Rapport | Doc. 15535 | 23 mai 2022
Le rôle des partis politiques dans la promotion de la diversité et de l’inclusion: une nouvelle Charte pour une société non raciste
Commission sur l'égalité et la non-discrimination
Résumé
Le racisme est répandu et profondément enraciné en Europe pour des raisons culturelles et historiques. Les discours haineux sont fréquents et imprègnent la communication publique, y compris le discours politique, notamment en ligne.
Les partis politiques sont les mieux placés pour contribuer à la lutte contre le racisme et l'intolérance, et pour favoriser une société inclusive. Ils contribuent largement à façonner le discours politique, ils sont les principaux gardiens des organes élus et ils jouissent d'une large autonomie dans la réglementation de leur fonctionnement interne.
La Charte des partis politiques européens pour une société non raciste et inclusive est issue de la révision de la précédente Charte qui a été élaborée en 1998 et repose sur le pouvoir d’autorégulation des partis politiques. Elle prend en compte l'évolution du paysage social et politique européen, l'émergence des nouvelles technologies de communication et la montée du racisme et de l'intolérance. Les partis politiques signataires de la Charte s'engagent à défendre les droits humains fondamentaux et les principes démocratiques et à rejeter toute forme de racisme et d'intolérance, et le discours de haine. Les signataires doivent exiger de leurs membres qu'ils se conforment à ces principes. Pour que la Charte ait un impact, le contrôle de son application est crucial. Les organisations de la société civile, les médias et les électrices et électeurs dans leur ensemble ont un rôle à jouer dans la responsabilisation des partis politiques.
A. Projet de résolution
(open)B. Exposé des motifs par M. Momodou Malcolm Jallow, rapporteur
(open)1. Introduction
2. Portée et nature de la Charte révisée
3. Révision de la Charte: contributions et critères
4. Conclusions
Annexe - Charte des partis politiques européens pour une société non raciste et inclusive
(open)CHARTE DES PARTIS POLITIQUES EUROPÉENS POUR UNE SOCIÉTÉ NON RACISTE ET INCLUSIVE
NOUS, LES PARTIS POLITIQUES DÉMOCRATIQUES D'EUROPE
Considérant les instruments internationaux des droits de l'homme signés et ratifiés par nos États membres, en particulier la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale;
Considérant l'article 1 de cette Convention qui définit la discrimination raciale comme «... toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique...»;
Considérant la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment son article 14 qui interdit la discrimination en ce qui concerne les droits prévus par la Convention;
Considérant le Protocole n° 12 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui introduit une interdiction générale de la discrimination qui s'applique à la jouissance de tout droit prévu par la loi;
Considérant la Charte sociale européenne révisée, en particulier son article 19, paragraphe 1, selon lequel les Parties s'engagent notamment à prendre toutes les mesures appropriées, dans la mesure où la législation nationale le permet, contre la propagande trompeuse en matière d'émigration et d'immigration, et son article E (non-discrimination);
Considérant le Traité d'Amsterdam qui permet à la Communauté européenne de «... prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur... la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions...» et facilite la coopération policière et judiciaire dans le cadre des États membres pour prévenir et combattre le racisme et la xénophobie;
Considérant la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui, dans son article 21, «interdit toute discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou toute autre croyance, les opinions politiques, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle;»
Considérant les textes pertinents adoptés par la Commission pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), notamment le Code de bonne conduite dans le domaine des partis politiques et les Lignes directrices sur la réglementation des partis politiques, qui intègrent l'égalité et la non-discrimination parmi les principes pour lesquels les partis politiques devraient lutter;
Tenant compte des recommandations de politique générale adoptées par la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), en particulier celles sur la lutte contre le discours de haine, le racisme et la discrimination anti-musulman·e·s et l'antisémitisme;
Tenant compte des textes pertinents adoptés par le Parlement européen et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, notamment ceux relatifs à la lutte contre les discours de haine, l'afrophobie ou le racisme anti-Noir·e·s, l'antitsiganisme, l'antisémitisme, l'islamophobie ou le racisme anti-musulman·e·s et toutes autres formes d'intolérance;
Reconnaissant que les droits fondamentaux tels qu'ils sont consacrés par les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme signés et ratifiés par les États membres et les autres normes pertinentes comprennent le droit à un discours et à un débat politiques libres et sans entrave;
Soucieux du fait que, selon ces mêmes instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, les libertés politiques ne sont pas absolues compte tenu du droit tout aussi fondamental d'être protégé contre la discrimination raciale et que, par conséquent, on ne peut permettre que les libertés politiques soient utilisées abusivement pour exploiter, provoquer ou susciter des préjugés fondés sur la race, la couleur, l'origine ethnique ou la nationalité, ou dans le but de chercher à s'attirer la sympathie de l'électorat pour des préjugés fondés sur ces motifs;
