1. Introduction
1. Les migrants, les réfugiés
et les personnes déplacées internes sont confrontés à de multiples
défis au cours du périple qu’ils entreprennent pour trouver un lieu
plus sûr, ce qui peut compromettre leur aptitude à s’adapter à un
environnement inconnu lors de l’installation dans un nouveau pays.
Outre l’absence de tout soutien familial et social, les migrants
nouvellement arrivés peuvent avoir du mal à s’intégrer dans leur communauté
d’accueil et risquent d’être rapidement marginalisés.
2. La pratique du sport et d’une activité physique peut offrir
aux migrants, aux réfugiés, aux demandeurs d’asile et aux personnes
déplacées internes des possibilités de faire partie d’un milieu
où ils trouveront du soutien et de renforcer plus facilement des
liens sociaux. Comme le souligne le Code révisé d’éthique sportive du
Comité des ministres du Conseil de l’Europe de 1992, «Le sport est
également considéré comme une activité qui, exercée de manière loyale,
permet à l’individu de mieux se connaître, de s’exprimer et de s’accomplir;
de s’épanouir, d’acquérir un savoir-faire et de faire la démonstration
de ses capacités; le sport permet une interaction sociale, il est
source de plaisir et procure bien-être et santé.
»
Plus récemment, le Livre blanc sur le sport de la Commission européenne
de 2007 soulignait que le sport «véhicule des valeurs importantes
telles que l’esprit d’équipe, la solidarité, la tolérance et la
loyauté, contribuant à l’épanouissement et à l’accomplissement personnel
».
Il encourage également les personnes à prendre part à la vie de
la communauté où ils sont installés et les aide à développer une
citoyenneté active.
3. En raison de ses effets bénéfiques sur le bien-être mental
et physique, le sport est souvent considéré comme un instrument
efficace de politique sociale qui atténue les comportements antisociaux,
améliore la cohésion au sein des communautés et contribue à développer
l’estime de soi
. L’inclusion des
migrants par le biais du sport est donc envisagée comme un processus
exigeant la participation des migrants, des réfugiés et des personnes
déplacées internes, mais aussi des membres de la communauté d’accueil
.
4. Plusieurs pays d’Europe, mais aussi des clubs sportifs et
des fédérations sportives, ont mis en œuvre des projets facilitant
l’inclusion des migrants par le biais du sport, tant au plan national
que local. Des membres de la société civile, tels que des organisations
non gouvernementales et des associations locales, sont également
à l’origine de la mise en œuvre de nombreux projets et initiatives
visant à améliorer l’inclusion sociale des migrants par le biais
du sport.
5. Les organisations internationales et européennes jouent aussi
un rôle essentiel en encourageant et en favorisant la mise en œuvre
de telles mesures. De ce point de vue, le Conseil de l’Europe a
été particulièrement actif dans la promotion de projets visant à
faciliter l’inclusion sociale des migrants, notamment dans le cadre
de l’Accord partiel élargi sur le Sport. Par ailleurs, la Plate-forme
de l’intégration des migrants par le sport a été mise en place comme
un réseau de porteurs de projets visant à promouvoir l’inclusion
sociale des migrants par le biais du sport. Mise en œuvre dans le
cadre du Plan d’action du Conseil de l’Europe sur la protection
des enfants réfugiés et migrants en Europe (2017-2019) et en coopération
avec l’Union européenne des associations de football (UEFA), la
plate-forme est un moyen utile de partager des bonnes pratiques
et de rapprocher des initiatives sur ce sujet. L’Union européenne
et le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR)
jouent également un rôle moteur dans la mise en œuvre de mesures
inclusives axées sur le sport au niveau international.
6. Le présent rapport fera l’inventaire des bienfaits du sport
en tant qu’outil d’inclusion sociale, des bonnes pratiques en la
matière et des solutions contribuant à la réalisation effective
de l’inclusion des migrants, des réfugiés et des personnes déplacées
internes par le biais du sport.
2. Le sport comme moyen d’inclusion sociale
des migrants
7. Les processus migratoires peuvent
être très difficiles à vivre sur le plan personnel, car ils contraignent souvent
les migrants à quitter leur famille et leurs amis et à se familiariser
avec de nouvelles cultures. Leur connaissance limitée des lois du
pays d’accueil et leur statut de vulnérabilité peuvent les rendre
vulnérables aux abus, à l’exploitation ou à la marginalisation sociale
. Dans ce contexte,
les communautés locales conservent un rôle important dans la promotion
de l’inclusion sociale des nouveaux arrivants, par exemple en nouant
des relations interpersonnelles, en favorisant l’accès des migrants
aux services publics et en les incluant dans la vie quotidienne
de la communauté en identifiant leurs principales vulnérabilités.
Le sport peut donc être un outil crucial dans ce cadre.
8. L’inclusion sociale devrait être renforcée dans le cadre d’une
approche à double sens. Si les migrants gagnent à mieux comprendre
les traditions locales et à développer un sentiment d’appartenance
à la communauté d’accueil, les locaux qui les accueillent s’enrichissent
également au contact d’autres cultures et bénéficient de la contribution
humaine et financière que les migrants peuvent apporter à la communauté.
Il est donc essentiel de planifier des approches de proximité favorisant
l’inclusion sociale des migrants par le sport, dans lesquelles les
activités sportives ne sont pas uniquement conçues pour renforcer
les relations interpersonnelles et briser les barrières de l’intolérance,
mais aussi pour inclure efficacement les migrants dans les sociétés.
En d’autres termes, les organisations sportives et non sportives
locales devraient coopérer afin que les migrants puissent utiliser
les activités sportives pour partager leurs connaissances, accéder
aux services sociaux et contribuer au marché de l’emploi sans être
victimes de réseaux abusifs. La coopération entre les acteurs locaux
s’avère également fructueuse pour mieux s’attaquer aux problèmes
qui peuvent survenir dans le contexte de l’inclusion sociale des
migrants.
2.1. Le
sport en tant que thérapie efficace des traumatismes et moyen d’empouvoirement
9. Les migrants, les réfugiés
et les personnes déplacées internes sont susceptibles d’avoir subi
des traumatismes dans leur pays d’origine, au cours du processus
de migration et lors de leur installation dans le pays d’accueil.
Ces traumatismes ont généralement un impact à long terme sur leur
santé mentale, qui peut même s’aggraver en cas d’exclusion sociale,
d’incapacité à trouver un emploi ou à comprendre les coutumes locales
dans la société d’accueil. En effet, en 2019, le
Comité pour la santé des exilé·e·s (Comede)
constatait que 64% des personnes exilées examinées par des psychologues
et des médecins en France entre 2013 et 2017 souffraient de syndromes
psycho-traumatiques dus à des violences verbales et physiques ou
à une incapacité à s’intégrer dans les communautés
. La combinaison de
tous ces facteurs peut avoir des effets néfastes sur la confiance
et le bien-être psychologique des migrants.
10. Cependant, les activités sportives peuvent avoir un effet
thérapeutique sur le bien-être des migrants. Tout d’abord, le sport
permet aux gens d’échapper aux problèmes quotidiens ou, au moins,
de ne pas penser constamment aux expériences traumatisantes précédentes
. Les contacts
noués avec des membres de la communauté locale permettent également
d’exporter ces effets thérapeutiques dans la vie quotidienne, car briser
les barrières de l’isolement constitue la première étape pour surmonter
les difficultés personnelles. En outre, la présence d’entraîneurs,
de formateurs ou de bénévoles dans les centres sportifs peut être
un cadre rassurant pour les personnes ayant besoin d’une assistance
psychologique, car parler avec ces personnes peut être un moyen
de surmonter des perceptions erronées ou de partager des difficultés
et des craintes. En d’autres termes, les associations sportives
peuvent devenir des lieux où les migrants se sentent en sécurité
et protégés.
