du député Ömer Faruk Gergerlioğlu,
sa condamnation et sa détention
,
qui ont finalement été annulées par la Cour constitutionnelle en
juillet, décision saluée par les rapporteurs
.
83. Dans le prolongement de la résolution de l'Assemblée de 2020
sur la répression de l'opposition politique et de la dissidence
civile, la commission a examiné, le 15 avril 2021, l’évolution récente
des droits de l'opposition et a décidé de soutenir la proposition
des dirigeants des cinq groupes politiques de tenir un débat selon
la procédure d'urgence sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Turquie. Il s’agit du troisième débat selon la procédure d'urgence
sur la Turquie organisé par l'Assemblée depuis 2020.
84. Parmi les préoccupations soulevées par la commission au cours
de ce débat figuraient les procédures visant à lever l'immunité
parlementaire d'un tiers des parlementaires (provenant en majorité
des partis d'opposition), la tentative de dissoudre le Parti démocratique
du peuple (HDP) et d'interdire à 451 hommes politiques du HDP de
participer à la vie politique, la poursuite de la répression contre
ses membres et, plus généralement, la violence politique visant
les hommes politiques de l'opposition (notamment, à un stade ultérieur,
l'assassinat de la jeune militante du HDP, Mme Deniz
Poyraz, dans les locaux du parti à Izmir, le 17 juin 2021), qui
mettent en péril le pluralisme politique et le fonctionnement des
institutions démocratiques. Dans sa
Résolution 2376 (2021) du 22 avril 2021, l'Assemblée a appelé les autorités
turques à inverser ces tendances inquiétantes, à saisir l'occasion
de la mise en œuvre du Plan d'action pour les droits de l'homme publié
le 2 mars 2021 afin de prendre des mesures significatives et réviser
la législation sur les élections et les partis politiques, à mettre
fin au harcèlement judiciaire de l'opposition et des voix dissidentes,
à améliorer la liberté d'expression et des médias et à rétablir
l'indépendance du pouvoir judiciaire, conformément aux normes du
Conseil de l'Europe. La commission a ensuite suivi avec inquiétude
la procédure judiciaire visant à dissoudre le HDP, instruite par
la Cour constitutionnelle, ainsi que d'autres développements inquiétants, notamment
dans le domaine du système judiciaire, et a regretté que le Plan
d'action pour les droits de l'homme n'ait pas abordé certaines des
questions les plus préoccupantes, notamment la séparation des pouvoirs.
85. D'autres lacunes ont également été relevées par le GRECO.
Dans son rapport d'avril 2021, il a exhorté les autorités turques
à donner un nouvel élan à leurs efforts législatifs en faveur d'une
transparence accrue du financement politique, notamment dans le
cadre des élections. La Commission de Venise a pour sa part conclu,
dans son avis de juillet 2021
, que la législation turque visant
à lutter contre le terrorisme et son financement, qui poursuit un
objectif légitime, comportait des dispositions qui s'appliquaient
à toutes les associations, quels que soient leurs objectifs et leurs
antécédents d'activités, et avait entraîné «des conséquences de
grande portée pour les droits humains fondamentaux, en particulier
le droit à la liberté d'association et d'expression et le droit
à un procès équitable».
86. La décision présidentielle du 20 mars 2021 de se retirer de
la Convention d'Istanbul, qui est entrée en vigueur en juillet 2021,
a suscité de nombreuses réactions, notamment de la part des présidents
de l'Assemblée et du Comité des Ministres
. En effet, ce regrettable retour
en arrière a été effectué sans aucun débat parlementaire, ce qui
a incité l'Assemblée à demander un avis à la Commission de Venise
sur les modalités de dénonciation des conventions dans les sociétés
démocratiques. Le revirement est d'autant plus déplorable que le
Parlement turc avait été le premier à ratifier cet instrument juridique
historique en Europe.
87. Le 19 octobre 2021, faisant écho à plusieurs résolutions de
l'Assemblée traitant de la liberté d'expression, à la
Résolution 1577 (2007) de l’Assemblée «Vers une dépénalisation de la diffamation»
et à l'
avis de la Commission de Venise de 2016, la Cour européenne
des droits de l'homme a rendu pour la première fois un arrêt concernant
l'article 299 du code pénal («insulte au président»). Dans l'affaire
Vedat Şorli c. Turquie (décision
de chambre non définitive), la Cour a estimé que condamner le requérant
à une peine de prison (dont l'exécution a été suspendue) en raison
de deux messages partagés sur son compte Facebook constituait une
violation de son droit à la liberté d'expression.
88. Enfin, l'Assemblée a réitéré son appel à la libération immédiate
de l'ancien dirigeant du HDP, M. Selahattin Demirtaş
,
et du philantrope M. Osman Kavala, détenus illégalement depuis respectivement 2016
et 2017, et à l’exécution des arrêts définitifs de la Cour européenne
des droits de l'homme qui ont conclu, dans les deux cas, à une violation
de l'article 18 de la Convention européenne des droits de l'homme.
En effet, ces condamnations poursuivaient un objectif inavoué: la
détention de M. Demirtaş visait à étouffer le pluralisme et à limiter
la liberté du débat politique tandis que celle de M. Kavala avait
pour objet de le réduire au silence et à dissuader d'autres défenseurs
des droits humains. En novembre 2021, le Comité des Ministres a
eu recours à une action dans l’affaire Kavala. Lors de sa réunion
du 30 novembre au 2 décembre 2021, le Comité des Ministres a adopté
deux résolutions intérimaires, demandant instamment aux autorités
turques d'assurer la libération immédiate de M. Demirtaş
, et ont adressé
aux autorités turques une mise en demeure leur signalant l’intention
du Comité des Ministres de saisir la Cour européenne des droits
de l'homme de l'affaire
Kavala c. Turquie (c'est-à-dire
de lancer une procédure d'infraction), conformément à la procédure
prévue à l'article 46.4 de la Convention européenne des droits de
l'homme
.
2.2.11. Ukraine
89. Les rapporteurs pour l’Ukraine
ont effectué une visite d’information à Kyiv du 5 au 7 juillet 2021.
Le 16 novembre 2021, la commission a déclassifié une note d’information
des rapporteurs sur cette visite.
90. Les principales priorités en Ukraine demeurent la réforme
de la justice et la lutte contre la corruption généralisée dans
le pays. En ce qui concerne la justice, le fonctionnement du Haut
Conseil de la justice (HCJ) et de la Cour suprême d’Ukraine constitue
un obstacle majeur à l’indépendance et à l’impartialité du pouvoir judiciaire.
La réforme du HCJ, en particulier le traitement des questions largement
débattues au sujet de l’intégrité de certains de ses membres, est
une condition préalable indispensable à une réforme réussie de la magistrature
en vue de garantir son indépendance et son impartialité, ainsi que
pour lutter contre la corruption généralisée au sein du système
judiciaire.
91. Le 13 juillet 2021, la Verkhovna Rada a adopté deux lois visant
à remodeler la Haute Commission de qualification des juges (HQCJ)
et le HCJ. L’adoption de ces textes, qui a notamment permis d’établir
un comité d’éthique, a été saluée par la communauté internationale
et les parties prenantes nationales comme une étape décisive du
processus de réforme du système judiciaire. Le comité d’éthique
est composé de trois membres nationaux et de trois membres proposés
par les partenaires internationaux de l’Ukraine. Il est chargé d’évaluer l’intégrité
des candidats au HCJ, ainsi que des membres actuels du HCJ. Les
parties prenantes espèrent que la restructuration de la HQCJ va
permettre de pourvoir prochainement les nombreux postes vacants,
puisque ce nombre considérable de postes vacants est un obstacle
au bon fonctionnement de l’administration de la justice en Ukraine.
