1. Introduction
1.1. Origine
1. Le 24 février 2022, la Fédération
de Russie a lancé l’invasion de grande ampleur de l’Ukraine sans aucune
provocation de cette dernière, déclenchant ainsi la plus grande
invasion internationale depuis 1941. La guerre d’agression illégale
menée par la Fédération de Russie est à l’origine de destructions catastrophiques
et de souffrances considérables pour le peuple ukrainien et pour
l’Ukraine, causant de graves pertes humaines et matérielles et de
nombreux crimes de guerre contre les civils. La Cour pénale internationale
(CPI) a déjà délivré un mandat d’arrêt contre le Président russe
et la Commissaire russe aux droits de l’enfant, en relation avec
la déportation forcée d’enfants ukrainiens.
2. Tandis que la Fédération de Russie poursuit la guerre et continue
de commettre des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité
et d’autres violations graves des droits humains en Ukraine, il
est clair qu’une fois ce conflit terminé, l’Ukraine aura besoin
d’une aide considérable pour reconstruire ses infrastructures civiles. La
Fédération de Russie devrait être tenue pour responsable et prendre
en charge l’indemnisation des pertes humaines et matérielles qu’elle
a causées.
3. Depuis le début de l’invasion de grande ampleur de l’Ukraine,
l’Assemblée parlementaire a adopté, à l’unanimité, une multitude
de textes condamnant l’agression, ses différents aspects et ses
conséquences. En mars 2022, elle a pris une position résolue en
faveur de l'expulsion immédiate de la Fédération de Russie du Conseil
de l'Europe, position qui a ensuite été suivie par le Comité des
Ministres. En mai 2023, conformément aux demandes répétées de l’Assemblée,
le Conseil de l’Europe a créé un Registre des dommages causés par l’agression
de la Fédération de Russie contre l’Ukraine.
4. La non-participation de la Fédération de Russie au règlement
des différends internationaux et le non-respect des obligations
et jugements internationaux constituent un défi complexe dans la
poursuite de la justice et de la réparation du préjudice causé par
les actions de la Fédération de Russie dans le cadre de son invasion de
l’Ukraine. Compte tenu du comportement de la Fédération de Russie
dans les instances internationales et de son recours au veto au
sein du Conseil de sécurité, il pourrait en effet y avoir des obstacles
à la mise en œuvre directe des réparations par les voies juridiques
traditionnelles.
5. La proposition de résolution visant à saisir et à transférer
les avoirs de l’État russe vers un mécanisme international d’indemnisation
vise à relever ce défi. Cette approche a pour but d’obliger la Fédération
de Russie à se conformer aux obligations qu’elle a contractées en
vertu du droit international en réorientant les avoirs pour compenser
les dommages causés.
6. Le présent rapport démontrera davantage la nécessité d’établir
un mécanisme international d’indemnisation sous les auspices du
Conseil de l’Europe.
1.2. But
et portée
7. Le rapport sera axé sur les
objectifs suivants: 1) soutenir la reconstruction et la relance
de l’Ukraine; 2) demander et présenter les mesures de confiscation
des avoirs de l’État russe; 3) mettre en place un mécanisme international
d’indemnisation sous les auspices du Conseil de l’Europe; 4) présenter
dans le monde entier un front uni contre l’agression.
8. Le rapport repose sur le postulat selon lequel la Fédération
de Russie doit rendre des comptes pour sa destruction de l'Ukraine,
et que l’on peut raisonnablement supposer qu'elle ne contribuera
pas volontairement à l'effort de reconstruction. Dans de telles
situations, lorsqu’il est peu probable qu’un État accepte volontairement
de procéder à des réparations intégrales, d’autres États et organisations intergouvernementales
peuvent envisager des mécanismes alternatifs pour faire en sorte
que les parties lésées reçoivent les réparations auxquelles elles
ont droit en vertu du droit international.
9. Plusieurs pays détenant des avoirs souverains russes ont gelé
des avoirs de l’État russe représentant environ 300 milliards $US
d'actifs de l'État russe. Les avoirs financiers de l’État russe
déjà gelés doivent servir à la reconstruction de l’Ukraine. Les
États qui les détiennent devraient donc coopérer pour que tous les
avoirs saisis de l’État russe soient transférés à un mécanisme international
d’indemnisation. Dans le contexte de ce rapport, le terme «avoir
de l’État» désigne tout fonds ou autre bien qui appartient au gouvernement
d’un État agresseur ou d’un État agresseur affilié, y compris à
toute subdivision, agence ou instrument de ce gouvernement.
10. Le présent rapport a pour objet de définir la voie à suivre
pour la confiscation des avoirs de l’État russe et leur transfert
vers un mécanisme international d’indemnisation afin d’aider à la
relance et à la reconstruction de l’Ukraine.
2. Contexte général
11. Comme le prévoit son Statut
(STE No 1), le Conseil de l’Europe a
pour mission centrale d’unir ses États membres pour préserver et
défendre des valeurs communes tout en faisant avancer le progrès
économique et social. Son objectif premier est de sauvegarder et
d’actualiser ces principes communs, en favorisant un patrimoine
collectif tout en contribuant au développement des États membres.
12. Le respect de l’État de droit et le développement (statut
1.b) des droits humains et des libertés fondamentales pour tous
les individus relevant de la juridiction de chaque État membre sont
au cœur de cette mission. Cet engagement souligne l’importance du
Conseil de l’Europe dans la promotion de l’unité, de la démocratie
et de la protection des droits humains dans toute l’Europe. Comme
indiqué à l’article 3 de son Statut, «Tout membre du Conseil de
l'Europe reconnaît le principe de la prééminence du droit et le
principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction
doit jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il s'engage à collaborer sincèrement et activement à la poursuite
du but [du Conseil de l’Europe]».
13. Selon les principes du droit international, lorsqu’un État
est jugé responsable d’un fait internationalement illicite, il est
tenu d’indemniser intégralement le préjudice causé par cet acte.
Toutefois, les formes de réparation — restitution, satisfaction
ou indemnisation — peuvent varier en fonction des circonstances
et de la nature du fait illicite. Dans les cas où la restitution
(restaurer la situation à ce qu’elle était avant le fait illicite)
ou la satisfaction (reconnaissance de la violation et de ses conséquences)
ne sont pas réalisables, l’indemnisation devient le principal moyen
de réparation. Dans le contexte de la situation impliquant les actions
de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, étant donné que la
restitution ou la satisfaction ne sont pas réalisables, les principes
juridiques internationaux viendraient plaider en faveur de la nécessité
d’une indemnisation. Cette indemnisation pourrait englober les dommages
causés par le fait illicite, tels que les pertes en vies humaines, la
destruction de biens, les difficultés économiques et d’autres effets
préjudiciables résultant de la violation du droit international.
14. Le moment est venu pour les États membres du Conseil de l’Europe
de passer des sanctions aux contre-mesures. En vertu du droit international,
les États ont le pouvoir d’adopter des contre-mesures à l’encontre
d’un État qui a gravement enfreint le droit international. Ces contre-mesures
sont des mesures prises dans le but d’inciter l’État auteur de la
violation à respecter ses obligations juridiques internationales. Elles
peuvent prendre diverses formes, dont l’une implique la suspension
ou la limitation de certains privilèges ou obligations coutumiers
qu’un État étend habituellement à un autre, comme en matière financière.