11. Outre leur impact positif reconnu sur le bien-être physique,
la participation à la réduction du stress et l’amélioration de la
santé, les activités sportives peuvent également renforcer la capacité
de résilience personnelle aux difficultés
. Elles peuvent aider les migrants et les
locaux à se comprendre et à comprendre les autres, en attirant l’attention
sur les faiblesses et les forces. Elles favorisent également le
renforcement de compétences non techniques, notamment la capacité
à s’adapter à de nouveaux environnements ou à prendre des décisions
réfléchies. Enfin, la réussite sportive renforce les aptitudes de
leadership et la confiance en soi
.
12. Le renforcement de l’estime de soi peut donc avoir des répercussions
sur l’autonomisation des migrants. La réussite sportive crée un
sentiment de prestige au sein d’une communauté sportive, lequel
est encore plus grand lorsqu’il s’agit de postes à responsabilité.
Par exemple, les entraîneurs, les bénévoles ou les assistants migrants
sont respectés par les locaux et peuvent devenir des modèles pour
les migrants nouvellement arrivés, qui seront enclins à participer
à des activités sportives socialement inclusives. En outre, les
effets de l’inclusion sportive sur l’employabilité peuvent s’avérer
être des formes cruciales d’empouvoirement des migrants
. En fait,
la participation à des activités sportives peut ouvrir la voie à
des projets de volontariat ou à des stages en tant qu’entraîneurs,
conseillers en matière de politiques socialement inclusives, etc.
Enfin, les activités sportives peuvent être intégrées dans les programmes
éducatifs et offrir ainsi aux migrants davantage de possibilités
de s’intégrer dans la société, d’obtenir des diplômes et de gagner
de nouveaux amis. En d’autres termes, le sport permet aux personnes
de devenir maîtres de leur propre vie et de combler les différences culturelles
avec les autres.
2.2. La
valeur du sport dans une approche de proximité
2.2.1. Les
liens avec la communauté d’accueil
13. Dans la mesure où une approche
de proximité suppose une coopération entre les acteurs locaux et
la participation de migrants dans des projets socialement inclusifs,
ses avantages peuvent être ressentis par les deux parties. Du point
de vue des migrants, ces avantages concernent la possibilité de
s’intégrer dans la société d’accueil, de bénéficier des effets d’entraînement
découlant des réseaux sociaux et de développer un sentiment d’appartenance.
14. Le sport peut souvent aider les migrants à briser la glace
. En effet, la participation régulière à
des activités sportives peut les aider à mieux se faire connaître
auprès de la communauté locale et à franchir les premières étapes
d’une inclusion sociale effective. Nouer des liens d’amitié permet
aux migrants de faire connaissance avec d’autres personnes. Ainsi,
les liens de confiance peuvent favoriser l’accès des migrants au marché
de l’emploi local et à d’autres activités éducatives (par exemple,
des cours de langue, etc.), réduisant ainsi les différences perçues
avec les locaux.
15. Le sport peut également être un véhicule de transmission de
valeurs et de coutumes
. Grâce
aux activités sportives, les migrants peuvent éprouver un sentiment
d’appartenance aux communautés locales et s’habituer à la culture
des clubs ou aux traditions locales
. Dès lors, la persistance de perceptions
erronées réciproques dues à des différences culturelles diminue
et laisse la place à des perspectives communes.
16. Cela étant, une approche de proximité de l’inclusion sociale
par le sport peut également apporter des avantages importants aux
sociétés et aux organisations sportives concernées sur le plan de
la cohésion sociale, à savoir «les liens qui unissent les personnes
au sein d’une communauté (y compris le degré d’interaction, de partage
des caractéristiques et des intérêts culturels, religieux ou sociaux
communs, et/ou la capacité d’atténuer les disparités et d’éviter
la marginalisation)»
.
En fait, la poursuite collective d’objectifs communs permet aux
individus de compter les uns sur les autres et de créer ainsi des
liens de confiance. Si la réussite sportive peut être un moyen important
de renforcer la confiance et le respect des migrants au sein d’une
société, les environnements concurrentiels peuvent également être
préjudiciables à l’inclusion sociale, et les scénarios gagnants-perdants
peuvent finir par attiser la haine et renforcer les stéréotypes
entre les différents groupes. Il est donc fréquent de promouvoir
des activités sportives qui visent à favoriser la coopération au
sein d’une équipe afin de surmonter ces difficultés et de nouer
des liens interpersonnels
.
17. Cependant, les effets les plus concrets de la création de
liens inclusifs entre les migrants et la société d’accueil par le
biais du sport concernent la capacité d’élargir les points de vue
personnels grâce à la rencontre de différentes cultures
.
Les sociétés d’accueil peuvent ainsi comprendre les vulnérabilités
des migrants et mettre en place des solutions communes efficaces
pour les éliminer. En outre, le sport réduit les écarts entre les
personnes, atténue la discrimination et combat les stéréotypes.
Des projets d’inclusion efficaces peuvent ainsi changer à long terme
la position et le discours de la société d’accueil à l’égard des
migrants, des réfugiés et des personnes déplacées internes
.
2.2.2. L’inclusion
des personnes vulnérables
18. Parfois, les projets sportifs
inclusifs ciblent des catégories spécifiques de migrants, de réfugiés
et de personnes déplacées internes pour mieux identifier leurs vulnérabilités
et trouver des solutions de proximité
.
19. Deux facteurs principaux contribuent à expliquer la faible
participation des femmes aux activités sportives. Premièrement,
des barrières culturelles peuvent les empêcher de participer à des
projets sportifs. En effet, elles ont parfois besoin de l’autorisation
de leur père ou d’autres pairs masculins, et certaines cultures peuvent
considérer que le sport n’est pas approprié pour les femmes. Ces
obstacles culturels à l’inclusion des femmes sont parfois même renforcés
par les activités sportives locales elles-mêmes car elles reposent souvent
sur une culture de la masculinité et sur des mécanismes patriarcaux.
En outre, par rapport aux garçons, les filles sont souvent dépeintes
comme introverties et repliées sur elles-mêmes, ce qui diminue d’autant
la tentative de les inclure socialement par le sport. Deuxièmement,
les sports féminins souffrent souvent d’une couverture médiatique
limitée, ce qui réduit la possibilité de développer des modèles
qui pourraient inciter les femmes migrantes à participer à des activités
sportives
. Ces facteurs combinés peuvent donc amener
les femmes à garder le silence et à ne pas demander qu’une plus
grande attention soit prêtée à leur inclusion sociale par le biais
du sport.
20. Si les vulnérabilités des femmes migrantes sont correctement
identifiées, le sport peut contribuer à favoriser leur empouvoirement
et leur visibilité dans les sociétés. Les associations sportives
peuvent ainsi élaborer des programmes ciblant spécifiquement les
femmes migrantes. Il serait bon également que les femmes entraîneures
bénéficient d’une plus grande visibilité afin de jouer un rôle de
catalyseur du changement et de modèle pour les jeunes femmes migrantes
.
Dans le premier scénario, les programmes fondés sur l’égalité des
genres pourraient répondre plus efficacement aux besoins spécifiques
liés au genre. Dans le deuxième cas, une plus grande visibilité
des sportives pourrait avoir des répercussions sur la reconnaissance sociale
et l’empouvoirement.
21. Les activités sportives peuvent également être un moyen utile
de transmettre des valeurs aux enfants
. En
effet, comme toute société, le sport est fondé sur le respect de
règles communément admises et transmet donc des principes qui sont
au cœur de la vie quotidienne. En outre, le fait d’apprendre aux
enfants à ne pas discriminer des personnes sur la base de leurs
différentes caractéristiques et à déconstruire les stéréotypes permet
aux associations sportives de jeter les bases d’une société plus
inclusive.