La Commission de Venise a recommandé aux autorités ukrainiennes
d’adopter une réforme globale du système judiciaire, au lieu de
se limiter à un ensemble de lois spécifiques relatives à divers
aspects du système judiciaire, qui ne sont pas toujours bien harmonisées.
Cela dit, la Commission de Venise reconnaît qu’il s’agit d’un sujet
crucial et a souligné que «la question de l’intégrité et de l’éthique
du HCJ devrait également être abordée de toute urgence».
92. Le tribunal administratif du district de Kyiv est un élément
du système judiciaire qui doit encore être réformé. Ce tribunal
revêt une importance particulière puisqu’il examine les recours
contre les décisions prises par les autorités étatiques et locales,
y compris toutes les affaires portant sur la Commission électorale
centrale (CEC), le Cabinet des ministres et les ministères, la Banque
nationale, l’Agence nationale pour la prévention de la corruption
(NACP) et le Bureau national de lutte contre la corruption (NABU).
Bon nombre de ses décisions contre des décisions gouvernementales
ont été remises en question et sont largement considérées comme
des tentatives de saper les efforts de réforme et de lutte contre
la corruption.
93. La lutte contre la corruption généralisée en Ukraine reste
une priorité affirmée par les autorités. La structure institutionnelle
à cinq niveaux pour lutter contre la corruption est maintenant en
place et opérationnelle, et elle commence peu à peu à donner des
résultats concrets. Cela a, par voie de conséquence, accru les tentatives
d’entraver le travail des institutions et des politiques qui ont
été créées pour lutter contre la corruption. Un certain nombre de
postes clés dans ces institutions sont devenus vacants ou le seront
bientôt. Le pourvoi de ces postes sera un test déterminant de la
volonté politique des autorités de lutter contre la corruption à
tous les niveaux de la société ukrainienne.
94. Fait encourageant, l’obligation imposée aux militants anticorruption
et aux responsables d’organisations de la société civile qui œuvrent
en faveur de la lutte contre la corruption, d’établir une déclaration
électronique de patrimoine, au sujet de laquelle l’Assemblée avait
précédemment exprimé son inquiétude, a été déclarée inconstitutionnelle
et a été retirée.
95. La Haute Cour anticorruption (HACC) est pleinement fonctionnelle
depuis septembre 2019. Son efficacité est largement reconnue et
des résultats concrets ont été constatés. Elle s’est déjà saisie
de plus de 200 affaires très médiatisées et dans 33 d’entre elles,
un verdict a déjà été rendu, conduisant à 181 condamnations. Cependant,
compte tenu de l’actuelle charge de travail, la HACC sera bientôt
saturée et il est urgent d’augmenter le nombre de juges.
96. En juin 2021, le Président Zelensky a présenté la loi dite
antioligarque, qui interdirait aux oligarques de financer des partis
politiques et de participer à des privatisations, et les obligerait
à soumettre une déclaration annuelle de patrimoine. En outre, les
hauts fonctionnaires, dont le Président et les membres du gouvernement, seraient
tenus de déclarer tout contact avec ces oligarques. Certains aspects
du projet de loi ont soulevé des questions, notamment le fait qu’une
personne déclarée oligarque serait par conséquent considérablement limitée
dans ses droits, par une décision du Président en concertation avec
le Conseil national de sécurité et de défense. Le Président disposerait
d’un très large pouvoir discrétionnaire à cet égard et sa décision
ne pourrait faire l’objet d’aucun recours devant la justice. Le
6 septembre 2021, la Commissaire aux droits de l’homme de la Verkhovna
Rada (médiatrice), a exprimé ses inquiétudes quant à la constitutionnalité
de la loi et a exhorté la Verkhovna Rada à solliciter l’avis de
la Commission de Venise avant d’adopter le texte en dernière lecture.
En réponse, le 13 septembre 2021, le président de l’époque de la
Verkhovna Rada, M. Dmytro Razumkov, a transmis le projet de loi
à la Commission de Venise pour avis. Le 23 septembre 2021, à la
suite d’une tentative d’assassinat ratée contre un collaborateur
du Président Zelensky la veille, la Verkhovna Rada a adopté la loi
en dernière lecture sans attendre l’avis de la Commission de Venise.
La Verkhovna Rada est invitée à répondre à l’ensemble des préoccupations
et recommandations formulées dans l’avis qui doit être prochainement
rendu par la Commission de Venise sur cette loi.
97. La question des médias est particulièrement sensible en Ukraine
et est étroitement liée à la guerre de l’information que mène actuellement
la Fédération de Russie dans le cadre de son intervention dans l’est
de l’Ukraine et de l’annexion illégale de la Crimée. Cette situation
est aggravée par les insuffisances du cadre juridique applicable
aux médias, notamment en ce qui concerne la manière de lutter contre
la désinformation, les fausses informations et la propagande dans
le contexte de cette guerre de l’information. Une loi relative aux
sanctions a été adoptée, sur la base de laquelle un certain nombre
de chaînes de télévision utilisées à des fins de désinformation
et de propagande en faveur de la Fédération de Russie ont été fermées
par le Conseil national de sécurité et de défense, notamment trois
chaînes appartenant au controversé oligarque ukrainien et responsable
du parti de l’opposition, Viktor Medvedchuk. Si la population ukrainienne
considère que la fermeture de ces chaînes est largement justifiée,
des questions subsistent quant aux moyens juridiques pour y parvenir,
en particulier l’absence de contrôle de la justice sur ces décisions.
Le 15 juillet et le 26 août, M. Medvedchuk a saisi la Cour européenne
des droits de l’homme d’une requête contre les poursuites judiciaires
engagées à son encontre par les autorités ukrainiennes, y compris
la fermeture de ses chaînes de télévision.
98. S’il est vrai que la coopération avec les autorités dans le
cadre de la Plateforme du Conseil de l’Europe pour la protection
du journalisme et la sécurité des journalistes s’est considérablement
améliorée – 96 % des signalements ont été traités et résolus – des
violences contre les journalistes continuent à être enregistrées, en
particulier contre ceux qui enquêtent sur la corruption aux niveaux
local et régional, et contre les journalistes qui sont considérés
comme des agents des autorités russes et de leurs intérêts. Les
agressions font rarement l’objet d’enquêtes effectives et transparentes,
ce qui engendre un sentiment d’impunité face à ces délits.
99. Les questions interdépendantes des minorités, de la protection
de la langue nationale et du statut des langues minoritaires en
Ukraine sont complexes et sensibles, en particulier dans le contexte
de l’annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie
et du conflit qui sévit dans l’est de l’Ukraine. Le 1er juillet 2021,
la Verkhovna Rada a adopté en session extraordinaire la loi relative
aux peuples autochtones d’Ukraine. Le ministre de la Culture estime
que cette loi, qui concerne principalement la situation des minorités
en Crimée, respecte rigoureusement la définition d’une minorité
autochtone retenue par l’Assemblée générale des Nations Unies, à
savoir une minorité ethnique qui n’a pas de pays d’origine. Selon
cette définition, la plupart des ethnies présentes en Ukraine, y
compris les Ukrainiens de souche et les Russes de souche, ne sont
pas considérées comme des peuples autochtones d’Ukraine, ce qui
n’a pas manqué de susciter des inquiétudes dans certains pays limitrophes
de l’Ukraine.