Dans le cas de violations graves du droit international par la Fédération
de Russie, les États peuvent, en vertu du principe des contre-mesures,
prendre des mesures qui affectent les avoirs financiers ou les transactions
de la Fédération de Russie.
15. Les avoirs souverains russes devraient donc être saisis et
transférés vers un mécanisme international d’indemnisation, créé
sous les auspices du Conseil de l’Europe et ouvert à la fois à ses
États membres et aux États non-membres. Ces fonds serviraient ensuite
à indemniser l’Ukraine, ses citoyens, ses entreprises et le gouvernement
pour les dommages causés par les actes illégaux de la Fédération
de Russie liés à son invasion illégale.
3. Soutien
à la reconstruction de l’Ukraine
3.1. Le
rôle du Conseil de l’Europe
16. Le Conseil de l’Europe est
unique en raison de son approche spécifique centrée sur les dimensions fondamentales
de l’État de droit, de la démocratie pluraliste et des droits humains.
En conséquence, l’objectif premier de l’Organisation est de servir
de pilier fondamental de la sécurité démocratique et de faciliter
une coopération réussie et efficace dans ces domaines, non seulement
en Europe, mais aussi à l’échelle mondiale.
17. Le Conseil de l’Europe joue un rôle crucial dans la défense
des valeurs démocratiques, le respect de l’État de droit et la protection
et la promotion des droits humains. Il atteint ces objectifs par
le biais de divers mécanismes, notamment des conventions, des processus
de suivi et du dialogue avec les États membres et non membres. C’est
la raison pour laquelle le mécanisme international d’indemnisation
devrait être conclu sous les auspices du Conseil de l’Europe et
ouvert à ses États membres et non membres.
18. En mai 2023, le Conseil de l’Europe a établi un Registre des
dommages causés par l’agression de la Fédération de Russie contre
l’Ukraine. Afin de pouvoir disposer d’un système complet de reddition
des comptes, il est évident qu’un mécanisme international d’indemnisation
doit être créé pour statuer, conformément aux normes judiciaires
établies, sur les réclamations présentées par l’Ukraine au nom de
ses citoyens, entités et entités gouvernementales, ou directement
par des personnes et des entités.
19. En juin 2023, selon l'École d'économie de Kiev
, les dommages
répertoriés qui ont été causés aux infrastructures de l'Ukraine
par l'agression de la Fédération de Russie ont atteint 150,5 milliards
$US, tandis que les dommages infligés à l'économie ont atteint 265,6 milliards
$US. Le montant total des dommages s’élevait donc à 416,1 milliards
$US en juin 2023. Les bâtiments résidentiels représentent la plus
grande part des dommages, soit 37,1 % ou 55,9 milliards $US, suivis
des infrastructures, qui représentent 24,3 % ou 36,6 milliards $US.
Rien que durant la première année de guerre, 153 900 maisons ont
été complètement détruites.
20. En outre, le secteur de l'éducation a subi des dommages directs
d’un montant de 9,7 milliards $US. En février 2023, 3 170 établissements
avaient été touchés, dont environ 1 500 centres d'enseignement secondaire,
909 écoles maternelles et 528 établissements d'enseignement supérieur.
21. En juin 2023, les dommages infligés au secteur énergétique
ukrainien ont atteint un montant estimé à 8,8 milliards $US. Cette
évaluation en hausse englobe de nombreux facteurs. Elle tient compte
tout d’abord des dommages subis dans le secteur de l'énergie nucléaire
et ensuite des évaluations actualisées concernant la destruction
et la dégradation des installations de transport de gaz naturel.
Ces calculs et évaluations révisés ont contribué à l'augmentation
globale du coût estimé des dommages causés aux infrastructures énergétiques de
l'Ukraine.
22. Une année d’invasion de grande ampleur déclenchée par la Fédération
de Russie a non seulement coûté la vie à de nombreuses personnes
et produit un impact considérable sur l'économie et les infrastructures de
l'Ukraine, mais elle a également porté un coup sévère au secteur
agricole. L'évaluation rapide des dommages et des besoins (RDNA)
qui a été réalisée par le Gouvernement ukrainien, la Banque mondiale, l’Organisation
des Nations Unies et l'Union européenne
présente
des résultats détaillés sans toutefois comptabiliser les dommages
et les pertes subis dans les secteurs de l'irrigation, de l’agroalimentaire
et de la logistique agricole, qui sont étroitement liés à l'agriculture.
Elle estime à 40,2 milliards $US les dommages et les pertes subis
par le secteur agricole.
23. À l’approche de la fin de la deuxième année de l'agression,
ces dommages et pertes se sont multipliés, non seulement en ce qui
concerne les infrastructures et les ressources, mais aussi sur le
plan des conséquences humanitaires pour les personnes impliquées.
Les répercussions vont souvent bien au-delà de la destruction physique
immédiate et englobent les impacts sociaux et économiques. Selon
le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), la guerre a provoqué
le déplacement d’un nombre important de personnes à l'intérieur
du pays, sans compter ceux, plus nombreux, qui ont quitté le pays.
Les bombardements intensifs et le conflit ont poussé environ 5,1
millions de personnes à quitter leur foyer et plus de 6,2 millions
de personnes ont fui vers des pays voisins comme la Pologne, la
Hongrie, la République de Moldova et d'autres destinations dans
le monde. Parmi ces pays, la Pologne a été le principal pays hôte,
accueillant près de 60 % des réfugiés ayant fui l'Ukraine
.
24. Le sort des personnes réfugiées est particulièrement préoccupant,
car il crée des effets en chaîne au delà des frontières, affectant
les pays voisins et mettant les ressources à rude épreuve à plus
grande échelle. Les coûts associés à l'hébergement et au soutien
des personnes réfugiées sont immenses et peuvent avoir des conséquences
à long terme pour les personnes déplacées et les pays qui leur offrent
de l'aide. Avec la poursuite du conflit, les besoins humanitaires
se sont encore accrus au cours de la deuxième année et se sont élargis.
Selon les estimations, environ 17,6 millions de personnes en Ukraine
ont eu besoin d'une aide humanitaire au cours de l’année 2023
.
25. Les principes fondateurs du Conseil de l’Europe, qui sont
de fait centrés sur l’État de droit, les droits humains et la gouvernance
démocratique, créent un cadre solide pour relever les défis croissants
découlant des tendances autoritaires au sein des États membres et
venant de l’extérieur, telles que l’agression de la Fédération de
Russie contre l’Ukraine.
26. Les mécanismes de dialogue, les conventions et les systèmes
de suivi de l’Organisation offrent des outils essentiels pour inciter
les États membres à participer aux discussions et aux actions visant
à préserver et à renforcer les valeurs démocratiques. L’accent mis
par le Conseil de l’Europe sur ces principes permet un engagement
constructif, un dialogue et la promotion de la compréhension mutuelle
entre les États membres.
27. En outre, le Conseil de l’Europe utilise déjà et possède une
excellente expérience de plusieurs mécanismes de suivi pour s’assurer
que ses membres adhèrent aux normes convenues en matière de démocratie,
de droits humains et d’État de droit. Ces mécanismes joueront un
rôle très important dans la mise en place et le fonctionnement du
mécanisme international d’indemnisation, notamment: 1) La Cour européenne
des droits de l’homme (la Cour). Bien qu’elle ne soit pas directement
un organe de contrôle au sein du Conseil de l’Europe, la Cour, instituée
par la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), est
un élément crucial de son système de surveillance des droits humains.
