1. Introduction
1. Le 20 mai 2019, la commission
des questions sociales, de la santé et du développement durable
a déposé la proposition de résolution «Méfiance à l’égard des vaccins:
un enjeu majeur de santé publique»
. Dans le monde entier, les taux de
vaccination sont en baisse en raison, dans une large mesure, des
fausses informations diffusées par les mouvements anti-vaccination.
Pour remédier à cette situation, la proposition met en avant l’importance
d’une étroite collaboration entre les États membres du Conseil de
l’Europe pour combattre les réticences aux vaccins au moyen d’actions
de sensibilisation et de mesures éducatives à l’intention du grand
public. La proposition a été renvoyée à notre commission pour rapport,
et M. Igor Kagramanyan (Fédération de Russie, NI) a été nommé rapporteur
le 13 septembre 2019. À la suite du départ de M. Kagramanyan de
l’Assemblée parlementaire, M. Vladimir Kruglyi (Fédération de Russie,
NI) a été nommé rapporteur le 22 septembre 2020. M. Kruglyi a cessé
d’être membre de l’Assemblée par suite de l’exclusion de la Fédération
de Russie du Conseil de l’Europe et j’ai en conséquence été nommée
rapporteure le 17 mars 2022.
2. Le 9 février 2021, la sous-commission de la santé publique
et du développement durable de la commission des questions sociales,
de la santé et du développement durable a tenu une audition sur
le thème «Vaincre les réticences à l’égard du vaccin: stratégies
à l’intention des parlements et des parlementaires» avec les spécialistes
suivants: Mme Lisa Menning, Responsable
d’équipe (par intérim), Sciences de la demande et du comportement,
Département Vaccination, vaccins et produits biologiques, Organisation
mondiale de la santé (OMS), Mme Dolores
Utrilla, Professeure associée en droit public, Université de Castille-La
Manche, Espagne et Rédactrice adjointe à EU Law Live, M. Neil Datta,
Secrétaire du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels
et reproductifs, Mme Janne Bigaard, Kræftens
Bekæmpelse (Fondation danoise contre le cancer), M. Robert Kanwagi,
Coordinateur du programme World Vision pour le déploiement, l’acceptation
et la conformité du vaccin contre Ebola et Représentant des organisations
de la société civile dans le groupe de travail COVAX (Covid-19 Vaccines Global Access)
Demand, et Mme Laurence Lwoff, Cheffe
de l’Unité de la Bioéthique du Conseil de L’Europe.
3. Dans le cadre de l’élaboration du présent rapport, M. Kruglyi
a effectué une visite d’information au siège de l’OMS à Genève,
en Suisse, le 20 juillet 2021. Il y a rencontré des experts, Mme Lisa
Menning, M. Tim Nguyen et Mme Aleksandra
Kuzmanovic, afin de réfléchir aux moyens d’accroître l’utilisation
des vaccins et de surmonter l’hésitation à se faire vacciner. Au
cours de sa visite d’information à Genève, M. Kruglyi et un représentant
du secrétariat ont également eu le plaisir de rencontrer M. Gaudenz
Silberschmidt, directeur de la Santé et des Partenariats multilatéraux,
pour discuter de la collaboration future entre l’OMS et l’Assemblée. Le
6 mai 2022, j’ai eu des réunions en ligne avec des experts du Bureau
de l’OMS Europe, M. Siddhartha Datta, Mme Siff
Malou Nielsen et M. Brett Craig, pour en savoir plus sur le programme
de vaccination sur mesure. J’ai beaucoup apprécié les contributions
des experts techniques, que j’ai intégrées dans le présent rapport.
Je suis particulièrement reconnaissante de l’aide que l’OMS nous
a apportée jusqu’à présent, et je suis convaincue que la visite
à Genève et nos travaux sur ce rapport ne représentent que la première
étape d’une collaboration plus étendue entre nos deux organisations.
4. À l’été 2020, le secrétariat de la commission a lancé, par
l’intermédiaire du Centre européen de recherches et de documentation
parlementaires (CERDP), une enquête sur la méfiance à l’égard de
la vaccination, à laquelle il avait reçu, fin novembre 2020, 37 réponses
des parlements des États membres suivants: Albanie, Allemagne, Andorre,
Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie,
Finlande, France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Lettonie,
Lituanie, République de Moldova, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal,
République tchèque, Roumanie, Fédération de Russie, Saint-Marin,
Slovénie, République slovaque, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Turquie.
Je tiens à les remercier de leur collaboration sur cet important
sujet.
5. La question de la vaccination a fait l’objet d’une très forte
attention en raison de la pandémie de covid-19, ce qui démontre
que notre sécurité sanitaire mondiale doit être améliorée. Au vu
des faits récemment survenus et à l’issue de discussions avec l’OMS,
je propose de modifier le titre du rapport comme suit: «Lutter contre
les maladies évitables par la vaccination par le biais de services
de qualité et par la démystification des discours antivaccin». La
couverture vaccinale non optimale est un problème complexe, qui
ne saurait s’expliquer uniquement par la méfiance à l’égard des
vaccins. La confiance dans les vaccins et leur acceptation sont
influencées par une série de facteurs, notamment la facilité à se
faire vacciner et la commodité de cet acte, ainsi que par d’autres
facteurs sociaux, économiques et culturels. J’espère que le présent
rapport constituera une étape utile pour remédier à l’acceptation
insuffisante de la vaccination et garantir des taux de vaccination
plus élevés en Europe et dans le monde.
