1. Introduction
1. Les relations entre le Conseil
de l’Europe et l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE) ont été officiellement établies en 1962 et le premier débat
de l’Assemblée parlementaire sur les activités de l’OCDE a eu lieu
en 1963 sur la base du rapport transmis par l’OCDE au Conseil de l’Europe.
2. Les débats de l’Assemblée parlementaire élargie ont été instaurés
en 1993, conformément à des règles spéciales, pour permettre la
participation de délégations des parlements nationaux des États
membres de l’OCDE non-membres du Conseil de l’Europe et du Parlement
européen. Depuis lors, l’Assemblée élargie opère en tant que plateforme
unique pour un examen parlementaire des activités de l’OCDE.
3. En janvier 2019, il a été convenu de mettre en place de nouvelles
méthodes de travail pour les débats élargis en vue de créer une
relation institutionnelle plus forte et plus efficace entre l’Assemblée
et l’OCDE, en rationalisant les procédures et en tirant mieux parti
des atouts des deux organisations.
4. Conformément à l’accord conclu
,
les débats de l’Assemblée élargie sur les activités de l’OCDE ont
lieu tous les deux ans, sur la base d’un rapport présenté par la
commission des questions politiques et de la démocratie. Les rapports
porteront sur des thèmes spécifiques à définir par la ou le rapporteur·e
en collaboration avec l’OCDE. Au cours de la même année, un échange
de vues avec des expert·e·s de l’OCDE sera organisé et mis à l’ordre
du jour de la commission, dans le cadre de la préparation du rapport
de la commission sur les activités de l’OCDE.
5. Le dernier rapport de l’Assemblée élargie date d’avril 2021
et était consacré au thème suivant: «Lutter contre l’injustice fiscale:
le travail de l’OCDE sur l’imposition de l’économie numérique» (
Résolution 2370 (2021)). Il y est rappelé qu’une fiscalité juste et redistributive
est un outil essentiel qui permet aux gouvernements de lever les
fonds nécessaires au bon fonctionnement des services publics et
constitue un point d’ancrage fondamental de la démocratie. Les multiples
révélations sur les pratiques agressives d’optimisation, d’évasion
fiscales et de transfert artificiel de bénéfices, conjuguées à la
dégradation des finances publiques depuis la crise mondiale de 2008
et exacerbées par la pandémie de covid-19, ont rendu plus urgente
que jamais la nécessité d’opter pour des réponses politiques coordonnées
au niveau international permettant de lutter contre l’injustice
fiscale. Selon le rapport, le développement croissant de l’économie numérique,
dont la majeure partie de la valeur est créée par des plateformes
virtuelles et apatrides, gérées par des géants technologiques, impose
de reconsidérer le modèle classique de répartition de la base fiscale internationale,
en s’affranchissant de la notion «d’établissement stable» sur laquelle
elle se fonde depuis les années 1920. Soulignant le rôle joué par
l’OCDE dans ce domaine, le rapport précise que ses travaux sur le Cadre
inclusif sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de
bénéfices (BEPS) sont essentiels pour parvenir à un consensus au
niveau mondial visant à rendre le système fiscal international à
la fois plus juste et plus stable.
6. En septembre 2022, la commission des questions politiques
et de la démocratie a déposé une proposition de résolution intitulée
«Les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OECD)»
en vue de l’élaboration d’un nouveau
rapport à soumettre pour examen en 2023. La proposition a été renvoyée
à la commission le 10 octobre 2022 et j’ai été nommé rapporteur
pour le présent rapport le 13 octobre 2022.
7. Conformément à la nouvelle procédure, je me suis rendu au
siège de l’OCDE le 27 janvier 2023 pour m’entretenir avec son Secrétaire
général, M. Mathias Cormann, des thèmes spécifiques du rapport de
2023. Nous sommes convenus que ce dernier porterait sur la mondialisation
en temps de crise et de guerre et le rôle de l’OCDE dans ce cadre.
J’ai également eu la possibilité de discuter plus en détail des
questions à aborder dans le document avec Mme Ingrid Barnsley,
cheffe de Cabinet du Secrétaire général de l’OCDE, ancienne directrice
adjointe de la direction de l’environnement de l’OCDE, et Mme Elsa Pilichowski,
directrice de la gouvernance publique et directrice des relations
extérieures et de la communication, en marge de la réunion du Réseau
parlementaire mondial de l’OCDE, qui s’est tenue à Paris les 4 et
5 avril 2023. À cette occasion, il a été décidé que divers départements
de l’OCDE fourniraient des contributions écrites étoffées, présentant, d’une
part, une analyse des principales tendances et menaces auxquelles
l’économie mondiale est confrontée dans le nouveau contexte mondial
et, d’autre part, un aperçu des activités pertinentes de l’OCDE
visant à prévenir ou atténuer les tendances négatives et à promouvoir
les tendances positives. Je remercie sincèrement les collègues de
l’OCDE pour leur contribution extrêmement précieuse, qui est au
cœur de mon rapport.
8. Le 24 avril 2023, j’ai présenté un schéma de rapport à la
commission qui a accepté ma proposition de changer le titre du rapport
2023 comme suit: «La mondialisation en temps de crise et de guerre:
le rôle de l’OCDE depuis la guerre d'agression de la Fédération
de Russie contre l'Ukraine».
9. Comme le laisse entendre ce nouvel intitulé, j’ai l’intention
d’étudier la manière dont le nouveau contexte mondial résultant,
entre autres, des chocs provoqués par la pandémie de covid-19 et
la guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine,
influe sur les tendances négatives déjà existantes de la mondialisation,
ainsi que le rôle que l’OCDE peut jouer pour les atténuer.
10. Les inquiétudes concernant les dépendances commerciales et
les perturbations de la chaîne d’approvisionnement ne sont pas nouvelles
mais elles sont exacerbées par les débats publics actuels, d’autant plus
que les perspectives économiques et géopolitiques mondiales s’assombrissent.
Elles ont récemment suscité une nouvelle vague d’appels à la «
slowbalisation» (ralentissement
de la mondialisation), à la «démondialisation», au «
friendshoring» (délocalisation chez
des pays amis), au «
nearshoring»
(délocalisation dans un pays proche), à la création de «blocs commerciaux»
ou à la «relocalisation»
.
Les tensions entre les États-Unis et la Chine autour d’enjeux géopolitiques
plus larges ont également fait naître le spectre d’un «découplage»
des deux économies. L’ombre même d’éventuelles guerres commerciales
entre les États-Unis et l’Union européenne plane, à la suite de
l’entrée en vigueur, le 1 janvier 2023, de la loi américaine sur
la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act (IRA)). Cette
loi prévoit notamment plus de 370 milliards de dollars de subventions
aux technologies vertes produites sur le sol américain et, selon
ses détracteurs, portera préjudice aux principaux partenaires commerciaux
et alliés, qui devront prendre des mesures de rétorsion. Selon la
directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), la fragmentation
de l’économie mondiale en blocs rivaux pourrait conduire à une nouvelle
guerre froide
. Toutefois, dans le récent communiqué
publié à l’issu du sommet du G7 de mai 2023, les dirigeantes et
dirigeants occidentaux ont ouvertement déclaré «Nous ne recherchons
pas le découplage ou le repli sur nous-mêmes. Dans le même temps,
nous reconnaissons que la résilience économique requiert une réduction
des risques et une diversification»
. Le monde s’éloigne-t-il d’une
mondialisation effrénée axée sur la croissance et l’efficacité,
pour s’orienter vers un système fracturé caractérisé par des normes
technologiques concurrentes, des coûts plus élevés et des contraintes
accrues? Le présent rapport s’efforce de mettre en lumière ces problématiques,
du point de vue de l’OCDE.
11. À l’occasion de la réunion du Conseil de l’OCDE au niveau
des Ministres de 2023, sous le thème «Assurer un avenir résilient:
des valeurs communes et des partenariats mondiaux», les États membres
de l’OCDE ont réaffirmé que «[n]otre communauté animée d’un même
esprit reste engagée en faveur: des valeurs communes que sont les
libertés individuelles, la démocratie, l’état de droit, la protection
des droits humains, l’égalité des genres, la durabilité de l’environnement
et la lutte contre les inégalités, conformément à notre Vision d’avenir
de 2021, ainsi que de la diversité et de l’inclusion. (...) Nous
réaffirmons l’importance du multilatéralisme et la nécessité de
rester unis pour faire face aux défis d’ampleur mondiale et établir
un dialogue au-delà de nos Membres actuels afin de renforcer et
de développer les partenariats mondiaux. (...) Nous attachons une
grande valeur au rôle que joue l’OCDE dans la promotion d’échanges
libres et équitables, de l’investissement et de la résilience des
chaînes d’approvisionnement conformément à la nouvelle stratégie de
l’OCDE sur les échanges, ainsi que dans la facilitation de la coopération
internationale pour contrer les tentatives visant à fragiliser les
systèmes économiques ouverts fondés sur l’économie de marché»
.
12. Par ailleurs, je prévois d’examiner l’avancée des travaux
de l’OCDE concernant la lutte contre l’injustice fiscale et la taxation
de l’économie numérique, ainsi que l’érosion de la base d’imposition
et le transfert de bénéfices (BEPS), dans le cadre du suivi du rapport
de 2021 de l’Assemblée.
2. Perspectives de mondialisation dans
le contexte des chocs mondiaux majeurs
2.1. Nouveau
contexte mondial
13. Au lendemain de la pandémie
de covid-19
, de la guerre d'agression de la Fédération
de Russie contre l'Ukraine et de la crise consécutive de l’énergie
et du coût de la vie, la plupart des pays de l’OCDE ont été aux prises
avec des déficits budgétaires, une dette publique élevée et des
perspectives de croissance économique moroses. Plusieurs gouvernements
ont pris de nouvelles mesures budgétaires ou ont prolongé les programmes
de soutien existants afin d’amortir l’impact du renchérissement
des produits alimentaires et de l’énergie sur les ménages et les
entreprises (Perspectives économiques de l’OCDE, 2023
). En 2022,
dans l’ensemble de la zone OCDE, le total des dépenses publiques
aurait représenté près de 43 % du PIB, soit environ 2½ points de
pourcentage de plus que la moyenne de 2017-2019. Selon les estimations,
le taux d’endettement public rapporté au PIB aurait augmenté de
près de 6 % au cours de la même période
(Perspectives économiques de l’OCDE, 2023)
. La récente revalorisation des salaires et des prestations sociales
du secteur public pour tenir compte de l’inflation élevée ont accentué
les tensions sur les dépenses publiques.
14. Les tendances à moyen et long terme, comme le vieillissement
de la population et la hausse du prix relatif des services, continueront
d’intensifier la pression sur les dépenses publiques consacrées
aux retraites, à la santé publique et aux soins de longue durée
. Il convient également de garder
à l’esprit la transition numérique, qui nécessiterait des investissements
publics pour la transformation numérique des services publics, mais
aussi éventuellement dans l’éducation et les compétences pour le
perfectionnement et la reconversion requis. En outre, je dois mentionner
l’augmentation des dépenses en matière de défense dans le contexte
de la guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine
et d’autres tensions géopolitiques croissantes. Si aucune réforme
politique n’est entreprise, les dépenses dans le pays médian de l’OCDE
pourraient augmenter de près de 5 % du PIB d’ici à 2060. Les mesures
d’adaptation au changement climatique et la transition écologique
nécessiteront également de nouveaux investissements qui, dans la mesure
où ils sont financés par l’État, alourdiront la pression sur les
dépenses publiques. Ces tendances, couplées aux priorités politiques
à plus court terme en constante évolution, renforcent la nécessité
de veiller à maintenir les finances publiques sur une trajectoire
durable.
15. Trois ans après le début de la crise de la covid-19, les marchés
du travail se sont plutôt bien redressés; en juin 2023, le taux
de chômage moyen de la zone OCDE s’établissait à 4,7 %, contre 5,3 %
en décembre 2019.
16. En fait, dans l’ensemble de l’OCDE, de nombreuses entreprises
ont rencontré beaucoup de difficultés à recruter de nouveaux travailleurs
. La guerre d'agression de la Fédération
de Russie contre l'Ukraine fait peser des risques importants en
termes d’emploi et de bien-être, entraînant une hausse de l’inflation
à l’échelle mondiale. Alors que les conditions difficiles du marché
de l’emploi ont contribué à une reprise de la croissance des salaires
en valeur nominale dans de nombreux pays de l’OCDE, la hausse n’a
pas suivi le rythme de l’inflation et de fait, les salaires ont
reculé en valeur réelle de 5 % en moyenne en glissement annuel au quatrième
trimestre 2022 dans pratiquement tous les pays de l’OCDE. La flambée
des prix de l’énergie et des produits alimentaires a un impact considérable
sur les groupes à faible revenu, pour lesquels l’alimentation et le
carburant représentent une part plus importante des dépenses du
ménage et qui sont moins à même de faire face à la situation en
recourant à l’épargne ou à l’emprunt.
