1. Introduction
1. La violence à l’égard des femmes
et des filles fondée sur le genre trouve son origine dans une inégalité des
genres profondément ancrée. Il s’agit d’une question de droits humains,
et non pas d’un problème relatif aux droits des femmes. Il est d’autant
plus urgent de s’attaquer collectivement à cette violence que la
violence fondée sur le genre a augmenté en raison de la pandémie
de covid-19 et que le nombre de survivant·e·s de cette violence
est généralement sous-estimé.
2. L’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les
femmes (EIGE) a estimé que le coût de la violence fondée sur le
genre s’élevait à 366 milliards € par an dans l’ensemble de l’Union
européenne
.
Il serait opportun de disposer d’une estimation actualisée de ce
coût pour la société dans tous les États membres du Conseil de l’Europe.
3. La plupart des auteurs de violence fondée sur le genre sont
des hommes mais les hommes ne sont pas tous des auteurs de violence.
Cependant, dans le monde entier, il existe des hommes qui pensent
pouvoir battre, traquer, violer, exploiter et maltraiter psychologiquement
et physiquement les femmes. Margaret Atwood a déclaré que «Les hommes
ont peur que les femmes se moquent d’eux. Les femmes ont peur que les
hommes les tuent». Le patriarcat, car il donne du pouvoir et des
privilèges aux hommes et crée de profondes inégalités des genres,
peut être considéré comme une cause profonde de cette violence.
La tolérance à l’égard de celle-ci et l’absence de mobilisation
de la société permettent aux auteurs de continuer. Dans son livre
The Will to Change: Men, Masculinity and Love (2004), bell hooks
a souligné que «pour mettre fin à la douleur masculine, pour répondre
efficacement à la crise masculine, nous devons nommer le problème. Nous
devons à la fois reconnaître que le problème est le patriarcat et
travailler pour mettre fin au patriarcat. (...) Si les hommes veulent
récupérer la bonté essentielle de l’être masculin, s’ils veulent
retrouver l’espace d’ouverture d’esprit et d’expressivité émotionnelle
qui est le fondement du bien-être, nous devons envisager des alternatives
à la masculinité patriarcale. Nous devons tous changer»
.
4. Il est important d’étudier le raisonnement ou les explications
sous-jacentes de ces hommes pour justifier leur attitude abusive
envers les femmes. Il est grand temps que l’Assemblée parlementaire
se penche sur le rôle et la responsabilité des hommes et des garçons
pour mettre fin à la violence fondée sur le genre et présente des
propositions concrètes afin de les encourager à prendre part à cette
lutte. Engager les hommes à lutter contre la violence est un message
fort. Cette action est cohérente, inclusive et plus efficace en
matière de prévention, de protection et de politiques.
5. Les hommes sont victimes de la violence d’autres hommes. Dans
ce rapport, j’ai décidé de me concentrer sur la violence des hommes
à l’encontre des femmes. Je tiens également à souligner qu’il ne
s’agit pas d’un rapport anti-masculin, car je crois fermement que
de nombreux hommes sont prêts à changer et à devenir des alliés
pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes.
6. Dans sa
Résolution 2027 (2014) «Prévenir la violence à l’égard des femmes en se concentrant
sur les auteurs», l’Assemblée a appelé les ONG actives dans la lutte
contre la violence fondée sur le genre «à souligner l’importance
du rôle des hommes dans la lutte contre la violence à l’égard des
femmes et la violence domestique, et à encourager leur participation
aux activités de sensibilisation». Je crois qu’il est temps d’aller plus
loin et d’exhorter les hommes et les garçons à prendre leurs responsabilités
et participer au changement des mentalités et des comportements.
7. L’Assemblée a appelé sans relâche à la ratification et à la
mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention
et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique (STCE no 210, «Convention
d’Istanbul»). Un rapport préparé par Zita Gurmai, intitulé «La Convention d’Istanbul:
progrès et défis» sera débattu en janvier 2023
.
L’article 12.4 de cette convention dispose que tous les membres
de la société, en particulier les hommes et les garçons, devraient
être encouragés à contribuer activement à la prévention de la violence.
Le texte souligne l’importance de combattre les images stéréotypées des
hommes et des femmes et la nécessité d’un changement culturel afin
qu’il n’y ait pas de place pour la violence envers les femmes dans
notre société.
8. Dans sa Résolution A/HRC/RES/35/10 intitulée «Intensification
de l’action menée pour éliminer la violence à l’égard des femmes:
associer les hommes et les garçons à la prévention de la violence
contre toutes les femmes et toutes les filles, et à la lutte contre
cette violence»
, le Conseil des droits de l’homme
des Nations Unies a demandé aux États de prendre des mesures pour
prévenir la violence à l’égard des femmes en associant pleinement
les hommes et les garçons. Il leur demandait de s’attaquer aux causes
de l’inégalité des genres et soulignait que «en assumant par eux-mêmes
leurs responsabilités et en agissant de concert, en partenariat
avec les femmes et les filles, à tous les niveaux, les hommes et
les garçons ont un rôle essentiel dans les efforts tendant à prévenir
et à éliminer toutes les formes de discrimination et de violence
à l’égard des femmes et des filles». Lors de sa 38e session
en juin 2018, le Conseil des droits de l’homme a également examiné
un rapport sur les pratiques prometteuses et les enseignements tirés,
les stratégies existantes et les initiatives des Nations unies et
autres visant à faire participer les hommes et les garçons à la
promotion et à la réalisation de l’égalité des genres, dans le cadre
de l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
9. Les hommes peuvent être des agents du changement de multiples
façons. Ils peuvent prendre la parole, servir de modèles et lutter
contre le sexisme. Ils peuvent s'efforcer de prévenir et de combattre
les «masculinités néfastes». Les hommes sont les mieux placés pour
appeler d'autres hommes à s'engager activement dans la lutte contre
la violence fondée sur le genre, et pour donner l'exemple aux générations futures
.
Ils ont un rôle fondamental à jouer dans l'éducation de leurs fils
à une masculinité saine et à des attitudes respectueuses envers
les femmes de leur entourage immédiat et au-delà. Selon Abhijit
Das, ancien coprésident de l’Alliance MenEngage, il est possible
de promouvoir une masculinité positive en «encourageant les hommes
qui ne sont pas d'accord avec les pratiques et les attitudes néfastes
à prendre la parole»
. Des mouvements
comme #heforshe et des organisations internationales comme Promundo
et MenEngage montrent comment impliquer les hommes et les garçons
en partant de la conviction que nous ne pouvons atteindre l'égalité
des genres qu'en impliquant tous les genres.