2. L’histoire des vaccins et leur fonctionnement
6. La vaccination est un acte
médical banal. Elle demeure à ce jour la méthode la plus sûre et
la plus efficace pour se protéger de nombreuses maladies infectieuses
et permet, selon l’OMS, d’éviter entre 2 et 3 millions de décès
par an
. Une amélioration de la couverture
vaccinale mondiale permettrait de sauver, selon les estimations,
1,5 million de vies supplémentaires
.
7. La grande épopée des vaccins coïncide avec la longue histoire
des maladies infectieuses chez les humains. Ainsi, il est établi
que l’inoculation contre la variole était déjà pratiquée en Inde
et en Chine il y a plus de 2 000 ans. C’est en 1796 que le premier
concept moderne de vaccination tel que nous le connaissons aujourd’hui
était élaboré par Edward Jenner, avec la découverte d’un moyen de
protection contre la variole chez l’humain à partir de matériels
biologiques issus de pustules de variole de la vache. L’invention
de Jenner se répandit très largement dans les pratiques, et sa méthode
de vaccination connut de nombreux changements d’ordre médical et
technologique au cours des deux siècles qui suivent
. C’est à Louis Pasteur que l’on doit
le principe scientifique moderne de la vaccination, avec l’invention
d’une méthode permettant de prévenir les maladies infectieuses par
l’introduction dans le corps d’agents pathogènes atténués. Cette
méthode, qui fut une avancée décisive de la médecine, a inauguré
une nouvelle ère de la vaccination et a permis de juguler des épidémies
mortelles partout dans le monde.
8. Dès 1900, la communauté scientifique mondiale avait développé
cinq vaccins à usage humain: deux vaccins antiviraux; l’un contre
la variole; l’autre contre la rage, et trois vaccins antibactériens,
contre la typhoïde, le choléra et la peste. Au cours du XXème siècle,
d’autres vaccins furent mis au point contre des infections alors
le plus souvent mortelles, notamment la coqueluche, la diphtérie,
le tétanos, la poliomyélite, la rougeole et la rubéole, ainsi que
d’autres maladies transmissibles. L’offre des vaccins s’étoffant progressivement,
les pays à revenu élevé ont commencé à recommander la vaccination
systématique des enfants.
9. D’après un rapport conjoint de l’UNICEF, de l’OMS, du Gavi
– l’Alliance du vaccin – et des Centres pour le contrôle et la prévention
des maladies, le vaccin contre la rougeole a permis, à lui seul,
d’épargner quelque 20,3 millions de vies entre 2000 et 2015
. Les vaccins contre dix grandes maladies
auraient en outre permis de sauver plus de 37 millions de vies depuis
l’an 2000, dans près d’une centaine de pays à revenu faible ou intermédiaire.
Selon cette étude, qui a été publiée dans
The
Lancet, ces chiffres pourraient doubler d’ici à 2030. Il
ne fait donc aucun doute que la vaccination est un investissement
absolument essentiel pour la santé mondiale.
10. Les vaccins préparent le système immunitaire, c’est-à-dire
les défenses naturelles de l’organisme, à reconnaître une maladie
donnée et à se défendre contre elle. Ils contiennent souvent des
éléments affaiblis ou inactifs d’une toxine ou d’un micro-organisme
particulier (antigène) qui déclenchent une réponse immunitaire dans
le corps. Les vaccins les plus récents contiennent le schéma permettant
de produire l’antigène plutôt que l’antigène lui-même
. Le vaccin incitera le système immunitaire
à réagir comme il l’aurait fait lors de sa première réponse à l’agent
pathogène proprement dit. La vaccination est donc un moyen sûr et
astucieux de nous empêcher de tomber malades, plutôt que devoir
traiter la maladie une fois celle-ci déclarée.
11. La vaccination d’un nombre suffisant de personnes permet d’obtenir
ce que l’on appelle une «immunité collective»
. Cela signifie que les vaccins protègent
non seulement les personnes vaccinées, mais aussi celles qui ne
peuvent l’être en raison de leur âge, de leur état de santé (immunodéficiences,
allergies, etc.) ou d’autres facteurs. Les personnes vaccinées agissent
comme un «bouclier» entre les personnes contaminées et celles qui
sont vulnérables. Chaque vaccination est donc individuellement bénéfique
à la société dans son ensemble. Le pourcentage des individus devant
être vaccinés pour atteindre l’immunité collective varie selon les
maladies et la contagiosité du virus. Ainsi, à titre d’exemple,
pour obtenir l’immunité collective contre la grippe, il faut vacciner
75 % de la population contre cette maladie infectieuse ; pour la
rougeole ce chiffre est de 95 %.
12. Les taux insuffisants de couverture vaccinale représentent
une menace pour la santé publique. En effet, ils exposent la société
à une vulnérabilité accrue, tant à l’égard des nouvelles maladies
(par exemple, les pays n’ayant pas mis en place une politique universelle
de vaccination BCG pourraient être plus gravement touchés par la
covid-19 que ceux qui en bénéficient de longue date
), qu’à l’égard des maladies auparavant
sous contrôle, mais qui pourraient resurgir en raison d’une réduction
de la couverture vaccinale. En 2018, notre continent a connu une
recrudescence spectaculaire des cas de rougeole, le nombre de cas
étant cette année-là le plus élevé de toute la décennie, et ce en
raison de la baisse des taux de vaccination
.
