AS (2012) CR 02

SESSION ORDINAIRE DE 2012

________________

(Première partie)

COMPTE RENDU

de la deuxième séance

Lundi 23 janvier 2012 à 15 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 5, sous la présidence de M. Mignon, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT – La séance est ouverte.

1. Rapport d’activité du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente (suite)

LE PRÉSIDENT – L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le rapport d'activité du Bureau de l'Assemblée et de la Commission permanente.

La parole est à M. Harutyunyan.

M. HARUTYUNYAN (Arménie)* – Monsieur le Président, je joins mes félicitations à toutes celles exprimées par mes collègues et je tiens à vous assurer que nous vous soutiendrons pour rendre notre Organisation plus visible en Europe.

Venons-en au rapport d’activité du Bureau.

Chers collègues, voici une année le Bureau avait décidé, sous la pression de son président, de constituer une commission ad hoc sur le Haut-Karabakh. Il s’agit malheureusement d’une décision adoptée sans tenir compte de la position de la délégation arménienne. Il est regrettable, tant sur le fond que sur la forme, que le Bureau ait oublié de solliciter l’avis de certains pays sur la constitution de ladite commission.

Aujourd’hui, l’attitude du Bureau a été encore plus biaisée qu’il y a un an puisque l’on a discuté de la reconduction de cette commission sans inviter les délégations des pays concernés.

La question n’a pas été bien traitée : le Bureau a pris la décision trop rapidement, sans suivre les procédures habituellement en vigueur au sein de cette Assemblée, ce qui est regrettable sans toutefois être surprenant compte tenu de certaines attitudes extrémistes de M. Çavuşoğlu à l’encontre de l’Arménie.

La délégation arménienne n’a pas participé aux travaux de la commission ad hoc mise en place. Un an plus tard, on peut donc dire avec certitude que, comme prévu, la commission ad hoc n’a pas permis d’obtenir des résultats concrets.

La mise en place de cette instance, si elle ne représente aucun progrès pour le processus de paix, peut, de surcroît, affaiblir le rôle de notre Organisation pour ce qui concerne les mesures à même d’instaurer la confiance entre les deux délégations concernées. Nous pensons que cette commission a été créée pour servir de plate-forme visant à véhiculer une rhétorique négative et des accusations.

La délégation arménienne a indiqué à de nombreuses reprises qu’elle ne participerait pas à ce type d’exercice, à son sens totalement contre-productif. La délégation arménienne n’a donc pas participé aux réunions de la commission l’an dernier.

En revanche, nous avons proposé certaines mesures visant à instaurer un climat de confiance entre les délégations. Toutes les parties impliquées pourraient notamment observer un moratoire et ne plus prononcer d’accusations. Hélas, personne n’a tenu compte de ces suggestions.

La situation nous paraît donc alarmante. Nous nous interrogeons sur les véritables motivations qui ont présidé à la mise en place de cette nouvelle commission.

Je le répète donc : la position de l’Arménie n’a pas changé. Nous ne participerons pas aux travaux de cette commission ad hoc.

LE PRÉSIDENT – Je tiens à rectifier un point.

Lors de sa réunion de ce matin, à laquelle j’ai participé, le Bureau n’a rien décidé du tout. Il a simplement pris acte du rapport qui a été fait au nom de la commission ad hoc et l’a approuvé. Le président Çavuşoğlu l’avait parfaitement expliqué. Nous n’avons pas pris la décision de reconduire ou de remettre en place quelque commission ad hoc que ce soit. Je tenais à vous le préciser pour votre parfaite information.

En l'absence de Mme Ċigāne, inscrite dans le débat, la parole est maintenant à M. Rigoni.

M. RIGONI (Italie)* – Monsieur le Président, vous êtes un excellent ami et je tiens à vous souhaiter un excellent travail dans l’exercice de vos fonctions. Je suis tout à fait convaincu que vous contribuerez à accroître la crédibilité de notre Assemblée.

Je souhaite évoquer ce qui me paraît être le plus grand spectacle depuis le Big Bang : les élections législatives qui ont eu lieu le 4 décembre dernier en Russie.

Certes, il faut des décennies pour satisfaire aux normes fixées par le Conseil de l’Europe, mais la Russie avance trop lentement. Elle tend même, reproduisant un modèle ancien qui n’a jamais été celui de la démocratie, à identifier l’Etat au parti majoritaire. Il est difficile, je le sais, de gérer un pays aussi grand : d’une superficie de 17 millions de kilomètres carrés, il est deux fois plus grand que le reste de l’Europe et s’étend sur neuf fuseaux horaires. Sa société est très diverse, tant du point de vue des revenus que de celui des traditions, de la culture et de la langue.

Pour autant, les Russes ne sont pas satisfaits de la situation. Comme je l’ai constaté, ils veulent être plus européens.

La crédibilité du pays s'est réduite à l’étranger. Tout le monde, d’ailleurs, critique la manière dont se sont tenues ces élections.

Les résultats obtenus par le parti au gouvernement prouvent qu’il y a des difficultés.

La vérité est que les Russes, en particulier les jeunes, sont proches de l’Europe. Ils veulent constater les signes d’un véritable changement concret. Ils veulent un processus démocratique pour leur pays.

Pour la première fois, j’ai constaté une certaine nervosité et, également, une certaine confusion dans l’esprit de ceux qui doivent prendre les décisions importantes en Russie. Trop de mesures sont prises en faveur du parti au pouvoir.

Or le moment me paraît venu pour engager un nouveau processus de réformes. C’est nécessaire. Il ne faut pas revenir en arrière. Une nouvelle génération politique doit lutter contre la corruption et la bureaucratie dont souffre la Russie, doter le pays d’une magistrature indépendante des pouvoirs économiques et politiques et consacrer la liberté des grands médias afin de permettre à chacun de s’exprimer.

Il nous faut ouvrir une nouvelle phase afin que la Russie s’ouvre à la démocratie plutôt que de se replier sur elle-même. Il nous faut absolument aider et encourager la Fédération de Russie et ceux qui la gouvernent sur la voie d’un changement durable et irréversible. Les institutions publiques doivent également, dans une certaine mesure, s’ouvrir à la société civile.

La Fédération de Russie est à un tournant. J’espère que ceux qui sont à la tête de ce pays sauront saisir cette occasion. L’Europe ne demande finalement rien d’autre que ce que demandent tous les Russes eux-mêmes : l’élection présidentielle du 4 mars doit être une élection digne de ce nom.

LE PRÉSIDENT – En l'absence de M. Marcenaro, inscrit dans le débat, la parole est maintenant à M. Santini.

M. SANTINI (Italie)* – Je tiens, moi aussi, à vous féliciter, Monsieur le Président, pour votre élection. Le discours que vous avez prononcé ce matin revendique un idéal qui s’inscrit dans la continuité de l’action de M. Çavuşoğlu. Grâce à vous deux, notre Assemblée est aujourd’hui plus dynamique, et cela me semble essentiel. Ce nouveau souffle démocratique doit perdurer.

Que M. Çavuşoğlu ait présidé notre Assemblée a également une forte signification politique à l’heure où l’Europe tout entière est encore en train d'envisager la possibilité d’une adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Si une crise l’oppose toujours à Chypre, ce pays a grandement avancé sur la voie de l’occidentalisation, et je n’emploie pas ce terme en un sens péjoratif. La Turquie est un pays moderne, qui peut parler avec tous les pays de l’Union européenne et du monde sur un pied d’égalité.

Le Président Çavuşoğlu a su apporter une forme de modernité alors qu’il était issu d’une société particulière. Non seulement la Turquie a toujours été considérée comme une porte de l’Occident vers l’Orient, mais cette porte nous semble de plus en plus ouverte. La Turquie nous paraît de plus en plus un lieu de débat et de discussion démocratique.

Faisant le bilan des activités du Conseil de l’Europe, nous notons le rôle qu’il a pu jouer dans un certain nombre d’événements dans le monde entier. Pour ma part, je songe plus particulièrement au Printemps arabe, qui n’est pas si éloigné dans le temps, qui n’est pas non plus si éloigné géographiquement de la Turquie.

Ce mouvement a bouleversé l’image d’un certain nombre de pays, en permettant une transformation démocratique, même si elle est difficile. Nous aurons certainement l’occasion d’en parler de manière plus approfondie au cours du débat qui suivra, lorsque nous traiterons de la visite effectuée par l’une de nos commissions en Turquie, dans un certain nombre de camps de réfugiés syriens. La Syrie est encore en pleine ébullition.

S’agissant de l’impact du Traité de Lisbonne, il est important de nouer un dialogue avec les institutions de l’Union européenne. C’est même fondamental pour relancer notre activité et dépoussiérer, si j’ose dire, un Conseil de l’Europe qui a déjà soixante ans.

Enfin, je lance un appel à notre nouveau Président : ouvrez toujours plus, Monsieur le Président, cette Assemblée à la presse, offrez toujours plus la possibilité de communiquer vers l’extérieur pour que nos travaux soient connus et nos positions comprises. C’est ainsi que nous retrouverons une nouvelle jeunesse.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Slutsky.