2. Portée du rapport
10. En ma qualité de rapporteure
sur la dimension de genre dans la politique étrangère,
j’ai effectué une visite d’information
en octobre 2019 et rencontré divers interlocutrices et interlocuteurs
pour discuter de la politique étrangère féministe de la Suède. Au
cours de cette visite, j’ai eu l’occasion de rencontrer un chercheur et
une chercheuse ayant travaillé sur le concept et les normes de la
masculinité. Erik Melander, professeur à l’université d’Uppsala,
a présenté des travaux de recherche sur l’idéologie de l’honneur
masculin, qui peut expliquer, mais pas justifier, certains comportements
ou certaines décisions. Elin Bjarnegård, professeure associée à
l’université d’Uppsala, a souligné que le fait d’avoir des alliés
masculins était crucial pour le succès de la politique étrangère
féministe. Lors de mon rapport à la commission, j’ai recommandé
que nous travaillions à la fois sur la masculinité et sur le rôle
des hommes dans la lutte contre la violence fondée sur le genre. Trois ans
plus tard, je constate que ces concepts émergent de plus en plus
dans le débat public et je suis reconnaissante de l’occasion qui
m’a été donnée de travailler sur ces sujets de manière approfondie
dans le cadre de la préparation de ce rapport.
11. La proposition de résolution à l’origine de ce rapport souligne
que l’Assemblée devrait examiner les différentes approches nationales
visant à engager les hommes et les garçons dans la promotion de
l’égalité des genres et des droits des femmes, afin de prévenir
toutes les formes de violence. J’ai essayé d’identifier et de promouvoir
les initiatives inspirantes et les bonnes pratiques sur ce sujet,
en accordant une attention particulière aux initiatives parlementaires.
Je me suis intéressée aux campagnes de sensibilisation, telles que la
campagne «Don’t be that guy»
de
Police Scotland. Cette campagne appelle les hommes à se demander mutuellement
des comptes et à prévenir les abus. Elle présente des situations
concrètes et ce que les hommes peuvent faire.
12. La proposition de résolution insiste également sur le fait
que les parlementaires hommes devraient montrer l’exemple à cet
égard. Les hommes occupant des postes de premier plan dans le domaine
de la politique, du sport, de la culture, des médias et de la police
devraient s’exprimer
. Cela m’a conduite à organiser
des réunions bilatérales avec les responsables des groupes politiques
à l’Assemblée et avec les hommes présidant des commissions.
13. J’ai essayé, dans ce rapport, de souligner l’importance du
rôle joué par les témoins dans la contestation des comportements
répréhensibles
.
14. J’ai échangé avec différents interlocuteurs et interlocutrices
sur la façon de surmonter les réticences des hommes à s’engager
sur ce sujet. Comment pouvons-nous faire en sorte que la prévention
de la violence fondée sur le genre compte pour les hommes? L’objectif
de ce rapport est de contribuer à sensibiliser à la responsabilité
des hommes et des garçons dans la lutte contre la violence fondée
sur le genre et à promouvoir des outils concrets visant à les encourager
à s’engager sur cette question.
15. Après le scandale concernant des comportements sexuels abusifs
de membres du jury et de membres du groupe de l’émission Voice of
Holland, un débat de plusieurs semaines a eu lieu aux Pays-Bas sur
la responsabilité des employeurs et des entreprises du secteur du
divertissement et d’autres secteurs de fournir un environnement
de travail sûr
.
Au cours de ce débat, les hommes ont manifesté un vif intérêt pour
la manière dont ils peuvent contribuer activement à la prévention
et à la lutte contre la violence fondée sur le genre.
16. En plus d’avoir mené des recherches documentaires, j’ai organisé
des réunions bilatérales virtuelles avec des expert·e·s. Le 14 février
2022, j’ai tenu une réunion bilatérale virtuelle avec Johanna Nelles, secrétaire
exécutive du Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à
l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) et une autre
avec Clara Alemann travaillant pour l’organisation Promundo. En
outre, j’ai tenu le même jour des consultations avec Ilse Wermink
(PAX), Dean Peacock (MenEngage/Promundo), Anthony Keedi, ABAAD (via
PAX), Katinka Moonen (Oxfam Novib), Coba Hordijk (Emancipator),
Shirodj Raghoenath (Emancipator), Quirine Lengkeek (CHOICE), Sabine
Herbrink (NIMD), Marlene van Benthem (Soroptomist International),
Lisa de Pagter (Rutgers), Anne-Floor Dekker, Anika Snel, Nadia van
der Linde (WO=MEN) et Jan Reynders (MenEngage). J’ai également tenu
une réunion bilatérale avec Jens van Tricht qui est le directeur
d’Emancipator et membre du conseil d’administration mondial de MenEngage
.
17. La commission a tenu une audition conjointe avec le Réseau
parlementaire pour le droit des femmes de vivre sans violence le
12 avril 2022 avec la participation de Giovanna Lauro, PhD, vice-présidente
des programmes et de la recherche, Promundo-US, Teresa Schweiger,
membre autrichienne et co-coordinatrice de MenEngage Europe – Un
réseau régional au sein de l’Alliance mondiale MenEngage, Ivan Jablonka, professeur
d’histoire à l’Université Sorbonne Paris Nord, membre de l’Institut
universitaire de France, et Chris Green, fondateur de White Ribbon
UK.
18. Le 23 mai 2022, j’ai rencontré Dr Erik Melander pour discuter
de ses travaux sur les masculinités. Le 10 juin 2022, j’ai tenu
une réunion bilatérale en ligne avec des représentant·e·s d’ONU
Femmes: Khamsavath Chanthavysouk, spécialiste des politiques sur
la lutte contre les violences faites aux femmes (basé à New York),
Yolanda Iriarte du Bureau régional d’ONU Femmes pour l’Europe et
l’Asie centrale à Istanbul, et Edward Wageni, qui travaille pour
le programme HeforShe à New York. Ils ont partagé avec moi les principales recommandations
de l’ONU sur ce sujet. Le même jour, j’ai tenu une rencontre virtuelle
avec Cécile Gréboval, Conseillère principale pour l’égalité de genre
au sein de la Division de l’égalité entre les femmes et les hommes,
Direction générale de la démocratie et de la dignité humaine du
Conseil de l’Europe. Le 30 juin 2022, j’ai rencontré Tryggvi Hallgrímsson,
détaché par le ministère des Affaires étrangères de l’Islande en
tant que conseiller en politiques auprès de la même division. J’ai
également tenu, le même jour, une réunion avec Carlien Scheele,
directrice de EIGE, et Agata Szypulska, experte nationale détachée
auprès de EIGE sur la violence fondée sur le genre.
19. Le 16 septembre 2022, la commission a tenu un échange de vues
avec Maxime Ruszniewski, président-directeur général de Remixt,
afin de discuter des moyens concrets permettant d’associer les hommes
à la lutte en faveur de l’égalité des genres et contre la violence
fondée sur le genre. Les 29 et 30 septembre 2022, j’ai effectué
une visite d’information inspirante à Madrid, au cours de laquelle
j’ai eu l’occasion d’examiner les campagnes de sensibilisation nationales
visant à mettre en valeur les masculinités conscientes, la participation
de la société civile à la promotion du rôle des hommes et des garçons
dans la lutte contre la violence fondée sur le genre et l’engagement
au plus haut niveau politique contre la violence fondée sur le genre.