3. Réticence aux vaccins
13. Conformément à la définition
qu’en donne l’OMS, on entend par réticence aux vaccins le retard
dans l’acceptation des vaccins ou le refus de ceux-ci malgré la
disponibilité de services de vaccination. La réticence est souvent
spécifique au contexte et est alimentée par la façon dont les gens
pensent et perçoivent les vaccins, les maladies évitables par la
vaccination, les questions de sécurité, les autres préoccupations
liées aux programmes, les influences sociales et le militantisme
anti-vaccination. Dans certains contextes, on considère que la réticence
est la cause du manque d’adhésion, mais une étude plus approfondie
révèle souvent l’importance relative d’autres facteurs tels que
l’accessibilité, la disponibilité et la qualité des services
. Alors que les scientifiques
et les médecins ont consacré la majeure partie du XXème siècle
à mettre au point des moyens fiables de combattre certaines maladies
au moyen de la vaccination et que les services compétents sont désormais
plus facilement accessibles, le nombre de personnes qui se font
vacciner est actuellement en baisse.
14. Aujourd’hui, la couverture vaccinale non optimale est l’un
des enjeux majeurs de santé publique, comme en témoignent la résurgence
de maladies contre lesquelles il existe un vaccin ainsi que la nécessité
d’atteindre des taux de vaccination élevés pour stopper la pandémie
de covid-19. L’OMS a placé la réticence aux vaccins sur la liste
des dix principales menaces pour la santé mondiale en 2019.
15. Les premiers opposants aux vaccins sont apparus en même temps
que les vaccins eux-mêmes, il y a plus de 200 ans. D’une façon générale,
les arguments avancés par les partisans de la vaccination et par
ses opposants sont les mêmes qu’aujourd’hui: les premiers mettaient
en avant la diminution importante de l’incidence des maladies, les
seconds les possibles effets indésirables des vaccins et leur opposition
à une intervention de l’État dans la sphère privée.
16. En 1998, The Lancet a
publié une étude d’un ancien médecin britannique, Andrew Wakefield,
sur l’autisme, dans laquelle l’auteur affirmait, à tort, qu’il y
avait un lien entre le vaccin ROR (rougeole, oreillons, rubéole)
et l’autisme et la colite chez l’enfant. Cette étude a plus tard
été totalement discréditée et The Lancet l’a
officiellement désavouée en 2010. Quelques mois plus tard, Wakefield
a été radié de l’Ordre des médecins britanniques (General Medical Council), lequel
a publié un communiqué précisant que «les enfants, que Wakefield
étudiait, étaient soigneusement choisis et que certains de ses travaux
de recherche étaient financés par des avocats représentant des parents
qui étaient parties prenantes dans des actions en justice engagées à
l’encontre de fabricants de vaccins.» De plus, des rapports faisaient
état d’un autre conflit d’intérêts caractérisé mettant en cause
Wakefield, en l’occurrence la détention d’un brevet sur un vaccin
unique contre la rougeole.
17. Nous savons aujourd’hui qu’il n’existe pas de lien entre les
vaccins et l’autisme ou les troubles autistiques. Démonstration
en a été faite dans de nombreuses études menées à travers le monde
sur de vastes populations. S’il est avéré que l’étude de Wakefield
était frauduleuse et entachée de graves erreurs, sa publication
a malheureusement provoqué une baisse des taux de vaccination dans
certains pays et partant, des flambées épidémiques des trois maladies
contre lesquelles le vaccin ROR protège de façon sûre et efficace.
Les vaccins les plus fréquemment refusés dans nos États membres
sont le vaccin ROR (en Azerbaïdjan, à Chypre, en Pologne, à Saint-Marin,
en République slovaque et en Turquie), le vaccin contre les papillomavirus
humains (Danemark, Estonie, Irlande, Islande et Lettonie), le rotavirus
(Estonie et Finlande), ou d’autres vaccins contre la grippe, selon
les réponses reçues par le biais du questionnaire du CERDP.
18. Les réponses reçues par le biais du questionnaire révèlent
en outre que la plupart des personnes qui refusent la vaccination,
que ce soit pour elles-mêmes ou pour leurs enfants, se situent dans
la classe d’âge des 25-40 ans. Dans d’autres pays, comme la Finlande,
la Lettonie ou la République slovaque, les personnes non vaccinées
sont généralement de jeunes enfants dont les parents sont sceptiques
à l’égard des vaccins. Une enquête sur l’état des lieux de la confiance
dans les vaccins à l’échelle mondiale a révélé que la région Europe
affiche un pourcentage plus élevé que la moyenne d’opinions négatives
concernant l’importance, l’innocuité et l’efficacité des vaccins
. En fait, 7 des 10 pays où
le scepticisme sur l’innocuité des vaccins est le plus répandu se
trouvent sur le continent européen. Par ailleurs, la réticence aux
vaccins semble toucher davantage les jeunes générations, les générations
plus âgées ayant généralement plus confiance dans les vaccins, car
elles ont été témoins d’épidémies de maladies contagieuses et de
leur éradication grâce à la vaccination.
19. Cette même étude souligne que les problèmes liés à la compatibilité
religieuse sont moins présents en Europe que dans certaines autres
régions. Les Européens paraissent plus soucieux de l’innocuité des
vaccins que des risques de contracter des maladies infectieuses.
Il reste à voir quels seront les effets à long terme de la pandémie
actuelle de covid-19 sur ces opinions.