17. Par ailleurs, les effets conjugués de la pandémie de covid-19,
des conflits mondiaux, de la crise climatique et des inégalités
croissantes ont réduit à néant les progrès réalisés au niveau mondial
en matière de réduction de la pauvreté. Le nombre de personnes vivant
dans l’extrême pauvreté, qui était en nette diminution depuis près
de 25 ans, est aujourd’hui en augmentation. En 2020, 700 millions
de personnes étaient en situation d’extrême pauvreté et près de
la moitié de la population mondiale vivait avec moins de 6,85 $US
par jour
. Pour la toute première fois, la
valeur de l’indice mondial de développement humain est en baisse,
9 pays sur 10 enregistrant un recul en matière de santé, d’éducation
et de niveau de vie
.
18. Dans un tel contexte, les démocraties subissent des pressions
sans précédent de l’intérieur et de l’extérieur. La polarisation
du discours politique, les tensions géopolitiques, les crises économiques
et de santé publique, et l’ingérence étrangère rampante dans les
processus démocratiques – toutes également alimentées par la mésinformation
et la désinformation – ont mis à l’épreuve la confiance des citoyens
dans les institutions publiques et poussent de nombreux gouvernements
à renforcer et à protéger les valeurs et les processus démocratiques.
2.2. Conséquences
de la pandémie
19. Les données recueillies par
l’OCDE depuis le début de la crise de la covid-19 attestent des
changements structurels sans précédent qu’ont connus les échanges
internationaux de biens et de services
. Dans un premier temps, de nombreux
pays ont été confrontés à des ruptures d’approvisionnement en masques, respirateurs
et autres équipements médicaux, les usines des pays spécialisés
dans leur production n’étant pas en mesure de faire face à la hausse
de la demande et, dans certains cas, étant obligées de fermer en
raison des confinements.
20. La généralisation des confinements, des fermetures de frontières,
des perturbations dans le domaine des transports et de la logistique,
et les changements importants au niveau de la demande des consommateurs
et des dépenses publiques, ont entraîné des ruptures d’approvisionnement
touchant une vaste gamme de produits comme le plastique, le verre,
le bois de sciage ou les semi-conducteurs, ainsi que les industries
connexes en aval, telles que celles du secteur de la construction
et l’industrie automobile. Depuis le début de l’année 2023, le commerce
des biens a largement retrouvé son niveau d’avant la pandémie, mais ses
orientations géographiques et la structure en termes de produits
restent sensiblement altérées
.
21. Cependant, la mesure dans laquelle les ruptures d’approvisionnement
enregistrées pendant la pandémie étaient spécifiquement dues à ce
que l’on pourrait qualifier de manque de résilience des chaînes d’approvisionnement
et la question de savoir si des chaînes moins développées au niveau
international auraient permis de limiter les pénuries font toujours
débat.
22. Pendant la pandémie, les changements sans précédent dans la
demande des consommateurs et les interventions politiques affectant
le fonctionnement des marchés de facteurs et de produits
ont mis à rude épreuve certaines
chaînes d’approvisionnement. À plusieurs reprises, on a assisté
à une restructuration rapide des chaînes de valeur mondiales (CVM)
pour faire face à une augmentation soudaine de la demande, concernant
notamment les
masques,
les tests et les vaccins, les produits à usage domestique et les semi-conducteurs
(dans
certains cas, les importations ont augmenté de plus de 1 000 % en
l’espace de trois mois seulement). Depuis quelque temps, la chaîne
d’approvisionnement est moins sous pression et les frais de transport
ont diminué
, sous
l’effet également de la baisse de la demande d’importations due
à l’assombrissement des perspectives macroéconomiques.
2.3. Commerce
international et perturbation des chaînes d’approvisionnement et
de valeur
23. Les chocs économiques liés
à la pandémie de covid-19 et les répercussions de la guerre d'agression
de la Fédération de Russie contre l'Ukraine ont relancé le débat
sur la question de savoir si les bénéfices tirés de la
production
de CVM l’emportent sur les risques qui y sont associés et comment
y remédier au mieux. L’incertitude politique croissante, les tensions
géopolitiques, la volatilité des conditions climatiques, et une concurrence
accrue sur les marchés des matières premières augmentent les risques
liés aux CVM. Les préoccupations en termes de sécurité nationale
et d’autonomie stratégique, ainsi que les appels lancés aux pouvoirs
publics pour qu’ils réduisent leur dépendance vis-à-vis d’économies
étrangères, mettent sous pression les marchés ouverts et les systèmes
commerciaux fondés sur des règles.
24. Dans ce contexte, les preuves incontestables et constantes
des avantages des échanges internationaux, de l’investissement et
de l’ouverture non discriminatoire des marchés (y compris la contribution du
commerce international à la paix), lesquels se traduisent par une
amélioration des résultats économiques dans les pays indépendamment
de leur niveau de développement dès lors qu’ils sont associés à
des mesures sociales adéquates de protection des revenus, sont souvent
négligées. Il importe de ne pas perdre de vue que les marchés peuvent
permettre de diversifier et d’équilibrer l’offre et la demande,
créant ainsi des chaînes d’approvisionnement résilientes. Il convient
également de garder à l’esprit que les ressources, les compétences
et le savoir-faire sont inégalement répartis entre les pays et que
pour beaucoup d’entre eux, les échanges commerciaux sont déterminants
pour surmonter les contraintes liées à leur économie nationale.
25. Les variations hétérogènes des flux commerciaux entre les
produits, les sources et les destinations observées pendant la pandémie
laissent entrevoir
une
incertitude accrue et des coûts d’ajustement élevés. La guerre d'agression de la Fédération de Russie contre
l'Ukraine a engendré des perturbations supplémentaires dans l’approvisionnement
en différents produits de base agricoles, ressources naturelles,
acier et autres produits manufacturés.
26. Tant la pandémie que la guerre renforcent la nécessité pour
les consommateurs, les entreprises et les pouvoirs publics d’adopter
de nouvelles stratégies d’atténuation des risques ou d’intensifier
celles déjà en place, et les incitent à agir en ce sens. Certains
changements s’opèrent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales
en raison des tensions géopolitiques et de la guerre d'agression
de la Fédération de Russie contre l'Ukraine. À titre d’exemple,
les entreprises occidentales sont poussées à se diversifier pour
moins dépendre de la Chine, et l’économie chinoise est devenue moins
attrayante pour les entreprises étrangères. Cependant, certaines
recherches de l’OCDE les plus récentes ne laissent pas présumer
l’existence, ces dernières décennies, d’une tendance générale à
la démondialisation
.
27. Selon une analyse récente des dépendances aux chaînes de valeur
mondiales
, les dépendances en amont (à l’égard
des intrants étrangers) sont particulièrement marquées dans l’industrie
manufacturière, où la production peut être fortement tributaire
d’éléments essentiels qui ne sont proposés que par de rares fournisseurs.
La production en aval est ainsi exposée à des perturbations de nature
variable (conflits, catastrophes naturelles, pandémies, crises financières)
en matière d’approvisionnement. Ces chocs peuvent grandement influer
sur cette production en aval lorsque les possibilités de faire appel
à d’autres fournisseurs sont faibles. Des problèmes récents (par
exemple la pénurie de semi-conducteurs) ont mis en évidence l’importance
des risques en amont et la nécessité d’une meilleure cartographie
des vulnérabilités. S’agissant de la guerre d'agression de la Fédération
de Russie contre l'Ukraine, de nombreux pays peuvent être directement
ou indirectement confrontés à des conséquences négatives liées à
l’approvisionnement, par exemple, en produits agricoles, énergétiques
ou métalliques.
28. Cette guerre d'agression de la Fédération de Russie contre
l'Ukraine a souligné l’importance de mieux définir le positionnement
des pays dans les chaînes de valeur. Ainsi, la Russie, qui dispose
de ressources minérales abondantes, se situe relativement en amont
dans les chaînes de valeur mondiales. Toute perturbation des approvisionnements
russes peut donc entraîner des conséquences considérables sur la production
en aval dans de nombreux pays, soit directement (par exemple en
augmentant le coût de production de l’acier), soit indirectement
(par exemple en augmentant le coût pour les utilisateurs en aval
de l’acier, tels que l’industrie automobile). Les tensions géopolitiques
avec la Russie ont révélé la difficulté de remplacer le gaz russe
par d’autres sources d’énergie et ont aggravé les répercussions
économiques à court terme.
2.3.1. Hausse
des prix de l’énergie
29. La guerre d'agression de la
Fédération de Russie contre l'Ukraine a provoqué une hausse des
prix de l’énergie à l’échelle mondiale, exacerbant l’inflation dans
un contexte déjà marqué par une augmentation rapide du coût de la
vie dans le monde entier. Cette inflation a atteint des niveaux
inégalés depuis des décennies, entrainant un ralentissement de la
croissance économique sur l’ensemble de la planète.
30. Les prix du pétrole, du gaz naturel, de l’électricité et du
charbon avaient déjà enregistré une forte hausse en 2021, mais ils
ont continué à grimper, atteignant souvent des sommets historiques
après le déclenchement de la guerre d'agression de la Fédération
de Russie contre l'Ukraine en février 2022. L’énergie représente
un intrant important pour l’économie, de sorte qu’une hausse de
ses prix peut entraver la capacité de production des entreprises,
entraîner une augmentation des niveaux de prix et éroder le pouvoir
d’achat des ménages, pour lesquels la part des dépenses consacrées
à l’énergie a tendance à augmenter, au détriment d’autres postes.
31. La flambée soudaine des prix de l’énergie a incité les pouvoirs
publics à mettre en œuvre une série de mesures de soutien, consistant
principalement en: (i) des plafonnements de prix et des baisses
de taxes sur l’énergie, et (ii) des transferts de revenus et des
crédits d’impôt aux consommateurs. L’objectif de ces mesures était
de protéger le pouvoir d’achat des ménages et la viabilité des entreprises.
Par conséquent, les mesures de soutien non ciblées ont représenté
80 % du coût budgétaire brut total des aides annoncées pour 2022-2023. Ces
mesures non ciblées se traduisent souvent par des coûts budgétaires
importants, un soutien disproportionné aux ménages mieux lotis,
une baisse des incitations aux économies d’énergie et une demande soutenue
en combustibles fossiles. Les dispositifs d’aide devraient être
davantage axés sur les plus vulnérables, afin de préserver les incitations
à réduire la consommation d’énergie et de consacrer les ressources
budgétaires ainsi dégagées à la réalisation d’autres priorités politiques
(Perspectives économiques de l’OCDE, rapport intermédiaire
). Les coûts budgétaires
bruts des mesures de soutien sont importants et varient considérablement
d’un pays à l’autre, représentant environ 0,7 % du PIB en 2022 et
0,8 % en 2023 dans l’économie médiane de l’OCDE, mais dépassant
2,5 % du PIB dans certains pays
.
32. Malgré un certain recul de plusieurs prix de l’énergie par
rapport aux sommets atteints en 2022, la récente crise dans ce domaine
a mis en évidence les risques en matière de sécurité énergétique,
les progrès insuffisants en termes de réduction de la dépendance
à l’égard des combustibles fossiles et la vulnérabilité des consommateurs
d’énergie. Pour être appropriées, les réponses apportées par les
pouvoirs publics doivent s’attaquer à la crise énergétique à court
terme, tout en permettant d’avancer dans la réalisation d’objectifs
à long terme grâce à des mesures efficaces et à moindre coût, qui
renforcent la sécurité énergétique à long terme, accélèrent la transition
climatique et bénéficient du soutien des citoyens.
33. Pour pouvoir atténuer véritablement le changement climatique,
il faudra procéder à une transformation en profondeur, massive et
rapide de nos économies et de notre approvisionnement énergétique.