M. SLUTSKY (Fédération de Russie)* – Mes chers collègues, je voudrais saluer le brillant rapport de notre Président sortant, M. Çavuşoğlu. Son travail fait honneur au Conseil de l’Europe qui, sous son égide, s’est efforcé de mettre fin aux clivages en Europe et de résoudre des conflits anciens. M. Çavuşoğlu a recherché des méthodes nouvelles et innovantes, et on peut affirmer sans exagération qu’il a inscrit son nom en lettres d’or dans le grand livre de notre Organisation. Je veux donc le remercier chaleureusement pour son travail remarquable à la tête de l’Assemblée parlementaire. M. Çavuşoğlu s’est montré disponible pour toutes les délégations sans exception. Nous lui en sommes très reconnaissants.

S’agissant du rapport de M. Kox, il offre un regard objectif sur les dernières élections législatives en Fédération de Russie, celui du Conseil de l’Europe, mais aussi celui d’une autre institution démocratique, l’OSCE. Pour la première fois en vingt ans, celle-ci a fait une évaluation positive des élections dans la Fédération de Russie.

De manière générale, il me semble dangereux d’aviver les tensions, et je crois que l’on doit se garder de diffuser des idées négatives sur la future élection présidentielle en Russie. Nous allons d’ailleurs débattre de cette question jeudi matin au sein de l’Assemblée. Une mission d’observation doit, bien entendu, être envoyée en Fédération de Russie pour les élections du 4 mars prochain, mais je suis certain que mon pays continuera de répondre aux exigences du Conseil de l’Europe.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Gross.

M. GROSS (Suisse)* – Je ne souhaite pas, pour ma part, aborder la situation de la Russie, sur laquelle nous reviendrons prochainement. En revanche, je voudrais dire la honte que nous ressentons alors que le gouvernement d’un pays situé au centre de l’Europe bafoue ouvertement les droits de l’homme et la liberté de pensée et d’expression. Au cours de la semaine, les sociaux-démocrates européens dénonceront chaque fois qu’ils le pourront cette situation tout à fait inacceptable.

Deux éléments manquent selon moi dans le rapport de M. Çavuşoğlu. Aujourd’hui, seuls 30 % des citoyens européens croient en la démocratie en Europe. Pour nous, qui représentons la maison de la démocratie – ou plutôt l’hôpital de la démocratie –, c’est très alarmant. Dans plusieurs pays européens, 50 % des jeunes de moins de 25 ans n’ont pas de perspectives de travail rémunéré. C’est également très préoccupant et notre groupe prépare un rapport qui montrera que la précarité sociale sape les bases de la démocratie. Quelqu’un qui a faim ne peut plus croire en elle, c’est évident !

Autre point manquant dans le rapport : la Tunisie. Depuis un an, ce pays a déployé de très importants efforts pour soutenir la démocratisation de ses institutions. Un an après la révolution, de véritables institutions existent et l’assemblée constituante fonctionne de manière très satisfaisante. Néanmoins, un problème subsiste, que les Tunisiens ne cessent de dénoncer. Un tiers d’entre eux n’ont pas d’emploi et, pour eux, la démocratie est un luxe. Tous les pays du Bassin méditerranéen connaissent un taux de chômage important. Nous devons les aider à lutter contre ce phénomène, sans quoi la démocratie parlementaire ne pourra réellement se développer dans cette région du monde.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Fedorov.

M. Valeriy FEDOROV (Fédération de Russie)* – Nous sommes très reconnaissants à l’égard de M. Çavuşoğlu pour le travail qu’il a accompli à la présidence de l’Assemblée. Tous nos vœux accompagnent par ailleurs M. Mignon dans sa nouvelle fonction.

Dans la Fédération de Russie, après les élections, la commission électorale centrale a publié ses résultats et la Douma s’est mise au travail de manière fructueuse. Notre loi électorale répond aux normes européennes et, d’après les évaluations d’experts indépendants, les électeurs ont pu faire entendre leur voix conformément aux normes démocratiques. Des réformes sont toutefois en cours en Russie et elles se poursuivront à l’avenir.

En Russie, ceux qui n’ont pas su convaincre les électeurs ont dénoncé des fraudes électorales. Les perdants sont souvent furieux. Au football, l’équipe qui perd accuse toujours le temps, le terrain ou l’arbitre. Les manifestations qui ont eu lieu sont regrettables. On ferait mieux de régler les problèmes, si tant est qu’il y en ait, dans les tribunaux plutôt que dans la rue. Il est normal que chacun puisse s’exprimer sur le processus des élections, mais à condition que cela reste dans le cadre de la loi.

Le 15 décembre 2011, le Conseil de la Fédération du Parlement de Russie a dénoncé une ingérence flagrante de l’Union européenne dans les affaires intérieures de la Russie. On continue à brosser de notre pays un portrait effrayant, qui foule aux pieds les principes démocratiques les plus fondamentaux. Tout cela rappelle une époque révolue et ne permettra pas de renforcer la confiance entre les peuples, bien au contraire. Sans preuve aucune, les Européens crient au feu mais, sans enquête approfondie, une condamnation serait tout à fait arbitraire. En supposant même que les 3 000 plaintes déposées soient réellement fondées, elles ne concerneraient que 0,5 % des 60 millions d’électeurs russes. Je rappelle, enfin, que la commission d’enquête et les organes judiciaires ont l’intention d’examiner les plaintes déposées avec le plus grand soin.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Chagaf.

M. CHAGAF (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Permettez-moi, Monsieur le Président, de présenter mes remerciements au Président sortant pour l’effort qu’il a fourni en soutenant l’adhésion du Maroc au statut de partenaire pour la démocratie.

Je vous félicite, Monsieur le Président, pour votre élection à la tête de cette prestigieuse Assemblée, tout en vous souhaitant plein succès.

Je tiens aussi à féliciter le rapporteur ainsi que les membres de la délégation pour l’observation des élections législatives du 25 novembre au Maroc pour leur travail remarquable, efficace et professionnel ainsi que pour leur rapport pertinent et précis. Leurs conclusions indiquent d’une façon claire et nette que le Maroc a franchi une étape importante vers la consolidation de l’Etat de droit, des droits de l’homme, des libertés et de la démocratie.

Si le Maroc a marqué l’exception dans un contexte régional de soulèvement des peuples arabes, c’est grâce à la volonté commune du roi, des partis politiques et de la société civile qui ont choisi le chemin du changement pacifique à travers la réforme, loin de toute confrontation et de toute répression. Il faut dire que cette volonté basée sur le dialogue politique s’est installée depuis plus de douze ans par l’arrivée au pouvoir du gouvernement d’alternance qui a marqué l’histoire du Maroc par d’importantes réformes politiques, socio-économiques et en matière de droits de l’homme. C’est ainsi qu’a été instaurée l’instance Equité et réconciliation pour permettre au peuple marocain de se réconcilier avec son passé. Les réformes portaient aussi sur le Code de la famille pour une meilleure intégration de la femme, sur la liberté d’expression et enfin sur une proposition d’autonomie pour les provinces sahariennes afin de mettre un terme à un conflit qui n’a que trop duré.

Le Printemps arabe vient accélérer le rythme de ces réformes par l’adoption d’une constitution qui a créé un nouvel équilibre institutionnel. Le Premier ministre est devenu président du gouvernement. Il est désigné démocratiquement dans le parti ayant remporté les élections législatives. La justice est devenue plus indépendante, la parité homme-femme a été institutionnalisée, enfin le Parlement dispose de davantage de pouvoir.

Les élections du 25 novembre, libres et transparentes, ouvrent une nouvelle page dans l’histoire démocratique du Maroc. L’Assemblée élue se verra conférer la lourde tâche de la déclinaison démocratique de la nouvelle Constitution.

Malgré tout, le chemin est encore long. Les Marocains auront sûrement besoin de l’expertise de votre honorable Assemblée en termes de démocratie, d’Etat de droit et de droits de l’homme. Il est de notre responsabilité de faire bénéficier notre gouvernement de cette expertise par le moyen de pressions et de propositions de lois.

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, il nous faut maintenant interrompre l’audition des orateurs. Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pas pu s’exprimer, peuvent déposer sous 24 heures leur intervention dactylographiée au service de la séance pour publication au compte rendu.

La parole est à M. Ghiletchi, pour un rappel au Règlement.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Monsieur le Président, ce matin vous avez dit qu’il faudrait interrompre la liste des orateurs et en même temps, vous avez dit que nous pourrions continuer de nous exprimer au cours du débat libre. Les orateurs inscrits sur cette liste pourront-ils s’exprimer au cours du débat libre ?

LE PRÉSIDENT – Nous nous sommes effectivement accordé trente minutes supplémentaires de manière à écouter des orateurs supplémentaires. Malheureusement, je suis obligé d’interrompre la liste puisque notre Secrétaire Général, M. Jagland, doit faire une déclaration devant notre Assemblée parlementaire. En ce qui concerne le débat libre, des orateurs sont déjà inscrits. Je ne peux pas y ajouter la liste des orateurs n’ayant pas pu s’exprimer dans le débat. Cela nécessitera peut-être des modifications. Le débat libre est une première. En l’occurrence aujourd’hui, c’est impossible.