20. Dans l’ensemble, les pays d’Europe occidentale et septentrionale
expriment plutôt moins d’inquiétudes à l’égard de la sécurité des
vaccins que les pays d’Europe méridionale et orientale, la France
et l’Italie affichant le plus grand scepticisme envers les vaccins.
La confiance accordée aux autorités sanitaires semble jouer un rôle
essentiel en termes d’augmentation des taux de vaccination
.
Ainsi, des événements antérieurs négatifs dans le secteur de la
santé peuvent contribuer à la méfiance à l’égard des vaccins
.
4. Les avantages sociaux et économiques
de la vaccination
21. Pour réaliser les Objectifs
de développement durable des Nations Unies (ODD), un meilleur accès
à la vaccination est incontournable. La vaccination permet de réduire
les coûts de santé et la perte de productivité des patients et des
personnes qui s’occupent d’eux. Non seulement elle prévient les
maladies et les décès liés aux pathologies infectieuses, mais elle
contribue aussi à un plus grand développement socio-économique ;
elle peut, en empêchant un enfant de tomber malade par exemple,
contribuer à l’amélioration de ses capacités cognitives, de sa force
physique et de ses résultats scolaires, d’où une productivité accrue
sur le long terme. De plus, en contribuant à renforcer la sécurité
financière et à réduire les risques, la prévention des maladies par
la vaccination peut conduire à une hausse des investissements et
à une plus grande stabilité politique et économique
.
22. Il a été prouvé que les personnes issues de milieux socio-économiques
défavorisés sont touchées de façon disproportionnée par les maladies
contre lesquelles il existe un vaccin. La vaccination peut faire
reculer cette injustice. Un recours équitable à la vaccination est
donc nécessaire pour que les populations mal desservies et marginalisées
bénéficient des services de vaccination au même titre que le reste
de la population.
23. L’équité en santé signifie que chaque individu doit pouvoir
atteindre son meilleur état de santé possible, indépendamment de
sa situation sociale ou d’autres circonstances socialement déterminées.
Les politiques qui permettent une utilisation importante et équitable
de la vaccination procurent des avantages sanitaires, sociaux, politiques
et économiques plus élevés. De plus, la vaccination peut améliorer
la couverture d’autres interventions de santé et réduire la pauvreté.
24. Une étude menée en 2016 par l’Université Johns Hopkins
conclut que pour chaque dollar investi
dans la vaccination dans les 94 pays ayant les plus bas revenus
dans le monde, 16 $US pouvaient être économisés en coûts de santé,
en pertes de salaire et en pertes de productivité due à la maladie
ou au décès. De plus, si l’on tient compte, plus largement, d’autres
paramètres comme la valeur que les individus placent dans une vie en
meilleure santé et une vie plus longue ou le poids de l’invalidité
à long terme, le rendement net passe à 44 $US pour un dollar investi,
ce qui porte le bénéfice économique global pour la période 2011-2020
à plus de 1 500 milliards de dollars.
25. Plusieurs organisations internationales ont été fondées et
d’autres initiatives ont été prises pour assurer une répartition
équitable des vaccins afin de protéger le monde contre les maladies
infectieuses. Citons notamment la création du Gavi, l’Alliance du
vaccin, en 2000, de la Coalition pour les innovations en matière de
préparation aux épidémies, en 2017, ainsi que plusieurs plans d’action,
résolutions et programmes de vaccination. La coopération mondiale
de ces organismes avec l’OMS et l’UNICEF a joué un rôle essentiel
dans l’élaboration d’une solution rapide et équitable pour la mise
au point de vaccins et leur distribution lorsque la pandémie de
covid-19 a frappé le monde.
26. Le Programme pour la vaccination à l’horizon 2030 de l’OMS
pour la vaccination à l’horizon 2030 a pour objet de relever les
défis liés aux vaccins dans les dix prochaines années. La stratégie
adoptée pour ce programme est d’étendre à tous et partout les avantages
procurés par les vaccins. Elle se fonde sur quatre grands principes:
elle place les personnes au centre du processus, elle est conduite
par les pays, elle est mise en œuvre via des partenariats et elle
est guidée par les données. La pandémie de covid-19 a révélé que
notre sécurité sanitaire mondiale dépend de notre maillon le plus
faible ; il est donc dans notre intérêt à tous de parvenir à un
taux de vaccination élevé et équitable sur l’ensemble du globe.
5. Obtenir des taux de vaccination plus
élevés
5.1. Le droit à la santé et les considérations
éthiques et juridiques relatives aux vaccinations obligatoires
27. Le droit à la santé est un
élément fondamental des droits humains et de notre conception de
la dignité humaine. L’article 12 du Pacte international relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels reconnaît à toute personne
le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale
qu’elle soit capable d’atteindre (12.1). En outre, il incombe aux
États de prendre les mesures nécessaires pour assurer le plein exercice
de ce droit par la prévention, le traitement et la lutte contre
les maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres
(12.2c). Le droit à la santé est également consacré par l’article 11
de la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163).
Il s’ensuit qu’il incombe aux États d’assurer la santé publique
et une couverture vaccinale élevée.