Des mesures solides de réduction des émissions, des progrès technologiques
et des investissements à grande échelle seront essentiels. Alors
que les pays se sont engagés, tant à l’échelle mondiale que sur
le plan individuel, à respecter des objectifs de réduction des émissions,
ils n’ont pas fourni d’informations suffisamment détaillées quant
aux modalités d’atteinte de leurs objectifs d’atténuation du changement
climatique et d’adaptation à ceux-ci, et de financement. La réalisation
de ces objectifs suppose l’adoption de normes et de réglementations, des
investissements publics, des subventions à l’innovation, ainsi que
des mesures d’incitation fondées ou non sur les prix. L’importance
relative de ces instruments varie d’un pays à l’autre en fonction
de la situation et des préférences nationales. L’interaction des
politiques climatiques et des politiques macroéconomiques, énergétiques
et structurelles déterminera également la transition.
2.3.2. Autres
produits de base
34. Les prix de plusieurs matières
premières, comme l’aluminium, le cuivre et le nickel, atteignent actuellement
des niveaux records ou s’en approchent. Ils ont fortement augmenté
depuis le début du millénaire, en particulier pendant la crise financière
mondiale des années 2008-2009 et la pandémie de covid-19. La guerre
d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine n’a fait
qu’aggraver cette tendance. Les effets les plus directs se sont
fait sentir sur les marchés de l’énergie, des produits alimentaires
et de certaines matières premières, qui étaient fortement tributaires
des approvisionnements en provenance de Russie et d’Ukraine. Certains
de ces effets se sont avérés transitoires, mais certains ont contribué
aux pressions inflationnistes mondiales qui ont émergé après la
pandémie et ont directement pénalisé les consommateurs et pesé sur
les coûts du secteur agroalimentaire et des industries à forte intensité
d’énergie et de matières premières.
35. La guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine
est directement préjudiciable à la production et aux exportations
agricoles de l’Ukraine, étant donné l’importance des deux exportateurs
sur plusieurs marchés agricoles, et menace la sécurité alimentaire
mondiale (
document
de synthèse de l’OCDE). La réouverture partielle des ports ukrainiens grâce
à l’Initiative céréalière de la mer Noire a permis d’alléger la pression
sur les marchés alimentaires mondiaux.
L’indice
FAO des prix des produits alimentaires, qui mesure la variation des prix des principaux produits
agricoles au niveau mondial, montre que les prix des denrées alimentaires
ont baissé depuis le pic de mars 2022, mais qu’ils restent supérieurs
de 25 % à la moyenne observée avant le début de la pandémie de covid-19.
L’OCDE est un membre actif du Système d’information sur les marchés
agricoles
(AMIS), une initiative du G20 qui suit l’évolution des marchés
et des politiques, en se concentrant sur le blé, le maïs, le riz
et le soja, ainsi que sur les engrais.
36. Les engrais constituent un intrant majeur pour le secteur
agricole et alimentaire, et leur production est étroitement liée
à l'énergie et aux gisements de minéraux. La Russie est un acteur
clé de la production et de l’exportation d’engrais, s’agissant en
particulier de la potasse et de l’azote
. Les prix ont baissé par rapport aux
niveaux records atteints en 2022, mais ils restent élevés par rapport
aux moyennes à long terme et entraînent une hausse des prix agricoles,
comme souligné dans les Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO
2023-2032
.
37. Les prix de nombreuses matières premières industrielles à
forte intensité d’utilisation dans le secteur manufacturier et essentielles
à la numérisation et à la fabrication des technologies des énergies
renouvelables – telles que l’aluminium, le cuivre, le nickel, le
lithium et le graphite – ont atteint des sommets. Cette situation est
particulièrement préoccupante dans le contexte de la transition
écologique, car, dans la mesure où les pays poursuivent leurs objectifs
de réduction des émissions de CO2 et ont moins recours aux combustibles
fossiles, la demande de ces matières premières critiques devrait
selon l’Agence internationale de l'énergie (AIE)
, s’accroître
considérablement et les tensions sur les marchés internationaux
des matières premières ont augmenté, comme l’illustre la montée
en flèche des restrictions à l’exportation de ces matières, comme
l’a montré l’OCDE
.
2.4. L’inflation
et ses répercussions sur les revenus et les politiques sociales
et de l’emploi
38. Amplifiées par des goulets
d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement et un rebond
rapide de la demande de biens, des pressions inflationnistes ont
été enregistrées dans presque toutes les économies de l’OCDE à un
stade inhabituellement précoce de la reprise après la pandémie en
2021. Avec les perturbations des marchés des produits alimentaires
et de l’énergie provoquées par la guerre d'agression de la Fédération
de Russie contre l'Ukraine en février 2022, l’inflation mondiale
a atteint des niveaux que de nombreux pays n’avaient pas connus
depuis les années 1970. Cette hausse globale des prix a engendré
une crise du coût de la vie, érodant le revenu disponible net des
ménages et leur niveau de vie, et ralentissant la croissance des
dépenses de consommation.
39. En avril 2023, l’inflation et la crise du coût de la vie continuent
de peser sur les économies du monde entier, l’inflation annuelle
devant rester nettement supérieure aux objectifs des banques centrales
dans presque tous les pays pendant une bonne partie de l’année 2024
. L’inflation
des biens a commencé à diminuer, aidée par la réduction des goulets
d’étranglement au niveau des chaînes d’approvisionnement et des prix
de l’énergie au plan mondial, mais celle des services n’a pas encore
atteint son point culminant dans la plupart des pays.
40. La nécessité de faire baisser durablement l’inflation et de
soutenir les entreprises et les ménages alors que les prix des produits
alimentaires et de l’énergie restent élevés a suscité des changements
substantiels dans le dosage des politiques macroéconomiques au cours
des deux dernières années. Les gouvernements ont accordé des aides
budgétaires considérables pour atténuer l’impact des prix élevés
des produits alimentaires et de l’énergie. La plupart des banques
centrales ont rapidement resserré leur politique monétaire depuis
la fin de l’année 2021, les répercussions se faisant de plus en
plus sentir à partir du second semestre 2022.
41. L’inflation a d’importants effets distributifs. Ce sont les
ménages à faible revenu et les ménages ruraux qui sont généralement
les plus durement touchés par la hausse des prix des produits alimentaires
et de l’énergie, compte tenu de la composition de leurs dépenses.
La valeur réelle de l’encours de la dette et de l’épargne est également
réduite. L’un des principaux risques est que la tendance inflationniste
s’installe dans la durée, avec une forte hausse des prix qui entraîne
une croissance des salaires et une augmentation des coûts salariaux
et pousse encore les prix vers le haut.
42. Dans ce contexte, les politiques sociales et du marché du
travail ont un rôle important à jouer dans la protection du niveau
de vie. Les pouvoirs publics ont pris des mesures en ce sens, en
particulier vis-à-vis des populations vulnérables, en procédant
notamment à une augmentation du salaire minimum et en prévoyant des
aides au revenu pour les individus en âge de travailler et leur
famille. Ils ont par exemple mis en place des mesures de soutien
ciblées telles que des subventions énergétiques ou des paiements
forfaitaires, ajusté les transferts sociaux existants à l’inflation
ou appliqué des augmentations discrétionnaires à des aides ciblées déjà
en vigueur, telles que les allocations pour enfants ou les prestations
liées à l’emploi. Cependant, la charge de l’inflation doit être
équitablement répartie entre les ménages, les employeurs et l’État.
43. Comme indiqué précédemment, les salaires nominaux n’ont pas
suivi le rythme de l’inflation. Bien que la croissance nominale
des salaires d’année en année ait atteint 5,6 % en moyenne dans
34 pays au premier trimestre 2023, elle est restée en deçà de l’inflation
de -3,8 % en moyenne. À la fin de 2022, les salaires réels étaient
inférieurs à leur niveau du quatrième trimestre 2019, soit une moyenne
de -2,2 % dans 24 des 34 pays de l’OCDE pour lesquels des données
sont disponibles. Outre les enjeux immédiats liés à la crise du
coût de la vie et à la reprise post-covid, les mégatendances mondiales
– l’évolution démographique et les transitions verte et numérique
– modifient les besoins en termes de politiques sociales et du marché
de l’emploi. Les compétences numériques sont très recherchées dans
tous les pays, et les pénuries en la matière se font déjà sentir,
venant s’ajouter au nombre sans précédent de postes vacants dans
le contexte de l’après-covid. Au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis,
par exemple, les offres d’emploi en ligne destinées aux «data scientists»
(spécialistes de la science des données) ont été multipliées par
plus de 40 entre 2012 et 2021
.
44. La crise de la covid-19 a plus durement touché le bien-être
économique des groupes vulnérables, tels que les jeunes et les enfants
issus de ménages défavorisés, que celui des autres groupes
. Les travailleurs peu qualifiés et
les familles à faible revenu sont également davantage susceptibles
d’être frappés dans le contexte actuel marqué par une forte inflation,
un ralentissement économique et la guerre d'agression de la Fédération
de Russie contre l'Ukraine. À titre d’exemple, en février 2023,
au niveau de l’Union européenne, les ménages pauvres
ont connu
une inflation en glissement annuel supérieure de plus d’un point
de pourcentage, en moyenne, à celle des ménages non pauvres (13,9%
et 12,6 % respectivement
).
De même, les inégalités demeurent importantes dans l’ensemble de
la zone OCDE. D’après les estimations provisoires établies pour
2020, en moyenne dans cette zone, les revenus des 20 % les plus
riches sont entre 4,1 et 5,1 fois plus élevés que ceux des 20 %
les plus pauvres (contre 4,7 fois en 2019). Le ratio varie de 2,8
à 7,5 selon les pays de l’OCDE
.
2.5. Répercussions
sur la démocratie et la confiance dans les institutions
45. La première enquête de l’OCDE
sur la confiance
, menée en 2021 dans 22 de ses pays,
a révélé que quatre personnes interrogées sur dix faisaient confiance
à leur gouvernement national et quatre ne lui faisaient pas confiance.
En moyenne, dans les pays de l’OCDE, les citoyens ont un niveau
raisonnable de confiance dans la fiabilité de leurs pouvoirs publics
à fournir des services publics et sont relativement satisfaits de
ces derniers. Cependant, les pouvoirs publics ne répondent pas toujours
aux attentes des citoyennes et citoyens en matière de participation,
de représentation et de réactivité, et la façon dont est perçue
l’intégrité publique peut également poser problème. Ainsi, moins
d’un tiers des personnes interrogées, tous pays confondus, considèrent
que le système politique de leur pays leur permet d’avoir voix au
chapitre dans la prise de décisions publiques, et une proportion
similaire pense que les pouvoirs publics tiendraient compte des
avis exprimés lors d’une consultation de la population. Les jeunes,
les personnes peu instruites et celles ayant des revenus faibles
accordent en moyenne un niveau de confiance plus faible aux pouvoirs
publics que les autres groupes. Ces tendances témoignent de la nécessité
pour les pays de l’OCDE de renforcer leurs systèmes de gouvernance
démocratique.
46. La propagation de fausses informations constitue une menace
fondamentale pour le libre échange d’informations factuelles, principe
essentiel de la démocratie. Les informations fausses et trompeuses
peuvent dissuader l’engagement démocratique, altérer les débats
politiques et affaiblir la résilience de la société. En entravant
l’accès à des informations pertinentes, fiables et précises, l’amplification
de contenus ayant des visées de désinformation et de mésinformation
peut saper la volonté et la capacité du public à participer de manière
constructive à la vie démocratique. Le renforcement de l’intégrité
des informations que les gens consomment peut contribuer à éviter
que la frontière se brouille entre le discours politique authentique
et les contenus fallacieux et, en retour, accroître la résilience
à la polarisation et à l’ingérence étrangère et malveillante. Si
les informations mensongères n’ont rien de nouveau, leur amplification
immédiate au niveau mondial fait peser de nouvelles menaces sur
les démocraties. Les crises sanitaires, économiques et géopolitiques
récentes, telles que la guerre d'agression de la Fédération de Russie
contre l'Ukraine, ont mis en évidence l’urgence pour les pouvoirs
publics de renforcer leur capacité à réagir à la diffusion d’informations fausses
et trompeuses, tout en bâtissant des sociétés plus résilientes.
2.6. Pauvreté
dans les pays à revenu faible et intermédiaire
47. Comme évoqué ci-dessus (au
point 2.1), l’extrême pauvreté, qui était en net recul depuis près
de 25 ans, est aujourd’hui repartie à la hausse. En 2020, 700 millions
de personnes étaient en situation d’extrême pauvreté et près de
la moitié de la population mondiale vivait avec moins de 6,85 $US
par jour
.