Je le répète, celles et ceux qui sont inscrits dans le débat et qui sont présents en séance ont la possibilité comme à l’accoutumée de déposer leur intervention au service de la séance afin que celle-ci figure en annexe au compte rendu.

La parole est à M. Çavuşoğlu, pour répondre aux intervenants.

M. ÇAVUŞOĞLU (Turquie)rapporteur* – Je tiens simplement à remercier mes très chers collègues et amis qui ont exprimé des avis très positifs me concernant ainsi que pour ma présidence. Tous les résultats mentionnés dans mon rapport ainsi que par les collègues ont été rendus possibles grâce à notre action commune.

Je remercie également mon ami, M. Harutyunyan. J’espère que nous resterons encore amis, mais ce qu'il a dit n’est pas vrai. En tant qu’hommes politiques, nous devons dire la vérité aux membres de cette Assemblée et faire de même auprès de notre population. La commission ad hoc a été créée en 2005 par cette Assemblée. Ce n’est pas la première fois que cette commission était mise en place. Je lui demande de dire la vérité à ce sujet. Nous sommes de jeunes hommes politiques. Nos méthodes sont différentes. Ne revenons pas aux vieilles méthodes qui ont montré leurs défauts.

Mes chers collègues, je tiens de nouveau à vous remercier pour vos propos positifs à mon égard, de votre confiance et de votre soutien.

LE PRÉSIDENT – Tous les compliments qui vous ont été adressés, Monsieur Çavuşoğlu, sont parfaitement justifiés.

Mesdames, Messieurs, avant de procéder à l’approbation du rapport d’activité, nous devons nous prononcer sur les propositions du Bureau figurant dans les annexes au rapport d’activité.

Le Bureau a décidé de proposer à la ratification de l’Assemblée la saisine de commissions qui figure dans le rapport et l’addendum.

Il n’y a pas d’objection ?...

Ces saisines sont ratifiées.

LE PRÉSIDENT – Nous devons maintenant nous prononcer sur les autres propositions du Bureau figurant dans son rapport d’activité.

Y a-t-il une objection à l’approbation de ces propositions ?...

Ce n'est pas le cas.

Les autres propositions du Bureau sont approuvées à l’unanimité.

LE PRÉSIDENT – Félicitations à M. Çavuşoğlu. C’est pour lui une belle récompense pour son labeur au cours des deux années qui viennent de s’écouler. Merci aussi au Bureau.

2. Communication de M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle une communication de M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, qui sera suivie de questions des membres de l’Assemblée.

Je voudrais dire à M. Jagland tout le plaisir que j’ai à siéger à ses côtés. Cette relation dure depuis deux ans. Je suis intimement convaincu que nous allons faire du bon travail ensemble.

Monsieur le Secrétaire Général, vous avez la parole.

M. JAGLAND, Secrétaire Général du Conseil de l'Europe* – Monsieur le Président, je vous félicite pour votre élection. J’ai écouté votre discours avec attention et j’attends impatiemment de travailler avec vous. Je remercie également M. Çavuşoğlu pour l’énergie dont il a fait preuve. Monsieur Çavuşoğlu, vous avez été pragmatique, digne de confiance et, comme tel, un très grand Président !

En 2011, le Conseil de l’Europe a ajouté deux nouveaux traités à son arsenal coercitif : la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence faite aux femmes et la violence domestique ainsi que la Convention relative aux activités criminelles. Nous avons ainsi joué notre rôle en suscitant de nouvelles normes internationales.

De plus, nous avons montré que nous savons tenir parole. Après la réunion concernant les Roms qui s’est tenue au mois d’octobre 2010, nous avons formé 500 médiateurs roms dans 15 Etats membres. A la suite de l'accord de partenariat intervenu au mois de juillet 2011, le programme dédié à l’aide des Roms relève désormais, quant à lui, d’une action commune entre le Conseil de l’Europe et la Commission européenne. J’ajoute qu’il sera étendu à d’autres pays et permettra de former 1 000 médiateurs avant la fin de l’année, ces derniers aidant les Roms à accéder aux services publics là où ils vivent. C’est maintenant aux pouvoirs locaux d’utiliser les services que nous avons mis à leur disposition. L’Europe, en effet, ne peut plus accepter qu’une minorité de 12 millions de personnes subisse des discriminations scandaleuses. Le Conseil de l’Europe a fait son travail. J’espère qu’il sera suivi.

D’autres exemples témoignent de notre réactivité.

Nous avons ainsi engagé un programme important avec le Gouvernement turc afin de renforcer la liberté d’expression, y compris des médias. Le Premier ministre turc, M. Erdogan, m’avait invité au mois d’avril dernier à envoyer un missi dominici en Turquie afin d’examiner cette question. Au mois de novembre, M. Erdogan et son ministre de la Justice ont réuni juges et procureurs afin de lancer le processus de réformes que nous avons élaboré conjointement avec le gouvernement. Je sais que des obstacles ne manqueront pas de se faire jour mais l’approche non politisée du Conseil de l’Europe constitue le seul moyen d’aider le Gouvernement turc à avancer.

Il en va de même en Hongrie, pays faisant l’objet de nombreuses critiques. Comment agir ? En la matière, l’Union européenne ne dispose que de compétences limitées même si la Convention européenne des droits de l’homme aborde l’ensemble des questions controversées. Vendredi dernier, le ministre des Affaires étrangères de la Hongrie a répondu positivement à mon offre de dialogue avec le Conseil de l’Europe. Devant le Parlement européen, M. Barroso a quant à lui fait état des obligations de la Hongrie au titre de ladite Convention ainsi que des engagements qui ont été pris devant le Conseil de l’Europe dans les domaines où l’Union européenne ne peut pas intervenir.

L’une des plus grandes réalisations de l’année passée a été le lancement de notre « politique de voisinage ». Après les bouleversements survenus au sud de l’Europe, nous avons ainsi défini un certain nombre de coopérations prioritaires qui devraient être effectives dans les prochains mois, d’abord au Maroc puis en Tunisie. J’ajoute que nous avons engagé des concertations avec la Jordanie et que nous pouvons être optimistes quant à notre action dans le cadre du conflit israélo-palestinien. Enfin, à l’est de l’Europe, nous avons commencé à travailler avec le Kazakhstan.

Comment sommes-nous parvenus à nous montrer plus réactifs et opérationnels ?

Nous avons engagé une profonde et parfois difficile réforme interne. Le Conseil de l’Europe était jusqu’à présent considéré comme la « Belle au bois dormant » des bords du Rhin, mais il a su trouver des partenaires là où il ne voyait jusqu’alors que des concurrents, et il a su réfléchir aux moyens d’assister les Etats membres au lieu de se contenter de rédiger des rapports. Bref, nous nous sommes réorganisés et nous avons redéployé nos ressources. Aujourd’hui, nos Etats membres sont convaincus que le Conseil de l’Europe leur apporte un réel avantage.

Alors que la rigueur et la restriction des dépenses publiques sont de retour, notre budget n’a pas augmenté. Les contributions volontaires des Etats membres, quant à elles, ont augmenté de 35 % par rapport à 2010 et les recettes totales de l’Union européenne de 18 %. La confiance, en l’occurrence, est au rendez-vous.

Pour 2012, les perspectives sont loin d’être positives. Le projet d’intégration européen continuera en effet d’être mis à l’épreuve et nombreux sont ceux qui envisagent la « renationalisation » de la politique européenne. Le vieux fantôme du nationalisme revient nous hanter. Or nous savons qu’il est toujours exécrable. Nous devons donc répondre aux critiques en réformant les institutions européennes, lesquelles n’ont pas été conçues pour le monde de Steve Jobs.

Les nouvelles technologies de la communication transforment chaque jour un peu plus nos économies et nos sociétés sans que la politique puisse aller l’amble. Les forces du marché, en pilotage automatique, échappent souvent à tout contrôle humain et passent par les machines. Nous ne pouvons pas relever un tel défi en prenant les décisions au sein de chacun de nos Etats. Au contraire, nous devons renforcer la coopération internationale et européenne. Dans le monde de Steve Jobs, la politique des Etats doit changer. Nous devons impliquer les jeunes qui sont sur internet, Facebook et Twitter dans la vie politique – ils constituent un formidable potentiel démocratique –, faute de quoi le fossé entre gouvernants et gouvernés ne cessera de se creuser.

Je n’en dirai pas davantage, mais ce sont autant de thèmes importants qui seront développés au Forum mondial pour la démocratie qui sera organisé l'an prochain à Strasbourg, à l’initiative de votre Assemblée.

La mondialisation est une autre conséquence de la révolution technologique. Elle a offert de nouvelles possibilités au monde, mais a aussi engendré de nouvelles menaces. Toujours plus de personnes semblent se définir par opposition à l’identité de l’autre, pensent protéger leur religion ou leur culture en excluant, voire en expulsant l’autre. Les attitudes xénophobes se multiplient, des décisions prises conjointement dans différentes capitales rendent la situation dangereuse. Dans ce contexte, il me semble indispensable de continuer à suivre les conclusions du rapport du Groupe d'éminentes personnalités et de renforcer nos efforts en matière de migration. Nous aurons également besoin de renforcer les politiques éducatives afin d’aborder la question de la diversité culturelle.