20. Les 14, 16, 17 et 21 novembre 2022, j’ai tenu des réunions
bilatérales virtuelles avec plusieurs membres hommes de l’Assemblée
qui président des groupes politiques ou des commissions, ou qui
sont actifs au sein de la commission sur l’égalité et la non-discrimination:
M. Iulian Bulai (Roumanie, ADLE), M. Titus Corlăţean (Roumanie,
SOC), M. Damien Cottier (Suisse, ADLE), M. Even Eriksen (Norvège,
SOC), M. George Katrougalos (Grèce, GUE), M. Momodou Malcolm Jallow
(Suède, GUE), M. Christophe Lacroix (Belgique, SOC), M Aleksander
Pociej (Pologne, PPE/DC), M. Theodoros Rousopolos (Grèce, PPE/DC)
et M. Frank Schwabe (Allemagne, SOC). J’ai également tenu une réunion
virtuelle avec M. Tiny Kox, Président de l’Assemblée, le 21 novembre 2022.
Je tiens à les remercier d’avoir pris le temps d’examiner le rôle
et la responsabilité des parlementaires masculins dans la prévention
et la lutte contre la violence fondée sur le genre.
3. Reconnaissance
de l’importance du rôle et de la responsabilité des hommes et des
garçons
21. L’importance du rôle des hommes
et des garçons pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes
et des filles fondée sur le genre a été reconnue en Europe et au-delà,
notamment par les Nations Unies. Au cours du processus de rédaction
de la Convention d’Istanbul, un fort consensus s’est dégagé pour
attribuer un rôle actif aux hommes et aux garçons dans la prévention
et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence
domestique, et son article 12.4 consacre ce rôle. Ils peuvent être
des modèles positifs, agir en tant qu’agents du changement et user
de leur influence auprès de leurs pairs.
22. En tant qu’auteurs de violences, ils peuvent également modifier
leur comportement et, par là même, amener des changements. L’article
16 de la Convention d’Istanbul souligne l’importance des programmes destinés
aux auteurs de violences, qui peuvent les aider à comprendre et
à prendre conscience de la nécessité de modifier leurs attitudes.
23. Lors de notre réunion, Johanna Nelles a indiqué que le GREVIO
recevait des informations sur les campagnes sur le rôle des hommes,
les activités et les programmes de sensibilisation lors de ses visites
dans les pays ou auparavant. Les informations reçues sur les programmes
liés à la promotion de l’implication des hommes dans la prévention
et la lutte contre la violence à l’égard des femmes restent toutefois
limitées.
24. La Convention d’Istanbul est contestée dans plusieurs pays,
qui critiquent souvent le fait qu’elle souligne que l’inégalité
de genre est une cause profonde de la violence. Reconnaître ce fait
est un premier pas vers une action efficace contre la violence fondée
sur le genre. Cependant, nous devons être conscient·e·s que la reconnaissance
du rôle des hommes dans la prévention et la lutte contre la violence
fondée sur le genre semble difficile dans les endroits où l’inégalité
des genres n’est ni dénoncée ni considérée comme un problème important,
et où les mouvements anti-genre sont très actifs.
25. Les récits anti-genre pourraient conduire à la violence de
la part des partisans de ce récit. Le comportement des célibataires
involontaires («incels»), qui encouragent la violence à l’égard
des femmes, devrait également être analysé
.
26. Les hommes qui s’engagent dans la protection des droits des
femmes et dans la lutte contre la violence fondée sur le genre peuvent
également être critiqués comme «non légitimes» puisqu’ils ne sont
pas des femmes. À mon avis, tous les genres peuvent unir leurs forces
et le rôle des hommes est essentiel pour prévenir et combattre la
violence fondée sur le genre.
27. Lors des réunions bilatérales tenues avec des membres hommes
de l’Assemblée, tous ont manifesté leur soutien en faveur des dispositions
de la Convention d’Istanbul et reconnu la responsabilité des hommes et
des garçons dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et des filles fondée sur le genre. Nous avons également examiné
l’impact positif que les parlementaires peuvent avoir en dénonçant
la violence et en créant un contexte dans lequel l’égalité des genres
serait davantage soutenue et où la violence fondée sur le genre
ne serait plus tolérée. Certains d’entre eux ont exprimé leur volonté
de ne pas prendre l’espace des femmes et reconnu que leur participation
aux débats sur la lutte contre la violence fondée sur le genre et
la promotion de l’égalité des genres était trop faible. Un collègue
a fait part de son sentiment de malaise lorsqu’il parle de la lutte
contre la violence fondée sur le genre. Presque tous ont souligné
la nécessité que les femmes participent plus à la vie politique
aux niveaux local et national. L’égalité des genres devrait être
davantage intégrée dans les travaux de l’Assemblée et au sein des
partis politiques.
28. Ils ont également soutenu l’initiative #Pasdansmonparlement
lancée par l’ancienne Présidente de l’Assemblée, Liliane Maury-Pasquier,
et exprimé la volonté d’aller au-delà des déclarations sur la prévention et
la lutte contre la violence fondée sur le genre avec des actions
concrètes. Le partage des responsabilités domestiques et familiales
et la prise de parole en public à cet égard, ainsi que l’élaboration
de politiques inclusives sur la prévention et la lutte contre la
violence fondée sur le genre, font également partie des autres sujets
abordés. La plupart des membres interrogés estiment que l’éducation
à l’égalité des genres est une priorité, afin que les hommes et
les femmes œuvrent de concert dans la lutte contre la violence fondée
sur le genre. En outre, nous avons parlé des masculinités, des injonctions
faites aux hommes, de la lutte contre la discrimination fondée sur
le genre, de l’intersectionnalité
et du rôle important
que les responsables politiques pourraient jouer dans la déconstruction
des stéréotypes de genre. Un membre a souligné le fait que les parlementaires
hommes pourraient être les ambassadeurs de la masculinité positive.
29. La Commission pour l’égalité de genre du Conseil de l’Europe
a été chargée par le Comité des Ministres d’élaborer, d’ici la fin
de l’année 2022, des lignes directrices sur la place des hommes
et des garçons dans les politiques d’égalité de genre et les politiques
pour combattre la violence à l’égard des femmes. Elle a adopté son
projet de lignes directrices lors de sa 22e réunion
le 18 novembre 2022. Impliquer les hommes à la promotion de l’égalité
des genres est un premier pas vers leur participation active à la
prévention et à la lutte contre la violence fondée sur le genre.
30. En mars 2022, la Commission de la condition de la femme du
Conseil économique et social des Nations Unies, dans ses conclusions,
a reconnu «qu’il importe de faire pleinement participer les hommes
et les garçons, en tant qu’agents et bénéficiaires du changement
et en tant que partenaires stratégiques et alliés, dans l’action
menée pour parvenir à l’égalité des genres et autonomiser toutes
les femmes et les filles dans le contexte des politiques et programmes
relatifs aux changements climatiques et à la réduction des risques environnementaux
et des risques de catastrophes, dans l’optique de combattre et de
faire tomber les stéréotypes de genre, le sexisme et les normes
sociales négatives qui alimentent la discrimination et la violence
sous toutes ses formes, y compris la violence sexuelle et fondée
sur le genre, et qui mettent en péril l’égalité des genres, tout
en relevant qu’il demeure nécessaire d’enseigner aux enfants, dès
leur plus jeune âge, qu’il importe de respecter l’égalité des genres
et les droits humains et qu’il faut traiter toutes les personnes avec
dignité et respect et favoriser une culture de paix, des comportements
non violents et des relations respectueuses.»