100. Le 23 août 2021, l’Ukraine a organisé le sommet inaugural
de la Plateforme de Crimée, qui se veut être «un forum de consultation
et de coordination visant à mettre fin pacifiquement à l’occupation
temporaire par la Fédération de Russie de la République autonome
de Crimée et de la ville de Sébastopol et à rétablir le contrôle de
l’Ukraine sur ce territoire dans le plein respect du droit international».
Un grand nombre de participants de haut niveau, notamment la Secrétaire
Générale du Conseil de l’Europe et le Président du Conseil européen, ont
participé au sommet qui a été largement considéré comme un succès
par les participants.
2.3. Dialogue postsuivi
2.3.1. Bulgarie
101. Le dernier rapport sur le dialogue
postsuivi avec la Bulgarie a été examiné par l’Assemblée en juin 2019. À
cette occasion, l’Assemblée a décidé de poursuivre le dialogue postsuivi
et a invité les rapporteurs à évaluer, après 2020, les progrès réalisés
dans cinq domaines de préoccupation spécifiques, à savoir la corruption
à haut niveau, la transparence de la propriété des médias, les droits
humains des minorités, le discours de haine et la violence à l’égard
des femmes. La crise engendrée par la pandémie a empêché les rapporteurs
de se rendre en Bulgarie (une visite prévue début avril 2020 a dû
être annulée au dernier moment) et d’élaborer un rapport comme prévu.
102. Depuis juillet 2020, la Bulgarie fait face à une crise politique
majeure déclenchée par des scandales de corruption, le manque de
respect de la prééminence du droit et les manifestations de rue
qui y ont fait suite. Après les tentatives de la majorité au pouvoir
d’apaiser la crise en remaniant le gouvernement ou en appelant à
l’élection d’une Grande Assemblée nationale en vue de réviser la
Constitution, le 14 janvier 2021, le Président Rumen Radev a annoncé
la tenue d’élections législatives le 4 avril 2021. Elles ont été
observées conjointement par l’OSCE/BIDDH, l’Assemblée parlementaire
de l’OSCE et l’APCE. Les observateurs ont conclu que les élections
avaient permis une véritable mise en concurrence des différents
candidats, qu’elles avaient été organisées de manière efficace,
malgré les difficultés liées à la pandémie de la covid-19, et que
les libertés fondamentales avaient été respectées. Dans les bureaux
de vote observés, le vote a été transparent et bien organisé. Le
taux de participation a atteint 50,6 % et six partis et coalitions
ont franchi le seuil de 4 % des suffrages pour entrer au parlement.
Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB) a remporté
75 sièges (25,8 % des voix) et le Parti socialiste bulgare (la deuxième
force politique au parlement précédent) a obtenu 43 sièges (14,7 %).
Le nouveau parti politique «Il y a un tel peuple» (ITN), qui a remporté 51
sièges (17,4 %), et les nouvelles coalitions Bulgarie démocratique
(DB), 27 sièges (9,3 %), et «Debout! Mafia dehors!» (IMV), 14 sièges
(4,6 %), ont créé la surprise. Leurs résultats ont bien illustré
le souhait de changement des électeurs.
103. Les partis élus ne sont pas parvenus à former un nouveau gouvernement.
Par conséquent, le 11 mai 2021, le Président Radev a signé un décret
prévoyant la dissolution de l’Assemblée nationale avec effet au
12 mai et la tenue d’élections législatives le 11 juillet 2021.
Il a nommé un gouvernement provisoire.
104. Les élections législatives anticipées du 11 juillet ont également
fait l’objet d’une mission d’observation conjointe. Les observateurs
ont conclu qu’elles avaient été compétitives et que les libertés
fondamentales avaient généralement été respectées. Le processus
de vote dans les bureaux de vote a été bien organisé. La campagne
électorale au niveau national a été principalement axée sur la lutte
contre la corruption, la relance économique post-pandémie, la réforme
judiciaire et le chômage. Elle a été dominée par des accusations mutuelles
de corruption et de malversations entre les fonctionnaires du gouvernement
provisoire et les représentants du GERB. Le taux de participation
s’est élevé à 42,1 %. De nouveau, six partis et coalitions ont franchi
le seuil des 4 %: «Il y a un tel peuple» (ITN) – 65 sièges (24,08 %);
Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB) –
63 sièges (23,51 %); Parti socialiste bulgare (BSP) – 36 sièges
(13,39 %); coalition Bulgarie démocratique (DB) – 34 sièges (12,64 %);
Mouvement pour les droits et libertés (MRF) – 29 sièges (10,71 %);
coalition «Debout! Mafia dehors!» (IMV) – 13 sièges (5,01 %).
105. Une fois de plus, les partis ne sont pas parvenus à former
un gouvernement et de nouvelles élections législatives anticipées
(les troisièmes élections de ce type en 2021) ont été annoncées
pour le 14 novembre 2021, soit le jour de l’élection présidentielle.
106. Selon la mission d'observation de l'Assemblée, les élections
présidentielle et législatives anticipées du 14 novembre ont été
compétitives et les libertés fondamentales ont été respectées. Le
Président sortant, Ruman Radev, a obtenu 66,72 % des voix au second
tour, et un nouveau parti anti-corruption, Nous continuons le changement
(PP), a remporté 67 sièges (25,32 %), mais n'a pas obtenu la majorité parlementaire
(121 sièges étant nécessaires). Le GERB-SDS, dirigé par M. Borisov,
a remporté 59 sièges (22,44 %). Le taux de participation au premier
tour des élections législatives et présidentielle est tombé à 33 %, ce
qui est préoccupant. Le 6 décembre, le leader du PP, Kiril Petkov,
a annoncé qu'un gouvernement de coalition avec trois autres partis
pourrait être mis en place prochainement, mettant fin à une impasse
politique.
2.3.2. Monténégro
107. Sur la base du rapport préparé
par les corapporteurs, l’Assemblée a adopté en avril la
Résolution 2374 (2021) sur le dialogue postsuivi avec le Monténégro. Suite
à leur proposition, elle a estimé que dans les quatre domaines qu’elle
avait identifiés comme «prioritaires» dans sa
Résolution 2030 (2015), à savoir l’indépendance du pouvoir judiciaire, la confiance
dans le processus électoral, la situation des médias et la lutte
contre la corruption, les progrès n’étaient pas suffisamment tangibles
pour mettre fin au dialogue.
108. Par conséquent, ce processus se poursuit et c’est dans ce
contexte que les corapporteurs ont activement suivi les développements
concernant les amendements à la loi relative au ministère public
et à la loi relative au bureau du procureur pour le crime organisé
et la corruption. En mai, dans un entretien avec le principal quotidien
monténégrin Vijesti, ils ont expliqué en détail les diverses recommandations
formulées par la Commission de Venise, à la demande des autorités
monténégrines, sur les différents projets de textes
. Ils ont également tenu deux réunions
avec le président du parlement et, en outre, avec le président de
la délégation monténégrine, avant l’adoption finale de la loi relative
au ministère public. Enfin, ils ont exprimé leur position sur les
amendements adoptés par le parlement dans une déclaration publiée
le lendemain de leur promulgation, le 7 juin 2021
.