Selon les tendances actuelles, 575 millions de personnes devraient
encore vivre dans l’extrême pauvreté et seulement un tiers des pays
auront réduit de moitié leur niveau de pauvreté nationale d’ici
2030, rendant ainsi l’objectif de développement durable 1 de l’ONU
à «mettre fin à la pauvreté sous toutes ses formes partout dans
le monde» inatteignable
. Alors que l’assistance et la solidarité
internationales sont plus que jamais nécessaires, des besoins croissants
et concurrents exacerbés par la polycrise font peser une pression
sans précédent sur les budgets d’aide, et risquent de diluer encore
davantage la concentration de l’aide sur la lutte contre la pauvreté.
48. Alors que les pays à revenu faible et intermédiaire sont confrontés
dans le même temps à des besoins de financement croissants, à une
dette qui s’envole et à une baisse des ressources disponibles à
l’appui du développement durable, notamment en termes de recettes
publiques, leur déficit de financement des ODD s’est élevé à 3 900 milliards
$US en 2020, enregistrant ainsi un bond de 56 % par rapport à 2019
.
49. Les
données de l’OCDE montrent que l’aide publique au développement a atteint
un niveau sans précédent de 204 milliards $US en 2022, soit une
augmentation de 13,6 % en termes réels par rapport à 2021. Cette
hausse tient en premier lieu à une forte augmentation des dépenses
consacrées au traitement et à l’accueil des réfugiés au sein des
pays donateurs (29,3 milliards $US, contre 12,8 milliards $US en
2021) ainsi qu’à l’essor de l’aide fournie à l’Ukraine à la suite
de son invasion par la Russie et de la guerre d’agression que cette
dernière y mène actuellement (16,1 milliards $US en 2022, contre
à peine 918 millions $US en 2021). L’année 2022 a été marquée par
une baisse des apports nets d’aide publique au développement bilatérale
des pays du Comité d’aide au développement aux pays les moins avancés
(-0,7 %), à l’Afrique (-7,4 %) et à l’Afrique subsaharienne (-7,8 %).
En moyenne, les membres du Comité d’aide au développement ont alloué 0,09 %
de leur revenu national brut aux pays les moins avancés, ce qui
est inférieur à l’objectif de 0,15 à 0,20 % fixé par les Nations
Unies. Pour accélérer les progrès visant à mettre fin à la pauvreté
extrême, il sera essentiel de veiller à ce que le soutien apporté
durant les crises à court terme s’accompagne d’un maintien de l’attention
sur la réalisation des objectifs de développement à long terme et
d’une accélération des progrès dans ce domaine, notamment en faveur
des pays les plus pauvres et les plus vulnérables du monde.
2.7. Questions
liées aux migrations
50. Le ralentissement des migrations
internationales observé pendant la pandémie de covid-19 s’est inversé en
2021 sous l’effet d’une reprise économique et administrative vigoureuse,
et de la réouverture des frontières. L’année 2022 a été marquée
par des flux encore plus importants en raison de la guerre d'agression
de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, laquelle a déclenché
une crise des réfugiés et une crise humanitaire d’une ampleur inattendue
en Europe depuis la seconde guerre mondiale.
51. Les flux migratoires permanents vers les pays de l’OCDE se
sont redressés de 22 % en 2021 après une chute record de plus de
30 % enregistrée en 2020 du fait de la crise de la covid-19. La
migration familiale, qui a augmenté de 40 % en 2021, est restée
la principale catégorie d’entrée, plus de quatre nouveaux immigrés permanents
sur dix ayant été admis à ce titre dans les pays de l’OCDE. Les
migrations de travail dans les pays de l’OCDE ont également rebondi
de 45 % en 2021, représentant 18 % du total des entrées de type permanent.
52. La concurrence mondiale pour les talents se poursuit et les
pays de l’OCDE mettent en place de nouvelles politiques pour attirer
les migrants hautement qualifiés, les travailleurs à distance et
les investisseurs. Dans le même temps, afin de pallier les difficultés
de recrutement dues aux pénuries de main-d’œuvre et d’offrir de
meilleures conditions de travail aux travailleurs étrangers précaires,
plusieurs gouvernements ont étendu leurs programmes de mobilité
temporaire de main-d’œuvre et les accords bilatéraux.
53. Les réformes des politiques d’intégration ont surtout visé
à accroître l’individualisation, à améliorer le tutorat et la formation
linguistique, et à aider les migrants à accéder rapidement et de
manière pérenne au marché du travail. La reconnaissance des compétences
reste une priorité de la politique d’intégration. En 2021, près
de 70 % des immigrés avaient un emploi tandis que 9 % étaient au
chômage, dans l’ensemble de la zone OCDE. En particulier, les performances
sur le marché du travail des immigrés récemment arrivés dans les pays
de l’OCDE se sont davantage améliorées en 2021 que celles de leurs
homologues installés depuis plus longtemps.
54. La crise des réfugiés en provenance d’Ukraine s’est traduite
par l’arrivée massive de réfugiés en 2022. On compte plus de 10 millions
de personnes déplacées à l’intérieur de l’Ukraine ou réfugiées à
l’étranger. En avril 2023, environ 4,7 millions d’Ukrainiens déplacés
se trouvaient dans les pays de l’OCDE. Si la plupart des réfugiés
restent dans les pays voisins, d’autres sont allés plus loin, notamment
de plus en plus dans les pays de l’OCDE non membres de l’Union européenne,
ou sont retournés en Ukraine. Les premières données disponibles
sur
l’intégration
des réfugiés ukrainiens sur le marché du travail montrent qu’elle a été plus rapide que pour d’autres
catégories de réfugiés dans les pays de l’OCDE. En novembre 2022,
la part des réfugiés ukrainiens d’âge actif qui occupaient un emploi
dépassait déjà les 40 % dans certains pays de l’OCDE. Ailleurs, cette
part était plus faible, mais est en hausse. Cependant, une grande
partie des emplois acceptés dans un premier temps sont des emplois
peu qualifiés, d’où l’ampleur de l’inadéquation des compétences.
55. D’aucuns craignent également que le changement climatique
n’entraîne des mouvements massifs de population. Selon certaines
projections, des centaines de millions de personnes seront déplacées
à la suite de catastrophes naturelles au cours des prochaines décennies.
Au départ, il s’agissait principalement de déplacements internes,
mais l’émigration à longue distance et celle de longue durée ont
pris de l’ampleur. Les effets du changement climatique sur la mobilité
humaine sont difficiles à cerner. Ce changement n’est qu’un des
nombreux facteurs, souvent conjugués, qui influencent les migrations
et les déplacements dont la baisse ou la volatilité des revenus
agricoles, la diminution des moyens de subsistance, les conflits
liés aux ressources naturelles et l’augmentation de l’insécurité
alimentaire.
2.8. Crises
environnementale et climatique
56. Les chocs économiques et sociaux
induits par la covid-19 et la guerre d'agression de la Fédération
de Russie contre l'Ukraine interviennent sur fond d’autres menaces
et défis mondiaux complexes et interdépendants, dont en particulier
le changement climatique. Comme mis en lumière par le tout récent 6e rapport
d’évaluation du GIEC, les connaissances scientifiques laissent de
plus en plus penser que les impacts du réchauffement – même contenu
à un niveau inférieur à 2° C en hausse de température mondiale –
devraient être plus graves qu’attendus.
57. Le Pacte COP26 de Glasgow pour le climat, réaffirmé lors de
la COP27, témoigne d’un fort consensus mondial en faveur de la transition
vers zéro émission nette de gaz à effet de serre à l’horizon 2050
et de l’accélération des mesures d’adaptation, de nombreux pays
s’étant engagés à atteindre la neutralité carbone. Cependant, cette
ambition climatique accrue pour le long terme ne s’est pas accompagnée
d’une action crédible et proportionnelle à court terme. La réalisation
des objectifs climatiques exige encore une intensification rapide
de l’action. Selon le GIEC, pour éviter les effets les plus graves
du changement climatique, il convient de réduire les émissions mondiales
de 45 % par rapport aux niveaux de 2010 d’ici à 2030 et d’atteindre
l’objectif de zéro émission nette d’ici à 2050. Le risque de plus
en plus grand de franchir les «points de bascule» climatiques illustre
l’urgence de cette crise. À partir d’un certain niveau de réchauffement, ces
éléments du système climatique mondial peuvent franchir des points
de non-retour qui entraîneraient une transformation irréversible
et brutale de l’environnement, y compris des risques régionaux ou
locaux potentiellement graves. D’après les dernières données scientifiques,
ces points de bascule pourraient être atteints à partir d’un niveau
de réchauffement plus faible qu’envisagé jusqu’à présent, voire,
pour certains d’entre eux, à partir des niveaux actuels. Ces risques
ont des implications énormes pour l’élaboration de l’action publique
à court terme. À titre d’exemple, l’effondrement de la circulation
méridienne de retournement Atlantique, induirait une réorganisation
complète de la circulation océanique et une redistribution de la
chaleur sur la planète, ainsi qu’une modification des régimes pluviométriques
affectant la glace de mer, le niveau mondial des mers, les systèmes
agricoles, les écosystèmes marins et terrestres, tout en aggravant
la crise de la perte de la biodiversité
.
58. Alors que les sommes investies pour favoriser la reprise après
la pandémie de covid-19 offraient une occasion d’intensifier l’action
climatique, les faits montrent que, sur le plan de l’environnement,
elles n’ont pas permis de tenir la promesse de «reconstruire en
mieux». Seul un tiers environ du total des dépenses de relance a
été consacré à des mesures favorables à l’environnement et près
de 15 % de ce budget ont financé des activités néfastes pour l’environnement
. La guerre d'agression de la Fédération
de Russie contre l'Ukraine a accentué la mise en évidence des pressions
exercées sur les prix mondiaux de l’énergie, les chaînes d’approvisionnement
et la sécurité alimentaire, fournissant un exemple frappant de la
façon dont les objectifs climatiques à court et à long terme peuvent
être touchés par les perturbations et les chocs mondiaux. Cela a nécessité
de repenser notre approche de l’élaboration des politiques climatiques
et de mettre l’accent sur l’intégration d’une perspective systémique
pour garantir des approches «résilientes dès la conception» – par exemple,
chercher à se préparer à de multiples perturbations et à y faire
face sans connaître leur nature exacte. Il s’agit notamment d’identifier
les goulets d’étranglement systémiques et les perturbations socio-économiques
et environnementales potentielles, et de concevoir des politiques
pour les anticiper.
59. Pour appliquer une approche systémique, il est essentiel de
s’attaquer aux liens entre l’action contre le changement climatique,
la perte de biodiversité et la pollution – dans l’air, l’eau, et
les plastiques. Il s’agit là d’un axe central des efforts de l’OCDE
pour lutter contre le changement climatique dans le contexte de
cette triple crise planétaire. Par exemple, l’atténuation du changement
climatique et l’adaptation demeurent, dans une large mesure, deux
volets de la politique climatique séparés l’un de l’autre et d’autres
préoccupations environnementales telles que le recul de la biodiversité.
Pourtant, il existe des synergies essentielles qui doivent être
exploitées si l’on veut faire face à la crise climatique de manière
efficace.
60. La préservation, la restauration et l’amélioration de la gestion
des forêts, des prairies, des zones humides et des terres agricoles
pourraient contribuer à réduire les émissions cumulées de dioxyde
de carbone d’environ 23,8 gigatonnes d’ici à 2030. Cependant, la
perte de biodiversité reste un grave problème environnemental, car
elle compromet la capacité de la nature à fournir des services écosystémiques
essentiels dont nous sommes tous dépendants, tels que la pollinisation
des cultures, la purification de l’eau, le cycle des nutriments,
la protection contre les crues et le piégeage du carbone
.
61. Les solutions fondées sur la nature font l’objet d’une attention
croissante en tant que moyen de réduire les émissions et de s’adapter
aux effets du changement climatique. Les systèmes naturels sont
souvent bien plus résilients que ceux dont la gestion repose sur
l’intervention humaine. Ainsi, les efforts déployés pour restaurer
les forêts ou les mangroves permettent d’accroître la capacité de
stockage du carbone des écosystèmes, tout en contribuant à réduire
les risques liés aux phénomènes météorologiques, tels que les glissements
de terrain ou les ondes de tempête côtières.
62. Dans le même temps, la pollution – aussi bien la pollution
de l’air que celle due aux déchets – reste un enjeu environnemental
majeur qui nécessite une approche systémique pour faire face à la
triple crise planétaire et favoriser d’importantes retombées positives
dans la lutte contre ce phénomène, le changement climatique et le
recul de la biodiversité grâce à une action pangouvernementale.