.
31. Aux Pays-Bas, le gouvernement a créé le poste de commissaire
du gouvernement pour la lutte contre les comportements inacceptables
et les violences sexuelles. Mme Mariëtte Hamer
a été nommée à ce poste, et j’ai été informée qu’elle s’intéressera
de près au rôle des hommes et des garçons dans l’élimination de
la violence fondée sur le genre
.
4. S’attaquer
aux masculinités néfastes et promouvoir les masculinités conscientes
32. Je tiens à souligner que ce
rapport ne vise pas à présenter les hommes comme un groupe homogène –
nous devons comprendre les hommes dans toute leur diversité. Par
conséquent, les actions visant à promouvoir le rôle des hommes et
des garçons dans la prévention et la lutte contre la violence à
l’égard des femmes devraient tenir compte de leurs différences.
Au cours de notre réunion, Dean Peacock a souligné que la santé
mentale, les traumatismes, le stress économique, la violence dans
l’enfance et l’alcool pouvaient interagir avec la masculinité pour
expliquer la violence. Il a conseillé de se concentrer sur les hommes occupant
des postes de pouvoir politique et sur la nécessité de les tenir
pour responsables chaque fois qu’ils agissent pour saper l’égalité
de genre, comme il l’a fait avec son organisation en Afrique du
Sud.
33. Dans sa Recommandation générale n° 35, le Comité des Nations
Unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination
à l’égard des femmes a reconnu que «la violence à l’égard des femmes
fondée sur le genre se fonde sur des critères liés au genre tels
que l’idéologie qui accorde aux hommes des droits et des privilèges
au détriment des femmes, les normes sociales définissant la masculinité,
et le besoin de l’homme d’affirmer son contrôle ou son pouvoir,
de mettre en place des rôles liés au genre, ou de prévenir, décourager ou
punir ce qui est considéré comme un comportement inacceptable de
la part d’une femme»
.
Les stratégies visant à prévenir et à combattre la violence fondée
sur le genre doivent s’attaquer à ces causes profondes. Elles doivent
tenir compte du fait que les causes profondes peuvent être multiples
et doivent donc faire l’objet de mesures diverses.
34. Le professeur Erik Melander a décrit les masculinités néfastes
comme le résultat de «valeurs patriarcales» combinées à la «dureté
masculine» (une sorte d’idéologie de l’honneur, ce qui conduit à
penser que les hommes doivent faire preuve de force mais pas de
faiblesse ou d’émotions). Ces deux éléments forment ce qu’on appelle
«l’idéologie de l’honneur masculin». La pensée dite de l’honneur
fait croire qu’un certain comportement est acceptable pour les hommes
mais pas pour les femmes. Il est également important de comprendre
que les hommes peuvent subir la violence par le biais de comportements
culturels attendus.
35. Obtenir la participation des hommes est un premier défi, qui
peut souvent être surmonté en parlant du risque de violence auquel
sont confrontées les femmes de leur entourage, comme leurs sœurs,
leurs mères et leurs filles. La pyramide de la violence montre comment
des blagues apparemment innocentes peuvent conduire au harcèlement,
au viol ou au féminicide. «Cette pyramide représente un continuum
d’abus, mettant en évidence les façons dont les attitudes et les
croyances communes soutiennent et forment la base d’actes de violence
plus extrêmes»
. Les hommes
ne peuvent jouer un rôle plus actif dans la lutte contre la violence fondée
sur le genre que s’ils cessent de laisser faire et rejettent une
masculinité néfaste. Une autre façon d’entamer la conversation avec
les hommes est de mettre en évidence une perspective de qualité
de vie. Les femmes et les hommes peuvent toutes et tous bénéficier
d’une plus grande égalité des genres.
36. Il convient de s’adresser directement aux hommes afin de garantir
leur participation aux programmes. Jan Reynders a indiqué lors de
notre rencontre que 99% des hommes qui ne s’expriment pas contre
la violence ont peur de ne pas «s’intégrer» dans la société et d’être
considérés comme des perdants. Le regard que les autres hommes (ou
femmes) portent sur eux, en accord avec la conception dite traditionnelle
de la masculinité, a un impact sur les comportements des hommes.
Selon Jens van Tricht, les structures patriarcales conduisent à
la déshumanisation des hommes, à qui l’on dit qu’ils ne doivent
pas être gentils, ressentir ou montrer de l’insécurité ou exprimer
leurs sentiments. «Il y a une énorme fragilité autour de la masculinité,
qui peut conduire à des comportements toxiques. Encourager les hommes
à participer à la lutte contre la violence fondée sur le genre contribue
également à leur émancipation». Notre travail va au-delà de la promotion
du rôle des hommes et des garçons dans l’élimination de la violence
fondée sur le genre, avec l’intention de sensibiliser également à
la diversité des masculinités.
37. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a appelé
les États à prévenir la violence à l’égard des femmes et des filles
en «incit[ant], encourage[ant], form[ant] et aid[ant] les hommes
et les garçons à devenir des modèles d’identification positifs en
matière d’égalité des sexes et à valoriser les relations empreintes
de respect, (....) à assumer la responsabilité et les conséquences
de leur comportement, y compris lorsque celui-ci perpétue les stéréotypes
sexistes, notamment les idées fausses sur la masculinité qui sous-tendent
la discrimination et la violence à l’égard des femmes et des filles,
à mieux cerner les effets délétères de la violence sur les victimes/rescapées
et sur la société dans son ensemble, et à assumer la responsabilité de
leur comportement sexuel et procréatif»
. Lorsque nous parlons du rôle des hommes
et des garçons dans l’élimination de la violence fondée sur le genre,
je pense que nous devrions également parler de leur responsabilité
à cet égard, envers les femmes et les filles, et envers la société
en général. Changer les comportements et faire des masculinités
saines une réalité repose en grande partie sur les épaules des hommes.
Cependant, les femmes peuvent aussi bien perpétuer les conséquences
négatives des masculinités néfastes dans la façon dont elles élèvent
leurs enfants, interagissent avec les hommes et les garçons de leurs cercles
intimes et dans la façon dont elles réagissent quand d’autres femmes
défendent leurs droits.
38. La plupart des personnes auxquelles j’ai parlé ont souligné
l’importance d’investir dans l’éducation à l’égalité des genres
dès le plus jeune âge. Cela signifie qu’il faut investir dans la
formation des enseignant·e·s sur l’égalité des genres, en veillant
à ce que chaque élève ait régulièrement l’occasion de discuter de
l’égalité des genres en classe, plusieurs fois par an et pas seulement
une fois. Clara Alemann (Promundo) a préconisé des garanties pour
qu’un travail systématique soit entrepris avec les jeunes garçons
sur ce thème. Elle a également déclaré que la promotion de masculinités
saines contribuait à la réduction de la violence. Il est crucial
de travailler avec les hommes et les garçons à partir du moment
où ils façonnent leur rôle de jeunes garçons, d’adolescents ou de
nouveaux pères. Un changement de culture est nécessaire, les actions ponctuelles
ne suffiront pas. Il est essentiel de transformer les normes sociales
sur ce qu’implique une masculinité saine.