22. Les cas enregistrés de discrimination dans les milieux sportifs
concernent souvent la communauté LGBTQ+. En conséquence, la peur
de la violence verbale et physique pousse environ 20 % des personnes LGBTQ+
à s’abstenir de participer à des sports qui les intéressent
. Or les entraîneurs
et les formateurs ont une grande responsabilité dans la diffusion
de valeurs inclusives. On note à cet égard que des organisations sportives
ont commencé à s’attaquer au problème de l’homo/transphobie dans
le sport en lançant des campagnes de sensibilisation. En outre,
les déclarations de plus en plus fréquentes de professionnels du
sport sur leur orientation sexuelle contribuent activement à transmettre
un message de tolérance au sein des associations et des organisations
sportives.
23. Enfin, le sport peut également être une étape de l’inclusion
sociale des personnes handicapées. En fait, ces personnes se heurtent
souvent à des obstacles physiques pour accéder au sport, ainsi qu’aux
préjugés des communautés locales. De plus, les projets axés sur
le sport souffrent souvent d’un financement insuffisant des activités
parasportives. Pourtant, une plus grande couverture médiatique des
Jeux paralympiques a contribué à modifier la perception des handicaps
et les champions paralympiques sont un facteur de changement en
faveur d’une plus grande inclusion sociale des personnes handicapées
.
2.2.3. Le
sport comme moyen de promouvoir l’égalité des genres
24. Des publications ont démontré
que les femmes sont souvent absentes des activités sportives, car
elles sont plutôt invitées à «contribuer aux tâches ménagères
», en nettoyant ou en cuisinant. En outre,
des codes de conduite prédéfinis peuvent les pousser à ne se rendre
dans des centres sportifs que pour regarder jouer leurs fils. Par
ailleurs, lorsqu’elles participent à des sports d’équipe, il est
possible qu’elles soient reléguées à des rôles «inférieurs» afin
que les garçons puissent jouer sans se soucier de leur participation.
La combinaison de tous ces facteurs renforce les déséquilibres de
pouvoir dans les sociétés.
25. Cependant, le sport devrait être un moteur de la promotion
de l’égalité des genres. Certes, les équipes mixtes peuvent parfois
perpétuer des mécanismes de discrimination, mais les entraîneurs
et les bénévoles sont à même de promouvoir l’égalité des genres
en répartissant équitablement les rôles entre les filles et les garçons.
De plus, le fait de modifier des activités sportives pour améliorer
la coopération en vue d’atteindre un objectif commun permet de nouer
des relations de confiance dans lesquelles chacun assume un certain
degré de responsabilité et d’importance. Enfin, une couverture médiatique
plus large des sports professionnels féminins contribuerait à modifier
la perception sociale des athlètes féminines et à élever les championnes
au rang de modèles pour les jeunes filles. C’est en procédant ainsi
que la réduction des écarts entre les sports masculins et féminins
peut avoir des répercussions bénéfiques sur la vie quotidienne dans
la société.
3. Obstacles
à la réussite des programmes d’inclusion des migrants
26. Des publications et des acteurs
internationaux ont mis en évidence plusieurs facteurs qui peuvent entraver
l’inclusion sociale effective des migrants par le biais d’activités
sportives. Ces obstacles peuvent être résumés en deux catégories
principales: les obstacles structurels et les obstacles socio-personnels.
Tous ces facteurs peuvent souvent s’entremêler, créant des environnements
hostiles pour les migrants. Il est donc essentiel de les connaître
afin de lutter efficacement contre leur incidence négative sur une
approche de proximité de l’inclusion sociale des migrants par le
biais du sport.
3.1. Obstacles
structurels: accès limité et contraintes financières
27. Les obstacles structurels peuvent
avoir un impact négatif non seulement sur les migrants mais aussi
sur les organisations qui participent à la promotion d’activités
sportives favorisant leur inclusion sociale. Du point de vue des
migrants, ces obstacles sont principalement l’absence d’activités
sportives, ou un accès limité à celles-ci, en raison de l’emplacement
des centres sportifs et des besoins de transport, des coûts de participation,
ainsi que des contraintes juridiques. En outre, la hiérarchisation
des activités constitue un autre obstacle structurel important.
28. Le premier facteur important qui limite la possibilité qu’ont
les migrants d’accéder aux activités sportives est l’emplacement
des centres sportifs et des projets sportifs d’inclusion sociale.
En effet, ces activités sont généralement menées dans les centres-villes
et les migrants vivant dans les banlieues ont moins de possibilités
de s’y rendre
.
L’absence de réseaux de transport efficaces ou leur coût élevé peuvent
jouer un rôle essentiel en dissuadant les migrants de participer
à des activités sportives situées loin de leur lieu d’hébergement.
En outre, l’accès aux installations sportives peut parfois être
restreint pour des activités informelles, ce qui réduit encore les
possibilités pour les migrants qui ne sont pas inscrits dans un
club de sport de jouer avec d’autres membres de leur communauté.
29. Non seulement les migrants doivent faire face à des frais
de transport, mais l’inscription dans des clubs de sport peut nécessiter
des frais d’entrée. En outre, les activités sportives peuvent impliquer
certains coûts cachés comme les tenues sportives obligatoires ou
les frais de déplacement pour les compétitions. Si certains clubs
sportifs soulignent l’importance d’avoir des tenues communes pour
réduire les différences entre les joueurs et renforcer l’appartenance
à une communauté, leur coût est souvent élevé, en particulier pour
les migrants
.
Ces frais, que les migrants sans emploi peuvent considérer comme
trop élevés, peuvent finir par renforcer les mécanismes d’inégalités
sociales.
30. Des questions juridiques peuvent parfois créer des obstacles
à la participation des migrants à des activités sportives de proximité.
En effet, des titres de séjour sont parfois nécessaires pour s’inscrire
dans des clubs sportifs et participer à des compétitions. Cependant,
c’est surtout l’incertitude quant à leur statut, due à la procédure
en cours d’obtention d’un titre de séjour, qui peut inciter psychologiquement
les migrants à ne pas s’intégrer dans les communautés sportives
ou à nouer des relations personnelles, car ils pourraient bientôt
être contraints de quitter le pays
.
31. Enfin, le sport n’est souvent pas une priorité pour les migrants,
les réfugiés et les personnes déplacées internes. Le manque d’argent
peut les pousser à donner la priorité à des activités essentielles
à la subsistance de la famille plutôt qu’aux loisirs. Dans ce contexte,
les enfants migrants sont souvent invités à contribuer aux moyens
de subsistance de la famille, en s’occupant de leurs frères et sœurs
ou en contribuant aux tâches ménagères.
32. Cependant, les obstacles structurels peuvent également limiter
les capacités et les possibilités des organisations sportives d’inclure
efficacement les travailleurs migrants dans leurs activités. Ces
obstacles structurels sont liés à un financement insuffisant, à
des lacunes en matière de politiques, à des facteurs organisationnels
et à des difficultés à entreprendre des projets de coopération avec
d’autres acteurs.
33. Le premier obstacle à l’inclusion sociale des migrants, des
réfugiés et des personnes déplacées internes par le biais du sport
est le manque de fonds privés et publics suffisants. Le problème
est encore plus aigu dans le cas de projets de bénévolat ou lorsque
les migrants ont un accès gratuit aux activités sportives. Trois
raisons principales peuvent expliquer l’absence d’un soutien financier
suffisant. Premièrement, les activités sportives ne sont souvent
pas privilégiées par les acteurs publics et privés. Deuxièmement,
ces acteurs ont besoin de données vérifiables sur l’efficacité du
sport dans l’inclusion des migrants afin d’être certains que leurs ressources
ne seront pas gaspillées
. Cependant,
le manque de fonds peut les amener à donner la priorité à d’autres
projets. Enfin, le fait que les financements soient souvent affectés
à certains types ou thématiques de dépenses impose aux organisations
sportives des méthodes et des coûts induits. Partant, les acteurs opérationnels
peuvent être limités dans leurs capacités et l’inclusivité des projets
sportifs ne peut être que partiellement efficace.