Rappelant que l'Europe tire de son histoire un devoir de mémoire, de vigilance et d'opposition à toutes les formes de racisme et d'intolérance, y compris l'afrophobie / racisme anti-Noir·e·s, l'antitsiganisme, l'antisémitisme, l'islamophobie / racisme antimusulman·e·s, la LGBTI-phobie, le sexisme, la xénophobie, ainsi que les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité ou les crimes de guerre et la négation, la banalisation, la justification ou l'apologie publiques de ces crimes;
Profondément préoccupés par la résurgence d'une rhétorique présentant les personnes migrantes et réfugiées comme une menace et un fardeau pour la société, ce qui accroît les réactions négatives du public à l'égard de l'immigration et des immigré·e·s;
Profondément préoccupés par l'augmentation des crimes de haine dans les États membres du Conseil de l'Europe et par la propagation du discours de haine, y compris dans le discours politique, notamment en ligne et en particulier par le biais des médias sociaux;
Conscients des tâches et responsabilités particulières des partis politiques en tant qu'acteurs d'un processus politique démocratique, en défendant, en exprimant et en témoignant des principes fondamentaux d'une société démocratique; en offrant une plate-forme de discussion sur des questions où il peut y avoir des divergences d'opinion, en intégrant des points de vue différents dans le processus de prise de décision politique, permettant ainsi à la société de résoudre les conflits d'intérêts et d'opinion entre divers groupes sociaux par le dialogue plutôt que par l'exclusion et le conflit; et en sélectionnant des représentant·e·s à divers niveaux pour une participation active au processus politique;
Convaincus que le libre exercice des droits politiques peut et doit aller de pair avec la défense ferme du principe de non-discrimination et est inhérent au processus démocratique lui-même;
Convaincus en outre que la représentation des groupes minoritaires dans le processus politique fait partie intégrante du processus démocratique, puisque les partis politiques sont, ou devraient s'efforcer d'être, le reflet de la société;
ADHÉRONS AUX PRINCIPES DE BONNE PRATIQUE SUIVANTS ET NOUS ENGAGEONS À:
- Défendre les droits humains et les principes démocratiques fondamentaux et rejeter toutes les formes de racisme et d'intolérance, les discours de haine, l'incitation à la haine raciale et le harcèlement;
- Prendre position de manière ouverte, ferme et proactive contre le racisme, la xénophobie, la haine et l'intolérance, quels qu'en soient les motifs et les manifestations;
- Refuser d'afficher, de publier ou de faire publier, de distribuer ou d'approuver de quelque manière que ce soit, dont en ligne, des points de vue et des positions qui préconisent, promeuvent ou incitent, ou dont on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'ils préconisent, promeuvent ou incitent, sous quelque forme que ce soit, le dénigrement, la haine ou la diffamation d'une personne ou d'un groupe de personnes, ainsi que tout harcèlement, insulte, stéréotype négatif, stigmatisation ou menace à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes et la justification de tous les types d'expression précédents, sur la base de la «race», de la couleur, de l'ascendance, de l'origine nationale ou ethnique, de l'âge, du handicap, de la langue, de la religion ou des convictions, du sexe, du genre, de l'identité de genre, de l'orientation sexuelle, de l’origine sociale et d'autres caractéristiques ou statuts personnels, à traiter fermement le discours de haine et tout sentiment ou comportement haineux dans nos propres rangs et à s'engager dans des contre-discours et des discours alternatifs;
- Traiter de manière responsable et équitable les sujets sensibles relatifs à ces groupes; éviter les stéréotypes négatifs et la stigmatisation;
- S'abstenir de toute forme d'alliance ou de coopération politique à tous les niveaux avec tout parti politique qui incite aux préjugés raciaux ou ethniques et à la haine raciale;
- S'efforcer d'obtenir une représentation équitable des groupes susmentionnés à tous les niveaux de nos partis politiques, avec une responsabilité particulière pour la direction du parti de stimuler et de soutenir le recrutement de candidat·e·s issu·e·s de ces groupes pour des fonctions politiques ainsi que pour l'adhésion,
Et nous nous engageons en outre à prendre les mesures appropriées pour garantir que toutes les personnes qui travaillent ou s'associent de quelque manière que ce soit à l'une de nos activités, y compris les campagnes électorales, soient conscientes des principes susmentionnés et agissent à tout moment en conformité avec ceux-ci.
RESPONSABILITÉ
Afin d'assurer que ces principes soient respectés par les membres du parti de manière à avoir l'impact positif qu'ils sont censés avoir, nous nous engageons à appliquer des sanctions en cas de non-respect, sur la base des règles suivantes:
- Les sanctions disciplinaires s'appliqueront aux membres des partis politiques dont les paroles ou les actions, en ligne ou autrement, enfreignent les principes susmentionnés, sapant ainsi la contribution de leur parti à la création d'une société ouverte, inclusive et non raciste;
- Les sanctions doivent être proportionnelles à la gravité de l'infraction commise; elles peuvent être financières ou autres et peuvent inclure l'exclusion temporaire des fonctions internes, l'exclusion des listes électorales et l'expulsion du parti.
ÉLIGIBILITÉ À L'ADHÉSION ET DÉFINITION DU PARTI POLITIQUE
Tous les partis politiques démocratiques sont encouragés à signer la présente Charte et à se conformer à ses engagements. Dans ce contexte, sur la base de la définition fournie par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans ses Lignes directrices sur la réglementation des partis politiques, un parti politique est «une association libre d'individus dont l'un des buts est d'exprimer la volonté politique du peuple en cherchant à participer à la direction de la vie publique d'un pays et à l'influencer, notamment par la présentation de candidats aux élections», qu'il se désigne lui-même comme un parti, un mouvement ou autre.