Les grands mouvements politiques européens doivent s’unir pour trouver les moyens de lutter contre les discours de haine. Ils doivent s’accorder sur un langage commun pour s’adresser aux sociétés sur une réalité commune, qui est la diversité, car le langage des forces extrémistes ne doit pas devenir le langage majoritaire. C’est pourtant ce qui se produit dans de nombreux endroits.

Parce que les démocraties sont soumises aux pressions technologiques, économiques et des tendances populistes, il me paraît plus important encore que nous insistions sur la conformité avec les valeurs démocratiques reconnues, car elles sont menacées dans une grande partie de l’Europe.

Il est nécessaire de préserver et de renforcer le système du contrôle démocratique indispensable à tout fonctionnement normal de la démocratie. Les menaces ne sont pas identiques partout, mais je relève trois grands sujets sur lesquels nous devrons nous concentrer en 2012 et au-delà : les élections libres, la

liberté des médias, l'indépendance et l'efficacité du pouvoir judiciaire. L’histoire nous enseigne que sans institutions indépendantes, la corruption grandit, l’abus de pouvoir se développe et la mauvaise gestion se répand. Au bout du compte, l’instabilité est récupérée par les forces extrémistes.

D'importantes élections sont prévues, à commencer par l’élection présidentielle en Fédération de Russie. Suivront les élections en Arménie, en Géorgie et en Ukraine. Par le passé, certains de ces pays ont fait mieux que d’autres, mais il me paraît de la plus haute importance que chacun d’eux réussisse ses élections. A ce titre, nous devons les accompagner dans leurs efforts.

Le deuxième grand thème, la liberté d’expression, pose de multiples problèmes. Partout en Europe, la liberté des médias est menacée. Ils font l'objet de nombreuses tentatives de contrôle par les gouvernements. Elles vont jusqu'aux méthodes les plus brutales de persécution. Des journalistes sont emprisonnés ou tués, au seul motif qu’ils exercent leur profession.

Nous devons également faire face à de nouveaux défis, tant il est vrai que liberté des médias et politique indépendante vont de pair, mais subissent des pressions, y compris dans des démocraties que l’on pensait bien établies. C’est ce que démontre le débat sur les médias et l’éthique des journalistes au Royaume-Uni. De même, en Allemagne, un débat a été ouvert sur les relations entre le Président et les médias. Un professeur spécialisé dans l’étude des médias à l’université libre de Berlin a qualifié la relation entre la classe politique et les médias « d’incestueuse ». Je crains qu’une telle situation ne se retrouve dans bien d’autres pays. En France, un procureur très connu est mis en examen pour une enquête illégale sur les sources d’un journaliste.

Chers amis, je suis préoccupé, très préoccupé. La liberté d’expression est menacée par les autorités nationales, par les médias eux-mêmes, par les forces du marché, par les mouvements de concentration de propriétés et par « la commercialisation » des individus et de leurs opinions. En ce domaine, le Conseil de l’Europe doit faire bien plus et bien mieux qu’avant.

Le troisième grand thème que j’ai mentionné concerne le fonctionnement du pouvoir judiciaire ainsi que son indépendance et son efficacité, car l’absence d’indépendance sape l’Etat de droit et nuit au bon fonctionnement des institutions démocratiques. L’Italie, parmi d’autres pays, est l’un des grands contributeurs en requêtes portées devant la Cour, en raison de la durée excessive des procédures en droit interne. Le dommage collatéral de cet afflux est de bloquer le fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’homme qui n’a pas été conçue pour servir de cour de dernière instance de systèmes judiciaires incapables de protéger les droits de l’homme.

Notre travail en Ukraine, renforcé à la lumière du procès très controversé contre l’ancienne Premier ministre, Ioulia Timochenko, est un exemple de ce que nous pouvons et devrions faire dans ce domaine. Nous avons lancé conjointement avec le Gouvernement ukrainien un programme de réformes ambitieux qui a donné lieu à un nouveau Code de procédure pénale. La disponibilité des autorités ukrainiennes a renforcé cette coopération. C’est dans l’intérêt de l’Ukraine que ces activités doivent se poursuivre pour déboucher sur des résultats concrets et mesurables dans les meilleurs délais, notamment pour les cas spécifiques, comme celui d'Ioulia Timochenko.

Abordant le contrôle démocratique dans nos Etats membres, n’oublions pas sa dimension européenne. Je citerai la Convention européenne des droits de l’homme et la Cour européenne des droits de l’homme, les garants en dernière instance du bon fonctionnement de l’Etat de droit sur l’ensemble de nos continents. Le droit individuel au recours est le pendant du pouvoir accordé à la Cour. Nous devrons avoir protégé ce droit de recours individuel lorsque nous parviendrons au terme du processus de réforme historique de la Cour, comme nous devons protéger le principe selon lequel tous les Etats membres sont égaux devant la Convention. Il est vrai que certains sont allés plus loin que d'autres dans la mise en œuvre des normes conventionnelles en droit interne. Ils peuvent estimer que la Cour ne leur est pas aussi nécessaire qu’à d’autres. Mais des évolutions peuvent avoir lieu, où que ce soit. C’est ainsi que chacun doit avoir le droit au recours individuel.

Le rôle de la Cour est double : aider les Etats membres qui ne l’auraient pas encore fait à adapter leur législation aux normes conventionnelles et prévenir tout retour à l’autoritarisme et à un fonctionnement non démocratique. Tel était le véritable objectif de la Cour lorsque Winston Churchill a pris l’initiative de sa création. Il est dans notre rôle de la défendre et de lutter contre la campagne visant la réputation de la Cour sur la base de faits déformés et de préjugés.

Il est bon que, dans cette période critique et importante, nous puissions profiter d’une présidence forte et ambitieuse telle que celle du Royaume-Uni. Je me félicite de l’occasion que nous aurons d’entendre le Premier ministre David Cameron. Je crois à l’engagement du Premier ministre et du Gouvernement du Royaume-Uni en faveur de la protection des droits et libertés qu’apporte la Convention européenne des droits de l’homme. Je suis convaincu que, sous cette présidence, nous pourrons faire avancer la réforme afin qu’elle puisse être menée à terme dès cette année.

La réforme de la Cour s'opère parallèlement à un autre processus important, celui de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. Une fois celle-ci achevée et la Cour réformée, le mécanisme européen de contrôle démocratique en Europe sera achevé. Des obstacles restent à franchir sur le chemin de cette réforme, mais là où s’exprime la volonté politique, les solutions sont plus rapides.

A ceux qui hésitent encore pour faire soumettre l’Union européenne aux mêmes obligations et sous l’autorité de la même Cour que tous les autres, je dirai qu'en excluant un acteur, bien d’autres risquent aussi de quitter le système. La logique des droits de l’homme et d’un système complet créé pour les défendre est que ceux-ci doivent s’appliquer à tous ou à personne. C’est cela notre objectif, c’est cela que nous devons protéger, tous unis dans ce processus de réforme. Cela concerne aussi l’adhésion de l’Union européenne à la Convention.

Chers amis, tel est en résumé mon programme pour 2012. C’est un programme de travail plus qu’une vision. En cas de succès, c’est-à-dire si nous arrivons à produire des résultats concrets et mesurables sur ces différentes priorités, la vision d’une Europe ambitieuse, pacifique et prospère, unie et ouverte à son voisinage aura de plus grandes chances de devenir une réalité.

Je conclurai en vous disant que le vent du changement souffle partout. Si nous n’étions pas en mesure de sentir ce vent, voire sa chaleur, si nous n’étions donc pas en mesure de nous adapter, nous ne pourrions faire partie du processus. Mais nous sommes bien inscrits dans ce processus ; nous avons pu montrer notre pertinence et assister utilement nos Etats membres. Nous continuerons à le faire plus encore en 2012 et au-delà avec votre aide.

LE PRÉSIDENT – Je vous remercie beaucoup, Monsieur le Secrétaire Général, pour votre très intéressante communication.

Nous abordons maintenant les questions qui vont vous être posées par les membres de l’Assemblée parlementaire.

La parole est à M. Mendes Bota, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. MENDES BOTA (Portugal)* – Monsieur le Secrétaire Général, le Conseil de l’Europe, dites-vous, a besoin d’un plus grand nombre de partenaires et non de concurrents. Il est clair qu’en ce qui concerne le rapport entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, nous avons davantage besoin de coopération que de concurrence supplémentaire.

Comment voyez-vous l’Agence des droits fondamentaux : est-elle en concurrence avec nous ou représente-t-elle une opportunité pour améliorer la coopération ? Comment voyez-vous le partenariat avec l’Est pour augmenter le poids du Conseil de l’Europe dans le contexte des relations avec l’Union européenne ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Secrétaire Général.