63. Ces éléments sont au cœur de l’approche adoptée par l’OCDE
pour aider les décideurs à prendre des mesures pour lutter contre
le changement climatique et protéger l’environnement. L’initiative
de l’OCDE à l’échelle de l’organisation, Zéro émission nette+: Construire
la résilience climatique et économique dans un monde en mutation
, représente
une initiative pluriannuelle de l’ensemble de l’Organisation pour
aider les gouvernements à mieux intégrer la crise climatique dans
l’élaboration des politiques économiques. L’initiative vise spécifiquement
à appliquer la pensée systémique pour obtenir des résultats politiques
qui non seulement préservent la résilience de la transition mondiale
vers des émissions nettes nulles, mais contribuent également à renforcer
la résilience systémique aux impacts du changement climatique lui-même
face à divers défis mondiaux.
3. Que
peut faire l’OCDE pour prévenir ou atténuer les tendances négatives
et promouvoir les tendances positives?
3.1. Échanges
internationaux de biens et de services
64. Les travaux de l’OCDE contribuent
à la détermination d’éventuels impacts économiques et sociaux plus larges
et facilitent l’identification des meilleures options politiques
pour réduire au minimum l’exposition aux risques. Plusieurs études
se sont appuyées sur les statistiques et les outils de modélisation
des Tableaux Internationaux des Entrées-Sorties
et des Indicateurs sur les échanges
en valeur ajoutée de l’OCDE pour repérer d’éventuels goulets d’étranglement
dans les chaînes d’approvisionnement. Il ressort notamment de ces
études que les vulnérabilités aux chocs associées à une forte dépendance
à l’égard des chaînes de valeur mondiales sont exacerbées par une
concentration géographique élevée des fournisseurs ou des acheteurs
, et que la Chine constitue le point
de passage obligé le plus critique dans les CVM dans un large éventail
de secteurs, à la fois en tant que premier fournisseur et principal
acheteur
. Toutefois,
certaines mesures visant à localiser les chaînes de valeur peuvent
s’avérer moins efficaces et n’offrent pas nécessairement une plus grande
stabilité face aux chocs
. Un rapport de l’OCDE à paraître
synthétise les nombreuses données, encore émergentes, de l’Organisation
et d’autres sources sur les risques associés aux chaînes de valeur mondiales
et les réponses possibles
.
65. L’outil interactif proposé en ligne par l’OCDE «
Keys
to Resilient Supply Chains» (Clés pour des chaînes d’approvisionnement résilientes)
met en avant et fournit des conseils pratiques sur la manière d’anticiper
les risques, de réduire autant que possible l’exposition, d’instaurer
la confiance et de maintenir l’ouverture des marchés. En tant que
forum de discussion et de coordination, l’OCDE a organisé en 2022
et 2023 deux conférences des économistes membres sur les interdépendances
de la chaîne d’approvisionnement. Ces conférences ont pour objectif
de faciliter les discussions entre les pays membres afin de mieux
comprendre, analyser et surveiller la nature et l’ampleur des crises
internationales et des perturbations de la chaîne d’approvisionnement,
et assurer ainsi une meilleure coordination des réponses politiques
correspondantes.
66. L’OCDE a également contribué à promouvoir des normes de conduite
visant à réduire les risques de rupture de la chaîne d’approvisionnement
et à limiter autant que possible les conséquences négatives dès
lors que ces perturbations se produisent, par le biais du cadre
pour une conduite responsable des entreprises, conformément aux
Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales
et au Guide OCDE sur le devoir de diligence. Le Groupe d’experts
de l’OCDE/AIE sur le changement climatique a mis en évidence les
moyens de faire en sorte que les «résultats d’atténuation transférés
à l’échelle internationale» dans le cadre de l’Accord de Paris soient
échangés de manière à promouvoir l’intégrité environnementale.
3.1.1. Prix
de l’énergie
67. En ce qui concerne les prix
de l’énergie, l’OCDE continuera d’axer ses travaux sur les interactions
entre l’énergie, l’environnement et l’économie. L’accessibilité
financière de l’énergie, la sécurité énergétique et la lutte contre
le changement climatique – ainsi que leurs conséquences macroéconomiques
– sont désormais au cœur de l’analyse et des recommandations sur
les politiques à mener, présentées dans les Perspectives économiques
et les Études économiques de l’OCDE. Au fil des ans, l’Organisation
a élaboré des programmes de travail complets sur l’impact des politiques
énergétiques et climatiques sur les entreprises et les ménages, leurs
interactions avec d’autres politiques économiques et sociales, ainsi
que sur l’acceptation de ces politiques climatiques par le public.
Ce faisant, l’OCDE entend aider les pays à adopter et mettre en
œuvre une stratégie climatique complète, qui soit efficace sur le
plan environnemental et le plan économique et acceptable pour le
public, conformément au Cadre 2022 de l’OCDE pour décarboniser l’économie
et au Projet horizontal sur la résilience climatique et économique
.
68. L’OCDE entretient une collaboration étroite avec l’Agence
internationale de l’énergie, le Forum international des transports,
l’Agence pour l’énergie nucléaire ainsi qu’avec d’autres organisations internationales
et gouvernements. Cela lui a permis de s’appuyer sur une expertise
pertinente en matière de politiques énergétiques et climatiques,
d’en tirer parti, et de l’intégrer dans le contexte de l’analyse
économique générale. Cette démarche est particulièrement mise en
évidence dans les Perspectives économiques récentes qui ont accordé
une attention significative à l’évolution du marché de l’énergie
et dans les travaux connexes axés sur les politiques budgétaires
visant à amortir l’impact du choc des prix de l’énergie sur les
ménages et les entreprises (ECO/CPE (2023)6
). Mais
cette approche concerne surtout les travaux à plus long terme, qui vont
des initiatives innovantes sur le suivi des résultats et des politiques
environnementales, énergétiques et économiques pertinentes pour
la transition climatique, à la mise au point de scénarios à long
terme prenant en compte leurs conséquences macro- et microéconomiques
et les boucles de rétroaction.
69. Afin de soutenir l’action contre le changement climatique,
l’OCDE a récemment créé le
Forum
inclusif sur les approches d’atténuation des émissions de carbone, une initiative conçue pour aider à améliorer l’impact mondial
des efforts de réduction des émissions dans le monde grâce à un
meilleur partage des données et de l’information, à l’apprentissage
mutuel fondé sur des données probantes ainsi qu’au dialogue multilatéral inclusif.
Il rassemble toutes les perspectives politiques pertinentes d’un
large éventail de pays du monde entier, participant sur un pied
d’égalité, pour faire le point sur les différentes approches d’atténuation
des émissions de carbone et en examiner l’efficacité.
3.1.2. Autres
produits de base
70. Pour de nombreuses matières
premières critiques, les plans de production et d’investissement
actuels ne répondent qu’à une partie des besoins prévisionnels.
Il faut par conséquent accroître rapidement les investissements
en faveur de nouvelles capacités d’extraction, de recyclage et de
nouvelles technologies renouvelables. Les récentes mesures de modernisation
de
l’Arrangement
de l’OCDE sur les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien
public, qui permettent d’élargir la portée des projets verts
ou respectueux du climat aux minéraux et minerais extraits à l’aide
d’énergies propres, constituent une avancée importante dans cette
voie. Ces mesures prévoient des conditions de financement plus souples
des transactions vertes et respectueuses du climat dans le cadre
de l’arrangement et créeront de nouvelles incitations à soutenir
un éventail plus large de transactions de ce type.
71. Les nouveaux projets d’exploitation minière prennent généralement
plusieurs années avant d’être mis en œuvre. C’est pourquoi l’exploitation
efficace des capacités d’extraction et de traitement actuelles et
les échanges internationaux sans entraves de matières premières
critiques sont tout aussi déterminants pour résoudre en partie les
problèmes de pénurie à court et à moyen terme. Un rapport récent
sur les échanges internationaux de matières premières critiques
fait
état d’un paysage de plus en plus concurrentiel: on assiste à une
concentration accrue de la production et des échanges internationaux
de plusieurs matières premières entre une poignée de sites d’extraction
et de traitement qui représentent l’essentiel de l’offre mondiale.
La concentration aussi bien des importations que des exportations
est particulièrement importante, s’agissant notamment du lithium,
des borates, du cobalt, des métaux précieux colloïdaux, du manganèse
et du magnésium à l’état brut.
72. Par rapport à d’autres secteurs, les matières premières critiques
sont davantage sujettes à la concentration de la production et du
commerce ainsi qu’aux rivalités politiques et à l’intervention des
pouvoirs publics. L’intervention de l’État, notamment sous la forme
d’une réglementation spéciale, telle que la nationalisation, les
restrictions à l’investissement, les aides stratégiques et les mesures
à l’exportation, est très courante dans le secteur des matières
premières.
L’Inventaire
des restrictions à l’exportation de matières premières industrielles, établi par l’OCDE avec le soutien de l’Union européenne
au début des années 2000, rassemble des informations sur le recours
aux restrictions à l’exportation de matières premières en vue d’améliorer
la transparence des pratiques des pouvoirs publics dans ce domaine
et de faciliter l’évaluation de leur impact économique.
73. Selon le dernier rapport de l’OCDE sur les échanges internationaux
de matières premières critiques
, les
restrictions à l’exportation de ces matières ont été multipliées
par cinq depuis que l’Organisation a commencé à recueillir des données
en 2009, et 10 % de leurs exportations mondiales font désormais
face à au moins une mesure de restriction. Les restrictions à l’exportation
ont progressé plus vite pour les minerais et les ressources minérales
– c’est-à-dire, les matières en amont des chaînes d’approvisionnement
des matières premières critiques – que pour d’autres segments de
ces chaînes d’approvisionnement. Cette évolution est à mettre en
relation avec l’augmentation de la production, des importations
et des exportations. La Chine, l’Inde, l’Argentine, la Russie, le
Viet Nam et le Kazakhstan ont pris le plus de nouvelles mesures
de restriction à l’exportation de matières premières critiques entre
2009 et 2020, et totalisent aussi les parts les plus élevées des
dépendances à l’égard des importations des pays de l’OCDE.
74. La tendance à l’augmentation des restrictions à l’exportation
pourrait jouer un rôle sur les marchés internationaux clés, avec
des effets potentiellement importants sur la disponibilité et sur
les prix de ces matières. Cette situation mérite un examen plus
approfondi. Afin d’explorer les possibilités de coopération en vue
de réduire les restrictions préjudiciables à l’exportation, l’OCDE
s’attachera dans ses travaux futurs à mieux comprendre les motivations
des pays qui appliquent de telles restrictions et les effets qu’elles
ont sur les partenaires commerciaux.
3.1.3. Chaînes
d’approvisionnement et de valeur
75. L’une des priorités majeures
de l’OCDE est de soutenir les pays dans leurs efforts pour améliorer
la résilience de leur chaîne d’approvisionnement. Depuis la pandémie,
les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et leurs conséquences
sur l’inflation et la reprise ont fait l’objet d’une attention particulière dans
les Perspectives économiques de l’OCDE. Cette dernière aide ses
membres à mettre au point des stratégies de renforcement de la résilience
des chaînes d’approvisionnement qui soient compatibles avec les règles
du commerce multilatéral et renforcent également la durabilité environnementale
et sociale des chaînes d’approvisionnement.
76. Les travaux de l’OCDE contribuent à la détermination d’éventuels
impacts économiques et sociaux plus larges et facilitent l’identification
des meilleures options politiques pour réduire au minimum l’exposition
aux risques. Plusieurs études se sont appuyées sur les statistiques
et les outils de modélisation des Tableaux Internationaux des Entrées-Sorties
et des Indicateurs sur les échanges en valeur ajoutée de l’OCDE
pour repérer d’éventuels goulets d’étranglement dans les chaînes
d’approvisionnement. Il ressort notamment de ces études que les
vulnérabilités aux chocs associées à une forte dépendance à l’égard
des chaînes de valeur mondiales sont exacerbées par une concentration
géographique élevée des fournisseurs ou des acheteurs, et que la
Chine constitue le point de passage obligé le plus critique dans
les chaînes de valeur mondiales dans un large éventail de secteurs,
à la fois en tant que premier fournisseur et principal acheteur
. L’Ukraine a récemment été prise
en compte dans ces bases de données afin de fournir aux analystes
et aux décideurs un aperçu de l’intégration du pays, avant la guerre,
dans les chaînes de valeur mondiales. Cette démarche a pour but
de faire mieux comprendre les conséquences immédiates de la guerre
au niveau mondial, mais aussi d’aider à identifier les opportunités
à plus long terme susceptibles de favoriser le redressement de l’Ukraine, par
exemple ses avantages comparatifs pour une future intégration optimale
dans les chaînes de valeur régionales et mondiales.