Dans cette déclaration, ils ont félicité les autorités monténégrines
pour les réelles améliorations observées tout au long du processus
législatif, notamment en matière de consultations inclusives. Ils
ont également salué les progrès de fond, en particulier le renoncement
à la suppression de facto du bureau du procureur spécial et l’introduction
d’une proposition de nomination, par les ONG, d’un candidat au Conseil
des procureurs, organe central de gouvernance du ministère public
au Monténégro. Toutefois, ils ont attiré l’attention des autorités
monténégrines sur les travaux inachevés concernant la nouvelle composition du
Conseil des procureurs. En particulier, ils ont souligné que le
renouvellement de l’ensemble des membres du Conseil des procureurs
et la nomination des cinq nouveaux membres non professionnels à
la majorité simple du parlement constituaient un risque pour l’indépendance
du Conseil
,
comme l’a noté la Commission de Venise. Ils ont invité nos collègues
monténégrins à veiller à ce que les nouveaux membres non professionnels
du Conseil des procureurs soient nommés sur la base de leur expertise
et soient perçus comme politiquement neutres. Depuis l’entrée en
vigueur des amendements à la loi relative au ministère public, les quatre
membres du corps des procureurs ont été nommés par leurs pairs et
le ministre de la Justice a également désigné un membre en août.
La nomination des cinq membres non professionnels a été retardée, entre
autres, par la question du remaniement ministériel consécutif aux
incidents survenus à Cetinje, l’ancienne capitale royale.
109. Le 5 septembre, des heurts violents mais limités ont eu lieu
entre la police et des groupes se revendiquant «patriotes», soutenus
publiquement par le Parti démocratique des socialistes du Monténégro (PDS),
à l’occasion de l’intronisation du nouveau métropolite du Monténégro
et du littoral de l’Église orthodoxe serbe. Les opposants à l’intronisation
ont affirmé qu’il s’agissait d’une provocation de la part de l’Église orthodoxe
serbe, dont le patriarcat est situé à Belgrade, étant donné que
Cetinje symbolise les efforts historiques des Monténégrins pour
créer leur propre identité, distincte de celle des Serbes. Suite
aux affrontements, l’action du ministre de l’Intérieur, membre du
parti Action unie pour la réforme (URA), a été critiquée et, à cette
occasion, le Front démocratique (FD), principale composante de la
majorité actuelle, a réitéré sa demande de remaniement ministériel
afin de mettre fin au gouvernement d’experts imposé par le Premier
ministre en décembre 2020 et de voir ses dirigeants nommés aux postes
ministériels. Cette demande a été pour la première fois soutenue
par le deuxième plus grand parti, Monténégro Démocratique (DCG). Le 21 octobre,
le Premier ministre a exposé les principes guidant le prochain remaniement
ministériel et a souligné qu’il importait que les trois partis actuellement
majoritaires (FD, DCG et URA) respectent les termes de l’accord
de coalition signé par leurs représentants en septembre 2020. D’après
cet accord, le Monténégro continuerait à reconnaître l’indépendance
du Kosovo
, les symboles et l’hymne
nationaux monténégrins seraient préservés, et le Monténégro respecterait
ses obligations internationales, en particulier son maintien dans
l’OTAN et son orientation proeuropéenne. Alors que le Premier ministre
a évoqué la nomination des cinq membres non professionnels du Conseil
des procureurs comme un point prioritaire de l’ordre du jour parlementaire,
et cela apparemment avant même le vote sur le remaniement ministériel,
il est important de rappeler que cette nomination ne devrait pas
faire l’objet d’une quelconque répartition «politique» entre les différentes
composantes de la majorité parlementaire, mais devrait être fondée
sur leurs compétences, comme l’ont indiqué les corapporteurs et
la Commission de Venise.
2.3.3. Macédoine du Nord
110. Après les élections législatives
anticipées de juillet 2020 et la nomination d’une nouvelle délégation
à l’Assemblée, les corapporteurs de l’Assemblée Mme Christoffersen
(Norvège, SOC)
et M. Csenger-Zalàn (Hongrie,
PPE/DC) ont suivi la mise en œuvre de la
Résolution 2304 (2019) sur le Dialogue postsuivi avec la Macédoine du Nord
et les développements dans le pays qui est demeuré polarisé autour
de clivages politiques et ethniques.
111. L’ordre du jour national est resté dominé par l’absence de
progrès dans les négociations d’adhésion à l’Union européenne alors
qu’elles sont ouvertes depuis mars 2020 suite à la signature de
l’Accord de Prespa en 2018 qui avait résolu la question de la dénomination
avec la Grèce. Depuis, l’adoption du Cadre de négociation par le
Conseil de l’Union européenne a été bloquée par la Bulgarie, en
dépit de la signature d’un Traité d’Amitié bilatéral en 2017. Cette
question a été centrale dans le discours prononcé par le Vice-Premier ministre
aux Affaires européennes de la Macédoine du Nord M. Dimitrov devant
l’Assemblée le 30 septembre 2021.
112. Dans l’intervalle, le gouvernement a adopté le 10 mars 2021
l’Agenda «L’Europe à la maison» reposant sur les engagements issus
de l’Accord de Stabilisation et d’Association de l’Union européenne
de 2004 et des recommandations de la Commission européenne, visant
également à appliquer certaines recommandations, entre autres celles
du Conseil de l’Europe, de la Commission de Venise et du GRECO pour
ce qui est des réformes électorales, de la lutte contre la corruption
et le crime organisé, des droits humains, de la justice, des médias,
de l’administration publique etc.
113. Le gouvernement a également adopté en mars 2021 le «Plan d’action
21» pour lutter contre la corruption. Le GRECO a publié un mois
après son rapport de conformité (Cinquième Cycle d’Évaluation)
:
il s’y félicitait de l’adoption d’un nouveau Code d’éthique pour
les hautes fonctions de l’exécutif, mais le fait que sa mise en
œuvre était laissée à l’initiative d’un Vice-Premier ministre n’était
toutefois pas compatible avec la pratique du GRECO. Le nouveau Code
d’Éthique pour la Police et la supervision extérieure des services
de police étaient des développements positifs; cependant, l’indépendance
opérationnelle de la police nécessitait d’être mise en conformité
avec les normes du Conseil de l’Europe pour des activités de police
démocratiques et sa dépolitisation devait être garantie dans la
loi et en pratique.
114. En outre, les nombreuses allégations de mauvais traitements
corporels par des responsables policiers de suspects dans des affaires
criminelles mis au jour par le Comité européen pour la prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT) en mai 2021
doivent être traitées d’urgence par
les autorités. Le CPT a également été très critique à l’égard de
l’échec persistant des autorités à traiter certains dysfonctionnements
fondamentaux du système carcéral, notamment les soins de santé de
qualité déplorable dispensés aux détenus, le degré élevé de violence
entre prisonniers, les conditions matérielles très dégradées et
la corruption endémique du personnel pénitentiaire. Des mesures
ont été prises depuis par les autorités (par exemple la fermeture
de certaines ailes problématiques de la prison d’Idrizovo notamment).
115. L’Assemblée avait été très préoccupée par l’assaut contre
le parlement le 27 avril 2017, blessant gravement des douzaines
de parlementaires, administrateurs parlementaires et journalistes
et endommageant gravement le bâtiment. Le 27 juillet 2021, un tribunal
de première instance de Skopje a condamné les organisateurs de cet
assaut, dont l’ancien président du parlement, M. Veljanoski, et
l’ancien ministre du Transport et des Communications ainsi que son
homologue de l’Éducation et de la Science, à des peines de 6 ans
d’emprisonnement et les a placés en résidence surveillée.