39. Il existe différentes façons de faire bouger les choses. J’ai
été très intéressé par une activité menée par l’ONG Emancipator.
Un week-end de formation destiné aux hommes est organisé chaque
année. 20 participants issus de divers groupes se réunissent, discutent
et commencent à déconstruire la masculinité ensemble, à un niveau
personnel. Les participants sentent qu’il existe un espace sûr pour
partager leurs questions et leurs doutes. L’émancipation des hommes
contribue largement à l’émancipation des femmes. Cette ONG souhaiterait
pouvoir organiser davantage de formations de ce type, mais son budget
est limité.
40. Discuter de l’égalité des genres signifie discuter de ce que
la notion d’occupation de l’espace signifie pour les femmes et les
hommes, de qui «prend l’espace» et comment il peut être partagé.
On ne dit presque jamais aux hommes qu’ils prennent l’espace des
femmes, alors qu’on le dit très souvent aux femmes. Cela soulève
la question de savoir comment se fait la division de l’espace et
quel type de partage de l’espace est attendu. On peut aussi se demander
pourquoi les femmes sont souvent envoyées en formation pour apprendre à
s’exprimer alors que les hommes ne sont presque jamais envoyés à
une formation pour apprendre à mieux écouter.
41. L’ONU Femmes travaille sur la question de la transformation
des masculinités patriarcales, qui mettent l’accent sur le pouvoir
des hommes sur les femmes et visent à maintenir les inégalités et
les hiérarchies de genre. Au cours de notre réunion, les représentant·e·s
ont indiqué que les masculinités patriarcales s’exprimaient individuellement
dans les attitudes et les comportements, institutionnellement dans
les politiques et les pratiques et idéologiquement dans les normes
sociales et les récits culturels. Transformer les masculinités patriarcales
va au-delà de la simple implication des hommes et des garçons dans
la promotion de l’égalité des genres. L’ONU Femmes recommande donc
de changer le récit. La remise en question des masculinités patriarcales
est désormais considérée comme une priorité avec la montée en puissance
de dirigeant·e·s politiques opposés à l’égalité des genres dans
plusieurs pays. Les recommandations de l’ONU Femmes incluent la
mobilisation des hommes pour remettre en question et transformer
les pratiques patriarcales et les cultures institutionnelles, utiliser
une approche intersectionnelle et reconnaître diverses masculinités,
reconnaître la centralité des organisations de défense des droits
des femmes dans le changement social pour l’égalité de genre, et
mettre en évidence la responsabilité des hommes en tant que leaders
dans la vie sociale, économique, culturelle et politique. L’ONU
Femmes recommande également de réagir aux mouvements anti-genre,
de lutter contre la misogynie en politique et de résister aux réactions
au recul des droits.
42. Au cours de notre réunion, nous avons également discuté de
l’importance de travailler avec tous ceux et toutes celles dont
les normes sociales pourraient soutenir les masculinités patriarcales.
Les mères, par exemple, risquent de promouvoir ce type de masculinité
en enseignant aux «garçons à être des garçons». Selon Khamsavath
Chanthavysouk, il existe des preuves que certaines normes sont nocives.
Toute la société peut être un instrument de masculinité. Edward
Wageni a souligné que les hommes avaient également intérêt à transformer
les masculinités patriarcales, car tous les hommes ne jouissent
pas des soi-disant privilèges d’être un homme. J’aimerais ajouter
que les liens familiaux, une bonne éducation et un niveau de revenu
élevé peuvent rendre certains hommes plus privilégiés que d’autres.
Yolanda Iriarte a parlé de l’importance d’investir dans la parentalité
transformatrice. Avoir plus d’hommes assumant leurs responsabilités
parentales signifie également une répartition différente du pouvoir.
43. Le philosophe français Ivan Jablonka, qui réfléchit sur le
rôle et la représentation des hommes dans la société, a participé
à une audition avec la commission le 12 avril 2022. Selon lui, l’inégalité
des genres est profondément enracinée dans nos sociétés et les privilèges
de genre sont endémiques. Il invite chacun·e à reconsidérer les
rôles et les attentes traditionnels. L’éducation donne un privilège
de genre aux hommes dans les sociétés, et cela a été intériorisé
dans nos cultures. Il souligne également que les hommes ont été
à l’avant-garde de toutes les batailles, à l’exception de l’égalité
des genres. Selon lui, le concept de «nouvelles solidarités» équivaut
à refuser la complicité masculine comme les blagues misogynes dans
le vestiaire et prendre parti pour les droits des femmes. Il considère
qu’un «nouvel accord sur le genre» pourrait mener à une répartition
égale des pouvoirs et des responsabilités.
44. Il a également souligné la responsabilité des hommes de changer
et de s’évader de leur «prison du genre». Les hommes pourraient
accepter leur vulnérabilité et leur insécurité. Il a suggéré le
concept de «contre-masculinité», un examen de conscience et une
réflexion sur l’éducation reçue. Dans son livre Des hommes justes (2019), il appelle
à une évolution du patriarcat vers de nouvelles masculinités, avec
la justice de genre comme nouveau projet pour la société. Ivan Jablonka
estime que les hommes devraient assumer la responsabilité de participer
au changement social depuis que le mouvement #MeToo est apparu.
45. Teresa Schweiger a présenté les travaux de MenEngage Europe
à la commission. Selon elle, les hommes et les garçons doivent prendre
conscience des privilèges masculins et des relations de pouvoir structurelles.
Un stéréotype de genre typique pour les garçons est d’être sexiste
pour être un garçon. Elle est convaincue que le changement d’attitudes
sexistes pourrait conduire à un changement de système. Elle a également
présenté l’outil appelé «man box» qui comprend des étiquettes stéréotypées
et des demandes telles que «soyez un vrai homme» ou «les garçons
ne pleurent pas».
46. Giovanna Lauro souligne qu’une perspective centrée sur le
féminisme devrait être utilisée pour faire participer les hommes
et les garçons à la prévention de la violence fondée sur le genre.
Les voix des hommes qui incarnent déjà un mode de vie non violent,
attentionné et bienveillant devraient être amplifiées. Souvent, le
travail avec les hommes et les garçons cible les groupes les plus
défavorisés et rarement les hommes en position de pouvoir, bien
que les deux soient essentiels. Elle a présenté l’Enquête internationale
sur les hommes et l’égalité des genres. Ses résultats ont montré
que les hommes qui avaient été témoins de violence contre leur propre
mère lorsqu’ils étaient enfants étaient 2,5 fois plus susceptibles
de commettre des violences entre partenaires intimes lorsqu’ils
devenaient adultes. Investir dans la prévention est donc crucial.