Elle entend des requêtes individuelles ou étatiques alléguant des
violations des droits civils et politiques énoncés dans la Convention; 2)
Le Comité des Ministres, qui contrôle et supervise l’exécution des
arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, en veillant
à ce que les États membres se conforment aux décisions de la Cour;
3) La Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise), qui joue un rôle important dans la mise à disposition
de conseils juridiques et d’expertise en matière constitutionnelle,
et aide les États membres à veiller à ce que leur législation et
leurs cadres constitutionnels soient conformes aux normes européennes;
4) Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), qui effectue des visites
dans les lieux de détention des États membres afin de prévenir la
torture et les traitements inhumains ou dégradants.
28. En outre, l’engagement de l’Assemblée sur des questions critiques,
en particulier celles relatives à la paix et à la stabilité en Europe
et au-delà, renforce son rôle influent. À cette fin, la diversité
au sein de l’Assemblée est un atout considérable, car elle englobe
un large éventail de perspectives politiques, y compris l’opposition.
Cette représentation pluraliste permet à l’Assemblée d’examiner
et de plaider en faveur de mesures telles que la confiscation des
avoirs de l’État russe ou la mise en place d’un mécanisme international d’indemnisation,
si ces mesures s’alignent sur les valeurs et les objectifs généraux
du Conseil de l’Europe. Compte tenu de la complexité et de l’importance
de ces mesures, les divers points de vue au sein de l’Assemblée
peuvent contribuer à un débat plus complet et plus équilibré. Cette
diversité peut contribuer à délibérer sur les ramifications potentielles,
les considérations éthiques et les impacts plus larges de ces actions,
enrichissant ainsi le processus décisionnel. En outre, les capacités
de surveillance de l’Assemblée jouent un rôle central dans le suivi
et pour garantir l’obligation de rendre des comptes. Lors de la
proposition ou de la mise en œuvre de décisions importantes, ce
mécanisme contribue à maintenir la transparence et les considérations
éthiques.
3.2. Mesures
de confiscation des avoirs de l’État russe
29. Soutenir la reconstruction
de l’Ukraine après tous les dommages causés par l’agression russe
est un aspect essentiel de la mission du Conseil de l’Europe. Il
est important de noter que la reconstruction de l’Ukraine sera un
processus multiforme qui nécessitera une coopération et des négociations
internationales plus larges. C’est pourquoi le Conseil de l’Europe
devrait apporter une contribution significative, dans le cadre de
son mandat et en complément des efforts déployés par d’autres organisations
internationales et gouvernements, pour parvenir à une reconstruction
durable et pacifique.
30. La résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations
Unies le 14 novembre 2022 sur l’«Agression contre l’Ukraine: recours
et réparation»
invoque explicitement la demande
d’indemnisation et recommande des actions nationale et internationale,
et elle peut servir à remplir des conditions procédurales spécifiques
en vertu du droit international. En effet, dans le domaine du droit
international, certaines étapes procédurales, y compris la notification
des réclamations et la possibilité de s’y conformer, sont souvent
jugées nécessaires avant de mettre en œuvre des contre-mesures.
En répondant à ces exigences procédurales, cette résolution peut
être considérée comme renforçant les arguments en faveur de contre-mesures
intégrales de l’État en vertu du droit internationale.
31. L’articulation par cette résolution de la demande d’indemnisation
et son appel à l’action peuvent être considérés comme une mise en
demeure et une occasion pour la Fédération de Russie de s’y conformer.
Ce processus garantirait que la Fédération de Russie a été officiellement
informée des plaintes émises à son encontre et qu’elle s’est vu
offrir la possibilité de se conformer aux exigences ou obligations
énoncées dans la résolution. L’éventuel non-respect de la part de
la Fédération de Russie pourrait potentiellement servir de base à
la mise en œuvre justifiable de contre-mesures comme moyen d’incitation
au respect du droit international. Cette adhésion aux exigences
procédurales renforcera la légitimité de toute mesure prise ultérieurement
par les États ou entités concernés, car elle témoigne de l’engagement
en faveur de la légalité dans la poursuite de la justice et des
réparations pour violation du droit international.
32. La distinction entre propriété publique et propriété privée
est un aspect critique dans ce contexte. La propriété publique,
contrairement à la propriété privée, ne bénéficie pas des mêmes
protections, en particulier lorsqu’il s’agit d’actions entreprises
en réponse à des violations du droit international. Ce cadre juridique souligne
la possibilité de pouvoir prendre des décisions exécutives pour
de telles mesures, en contournant dans certains cas de longues procédures
judiciaires.
33. Le présent rapport décrit une approche proactive permettant
aux différents États de gérer et de traiter les avoirs de l’État
russe gelés dans leurs juridictions respectives. La considération
principale est d’identifier et de transférer ces avoirs – y compris
les avoirs de la banque centrale russe et les avoirs connexes –
vers une structure intermédiaire tel qu’un compte séquestre ou un
trust de banque centrale.
34. L’objectif est de détenir ces avoirs dans une structure temporaire
jusqu’à ce qu’un fonds international de compensation, créé conformément
aux accords et mécanismes internationaux, soit prêt à les recevoir
et à les distribuer. Ce fonds international d’indemnisation serait
chargé de gérer et de débourser les avoirs conformément aux résolutions
et accords internationaux, en particulier ceux décrits dans la résolution susmentionnée
de l’Assemblée générale des Nations Unies.
35. La création d’un fonds international d’indemnisation n’est
pas une condition préalable pour que les États puissent entamer
le processus d’identification et de transfert des avoirs russes
gelés. Les États sont encouragés à prendre les premières mesures
en transférant ces avoirs sur un compte séquestre dans leur juridiction
et en préparant leur transfert ultérieur au fonds international
d’indemnisation une fois que ce dernier aura été établi. Cette approche
permettrait une gestion coordonnée et progressive des avoirs russes
gelés, garantissant leur transfert sécurisé et organisé conformément
aux résolutions et accords internationaux, avant même la création
d’un fonds international d’indemnisation formel. La méthode fournirait
un moyen systématique et contrôlé de gérer ces actifs en attendant
la création du fonds international d'indemnisation pour leur mise
à disposition et leur distribution finales.
36. L’exécution de telles actions exige le respect des normes
juridiques internationales. Il est essentiel de veiller à ce que
le processus respecte les principes de proportionnalité et d’équité,
en protégeant les droits des parties innocentes tout en tenant l’État
responsable redevable de ses actes. On peut s’attendre à d’éventuelles contestations
judiciaires de l’État russe, mais la validité de ces contestations
et leur résultat seraient déterminés par les spécificités du droit
international, de la jurisprudence et des éléments de preuve présentés. Le
but ultime de ces actions est de rendre justice et de réparer les
dommages causés par des violations du droit international.
