1. Introduction
1. En 2018, M. Michele Nicoletti,
professeur de philosophie politique à l’université de Trente et
alors Président de l’Assemblée parlementaire, a avancé l’idée de
créer des réseaux universitaires au niveau européen. À partir de
cette idée, le Conseil de l’Europe a lancé l’initiative OCEAN (Open
Council of Europe Academic Networks ou Réseaux universitaires ouverts
du Conseil de l’Europe), dont le but est de renforcer la coopération
entre le Conseil de l’Europe et les universités et instituts de
recherche, dans une interaction mutuellement enrichissante.
2. En décembre 2020, le professeur Nicoletti a présenté une étude
de faisabilité qui expose les objectifs et les avantages de ce projet
pour l’Organisation et ses États membres, en examine le contexte,
le financement et la viabilité et en évalue les risques. Il a présenté
ce projet à notre commission au cours d’une audition qui s’est tenue
le 21 avril 2021; la proposition de résolution (
Doc. 15299) de juin 2021, qui est à l’origine du présent rapport,
résulte de cette audition.
3. Après ma nomination en qualité de rapporteure le 29 septembre
2021, la commission a tenu une audition le 4 mars 2022 à Paris,
à laquelle a participé Mme Chantal Cutajar,
enseignante à l’université de Strasbourg, membre du conseil consultatif
de l’initiative OCEAN, puis une autre le 10 mai 2022 à Rome, avec la
participation de Mme Maria Cristina Messa,
ministre italienne de l’Enseignement supérieur et de la Recherche,
du professeur Nicoletti, de la professeure Marina Calloni, coordinatrice
du réseau italien UN.I.RE (Universités en réseau contre la violence
de genre) et du professeur Giovanni Guiglia, coordinateur général
du réseau RACSE (Réseau académique sur la Charte sociale européenne
et les droits sociaux). La commission a également eu l’occasion
de poursuivre ses échanges avec le professeur Nicoletti le 11 octobre
2022 à Strasbourg. Je remercie tous ces experts pour leurs contributions,
qui ont également servi de base à mon rapport.
2. Le concept: une synergie renforcée
entre le Conseil de l’Europe et le monde universitaire
4. La culture, l’éducation et
la recherche jouent un rôle significatif dans la consolidation de
la construction européenne et des valeurs et normes paneuropéennes
sur lesquelles elle repose. L’Organisation des Nations Unies (ONU)
a également créé un réseau d’universités, l’initiative impact universitaire
(UN Academic Impact ou UNAI), pour soutenir ses objectifs et contribuer
à leur mise en œuvre, notamment la promotion et la protection des
droits humains, l’accès à l’éducation, la durabilité et la résolution
des conflits
.
5. En 2017, le Président français Emmanuel Macron a remis à l’ordre
du jour une idée d’après-guerre préconisant la création d’une université
européenne. La Commission européenne a rapidement lancé l’initiative
Universités européennes et consacré un budget de 287 millions d’euros
à la création d’une quarantaine de réseaux universitaires européens,
dont le but est d’améliorer «la qualité, l’inclusion, la numérisation
et l’attractivité de l’enseignement supérieur européen» et d’être
un dispositif permettant de relever des défis tels que la pandémie
de covid-19 et le changement climatique
.
6. Le projet OCEAN du Conseil de l’Europe est conçu comme un
outil supplémentaire au service de la mise en œuvre des conventions
du Conseil de l’Europe aux niveaux national et européen. Le but
est de développer les échanges dans divers domaines de la vie universitaire
afin que les universités et les instituts de recherche des 46 États
membres puissent apporter leur concours et leurs idées à l’Organisation
pour la mise en œuvre, la révision, l’amélioration et la diffusion
de ses conventions.
7. Comme l’a souligné le professeur Nicoletti devant notre commission,
les liens entre les droits humains d’une part et la science et l’éducation
d’autre part sont essentiels pour s’attaquer aux problèmes du changement
climatique, de la protection des données et de l’intelligence artificielle,
notamment, et à bien d’autres.
8. Les valeurs européennes ne sont pas seulement une question
de conventions, de règlements et d’institutions, mais aussi de culture,
d’idéaux et de convictions. Ce principe se vérifie particulièrement
en temps de crise et doit être cultivé au sein des universités,
qui sont le berceau de l’éducation et de la formation des générations
futures. L’Europe n’est pas une création du XXe siècle,
mais du Moyen Âge, lorsque les savants partageaient la même langue
et la même culture dans le cadre d’un réseau formé par les anciennes universités.