Promundo a lancé la «Global Boyhood Initiative» pour travailler
avec les garçons, dès l’âge de quatre ans, et avec celles et ceux
qui s’occupent d’eux, parents, enseignant·e·s, entraîneurs et entraîneuses
sportifs, et changer la façon dont ils sont élevés. L’ONG a également
lancé la campagne «MenCare», désormais active dans une cinquantaine
de pays, en vue de promouvoir une approche plus équitable des tâches
domestiques et familiales.
47. Chris Green, qui a créé la campagne White Ribbon, regrette
que l’engagement des hommes et des garçons ne figure pas encore
en bonne place à l’agenda politique. Il considère que les incitations
et la reconnaissance pourraient encourager les hommes à être actifs
dans ce domaine. L’éducation sociale peut conduire à des changements
sociétaux.
48. Dans son livre
For the Love of
Men: A New Vision for Mindful Masculinity (2019), Liz
Plank décrit la masculinité traditionnelle comme un obstacle à l’égalité
des genres. Elle souligne l’importance de la notion de «masculinité
consciente» pour que les hommes soient actifs dans la promotion
de l’égalité des genres. Elle a l’intention de chercher des solutions
plutôt que de présenter un problème. Elle appelle les hommes à redéfinir la
masculinité. Dans le podcast hebdomadaire «Man enough», avec l’acteur
et réalisateur Justin Baldoni et le producteur de musique Jamey
Heath, elle discute du thème «C’est quoi, être un homme aujourd’hui?
Et surtout, c’est quoi, être humain?»
.
5. Étude
de cas: l’Islande
49. J’ai examiné plus spécifiquement
la situation en Islande
, connue pour avoir un score élevé
sur l’indice d’égalité des genres depuis plus d’une décennie. Les
femmes ont atteint les plus hauts niveaux en tant que décideuses
et le pouvoir semble être partagé de façon égale en Islande. Cela
pourrait indiquer que les hommes sont prêts à jouer un rôle plus
actif dans la promotion de l’égalité des genres. Cependant, tout
en obtenant une note élevée en ce qui concerne l’égalité de genre,
l’Islande a également des taux élevés de violence domestique et
d’abus sexuels
. Dans son rapport sur l’Islande,
le GREVIO indique qu’il y a eu une augmentation constante du nombre
de signalements. En 2021, la police a enregistré environ 1 000 signalements
de violence domestique
.
50. L’Islande a adopté une feuille de route pour mettre fin à
la violence fondée sur le genre pour la période 2021-2026, comprenant
23 engagements. Elle comporte des actions visant à éradiquer la
violence fondée sur le genre à la fois dans le pays et avec des
projets au niveau international. L’accent est clairement mis sur l’augmentation
de la participation des hommes et des garçons aux activités de promotion
de l’égalité des genres. L’Islande prévoit d’engager activement
les hommes et les garçons à devenir des agents de changement et
coopère avec les Nations Unies à cette fin. En 2022-2023, l’Islande
s’est engagée à soutenir l’ONU Femmes dans son travail sur les masculinités
et l’engagement des hommes et des garçons. Elle s’est engagée à
allouer 1 million $US pour «améliorer le travail de prévention et
de réponse à la violence fondée sur le genre en impliquant les hommes
et les garçons et en transformant les masculinités néfastes»
.
51. L’Islande encourage également activement, au niveau international,
la participation des hommes aux campagnes visant à promouvoir l’égalité
de genre et à prévenir et combattre la violence fondée sur le genre. Le
pays codirige une coalition d’actions sur la violence fondée sur
le genre dans le cadre du Forum Génération Egalité.
52. Lors de la 65e session de la Commission
de la condition de la femme des Nations Unies (mars 2021), l’ancien
ministre islandais des Affaires étrangères, Gudlaugur Thor Thordarson,
a souligné que l’implication des hommes et la sensibilisation étaient
essentiels pour faire des processus décisionnels inclusifs et de l’égalité
des chances la nouvelle norme
.
Il a mentionné la plus haute importance d’impliquer les décideurs masculins
dans ce dialogue.
53. Un engagement concret du ministère des Affaires étrangères
est d’organiser des conférences annuelles appelées «
barbershop» (littéralement, salon
de barbier) avec des organisations internationales et d’autres partenaires.
Ces événements encouragent les hommes et les garçons à s’engager
activement dans la promotion de l’égalité de genre. Le ministère
indique que «le concept de
barbershop examine
des moyens novateurs pour les hommes de mobiliser et de motiver
d’autres hommes à s’attaquer aux stéréotypes discriminatoires de
la masculinité. Il identifie les moyens pour les hommes de parler
de l’égalité de genre dans un environnement confortable et sûr,
et aborde la façon dont les dirigeants masculins peuvent faire avancer ce
dialogue»
. Selon Gudlaugur
Thor Thordarson «les salons de barbiers sont connus pour être un
endroit sûr où les hommes peuvent parler librement et être plus
ouverts sur ce qu’ils ont à l’esprit, un peu comme le vestiaire.
Amenons la discussion ici, parlons entre nous de ce que nous pouvons
apporter à la table, comment nous pouvons jouer un rôle essentiel
dans le mouvement du changement, être des champions de HeForShe». L’Islande
a joué un rôle important dans la création d’une boîte à outils «Barbershop»
pour la campagne HeForShe
.
Il est néanmoins important d’être conscient que ce type d’initiatives
pourrait comporter des risques.
54. La première conférence Barbershop s’est tenue au siège de
l’ONU à New York en janvier 2015 et a été organisée par les Gouvernements
de l’Islande et du Suriname. Les militant·e·s des droits des femmes
ont critiqué le concept, avec l’argument qu’un événement pour discuter
des droits des femmes qui s’adressait uniquement aux hommes et auquel
n’assistaient que des hommes ne ferait pas grand-chose pour changer
le statu quo
.
55. Depuis 2015, l’Islande a participé ou co-organisé de nombreuses
conférences Barbershop, à Reykjavík (mai 2017)
, à Paris (Conférence Barbershop
de l’OCDE sur l’engagement des hommes pour l’égalité des sexes,
octobre 2018)
ou à Copenhague (Womenomics Nordic
Business Conference, mai 2019)
. Les événements
barbershop sont
considérés comme des séances permettant de comprendre certaines
réalités mais ne mènent pas nécessairement à un travail à long terme.
56. Il peut également y avoir des moyens d’impliquer les hommes
sur les médias sociaux. Þorsteinn V. Einarsson a lancé une campagne
sur les réseaux sociaux (sur Twitter, Instagram
ou avec des podcasts
) sous le titre «Karlmennskan» (littéralement,
«Masculinité»), encourageant les hommes à parler de leur vulnérabilité
et les femmes à partager des histoires de
mansplaining (ou
«mecsplication», comportement de condescendance masculine à l’égard
des femmes) et de misogynie. M. Einarsson est maintenant un conférencier
très recherché dans les écoles, les universités et les lieux de
travail en Islande. Il a eu l’idée de la campagne après avoir discuté
avec Sóley Tómasdóttir, une militante féministe islandaise du genre
et de la diversité. L’objectif de la campagne est que les hommes
partagent comment la conception traditionnelle de la masculinité
leur a nui ou a nui à leur entourage, en utilisant le hashtag #karlmennskan
et en racontant leur histoire. L’un des objectifs de la campagne
est de normaliser les hommes et les garçons qui expriment leurs sentiments
et leurs émotions.