3.3. Le
mécanisme d’indemnisation
37. Il est crucial pour la communauté
internationale, travaillant de concert, de relever ce défi et de
veiller à ce que les victimes de l’agression, en l’occurrence l’Ukraine
et ses citoyens, reçoivent les réparations qui leur sont dues et
qu’une voie s’ouvre pour un règlement des différends et l’exercice
de la justice. Comme l’a déjà demandé l’Assemblée dans sa Résolution
2516 (2023) «Garantir une paix juste en Ukraine et une sécurité durable
en Europe», cela impliquera «la mise en place d’un mécanisme d’indemnisation
global, comprenant une commission internationale chargée d’examiner
les demandes d’indemnisation des dommages consignés au Registre
des dommages, et un fonds d’indemnisation pour payer les décisions
d’indemnisation des dommages accordés par la commission, en particulier
en confisquant et en utilisant autrement les avoirs de la Fédération
de Russie afin de payer des dommages de guerre en Ukraine». Cela
permettra d’utiliser ces biens comme moyen pour contraindre l’État
agresseur à respecter ses obligations juridiques internationales.
38. L’immobilisation ou l’utilisation des réserves de la Banque
centrale russe, qui ont été gelées en Occident, est considérée comme
une contre-mesure importante. À cet égard, des experts tels que
Lawrence H. Summers, Philip D. Zelikow et Robert B. Zoellick soutiennent
que, selon le droit international, la Fédération de Russie n’a pas
droit à une indemnisation si la contre-mesure est proportionnée
et constitue une réponse à sa propre violation aggravée des normes
impératives du droit international, une infraction qui a été attestée tant
par la Cour internationale de Justice que par l’Organisation des
Nations Unies
.
39. La position constante de la Présidente du Conseil européen,
Ursula von der Leyen, selon laquelle la Fédération de Russie doit
être tenue responsable par le biais de ses avoirs souverains, souligne
en outre le soutien croissant à l’utilisation de contre-mesures
pour lutter contre les violations du droit international.
40. Le Conseil de l’Europe peut jouer un rôle dans le cadre d’une
telle initiative, tout en œuvrant en faveur d’une paix durable et
de la stabilité, ainsi qu’en partageant les meilleures pratiques
et en apportant un soutien au développement et au renforcement des
institutions démocratiques dans les pays touchés. Cela garantira l’utilisation
conforme des fonds de reconstruction et leur contribution à la reconstruction
d’une Ukraine démocratique.
3.4. Des
sanctions aux contre-mesures
41. La notion de contre-mesures
en droit international fait référence aux mesures prises par un
État à l'encontre d'un autre pour réagir au comportement internationalement
illicite de ce dernier. Les contre-mesures visent à inciter l'État
responsable à cesser son comportement illicite ou à respecter les
obligations qui en découlent, telles que le versement d'une indemnisation
pour les dommages causés.
42. Le gel des avoirs dans le cadre des sanctions a été une mesure
utilisée par les pays pour exercer des pressions sur la Fédération
de Russie immédiatement après l’invasion de février 2022. Cependant,
il arrive un moment où aborder la question de l’indemnisation et
des réparations devient essentiel, en particulier lorsque le gel
des avoirs n’est pas suffisant à dissuader l’État agresseur.
43. La mise en œuvre de contre-mesures légales de l’État, telles
que la suspension des obligations ordinaires envers les comptes
de l’État russe, est une étape qui peut être franchie par les pays
qui s’opposent à l’agression de la Fédération de Russie. Cette approche
consiste à revoir le traitement de ces comptes ou avoirs en réponse
aux actes de la Fédération de Russie, mais il est important de mener
ces actions dans les limites de la légalité et du droit international.
L’accent devrait être mis sur la distinction entre la propriété
privée et les avoirs directement détenus ou contrôlés par l’État
russe. Lors de la mise en œuvre de ces contre-mesures, l’objectif
premier n’est pas de tirer profit de ces actions, mais d’orienter
les avoirs gelés ou retenus vers l’aide aux victimes de l’agression
de la Fédération de Russie.
44. Les contre-mesures ne sont pas obligatoires et sont souvent
prises en dehors des processus du Conseil de sécurité de l’ONU et
du chapitre 7 de la Charte des Nations Unies, qui sont utilisés
pour les mandats et les opérations de maintien de la paix. Au lieu
de cela, les contre-mesures sont généralement des mesures prises par
les États en réponse à des actions illégales de la part d’autres
États afin d’encourager le respect du droit international et des
obligations internationales. Dans ce cas, la reconnaissance par
l’ONU de la violation grave par la Fédération de Russie du droit
international et du préjudice qui en résulte pour des États, ainsi
que du devoir pour la Fédération de Russie d’indemniser des États,
constituent une base juridique et morale permettant aux États membres
d’agir. Cette reconnaissance par l’ONU établit que les actes de
la Fédération de Russie sont une question d’intérêt international
commun et justifient la mise en place, par les États, de contre-mesures
dans le cadre du droit international.
45. Dans l'affaire relative au Projet Gabčíkovo-Nagymaros
, la Cour internationale de Justice
a expliqué qu’une contre-mesure «prise pour riposter à un fait internationalement
illicite d'un autre État et [...] dirigée contre ledit État» peut
légitimer un comportement qui sinon serait illicite. Ce point est
également confirmé dans l'article 22 des articles de la Commission
du droit international (CDI) sur la responsabilité des États pour
fait internationalement illicite, qui énonce que «[l]’illicéité
du fait d’un État non conforme à l’une de ses obligations internationales
à l’égard d’un autre État est exclue si, et dans la mesure où, ce
fait constitue une contre-mesure prise à l’encontre de cet autre
État»
.
46. Les principales conditions associées aux contre-mesures licites
sont les suivantes: 1) la riposte à un comportement illicite: les
contre-mesures doivent être une réponse au comportement illégal
de l'État responsable; 2) l’objectif de la mise en conformité: les
contre-mesures devraient viser à encourager l'État responsable à
mettre fin à son comportement illicite ou à remplir ses obligations,
notamment l'indemnisation; 3) la proportionnalité: les contre-mesures
devraient être proportionnées à la gravité du comportement illicite
et du préjudice causé par celui-ci; 4) la nature temporaire: les
contre-mesures ne devraient persister que jusqu'à ce que l'État
responsable se conforme à ses obligations ou cesse le comportement
illicite; et 5) la réversibilité: lorsque l’objectif de la mise
en conformité est atteint, des relations juridiques normales devraient
être rétablies et les contre-mesures devraient cesser.
47. Le pouvoir de recourir à des contre-mesures appartient à chaque
État souverain. Les États qui ont l'intention de prendre des contre-mesures
doivent veiller à ce qu’elles soient conformes aux conditions énoncées
et prises de préférence dans le but d'encourager le respect des
règles plutôt que d'infliger des sanctions. Il est recommandé, en
outre, de s'engager dans des discussions et des négociations ou
de rechercher une médiation pour résoudre les litiges avant de recourir
à des contre-mesures afin d’atténuer les tensions et de promouvoir
des résolutions pacifiques.
48. L'article 49 des articles sur la responsabilité de l'État
pour fait internationalement illicite définit le cadre de l'utilisation
de contre-mesures en réaction à un fait internationalement illicite
par un État: «1) L’État lésé ne peut prendre de contre-mesures à
l’encontre de l’État responsable du fait internationalement illicite
que pour amener cet État à s’acquitter des obligations qui lui incombent
en vertu de la deuxième partie [des articles]; 2) Les contre-mesures
sont limitées à l'inexécution temporaire d’obligations internationales
de l'État prenant les mesures envers l'État responsable; et 3) Les
contre-mesures doivent, autant que possible, être prises d’une manière
qui permette la reprise de l’exécution des obligations en question.»