Seul le nationalisme a été capable de fragiliser ces liens, qui
se sont heureusement resserrés après la seconde guerre mondiale.
Pour mettre en œuvre et réviser les instruments juridiques adoptés
dans le domaine des droits humains, les gouvernements ont besoin
de la coopération des universitaires. Le Conseil de l’Europe doit
également renforcer ses partenariats avec les jeunes générations,
qui sont prêtes à se mobiliser activement pour la défense de nos
valeurs partagées.
9. Toutes les universités de nos 46 États membres seront invitées
à se joindre au projet, le but étant d’instaurer une coopération
systématique entre les universités, en particulier par l’intermédiaire
de jeunes chercheurs. La visibilité du Conseil de l’Europe pourrait
en être améliorée et ses conventions pourraient être analysées dans
les universités, ce qui lui ouvrirait un accès plus large aux travaux
et recherches universitaires.
10. D’autres avantages pour l’Organisation seraient notamment
une meilleure application des conventions au niveau national et
une plus grande conformité à leurs dispositions, un accès plus large
à la recherche multidisciplinaire comparative, la collecte de bonnes
pratiques, la constitution d’un groupe croissant d’experts de conventions
données et de groupes universitaires de réflexion pour l’amélioration
des instruments et pratiques juridiques, le suivi par des universitaires
spécialistes du droit des tendances de la législation nationale
et internationale, la constitution d’observatoires des législations
nationales et de plateformes nationales de coordination de réseaux
thématiques nationaux, la compilation de rapports annuels, de bases de
données et des recherches les plus récentes, ainsi que l’introduction
de l’étude des conventions dans les cursus nationaux.
11. De leur côté, les universités peuvent organiser des cours
communs, des bourses de doctorat, des prix ou des recueils de publication
des meilleures thèses de doctorat, des programmes de master, des
consortiums de projets de recherche, des programmes communs de formation
pour des chercheurs ou des praticiens, des universités d’été et
offrir un cursus véritablement européen correspondant aux valeurs
et aux normes défendues par le Conseil de l’Europe. Les jeunes chercheurs
pourraient consacrer leurs thèses aux conventions du Conseil de
l’Europe et s’approprier ainsi pleinement, par leurs contributions
à un corpus croissant de travaux de recherche, les principes et
normes des conventions du Conseil de l’Europe.
12. Dans un premier temps, des accords de coopération seront conclus
avec des partenaires universitaires (universités, instituts de recherche,
etc.). Ces accords définiront le champ de coopération, les missions
des partenaires, la logistique, les apports financiers, etc.
13. Le 6 juillet 2022, lors d’une conférence en ligne sur la Convention
d’Istanbul, les participants ont tâché de déterminer les modalités
de la création des réseaux OCEAN. Le 1er septembre
2022, des spécialistes français de la lutte contre la corruption
se sont réunis sous l’égide de l’initiative OCEAN pour examiner
la possibilité de fonder un réseau OCEAN de lutte contre la corruption
en France.
14. Le projet sera initialement axé sur la création de réseaux
relatifs à trois conventions du Conseil de l’Europe: a) la Convention
du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique (STE n° 210, Convention
d’Istanbul); b) les conventions relatives à l’Accord élargi sur
le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) et c) la Convention
pour la protection des Droits de l’Homme et de la dignité de l’être
humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention
sur les Droits de l’Homme et la biomédecine (STE n° 164, Convention
d’Oviedo).
14.1. Un réseau italien
à rayonnement national et européen sur la Convention d’Istanbul,
qui fait office de modèle en la matière, a déjà été créé et est
en train de s’étendre. D’autres réseaux nationaux similaires sont
en cours de création en France, en Espagne et en Türkiye, avec la
perspective de mettre également en place un réseau régional en Europe
de l’Est.
14.2. Par ailleurs, un réseau français portant sur les conventions
établies dans le cadre de l’Accord élargi sur le GRECO s’est réunit
les 26 et 27 novembre 2022 à Strasbourg pour achever la fondation formelle
d’un réseau national dans le cadre du projet OCEAN.
15. Le projet sera financé par des contributions volontaires d’États
membres, de l’Union européenne et éventuellement d’acteurs privés,
ainsi que, dans une certaine mesure, par le budget ordinaire du
Conseil de l’Europe.
16. Le projet OCEAN est actuellement en quête d’un soutien financier,
essentiellement au moyen de contributions volontaires. Jusqu’à présent,
c’est le Gouvernement italien qui s’est montré le plus coopératif.