77. Par ailleurs, l’OCDE a récemment mis au point des indicateurs
de dépendance aux intrants étrangers et aux marchés étrangers, qui
peuvent aider les pays à cartographier leurs propres vulnérabilités
en ces temps d’incertitude économique au plan mondial. Ses indicateurs
relatifs aux chaînes de valeur mondiales permettent de mettre en
évidence les origines des risques pesant sur la production en aval,
par exemple les chaînes d’approvisionnement intrarégionales ou extrarégionales.
Selon des recherches récentes menées par l’OCDE, une plus grande
concentration de l’approvisionnement en amont peut amplifier la
réaction aux chocs.
3.2. Politiques
budgétaires
78. En ce qui concerne les politiques
budgétaires, l’OCDE a réalisé des analyses transnationales des réponses
politiques apportées à la pandémie et à la crise des prix de l’énergie,
tirant ainsi des enseignements sur la meilleure façon de concevoir
des interventions stratégiques qui ont de fortes répercussions sur
les dépenses publiques, telles que les programmes de maintien dans
l’emploi ou les mesures de soutien aux consommateurs d’énergie (voir
par exemple, OCDE ECO/CPE(2023)6
).
79. À moyen et long terme, les gouvernements devraient disposer
de cadres budgétaires permettant d’assurer des niveaux de dépenses
fiscalement responsables
et de réaffecter les ressources des
domaines à faible valeur ajoutée à ceux qui en ont le plus besoin,
comme le prévoit le cadre de l’OCDE pour améliorer l’efficience
des dépenses publiques (Spending Better Framework)
.
80. Les examens des dépenses constituent un instrument essentiel
pour établir un ordre de priorité des dépenses et les réaffecter.
Ils contribuent à la viabilité des finances publiques grâce à une
analyse systématique des dépenses effectuées. Les bonnes pratiques
de l’OCDE en matière d’examen des dépenses (Best Practices for Spending
Review)
décrivent les caractéristiques communes
d’un examen réussi. La base de données de finances publiques de
l’OCDE permet d’analyser les effets des changements dans la composition
des dépenses publiques sur la croissance et les inégalités de revenus
. L’OCDE a également examiné l’application
de questions intergouvernementales, telles que le changement climatique
et l’égalité des sexes dans la budgétisation, lorsque les pays procèdent
à des examens des dépenses. En ce qui concerne la budgétisation
sexospécifique, par exemple, l’intégration d’une perspective de
genre consiste à veiller à ce que la redéfinition des priorités
budgétaires n’augmente pas les écarts entre les genres, mais favorise
la réalisation des objectifs en matière d’égalité entre les hommes
et les femmes
.
81. L’OCDE s’est également penchée sur les moyens d’atténuer les
pressions à venir sur les dépenses publiques et, plus généralement,
sur les finances publiques (voir par exemple,
OCDE,
2021). Il s’agit notamment de mettre en place des politiques
du marché du travail et de retraite qui permettent d’augmenter les
taux d’emploi, d’éliminer les possibilités de retraite anticipée
et de faire en sorte que le relèvement de l’âge effectif de départ
à la retraite soit proportionnel à l’allongement futur de l’espérance
de vie. L’OCDE a également analysé les répercussions à long terme
d’une accélération de la transition énergétique sur la croissance
du PIB ainsi que la manière dont la taxation du carbone pourrait
contribuer à résoudre les problèmes de finances publiques (voir
par exemple, ECO/CPE/WP1(2023)3
,
D’Arcangelo et al., 2022
). Le rapport de l’OCDE «Objectif
croissance», publié tous les deux ans, examine les priorités de
réforme propres à chaque pays. Enfin, les Études économiques de
l’OCDE fournissent des recommandations détaillées, par pays, sur
la politique budgétaire, les finances publiques et les réformes
structurelles, tant à court qu’à moyen terme.
3.3. Inflation
82. En ce qui concerne l’inflation,
le calibrage de la politique monétaire est une tâche ardue qui nécessite de
prendre en compte de multiples indicateurs ainsi que les évolutions,
y compris, mais sans s’y limiter, concernant les marchés du travail,
les marchés financiers et les marchés de produits. Selon l’OCDE,
la détermination du dosage adéquat de la politique monétaire restrictive
dans un pays donné constitue un défi majeur, compte tenu notamment
du durcissement significatif opéré dans d’autres pays. Un resserrement excessif
pourrait plonger les économies dans une profonde récession, tandis
qu’un resserrement insuffisant pourrait entraîner un désancrage
des anticipations d’inflation des ménages et des entreprises et
nécessiter par la suite des hausses des taux d’intérêt encore plus
drastiques. L’incertitude quant à la puissance des effets d’un resserrement
monétaire sur l’économie réelle après une longue période de politique
très accommodante complique encore la situation. Un durcissement
des conditions financières est un important vecteur de hausse des
taux d’intérêt, mais il pourrait provoquer de nouvelles tensions
dans le système financier et un ralentissement plus marqué des marchés
immobiliers. L’austérité monétaire observée dans les économies avancées
a également des effets à l’échelle mondiale. Ainsi, plusieurs pays
à faible revenu ont déjà à faire face à des conditions de financement
de plus en plus difficiles, notamment à un alourdissement du fardeau
du service de la dette. De nouveaux changements soudains sur les
marchés financiers mondiaux pourraient dévoiler des vulnérabilités
qui existaient déjà sur les marchés émergents et économies en développement.
83. L’OCDE continuera à apporter son expertise en matière d’analyse
et de politiques macroéconomiques dans le cadre de ses Perspectives
économiques, Perspectives économiques intermédiaires et séries de documents
de travail. Les Perspectives économiques (PE) présentent régulièrement
des analyses approfondies sur les déterminants et conséquences de
l’inflation (par exemple, sur les déterminants de la hausse des
prix de l’énergie, PE, décembre 2021
, les différences entre la conjoncture
actuelle et celle observée à la suite des chocs pétroliers des années
1970, PE, juin 2022
; la répercussion
des variations des prix à la production sur les prix à la consommation,
PE, juin 2022
; l’inflation
par l’offre et par la demande dans certaines économies de l’OCDE,
PE, novembre 2022
,
ou la contribution des bénéfices unitaires aux tensions inflationnistes
intérieures, PE juin 2023
).
Les Perspectives économiques intermédiaires proposent des projections
actualisées sur la croissance et l’inflation pour les pays du G20.
84. La série des documents de travail complète l’analyse macroéconomique,
comme par exemple celui consacré à l’inflation et ses effets distributifs
. Par ailleurs, les
Perspectives
de l’emploi de l’OCDE
fournissent un rapport annuel sur
l’emploi dans les pays de l’Organisation, tenant compte des tendances économiques
récentes et de l’évolution des politiques. Les Études économiques
de l’OCDE formulent des recommandations spécifiques à chaque pays
sur les politiques macroéconomiques et ont traité en détail des questions
liées à l’inflation et des réponses apportées par ces politiques.
Les réformes structurelles destinées à stimuler l’offre peuvent
contrer la baisse à long terme des taux de croissance sous-jacents
sans accroître les pressions sur l’inflation, voire en réduisant
cette dernière. Les Études économiques de l’OCDE accordent une attention
toute particulière à l’analyse et aux recommandations de réformes
structurelles propres à chaque pays, tout en tenant compte de l’inclusivité
et de la durabilité environnementale. La publication
Objectif croissance propose une analyse et des recommandations plus approfondies,
y compris un classement des priorités des réformes structurelles
par pays ainsi que des évaluations des réformes passées.
3.4. Politiques sociales et de l’emploi
85. À moins de bénéficier d’un
accès approprié à la formation tout au long de la vie, les travailleurs
moins qualifiés risquent d’être les laissés-pour-compte de la révolution
numérique. De plus, les pays de l’OCDE voient leur population vieillir:
le taux de dépendance des personnes âgées devrait passer de 31 %
en 2023 à près de 59 % en 2075
. Cette évolution a déjà une incidence
sur les systèmes de pensions et de santé. Pour maintenir les travailleurs
âgés sur le marché du travail, il faut des politiques qui améliorent
les conditions de travail, renforcent l’apprentissage tout au long
de la vie et aident les travailleurs à concilier leur activité professionnelle
avec les problèmes de santé et les responsabilités familiales. À
défaut de telles mesures, les pays seront de plus en plus confrontés
à des pénuries de compétences et à une augmentation des vacances de
postes à mesure du vieillissement de la population. Enfin, la transition
verte devrait créer de nouvelles opportunités d’emploi mais, sans
un soutien approprié favorisant l’amélioration des compétences ou
les reconversions, certains groupes risquent d’être délaissés avec
la disparition progressive des emplois à forte intensité de carbone.
Une meilleure adhésion du public aux mesures de lutte contre le
changement climatique supposera également l’adoption de politiques
visant à aider les ménages à faible revenu à faire face à la hausse
des coûts de l’énergie.
86. Chaque année, les Perspectives de l’emploi de l’OCDE
donnent un aperçu
de la situation du marché du travail dans la zone de l’Organisation,
et propose un examen plus approfondi des principales questions d’actualité.
Après
l’édition
2022 axée sur la crise du coût de la vie, celle de 2023 s’intéresse tout particulièrement à l’impact
de l’intelligence artificielle, afin de tenir compte des effets
potentiellement transformateurs que les nouveaux modèles d’intelligence
artificielle, tels que l’intelligence artificielle générative, peuvent
avoir sur le marché du travail. Elle examinera également les moyens
de s’attaquer aux problèmes de préjugés, de discrimination, de responsabilité,
de contrôle et de besoins en compétences par le biais de politiques
et de réglementations. Les travaux de l’OCDE dans le domaine des
compétences – par exemple le rapport «Getting Skills Right: Future-Ready
Adult Learning Systems»
– mettent également l’accent sur
la préparation de la population active à l’évolution des besoins
du marché du travail grâce à des systèmes modernes et inclusifs
de formation professionnelle, sachant que les transitions verte, démographique
et numérique nécessiteront des approches plus contemporaines et
accessibles de la formation tout au long de la vie. Les travaux
de l’OCDE examinent également en profondeur les mesures prises par
les pouvoirs publics pour faire face à notre monde en mutation,
par exemple en étudiant les moyens de maintenir les travailleurs
âgés sur le marché du travail (
Retaining
Talent at All Ages), en évaluant l’impact de la transition numérique sur
les tendances du marché du travail (
Skills
for the Digital Transition)
,
en tirant parti du passage au numérique dans les services publics
de l’emploi (Public Employment Services), et en se concentrant sur l’impact de la
crise
du coût de la vie sur
les
retraites,
le
salaire minimum et les
aides
au revenu des individus en âge de travailler et leur famille.
3.5. Renforcement de la gouvernance démocratique
87. Afin d’aider les membres de
l’OCDE à relever les défis actuels pour la gouvernance démocratique, l’initiative
pour le renforcement de la démocratie de l’OCDE a pour double objectif
de renforcer la gouvernance démocratique dans les démocraties établies
et de la protéger des menaces existantes et émergentes
. L’initiative identifie des réponses
politiques à apporter à cinq défis de gouvernance répandues dans
les démocraties avancées et matures: i) la lutte contre la mésinformation
et la désinformation, ii) l’amélioration de la représentation, de
la participation et de l’ouverture dans la vie publique, iii) le
renforcement des démocraties ouvertes dans un monde globalisé: donner
les moyens aux pouvoirs publics d’assumer leurs responsabilités mondiales
et renforcer la résilience face à l’influence étrangère, iv) la
gouvernance verte, soit la capacité à répondre à l’enjeu climatique
et à relever les autres défis environnementaux, et v) la transformation
de la gouvernance publique à l’appui de la démocratie numérique.