6. Étude
de cas: l’Espagne
57. J’ai effectué une mission d’information
à Madrid les 29 et 30 septembre 2022, au cours de laquelle j’ai eu
l’occasion de rencontrer Irene Montero, ministre de l’Égalité, des
membres de la commission sur l’égalité de la Chambre des députés,
ainsi que des représentant·e·s de la délégation gouvernementale
contre la violence fondée sur le genre, de l’Institut des femmes,
du ministère des Affaires étrangères et d’ONG. Ce fut une visite
inspirante, lors de laquelle nous avons échangé sur la stratégie
espagnole visant à prévenir et combattre la violence fondée sur
le genre, priorité du Gouvernement espagnol.
58. La loi organique de 2004 sur la lutte contre la violence fondée
sur le genre adopte une approche globale, comprenant une série de
mesures préventives (éducation, sensibilisation, santé), des services
de soutien, ainsi que la mise en place de tribunaux spécialisés
pour les affaires de violence à l’égard des femmes et d’un service
spécialisé au sein du ministère public. Cette loi était axée sur
la violence fondée sur le genre entre partenaires intimes. Après
la ratification de la Convention d’Istanbul, la législation a été
étendue afin de couvrir toutes les formes de violence visées dans
la convention. En Espagne, les régions ont leurs propres lois sur
la violence fondée sur le genre, et certaines d’entre elles ont
mis leur législation en conformité avec la Convention d’Istanbul
avant que cela ne soit fait au niveau national. Un pacte d’État
contre la violence fondée sur le genre a été adopté en 2017. Il
prévoit des fonds importants pour les programmes associés. Une permanence téléphonique
gratuite (016), disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, existe
depuis 2017. Ce numéro a été composé plus d’un million de fois en
2021. Enfin, une nouvelle stratégie est en cours d’élaboration et comprendra
le thème des nouvelles masculinités. Je tiens à souligner que d’importants
changements sont nés d’une énorme pression sociale, notamment après
l’affaire de «la meute»
. En 2016, cinq jeunes hommes ont violé
une jeune femme. Ils s’en sont ensuite vanté sur WhatsApp et ont
partagé des photos et des vidéos. Ils ont été condamnés à neuf ans
de prison pour abus sexuel, et non pour viol, ce qui a entraîné
des manifestations dans tout le pays. À l’époque, la qualification
de viol n’était utilisée que s’il y avait eu violence. En 2022,
l’Espagne a adopté une loi sur le consentement sexuel indiquant
clairement que seul un «oui» veut dire «oui». En novembre 2022,
il est devenu évident que cette nouvelle loi est utilisée par des
juges pour réduire la peine des auteurs condamnés
.
59. L’idée d’associer les hommes et les garçons a été récemment
reprise par les autorités. Le ministère de l’Égalité promeut activement
la coresponsabilité des femmes et des hommes en tant que personnes
aidantes. Une vidéo intitulée «el hombre blandengue» (l’homme doux)
montre des hommes espagnols s’occupant de leurs enfants et œuvrant
en faveur de l’égalité des genres. Lors de notre rencontre, Mme Montero
a souligné que le partage de ces responsabilités contribuerait grandement
à promouvoir l’égalité des genres et à lutter contre la violence
fondée sur le genre. Elle a également précisé qu’une société féministe
sans violence, où les tâches domestiques et familiales et les richesses
sont répartis équitablement, serait bénéfique à tout le monde. Elle
a ajouté que de plus en plus d’hommes souhaitaient vivre leur masculinité
d’une autre manière et s’occuper de leurs enfants ou d’autres personnes
à charge. En outre, nous avons discuté de l’importance de l’éducation
sexuelle pour les adolescents comme moyen de promouvoir des relations
saines et de prévenir la violence. La lutte contre le déni de la
violence fondée sur le genre des mouvements anti-genre a été présentée comme
une autre priorité.
60. Deux parlementaires membres de la commission sur l’égalité
ont évoqué l’importance de prévenir la violence contre les enfants
et la nécessité de communiquer les données sur la violence fondée
sur le genre aux tribunaux aux affaires familiales chargés des affaires
de divorce et de garde. Les représentantes de la délégation gouvernementale
contre les violences fondée sur le genre ont souligné que la formation
des forces de sécurité et des services répressifs en matière de
prévention et de lutte contre la violence fondée sur le genre était
une priorité.
61. La ville de Madrid a créé des «espaces d’égalité» dans ses
quartiers, afin d’offrir des lieux de discussion et de formation.
Malgré ces incitations, la directrice du centre que nous avons visité
regrette que l’engagement des hommes dans la prévention et la lutte
contre la violence fondée sur le genre reste dans l’ensemble assez passif.
Il est indispensable de faire la publicité des événements organisés
dans ce domaine pour encourager les hommes à y participer.
62. À mon sens, l’expérience espagnole pourrait être source d’inspiration
pour d’autres pays. En Espagne, certains hommes ont publiquement
affirmé ne pas vouloir être un homme stéréotypé, présentés comme
des machos ou catégorisés comme tels. Ils revendiquent la diversité
des masculinités et parlent ouvertement de la participation des
hommes aux tâches domestiques et familiales, par exemple. Depuis
2006, les hommes féministes et engagés dans la lutte contre la violence
fondée sur le genre organisent chaque année, le 21 octobre, des
manifestations dans différentes villes espagnoles.
63. En Espagne et dans certains autres pays, l’allocation de ressources
aux programmes traitant du rôle des hommes dans la lutte contre
la violence fondée sur le genre suscite la controverse au sein du
mouvement féministe. Les ressources attribuées aux organisations
de défense des droits des femmes ne devraient pas être réduites,
mais il convient de prévoir des fonds supplémentaires.
64. La plupart des interlocuteurs ont évoqué la nécessité de rompre
l’accord informel sur la violence fondée sur le genre. En vertu
de cet accord, les hommes ne réagissent pas aux commentaires sexistes
de leurs homologues ou ne s’opposent pas à leur violence. Mes interlocuteurs
ont appelé les hommes à réagir pour mettre fin à la violence et
à ne pas rester simples spectateurs («en nous taisant, nous sommes
complices»). L’association AHIGE a été créée pour offrir aux hommes
des espaces de discussion.
65. Lors de notre rencontre, Miguel Lazaro, qui représentait Masculinidades
Bêta, a souligné qu’il y avait eu des changements notables ces dernières
années du fait que les femmes n’acceptent plus certains types de comportement
de la part des hommes. Il a indiqué que tous les hommes devraient
s’exprimer ouvertement contre la violence fondée sur le genre et
prendre position en faveur des politiques d’égalité. Certains hommes peuvent
se considérer comme victimes et ne veulent pas abandonner leurs
privilèges. Les témoins ne sont pas innocents s’ils ne font rien
contre la violence. Les responsables politiques doivent également
condamner la violence fondée sur le genre.
