1. Rappelant sa
Résolution 2495 (2023) «Déportations et transferts forcés d’enfants et d’autres
civils ukrainiens vers la Fédération de Russie ou les territoires
ukrainiens temporairement occupés: créer les conditions de leur
retour en toute sécurité, mettre fin à ces crimes et sanctionner
leurs auteurs», l’Assemblée parlementaire réitère fermement sa condamnation
de la guerre d’agression totale menée par la Fédération de Russie
contre l’Ukraine et des violations massives des droits des enfants
d’Ukraine, victimes particulièrement vulnérables de cette guerre.
Les enfants ne sauraient en aucune circonstance être utilisés comme
des moyens de pression ou des trophées de guerre.
2. Aucun enfant en Ukraine n’a été épargné par la guerre, et
l’Assemblée rappelle que tous les enfants d’Ukraine ont le droit
de jouir des droits et libertés ancrés consacrés par les instruments
internationaux des droits humains pertinents et que les droits et
l’intérêt supérieur de l’enfant doivent prévaloir dans toute prise
de décision les concernant.
3. L’Assemblée exprime sa gratitude aux États membres du Conseil
de l’Europe qui ont mis en place de bonnes conditions d’accueil
pour les enfants ukrainiens, certains bénéficiant du système de
protection temporaire accordée par les États membres de l’Union
européenne.
4. L’Assemblée souligne qu’il est essentiel que ces enfants bénéficient
d’une éducation et de soins de santé, y compris un soutien en matière
de santé mentale, adaptés à leur situation particulière, et maintiennent les
liens avec leur langue et leur culture, ce qui facilitera leur retour
futur en Ukraine, en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.
5. A cet égard, l’Assemblée soutient le Groupe Consultatif du
Conseil de l’Europe sur les enfants d’Ukraine et se tient prête
à coopérer pleinement aux activités de ce groupe.
6. L’Assemblée salue les efforts de l’Ukraine en vue de rapatrier
les enfants déportés ou transférés de force, y compris la mise en
œuvre du plan d’action “Bring Kids Back UA” et la création de la
Coalition Internationale de pays pour le retour des enfants ukrainiens
figurant dans la formule de paix du Président Zelensky.
7. L’Assemblée reconnaît l’engagement de l’Ukraine à protéger
les enfants vulnérables, y compris en établissant le Centre de protection
des droits des enfants, qui agit sous le contrôle du Commissaire
aux droits humains du Parlement ukrainien et aborde les questions
relatives au recueil d’éléments attestant des crimes contre les
enfants soumis à un transfert forcé et à la déportation, évalue
les besoins des enfants, les place en foyer familial si nécessaire,
et entreprend d’autres mesures en vue de leur réintégration.
8. L’Assemblée est particulièrement préoccupée par le sort des
enfants transférés de force et déportés vers les territoires ukrainiens
temporairement occupés, la Fédération de Russie et le Bélarus. Ces
pratiques constituent des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité
voire, comme l’a noté l’Assemblée dans sa
Résolution 2482 (2023) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme
liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine»,
un génocide éventuel dans la mesure où des actes tels que «notamment
les meurtres et le transfert forcé d'enfants d'un groupe à un autre
groupe à des fins de russification, au moyen de l’adoption par des
familles russes et/ou du transfert vers des orphelinats sous gestion
russe ou des structures d’accueil comme des camps d’été» pourraient
relever de l'article II de la Convention de 1948 pour la prévention
et la répression du crime de génocide.
9. L’Assemblée déplore et condamne les déportations et transferts
forcés d’enfants ukrainiens, pratiques fondamentalement contraires
au droit international, notamment la Convention de Genève (IV)relative
à la protection des personnes civiles en temps de guerre et le Protocole
additionnel relatif à la protection des victimes des conflits armés
internationaux, dont sont signataires la Fédération de Russie et
l’Ukraine.
10. A ce jour, la plateforme «Children of War» gérée par le Gouvernement
ukrainien indique avoir recueilli des informations sur plus de 19 546
enfants qui ont été signalés comme ayant été déportés ou transférés
de divers endroits, et dont 388 seulement sont rentrés chez eux.