M. JAGLAND, Secrétaire Général* – Vous parlez, je suppose, de l’Agence qui est à Vienne. J’en entends parler depuis mon arrivée ici. Ma position est la suivante : cette agence existe, nous devons coopérer avec elle. Elle est là, nous devons nous y habituer. Nous ne pouvons pas l’éviter. C’est la raison pour laquelle nous devons tenir compte de son existence.

C’est l’approche que j’ai adoptée vis-à-vis de l’Union européenne depuis le début. A mon arrivée, je me suis rendu compte de certaines suspicions. On avait une attitude méfiante. Régnait une certaine concurrence à l’égard de l’Union européenne, et vice versa. Très souvent, j’ai eu le sentiment que beaucoup auraient voulu que l’Union européenne perde de son importance. Mais l’Union européenne est là, elle existe : à nous de travailler avec elle !

C’est l’un des principaux résultats de nos deux années de travail. Nous sommes arrivés à créer un véritable partenariat positif. Nous le voyons clairement en ce qui concerne la zone du sud de la Méditerranée. La semaine dernière, le Commissaire européen Štefan Füle était dans mon bureau où nous avons signé un accord. L’Union européenne doit nous aider dans notre travail en Tunisie et au Maroc. Une enveloppe budgétaire de cinq millions d’euros est allouée à ces activités et ils sont impliqués dans le partenariat avec l’Est. L’Union européenne est un partenaire !

Nous ne pouvons pas nier le fait que c’est une grande puissance qui existe sur notre continent européen : à nous de travailler avec elle !

LE PRÉSIDENT – La parole est Lord Tomlinson, au nom du Groupe socialiste.

Lord TOMLINSON (Royaume-Uni)* – Monsieur le Secrétaire Général, vous avez dit dans votre communication que nous voulons aider nos Etats membres plutôt que de nous contenter de rédiger des rapports à leur sujet.

La situation créée en Hongrie par l’actuel gouvernement représente une grave menace pour la démocratie parlementaire, les droits de l’homme et la prééminence du droit. Partagez-vous les préoccupations qui existent au sein de cette Assemblée parlementaire – comme le montrait un vote de ce matin, même si les voix n’ont pas été suffisantes pour obtenir un débat – sur cette situation qui nous fait honte à tous ? Que proposez-vous pour aider la Hongrie à rester à la hauteur des normes que nous attendons en Europe ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Secrétaire Général.

M. JAGLAND, Secrétaire Général* – Je partage ces préoccupations. C’est la raison pour laquelle je me suis rendu il y a un an à Budapest. J’avais tenu une réunion avec le ministre des Affaires étrangères et d’autres membres du gouvernement et les avais invités à travailler avec nos instruments.

Il s’agissait alors de rédiger la Constitution. Ils avaient accepté cette offre. La Commission de Venise avait donc formulé un grand nombre de recommandations, adressées au gouvernement. Certaines ont été prises en compte, d’autres non. Les lois organiques ont été adoptées au parlement. Nous avons à nouveau été très préoccupés par certains éléments, notamment la définition du rôle attribué aux médias. L’une de ces lois oblige les médias à faire des comptes rendus équilibrés, ce qui est contraire aux normes européennes. C’est le pluralisme des médias en tant que tel qui permet de se forger une idée équilibrée de la situation.

Nous sommes également préoccupés en ce qui concerne la liberté de conscience et la liberté de religion puisque des Eglises ont été exclues de la liste de celles qui sont reconnues par le gouvernement.

Nous sommes préoccupés également par tout ce qui a trait au judiciaire et à la loi électorale. Nous avons pris contact avec le Gouvernement hongrois à cet égard et, vendredi, j’ai reçu une lettre du ministre des Affaires étrangères, M. Martonyi, indiquant qu’il souhaitait ouvrir un dialogue avec nous à ce propos.

D’ailleurs, comme je l’ai dit dans mon intervention, l’Union européenne n’a qu’une compétence limitée dans ces domaines. C’est la raison pour laquelle M. Barroso a souligné l’importance, devant le Parlement européen, de ce partenariat que j’évoquais tout à l’heure. J’espère, par conséquent, que nous parviendrons à quelques résultats.

Il est bien entendu important d’assurer un suivi et d’établir des rapports. Il convient de déterminer les bonnes questions et d’aider le pays à progresser.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Rudd, au nom du Groupe démocrate européen.

Mme RUDD (Royaume-Uni)* – Monsieur Jagland, vous avez parlé des difficultés économiques rencontrées par les pays européens. Nous connaissons en effet une véritable période d’austérité. Un an après la mise en place de la réforme du Conseil de l'Europe, y a-t-il une évolution dans la réduction des coûts ?

LE PRÉSIDENT – La parole est au Secrétaire Général.

M. JAGLAND, Secrétaire Général* – Nous avons un budget en croissance réelle de zéro, ce qui est remarquable puisque tous les pays membres ont été obligés de prendre des mesures d’austérité. Nous avons réalisé une bonne réforme qui nous rend plus efficaces, moins bureaucratiques, qui a permis de recentrer nos ressources sur les activités les plus importantes de notre Organisation. Nous sommes sur la bonne voie.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Rigoni, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

M. RIGONI (Italie)* – Différentes situations ont été décrites : le printemps arabe et l’hiver russe. Ne pensez-vous pas, Monsieur le Secrétaire Général, qu’il est nécessaire d’agir ? On ne peut pas faire comme si rien ne s’était passé. Notre Assemblée doit adopter une attitude claire quant aux situations en Hongrie et en Russie. Il convient de soutenir les efforts qui sont réalisés pour que la Russie s’ouvre à la démocratie.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Secrétaire Général.

M. JAGLAND, Secrétaire Général* – Concernant le monde arabe, la Hongrie et la Russie, les situations sont bien différentes. Le seul point commun est qu'en l'absence de contrôle du système, on aboutit à la corruption et à l’abus de pouvoir.

Dans le monde arabe, il n’y avait pas de liberté de la presse, pas d’indépendance judiciaire, pas d’élections libres, pas de parlement autonome. Ce qui n’est pas le cas en Hongrie. Si nous ne pouvons pas comparer les deux situations, nous craignons que l’introduction des nouvelles lois ne menace la société démocratique.

S’agissant de la Russie, on ne voit pas bien comment la situation évolue, mais il est clair que la vie politique du pays connaît un nouveau souffle, une nouvelle dynamique. Par exemple, le non-enregistrement du Parti républicain de M. Rychkov a été annulé par la Cour constitutionnelle en Russie. Celle-ci a suivi l’avis de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Il existe donc une possibilité, pour nombre de forces, de tirer profit de cette situation pour déboucher sur une société dans laquelle il y ait des élections libres et une véritable démocratie. Un dialogue doit s’instaurer entre le parti au pouvoir et l’opposition. J’ai fait un certain nombre de déclarations qui ont été accueillies de façon positive et il a été dit que nous pourrions être une force motrice en Russie. Les choses bougent et je ne pense pas que l’on puisse connaître une situation comparable à celle que l’on a connue voilà des années.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Villumsen, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

M. VILLUMSEN (Danemark)* – J’ai cru comprendre qu’il y avait eu un échange de lettres entre le Secrétaire Général et le Gouvernement hongrois. J’aimerais donc savoir où en est le processus et quelle sera l’étape suivante.

Par ailleurs, la majorité conservatrice en Hongrie s’efforce de rendre responsable l’opposition de l’ancienne dictature. Quel est votre sentiment, Monsieur le Secrétaire Général ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Secrétaire Général.

M. JAGLAND, Secrétaire Général* – Effectivement, j’ai reçu vendredi une lettre du ministre des Affaires étrangères, M. Martonyi, invitant au dialogue et acceptant qu’un certain nombre de nos institutions se penchent sur les lois qui font l’objet d’un débat.

Nous allons pouvoir nous mettre au travail immédiatement sur ces textes pour formuler un certain nombre de recommandations. Par conséquent, il me semble que nous sommes dans un processus positif.

Je n’ai pas de position quant à la situation interne en Hongrie. Vous comprendrez qu’il est très important pour nous, pour moi, de conserver cette approche fondée sur les conventions et non politisée à l’égard de ces questions.

Si d’aucuns prétendent que personne n’a le droit d’intervenir dans le processus législatif hongrois, ce que l’on peut tout de même dire, c’est que les 47 Etats membres du Conseil de l'Europe ont contracté des obligations au regard de la Convention des droits de l’homme et vis-à-vis du Conseil de l'Europe. En conséquence, nous avons le droit d’ouvrir un dialogue. Que le Gouvernement hongrois soit prêt à l’engager avec nous me paraît donc un signe très positif.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Kalmár.

M. KALMÁR (Hongrie)* – Vous avez parlé de la question des médias. Aujourd’hui, la plupart d’entre eux sont détenus par des propriétaires privés dont les intérêts priment finalement sur l’éthique des journalistes.

Aujourd’hui, avec un article, on peut ruiner financièrement tout un pays. Qu’en pensez-vous ? Comment peut-on exercer une influence pour qu’il n’y ait pas une telle concentration des capitaux et une telle influence de l’économie sur les médias ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Secrétaire Général.