La Türkiye et le Royaume-Uni ont également fait part de leur intérêt
pour ce projet. Par ailleurs, il sera demandé aux universités et
aux partenaires qui coopèrent avec cette initiative d’utiliser les
ressources dont ils disposent déjà.
17. Les événements récents mettent en évidence la demande émanant
des universités, des instituts de recherche et des universitaires
à titre individuel en faveur de la création d’autres réseaux nationaux,
dans le cadre du projet, qui devraient bénéficier du soutien de
nos gouvernements.
18. Il est également important de remplir un autre objectif consistant
à apporter un soutien aux universités et aux jeunes étudiants des
pays qui sont en proie à des agressions et à des violations des
droits humains, comme l’Ukraine.
3. Les
réseaux existants et le potentiel de développement d’OCEAN
19. Au fil des ans, avant le lancement
du projet OCEAN, les réseaux suivants ont été mis en place dans
le cadre des travaux du Conseil de l’Europe:
19.1. Le Réseau académique sur la Charte sociale européenne
et les droits sociaux (RACSE) a été établi en 2006 par le Secrétariat
de la Charte sociale européenne sous forme d’association à but non lucratif
réunissant des universitaires
. Il compte près de 200 membres issus
de 15 pays: Autriche, Belgique, Chypre, France, Grèce, Irlande,
Italie, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Slovénie, Suisse,
Türkiye et Hongrie. Il est divisé en 9 sections nationales: Belgique,
France, Grèce, Irlande/Royaume-Uni, Italie, Pologne, Portugal, Roumanie
et Türkiye. Le réseau contribue à la promotion des droits sociaux
dans une perspective européenne par ses activités d’enseignement,
de formation, de recherche et d’expertise juridique et son engagement
dans les procédures judiciaires nationales et internationales (essentiellement
à titre d’
amicus curiae).
19.2. Au niveau national, le réseau UN.I.RE (
Università in rete contro la violenza di genere,
Université en réseau contre la violence de genre)
est un réseau italien de dix universités
dont l’objectif est de contribuer à la mise en œuvre de la Convention
d’Istanbul. Cette initiative, née de la coopération de ces universités
avec notre Assemblée pour la création d’un prix récompensant le
meilleur mémoire ou la meilleure thèse de doctorat sur la violence
contre les femmes, a été financée par la présidence du Conseil des
ministres et le ministère de l’Égalité des chances et la Famille
italiens. Elle est maintenant ouverte à l’ensemble des universités
italiennes, des centres de recherche et des chercheurs intéressés par
ce sujet. Ses activités comprennent la formation, la recherche,
la collecte de données et l’information de la société, l’objectif
étant d’affirmer une culture du respect des identités de genre.
L’UN.I.RE est entièrement financé par le Gouvernement italien. Les
universités ont pu proposer des formations aux étudiants en tant
que futurs professionnels de la lutte contre la violence fondée
sur le genre, en coopération avec des collectivités locales, des
associations, des professionnels de la santé et du droit et des
institutions nationales et internationales.
20. Le réseau OCEAN a été officiellement lancé en tant que réseau
européen lors d’une conférence organisée conjointement par l’UN.I.RE
et le projet OCEAN le 10 mai 2022 à Rome, avec la participation
des ministères italiens de l’Enseignement supérieur et de la Culture.
21. Ce même jour, les professeurs Calloni et Guiglia ont fait
part en détail, lors de la réunion de notre commission à Rome, de
leur expérience et des enseignements qu’ils en avaient tirés, en
insistant sur les retombées positives des activités des réseaux
sur les politiques publiques, ainsi que sur la coopération internationale.
22. Le professeur Guiglia a en outre souligné que les tribunaux
nationaux sont mieux sensibilisés aux droits sociaux et que toutes
les juridictions nationales et internationales participent davantage
à la promotion de la mise en œuvre de la Charte sociale européenne
(STE n° 35) dans tous les États contractants. Il a fait observer que,
pour accroître la participation des réseaux universitaires, il est
nécessaire de disposer d’une structure juridique et d’un soutien
politique et financier adéquats.
23. Les effets des activités des réseaux sur les juridictions
et les politiques nationales mettent également en relief la nécessité
de garantir la liberté académique et l’autonomie de l’enseignement
supérieur en Europe, qui fait l’objet de la
Résolution 2352 et de la Recommandation 2189 (2020) de l’Assemblée.