116. Le recensement mené en septembre 2021 a constitué un développement
positif. Attendu de longue date par l’Assemblée (le précédent remontait
à 2001), ce recensement est intervenu 20 ans après la signature
en 2001 de l’Accord-cadre d’Ohrid, qui avait mis fin à un conflit
civil. Cet Accord avait permis l’adoption en 2002 de changements
constitutionnels de grande ampleur donnant à des communautés ethniques
la possibilité de participer à la vie politique locale et nationale,
dans le secteur public et dans l’éducation dans des zones où elles
représentaient plus de 20% de la population, sur la base des résultats
du recensement.
117. Enfin, des développements politiques importants ont eu lieu
à l’automne, même si le pays reste polarisé: aux élections locales
tenues les 17 et 31 octobre 2021, le parti d’opposition VMRO-DPMNE
a remporté 42 des 81 sièges de maire dans le pays, dont celui de
la capitale Skopje, à la suite de quoi le Premier ministre M. Zaev (dont
le parti SDSM a une très courte majorité au parlement) a annoncé
qu’il allait présenter sa démission, poussant le parti albanais
BESA à s’allier à l’opposition. Cependant, une motion de défiance
déposée par l’opposition n’a pas été passée au vote faute de quorum
(un des parlementaires membre de BESA ayant changé d’avis après
que le Premier ministre avait renoncé à démissionner). Étant donné
ces développements politiques inattendus, les rapporteurs ont dû
ajourner leur visite en Macédoine du Nord prévue en décembre 2021.
2.4. Examens périodiques
118. Depuis 2015, la commission
de suivi a préparé des rapports d’examen périodique concernant tous
les États membres du Conseil de l’Europe qui ne sont pas soumis
à une procédure de suivi complète ou engagés dans un dialogue de
post-suivi, conformément à la nouvelle méthodologie adoptée par
l’Assemblée en 2018
.
119. En 2021, la commission a fait porter ses travaux sur la préparation
des rapports d’examen périodique concernant la Hongrie, Malte et
la Roumanie, qui avait débuté avec la nomination de rapporteurs
de l’Assemblée en mai 2020 et la validation de la portée de leur
rapport par la commission en décembre 2020. En mars 2021, la commission
a organisé un échange de vue avec M. Nicolaas Bel, Chef adjoint
de l’Unité Justice, Police et État de droit au sein de la Direction
Générale Justice et Consommateurs de la Commission européenne afin
d’évoquer l’initiative «Rapports de la Commission Européenne sur
l’État de droit» récemment lancée, et plus particulièrement concernant
la Hongrie, Malte et la Roumanie.
2.4.1. Hongrie
120. Pour ce qui est de la Hongrie,
les rapporteurs M. George Papandreou (Grèce, SOC) et M. František Kopřiva
(République tchèque, ADLE) et la commission ont eu une série de
réunions avec la délégation et des organisations des médias et représentants
de la société civile. La Commissaire aux droits de l’homme Dunja Mijatović
avait soulevé plusieurs problèmes liés à l’adoption d’un ensemble
de textes législatifs et constitutionnels par le Parlement hongrois
en décembre 2020 et la conformité de ce paquet législatif avec les normes
du Conseil de l’Europe. La commission avait donc demandé en février
2021 un avis de la Commission de Venise sur cet ensemble de dispositions.
Cette dernière a adopté un avis sur les amendements constitutionnels
en juillet 2021 et trois autres
en octobre 2021 sur des amendements couvrant la justice
, les structures nationales de défense
des droits de l’homme
et la législation électorale
. La commission a noté que la réforme
électorale exige désormais des partis politiques qu'ils désignent
des candidats dans 70 % des circonscriptions lors des prochaines
élections législatives; la Commission de Venise a déclaré que le principal
effet de cette réforme serait de favoriser les candidats sortants
et d'aggraver le niveau de polarisation politique. De manière générale,
la Commission de Venise regrettait également que l’ensemble des
dispositions législatives et constitutionnelles ait été adopté durant
une période d’état d’urgence, apparemment sans consultation publique,
selon une procédure accélérée qui ne respecte pas les recommandations
et lignes directrices de la Commission de Venise, et réitéré les
préoccupations exprimés dans ses avis de 2011 concernant l’adoption
de lois cardinales. La commission a également été informée des déficiences persistantes
en ce qui concerne l'indépendance du système judiciaire, les libertés
journalistiques et médiatiques et la lutte contre la corruption.
Dans le même temps, la commission a salué l'abrogation, le 22 avril 2021,
de la loi de 2017 sur la transparence des organisations recevant
un soutien de l'étranger (dite «Lex Soros») (qui avait été largement
critiquée, y compris dans la
Résolution
2203 (2018) de l'Assemblée) et certains progrès constatés par MONEYVAL
sur sa législation relative aux personnes politiquement exposées.
121. Les rapporteurs ont terminé leur avant-projet de rapport portant
spécifiquement sur le fonctionnement des institutions démocratiques,
en particulier pour des questions de bonne gouvernance, d’indépendance
de la justice et de situation des médias. L’avant-projet a été soumis
à la commission de suivi le 13 septembre 2021 et envoyé aux autorités
hongroises pour commentaires (dans les six semaines). Toutefois,
une série d’événements ont impacté la finalisation du rapport (à
savoir la présidence hongroise du Comité des Ministres du Conseil
de l’Europe de mai à novembre 2021, la soumission tardive des commentaires
des autorités hongroises relatifs à l’avant-projet de rapport, la
démission d’un rapporteur le 16 novembre, la nomination de son successeur
en décembre et des élections législatives prévues en avril 2022).
La commission de suivi a donc demandé [et obtenu] du Bureau de l’Assemblée
une prorogation de la durée du renvoi de la proposition jusqu’en
octobre 2022, avec pour objectif de se rendre dans le pays et de
finaliser le rapport après les élections législatives de 2022.
2.4.2. Malte
122. Les corapporteurs se sont rendus
en mission à Malte du 25 au 27 octobre 2021. Ils ont en outre procédé à
un échange de vues avec M. Pieter Omtzigt, rapporteur sur «L’assassinat
de Mme Daphne Caruana Galizia et l’État
de droit, à Malte et ailleurs: veiller à ce que toute la lumière
soit faite» concernant les conclusions de son rapport pour ce qui
est du système de contre-pouvoirs et du système judiciaire à Malte.
123. Malte a introduit un certain nombre de réformes bienvenues
pour traiter les dysfonctionnements et les recommandations indiqués
par la Commission de Venise dans son rapport «Projet d’avis sur
les dispositions constitutionnelles, la séparation des pouvoirs
et l’indépendance des organes judiciaires et répressifs». A condition
d’être mises en œuvre complètement et de manière cohérence, ces
réformes pourraient marquer une étape importante sur la voie de
la pleine mise en conformité des institutions démocratiques et de
l’État de droit à Malte avec les normes et standards européens.
Toutefois, des réformes systémiques supplémentaires sont nécessaires
pour traiter complètement les recommandations de la Commission de
Venise et en particulier le Parlement maltais doit être réformé
en profondeur pour garantir un contrôle parlementaire correct sur
l’exécutif. Il conviendrait d’instaurer un parlement à plein temps
avec suffisamment d’autonomie pour remplir ses fonctions législatives
et de contrôle. En outre, il faudrait revoir la pratique des parlementaires
exerçant des activités accessoires et fonctions dans des institutions
et agences publiques qu’ils sont censés contrôler – cette pratique
comportant un risque inhérent de conflits d’intérêt et de corruption
– et dresser une liste de fonctions et positions incompatibles juridiquement
avec la fonction de parlementaire. De plus, le recours largement répandu
à des «personnes de confiance» dans la fonction publique maltaise,
qui équivaut à un système de clientélisme politique avec un risque
patent de conflits d’intérêt de corruption, reste préoccupant. Le
recours aux «personnes de confiance» devrait être limité à un petit
nombre de positions clairement définies et réglementées dans la
loi.