11. L’Assemblée note que plus le temps passe, plus les chances
de retrouver ces enfants s’amenuisent, pouvant même conduire à l’irrémédiabilité
de leur situation. Elle souligne la particulière vulnérabilité des orphelins
qui n’ont pas d’aide ou de représentation juridique. Les conséquences
dramatiques sur la santé mentale et physique et le bien-être des
enfants se cristallisent. La nationalité et le nom de ces enfants
ont parfois été changés par les autorités russes. Certains ont été
adoptés illégalement. Beaucoup ne sont pas localisables et n’ont
aucun moyen de contact avec leur pays ou leur famille. Tous ont
fait l’objet d’une ou l’autre forme d’endoctrinement, et une nouvelle
culture et une nouvelle langue leur ont été imposées. Des enfants
ont subi des agressions psychologiques et/ou physiques. Ces actes
constituent autant de violations de leur droit de préserver leur
identité, y compris leur nationalité, leur nom et leurs relations
familiales, de s’exprimer librement, ainsi que de leur droit à une
éducation et de jouir de leur propre culture tels que garantis par
la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.
12. Au vu de ces éléments et de l’urgence de mettre fin à ces
crimes, l’Assemblée réitère son appel à la Fédération de Russie
et au Bélarus à cesser immédiatement ces déportations illégales,
détentions et transferts forcés d’enfants et à faciliter le retour
des enfants dans les meilleurs délais et les meilleures conditions possibles.
13. L’Assemblée se félicite des discussions et conclusions qui
ont émergé de la réunion que la commission ad
hoc de son Bureau a tenu le 15 décembre 2023 à Paris
qui portait sur le retour des enfants ukrainiens déplacés et transférés
de force vers les territoires ukrainiens temporairement occupés,
la Fédération de Russie et le Bélarus ainsi que sur la situation
des enfants résidant temporairement sous la protection des États membre
du Conseil de l’Europe et d’autres pays d’accueil.
14. En conséquence, l’Assemblée demande à nouveau à la Fédération
de Russie et au Bélarus:
14.1. de
cesser immédiatement et inconditionnellement ces pratiques de déportation
et de transfert forcé vers les territoires ukrainiens temporairement
occupés, la Fédération de Russie et le Bélarus, d’arrêter le transfert
d’enfants ukrainiens en vue de l’adoption ou vers des familles d’accueil,
de ne plus imposer la citoyenneté russe ni changer les noms, et
de rétablir les liens de contact entre ces enfants et leurs parents
ou tuteurs, ou en cas de disparition des parents ou tuteurs, les
autorités ukrainiennes compétentes, afin de les rapatrier immédiatement
dans leur pays d’origine ou de leur permettre de rejoindre un pays
tiers sûr;
14.2. de fournir aux autorités ukrainiennes ou à une partie
tiers (un État ou une organisation internationale) des informations
complètes et fiables sur le nombre et la localisation des enfants ukrainiens
dans cette situation, leurs noms et prénoms, leur origine et la
destination de la déportation, de façon à garantir leur retour en
Ukraine en toute sécurité;
14.3. d’assurer un accès sans entrave, immédiat et sécurisé
aux enfants par les représentants des organes compétents des Nations
Unies et d’autres organisations et mécanismes internationaux d’intervention
humanitaire et de protection des droits humains, comme l’Unicef,
le Haut-Commissariat aux Réfugiés, le Haut-Commissariat aux Droits
de l’homme et d’autres agences compétentes des Nations Unies, et
le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
15. L’Assemblée considère qu’assurer le retour des enfants déportés
et transférés de force vers l’Ukraine, en particulier lorsque la
réunification familiale est impossible, est conforme au principe
de l’intérêt supérieur de l’enfant.