34. Le manque de ressources suffisantes pour les activités sportives
peut également s’expliquer par la présence de lacunes dans les politiques
ainsi que par des perspectives politiques peu favorables. Les fonds publics
dépendent souvent d’objectifs à court terme, qui ont des perspectives
de durabilité faibles ou inexistantes et manquent de vision intersectorielle.
Ces lacunes réduisent ainsi la possibilité qu’ont les organisations
sportives de développer des projets pluriannuels et intersectoriels
et de gagner en visibilité. Il en résulte que les migrants nouvellement
arrivés ne sont pas systématiquement au fait qu’il existe des activités sportives
consacrées à l’inclusion sociale, notamment en raison de leur discontinuité
.
En outre, le manque de communication entre les différents services
publics peut conduire à financer des projets similaires dans le même
domaine d’intervention sans vraiment différencier efficacement les
activités ciblées
.
35. Les lacunes organisationnelles des associations sportives
et non sportives peuvent également constituer des obstacles structurels.
En particulier, certaines organisations sportives ne sont pas convaincues qu’elles
devraient promouvoir l’inclusion sociale des migrants et préfèrent
privilégier les compétitions. En conséquence, ces clubs n’acceptent
que des personnes qui présentent des capacités physiques et techniques élevées,
ce qui exclut les migrants qui ne sont pas familiers avec le sport
ou ceux qui hésitent à entrer dans des clubs sportifs
.
Ces mécanismes d’exclusion sociale sont même exacerbés par le manque
de compétences des entraîneurs et des bénévoles en matière de gestion
des différentes cultures ou par l’absence d’assistance psychologique
aux migrants, aux réfugiés et aux personnes déplacées internes
.
36. Enfin, les difficultés rencontrées dans la réalisation de
projets de coopération entre les organisations locales sportives
et non sportives peuvent créer des obstacles structurels qui compromettent
leur efficacité. L’existence de liens de confiance est souvent considérée
comme une condition préalable au développement de nouvelles collaborations,
et l’absence de programmes réunissant différentes parties prenantes
dans ce domaine ne facilite pas les activités intersectorielles.
Dès lors, les associations et les bénévoles ont tendance à ne concevoir
des projets qu’avec des acteurs de confiance, sans s’engager dans
d’autres partenariats qui pourraient être fructueux. En outre, des
divergences dans les mentalités, les valeurs et les approches peuvent empêcher
la création d’activités de proximité. Les écarts qui existent en
matière de ressources humaines et financières peuvent même aggraver
ces difficultés, car les organisations les mieux financées prétendent généralement
diriger les projets
.
3.2. Obstacles
culturels et personnels
37. Outre les obstacles structurels,
les obstacles à l’inclusion sociale des migrants par le sport peuvent également
apparaître dans les éléments culturels, interpersonnels et personnels.
En fait, l’efficacité et la pérennité des activités sportives visant
à favoriser l’inclusion sociale des migrants dépendent non seulement du
financement et de l’accès mais aussi de la capacité d’intégrer des
valeurs d’inclusion et de tolérance dans les sociétés. De manière
plus générale, la pérennité exige qu’une perspective commune soit
partagée par la communauté d’accueil et les nouveaux arrivants.
38. Les principaux obstacles à la participation aux activités
sportives sont fondés sur des facteurs linguistiques, psychologiques
et culturels. Leur impact peut parfois être exacerbé par des comportements hostiles
ou le manque de communication et d’activités inclusives de la part
des communautés locales.
39. La langue est le premier obstacle à une inclusion sociale
effective des migrants dans les communautés locales. L’incapacité
à parler la (les) langue(s) locale(s) réduit les chances d’entrer
en contact avec les habitants, voire de comprendre les règles d’une
activité sportive. Elle peut donc avoir un impact psychologique néfaste
sur les migrants, les réfugiés et les personnes déplacées internes,
car le fait de ne pas pouvoir se familiariser avec les sports locaux
peut renforcer la réticence à l’égard des activités sportives et
le sentiment d’être inadapté à ces dernières
.
40. Les traditions culturelles et religieuses peuvent aussi être
à l’origine de certains obstacles. En effet, des parents peuvent
parfois interdire à leurs enfants de pratiquer un sport parce qu’ils
n’en connaissent pas les effets sociaux positifs ou qu’ils n’en
sont pas conscients. Cela peut être particulièrement évident lorsque
les filles sont impliquées.
41. En outre, les différences culturelles peuvent constituer des
obstacles pratiques à la participation des migrants à des activités
sportives socialement inclusives. Par exemple, boire ou transpirer
peut être considéré comme offensant ou inapproprié dans certaines
cultures
.
42. Enfin, les communautés locales elles-mêmes peuvent finir par
créer des environnements hostiles à l’inclusion des migrants. En
effet, les organisations sportives et non sportives ne sont pas
toujours engagées dans des projets inclusifs et ne comprennent pas
systématiquement les effets sociaux positifs du sport. Elles peuvent
dans ce cas se montrer réticentes à aborder différentes cultures
et exiger que les migrants, les réfugiés et les personnes déplacées
internes assimilent les coutumes nationales et mettent de côté leurs propres
traditions culturelles et religieuses. Ces personnes se voient donc
imposer un certain nombre d’obligations qui peuvent créer un climat
hostile à l’inclusion sociale.
D’autres
comportements hostiles peuvent se manifester, notamment une discrimination
verbale ou des actes d’intimidation et de violence à l’égard des
migrants. La combinaison de tous ces éléments peut finir par inciter
les migrants à abandonner toute forme d’activité sportive.
4. Politiques
et pratiques existantes
4.1. Bonnes
pratiques relevées dans les politiques des États
43. En Azerbaïdjan, le sport a
toujours été considéré comme un outil essentiel pour améliorer l’inclusion sociale
des jeunes et en particulier des réfugiés et des personnes déplacées
internes. Ces dix dernières années, le gouvernement a construit
100 ensembles résidentiels modernes et 805 centres sportifs pour
les réfugiés et les personnes déplacées internes et érigé des complexes
olympiques proposant diverses infrastructures (salles de sport,
terrains de football et de volleyball, courts de tennis, gymnases,
piscines, etc.) dans les régions les plus peuplées d’Aghdam, Agjabedi,
Barda Fuzuli et Tartar. L’Azerbaïdjan a également mis en œuvre dans
ses districts le projet international «Football Schools with Fun»
de l’Association Cross Cultures Project. Ce projet vise à tisser
des liens solides entre les communautés locales et les populations
les plus vulnérables et marginalisées, notamment les migrants, les
réfugiés et les personnes déplacées internes, en organisant des
matchs de football. Au total, environ 30 000 athlètes professionnels
déplacés internes, dont 3 839 femmes, ont eu la possibilité de s’entraîner
et de participer à des compétitions sportives en Azerbaïdjan
.
44. En France, l’Agence nationale du sport a été créée en 2019
sous l’égide du ministère des Sports pour développer la pratique
sportive sur tout le territoire français et préparer la société
à relever les défis à venir. En 2022, elle a versé des subventions
d’un montant de 175 000 € à des acteurs locaux et régionaux pour promouvoir
l’inclusion sociale des migrants et des personnes défavorisées par
le biais du sport
.
La France porte une responsabilité d’autant plus grande dans la
promotion de l’inclusion des migrants par le biais du sport que
les prochains jeux Olympiques se tiendront à Paris en 2024. Deux
projets sont à mentionner plus particulièrement ici. Le premier,
«Génération 2024», permettra chaque année à 10 000 jeunes de participer
à des projets au service de l’impact social et environnemental du
sport. Dans ce cadre, le «Plan héritage» sera mis en œuvre en milieu
scolaire afin de corriger les inégalités d’accès à la pratique sportive
pour les élèves handicapés et primo-arrivants
. Le second, «Impact 2024»,
subventionne des organisations sportives et des acteurs régionaux
et locaux afin de promouvoir le sport autour de quatre thématiques,
dont «le sport pour l’inclusion, l’égalité et la solidarité». En
2022, ce projet a financé huit programmes en faveur de l’inclusion sociale
des migrants, pour un montant total de 280 000 €
.