M. JAGLAND, Secrétaire Général* – C’est une excellente question à laquelle je n’ai d’ailleurs pas de réponse. Je vais néanmoins tenter d’y réfléchir parce que cela fait partie du débat sur la liberté d’expression et la liberté des médias.

Dans de nombreux pays, des lois permettent justement d’empêcher une concentration des médias entre les mains de quelques-uns. Il faut voir comment cela fonctionne, mais il est vrai que ce sujet est devenu de plus en plus préoccupant avec le développement de l’internet. A l’heure où les médias traditionnels et les médias électroniques se livrent à une concurrence féroce, on a tendance à oublier les idéaux.

Evidemment, cette situation met également en danger la vie privée, qui est un droit individuel fondamental dans nos sociétés. Il s’agit donc d’une question primordiale à laquelle nous devons réfléchir.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Mota Amaral.

M. MOTA AMARAL (Portugal)* – Monsieur le Secrétaire Général, j’aimerais revenir sur la question de la coopération entre le Conseil de l'Europe et l’Union européenne.

Il y a quelques années, un protocole d’accord a été signé. Quelle est votre évaluation de sa mise en œuvre ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Secrétaire Général.

M. JAGLAND, Secrétaire Général* – Comme je l’ai dit, nous avons appliqué cet instrument de manière constructive. La coopération du Conseil de l'Europe avec l’Union européenne très utile, constructive se fonde sur la complémentarité et le respect réciproque. Le Conseil de l'Europe, qui compte 47 Etats membres, a une vocation paneuropéenne plus large que celle de l’Union européenne. D’ailleurs, l’Union européenne reconnaît qu’il y a des choses que le Conseil de l'Europe peut faire qu’elle ne peut pas faire et vice-versa.

Nous devons accepter que l’Union européenne ait son domaine de compétence et qu’elle puisse faire des choses que nous ne pouvons pas faire. Nous devons nous compléter et nous avons besoin les uns des autres. Il faut l’accepter : si l’on perçoit l’autre comme un concurrent, il n’est pas possible de réaliser quoi que ce soit.

C’est un peu ce que je disais à propos des Etats membres perçus très souvent comme des concurrents au lieu d’être vus comme des partenaires qu’il convient d’assister. L’Union européenne est un grand acteur en Europe : il faut l’accepter !

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Christoffersen.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – La Hongrie est un Etat membre depuis les années quatre-vingt-dix et elle est tout à fait consciente des obligations qui découlent de son adhésion. Pourtant, le gouvernement agit dans la mauvaise direction. La seule sanction possible est l’exclusion ou le retrait des pouvoirs. Ce sont des sanctions très drastiques, rarement utilisées. En tant que Secrétaire Général, pensez-vous qu’il faille élargir la gamme des sanctions pour intervenir au plus vite lorsqu’un pays membre agit à l’encontre de la démocratie et des droits de l’homme ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Secrétaire Général.

M. JAGLAND, Secrétaire Général* – Je ne vois pas l’Europe comme un continent qui appellerait un renforcement des sanctions. Bien entendu, des sanctions sont prévues, mais je crois que nous devons faire confiance à nos propres instruments et à leur capacité d’influencer la situation dans tous les Etats membres. C’est pourquoi nous devons passer d’une approche passive à l’émission de rapports et de critiques. Nous devons même aller plus loin et mettre en place des programmes de coopération. J’espère que cette attitude positive pourra également fonctionner en Hongrie comme elle a déjà fonctionné ailleurs.

Comme je l’ai dit, ce pays a un certain nombre d’obligations à respecter. Nous en avons également, afin de pouvoir utiliser nos propres ressources dans la bonne direction. Et c’est bien ce qui sous-tend toute la réforme !

LE PRÉSIDENT – En l’absence de MM. Herkel et Iwiński, inscrits dans le débat, la parole est à M. Tsiskarishvili.

M. TSISKARISHVILI (Géorgie)* – Je voudrais revenir sur la réforme du Conseil de l'Europe. La présence extérieure de certains bureaux du Conseil de l'Europe est un point important. Apparemment, vous avez prévu toute une série d’endroits où en ouvrir. La décision a été entérinée par le Comité des Ministres. Dans la plupart des cas, ces bureaux sont déjà opérationnels, mais qu’en est-il de l’ouverture d’un bureau à Moscou ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Secrétaire Général.

M. JAGLAND, Secrétaire Général* – Les choses avancent et l’on ouvrira un bureau à Moscou !

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Marquet.

M. MARQUET (Monaco) – Monsieur le Secrétaire Général, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe se félicite de l’ouverture de la Convention Médicrime à Moscou le 18 octobre. La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a été sollicitée par la République de Guinée, qui souhaite y adhérer. La République de Guinée est en train de réunir toutes les conditions nécessaires à son adhésion. Pouvons-nous compter sur le soutien du Secrétaire Général ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Secrétaire Général.

M. JAGLAND, Secrétaire Général* – Absolument ! C’est une action très importante et je suis très satisfait que la Fédération de Russie se soit concentrée sur ce point. Ce sera une des tâches importantes à mener à bien.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Zohrabyan.

Mme ZOHRABYAN (Arménie)* – Monsieur le Secrétaire Général, le Sénat français examine actuellement le projet de loi pénalisant la négation des génocides. Ne pensez-vous pas qu’afin de prévenir les génocides à l’avenir, tous les pays membres du Conseil de l'Europe devraient reconnaître et condamner le génocide d’un million et demi d’Arméniens ?

De cette tribune, j’appelle tout d’abord la Turquie à reconnaître et à condamner l’épouvantable génocide perpétré par la Turquie ottomane. Qu’elle ait le courage d’admettre la vérité !

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Secrétaire Général.

M. JAGLAND, Secrétaire Général* – En tant que Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, vous comprendrez que je n’aie pas de position sur cette question. Je ne puis commenter le débat qui a lieu en France. En mes qualités passées de Premier ministre, de ministre des Affaires étrangères de Norvège et également de Président de la commission des affaires étrangères, j’ai toujours pensé qu’il fallait laisser l’histoire aux historiens et je n’ai jamais été favorable aux prises de position politiques par rapport aux événements historiques.

J’ai noté que le Gouvernement turc avait proposé de créer une commission composée d’historiens et indiqué qu’il accepterait leurs recommandations. Cela étant, je répète que je n’ai pas de position sur ce point !

Il incombe aux parlements nationaux et aux gouvernements de prendre position s’ils le désirent. Je n’ai, pour ma part, pas à le faire.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Petrenco.

M. PETRENCO (République de Moldova)* – Monsieur le Secrétaire Général, la République de Moldova est sans président depuis plus d’un an. Les députés bloquent le processus.

Le référendum organisé il y a un an et demi pour réviser la Constitution était contraire aux recommandations de la Commission de Venise. Le projet de révision a d’ailleurs été repoussé.

Le parti au pouvoir veut maintenant organiser un nouveau référendum, en se prévalant du Conseil de l’Europe et en prétendant que vous auriez appuyé ce processus. Est-ce vrai ? Si tel est le cas, qu’en est-il des recommandations de la Commission de Venise ? Devons-nous les respecter ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Secrétaire Général.

M. JAGLAND, Secrétaire Général* – La Commission de Venise ne s’est pas prononcée contre le référendum qui s’est tenu.

Pour ma part, j’ai noué des contacts avec les responsables politiques de la République de Moldova pour leur offrir notre expertise. S’ils le souhaitent, nous sommes toujours à leur disposition. Forts de notre expérience, nous pouvons, de manière non partisane, donner des avis et faire des recommandations si on nous le demande. Le moment est venu pour que toutes les forces politiques se mettent d’accord. Nous savons ce qui se passe – les exemples sont nombreux – lorsque les institutions d’un pays ne fonctionnent pas.

En l’espèce, le Parlement, supposé être une force autonome du pays, n’a pas réussi à élire le Président de la République, la plus haute autorité du pays. Comment cela se peut-il ? C’est pourtant une mission essentielle. J’avoue que je trouve la situation proprement extraordinaire. Si les forces politiques ne parviennent pas à un accord en la matière, comment envisager qu’elles puissent traiter d’autres questions ? C’est la raison pour laquelle nous nous sommes efforcés de les aider. Il s’agit de faire en sorte que le Parlement puisse au moins s’acquitter de cette mission essentielle au regard de la Constitution même de la République de Moldova.

LE PRÉSIDENT – Je vous remercie beaucoup, Monsieur le Secrétaire Général, de la franchise et de la spontanéité des réponses que vous avez données aux nombreuses questions qui vous ont été posées. Je vous remercie également, mes chers collègues, pour la précision et la concision de celles-ci.

3. Débat libre

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle maintenant le débat libre prévu par le nouvel article 38 de notre Règlement.

C’est une première. Nous avons décidé d’instaurer cet exercice lorsque nous avons voté la réforme de l’Assemblée parlementaire. Nous allons donc tenter de voir ce que peut donner ce débat libre. Nous aurons l’occasion d’en reparler et, en fonction de la manière dont il se sera déroulé, nous pourrons apporter encore quelques améliorations.