124. Comme relevé par l’Enquête publique indépendante sur le meurtre
de Daphne Caruana Galizia ouverte après des demandes de l’Assemblée,
Malte a, pour ce qui est de la corruption et des conflits d’intérêt,
une culture de l’impunité et de la tolérance qui ne peut être changée
simplement par des modifications législatives mais qui nécessite
un changement d’attitude et de comportement de la part de tous ceux
qui sont concernés. A cet égard, les rapporteurs se sont dits préoccupés
par la polarisation socio-politique profondément ancrée, qui pénètre
pratiquement tous les aspects de la société maltaise et met en danger
le fonctionnement de ses institutions démocratiques. Les autorités
maltaises devraient s’attaquer à ce problème en priorité.
125. Malte est en première ligne pour ce qui est de la migration
irrégulière et des réfugiés, qui arrivent en nombre extrêmement
élevé sur ses côtes alors que le territoire et la population de
Malte sont réduits. Les conséquences de ces flux d’arrivants ne
peuvent donc être affrontées qu’avec la solidarité et l’assistance d’autres
États membres de l’Union européenne. Dans le même temps, les conditions
dans les centres d’accueil et de rétention pour les migrants irréguliers
et réfugiés demeurent préoccupantes, en dépit des efforts des autorités
maltaises.
2.4.3. Roumanie
126. Concernant la Roumanie, la
préparation du rapport a été retardée par la campagne pour les élections législatives
qui se sont tenues le 6 décembre 2020, les restrictions sanitaires
aux déplacements qui ont empêché les corapporteurs de se rendre
dans le pays au premier semestre de 2021, puis des campagnes électorales
dans les pays des co-rapporteurs qui ont été suivies de la démission
de ces derniers qui n’avaient pas été réélus dans leurs parlement
respectifs et enfin, pour couronner le tout, par la crise politique
qui a débuté le 1er septembre 2021 en Roumanie.
127. La crise a été déclenchée par les difficultés économiques
et les controverses sur les réponses apportées à la pandémie. Elle
a démarré par des désaccords sur le programme d’investissement dit
Anghel Saligny conçu pour développer des zones d’habitat roumaines.
Ce programme était soutenu par l’un des partenaires majeurs de la
coalition, le Parti national libéral du Premier ministre Citu, mais
critiqué par l’autre, USR Plus, dont des ministres ont boycotté
les sessions du gouvernement. Après le limogeage du ministre de
la Justice, la démission d’autres ministres d’USP Plus, la saisine
de la Cour constitutionnelle et deux motions de défiance, le Gouvernement
Citu a été dissous le 5 octobre 2021.
128. Deux premiers ministres consécutifs nommés par le Président
Klaus Iohannis ont échoué à former un gouvernement. Le 25 novembre,
un nouveau gouvernement de coalition dirigé par M. Nicolae Ciuca
a obtenu le soutien du parlement.
129. Les rapporteurs précédents avaient identifié un certain nombre
de problématiques préoccupantes concernant le fonctionnement des
institutions démocratiques, notamment l’indépendance et l’efficacité
de la justice, la lutte contre la corruption, le pluralisme des
médias, la discrimination à l’égard de minorités et un certain nombre
d’autres questions soulevées dans le rapport de la Commissaire aux
droits de l’homme du Conseil de l’Europe et par l’ECRI, en particulier
le racisme, les violences à l’égard des femmes, les droits des LGBTI,
et les conditions de détention.
130. La commission de suivi a nommé de nouveaux co-rapporteurs
en septembre dernier. Malheureusement, ils ont dû annuler la visite
prévue en Roumanie fin novembre du fait de la détérioration considérable
de la situation sanitaire dans ce pays.
131. La commission ayant décidé que la visite physique est une
condition nécessaire pour la préparation du rapport et compte-tenu
de la longueur de la procédure (il faut laisser aux autorités pertinentes
le temps de transmettre leurs commentaires), la commission a demandé
au Bureau une prolongation de 6 mois de l’échéance concernant la
préparation du rapport. Le Bureau a prolongé le renvoi jusqu’à octobre
2022.
132. Je soulève une question plus générale au chapitre 4 du présent
rapport concernant les renvois pour rapports d’examen périodique
dont le délai est limité à deux ans.
2.5. Sous-commission sur les conflits entre
États membres du Conseil de l’Europe
133. A la suite des discussions
sur les activités futures ainsi que sur la procédure écrite sur
la base des propositions préparées par son président, la sous-commission
a approuvé le programme de travail qui se concentre sur le processus
de règlement transnistrien, le processus de règlement chypriote,
et le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan/le conflit dans le
Haut-Karabakh. Le programme de travail a été approuvé par la sous-commission.
134. Dans le cadre de la discussion sur ses activités futures,
la sous-commission a convenu de l'interprétation de ses méthodes
de travail en vue d'accroître l'efficacité de ses travaux, sur la
base d'un document officieux (non-paper) que j'ai préparé en ma
qualité de président de la commission.
2.6. Le conflit dans le Haut-Karabakh
135. Le 11 janvier 2021, sur proposition
de la Fédération de Russie, le Premier ministre Pashinyan et les Présidents
Poutine et Aliyev ont signé une nouvelle déclaration trilatérale,
faisant suite à la Déclaration des 9-10 novembre 2020, qui avait
mis un terme aux hostilités dans le Haut-Karabakh. Cette deuxième
déclaration entendait mettre en œuvre le paragraphe 9 de la Déclaration
des 9-10 novembre sur le déblocage de toutes les liaisons économiques
et de transport dans la région. Pour cela, elle prévoyait l’établissement
d’un Groupe de travail tripartite dirigé par les Vice-Premiers ministres
de la République d’Arménie, de la Fédération de Russie et de la
République d’Azerbaïdjan, qui serait chargé d’établir une liste
des principaux domaines de travail issus du paragraphe 9 de la déclaration,
en fixant comme priorités les communications ferroviaires et routières.
Le Groupe de travail a effectivement commencé ses travaux et s’est
réuni à huit reprises, et tout dernièrement le 20 octobre 2021.
136. Le 12 mai 2021, des troupes azerbaïdjanaises se sont avancées
de 3,5 kilomètres en territoire arménien (dans la province de Syunik
et dans celle de Gegharkunik). Le Gouvernement azerbaïdjanais a
fait valoir l’absence de démarcation frontalière claire dans ce
secteur et le fait que, selon certaines cartes remontant à l’époque
soviétique, les localités concernées se trouvaient en territoire
azerbaïdjanais. A la date de sortie du rapport, les troupes azerbaïdjanaises
ne s’étaient pas retirées de ces localités. En dépit d’une médiation
russe et de l’appel de la Fédération de Russie à une accélération
de la délimitation de la frontière et des opérations de démarcations,
des secteurs frontaliers entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont désormais
soumis à des incursions, à des captures de personnel militaire
etc. Le 22 octobre
2021, lors des discussions du Club Valdaï, un groupe de réflexion
russe, à Sotchi, le Président Poutine a déclaré que le plus important
maintenant est de régler définitivement la situation à la frontière
et que, pour cela, l’État-major de l’Armée russe a les cartes qui
montrent où passaient la frontière entre les républiques soviétiques
[d’Arménie et d’Azerbaïdjan] durant la période soviétique
.