24. Le Conseil de l’Europe est très actif dans ce domaine, notamment
par l’intermédiaire de son Cadre de référence des compétences pour
une culture de la démocratie, de son projet relatif à la mission
démocratique de l’enseignement supérieur et de sa contribution à
la poursuite du développement de l’Espace européen de l’enseignement
supérieur (EEES), qui cartographie la situation de facto et de
jure de la liberté académique au sein de l’EEES.
25. À mon avis, il s’agit d’un aspect important à prendre en compte
lors de la création ou de l’extension de réseaux universitaires
sous l’égide du projet OCEAN, en particulier dans les pays qui sont
au bas du classement établi selon l’indice de liberté académique
(Academic Freedom Index – AFI), où la communauté universitaire n’est
pas libre de s’investir dans la recherche, l’enseignement, l’apprentissage
et la communication avec la société sans craindre des représailles.
26. L’EEES a également mis en place un groupe de travail sur le
renforcement du partage des connaissances au sein de la communauté
de l’EEES, pour donner suite à l’engagement, pris dans le Communiqué
de Rome, de construire une communauté de l’enseignement supérieur,
plus étroitement connectée et plus durable, favorisant l’inclusion,
la communication, la coopération et la solidarité, qui sont indispensables
pour garantir la pertinence et le niveau d’excellence de l’action
de l’EEES à l’avenir. Le projet OCEAN peut apporter une contribution
précieuse à ces efforts et le Conseil de l’Europe devrait mettre
en place une étroite coordination avec les membres de l’EEES.
27. D’autres réseaux universitaires pourraient être constitués
dans les années à venir pour se consacrer à des domaines d’intérêt
prioritaires pour l’Organisation, tels que la protection des droits
des minorités et des enfants, la nécessité de faire face au changement
climatique et la défense de l’État de droit.
28. Le Conseil de l’Europe met actuellement en place un site web
destiné à mobiliser des universités, des instituts de recherche
et des universitaires à titre individuel. Une série de publications
relatives aux conventions du Conseil de l’Europe est également sur
le point d’être lancée. Les parlements nationaux pourraient également
contribuer à cette initiative, notamment dans le cadre des commissions
parlementaires concernées, qui ont peut-être déjà noué des contacts
avec le monde universitaire.
29. Selon l’étude de faisabilité sur le projet OCEAN, certains
secteurs de l’Organisation se distinguent également par l’ampleur
de la coopération qu’ils ont établie avec les milieux universitaires
et pourraient être associés au futur système OCEAN à mesure que
le projet et les réseaux se développent et intègrent davantage de
conventions.
30. L’outil le plus largement utilisé pour diffuser des connaissances
approfondies sur les conventions du Conseil de l’Europe est le programme
européen de formation aux droits de l’homme pour les professionnels du
droit (HELP), qui propose des cours en ligne destinés principalement
aux praticiens qui ne sont pas des universitaires, ainsi qu’un grand
nombre de publications et de documents et outils d’information.
Sous l’impulsion de la
Résolution 2039 (2004) de l’Assemblée, «La Convention européenne des droits
de l’homme: le besoin de renforcer la formation des professionnels
du droit», le programme HELP a été lancé à petite échelle en 2005,
et depuis, est devenu un programme complet qui permet de renforcer
les capacités des juges, des avocats et des procureurs dans les
46 États membres et au-delà. Il constitue par ailleurs un modèle remarquable
pour le projet OCEAN s’agissant de l’exploitation de son potentiel
et de ses perspectives d’avenir.
31. Les discussions tenues au sein de la commission ont également
mis en avant la nécessité d’accorder une attention particulière
à la commercialisation de l’enseignement supérieur. La coopération
entre les universités et les institutions publiques est utile pour
que la connaissance et la science restent des biens publics. Cependant,
les acteurs privés pourraient également être mis à contribution
dans le cadre d’interactions mutuellement enrichissantes.
4. Observations
finales et recommandations
32. La mondialisation de la recherche
et de l’innovation s’est intensifiée ces dix dernières années, notamment
sur le plan de la recherche collaborative, du développement technologique
et de la mobilité des chercheurs. Les universités ont un rôle essentiel
à jouer pour relever les défis qui se posent à l’Europe, et notamment
la défense de la prééminence du droit, la lutte contre la corruption,
la nécessité d’agir face au changement climatique et l’intégration
des migrants.
33. Tous ces sujets sont aussi des préoccupations centrales pour
le Conseil de l’Europe, aussi bien au niveau intergouvernemental
qu’à celui de la diplomatie parlementaire et nécessitent de mobiliser
les ressources, les forces et les talents de la société civile,
des universitaires, des scientifiques et des étudiants, ainsi que
des organisations non gouvernementales.