16. L’Assemblée appelle les États membres, ainsi que les États
observateurs et les États dont les parlements bénéficient du statut
d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée ainsi
que l’ensemble de la communauté internationale de bonne volonté,
et leurs services diplomatiques:
16.1. à
adopter, dans leurs parlements nationaux, des déclarations et/ou
résolutions condamnant les crimes de guerre contre les enfants et
reconnaissant les déportations, les transferts forcés, et le retard injustifié
pour le rapatriement des enfants ukrainiens, y compris des orphelins,
des enfants privés de soins parentaux, et d’autres enfants non accompagnés
sous le contrôle de la Fédération de Russie, comme crime de génocide,
tout en soulignant la nécessité d’un retour rapide des enfants déportés
et transférés de force vers l’Ukraine, conformément au principe
de l’intérêt supérieur de l’enfant;
16.2. à tout mettre en œuvre pour clarifier le sort de plusieurs
milliers d’enfants disparus, à savoir les identifier, les localiser
et les rapatrier en Ukraine, et pour les réunir avec leur famille
et leurs tuteurs;
16.3. à soutenir l’Ukraine dans ses efforts visant à documenter
et à établir la situation de chaque enfant, y compris l’identification
des enfants orphelins ou handicapés, ou privés de soins parentaux, déportés
ou transférés de force, et à établir une liste étayée, complète
et utilisable des enfants disparus;
16.4. à travailler avec les forces de l’ordre d’Ukraine et à
établir des mécanismes pour documenter les cas de déportation et
transfert d’enfants ukrainiens;
16.5. à avoir recours aux instruments de compétence universelle
pour enregistrer les faits de crimes commis, assurer la justice
et créer les conditions pour prévenir la survenance de tels crimes
dans le futur, et à employer différentes formes de coopération juridique
internationale pour échanger les données sur les faits de transferts
forcés et déportations d’enfants;
16.6. à informer les autorités compétentes d’Ukraine, via une
autorité référente dûment désignée dans chaque pays, des cas de
passages de la frontière par des citoyens de la Fédération de Russie
qui ont illégalement adopté ou obtenu la tutelle sur un enfant ukrainien,
en vue du retour de l’enfant en question sur le territoire de l’Ukraine;
16.7. à offrir un appui politique, logistique et financier à
l’établissement d’un mécanisme juridique efficace, rapide et sûr
d’identification, de localisation et de rapatriement des enfants,
et à renforcer la coordination avec toutes les institutions nationales
ukrainiennes concernées et le Commissaire aux droits humains du
Parlement ukrainien;
16.8. à apporter un soutien global aux organisations gouvernementales
et non gouvernementales ukrainiennes compétentes qui s’occupent
de catégories d’enfants déplacés à l’intérieur de leur propre pays,
de personnes ayant besoin de soins institutionnels, d’orphelins,
d’enfants de soldats tombés au combat et d’anciens combattants,
et de personnes physiquement et psychologiquement touchées par la
guerre, en particulier dans leurs efforts pour assurer un accès
complet à l’éducation et aux soins de santé, y compris la réadaptation
physique et psychologique, et la réinsertion;
16.9. à imposer des sanctions contre la Fédération de Russie
et le Bélarus et à les respecter davantage, ainsi qu’à inclure,
dans les listes de sanctions, les personnes impliquées dans l’expulsion, le
transfert forcé et le retard injustifiable dans le rapatriement
d’enfants ukrainiens;
16.10. à évaluer, par l’intermédiaire de leurs autorités nationales
compétentes, la participation de journalistes ou d’autres représentants
des médias à des campagnes de propagande organisées par la Fédération
de Russie ou le Bélarus concernant des enfants ukrainiens déportés
et transférés de force par la Fédération de Russie, en vue d’appliquer
les mesures appropriées dans de tels cas, par exemple en ce qui
concerne le refus d’accréditation et d’accès à des manifestations
publiques;
16.11. à favoriser un échange complet d’informations concernant
les enfants ukrainiens placés en institution et assurer une coopération
étroite à cet égard entre les autorités compétentes de l’Ukraine
et les États membres.
17. L’Assemblée souligne la nécessité d’une coopération renforcée
des différents mécanismes existants, y compris de la société civile,
de façon à agréger les efforts en vue du retour des enfants, reposant
notamment sur une tierce intervention qui peut offrir des garanties
d’impartialité et d’efficacité. À cet égard, elle invite les différentes
organisations, dont le mandat basé sur une position de neutralité
permet d’avoir un accès à la Fédération de Russie, au Bélarus et
aux territoires occupés de l’Ukraine, à contribuer au processus d’identification,
de localisation et de rapatriement des enfants ukrainiens déportés
et transférés de force et à travailler de manière étroite avec l’Ukraine
et tous les États qui pourraient faciliter le retour des enfants.
18. A cet égard, l’Assemblée s’engage à continuer son rôle de
facilitateur, y compris en réfléchissant à la structure ou au(x)
mécanisme(s) de l’Assemblée qui pourraient être utilisés pour soutenir
les autorités ukrainiennes et les diverses organisations internationales
tel que le CICR, afin de déterminer les moyens les plus rapides
pour identifier et permettre une recherche efficace des enfants,
à l’aide d’éléments les plus complets possibles quant à leur identité
et aux conditions de leur déportation ou de leur transfert forcé
par la Fédération de Russie.