28. Des interrogations éthiques et juridiques difficiles surgissent
lorsqu’on aborde la question de la réticence aux vaccins et de la
couverture vaccinale non optimale. Il existe une série de mesures
initiales qui peuvent être prises pour comprendre pleinement les
raisons exactes du peu de confiance dans les vaccins et de leur
faible acceptation, puis pour concevoir et évaluer les stratégies
correspondantes. Les interventions peuvent prendre la forme de communications
mieux adaptées, d’activités de participation communautaire et d’une
amélioration de la qualité des services, afin de répondre de manière
plus adéquate aux besoins de populations spécifiques. Les États
membres doivent veiller à ce que les mesures soient démocratiques
et respectueuses des droits humains.
29. Dans certaines circonstances, face à l’échec persistant des
stratégies non coercitives, il peut être nécessaire de prendre des
mesures plus radicales pour faire face à une baisse soudaine de
la vaccination ou à d’autres situations dans lesquelles la santé
publique dépend d’une amélioration urgente de la couverture vaccinale.
Face à la résurgence des maladies évitables par la vaccination et
à la baisse de la couverture vaccinale en Europe, certains États
membres ont imposé des mesures plus strictes, notamment des programmes
de vaccination obligatoire. Dans le cas précis de la covid-19, des
États ont aussi limité l’accès à certains lieux aux personnes vaccinées
ou en possession d’un «pass» sanitaire.
30. Ces mesures ont ravivé le débat autour de la couverture vaccinale
et des droits fondamentaux. Les conséquences juridiques de ces mesures
sont complexes et il n’est pas rare que certains droits et libertés doivent
être examinés et mis en balance les uns par rapport aux autres.
Les articles 8 et 9 de la Convention européenne des droits de l’homme
(STE no 5) consacrent le droit au respect
de la vie privée et familiale et le droit au respect de la liberté
de pensée, de conscience et de religion, respectivement. Les parents
qui ne veulent pas faire vacciner leurs enfants, mais aussi d’autres
opposants à la vaccination soutiennent souvent que la vaccination
obligatoire constitue une atteinte à leurs droits et libertés tels
qu’ils sont énoncés dans ces deux articles.
31. Or ces droits n’ont pas un caractère absolu et ils peuvent
être limités par la loi dans un but légitime et nécessaire dans
une société démocratique. Parmi les motifs d’ingérence dans ces
droits figurent la protection de la santé, individuelle ou publique,
ainsi que la protection des droits et libertés d’autrui. Dans le
cas des parents qui refusent de faire vacciner leurs enfants, le
droit à la santé et la protection des droits et libertés doivent
être reconnus tant à l’endroit de l’enfant qui demeure non vacciné
en raison du refus de ses parents, qu’à l’endroit des autres membres
de la collectivité qui seront amenés à le croiser. Étant donné que
le refus de la vaccination peut avoir de lourdes conséquences et
mettre des vies en danger, l’exercice des droits énoncés aux articles 8
et 9 de la Convention peut être légitimement restreint.
32. En avril 2021, la Grande Chambre de la Cour européenne des
droits de l’homme a rendu un arrêt très attendu dans l’affaire Vavřička et autres c. République tchèque.
Dans cette affaire relative à la vaccination obligatoire des enfants,
des parents, qui, sans raison valable, n’avaient pas rempli l’obligation
légale de faire vacciner leurs enfants contre neuf maladies, s’étaient
vu infliger une amende et refuser l’autorisation d’inscrire leurs
enfants à l’école maternelle. La Cour a précisé qu’en définitive,
la question à trancher n’était pas de savoir si une autre politique,
moins prescriptive, aurait pu être adoptée, comme dans d’autres
États européens. En fait, elle a confirmé que les États jouissent
d’une ample marge d’appréciation dans l’élaboration des politiques vaccinales
et estimé que les autorités tchèques n’avaient pas dépassé cette
marge. Elle a donc conclu que les mesures prises pouvaient être
tenues pour «nécessaires dans une société démocratique».
33. Nonobstant cet arrêt de la Cour, j’invite instamment les États
membres, lorsqu’ils s’interrogent sur la nécessité d’instaurer des
programmes de vaccination obligatoire, à réfléchir plutôt au fait
suivant: les pays qui affichent les taux de vaccination les plus
élevés n’ont pas rendu la vaccination obligatoire. Il semble en
effet que le but légitime de l’obligation vaccinale, à savoir permettre
aux États concernés d’améliorer leur couverture vaccinale et de
protéger ainsi la santé publique, puisse être atteint grâce à des
mesures moins contraignantes.
34. En ce qui concerne l’obligation vaccinale des mineurs, l’intérêt
supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale, ainsi
que le confirme également la Cour, et doit être utilisé comme principe
juridique d’interprétation des autres droits et libertés. Il faut
aussi évaluer le droit à la santé de l’enfant et les conséquences
des sanctions et exclusions qu’il pourrait subir en raison du choix
de ses parents de refuser la vaccination. Ce faisant, il faut tenir
compte des risques pour la santé auxquels un enfant peut être exposé
s’il reste non vacciné, ainsi que du fait qu’un enfant peut se trouver
placé dans une situation vulnérable à la suite de sanctions telles
que l’exclusion des établissements scolaires, des crèches et d’autres
espaces publics. Les États membres devraient revoir leur législation
pour permettre aux enfants d’être vaccinés dans leur intérêt supérieur
dans les situations où l’un des parents ou les deux sont opposés
à cette vaccination, notamment en veillant à ce que le droit des
enfants à être entendus sur toutes les questions concernant leur
propre santé, soit dûment pris en compte, conformément à leur âge
et à leur maturité.