45. En Allemagne, le programme «Intégration par le biais du sport»
est un programme permanent pour l’intégration des migrants qui a
débuté en 1989 et a été étendu aux réfugiés en 2015. Il vise à promouvoir «l’intégration
dans le sport», c’est-à-dire la coopération entre la population
locale et les migrants pour définir les activités sportives, «l’intégration
par le biais du sport», autrement dit la construction de réseaux interpersonnels
entre les migrants et la société d’accueil et la sensibilisation
aux avantages de l’inclusion sociale, et enfin «l’ouverture interculturelle
du sport» – un volet dans le cadre duquel les organisations sportives
sont formées à la prise en compte de la diversité culturelle. Financé
par le ministère fédéral de l’Intérieur et l’Agence fédérale pour
les migrations et les réfugiés, il disposait d’un budget total de
11,4 millions d’euros en 2016 et 2017
.
46. La vaste expérience des entraîneurs et animateurs associés
au projet «Le sport pour l’intégration», a pu être mise à profit
pour le développement de projets dans d’autres pays, par exemple
en Grèce. Le programme de 2021 «les enfants aiment le sport» visait
à donner à 4 000 enfants, majoritairement réfugiés, la possibilité de
visiter le stade panathénaïque, d’apprendre son histoire et de pratiquer
des activités sportives dans les deux années qui ont suivi
. Grâce au soutien de l’Allemagne,
le Comité olympique hellénique a également pu mettre sur pied en
mars 2021 le programme «Ensemble dans le sport», dans le cadre duquel
des entraîneurs formés ont fait découvrir le sport à de jeunes réfugiés
non accompagnés en leur transmettant notamment ses principes et
valeurs. À la date de septembre 2022, 7 550 enfants, dont 53 % de
migrants, avaient participé aux deux projets
.
47. Renforcer la cohésion sociale des migrants vivant en Türkiye
par le biais du sport, tel a été l’objectif d’un projet conçu par
le ministère de la Jeunesse et des Sports de la République de Türkiye
et mis en œuvre notamment avec le soutien de la Fondation olympique
pour les réfugiés, du HCR et du Comité olympique turc, «Social Cohesion
Through Sport» (Cohésion sociale par le sport). Mis en œuvre entre
2019 et mi-2022, il a permis à un total de 7 503 enfants et jeunes
âgés de 8 à 18 ans de bénéficier d’activités sportives, dont 3503 bénéficiaires
étaient des migrants et 4 000 issus de la communauté d’accueil.
Compte tenu de son succès, qui a permis de promouvoir la cohésion
sociale parmi les migrants et les populations d’accueil vivant dans
les zones urbaines de Türkiye et d’améliorer la situation de protection
des jeunes migrants grâce à l’engagement dans des activités sportives,
une deuxième phase a été lancée, qui durera jusqu’en mai 2025. Des
activités, y compris des cours de sport dans différentes branches,
des festivals sportifs et des camps de jeunes, des séminaires de
sensibilisation sur des sujets tels que la santé, la nutrition,
l’hygiène, les droits des enfants, la conscience de soi, les méthodes
de contrôle de la colère, la sensibilisation à l’environnement,
les Jeux olympiques, la culture sportive et l’éthique, se déroulent
dans les provinces d’Ankara, Bursa, Mersin, Şanlıurfa, Adana, İzmir
et İstanbul.
4.2. Initiatives
locales
48. Plusieurs initiatives locales
sont menées par des ONG, des organisations de la société civile
et des associations privées pour prôner la tolérance et l’inclusion
des migrants, des réfugiés et des personnes déplacées internes.
Il serait impossible de mentionner ici tous les programmes mis en
œuvre, tant ils sont nombreux. Nous n’en décrirons donc que quelques-uns.
Les projets suivants figurent tous sur la plateforme du Conseil
de l’Europe de l’intégration des migrants par le sport, une base
de données qui permet aux organisations sportives de partager des
connaissances et de présenter des projets et des politiques efficaces dont
d’autres pourront s’inspirer
.
49. En Italie, l’association LiberiNantes œuvre depuis 2007 pour
assurer aux migrants et aux réfugiés vivant dans la région de Rome
un accès gratuit au sport grâce à plusieurs projets d’inclusion.
Elle a par exemple permis à une équipe de football composée de réfugiés
et de personnes déplacées internes de participer à des compétitions,
monté un projet de randonnée pour faire découvrir aux migrants le
territoire sur lequel ils résident et son histoire, et mis en place
des cours pour migrants. LiberiNantes donne aux migrants un accès
gratuit à des activités sportives et aux équipements nécessaires
pour pouvoir les pratiquer. Enfin, l’association contribue à la
mise en œuvre de projets internationaux comme le programme FIRE+
financé par l’Union européenne, qui vise à favoriser l’inclusion
des migrants et des réfugiés au sein des communautés locales et leur
socialisation par le football
.
50. «Movi Kune – Moving Together» est un autre programme intéressant
mené depuis 2013 par l’Université de Vienne et l’ONG Hemayat. Il
s’adresse aux migrants, aux réfugiés et aux personnes déplacées
internes, souffrant de traumatismes psychologiques. Dans le cadre
de ce projet, le sport permet aux migrants de tisser des liens d’amitié
avec la population locale et entraîne leur empouvoirement. Il peut
leur apporter des outils pour relever les défis à venir. En complément
des activités pratiques, les porteurs du projet mènent des recherches
scientifiques sur les moyens de favoriser le bien-être psychologique
par une meilleure utilisation du sport, à partir des résultats de
leurs programmes sportifs
.
51. Enfin, à Paris, le programme Liberfoot de l’association Les
Dégommeuses œuvre spécifiquement pour l’inclusion des femmes migrantes
et membres de la communauté LGBTQ+. L’association a créé une équipe de
football principalement composée de migrantes LGBTQ+ et leur a fourni
les équipements nécessaires pour pratiquer leur activité sportive.
Le programme contribue à la diffusion de messages d’inclusivité
et de tolérance. Les Dégommeuses partagent également les acquis
de leur expérience avec les acteurs concernés et mènent des activités
de mobilisation
.
4.3. Coopération
internationale
4.3.1. Conseil
de l’Europe
52. Ces dernières décennies, le
Conseil de l’Europe a œuvré de manière particulièrement active à
la promotion du sport comme facteur d’inclusion et de paix. Le Comité
des Ministres a rappelé, à plusieurs occasions, l’attention qu’il
portait à cette question et recommandé aux États membres de prendre
des mesures dans différents domaines connexes, notamment par ses
recommandations
Rec(2001)6 sur la prévention du racisme, de la xénophobie et de
l’intolérance raciale dans le sport,
Rec(2003)6 pour améliorer l’accès à l’éducation physique et au
sport des enfants et des jeunes dans tous les pays européens, et
CM/Rec(2015)2 sur l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes
et les hommes dans le sport. Plus particulièrement, la Recommandation
CM/Rec(2012)10 sur la protection des enfants et des jeunes sportifs
contre des problèmes liés aux migrations invite les États à «encourager
les organisations sportives à élaborer et à appliquer toutes les
mesures appropriées relevant de leur compétence pour éviter toute
forme d’abus concernant les migrations de jeunes sportifs, en particulier
d’enfants, et à adopter des règles régissant l’activité des agents,
comprenant des dispositions déontologiques transparentes sur leurs
tâches et leurs responsabilités» (par. 1), ainsi qu’à prendre des
dispositions en faveur de l’inclusion sociale des jeunes athlètes:
(a) en facilitant leur intégration; (b) en leur offrant une double
formation (sportive et professionnelle ou scolaire); (c) en orientant
les sportifs ayant échoué vers d’autres activités; (d) en assurant
un logement convenable aux jeunes sportifs; (e) en les aidant à
s’intégrer professionnellement en fin de carrière ou de contrat
(par. 6).