49. L'article 51 des articles sur la responsabilité de l'État
pour fait internationalement illicite, intitulé «Proportionnalité»,
ajoute une condition concernant l'utilisation des contre-mesures:
«Les contre-mesures doivent être proportionnelles au préjudice subi,
compte tenu de la gravité du fait internationalement illicite et des
droits en cause.»
50. S’agissant des quatre conditions de l'article 49 et de l'article
50, le paragraphe 1 de l'article 49 énonce que «l’État lésé ne peut
prendre de contre-mesures à l’encontre de l'État responsable du
fait internationalement illicite que pour amener cet État à s’acquitter
des obligations qui lui incombent en vertu de la deuxième partie».
Ces obligations englobent des responsabilités telles que la cessation
de tout comportement illicite en cours et l'indemnisation d'un fait
internationalement illicite.
51. Dès lors, si un État commet un acte répréhensible en ne mettant
pas fin à ses actions illicites ou en ne compensant pas pleinement
le préjudice causé, l'État lésé peut prendre des mesures pour convaincre
l'auteur de l'acte répréhensible d’honorer ses obligations en mettant
fin à ses actions et en s'acquittant de son obligation de réparation.
Dans ce scénario, si les États transfèrent des actifs à un mécanisme
international d’indemnisation, cela pourrait inciter la Fédération
de Russie à s'acquitter de son obligation de dédommager pleinement
l'Ukraine. Cette action pourrait également l’inciter à mettre un
terme à son comportement répréhensible et à s'aligner sur les normes
fondamentales qu'elle ignore. Pour ces raisons, le transfert d'actifs serait
considéré comme une contre-mesure juridique, car il serait vu comme
un moyen de faire respecter les obligations de l'État responsable
énoncées dans la deuxième partie des articles sur la responsabilité
de l'État pour fait internationalement illicite.
52. La deuxième condition de l'article 49 indique que les contre-mesures
doivent être temporaires. Elles ne peuvent que suspendre les obligations
de l'État lésé à l'égard de l'État responsable pendant une période limitée,
empêchant que le fait illicite soit considéré comme abusif pendant
cette période. Bien qu'aucune durée spécifique ne soit mentionnée,
on peut supposer que la mesure est légale tant que le comportement
illicite persiste, mais pas au-delà. Ce point est conforme à la
troisième exigence du paragraphe 3 de l'article 49, qui garantit
que la contre-mesure permet à l'État responsable et à l'État lésé
de s'acquitter à nouveau de leurs obligations mutuelles. Cette exigence
énonce que les contre-mesures doivent être réversibles et permettre ainsi
«la reprise de l’exécution des obligations en question». Dans l'affaire
du projet Gabčíkovo-Nagymaros, la Cour internationale de justice
a indiqué que les contre-mesures devraient avoir pour but d’inciter
l'État responsable à se conformer au droit international. Il ne
s'agit pas de fixer des délais stricts, mais de veiller à ce qu'un
État puisse recommencer à s'acquitter de ses obligations une fois
que le comportement illicite a cessé et que les contre-mesures ont
pris fin, comme l'a précisé la CDI.
53. En d'autres termes, les trois exigences de l'article 49 indiquent
clairement que les contre-mesures visent à encourager l'État responsable
à remplir ses obligations légales, dans le but de conduire au rétablissement de
relations juridiques normales entre les parties. Les contre-mesures
proposées mettraient essentiellement en suspens certaines obligations
internationales, par exemple le respect des actifs financiers ou
des accords de l'autre partie.
54. La notion d’entraide en droit international et dans les contre-mesures
s'articule autour d'une action unilatérale prise par un État seul,
ou conjointement avec d'autres États, dans le but de protéger ou
d'exécuter des droits et des obligations juridiques internationaux.
Les contre-mesures sont adoptées afin d’exprimer la position de
l'État réagissant qui considère que l'État cible a commis un fait
internationalement illicite. En d'autres termes, les sanctions institutionnelles
créent des relations «verticales» en matière d'application tandis que
les contre-mesures décentralisées créent des relations «horizontales»
entre l'État responsable et l'État réagissant. Dans ce cas, un groupe
d'États partageant les mêmes idées pourrait choisir de s'associer
à l’adoption de contre-mesures contre l'État cible. Dans ce contexte,
les mandats obligatoires des organisations internationales sont
inutiles et superflus
.
55. En vertu de l'article 54, la responsabilité d'un État pour
son comportement internationalement illicite peut être invoquée
soit par un «État lésé», soit, dans certaines circonstances, par
d'autres États qui ne sont pas directement lésés par ce comportement:
«Le présent chapitre est sans préjudice du droit de tout État, habilité en
vertu du paragraphe 1 de l'article 48 à invoquer la responsabilité
d'un autre État, de prendre des mesures licites à l'encontre de
ce dernier afin d'assurer la cessation de la violation ainsi que
la réparation dans l'intérêt de l'État lésé ou des bénéficiaires
de l'obligation violée.»
56. La notion d'obligations erga omnes en
droit international fait référence aux obligations dues par un État à
la communauté internationale dans son ensemble, plutôt qu'à des
États spécifiques. Ces obligations sont considérées comme des principes
fondamentaux du droit international qui transcendent des accords spécifiques
entre États et sont contraignants pour tous les États. Les obligations erga omnes comprennent des obligations
telles que l'interdiction du génocide, de l'esclavage, de l'agression
et certaines protections des droits humains. Les violations d’obligations erga omnes peuvent affecter tous
les États et les individus et donner lieu à des droits pour tout
État ou toute entité d'exiger la cessation du comportement illégal
et de demander réparation pour les préjudices causés. En ce qui
concerne les États tiers qui ne sont pas directement touchés par
les actes illicites de la Fédération de Russie, il est admis qu'ils
ont eux aussi un intérêt à exiger le respect des obligations erga omnes.
57. La CDI reconnaît la possibilité pour les États tiers de prendre
des contre-mesures en cas de violation d'obligations
erga omnes. L'article 54 des articles
sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite
prévoit une clause de sauvegarde qui ne limite pas le droit de tout
État d'invoquer l'article 48
relatif aux contre-mesures et de
prendre des mesures contre un État responsable de faits internationalement
illicites afin d’assurer la cessation de la violation et la réparation
dans l'intérêt de l'État lésé ou des bénéficiaires de l'obligation
violée. Il vise ainsi tous les États, et pas uniquement la victime
directe de l'agression.
58. Cette reconnaissance et cette réserve du droit de prendre
des contre-mesures par des États tiers dans l'intérêt du respect
des obligations erga omnes reflètent
la nature évolutive du droit international. Elles reconnaissent
l'existence d'une norme coutumière qui pourrait potentiellement
se développer afin que les États qui ne sont pas directement affectés
par une violation mais qui sont préoccupés par les implications
plus larges d'une violation des obligations erga
omnes puissent entreprendre de telles actions.
59. La règle d’interdiction du recours à la force est une norme
absolue du droit international qui s'applique à tous, et pas uniquement
au pays directement attaqué. En cas de guerre d'agression, tout
État ou groupe d'États peut demander des comptes à l'agresseur et
réclamer justice.