137. Le 22 avril, la commission de suivi a émis une
déclaration sur le conflit dans le Haut-Karabakh. Elle y rappelait,
entre autres, qu’elle avait suivi de près à la fois le conflit et
les développements depuis la déclaration trilatérale des 9 et 10
novembre 2020 et que les co-rapporteurs pour l’Arménie et l’Azerbaïdjan
avaient publié régulièrement des déclarations communes sur les développements.
Elle se félicitait des avancées sur la voie de la mise en œuvre
de la déclaration trilatérale, mais se disait préoccupée par des
allégations selon lesquelles toutes les personnes détenues dans
le contexte du conflit n’avaient pas été échangées. Elle estimait
en outre que les deux parties devraient renforcer leur coopération
et communication pour libérer les secteurs devant être déminés afin
d’assurer la sécurité des civils. Elle rappelait aussi que le paragraphe
8 de la déclaration trilatérale faisait clairement référence à toutes
les personnes détenues, sans distinction concernant le statut de
ces personnes assigné par l’une des parties. Elle appelait l’Azerbaïdjan
à faire en sorte que tous les prisonniers arméniens soient libérés
et remis aux autorités arméniennes sans délai, attirant l’attention
sur les préoccupations exprimées par la Cour européenne des droits
de l’homme concernant les 188 Arméniens qui auraient été capturés
par l’Azerbaïdjan. De plus, elle estimait que l’établissement d’une
mission internationale indépendante chargée d’enquêter sur le conflit
et les allégations de violations des droits de l’homme et du droit humanitaire
durant les récentes hostilités était essentiel pour créer un contexte
propice à la réconciliation et à l’instauration d’une véritable
paix. Elle déclarait que le patrimoine culturel est important pour
toutes les parties au conflit et qu’il était prioritaire de mettre
en place des mécanismes nécessaires à sa protection et à sa restauration.
La commission chargeait donc sa sous-commission sur les conflits
entre États membres du Conseil de l’Europe d’explorer de manière
plus détaillée des mécanismes concrets pour résoudre ces deux problèmes.
138. Enfin, la commission appelait les deux parties à entamer des
contacts constructifs avec les institutions internationales pertinentes,
en particulier le Groupe de Minsk de l’OSCE, en vue de mettre pleinement
en œuvre la déclaration trilatérale, et d’entamer les négociations
de paix.
139. Le 27 septembre 2021, l’Assemblée a adopté la
Résolution 2391 (2021) et la
Recommandation
2209 (2021) «Conséquences humanitaires du conflit entre l’Arménie
et l’Azerbaïdjan/le conflit du Haut- Karabakh», dont le contenu
soutient totalement les positions exprimées par la commission de
suivi le 22 avril 2021.
3. Quelques réflexions concernant une
possible amélioration des méthodes de travail de la commission de
suivi pour une efficience et un impact accrus
140. La commission de suivi et ses
rapporteurs ont poursuivi leurs activités en 2021 en dépit des difficultés et
restrictions entraînées par la pandémie de covid-19 qui pénalisent
particulièrement cette commission. En effet, plus que leurs homologues
dans d’autres commissions, ses rapporteurs s’appuient, dans le cadre
du dialogue politique prévu par la procédure de suivi, bien plus
sur des contacts directs. Certes, les visioconférences auxquelles
participent différentes parties prenantes sont devenues un outil
utile pour le recueil d’information, mais elles ne peuvent pas remplacer
les rencontres en personne. Selon une pratique bien établie au sein
de la commission, les rapports de suivi ne peuvent être préparés
sans une mission d’information dans le pays concerné.
141. Ceci m’amène à la question plus générale de la préparation
des rapports de suivi. Conformément au Règlement, la commission
de suivi a un mandat permanent qui la charge de suivre les pays
soumis à une procédure de suivi stricto sensu
ainsi que les pays engagés dans le dialogue post-suivi. La préparation
d’un rapport concernant ces derniers n’exige pas un renvoi spécifique
du Bureau. Le mandat de la commission l’oblige à présenter des rapports
par pays à une certaine fréquence, qui ne peut malheureusement pas
toujours être respectée.
142. La situation est différente lorsqu’il s’agit de rapports d’examen
périodique (dans leur format actuel) prévus par le mandat de la
commission révisé en 2018. Permettez-moi de rappeler que, selon
les règles révisées, la commission est saisie, conformément à l’article
26, pour préparer des rapports d’examen périodique sur tous les
États membres du Conseil de l’Europe qui ne sont ni soumis à une
procédure de suivi complète ni engagés dans un dialogue post-suivi.
L’ordre et la fréquence de ces rapports sont décidés par la commission
en fonction de ses méthodes internes de travail et sur la base de
motivations substantielles, avec comme objectif de produire au fil
du temps des rapports d’examen périodique sur tous les États membres.
La commission travaille actuellement à ce type de rapport pour six
États membres (France, Hongrie, Malte, Pays-Bas, Roumanie et Saint-Marin).
143. L’article 26 du Règlement prévoit que les saisines des commissions
sont valables deux ans. Cela veut dire que les rapports de suivi
périodique devraient être préparés et adoptés par la commission
de suivi dans les deux ans suivant sa saisine par le Bureau, tout
comme les rapports dans toutes les autres commissions de l’Assemblée.
144. Cette obligation s’est déjà révélée inadaptée pour la procédure
de suivi unique concernant la préparation de rapports au cours des
trois dernières années de sa mise en œuvre.
145. Si toutes les autres commissions de l’Assemblée n’ont peut-être
pas de difficulté à respecter une échéance stricte, il convient
de souligner que la procédure de suivi pour la préparation de rapports
est bien plus lourde, si je puis utiliser cette expression.
146. Premièrement, la nomination des rapporteurs est différente
de celle appliquée dans d’autres commissions et implique directement
les groupes politiques qui présentent leurs candidats en fonction
de la répartition convenue entre eux. Malheureusement, il arrive
fréquemment que la nomination par les groupes prenne du retard pour
un certain nombre de raisons et que certains postes ne soient pas
pourvus pendant longtemps. On le voit bien en ce moment, comme je
l’ai décrit dans la section 2.1 du présent rapport. A la date de
sa rédaction, deux postes sont toujours vacants et ce n’est pas
une situation exceptionnelle, loin de là. Inutile de souligner qu’une
telle situation nuit à la préparation d’un rapport mais également
au processus de suivi tout entier.
147. La commission de suivi est la seule commission à désigner
deux co-rapporteurs pour chaque rapport. Certes, cela se justifie
par la nécessité d’assurer un équilibre politique et dans un souci
d’impartialité, toutefois, cette condition peut entraîner des retards
– parfois considérables – dans la préparation de rapports car des engagements
internes ou des élections dans les pays respectifs des co-rapporteurs
empêchent des activités conjointes telles que des visites pendant
des laps de temps très longs. De plus, la démission d’un des co-rapporteurs,
par exemple en cas de non-réélection, peut considérablement impacter
la préparation de rapports.
148. Deuxièmement, la procédure de suivi pour la préparation des
rapports prévoit plusieurs étapes que ne connaissent pas d’autres
commissions. Un projet de rapport approuvé par la commission est
transmis aux autorités du pays concerné pour commentaires; les autorités
ont six semaines pour les communiquer et ce n’est qu’après examen
des commentaires que la commission peut approuver une version finale
du rapport et adopter un projet de résolution. L’ensemble du processus
prend bien plus de temps que les procédures appliquées dans d’autres
commissions.