Je dois vous rappeler que les sujets d’intervention ne doivent pas être au nombre de ceux figurant à l’ordre du jour de la présente partie de session ; il faut que ce soit bien clair. Je dois également vous rappeler que, conformément à l’article 21.6 de notre Règlement, je serai dans l’obligation d’interrompre un orateur dont les paroles constitueraient un affront à la dignité humaine, porteraient atteinte au droit et au respect de la vie privée ou seraient susceptibles de nuire au bon déroulement des débats. Ces mots déplacés seront supprimés du compte rendu des débats. Mais je suis persuadé que je n’aurai pas à le faire car nous sommes entre parlementaires et je n’ai encore jamais entendu de tels propos dans cet hémicycle.

Je vous rappelle également que vous disposez d’un maximum de trois minutes pour vous exprimer. Je vous demande de respecter ce temps de parole car la longueur de la liste des orateurs inscrits est assez impressionnante. Pour que le plus grand nombre d’inscrits puisse s’exprimer, le respect de ce temps de parole est impératif. Je serai en effet obligé d’interrompre le débat à 17 heures 30.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

LE PRÉSIDENT – Je ne vois pas le premier orateur inscrit, M. Vrettos, qui devait s’exprimer au nom du Groupe socialiste.

La parole est donc à M. Gale, au nom du Groupe démocrate européen.

M. GALE (Royaume-Uni)* – Ce matin, nous avons beaucoup parlé de la Convention européenne des droits de l’homme et de son application. Cela fera d’ailleurs l’objet, demain après-midi, d’un débat dans cet hémicycle.

Un point me préoccupe particulièrement, comme il préoccupe d’autres membres de cette Assemblée. J’en ai déjà parlé, un certain nombre de signataires de la Convention européenne des droits de l’homme ne la respectent pas, particulièrement ses articles 5 et 6 qui ont trait au droit à un procès, et à un procès équitable.

Un certain nombre de ressortissants de pays membres de l’Union européenne et de pays membres du Conseil de l’Europe ont été emprisonnés sans procès plus de dix mois. Je n’ai pu obtenir moi-même de chiffres pour les 47 pays membres du Conseil de l’Europe, mais j’ai pu en obtenir pour la Grèce, la France, Malte et l’Espagne, qui ne sont pas exactement ce que l’on appelle des « pays en développement ». Ces pays emprisonnent pourtant des justiciables plus de dix mois avant leur procès ! Voilà qui constitue vraiment une violation totalement inacceptable des droits de l’homme.

J’en ai parlé à Thomas Hammarberg, qui m’a dit qu’il faudrait effectivement que la Cour européenne des droits de l’homme soit saisie de la question. Ce n’est cependant pas simple, car ladite Cour ne peut être saisie tant que toutes les voies de recours au niveau national n’ont pas été épuisées. On ne peut donc pas s’adresser à la Cour pour dénoncer cette situation avant le procès des justiciables en question ; c’est surréaliste ! Cette situation est très préoccupante. Tant qu’une réforme n’aura pas eu lieu, la Cour, submergée par le nombre des affaires à traiter, ne pourra traiter ce type de cas.

Cela ternit, finalement, l’image de la Convention européenne des droits de l’homme. Nous devons nous pencher sur ce problème au cours de la présente partie de session. Je pense d’ailleurs que nous le ferons demain après-midi.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Brasseur, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

Mme BRASSEUR (Luxembourg) – « Notre action doit devenir plus pertinente. » Ce sont les propos que vient de nous tenir le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Nous partageons cette approche, mais il faut donner une suite à ce type de déclaration !

C’est la raison pour laquelle je regrette que ma proposition de tenir des débats d’urgence sur la situation dans la Fédération de Russie et en Hongrie n’ait pu obtenir la majorité qualifiée requise.

Nous nous plaignons du manque de visibilité du Conseil de l’Europe et de son Assemblée, mais il y a bien plus préoccupant. Dans chacun des 47 pays membres de notre organisation, chaque citoyen doit avoir le droit de jouir des mêmes droits que ses voisins. A cet égard, la situation en Hongrie, qui n’est malheureusement pas à l’ordre du jour de notre session, est alarmante. La semaine dernière, l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe a publié un communiqué dénonçant les violations de la liberté d’expression et de la presse et les atteintes à la séparation des pouvoirs en Hongrie. L’Assemblée parlementaire, en tant que gardienne des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe, doit surveiller attentivement l’évolution de la situation dans ce pays. La commission de suivi doit donc s’atteler à la tâche. Les Hongrois qui manifestent dans la rue attendent beaucoup de nous ! Ils comptent sur le Conseil de l’Europe pour défendre leurs droits les plus élémentaires.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Villumsen, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

M. VILLUMSEN (Danemark)* – L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a été créée afin que jamais ne puissent se reproduire en Europe les événements tragiques de la seconde guerre mondiale, afin aussi que jamais le racisme et la tyrannie ne s’imposent sur le continent. Aujourd’hui, le péril est grand, et les événements récents en Hongrie nous obligent à réagir, car des droits humains fondamentaux sont violés. L’Union européenne a invoqué le Traité de Lisbonne pour dénoncer les agissements en Hongrie, mais la Commission européenne n’a pas les compétences pour intervenir pleinement dans ce pays. Nous avons donc un rôle important à jouer, au Conseil de l’Europe, pour dénoncer les restrictions à la liberté d’expression, la loi sur les médias, l’attaque du pluralisme politique et les atteintes aux droits des minorités et à la liberté de religion. Notre discussion ne doit pas porter uniquement sur les mesures à prendre pour lutter contre la crise économique. Nous devons voir les choses en face : nous assistons en Hongrie à une régression de la démocratie et à une montée du totalitarisme.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Mota Amaral.

M. MOTA AMARAL (Portugal) – Monsieur le Président, je vous adresse mes meilleurs vœux de succès pour votre nouveau mandat.

Chers collègues, nos pays traversent aujourd’hui une crise très sérieuse. Les difficultés ont touché, pour commencer, le système bancaire et les finances publiques. Les mesures d’austérité prises par la suite menacent de plonger désormais les économies européennes dans la récession. Le chômage, qui grandit, constitue une véritable tragédie pour les personnes de plus de 50 ans qui perdent leurs emplois et pour les jeunes, sortis de l’école avec des diplômes prestigieux. Privés de ressources suffisantes, les gouvernements coupent les dépenses sociales et les investissements publics, ce qui aggrave encore la crise. Les sans-emploi, les sans-abri, les sans-espérance sont de plus en plus nombreux. Nos pays auraient besoin de programmes audacieux de relance de l’économie mais l’orthodoxie financière régnante empêche tout changement, alors que chacun sent bien que nous approchons du précipice.

Les Etats sont otages des marchés financiers et le pouvoir politique semble avoir été capturé par eux. Pendant que les eurocrates poursuivent aveuglément des négociations qui menacent la survie de l’agriculture dans plusieurs pays européens, l’insatisfaction des citoyens s’étend en Europe, renforcée par la colère devant l’enrichissement continu des plus riches, alors que les plus pauvres et la classe moyenne ne cessent de s’appauvrir. Ce mouvement n’est pas seulement d’ordre économique. Il met en évidence les doutes qui existent en Europe sur l’efficacité réelle du système démocratique.

Pour l’Assemblée parlementaire et pour tous les démocrates engagés dans la défense des droits de l’homme, le défi est clair : il faut briser les tabous établis par l’idéologie néolibérale et puiser des solutions nouvelles et humanistes dans les grands principes de la démocratie chrétienne, de la social-démocratie et du socialisme démocratique qui, ensemble, ont bâti l’unité européenne.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Popescu.

M. POPESCU (Ukraine) – Chers collègues, je voudrais tout d’abord adresser mes remerciements à M. Çavuşoğlu, qui a brillamment présidé l’Assemblée pendant deux ans. Sous sa présidence, nous avons initié la réforme de notre institution, dont ce débat libre est directement issu. Dans notre pays, M. Çavuşoğlu est connu comme un vrai ami de l’Ukraine.

Je voudrais aussi féliciter M. Mignon pour son élection à la présidence de l’Assemblée. Monsieur le Président, permettez-moi de vous souhaiter beaucoup de succès dans votre entreprise de modernisation de l’Assemblée.

Il me semble important, aujourd’hui, d’attirer l’attention de l’Assemblée sur un point particulier de ce mouvement de réforme. Auparavant, la sous-commission aux droits des minorités faisait partie de la commission juridique. La réforme a renvoyé la question des minorités à la commission sur l’égalité et la non-discrimination.

Lorsque la Convention-cadre sur la protection des droits des minorités nationales et la Charte européenne des langues régionales ont été promulguées, leurs modalités d’application ont été laissées au libre choix des gouvernements nationaux. Le choix entre une politique en faveur des minorités et une politique d’assimilation artificielle dépend donc de la volonté gouvernementale.

Je pense au contraire que nous devons garantir la mise en place de conditions égales et adéquates pour l’application des droits des minorités dans tous les pays du Conseil de l’Europe. Le principe de l’unité dans la diversité favorise non seulement la garantie des droits des minorités nationales, mais aussi la consolidation de la stabilité et de la paix sur le continent européen. C’est pourquoi j’approuve le rattachement de la sous-commission sur les droits des minorités à la commission sur l’égalité et la non-discrimination.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Chope.