60. En outre, l'article 48 reconnaît que les pays tiers ont le
droit de demander des comptes à un État responsable d’une violation
comme suit:
1. Tout État autre
qu’un État lésé est en droit d’invoquer la responsabilité d’un autre
État, si: a) L’obligation violée est due à un groupe d’États dont
il fait partie, et si l’obligation est établie aux fins de la protection
d’un intérêt collectif du groupe; ou b) L’obligation violée est
due à la communauté internationale dans son ensemble.
2. Tout État en droit d’invoquer la responsabilité en
vertu du paragraphe 1 peut exiger de l'État responsable: a) La cessation
du fait internationalement illicite et des assurances et garanties
de non-répétition […]; et b) L’exécution de l’obligation de réparation
conformément aux articles précédents, dans l’intérêt de l’État lésé
ou des bénéficiaires de l’obligation violée.
61. Le recours à de telles contre-mesures est un moyen pour les
États de tirer parti de leur position collective et de l’obligation
qui incombe à l’État responsable d’indemniser les préjudices causés.
Il importe de veiller à ce que ces actions soient conformes au droit
international, proportionnées et respectueuses des droits des parties innocentes,
et qu’elles visent à encourager le respect des obligations internationales
et des principes de justice.
62. La contre-mesure proposée, à savoir le transfert d’avoirs
russes gelés vers un mécanisme international d’indemnisation en
vue du versement d'une indemnité à l'Ukraine ou à d'autres parties
affectées, remplit la condition de réversibilité telle qu’interprétée
par la CDI. Cette action permettrait de rétablir les relations juridiques
antérieures entre les parties concernées. La CDI souligne qu'il
faut éviter les contre-mesures causant des «dommages irréparables»
et suggère de choisir des mesures permettant la reprise des obligations
suspendues
.
Par exemple, lors du transfert d'avoirs gelés, les États pourraient
convenir que ces avoirs seront restitués si la Fédération de Russie
s'acquitte de ses obligations. Par ailleurs, les règles du mécanisme
d’indemnisation pourraient créditer la Fédération de Russie pour
les réparations payées, ce qui réduirait son obligation restante.
Si la valeur des avoirs dépasse les réparations dues, l'excédent
pourrait être restitué. De cette manière, le transfert ne porterait
pas préjudice à la Fédération de Russie de manière irréversible.
63. Des États ont déjà riposté face à de telles violations visées
à l'article 48 sans pour autant prétendre être lésés individuellement,
notamment en imposant des sanctions économiques
. On peut citer notamment l'exemple
de l'affaire États-Unis-Ouganda en 1978, qui a vu le Congrès américain
imposer des restrictions sur les exportations de biens et de technologies
à destination et en provenance de l'Ouganda, au motif que le Gouvernement
de l'Ouganda, sous la direction d'Idi Amin à l'époque, avait commis
un génocide à l'encontre des Ougandais. La raison d'être de cette
législation était de condamner et de dissocier les États-Unis de
tout gouvernement étranger engagé dans le crime international de
génocide.
64. Après l’invasion du Koweït par l’Iraq en 1990, les États ont
adopté des contre-mesures suite à l’échec des sanctions. La France,
le Royaume-Uni et les États-Unis ont ouvert la voie en transférant
les fonds gelés de l’État iraquien sur un compte séquestre international
afin de fournir une indemnisation sans le consentement volontaire
de l’Iraq. Par la suite, la Commission d'indemnisation des Nations
Unies a traité les demandes et a versé aux victimes des indemnités
pour les pertes et les dommages causés par l'invasion, provenant
en partie d'avoirs gelés
. De même, la Fédération de Russie
serait incitée à respecter son devoir et à indemniser ses victimes,
volontairement ou involontairement. Les droits de l’agresseur ne
prévalent pas sur les droits de ses victimes.
65. À la fin des années 1990, face à l'escalade de la crise et
à la détérioration de la situation humanitaire au Kosovo*
, les États membres de la Communauté européenne
ont pris des mesures collectives, notamment en adoptant une législation
qui gelait les fonds yougoslaves et imposait une interdiction immédiate
des vols aériens. Ces mesures ont finalement contribué à attirer
l'attention de la communauté internationale sur la situation au
Kosovo et ont ouvert la voie à de nouvelles initiatives et interventions
diplomatiques dans la région.
66. En ce qui concerne l'utilisation de contre-mesures par des
États tiers, la pratique des États a considérablement évolué depuis
2001. Cette évolution renforce l'importance de l'article 48 en tant
que représentation reconnue du droit international actuel. Le nombre
d’exemples de mise en œuvre a considérablement augmenté. Constatant
cette tendance, l'Institut de droit international a adopté, en 2005,
une résolution sur «Les obligations
Erga
Omnes en droit international», qui comprenait la disposition
suivante (article 5): «Si une violation grave, largement reconnue,
d’une obligation
erga omnes a
lieu, tous les États auxquels l’obligation est due: a) doivent s’efforcer
de mettre un terme à cette violation en recourant à des moyens licites
conformément à la Charte des Nations Unies; b) doivent ne pas reconnaître
comme licite une situation créée par cette violation; c) ont la
faculté de prendre des contre-mesures n’impliquant pas le recours à
la force dans des conditions analogues à celles qui s’appliquent
à un État spécialement atteint par la violation»
.
67. Le précédent créé depuis le conflit entre l'Irak et le Koweït
montre que l'indemnisation peut concerner non seulement les parties
directement impliquées dans un conflit mais aussi d'autres pays
touchés, des organisations internationales et des personnes ou entités
qui ont subi des pertes en raison de l'agression. Si le Koweït ou
les Koweïtiens ont reçu environ 80 % des indemnités, plus de dix
autres pays et organisations internationales ont également bénéficié
de compensations pour les dommages qu'ils ont subis pendant le conflit,
notamment les dommages environnementaux. Il s’agissait notamment
de l'Arabie saoudite, de l'Iran et d’Israël.
68. Dans le cas du conflit en Ukraine et des actions de la Fédération
de Russie, plusieurs dimensions sont à prendre en compte pour une
demande d'indemnisation. Outre son impact direct sur l'Ukraine et
ses citoyens, l’invasion a des répercussions sur les pays voisins,
les entreprises, les investisseurs et les personnes déplacées. Ces
parties peuvent avoir des demandes légitimes d'indemnisation découlant
du droit international en raison des dommages subis à la suite du
conflit.
69. Au cours des vingt dernières années, des mesures telles que
le gel des avoirs d'un État responsable de violations et la mise
en œuvre de sanctions économiques ont été fréquemment utilisées.
Ces mesures ont souvent été employées par des États qui n'étaient
pas directement touchés en réponse aux violations, commises par
l'État responsable, des obligations dues à la communauté internationale
dans son ensemble. Citons notamment les exemples suivants: 1) en
2011, la Suisse et les États-Unis ont gelé les avoirs du colonel Kadhafi
et de la Banque centrale libyenne; 2) en mars 2011, les États membres
de l'Union européenne ont imposé des mesures en gelant les avoirs
du président Al-Asad et de la Banque centrale de Syrie. À ce jour, 83
États et organisations internationales ont accueilli avec satisfaction
ces sanctions adoptées par l'Union européenne; 3) en mars 2014,
les États membres de l'Union européenne, l'Australie, le Canada,
le Japon, le Liechtenstein, la Suisse et les États-Unis ont imposé
des mesures contre la Fédération de Russie pour son rôle déstabilisateur
en Ukraine; 4) depuis l'invasion de l'Ukraine, les États membres
de l'Union européenne et 14 autres États plus Taïwan ont adopté
un large éventail de mesures contre la Fédération de Russie, notamment
des gels d'avoirs, des sanctions économiques et financières, des
saisies de biens; 5) l’Union européenne et d'autres États ont adopté
des mesures contre le Myanmar en 2000, le Zimbabwe en 2002 et le Bélarus
en 2004.