66. Mes interlocuteurs et interlocutrices ont insisté sur l’importance
d’élaborer des politiques publiques et des programmes spécifiques
destinés aux hommes
,
lesquels devraient d’ailleurs participer à la conception de ces
programmes. M. Lazaro a également fait référence à la «man box»,
un outil important pour montrer aux hommes comment ils sont enfermés
dans la prison des stéréotypes
. Un autre élément important est
le langage utilisé pour parler de la violence fondée sur le genre.
On utilise souvent un langage passif pour souligner le fait que
les femmes ont été victimes de violence fondée sur le genre. Il
faudrait s’efforcer sérieusement de s’allier la participation des
hommes grâce à un nouveau discours sur les masculinités, et mettre
l’accent sur la responsabilité des hommes en matière de prévention
et d’élimination de la violence fondée sur le genre.
7. Actions
recommandées pour favoriser la responsabilité des hommes dans la
prévention et l’élimination de la violence à l’égard des femmes
et des filles fondée sur le genre
67. Les hommes devraient avoir
davantage conscience qu’ils font autant partie de la solution que
du problème. En tant que pères, frères, membres d’une famille, praticiens,
législateurs ou enseignants, pour n’en citer que quelques-uns, tous
les hommes, dans leur diversité, ont la responsabilité de prévenir
et de combattre la violence à l’égard des femmes et des filles fondée
sur le genre. Ils peuvent agir à la maison, dans la rue, à l’école,
à l’université, dans les transports publics ou dans un parlement.
Pendant trop longtemps, la lutte contre la violence fondée sur le
genre a été menée essentiellement par les femmes, or une approche
inclusive pourrait bénéficier à toutes et à tous. Je pense que le
discours féministe sera renforcé par la participation des hommes
et des femmes dans toute leur diversité.
68. Nous devons nous intéresser à la construction de la masculinité
et de la virilité et à toutes les injonctions imposées aux hommes
et aux garçons. Le partage des émotions, à titre d’exemple, n’est
ni masculin ni féminin mais un sentiment humain. Les hommes et les
femmes peuvent être enfermés dans une «prison de genre», et il est
temps de déconstruire les stéréotypes liés au genre et de laisser
les gens être ce qu’ils sont. Les hommes ne constituent pas un groupe
homogène et les différentes situations de pouvoir devraient également être
prises en considération.
69. Il convient d’accorder la priorité à l’éducation à l’égalité
des genres dès le plus jeune âge et tout au long de la scolarité.
L’éducation est l’une des clés d’un changement durable et jette
les bases d’une société sans violence.
70. De plus, communiquer sur les coûts de la violence fondée sur
le genre et sur l’impact négatif des masculinités néfastes sur les
hommes et sur la société en général pourrait permettre certaines
transformations sociales. Les activités destinées aux hommes et
aux garçons en matière de lutte contre la violence fondée sur le
genre devraient les aborder dans leur diversité. Enfin, le rejet
des masculinités néfastes et la valorisation des masculinités conscientes
pourraient être inscrits dans le débat public. Il pourrait être
utile de mener des campagnes de sensibilisation.
71. Il est très important de travailler avec les auteurs de violence
à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre. Ils peuvent
en effet partager leur expérience et susciter des changements. L’élaboration
de programmes destinés aux auteurs de violence fondée sur le genre
est essentielle pour lutter contre ce type de violence et garantir
l’absence de récidive.
72. Les professionnel·e·s qui accueillent et accompagnent les
survivant·e·s de violence fondée sur le genre devraient suivre une
formation complète. Selon Maxime Ruszniewski, tous les hommes n’ont
pas la même responsabilité en matière de prévention et de lutte
contre la violence fondée sur le genre. Les policiers et les médecins
généralistes sont souvent des hommes et les premières personnes
avec lesquelles les femmes survivantes sont en contact.
73. Il est essentiel d’avoir des modèles masculins qui montrent
qu’ils partagent les responsabilités familiales, qu’il est acceptable
de montrer ses émotions, de prendre soin des enfants et de promouvoir
l’égalité des genres au sein de la famille et au travail. Les politiciens
doivent parler de leur responsabilité dans la prévention et la lutte
contre la violence fondée sur le genre.
74. En outre, les administrations publiques et les sociétés privées
pourraient s’engager davantage dans la lutte contre la violence
fondée sur le genre. Des formations sur la prévention et la lutte
contre le sexisme et la violence fondée sur le genre pourraient
être organisées directement sur le lieu de travail.
75. Sans la participation des hommes, et s’ils ne comprennent
pas l’importance de cette participation, la lutte en faveur de l’égalité
des genres et contre la violence fondée sur le genre ne progressera
que de façon limitée. Appeler les hommes à participer aux débats
sur l’égalité et à promouvoir plus activement l’égalité des genres, à
l’aide de messages positifs montrant qu’ils peuvent être des alliés
et faire partie de la solution, pourrait avoir des résultats concrets.
Le cinéma, le théâtre, la musique, les clips vidéo et les réseaux
sociaux pourraient également être utilisés pour faire évoluer les
mentalités.
8. Conclusions
76. J’espère sincèrement que nous
sommes sur le point d’assister à un changement des mentalités. Nous voyons
de plus en plus d’hommes remettre en question les masculinités néfastes
et prêts à assumer une masculinité consciente. Je suis optimiste
lorsque je vois les jeunes générations consacrer du temps à leurs familles
et à leurs partenaires, et j’espère que ces exceptions se généraliseront
dans un avenir proche. Il existe en effet un lien étroit entre l’implication
des hommes dans les tâches domestiques non rémunérées et leur engagement
personnel dans la lutte contre la violence fondée sur le genre.
77. Je suis également confiante lorsque je vois l’attention portée
à l’étude des masculinités et des vulnérabilités des hommes dans
la culture populaire, comme dans les films et les séries, en plus
de la littérature. Les hommes affichent de plus en plus leurs vulnérabilités
à l’écran, remettent en question leur éducation et le rôle de leurs
pères dans la construction de leur masculinité. Cela pourrait encourager
certains changements dans la vie réelle. La culture populaire peut
être un puissant moyen de faire évoluer les mentalités.
78. Bien qu’il ne s’agisse pas du sujet principal de ce rapport,
je m’intéresse également aux masculinités et aux relations internationales,
et j’encourage la commission sur l’égalité et la non-discrimination
à poursuivre ses travaux dans ce domaine. La violence fondée sur
le genre est indéniablement une menace pour la démocratie et je
pense que notre commission pourrait traiter de manière efficace
la question des masculinités, des conflits et de leur impact sur
les femmes et les filles.
79. Le féminisme et la lutte pour l’égalité des genres sont bénéfiques
pour la société dans son ensemble. Les hommes qui participent à
la lutte contre la violence fondée sur le genre ne prennent pas
l’espace des femmes. Leur participation peut permettre d’atteindre
l’objectif général qui consiste à protéger un plus grand nombre
de femmes de la violence. Les hommes et les femmes, dans toute leur
diversité, peuvent s’allier pour lutter contre la violence fondée
sur le genre et unir leurs forces pour transformer les normes sociales.