5.2. Promouvoir la continuité non partisane
des politiques de vaccination et redoubler d’efforts pour lutter
contre la désinformation et les fausses informations sur les vaccins
par une communication transparente et fondée sur des données probantes
35. Les vaccins ont historiquement
été fortement réglementés par les gouvernements, recommandés par ces
derniers, voire exigés et rendus obligatoires par ces mêmes gouvernements.
Ainsi, les conseils et les informations provenant de sources fiables
sont fondamentaux pour garantir des taux de vaccination élevés.
Je constate donc avec inquiétude que le débat public sur les vaccins
s’est fortement polarisé et politisé ces dernières années. Pendant
la pandémie, certains États membres ont communiqué des informations importantes
sur les vaccins presque exclusivement par l’intermédiaire de hauts
responsables. Étant donné que les professionnels de la santé figurent
parmi les sources d’information les plus fiables en matière de vaccination,
une telle approche pourrait remettre en cause des décisions importantes
de santé publique qui doivent sauver des millions de vies. Ce n’est
pas une question politique. Les États membres devraient donc inclure
et suivre activement les conseils des experts en santé publique
et des autorités sanitaires, tels que les institutions sanitaires
nationales et l’OMS, dans les processus décisionnels et la communication
au public, ainsi que promouvoir la continuité des politiques de
santé publique en dehors de toute conception partisane.
36. La diffusion d’informations intentionnellement fausses et
trompeuses, en particulier en ligne, constitue une menace sérieuse
pour la santé publique. Les auditions d’experts nous ont appris
que les groupes anti-vaccination avaient tendance à se montrer plus
efficaces que les pouvoirs publics pour toucher les indécis sur les
plateformes de médias sociaux. Facebook, Twitter et Google jouent
un rôle important dans la diffusion des
fake
news, notamment parce qu’ils associent le placement de
publicité au flux d’information
. L’organisation actuelle du secteur
de la technologie publicitaire, par le recours à des intermédiaires,
encourage la diffusion de fausses informations, car les entreprises
à l’origine des publicités savent rarement où aboutissent leurs annonces
et financent donc indirectement des informations intentionnellement
trompeuses et fausses.
37. Au niveau national, il importe que les gouvernements revoient
leur législation afin d’assurer un contrôle efficace sur les entreprises
relevant de leur juridiction, pour qu’elles ne contribuent pas à
la diffusion d’informations intentionnellement trompeuses et fausses
sur les vaccins, qui mettent en danger la santé publique, et n’en
tirent pas profit. En même temps, une coordination au niveau international
est également nécessaire, afin de responsabiliser les plateformes.
Il faudrait que la communauté internationale se réunisse et réfléchisse
à des politiques et des réglementations pour résoudre ce problème.
Cette démarche doit toutefois se fonder sur le plein respect des
droits humains et de la liberté d’expression. Comme ceux qui ont l’intention
de diffuser des informations fausses et trompeuses sur les vaccins
trouveront d’autres moyens de le faire, il est tout aussi important
de renforcer la résilience et d’améliorer l’éducation à la santé,
notamment en travaillant avec le secteur de l’éducation, et de garantir
l’accès à des informations fiables et dignes de confiance aux générations
actuelles et futures.
38. À cet égard, il convient également de mentionner l’expérience
de l’OMS grâce à son travail avec les réseaux sociaux sur l’élaboration
de campagnes ciblées pour faire changer les perceptions et améliorer
les connaissances. L’Organisation effectue un suivi quotidien des
médias et des réseaux sociaux pour voir quelles sont les conversations
en cours sur la santé. Cela leur permet de mieux traiter certaines
questions particulières. Au vu des sujets le plus souvent abordés,
l’OMS intervient en donnant des conseils pour éviter que la désinformation
ne circule, par exemple en publiant des «conseils pour en finir
avec les idées reçues». Il est clair qu’il faudrait investir pour
que des sources et des points de vue fiables de chaque pays soient
bien présents dans l’espace numérique. Au niveau national, je pense
que nos États membres ont beaucoup à apprendre de cette approche,
et nous devons davantage investir dans la recherche sur le comportement numérique.
5.3. Obstacles à la vaccination et mesures
concrètes à prendre en vue d’accroître la confiance dans les vaccins
39. Afin de mieux comprendre comment
remédier à la méfiance à l’égard des vaccins et d’obtenir un taux de
vaccination plus élevé et plus équitable, il est essentiel d’examiner
les différentes raisons pour lesquelles certaines personnes hésitent
à se faire vacciner ou à faire vacciner leurs enfants. Une meilleure
connaissance de ces personnes nous aidera à déterminer la manière
de répondre à leurs préoccupations et donc à identifier les moyens
les plus efficaces de les sensibiliser. Les programmes de vaccination
adaptés (
Tailoring Immunisation Program,
ou TIP) du Bureau régional de l’OMS pour l’Europe proposent un modèle
pour procéder à la segmentation de la population, analyser les causes
profondes de la réticence à la vaccination parmi les sous-groupes
réfractaires et concevoir des interventions sur mesure afin de prendre
en compte les facteurs sous-jacents
.
40. L’approche TIP consiste, dans un premier temps, à identifier
les groupes de population vulnérable ou dont la couverture est faible.