70. Il importe de noter que les mesures prises auraient été considérées
comme illégales si elles avaient été adoptées en l'absence d'un
comportement internationalement illicite de l'État visé. Dans le
cadre des articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement
illicite, leur caractère illégal n’a été occulté que parce qu’elles
avaient été mises en œuvre en tant que contre-mesures visant à réagir
au comportement illicite de l'État ciblé. Les mesures adoptées par
les États non directement touchés ont donc été considérées comme justifiées
parce qu’il s’agissait de contre-mesures légitimes adoptées conformément
à la deuxième partie, chapitre II des articles sur la responsabilité
de l’État pour fait internationalement illicite.
71. Le but des contre-mesures devrait donc plutôt être constructif
que punitif. Conformément au droit sur les contre-mesures, certaines
mesures pouvant s’avérer illégales peuvent être justifiées si des
conditions spécifiques sont remplies, notamment: a) offrir une riposte
face au comportement illicite d'un État, b) mettre fin à ce comportement
ou en assurer la réparation, c) être proportionnées à la gravité
de l'acte répréhensible et du préjudice qui en résulte, d) prendre
fin lorsque la conformité est respectée, et e) permettre une reprise
des relations normales dès que la conformité est respectée. Chaque
État qui utilise des contre-mesures doit veiller à ce que ces conditions
soient remplies. La décision de prendre des contre-mesures relève
de l'autorité de chaque État souverain, ce qui en fait une obligation
décentralisée et volontaire.
72. En outre, pour satisfaire à la condition de proportionnalité
énoncée à l'article 51, les contre-mesures doivent être adaptées
à la gravité du préjudice subi par l'État lésé et à la gravité du
comportement fautif de l'État responsable. De plus, pour satisfaire
à l'article 53, ces contre-mesures devraient prendre fin rapidement dès
que l'État responsable recommence à respecter ses obligations internationales.
73. En ce qui concerne leur légalité, il n'existe pas de distinction
vraiment significative entre le gel des avoirs d'un autre État et
leur transfert à la victime du comportement illicite à titre de
réparation du préjudice subi. Si le transfert d'avoirs va plus loin
que leur simple gel, les deux mesures seront considérées comme légales
si elles sont exécutées en réaction à une violation d'obligations
découlant d'une norme internationalement reconnue du droit international.
Ces mesures auront pour but d’inciter à la cessation du comportement
illicite ou à la réparation du préjudice infligé à l'État lésé.
74. Ainsi, la création d'un fonds ou d'un mécanisme destiné à
traiter toutes les demandes diverses pourrait effectivement fournir
un moyen structuré d'évaluer et de compenser les dommages subis
par les différentes parties prenantes en raison de l'invasion illégale
de l'Ukraine par la Fédération de Russie. Ce fonds pourrait couvrir
une série de pertes, notamment les dommages causés aux infrastructures,
les impacts sur l’environnement, les pertes économiques subies par
les entreprises et les investisseurs, ainsi que les coûts associés
à l'accueil et au soutien des personnes déplacées. Toutefois, la
création et l'administration d'un tel fonds nécessiteraient une
réflexion approfondie, une coopération internationale et l'adhésion
à des principes juridiques afin de garantir l'équité et l’obligation
de rendre compte dans le traitement des dommages multiformes causés
par le conflit.
75. Le Registre des dommages déjà établi va entreprendre le processus
laborieux d’enregistrement des pertes ukrainiennes en préparation
d’une procédure internationale de réclamation - par exemple, par l’intermédiaire
d’un fonds international d’indemnisation et d’une commission internationale
chargée de l’examen des réclamations pour dommages consignées dans
le registre. Mais un long et difficile processus de réclamations
ne peut pas répondre rapidement à l’immense perturbation de l’économie
et de la société ukrainiennes. Grâce à des contre-mesures, les pays
qui ont gelé des avoirs russes peuvent élaborer avec souplesse des
programmes massifs de reconstruction et de redressement tout en
finançant un processus visant à indemniser d’autres États et requérants
lésés.
76. La légitimité des contre-mesures proposées reste indiscutable
même dans le cadre de l'immunité souveraine, qui fonctionne comme
un principe empêchant les tribunaux nationaux d'un État de statuer
sur les actions gouvernementales d'un autre État ou de saisir les
actifs de cet État. Les contre-mesures examinées ne pourraient faire
l’objet d’une action judiciaire. Il faudrait, en revanche, qu’elles
soient strictement exécutées par la branche exécutive du gouvernement
et établies par des lois ou des résolutions du Conseil des Ministres au
sein des systèmes parlementaires.
77. Si l'article 52 énonce les conditions préalables requises
pour qu'un «État lésé» prenne des contre-mesures, ces mêmes conditions
s'appliqueraient également aux autres États qui envisagent de prendre
de telles mesures. Dès lors, un État qui veut imposer des contre-mesures
à la Fédération de Russie pour son agression internationalement
illicite contre l'Ukraine doit d’abord lui avoir demandé de remplir
ses obligations juridiques internationales. Cela implique la cessation
de l'agression, le retrait des forces russes du territoire ukrainien
et l'indemnisation de l'Ukraine et des autres parties touchées pour
les dommages résultant du comportement illicite. En outre, l'État
en question doit notifier à la Fédération de Russie son intention
de prendre des contre-mesures et lui faire une offre de négociation
sur le respect des obligations. On pourrait considérer à cet égard
que ces exigences ont été satisfaites grâce à l'adoption de résolutions
par l'Assemblée générale des Nations Unies, compte tenu de leur
contenu et des déclarations qui les appuient. Cela étant, le fait
de satisfaire à ces conditions préalables de manière indépendante
ne devrait pas poser de problèmes majeurs.
3.5. Un
front uni contre l’agression
78. L’utilisation des avoirs gelés
ou saisis comme moyen de financer un programme de relance de l’Ukraine servirait
à la fois d’avertissement et de démarche stratégique ayant des implications
plus larges. Une telle action montrerait les répercussions importantes
de la violation des normes mondiales et de l’engagement dans des
guerres d’agression. Elle rappellerait l’interdépendance du monde
et la responsabilité collective pour faire respecter le droit international
et d’empêcher que de tels actes soient commis sans contrôle.
79. De plus, la création d’un programme européen de relance centré
sur l’Ukraine, financé par des avoirs russes, présente une approche
multidimensionnelle. Non seulement il fournirait un moyen de faciliter
la relance et la reconstruction de l’Ukraine après le conflit, mais
il servirait également à contrer la stratégie d’usure et de ruine
de Moscou.