34. De nombreuses initiatives fructueuses du Conseil de l’Europe,
telles que la Commission européenne pour la démocratie par le droit
(Commission de Venise), Eurimages, l’Accord partiel élargi sur le
sport (APES) ou la Pharmacopée européenne, reposent sur des projets
conjoints et des accords partiels auxquels chacun apporte sa contribution
parce que chacun en bénéficie. L’accent est mis sur la prévention
des violations du système des conventions, plutôt que sur la sanction.
35. Le plein respect des valeurs et des normes du Conseil de l’Europe
qui sont consacrées par le système des conventions exige de mobiliser
tous les secteurs de la société civile. L’impact et la visibilité
de notre Organisation doivent avant tout être mesurés sur le terrain.
C’est uniquement lorsque ces valeurs sont inscrites dans le tissu
social que la mise en œuvre effective des normes du Conseil de l’Europe
peut être garantie.
36. Les citoyens, les organisations non gouvernementales, les
collectivités locales, les établissements scolaires et les universités
peuvent faire une différence dans une société où les droits humains
et la démocratie prévalent. Les chercheurs, les étudiants, les travailleurs
sociaux et les autorités locales intervenant dans divers secteurs
peuvent s’approprier davantage les valeurs énoncées dans les conventions,
car elles rejaillissent sur leur travail et leur vie quotidienne.
Chacun apporte sa contribution car chacun bénéficie des normes élaborées par
le Conseil de l’Europe.
37. Les universités et les instituts de recherche européens sont
des ressources encore largement inexploitées pour promouvoir le
système des conventions. Ils restent les moteurs de l’innovation
et de la pensée créative et peuvent être considérés comme faisant
partie du patrimoine universel; ils produisent un capital humain
de haut niveau, dont la prochaine génération de décideurs politiques
européens, facilitent les discussions sur les politiques à mener
et conduisent le changement. Ils ont réellement le potentiel de
devenir des incubateurs des droits humains, de la démocratie et
de l’État de droit et de créer un environnement favorable pour soutenir
la mise en œuvre de la Convention européenne des droits de l’homme
(STE n° 5) et de toutes les autres conventions du Conseil de l’Europe.
38. Comme l’a déclaré M. Nicoletti, «le Conseil de l’Europe souffre
d’un manque de reconnaissance et mérite d’être mieux connu». Il
faut renforcer la capacité des conventions du Conseil de l’Europe
à mobiliser l’intelligence collective de la société civile à tous
les niveaux.
39. Le réseau OCEAN a pour but de rassembler tous les universitaires
d’Europe pour redéfinir ce que signifie être européen et les valeurs
sur lesquelles repose l’Europe, alors que notre continent est ébranlé
par la guerre en Ukraine.
40. Les réseaux mondiaux et européens d’universités, d’instituts
de recherche et d’experts universitaires coopérant avec des organisations
internationales et européennes se sont multipliés ces dix dernières
années. Ces réseaux sont mieux placés pour susciter l’ampleur et
les synergies nécessaires afin de relever les défis qui se posent
à l’Europe et en faire un continent où prévalent la démocratie,
les droits humains et l’État de droit.
41. Au niveau du Conseil de l’Europe, les réseaux existants UN.I.RE
et RACSE travaillent déjà sur des priorités essentielles, à savoir
la nécessité de lutter contre la violence fondée sur le genre et
de renforcer les droits sociaux en Europe. Ces initiatives peuvent
servir de modèle pour de futurs travaux thématiques sur d’autres
conventions du Conseil de l’Europe.
42. Les réseaux universitaires actuels et futurs tireraient grandement
profit de la participation des décideurs politiques aux niveaux
local, régional, national et international, en fonction de la problématique
abordée. Cela permettrait de créer de meilleures synergies entre
les secteurs de la recherche et de l’élaboration des politiques
et faciliterait la mise en œuvre du système des conventions à partir
de la base.
43. L'expertise des universitaires peut être utile aux parlementaires
pour examiner les lois au regard des normes fixées dans les conventions
du Conseil de l’Europe et contrôler l’action de leur gouvernement
en ce qui concerne l’exécution des arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme.
44. Grâce aux contacts que les parlementaires peuvent déjà avoir
noués avec le monde universitaire, les commissions parlementaires
concernées dans les 46 parlements devraient aussi apporter leur
contribution aux efforts visant à mobiliser des universités, des
instituts de recherche et des universitaires à titre individuel, efforts
qui seront facilités par le site internet du projet OCEAN, qui est
en cours de création.