53. Outre le Comité des Ministres, l’Accord partiel élargi sur
le sport (APES) joue également un rôle essentiel dans la promotion
du sport au sein des États membres du Conseil de l’Europe. Créé
le 11 mai 2007 pour une période initiale de trois ans par la
CM/Res(2007)8 du Comité des Ministres, il a ensuite été confirmé par
la Résolution
CM/Res(2010)11 du 13 octobre 2010. Ses missions s’articulent autour
de trois grands axes. Tout d’abord, il contribue au travail normatif
sur les activités sportives et donne des conseils aux États pour l’élaboration
de politiques inclusives, éthiques et sûres dans le domaine du sport.
Dans ce contexte, il tient compte des avis des représentants d’organisations
sportives. En second lieu, il s’occupe du suivi de l’application
de la Charte européenne du sport et des recommandations pertinentes
du Conseil de l’Europe. Enfin, il mène des actions dans le cadre
du mouvement «Sport pour tous».
54. L’APES encourage également la coopération européenne en organisant
des réunions au niveau ministériel. Au cours de leur dernière conférence
en date tenue à Antalya du 25 au 27 octobre 2022, les ministres
du Sport ont invité les États membres à «promouvoir et sauvegarder
les droits de l’homme dans et par le sport, à fournir les ressources
financières et humaines adéquates et à mobiliser toutes les parties prenantes
clés afin de relever rapidement les défis restants et émergents»,
en l’occurrence assurer l’égalité entre les femmes et les hommes
dans le sport, garantir la protection des enfants et améliorer l’inclusion
sociale des populations les plus défavorisées. Ils ont appelé l’APES,
entre autres, à «utiliser le sport comme un moyen d’intégration
sociale des groupes défavorisés, tels que les migrants, les réfugiés,
les personnes handicapées et les personnes âgées, développer une
boîte à outils fondée sur les meilleures pratiques pour l’inclusion
des groupes défavorisés dans tous les aspects du sport, et concevoir
un plan de communication pour la promouvoir à grande échelle»
.
55. Depuis sa première adoption en 1992, la Charte européenne
du sport
est une pierre angulaire de la promotion
du sport dans tous les États membres du Conseil de l’Europe. Elle
garantit à toute personne le droit au sport et fournit aux États
des orientations sur la manière d’élaborer leurs politiques dans
le domaine du sport, notamment pour faire en sorte que «le développement
du sport soit inclusif» (art. 1(c) de la Charte européenne du sport).
En ce qui concerne plus spécifiquement l’approche du sport fondée
sur les droits humains à l’égard des groupes vulnérables, la Charte
dispose que «l’approche relative à la diligence raisonnable en matière
de droits de l’homme dans le sport requiert le respect des droits
de l’homme des personnes qui participent ou qui sont exposées à
des activités liées au sport et devrait donc: […] appliquer une politique
de tolérance zéro face à la violence et à toutes les formes de discrimination,
en accordant une attention particulière aux personnes et aux groupes
en situation de vulnérabilité, comme les enfants, les migrants et
les personnes handicapées [...]» (art. 6.2 (d) de la Charte). Un
processus de révision de la Charte européenne du sport a été engagé
à la 15e Conférence du Conseil de l’Europe
des ministres responsables du sport tenue à Tbilissi (2018). Le
13 octobre 2021, le Comité des Ministres a adopté la Recommandation
CM/Rec(2021)5 sur la Charte européenne du sport révisée, qui invite
les États à fonder leurs politiques en matière de sport sur la Charte
révisée et les parties prenantes concernées à tenir compte des principes
énoncés dans celle-ci.
4.3.2. HCR
56. Ces dernières années, le HCR
a été particulièrement actif dans la promotion du sport en tant
qu’outil d’inclusion sociale des réfugiés. En effet, depuis 2020,
72 % des 96 opérations menées sur le terrain ont mis en œuvre des
projets axés sur le sport
.
Le HCR a également pris d’importantes dispositions pour encourager le
recours au sport comme moyen d’obtenir des résultats positifs sur
le plan social dans le monde entier.
57. Le Pacte mondial sur les réfugiés adopté en décembre 2018
est aujourd’hui devenu un document essentiel pour l’inclusion sociale
des réfugiés. Le texte appelle les États à entreprendre des actions
concrètes de «partage de la charge et des responsabilités pour mieux
protéger et assister les réfugiés, et soutenir les pays et communautés
d’accueil»
. Reconnaissant le rôle que peut
jouer le sport dans l’inclusion sociale des réfugiés, il invite
le HCR, les États et d’autres entités à établir des partenariats
pour améliorer l’accès aux installations et activités sportives,
en particulier dans les zones d’accueil de réfugiés (paragraphe 44).
Dans le cadre du Pacte, au 2 mars 2023, des États, des organisations
sportives et de la société civile du monde entier ont annoncé des
contributions à 25 projets en faveur de l’inclusion sociale par
le biais du sport et d’autres activités de loisirs, dont 40 % prévoient
la mise à disposition de matériel sportif ou d’une assistance technique
.
58. Par l’intermédiaire du Forum mondial pour les réfugiés, le
HCR encourage le dialogue et le partage de connaissances entre les
acteurs qui œuvrent à la diffusion des valeurs consacrées par le
Pacte mondial sur les réfugiés. Le premier forum a eu lieu en décembre 2019
et a accueilli 3 000 participants; 1 400 contributions ont été annoncées
avant ou pendant l’événement
. Une réunion officielle de haut
niveau s’est tenue deux ans plus tard pour faire le point sur les
progrès accomplis.
59. Par ailleurs, le HCR a publié en partenariat avec le Comité
international olympique et l’association Terre des Hommes une boîte
à outils destinée aux acteurs du sport et aux acteurs humanitaires
assurant la promotion du sport comme outil de protection et notamment
d’amélioration de l’inclusion sociale. La boîte à outils «Sport
pour la protection: planification avec des jeunes en situation de
déplacement forcé» vise à renforcer l’inclusion sociale, la cohésion
sociale et le bien-être psychologique des réfugiés et des personnes déplacées
internes en apportant des changements positifs dans leur vie grâce
au sport, dans le but de construire une société plus sûre fondée
sur le respect des droits
.
60. Enfin, reconnaissant le rôle majeur que peut jouer le sport
dans la réponse à la crise des réfugiés, le HCR a publié sa première
stratégie sur le sport pour 2022-2026, intitulée «More than a Game»
. Cette dernière
vise principalement à améliorer par le sport le bien-être et les
perspectives des populations dont s’occupe le HCR. Au-delà de ce
but général et tout en s’alignant sur les stratégies internes relatives
à la protection de l’enfance, à la lutte contre la violence fondée
sur le genre, à la santé et à l’éducation, cette stratégie indique
comment, dans cinq domaines d’action interdépendants, le sport peut
contribuer aux objectifs du Pacte mondial sur les réfugiés et aux
Orientations stratégiques du Haut-Commissaire.
4.3.3. Union
européenne
61. Depuis le Livre blanc sur le
sport de 2007, l’Union européenne reconnaît le rôle primordial du
sport «au service de l’inclusion sociale, de l’intégration et de
l’égalité des chances»
. Concrètement,
le Livre blanc souligne la capacité du sport à favoriser le dialogue
interculturel et à créer un sentiment d’appartenance. Il conclut
que «la mise à disposition d’espaces réservés au sport et le soutien
aux activités liées au sport sont essentiels pour permettre aux
immigrés et à la société d’accueil d’interagir positivement»
.
Après cet engagement explicite, l’Union européenne a pris d’importantes
mesures pour promouvoir l’inclusion sociale des migrants, des réfugiés
et des personnes déplacées internes.