La deuxième étape vise à déterminer les facteurs qui favorisent
la vaccination ou qui, au contraire, l’entrave. Chose importante,
le processus associe étroitement les bénéficiaires de la vaccination
et les représentants de leur groupe en tant que partenaires du processus
afin d’apporter un éclairage important à cette question, mais aussi
de tirer parti de leur participation. Ces informations sont utilisées
lors de la troisième étape pour concevoir des interventions fondées
sur des données probantes dont le but est d’obtenir des taux de
vaccination élevés et équitables. En promouvant une vaccination
à grande échelle et équitable, les programmes TIP contribuent à
la réalisation d’au moins 14 des 17 ODD de l’ONU
.
41. L’OMS ne dispose pas encore de données concernant les effets
de la pandémie de covid-19 sur les attitudes vis-à-vis de la vaccination.
Certains éléments préliminaires semblent montrer qu’il y a eu une
baisse du recours à la vaccination systématique. Cependant, lors
de la réunion d’information avec le bureau de l’OMS en Europe, il
a été constaté que cela n’indiquait pas forcément une hausse de
la réticence aux vaccins, car de nombreux services de santé ont
été perturbés par la pandémie. Cette question devra être étudiée
de manière plus approfondie en menant des études plus poussées.
Si l’on se fonde sur la vaccination contre la covid-19 jusqu’à présent,
il existe divers obstacles selon les divers groupes de population
(par exemple, les personnes âgées et les personnes avec comorbidité,
les femmes enceintes, les habitants des zones rurales, etc.). Lors de
la planification d’activités et de mesures visant à accroître la
confiance et l’acceptation des vaccins, les États membres devraient
utiliser les connaissances acquises lors de la deuxième phase de
l’approche TIP pour s’assurer qu’elles sont spécifiquement adaptées
aux groupes de population concernés.
42. Outre la méfiance, des aspects pratiques influent peut-être
aussi sur les taux de vaccination, notamment la possibilité de se
faire vacciner facilement et sans complication. Parmi ces aspects
pratiques, citons notamment l’approvisionnement, la facilité d’accès
et le coût des vaccins. Il est important de bien faire la distinction
entre ces différents facteurs d’incitation à la vaccination, afin
que les stratégies soient ciblées en fonction des problèmes ou des
obstacles et qu’elles contribuent ainsi à gommer les disparités
et à augmenter les taux de vaccination. De fait, il pourrait être
tentant pour les autorités de masquer des défaillances du système
de santé en expliquant que les faibles taux de vaccination sont
dus à la réticence de la population. De plus, en se focalisant exclusivement
sur la réticence aux vaccins, on risque de faire porter à tort la responsabilité
aux populations, auxquelles on demande d’être «moins réticentes»,
et non aux programmes et aux systèmes de nos États membres, qui
se doivent d’être plus accessibles et dignes de confiance. Certains pays
qui affichent de faibles couvertures vaccinales, comme la Roumanie,
manquent de vaccins
.
43. Nous devons donc nous employer à créer un environnement propice
en réduisant les obstacles et en faisant en sorte que la vaccination
soit simple, rapide et, dans l’idéal, gratuite. Il faut aussi reconnaître
que parfois, la réticence ou la résistance sont peut-être une réaction
aux charges ou aux désagréments occasionnés par la vaccination ou
sont dues à de mauvaises expériences sur le lieu de vaccination.
Ainsi que le souligne notre collègue, Mme Jennifer
De Temmerman (France, ADLE), dans son rapport intitulé «Vaccins contre
la covid-19: considérations éthiques, juridiques et pratiques»
, il est de la plus haute importance
de se rapprocher des organisations non gouvernementales, des personnes
de confiance au sein des communautés et d’autres initiatives locales
pour élaborer et mettre en œuvre des stratégies adaptées qui facilitent l’acceptation
des vaccins.
44. En outre, il est de la plus haute importance que nos États
membres mettent en place des systèmes de santé solides et proposent
une couverture universelle de santé à leur population. Ainsi, l’analyse
du questionnaire du CERDP a révélé que le fait que les vaccins ne
soient pas pris en charge par le système de santé publique dans
tous les États membres constituait un obstacle concret à un taux
de vaccination plus élevé. De plus, il ne suffit pas d’examiner
uniquement l’offre et la demande de vaccins. Il est indispensable
à cet égard de passer en revue les différentes composantes techniques
des programmes de vaccination, notamment la planification et la
formation à la sécurité et à la gestion. Les États membres devraient
utiliser pleinement l’assistance technique proposée par l’OMS à
la fois par le biais des programmes TIP et de divers outils en ligne.
Les États membres pourront aussi se pencher sur les recommandations
pratiques et les stratégies proposées par l’ex-Comité de bioéthique
du Conseil de l’Europe (DH-BIO) (aujourd’hui appelé Comité directeur
pour les droits de l’homme dans les domaines de la biomédecine et
de la santé (CDBIO)) concernant l’équité d’accès à la vaccination
et la littératie en matière de santé
.
45. Un manque d’information sur la nécessité d’être vacciné et
les doutes quant à la sécurité de la vaccination (la crainte notamment
de l’apparition d’effets indésirables pendant la période post-vaccinale)
sont deux des raisons invoquées par ceux qui refusent la vaccination
systématique. Il importe d’instaurer un dialogue et une communication
ouverts et transparents sur les incertitudes et les risques, notamment
en ce qui a trait à la sécurité et aux avantages de la vaccination,
pour renforcer la confiance dans les vaccins et accroître ainsi
la motivation et obtenir des taux de vaccination plus élevés. À
cet égard, il importe que les États membres mettent en place des
programmes indépendants de réparation des préjudices causés par
les vaccins pour remédier aux dommages injustifiés consécutifs à
la vaccination, conformément à l’article 24 de la Convention sur
les droits de l’homme et la biomédecine (STE no 164,
Convention d’Oviedo).