45. Comme l’ont souligné les représentants des réseaux existants,
pour accroître la participation des réseaux universitaires, il est
nécessaire de disposer d’une structure juridique et d’un soutien
politique et financier adéquats. Notre Assemblée devrait appeler
tous les États membres du Conseil de l’Europe ainsi que l’Union
européenne à envisager de soutenir le projet OCEAN et d’envoyer
un signal politique fort, en particulier concernant les conventions
que l’Union européenne a elle-même signées, comme la Convention
d’Istanbul.
46. L’Assemblée devrait également inviter les États membres du
Conseil de l’Europe à établir une étroite coordination avec les
membres de l’Espace européen de l’enseignement supérieur (EEES),
notamment dans le cadre du groupe de travail sur le renforcement
du partage des connaissances au sein de la communauté de l’EEES.
47. Conformément à la
Résolution 2352
et à la Recommandation 2189 (2020) «Menaces à l’encontre de la liberté académique et de
l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur en Europe», il conviendrait
de veiller tout particulièrement à intégrer l’évaluation de la liberté
académique dans les phases de préparation et de mise en œuvre des
réseaux OCEAN, en constituant un cadre pour un processus régulier d’évaluation
et de dialogue sur la situation de chaque partenaire.
48. Lors de l’audition tenue par la commission à Rome, le professeur
Nicoletti a proposé que le Conseil de l’Europe lance sa propre conférence
sur l’avenir de l’Europe, à l’image de celle que l’Union européenne
a récemment organisée, et a invité les universités et les centres
de recherche à réfléchir à l’avenir de la grande Europe et de l’Organisation
dans son ensemble. Selon lui, les étudiants, les enseignants et
les chercheurs peuvent devenir les meilleurs alliés et ambassadeurs
du Conseil de l’Europe.
49. Depuis plusieurs années, l'Assemblée n'a cessé d’appeler à
l'organisation d'un 4e Sommet, appel
qui a été repris dans plusieurs textes adoptés depuis le déclenchement
de l'agression à grande échelle lancée contre l'Ukraine, notamment
dans l’
Avis 300 (2022) «Conséquences de l’agression de la Fédération de Russie contre
l’Ukraine» du 15 mars 2022 ainsi que dans la
Résolution 2433 (2022) et la
Recommandation
2228 (2022) «Conséquences de l'agression persistante de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine: rôle et réponse du Conseil de l'Europe»
du 27 avril 2022.
50. Lors de sa Conférence ministérielle de Turin, le 20 mai 2022,
le Comité des Ministres «a invité la Secrétaire Générale à créer
un Groupe de réflexion de haut niveau chargé d'examiner les réponses
à apporter par le Conseil de l'Europe aux nouvelles réalités et
aux nouveaux défis et de commencer à faire rapport à ses Délégués
dans les meilleurs délais et au plus tard lors de la réunion de
passation des pouvoirs entre les présidences irlandaise et islandaise»
. Les Ministres ont décidé de revoir
les priorités du Conseil de l’Europe à la lumière de la nouvelle
réalité et d’examiner s’il serait souhaitable d’organiser un 4e Sommet
des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe, comme
l’Assemblée l’a recommandé dans un certain nombre de textes adoptés
depuis le début de l’agression à grande échelle lancée contre l’Ukraine
le 23 février 2022.
51. Le 24 juin 2022, le Bureau de l’Assemblée a décidé de constituer
une commission
ad hoc sur
le 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement
du Conseil de l’Europe
, et la commission des questions politiques
et de la démocratie élabore actuellement un rapport intitulé
«Le Sommet de Reykjavik du Conseil
de l'Europe: Unis autour de valeurs face à des défis hors du commun»
. Le 7 novembre 2022, le
Comité des Ministres a formellement décidé de tenir un 4e Sommet
les 16 et 17 mai 2023 à Reykjavik, en Islande.
52. Ce contexte pourrait offrir à notre Assemblée l’occasion d’appeler
les États membres à réaffirmer leur attachement à la place centrale
du système des conventions du Conseil de l’Europe, et d’encourager
le Conseil de l’Europe à intégrer et à soutenir davantage les acteurs
nationaux indépendants, tels que les instituts de recherche et les
universités, sous l’égide de l’initiative OCEAN, en vue de faciliter
la mise en œuvre des conventions du Conseil de l’Europe et de construire
une plus grande unité entre les États membres du Conseil de l’Europe.