88. La
Déclaration
de l’OCDE sur l’instauration de la confiance et le renforcement
de la démocratie, adoptée par les ministres en novembre 2022 lors de la
réunion ministérielle de l’OCDE sur la gouvernance publique, énonce
des engagements et des mesures visant à renforcer la confiance et
la démocratie. Les ministres ont notamment:
- accueilli favorablement un ensemble de plans d’action
consacrés à la lutte contre la mésinformation et la désinformation; à
la représentation, à la participation et à l’ouverture dans la vie
publique (y compris l’égalité de genre); à la participation; et
à la gouvernance verte;
- appelé à l’élaboration de deux plans d’action visant à
donner les moyens aux gouvernements d’assumer leurs responsabilités
mondiales et à renforcer la résilience face aux influences étrangères;
et à transformer la gouvernance publique au service de la démocratie
numérique, d’ici à 2024;
- lancé le Forum mondial de l’OCDE sur l’instauration de
la confiance et le renforcement de la démocratie, lequel offrira
un cadre propice à la mise en commun des connaissances, ainsi qu’à
l’analyse et à l’amélioration de la gouvernance publique afin que
les démocraties puissent relever les défis auxquels elles seront
confrontées;
- invité l’OCDE à réaliser tous les deux ans l’Enquête sur
les déterminants de la confiance dans les institutions publiques ;
- mis en place le Centre
de ressources de l’OCDE sur la désinformation et la mésinformation destiné à aider les pouvoirs publics, avec les médias
et les organisations de la société civile, à améliorer l’action de
la société tout entière en matière de renforcement de l’intégrité
de l’information.
89. Grâce à l’enquête biennale de l’OCDE sur les déterminants
de la confiance
, les membres
évaluent en permanence la perception qu’ont les citoyens des compétences
et des valeurs des institutions publiques et sa relation avec les
niveaux de confiance dans le pays. Les résultats de l’enquête alimentent
le Portail pour le renforcement de la confiance, lequel sert de
cadre pour élaborer et réaliser les prochaines éditions de l’enquête susmentionnée,
mener des analyses approfondies sur les différents déterminants
de la confiance dans la gouvernance publique et aider les pays à
prendre des dispositions concrètes afin de renforcer la confiance
et suivre les avancées réalisées dans ce domaine. L’OCDE a accompli
un travail considérable en examinant les déterminants de la confiance
dans les institutions publiques en Finlande
, en Corée
, en Nouvelle-Zélande
, en Norvège
, ainsi qu’au Portugal
, et d’autres rapports sont en cours
de préparation.
90. L’OCDE a réalisé une analyse sur le rôle de la désinformation
et la guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine
(
OCDE,
2022). Par le biais du
Centre
de ressources de l’OCDE sur la désinformation et la mésinformation,
l’Organisation encourage les contacts entre les pays,
facilite la collecte d’informations, élabore des analyses et des
recommandations pratiques pour soutenir la mise au point de mesures
de gouvernance visant à renforcer l’intégrité de l’information.
Les travaux réalisés par l’OCDE dans ce domaine offrent également
un espace de coopération et de coordination des politiques, permettant
aux décideurs, ainsi qu’aux représentants de la société civile,
du milieu universitaire et du secteur privé, de se rencontrer pour
examiner les défis à relever et trouver des solutions efficaces.
Le Centre de ressources propose un catalogue d’initiatives, d’outils
et de mesures gouvernementales visant à prévenir et à atténuer les risques
de mésinformation et de désinformation, tant au niveau national
qu’international.
3.6. Défis liés à la pauvreté
91. L’OCDE s’emploie depuis longtemps
à collecter et à publier des statistiques sur la pauvreté de revenu, les
inégalités et la richesse, ainsi que des données sur les privations
matérielles et non matérielles
, qui étayent
les politiques fondées sur des données factuelles. Par ailleurs,
des travaux analytiques ont mis en exergue les conséquences considérables
de ces privations sur la vie des populations, dont récemment en
ce qui concerne les effets multidimensionnels de la pandémie de
covid-19
et du désavantage socio-économique
des enfants
. Ainsi, les personnes en situation
défavorisée au début de leur vie ont tendance à avoir une moins
bonne santé physique et mentale, des revenus et des perspectives
d’emploi inférieurs à ceux des personnes plus aisées et sont davantage
susceptibles de vivre dans des quartiers pauvres.
92. L’OCDE apporte également une aide sur mesure aux pays qui
cherchent à améliorer les perspectives des laissés-pour-compte,
comme en témoigne le lancement récent de l’Observatoire sur la mobilité
sociale et l’égalité des chances
. L’Observatoire s’efforcera de combler
le manque de données, de mettre au point des solutions politiques
efficaces, et d’étudier la manière dont le contexte plus large (par
exemple, les entreprises et la société civile) détermine les opportunités.
Dernièrement, l’Autriche
et l’Allemagne
ont bénéficié d’un tel soutien pour
promouvoir la mobilité sociale.
93. Pour relever les défis décisifs et urgents liés à la pauvreté,
la Direction de la coopération pour le développement de l’OCDE:
- effectue un suivi de l’aide
publique au développement et d’autres financements pour le développement –
y compris le soutien public total au développement durable, afin
de garantir la transparence et la responsabilité par rapport aux
engagements internationaux;
- offre une plateforme – la Communauté de pratique sur la
pauvreté et les inégalités (CoP-PI) du Comité d’aide
au développement (CAD) – afin d’aider les membres du CAD à choisir avec
plus de justesse l’orientation et la ventilation de leur coopération
pour le développement et d’affiner l’impact en termes de réduction
de la pauvreté et des inégalités, au travers d’échanges et de l’apprentissage
entre pairs et avec des organisations multilatérales et gouvernements
de pays partenaires, d’universités et d’organisations de la société
civile. Grâce aux échanges, à l’apprentissage et à l’analyse, la
CoP-PI renforce la compréhension collective des défis auxquels sont
confrontés les membres du CAD dans la mise en œuvre de leurs engagements
en matière de lutte contre la pauvreté et les inégalités, et recense les
bonnes pratiques, les approches et les outils permettant de réaliser
des progrès;
- définit des normes, des recommandations de politique générale
et des lignes directrices pour aider les membres du CAD à préserver
et à renforcer la qualité de leur coopération pour le développement
et son orientation sur la lutte contre la pauvreté. Le rapport intitulé
«Coopération pour le développement 2023: quel système d’aide pour
demain» dresse un état des lieux des opportunités
et des défis auxquels le système d’aide est confronté et propose
des pistes d’action concrètes dans l’objectif de maintenir la pertinence
et l’impact de la coopération pour le développement face à des enjeux
de taille, notamment en ciblant mieux la pauvreté et les inégalités.
Les Examens par les pairs du CAD, qui offrent une étude détaillée
des systèmes et des politiques de développement de tous les membres
du CAD, évaluent dans quelle mesure ces dernières définissent une
approche claire de la réduction de la pauvreté et des inégalités,
notamment des inégalités de genre, et de la nécessité de ne laisser
personne pour compte. Avec le Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD), l’OCDE assure le secrétariat du Partenariat
mondial pour une coopération efficace au service du développement,
principal instrument multipartite de promotion de l’efficacité du
développement, afin de «maximiser l’efficacité de toutes les formes
de coopération pour le développement dans l’intérêt commun de l’humanité,
de la planète, de la prospérité et de la paix», en veillant tout
particulièrement à ne laisser personne de côté.
3.7. Défis liés aux migrations
95. Le 21 juin 2023, l’OCDE s’est réunie à Paris des climatologues
et des responsables des politiques migratoires de ses pays membres
et non membres pour faire le point sur les données disponibles concernant les
liens entre le changement climatique, les migrations et les déplacements.
Au cours de la réunion, les participant·e·s ont noté que la politique
migratoire internationale pourrait jouer un rôle dans la résolution
de la question complexe des migrations et des déplacements d’origine
climatique. Outre la réduction des pénuries de compétences dans
le contexte de la transition écologique, la migration pourrait servir
de stratégie d’adaptation au changement climatique. L’OCDE est prête
à soutenir les parties prenantes dans leurs travaux critiques sur
le lien entre le changement climatique, les migrations et les déplacements.
3.8. Défis environnementaux
96. L’initiative phare de l’OCDE
sur la résilience climatique et économique, le projet «Zéro émission
nette+» aide les pays à mettre en place une politique climatique
transformatrice, en s’appuyant sur toute l’étendue de l’expertise
multidisciplinaire de l’Organisation. Ce projet est le fruit du
travail de 17 comités de l’OCDE et constitue une contribution fondamentale
à l’approche menée par l’ensemble de l’Organisation pour soutenir une
approche systémique de l’action climatique dans la pratique. Il
propose aux responsables publics un ensemble de recommandations
sur la formulation de politiques climatiques et économiques, parées
pour l’avenir, pour un monde zéro émission nette
, en tenant compte des systèmes
climatiques, socio-économiques et environnementaux critiques.
97. Le projet «Zéro émission nette+» s’ajoute à deux autres initiatives
majeures de l’OCDE dans le domaine de l’action climatique. La première
est le Forum inclusif sur les approches d’atténuation des émissions
de carbone, qui ambitionne d’améliorer le partage de données et
d’informations sur l’efficacité relative de différentes stratégies
d’atténuation des émissions de carbone. La deuxième, le Programme
international pour l’action sur le climat, conçu dans le cadre du
projet «Zéro émission nette+», a abouti à la création d’une série complète
d’indicateurs permettant d’effectuer un suivi annuel des effets
du changement climatique mais aussi des mesures – d’adaptation et
d’atténuation – prises pour y faire face dans les pays de l’OCDE
et les pays non-membres.
4. Suivi de la Résolution 2370 (2021) de l’Assemblée «Lutter contre l’injustice fiscale: le
travail de l’OCDE sur l’imposition de l’économie numérique»
98. Le rapport 2021 a montré que
jusqu’à présent, l’OCDE a joué un rôle déterminant pour faciliter
les discussions et proposer des solutions dans le cadre de négociations
multinationales complexes sur la justice fiscale. La délimitation
des politiques dans les deux piliers, le programme de travail, la
déclaration de janvier 2020, ainsi que la dernière évaluation de
l’impact économique des défis fiscaux soulevés par la numérisation
de l’économie, publiée en octobre 2020, et la Déclaration liminaire
du Cadre inclusif sur le BEPS de l’OCDE et du G20 relative aux rapports
sur les blueprints des Piliers Un
et Deux, ont fourni une base concrète de discussion.
99. Il est primordial pour tous les pays et institutions participant
au processus de maintenir l’élan et de trouver des solutions aux
problèmes restants par le biais du Cadre inclusif. Les divergences
de positions observées dans les négociations, les intérêts spécifiques
des pays et les différences idéologiques en matière de normes fiscales
ont véritablement risqué de compromettre la conclusion d’un accord
dans le délai envisagé. Malgré ces difficultés, le Cadre inclusif
a permis de parvenir à une solution fondée sur un consensus avec
la Déclaration du 8 octobre 2021 sur l’approche à deux piliers pour
relever les défis fiscaux, qui a été approuvée par 138 pays et juridictions.
100. À l’occasion de la réunion du Conseil de l’OCDE au niveau
des Ministres de 2023, les États membres de l’OCDE ont réaffirmé
leur engagement à «continuer d'œuvrer ensemble à réformer le système
fiscal international par la mise en œuvre rapide et efficace de
la solution reposant sur deux piliers du Cadre inclusif de l’OCDE
et du G20, qui vise à résoudre les défis fiscaux soulevés par la
transformation numérique et la mondialisation de l’économie»
.
101. Lors de la 15e réunion du Cadre inclusif OCDE/G20 sur l’érosion
de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), le
11 juillet 2023, 138 pays et juridictions ont approuvé une déclaration
de résultats, qui est examinée plus en détail ci-dessous. La présente
déclaration de résultats résume l’ensemble des produits livrables
élaborés par le Cadre inclusif pour traiter des éléments restants
de la solution à deux piliers.
102. Aujourd’hui, la principale priorité du Cadre inclusif reste
la mise en œuvre rapide de la solution à deux piliers afin de stabiliser
le système fiscal international, tout en le rendant plus équitable
et en assurant une sécurité juridique en matière fiscale.
4.1. Pilier Un: adapter les règles fiscales
internationales obsolètes aux réalités du 21e siècle
103. Le Montant A du Pilier Un vise
à obtenir une répartition plus équitable des bénéfices et des droits d’imposition
entre pays concernant les grandes entreprises multinationales, dont
le chiffre d’affaires mondial dépasse 20 milliards d’euros, en accordant
aux juridictions du marché de nouveaux droits d’imposition sur 25 %
de leur bénéfice résiduel (défini comme le bénéfice au-dessus d’un
seuil de 10 %), qu’elles aient ou non une présence physique dans
ces juridictions. La sécurité juridique en matière fiscale est un
aspect fondamental des nouvelles règles, qui prévoient un processus
obligatoire et contraignant de règlement des différends relatifs
au Pilier Un, étant entendu que les économies en développement pourront
opter pour un mécanisme facultatif dans certains cas, afin que les
règles ne soient pas trop contraignantes pour les pays à faibles capacités.