46. Conscients que les compétences scientifiques varient selon
les personnes, nous devons redoubler d’efforts pour mettre à la
disposition de chacun des informations correctes, notamment en traduisant
le langage technique sous une forme compréhensible par le grand
public et culturellement adaptée. En outre, les informations importantes
de santé publique doivent également être disponibles dans des langues
non officielles, afin que les personnes qui ne maîtrisent pas suffisamment
la ou les langues nationales aient accès aux mêmes informations.
L’OMS a mis au point plusieurs formations en ligne destinées au
personnel de santé et autres afin de communiquer de manière plus
efficace sur les risques et les bénéfices de la vaccination, d’instaurer
la confiance et de pouvoir mener des conversations à ce sujet avec
les patients et les soignants.
47. En ce qui concerne la vaccination des enfants, les professionnels
de santé devraient avoir la possibilité de passer plus de temps
avec les parents, avant et après la naissance de l’enfant, afin
de discuter avec eux de la moindre crainte qu’ils pourraient avoir
au sujet des vaccins. Les parents seraient ainsi mieux informés des
dangers de la non-vaccination. Par ailleurs, un tel soutien est
susceptible d’améliorer la confiance des parents envers les autorités
sanitaires et d’accroître les taux de vaccination. Citons, parmi
les autres mesures efficaces, le recours aux moyens de communication
de masse pour informer les parents de la nécessité de l’immunoprophylaxie,
et l’investissement accru dans les mesures éducatives destinées
à la jeune génération (les futurs parents) en intégrant les connaissances
sur les avantages et la nécessité de la vaccination dans l’éducation,
notamment à l’école primaire, pour renforcer l’acceptation sociale
et les connaissances fondamentales.
48. Il conviendrait de porter une plus grande attention, dans
les facultés de médecine, à la formation des médecins à l’immunoprophylaxie,
toutes spécialités confondues. Il y aurait lieu aussi d’introduire l’immunoprophylaxie en
tant que matière à part entière dans le cursus des étudiants de
toutes les spécialités médicales. En outre, il est nécessaire, dans
le cadre des conférences et des congrès sur l’épidémiologie, d’organiser
des stages en immunoprophylaxie.
6. Conclusions
49. La résurgence de maladies évitables
grâce à la vaccination en Europe est alarmante. La vaccination demeure
à ce jour la méthode la plus sûre et la plus efficace pour se protéger
des maladies infectieuses et permet d’éviter des millions de décès
chaque année. En outre, les vaccinations contribuent à des bénéfices plus
larges pour le développement économique et social et l’élargissement
de l’accès à la vaccination est crucial pour atteindre les objectifs
de développement durable des Nations Unies.
50. Afin de garantir des taux de vaccination plus élevés, les
États membres devraient avant tout mener des activités de sensibilisation,
prendre des mesures éducatives et procéder à des améliorations de
la qualité des services qui soient conformes à la démocratie et
aux droits humains.
51. La couverture vaccinale insuffisante est un problème complexe
qui ne saurait s’expliquer uniquement par la méfiance vis-à-vis
des vaccins. La confiance dans les vaccins et leur acceptation sont
influencées par une série de facteurs incluant la possibilité de
se faire vacciner facilement et sans complication ainsi que d’autres
facteurs économiques, sociaux et culturels. Nous devons donc nous
employer à créer un environnement propice en réduisant les obstacles
et en faisant en sorte que la vaccination soit simple, rapide et,
dans l’idéal, gratuite. La mise en place de systèmes de santé plus
solides et la garantie que les vaccins sont couverts par le système
de santé publique sont des facteurs importants en vue d’accroître
l’accès équitable aux vaccins pour tous les groupes de la population.
52. Il faut investir suffisamment de temps et de ressources pour
acquérir de meilleures connaissances sur les raisons pour lesquelles
certaines personnes hésitent à se faire vacciner ou à faire vacciner
leurs enfants et écouter leurs préoccupations afin d’élaborer et
de mettre en œuvre des stratégies adaptées à des groupes de populations
spécifiques. À cet égard, il est de la plus haute importance de
se rapprocher des organisations non gouvernementales, des personnes
de confiance au sein de ces groupes et d’autres organisations locales.
53. Une communication transparente sur les risques et les bénéfices
de la vaccination, la formation du personnel soignant et le renforcement
des connaissances en matière de santé sont autant de mesures indispensables
auxquelles les États membres doivent donner la priorité. Les professionnels
de santé devraient avoir la possibilité de passer plus de temps
avec les parents, avant et après la naissance de l’enfant, afin
de discuter avec eux de la moindre crainte qu’ils pourraient avoir
au sujet des vaccins. La propagation de fausses informations et
d’informations intentionnellement trompeuses, en particulier en
ligne, constitue une grave menace pour la santé publique. Au niveau
national, les États devraient investir davantage dans la recherche sur
le comportement numérique et accélérer leurs efforts de diffusion
d’informations sur les plateformes des réseaux sociaux. Au niveau
international, les États devraient se réunir pour examiner les politiques
et réglementations qui permettraient de tenir pour responsables
les plateformes et autres acteurs qui profitent de la propagation
de fausses informations dangereuses.