62. Selon le plan de travail de l’Union européenne en faveur du
sport (période du 1er janvier 2021 au 30 juin 2024),
les objectifs directeurs de l’Union européenne dans le domaine du
sport sont notamment de renforcer une pratique sportive fondée sur
l’intégrité et la transmission de valeurs et d’accroître la participation à
des activités sportives pour favoriser la cohésion sociale. Le plan
de travail de l’Union européenne porte également une attention particulière
au volet «sport» du programme Erasmus+ qui finance des projets visant à
promouvoir les valeurs européennes et l’inclusion par le biais du
sport.
63. L’initiative SHARE vise quant à elle à faire prendre conscience
de la contribution du sport au développement local et régional.
La Commission européenne ayant en fait constaté l’impact des investissements
dans la cohésion sociale et l’inclusion sociale sur le développement
territorial
, SHARE recueille
des données sur les projets de développement local et régional axés
autour du sport pour permettre des échanges de bonnes pratiques
et de connaissances sur la question entre les États membres et les
parties prenantes.
64. Enfin, les prix européens du sport #BeInclusive reconnaissent
l’importance du sport pour l’inclusion sociale des populations les
plus défavorisées, notamment les réfugiés et les migrants, et la
lutte contre la discrimination à leur égard. Chaque année, un prix
de 10 000 € récompense les idées les plus innovantes dans trois
catégories, en l’occurrence en 2022: «promouvoir l’égalité des sexes
dans le sport», «le sport pour la paix» et «briser les barrières
dans le sport»
. Cette initiative entend donner
de la visibilité à des projets novateurs dont les autres acteurs
du sport pourront s’inspirer pour bâtir de nouveaux programmes d’inclusion sociale
par le biais du sport.
4.3.4. Autres
instances
65. De nombreuses autres instances,
qu’il s’agisse d’organisations internationales, d’ONG ou d’organisations
de la société civile, mettent en œuvre des activités axées autour
du sport pour favoriser l’inclusion des migrants. Devant l’impossibilité
de les mentionner toutes, nous en présenterons ici une sélection limitée.
66. Le Comité international olympique (CIO) est un pionnier de
la promotion des activités sportives pour les réfugiés et a notamment
créé l’Équipe olympique des réfugiés qui a fait ses débuts officiels
à Rio en 2016 en défilant sous la bannière olympique
. Des athlètes réfugiés ont aussi
participé aux jeux Paralympiques de Rio sous la bannière paralympique,
mais pas en tant qu’équipe officielle. La première Équipe paralympique
des réfugiés a pris part aux Jeux de Tokyo en 2021. Dans le cadre
du programme de bourses olympiques pour athlètes réfugiés mis en
place après les Jeux de Rio, la Solidarité olympique a soutenu 56 athlètes
réfugiés prometteurs de 13 pays. L’équipe olympique des réfugiés
formée par le CIO pour les jeux Olympiques de Tokyo 2020 se composait
de 29 athlètes concourant dans 12 sports. À ce jour, 42 athlètes
réfugiés bénéficient des fonds du CIO et visent une qualification
pour les jeux Olympiques de Paris 2024
.
67. Le CIO a également renforcé sa coopération de longue date
avec le HCR par le lancement de la Fondation olympique pour les
réfugiés (Olympic Refuge Foundation, ORF) en 2017. Celle-ci entend
assurer aux réfugiés et aux personnes déplacées internes un accès
à des installations sportives et des possibilités de prendre part
à des activités sportives. L’ORF mène actuellement des projets au
Bangladesh, en Colombie, en France, en Jordanie, au Kenya, en Türkiye
et en Ouganda
. La fondation a en outre consolidé
ses capacités en signant d’importants partenariats comme le Protocole
d’accord avec le HCR
et a créé, en
coopération avec le HCR et la Fondation Scort, la Coalition sportive
au service des réfugiés, composée de plus de 80 organisations sportives,
de la société civile et des secteurs public et privé ayant pris
l’engagement mutuel d’accroître l’accès au sport organisé pour les
réfugiés et les personnes déplacées internes. En 2019, ces acteurs
se sont engagés à «promouvoir et assurer l’accès de tous les réfugiés,
sans aucune distinction, à des installations sportives sûres et
inclusives; à accroître l’offre et l’accès aux initiatives sportives
ou axées autour du sport pour les réfugiés et leurs communautés
d’accueil, en tenant dûment compte d’éléments comme l’âge, le sexe,
les capacités et tout autre besoin lié à la diversité; [et] à promouvoir
et favoriser l’égalité d’accès et de participation des réfugiés
aux manifestations et compétitions sportives de tous niveaux»
.
68. Les 50 comités olympiques nationaux d’Europe sont regroupés
au sein d’une organisation, les Comités olympiques européens (COE),
qui travaille en étroite coopération avec eux en les conseillant
dans les processus décisionnels, en organisant des événements (Jeux
européens, Festival olympique de la jeunesse européenne) et en diffusant
les valeurs du sport en Europe. Lors de la préparation des Jeux
de Tokyo, 21 des 29 athlètes de l’Équipe olympique des réfugiés
ont été accueillis par des comités olympiques nationaux européens.
Par ailleurs, le soutien des COE a été particulièrement utile pour
l’inclusion sociale des athlètes ukrainiens ayant fui leur pays
après le début de la guerre dévastatrice de la Russie contre l’Ukraine’.
Dans ce contexte, en partenariat avec le CIO et Solidarité olympique,
les COE ont créé un fonds de solidarité doté d’un budget initial
de 2 millions $US destiné à couvrir l’ensemble des coûts nécessaires
à l’entraînement des athlètes ukrainiens et à leur participation
à des compétitions sportives. En avril 2022, les CEO ont fait un
don supplémentaire de 500 000 $US au fonds.
69. En juin 2022, les COE ont signé un accord de coopération avec
la Commission européenne, dans le cadre duquel ils se sont engagés
à promouvoir les valeurs de l’Union européenne et les valeurs olympiques ainsi
que les échanges culturels et à adopter des stratégies à long terme
pour lutter notamment contre la discrimination, l’intolérance et
les inégalités entre les femmes et les hommes.
70. L’UEFA finance plusieurs projets de soutien aux réfugiés mis
en œuvre par ses associations nationales et a organisé en 2022 aux
côtés du HCR un nouveau tournoi pour les réfugiés, la Coupe UNITY
EURO
, dans le but de construire un meilleur
avenir pour les réfugiés et les personnes déplacées en Europe en
utilisant le pouvoir rassembleur du football. À cette fin, l’UEFA
a signé un protocole de coopération avec le HCR pour favoriser l’accès
des réfugiés au sport et améliorer l’inclusion sociale dans le cadre
de la stratégie de durabilité de l’UEFA, appelée «l’Union fait la
force». Depuis 2017, l’UEFA gère également le programme de subventions Football
et réfugiés qui finance des projets dans toute l’Europe et apporte
un soutien financier aux associations nationales pour leurs programmes
de travail avec les réfugiés. Le 29 juin 2022, l’UEFA a accueilli
la première Coupe UNITY EURO, nouveau tournoi opposant huit équipes
nationales mixtes composées à 70 % de joueurs réfugiés et à 30 %
de joueurs non réfugiés, pour montrer et saluer la capacité du football
à renforcer les liens entre les communautés d’accueil et les personnes
déplacées, en faisant tomber les barrières et en créant un esprit
d’inclusion.
5. Recommandations
71. Bien qu’un grand nombre d’activités
axées autour du sport aient déjà été menées aux niveaux local, régional,
national et international pour promouvoir l’inclusion sociale des
migrants, des réfugiés et des personnes déplacées internes, des
interventions restent nécessaires dans plusieurs domaines, comme
l’a montré le présent rapport.
72. Tout d’abord, les États et les acteurs impliqués dans les
activités fondées sur le sport devraient tenir dûment compte des
valeurs et principes énoncés dans la Charte européenne du sport.