L’accord relatif à la ré-attribution des droits d’imposition sur
les bénéfices des grandes entreprises multinationales au titre du
Pilier Un comporte également un engagement en faveur de la suppression
des taxes sur les services numériques et d’autres mesures similaires
pertinentes qui contribueront à apaiser les tensions commerciales.
104. Le Pilier Un comprend aussi un deuxième volet, le Montant B,
qui instaure une approche simplifiée et rationalisée pour l’application
du principe de pleine concurrence aux activités de commercialisation
et de distribution de référence exercées dans le pays, en mettant
tout particulièrement l’accent sur les besoins des pays à faibles
capacités.
4.2. Pilier Deux: fixer des limites convenues
au niveau multilatéral à la concurrence fiscale sur l’impôt sur
le revenu des sociétés
105. Dans le cadre du Pilier Deux,
l’impôt minimum mondial place un plancher sur la concurrence fiscale
en ce qui concerne l’impôt sur le revenu des sociétés grâce à l’introduction
d’un taux minimal d’imposition des sociétés, fixé à un taux d’imposition
effectif de 15 %, que les pays peuvent utiliser pour protéger leurs
assiettes fiscales. Il est connu sous le nom de «règles GloBE» et
s’appliquera aux multinationales dont le chiffre d’affaires dépasse
750 millions € (à l’exclusion de certaines entités telles que les
entités gouvernementales, certaines organisations à but non lucratif
et les fonds de pension ou d’investissement). L’impôt minimum mondial
garantira que les grandes entreprises multinationales paient une
part équitable de l’impôt partout où elles exercent leurs activités
ou génèrent leurs bénéfices. Les pays d’origine, y compris les pays
en développement, bénéficieront de la possibilité d’appliquer une
taxe nationale minimale admissible, garantissant que l’impôt minimum
est payé dans leurs juridictions. La taxe nationale minimale admissible allégera
la pression sur les pays en développement pour qu’ils offrent des
incitations fiscales inefficaces aux multinationales et leur permettra
de mobiliser des ressources intérieures supplémentaires, tout en
maintenant leur capacité à attirer des investissements.
106. Le Pilier Deux protège également le droit des pays en développement
d’imposer certains paiements d’érosion de la base d’imposition lorsqu’ils
ne sont pas imposés à concurrence d’un taux nominal minimal de 9 %,
au moyen de la «Règle d’assujettissement à l’impôt». Cette règle
aidera les pays en développement à protéger leurs réseaux conventionnels
contre les abus consistant à transférer les bénéfices vers des juridictions
à faible imposition.
4.3. Travaux en cours
107. Depuis octobre 2021, les délégués
du Cadre inclusif, au travers du Groupe de réflexion sur l’économie numérique,
ont travaillé d’arrache-pied sur les éléments techniques et les
termes de la Convention multilatérale relative au Montant A. Les
travaux ont progressé dans le cadre de la consultation publique
continue organisée sur les différents éléments constitutifs du Montant A
.
Deux rapports d’étape, publiés pour consultation publique par le
Cadre inclusif en juillet et octobre 2022, offrent une bonne vue
d’ensemble de la conception globale proposée des règles relatives
au Montant A et de la manière dont elles s’appliqueront dans la
pratique. Depuis lors, le Cadre inclusif a également publié un document
sur la suppression des taxes sur les services numériques et d’autres
mesures similaires pertinentes pour consultation publique de décembre 2022
à janvier 2023.
108. En ce qui concerne la taxe minimale mondiale, le Cadre inclusif
a achevé les travaux «législatifs» sur les règles GloBE. Les règles
types ont été finalisées en décembre 2021 et le commentaire des
règles GloBE a été approuvé en mars 2022. Les pays ont commencé
à mettre en œuvre ces règles et la taxe minimale mondiale est maintenant
une réalité. Plus de 40 pays ont déjà accepté de légiférer ou ont
pris des mesures pour mettre en œuvre la réforme. Il comprend les
27 États membres de l’Union européenne, le Royaume-Uni, la Suisse,
le Japon, la Corée, Singapour, Hong Kong et bien d’autres. Sur la
base des pays qui appliquent déjà la taxe minimale mondiale, près
de 90 % des multinationales mondiales dont le chiffre d’affaires
dépasse 750 millions € devraient être soumises à la taxe minimale
d’ici 2025. Cet élan provoque un effet domino, avec encore plus
de pays qui devraient maintenant agir rapidement pour tout mettre
en œuvre. Pour faciliter ce processus, le Cadre inclusif continue
de publier des lignes directrices sur la mise en œuvre. Depuis décembre 2022,
plusieurs documents d’orientation ont été publiés, notamment sur
les zones de sécurité et l’allégement des peines, et des orientations
administratives sur l’interprétation ou l’administration de la taxe
minimale mondiale. Il comprend la reconnaissance de l’impôt minimum
américain (également connu sous le nom de Global Intangible Low
Taxed Income, GILTI) sous GloBE, et des orientations plus générales
sur la portée, le fonctionnement et les éléments transitoires des
nouvelles règles. Il présente également la conception de la taxe
nationale minimale admissible, qui bénéficiera particulièrement
aux pays en développement. Des consultations publiques ont également
été organisées sur des éléments clés, tels que la déclaration de renseignements
GloBE et la sécurité juridique en matière fiscale.
4.4. Déclaration de résultat en 2023 et
prochaines étapes
109. Lors de la 15e réunion du Cadre
inclusif OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de
bénéfices (BEPS), le 11 juillet 2023, 138 pays et juridictions sont
convenus d’une
déclaration
de résultat sur la Solution reposant sur deux piliers. Cela a fait
suite à 20 mois d’intenses négociations techniques menées par les
délégués pour poursuivre le travail de mise en œuvre de la solution
à deux piliers et reflète la collaboration et le compromis entre
toutes les juridictions au cours des négociations menées par les
membres du Cadre inclusif depuis octobre 2021.
110. La déclaration de résultat résume l’ensemble des éléments
livrables élaborés par le cadre inclusif pour traiter les éléments
restants de la solution à deux piliers et a été publiée le 17 juillet
2022. L’ensemble comprend:
- une
Convention multilatérale (CML), élaborée par le Cadre inclusif,
qui permettra aux Parties de la CML d’exercer au niveau national
un droit d’imposition sur une partie des bénéfices résiduels des
grandes entreprises multinationales (Montant A du Pilier Un). Le
cadre inclusif a publié le texte de la CML. Ceci permettra l’organisation
d’une cérémonie de signature d’ici la fin de l’année 2023, avec
pour objectif de rendre possible l’entrée en vigueur de la CML en
2025, permettant ainsi de mener à bien les processus consultatifs,
législatifs et administratifs nationaux applicables dans chaque
juridiction.
- Un cadre proposé pour l’application simplifiée et rationalisée
du principe de pleine concurrence aux activités de commercialisation
et de distribution de référence dans le pays (Montant B du Pilier
Un); lorsque la contribution des parties prenantes est demandée
dans le cadre d’une consultation publique sur certains aspects,
avant la publication du rapport final et l’intégration dans les
lignes applicables en matière de prix de transfert d’ici janvier
2024,
- La règle d’assujettissement à l’impôt et son cadre de
mise en œuvre, qui permettront aux pays en développement de mettre
à jour les conventions fiscales bilatérales pour imposer certains
paiements intragroupes lorsque ceux-ci sont soumis à un impôt nominal
sur le revenu des sociétés inférieur au taux minimum. L’instrument
multilatéral mettant en œuvre la Règle d’assujettissement à l’impôt
sera publié et ouvert à la signature d’ici la fin de l’année.
111. Un plan d’action global sera également élaboré par l’OCDE
pour soutenir la mise en œuvre rapide et coordonnée de la solution
à deux piliers, en coordination avec les organisations régionales
et internationales.
112. En outre, afin de préserver la stabilité du système fiscal
international, 138 pays et juridictions sont également convenus
dans la déclaration de résultat de s’abstenir d’imposer des taxes
sur les services numériques nouvellement adoptées ou des mesures
similaires pertinentes à l’égard de toute société avant le 31 décembre
2024, ou l’entrée en vigueur de la CTM si elle était antérieure,
à condition que la signature de la CTM ait suffisamment progressé
d’ici la fin de 2023.
113. Comme indiqué dans le dernier rapport, l’absence de mise en
œuvre de la solution à deux piliers exposerait le monde à un risque
accru de multiplication des mesures fiscales unilatérales non coordonnées (taxes
sur les services numériques, par exemple), et pourrait entraîner
une augmentation des différends commerciaux et fiscaux préjudiciables.
L’OCDE a estimé que dans le scénario le plus défavorable, ces différends
pourraient amputer le PIB mondial de plus de 1 % en l’absence de
réforme
.
114. Outre le fait qu’elle rend le système fiscal plus équitable
et plus stable, la solution reposant sur deux piliers présente des
enjeux considérables en termes de recettes. Selon la dernière analyse
de l’OCDE sur l’évaluation d’impact économique des piliers, le Pilier Un
devrait permettre l’attribution chaque année aux juridictions du
marché de nouveaux droits d’imposition portant sur environ 200 milliards USD.
L’analyse montre également que dans le cadre du Pilier Un, les pays
à revenu faible et intermédiaire sont ceux qui devraient avoir le
plus à gagner, en pourcentage des recettes existantes de l’impôt
sur les bénéfices des sociétés. Le Pilier Deux pourrait également
apporter chaque année jusqu’à 200 milliards USD de recettes fiscales
supplémentaires aux gouvernements.
115. Pour la suite, et au-delà de l’accord sur les éléments techniques
finaux des piliers comme mentionné plus haut, le renforcement des
capacités fiscales sera essentiel. L’une des principales priorités
de l’OCDE sera de veiller à ce que tous les pays puissent tirer
parti des nouvelles règles, étant donné que ceux en développement
représentent près de la moitié des membres du Cadre inclusif et
de son Groupe de pilotage. Des travaux sont en cours afin de renforcer
les capacités fiscales en vue de la mise en œuvre des deux piliers dans
l’ensemble des pays membres du Cadre inclusif. L’OCDE soutient également
les actions de renforcement des capacités en organisant des programmes
de formation pilotes et sur mesure, y compris par le biais de l’initiative
OCDE/PNUD Inspecteurs des impôts sans frontières, afin d’aider les
pays en développement à mettre en œuvre l’impôt minimum mondial.
5. Conclusion
116. Au cours des dernières années,
l’économie mondiale a subi une série de chocs majeurs, notamment
la pandémie de covid-19 et la guerre d'agression de la Fédération
de Russie contre l'Ukraine. En conséquence, les chaînes d’approvisionnement
mondiales ont été perturbées et les perspectives de reprise économique, ainsi
que la sécurité énergétique et alimentaire, ont été compromises.
Bien que la croissance mondiale ait été plus résiliente que prévu,
les perspectives restent relativement faibles et les risques à la
baisse ont augmenté.
117. Dans ces circonstances, le rôle de l’OCDE dans la conception
de politiques visant à prévenir ou à atténuer les tendances négatives
tout en favorisant des tendances positives est plus important que
jamais. Il est essentiel que la communauté des pays membres et des
candidats à l’adhésion à l’OCDE demeure attachée, comme réaffirmé
dans les conclusions politiques du Conseil au niveau des Ministres
de 2023, aux valeurs fondamentales que sont les libertés individuelles,
la démocratie, l’état de droit, la protection des droits humains,
l’égalité de genre, la durabilité de l’environnement et la lutte
contre les inégalités, ainsi que la diversité et l’inclusion.
118. En outre, il est essentiel que les États membres de l’OCDE
et les États candidats aient réaffirmé, dans la déclaration du Conseil
ministériel de 2023, l’importance du multilatéralisme et de l’unité
pour relever les défis mondiaux, ainsi que la volonté d’aller au-delà
des États membres actuels pour renforcer et développer des partenariats
mondiaux.
119. Par conséquence, le rôle des institutions collaboratrices,
telles que le Conseil de l’Europe, devrait consister à favoriser
le dégagement d’un consensus entre leurs membres, tout en œuvrant
pour combler les fossés diplomatiques. Des politiques globales tenant
compte non seulement des enjeux fiscaux et économiques, mais aussi
de tous les éléments de la réalité économique des pays, y compris
les défis environnementaux, les politiques sociales et de l’emploi,
sont la clé d’une réponse efficace, en s’attachant à ne laisser
personne pour compte. Une des forces de l’OCDE réside précisément
dans la nature globale et multidimensionnelle de ses travaux.