149. Troisièmement, et c’est là le plus important, le dialogue
politique indispensable et crucial pour progresser dans le cadre
de la procédure de suivi ne peut être mené que lorsqu’il y a des
interlocuteurs fiables dans le pays concerné.
150. Enfin, point non négligeable, n’oublions pas que les règles
introduisant des rapports de suivi périodique dans leur nouveau
format ont imposé une nouvelle charge de travail considérable au
secrétariat de la commission qui n’a pas vu ses équipes renforcées.
Il y a des limites au nombre de missions ou d’auditions qui peuvent
être organisées dans un laps de temps limité par un nombre limité
d’agents et nous devrions demeurer réalistes.
151. Dans ce contexte global, les restrictions qu’on espère temporaires
aux déplacements liées à la pandémie apportent un autre argument
en faveur de la prorogation de la validité des saisines pour les
rapports de suivi périodique renvoyés à la commission de suivi.
152. Comme l’a montré notre expérience de ces trois dernières années,
il est difficile, et souvent impossible, de préparer un rapport
de suivi périodique sur deux ans, ce qui est très court, tout en
respectant tous les critères ci-dessus. La commission a été dans
l’obligation de demander la prolongation de la durée de validité de
la saisine pour la Hongrie et la Roumanie, du fait de diverses raisons
hors du champ de ses responsabilités. Le Bureau l’a suivie dans
son raisonnement et prorogé la saisine. Cependant, il est plus que
probable que les mêmes difficultés se présenteront durant la préparation
des prochains rapports de suivi périodique.
153. C’est pourquoi je propose de modifier les règles pertinentes
en vue de faire passer le délai d’une saisine pour rapport de suivi
périodique de trois, voire quatre ans.
154. J’aimerais également revenir sur la question de la nomination
des rapporteurs. L’activité de rapporteur pour le suivi prend beaucoup
de temps et demande une disponibilité de tous les instants – avec
la flexibilité que cela entraîne – des rapporteurs pour un pays,
que ce dernier soit soumis à une procédure complète de suivi ou
à un examen périodique. Malheureusement, comme au cours des années
précédentes, la disponibilité de candidats appropriés pour occuper
des fonctions vacantes de rapporteurs, puis leur disponibilité afin
de s’acquitter des missions exigeantes qui sont les leurs, se sont
révélées des problèmes préoccupants pour la commission. À cela il
convient d’ajouter la rotation relativement élevée des rapporteurs
durant la période concernée, en plus des limitations entraînées
par la pandémie de covid-19, le tout ayant causé des retards dans
la préparation d’un certain nombre de rapports.
155. Comme je l’indiquais plus haut, au fil du temps la question
de la disponibilité de rapporteurs s’est posée de plus en plus au
vu de l’augmentation du nombre de rapports entraînée par le renforcement
de la procédure concernant l’examen périodique du respect par tous
les États membres des obligations qu’ils ont souscrites lors de
leur adhésion. Du fait de cette situation, il y a actuellement 39
postes de rapporteur à la commission. Dans le même temps, il convient
de souligner que l’augmentation du nombre de rapporteurs permet
une meilleure rotation de ces fonctions entre les groupes politiques,
un souhait que les membres de la commission expriment de longue
date. A cet égard, il convient de tenir compte du fait que le recours
plus fréquent à la rotation des fonctions de rapporteurs entre les
groupes politiques pourrait contribuer à pallier en partie la pénurie
de rapporteurs pour occuper des fonctions non pourvues.
156. Pour toutes les raisons que je viens de mentionner dans cette
partie de mon rapport, il sera important de traiter la question
de la disponibilité de rapporteurs de manière systémique autant
que systématique. Je ferai quelques propositions soumises à examen
par la commission en vue de guider une discussion approfondie de
cette question au sein de la commission. Cependant, le rôle des
groupes politiques pour apporter des solutions doit être souligné
et ils devraient être invités à faire de la disponibilité pour l’occupation de
fonctions de rapporteur un critère clé lors de la sélection de leurs
représentants pour la commission.
157. En lien avec le point précédent, je voudrais aussi soulever
la question de la représentativité hommes-femmes. Actuellement,
8 des 39 rapporteurs sont des femmes et 20 des 82 membres de la
commission sont des femmes
.
Ces chiffres montrent clairement qu’il est nécessaire d’assurer
une représentation par sexe plus équilibrée dans les nominations
par les groupes politiques, tant pour leurs représentants au sein
de la commission que pour ce qui est d’occuper des fonctions de
rapporteur.
|
COMPOSITION
|
RAPPORTEURS
|
RAPPORTS
DE SUIVI COMPLET
|
RAPPORTS DIALOGUE POSTSUIVI
|
RAPPORTS EXAMEN PERIODIQUE
|
Hommes
|
Femmes
|
Hommes
|
Femmes
|
Hommes
|
Femmes
|
Hommes
|
Femmes
|
Hommes
|
Femmes
|
PPE/DC
|
16
|
9
|
8
|
4
|
3
|
3
|
3
|
0
|
2
|
1
|
SOC
|
17
|
7
|
10
|
3
|
7
|
1
|
1
|
1
|
2
|
1
|
ADLE
|
10
|
4
|
6
|
1
|
2
|
0
|
1
|
0
|
3
|
1
|
CE/AD
|
13
|
0
|
4
|
0
|
4
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
GUE
|
6
|
0
|
3
|
0
|
1
|
0
|
0
|
0
|
2
|
0
|
TOTAL
|
62
|
20
|
31
|
8
|
17
|
4
|
5
|
1
|
9
|
3
|
158. Il a été suggéré de réduire
le nombre global de postes de rapporteurs en ne nommant qu’un seul rapporteur
pour les rapports d’examen périodique. Après mûre réflexion, j’ai
rejeté cette suggestion. Le principe de nommer deux rapporteurs
de deux groupes politiques différents a été la clé de voûte qui
a permis d’assurer l’impartialité et l’objectivité des rapports
de suivi, qui conditionnent leur acceptation par les pays concernés.
De plus, cela irait à l’encontre des efforts de la commission pour
harmoniser les procédures de suivi et d’examen périodique.
159. A plusieurs occasions, la commission a été placée dans la
situation de devoir remplacer des rapporteurs actifs et engagés
pour un pays donné soumis à la procédure de suivi complète ou à
un dialogue post-suivi simplement du fait que le mandat quinquennal
du rapporteur était arrivé à son terme. Dans le même temps, il serait
souhaitable que la commission ait plus de possibilités de remplacer
des rapporteurs qui structurellement n’ont pas le temps de s’acquitter
de leurs missions de rapporteur. La question de la durée du mandat
pour des rapporteurs chargés de pays soumis à la procédure de suivi
complète ou engagés dans un dialogue post-suivi devrait être réexaminée
et il s’agirait de réfléchir à la possibilité de désigner des rapporteurs
pour des mandats multiples, mais d’une durée plus courte. Au lieu
d’un seul mandat de cinq ans, on pourrait envisager la possibilité
de mandats de 3 ans [ou de deux mandats de 4 ans]. Cela permettrait
à la fois de mettre fin à un mandat et de conserver des rapporteurs
disponibles et dont le travail donne satisfaction pour un pays donné, outre
que cela permettrait de réduire la période de latence pendant laquelle
un membre ne peut être désigné pour un pays dont il a assuré le
suivi.