La Recommandation CM/Rec(2021)5 invite les États à fonder leurs
politiques dans le domaine du sport sur les principes contenus dans
la Charte du sport et aux parties prenantes à tenir compte de ces
mêmes principes lors de l’élaboration de leurs programmes axés autour
du sport. Dans ce contexte, les États sont invités à adhérer à l’Accord
partiel élargi sur le sport pour améliorer la mise en œuvre de la
Charte européenne du sport et bénéficier d’une coopération internationale
plus efficace.
73. Par ailleurs, il est primordial que les États adoptent ou
assurent l’application de la législation interdisant toute forme
de discrimination dans le sport fondée sur la nationalité, le sexe,
l’orientation sexuelle, l’origine ethnique, la langue ou le handicap.
Le droit au sport devrait être garanti à toute personne et des actions spécifiques
devraient être engagées pour que les plus vulnérables, et notamment
les migrants, disposent d’un accès adéquat à des activités et installations
sportives. Il conviendrait d’encourager la formation des entraîneurs
à la détection et à la résolution des situations de vulnérabilité
des migrants et de mettre en place des services d’assistance de
manière à ce que les migrants se sentent protégés et en sécurité
dans les centres sportifs. Des cours de langues pourraient également
être proposés parallèlement aux programmes fondés sur le sport,
afin que les différences linguistiques ne soient plus un obstacle
à l’inclusion. Par ailleurs, les responsables politiques devraient
veiller à ce que les migrants, les réfugiés et les personnes déplacées internes
puissent participer aux compétitions sportives de la même manière
que tout autre athlète non migrant.
74. La littérature scientifique montre que les barrières culturelles
et structurelles sont encore plus difficiles à franchir pour les
migrants lorsque ce sont des femmes, des enfants, des membres de
la communauté LGBTQ+ ou des personnes handicapées. Des actions concrètes
et ciblées doivent donc être menées pour promouvoir l’inclusion
de ces personnes dans la société d’accueil. De ce point de vue,
les migrants ou des groupes spécifiques de migrants devraient être
associés aux processus décisionnels pour trouver des solutions ciblées répondant
à leurs vulnérabilités. Une meilleure couverture médiatique des
sports féminins permettrait de toucher un plus grand nombre de jeunes
femmes qui hésitent à pratiquer un sport du fait de barrières culturelles
ou psychologiques. L’image de championnes et d’athlètes féminines
migrantes pourrait être un moteur de changement en contribuant à
réduire les stéréotypes et les discours discriminatoires dans la
société d’accueil. Par ailleurs, des services de garde d’enfants
pourraient être mis en place au sein des organisations sportives
afin que les athlètes féminines puissent disposer d’un temps à elles,
consacré à la pratique sportive.
75. Des cas de discrimination à l’égard de migrants handicapés
et de migrants membres de la communauté LGBTQ+ ont été enregistrés.
Par conséquent, les États et les organisations sportives devraient
engager des campagnes de sensibilisation et promouvoir la tolérance
pour déconstruire les stéréotypes et véhiculer des messages d’inclusion.
Des programmes d’éducation ciblés pour les enfants ou des programmes
de formation des entraîneurs pourraient être utiles pour atteindre
cet objectif. Une plus grande couverture médiatique des parasports
pourrait également contribuer à améliorer l’inclusion.
76. Les déplacements de personnes dans les pays européens appellent
une vision stratégique pour l’inclusion sociale des migrants. Il
conviendrait de privilégier des programmes construits sur la durée
plutôt que sur le court terme. Les États devraient investir par
ailleurs dans des initiatives intersectorielles pour l’inclusion des
migrants dans la société d’accueil, en menant par exemple des activités
sportives parallèlement aux programmes éducatifs, notamment pour
les enfants migrants. Des fonds publics supplémentaires sont essentiels
pour atteindre cet objectif et élaborer des politiques d’inclusion
sociale efficaces. Les migrants, les réfugiés et les personnes déplacées
internes devraient bénéficier d’un accès gratuit à des installations
et activités sportives, ce qui inclut la mise à disposition de tenues
de sport le cas échéant. Par ailleurs, étant donné les effets thérapeutiques
des activités sportives, les organisations sportives devraient être
dotées de services d’assistance sociale et psychologique accessibles
à tous les affiliés, y compris les migrants. Enfin, des fonds supplémentaires
consacrés à la promotion de la collaboration entre organisations
sportives et non sportives sont nécessaires pour mettre en place
des mécanismes de coopération et des actions sociales intersectorielles.
Sans financement public, tous ces coûts seraient supportés par les
organisations sportives, avec le risque que leur montant excessif
contraigne ces dernières à limiter les opérations autour du sport.
Un soutien public accru aux activités sportives visant l’inclusion
sociale des migrants, des réfugiés et des personnes déplacées internes
semble donc essentiel.
77. Il conviendrait de poursuivre le travail de sensibilisation
du public à la contribution du sport comme outil favorisant l’inclusion
sociale des migrants, des réfugiés et des personnes déplacées internes.
Les États et les organisations sportives pourraient lancer des campagnes
de sensibilisation à l’importance d’inclure les migrants dans la
société et réduire par la même occasion le racisme et la discrimination,
et des campagnes de communication pourraient être menées auprès
des migrants pour les informer des projets existants en faveur de
leur inclusion sociale.
78. Enfin, le partage de connaissances et d’expériences et la
création de bases de données sont des outils importants pour favoriser
la mise en place de programmes d’inclusion sociale par le sport.
Dans ce cadre, les États et autres parties prenantes sont encouragés
à présenter leurs projets sur la plateforme du Conseil de l’Europe
consacrée à l’intégration des migrants par le sport. Cela leur permettrait
de bénéficier d’une meilleure visibilité au niveau international
et d’accroître ainsi leurs chances de trouver des investisseurs
tout en augmentant la participation des migrants, mais surtout d’échanger
des connaissances et des bonnes pratiques avec d’autres organisations
sportives locales, régionales, nationales et internationales pour
mettre en œuvre un plus grand nombre de programmes axées autour
du sport au service de l’inclusion des migrants, des réfugiés et
des personnes déplacées internes.
6. Conclusion
79. Après le début de la guerre
dévastatrice de la Russie contre l’Ukraine, plus de 6 millions d’Ukrainiens ont
trouvé refuge dans bon nombre d’États membres du conseil de l’Europe.
Des mesures ont été prises à différents niveaux pour favoriser leur
inclusion et les activités sportives peuvent jouer un rôle essentiel
de ce point de vue.
80. Dans ce contexte, les prochains jeux Olympiques et Paralympiques
de Paris 2024 seront une formidable tribune pour la diffusion des
valeurs d’inclusion et de tolérance. Les équipes olympiques et paralympiques
de réfugiés participeront aux Jeux et les champions olympiques seront
des sources d’inspiration pour nombre de jeunes filles et garçons
migrants. Cela dit, l’inclusion sociale doit être favorisée partout,
tout le temps et à tous les niveaux. Un accès libre et non discriminatoire
aux centres sportifs et aux activités sportives doit être assuré aux
migrants, aux réfugiés et aux personnes déplacées internes, pour
que les nouveaux arrivants comme les sociétés d’accueil puissent
s’enrichir au contact de cultures différentes.
81. Les États membres du Conseil de l’Europe disposent à cet effet
de plusieurs instruments, allant de la Charte européenne du sport
à l’Accord partiel élargi sur le sport en passant par la Plateforme
de l’intégration des migrants par le sport. Des engagements supplémentaires
sont toutefois nécessaires sur le plan des ressources financières,
des interventions intersectorielles et de la coopération internationale.
Il y a lieu de combler les lacunes structurelles, de lever les obstacles
et de promouvoir activement le sport comme outil d’inclusion sociale
des migrants, des réfugiés et des personnes déplacées internes.