80. En utilisant les avoirs restés entre les mains de pays libres,
cette approche permettrait de transformer une erreur de la part
de la Fédération de Russie en une opportunité pour la communauté
internationale de créer un impact positif. Elle répondrait non seulement
aux besoins immédiats de la relance mais soulignerait également
une position ferme contre l’agression et un engagement visant au
respect des normes mondiales, mettant en évidence le potentiel de
l’action collective en direction d’un changement positif.
4. Le
paysage institutionnel européen et mondial
4.1. L’Union
européenne
81. La coopération entre le Conseil
de l’Europe et l’Union européenne est marquée par une relation complémentaire
visant à promouvoir et à défendre des valeurs communes, en particulier
dans les domaines de la démocratie, des droits humains et de l’État
de droit. Ce partenariat garantit une approche plus unifiée et plus
globale de la défense des principes démocratiques et des droits
humains dans notre région.
82. Le Conseil de l’Europe a élaboré de nombreuses conventions
et instruments juridiques axés sur les droits humains, l’État de
droit et la démocratie. L’Union européenne aligne souvent sa législation
et ses politiques sur ces normes et, dans certains cas, l’adhésion
aux conventions du Conseil de l’Europe est une condition préalable
à l’adhésion à l’Union européenne. Le nouveau contexte géopolitique
rend encore plus nécessaire l'approfondissement du partenariat entre
le Conseil de l'Europe et l'Union européenne.
4.2. Le
G7
83. Les dirigeants du G7 ont fermement
condamné les actions de la Fédération de Russie, qualifiant l’attaque
contre l’Ukraine d’agression non provoquée et injustifiée
. Cette condamnation repose sur
le postulat selon lequel les actions de la Fédération de Russie
violent plusieurs accords et engagements internationaux, notamment:
1) droit international: cette attaque est considérée comme une violation
grave du droit international et une violation de la Charte des Nations
Unies, qui met l’accent sur le respect de la souveraineté et de
l’intégrité territoriale de tous les États membres; 2) l’Acte final
de Helsinki et la Charte de Paris: les actions de la Fédération
de Russie sont considérées comme des transgressions contre les principes qui
y sont énoncés et qui soulignent l’importance du respect de la souveraineté
et des frontières des États européens; 3) le mémorandum de Budapest:
signé en 1994, il assurait l’intégrité territoriale et la sécurité
de l’Ukraine en échange de la renonciation de l’Ukraine à son arsenal
nucléaire. Les dirigeants du G7 considèrent les actions de la Fédération
de Russie comme une violation directe de cet accord.
84. Le langage fort utilisé par les dirigeants du G7 met l’accent
sur la gravité des actes de la Fédération de Russie, soulignant
leur conviction selon laquelle ces actes constituent une violation
de divers accords et principes internationaux fondamentaux pour
la paix et la stabilité mondiales. Cette condamnation souligne leur consensus
à l’encontre de telles violations du droit international et des
engagements internationaux.
85. La question des contre-mesures a été examinée en décembre 2023
par les ministres des Finances du G7 et leurs suppléants. Les États-Unis
ont proposé que des groupes de travail au sein du G7 étudient des méthodes
permettant d'accéder aux quelque 300 milliards $US d'avoirs russes
gelés
. Cette initiative s'inscrit dans
le cadre des efforts collectifs déployés par les pays alliés pour
élaborer un plan qui soit prêt pour le deuxième anniversaire de
l'invasion de grande ampleur de l'Ukraine par Moscou. Plus précisément,
les États-Unis, soutenus par le Royaume-Uni, le Japon et le Canada,
ont suggéré d'avancer les travaux préparatoires afin de veiller
à ce que les stratégies potentielles soient prêtes pour un rassemblement
des dirigeants du G7 qui pourrait avoir lieu autour du 24 février,
coïncidant avec l'invasion illégale de l'Ukraine en 2022.
4.3. L’Organisation
des Nations Unies
86. La relation entre l’ONU et
le Conseil de l’Europe se caractérise par la reconnaissance de leurs
atouts et de leur expertise respectives. Alors que le Conseil se
concentre sur l’Europe au niveau régional, il contribue de manière
significative aux discussions mondiales en matière de droits humains
et de normes juridiques. Ce partenariat permet une pollinisation
croisée des idées et des normes, contribuant à une approche plus
unifiée dans la promotion de valeurs et de principes communs à l’échelle
mondiale.
87. L’adoption de la
Résolution
A/RES/ES-11/1 sur l’«Agression contre l’Ukraine» par l’Assemblée générale des Nations Unies le 2 mars
2022 démontre une importante condamnation mondiale des actions de
la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Cette résolution condamne
fermement l’agression de la Fédération de Russie, notant en particulier
que ces actions violent l’article 2(4) de la Charte des Nations
Unies, qui interdit le recours à la force contre l’intégrité territoriale
ou l’indépendance politique de tout État.
88. La résolution souligne la demande envers la Fédération de
Russie de cesser immédiatement l’usage de la force contre l’Ukraine.
Elle appelle en outre au retrait complet et inconditionnel de toutes
les forces militaires russes du territoire de l’Ukraine à l’intérieur
de ses frontières internationalement reconnues.
89. En outre, l’Assemblée générale des Nations Unies a approuvé
la création d’un mécanisme international d’indemnisation de l’Ukraine
pour les pertes, dommages et préjudices subis pendant la guerre.
La Résolution A/RES/ES-11/5 recommande la création d’un «registre
international des dommages qui servira à recenser [...] les éléments
tendant à établir les dommages, pertes ou préjudice causés à toute
personne physique et morale concernée et à l’État ukrainien par
les faits internationalement illicites commis par la Fédération
de Russie en Ukraine ou contre l’Ukraine [...]». Par la suite, le
Conseil de l’Europe a établi un Registre des dommages causés par
l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine.
5. La
voie à suivre
90. Le Conseil de l’Europe, en
tant que la plus ancienne institution européenne, doit diriger ce
processus et montrer l’exemple. Fort de son travail axé sur la démocratie,
les droits humains et l’État de droit, le Conseil de l’Europe devrait
jouer un rôle important en soutenant les efforts de reconstruction
en Ukraine, par la saisie des avoirs de l’État russe.
91. Le contexte instable de sécurité mondiale et régionale exige
un engagement renouvelé en faveur de valeurs communes entre tous
les États membres, en particulier en ce qui concerne les questions
critiques telles que la reconstruction de l’Ukraine au lendemain
du conflit.
92. La saisie des avoirs de l’État russe et la mise en place d’un
mécanisme global d’indemnisation exigent un effort unifié et concerté
dans le cadre du droit international, et le Conseil de l’Europe
devrait servir de plateforme aux États membres pour discuter et
coordonner les actions concernant ces avoirs. L’engagement de l’Organisation
à défendre des valeurs communes constituera une base pour une action
collective en faveur de la reconstruction de l’Ukraine.
93. Pour soutenir la reconstruction de l’Ukraine, il est essentiel
que toute action proposée soit conforme au droit international et
s’aligne sur les valeurs et les principes défendus par le Conseil
de l’Europe. Cette approche garantit un engagement responsable et
légitime pour relever les défis de sécurité régionale.
94. Alors que nous assistons à un moment crucial au XXIe siècle
et que nous maintenons et renforçons notre unité contre cette agression,
nous devrions être constants dans notre objectif de fortifier l’Ukraine
afin que les conséquences – y compris celles de nature financière
– de l’agression menée par la Fédération de Russie servent de dissuasion
contre toute autre agression future.