M. CHOPE (Royaume-Uni)* – Je voudrais attirer l’attention de l’Assemblée sur le déroulement des missions d’observation d’élections menées conjointement par le Conseil de l’Europe et l’OSCE. Le 17 janvier dernier, au Kazakhstan, j’ai fait partie d’une mission d’observation des élections parlementaires, dirigée avec talent par Mme Papadimitriou et remarquablement préparée par l’infatigable Franck Daeschler. Mais je veux appeler votre attention sur un point important. Le chef de la délégation de l’OSCE, M. João Soares du Portugal, a souhaité mettre au point un communiqué de presse conjoint avant même la fin des élections, ce communiqué condamnant de manière très dure le déroulement des élections. En outre, il a affirmé samedi dernier, lors d’une réunion, que notre délégation avait été achetée par les autorités du Kazakhstan, allégations mensongères et intolérables. Peu de temps avant les élections, il avait également formulé des accusations graves contre la commission électorale centrale, préjugeant de l’issue du résultat et en contradiction totale avec ce que le délégué de Malte et moi-même avions pu observer.

Ce communiqué de presse n’avait rien à voir avec un authentique comportement parlementaire !

Il faut bien constater que des progrès notables sont enregistrés sur le chemin de la démocratie parlementaire. Le parti victorieux l’a emporté avec 55 % des suffrages, l’autre parti en a recueilli 25 %, et le parti communiste 15%. Il y a maintenant deux partis d’opposition qui sont représentés. Les choses ne sont certes pas idéales, mais elles se sont mieux passées que ne voudrait le faire croire ce communiqué de presse si partisan. Il faut veiller à ce que ces communiqués soient objectifs !

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Santini.

M. SANTINI (Italie)* – Je souhaite vous parler de la tragédie vécue par le peuple syrien dont une partie a quitté son pays et se retrouve dans des camps de réfugiés en Turquie.

Avec mon collègue, M. Chope, qui vient d’intervenir, et avec d’autres collègues, Mme Strik et Mme Acketoft, nous nous sommes rendus cet été sur place avec la délégation ad hoc de la commission des migrations et des réfugiés. Nous avons visité deux camps de réfugiés sur la partie méridionale de la Turquie. L’un accueillait 1 800 personnes et l’autre environ 3 500 personnes. Il s’agissait de tentes sous le soleil avec 40° à l’ombre ! La situation semblait alors provisoire. La crise syrienne se poursuivait depuis deux à trois mois et il nous semblait qu’avant l’hiver, les choses seraient complètement réglées. Malheureusement, il n’en a pas été ainsi.

Nous avons rencontré un grand nombre de personnes pauvres mais très dignes, qui avaient fui leur maison. Ce n’étaient pas des personnes qui voulaient passer en Europe. Elles nous ont toutes dit qu’elles avaient cherché un refuge provisoire dans ces camps parce qu’elles étaient menacées par le régime d’Assad. Ce sont des personnes qui souhaitent rentrer chez elles, souvent des professionnels qui ont été obligés de fuir, parce qu’ils ont émis publiquement un avis critique sur le régime ou bien parce qu’ils ont été photographiés au cours d’une manifestation.

Il ne faut pas oublier que le réfugié est un citoyen qui espère une meilleure condition de vie dans son pays. Il ne fuit pas. Bien au contraire, il souhaite contribuer à une amélioration démocratique de son pays.

Tous ensemble, ces Syriens que nous avons rencontrés ont lancé un appel. Pourquoi l’Onu n’intervient-elle pas ? Que fait l’Otan ? Qu’attend l’Europe ? Une dame s’est insurgée : qu’attendez-vous ? Qu’Assad nous tue tous ? On déplorait alors 400 morts, 4 000 personnes étaient disparues ou en prison. Aujourd’hui, le bilan n’est pas clair. Mais on avance des chiffres tels que des milliers de morts et des dizaines de milliers de personnes disparues. Beaucoup d’épisodes de violences terribles nous ont été racontés. Ne nous étonnons donc pas que ces personnes expriment une grande méfiance à l’égard de l’Europe et de l’Occident en général.

L’Union européenne, au cours de ces derniers jours, a adopté sa onzième sanction. Mais Assad ne s’en préoccupe pas. Quant à la délégation arabe, qui a travaillé pendant un mois en tant qu’observateur et dont le départ a laissé un grand vide, très inquiétant, Assad ne tient aucun compte de ses recommandations.

Pendant ce temps, Monsieur le Président, dans ces tentes, où il faisait 40° à l’ombre l’été dernier, il y a aujourd’hui une population qui continue à vivre, mais cette fois, avec des températures négatives.

LE PRÉSIDENT – En l’absence de Mme Acketoft, la parole est à M. Plotnikov.

M. PLOTNIKOV (Ukraine)* – Je voudrais vous parler du développement économique et des problèmes de la zone euro, ainsi que la seconde vague de la crise économique et financière qui risque de nous frapper très fort. En 2008 et 2009, nous avons connu la première vague et nous avons alors vécu une situation inédite. Un nouveau monde est né de cette crise et maintenant je crois que l’on sait prévenir ou minimiser l’impact négatif de ce genre de crise. Je ne pense donc pas que la nouvelle crise sera plus grave que celle de 2008 et 2009.

A l’époque, l’Ukraine avait été l’un des pays les plus touchés. Du fait de sa mauvaise politique économique et compte tenu de certains facteurs extérieurs, notre monnaie avait été dévaluée de plus de 60 %. Lorsque les forces politiques que je représente sont arrivées au pouvoir, à la suite de l’élection présidentielle, nous avons hérité d’un PIB qui avait diminué de 15 % en 2009. Malgré toutes ces difficultés dues à des facteurs externes, nos prévisionnistes tablent sur une croissance de 3,9 % pour 2012.

Il est assurément difficile de prévoir l’impact qu’aura la seconde vague de la crise. L’Assemblée devrait néanmoins accorder plus d’attention à ce type de prévisions et adresser des recommandations aux membres de l’Assemblée. Il faudrait faire de la prévention et, si celle-ci n’est pas possible, du moins tout faire pour minimiser l’impact de la crise à venir, étant entendu que tous les pays de l’Union européenne et tous les pays en transition sont concernés.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Colombier.

M. COLOMBIER (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, je profite de la nouveauté que constitue l’établissement d’un débat libre pour intervenir sur un sujet qui est un enjeu en soi et pour notre institution : je veux bien entendu parler de l’avenir du Printemps arabe.

Enjeu pour notre institution : le statut de partenaire pour la démocratie est la réponse que notre institution a apportée aux démocraties naissantes qui n’ont pas vocation à devenir membres du Conseil de l’Europe pour des raisons géographiques.

C’est, en effet, un véritable défi posé, aujourd’hui, à notre Organisation. Porteuse des valeurs universelles que sont la démocratie, la protection des droits de l’homme et la prééminence de l’Etat de droit, notre Organisation n’a cependant pas de vocation autre que régionale.

C’est un véritable paradoxe auquel je n’ai pas la prétention d’apporter une réponse en seulement trois minutes de temps de parole ; je souhaiterais néanmoins le mettre en évidence.

Le statut de partenaire pour la démocratie est donc un embryon de réponse. Embryon de réponse parce qu’il ne concerne que notre Assemblée et qu’il est, par définition, limité.

Limité parce que nos partenaires peuvent participer à nos débats sans droit de vote.

Limité parce que nous leur offrons le droit de siéger parmi nous après un examen de « conventionalité » : ils doivent apporter la preuve que leurs institutions fonctionnent démocratiquement, qu’ils respectent les valeurs et les engagements du Conseil de l’Europe, mais une fois partenaires, ils ne sont pas astreints à une procédure aussi contraignante que celle initiée par la commission de suivi. Et c’est là que le bât blesse, en quelque sorte !

Enjeu en soi. Les dernières élections législatives ont donné une majorité importante aux partis islamistes, qu’il s’agisse de la Tunisie, à l’origine de ce mouvement du « printemps des peuples », ou plus récemment, de l’Egypte.

Certains n’hésitent plus, dès lors, à parler « d’hiver démocratique » en jouant comme le rappelle à juste titre Bertrand Badie, professeur spécialiste des relations internationales à Sciences-Po, sur les peurs occidentales vis-à-vis de l’islam. Outre le fait que les partis d’opposition, longtemps muselés par des dictatures impitoyables, n’ont pu s’imposer comme une alternative crédible, notre méconnaissance des partis islamistes ne doit pas nous amener nécessairement à croire que le printemps se serait changé en hiver.

Nos démocraties ne se sont pas construites en une saison et ces nations auront également besoin de temps pour s’arrimer à la démocratie, hypothèse d’ailleurs peu crédible si l’on en croit Jean-Jacques Rousseau qui la pensait réservée à un peuple de dieux. Au-delà des ajustements nécessaires se pose la question de notre rôle pour aider ces démocraties naissantes à s'ancrer sur nos valeurs : quelles aides leur apporter sans nous ingérer dans leur processus d’autonomisation politique ? Comment les aider à construire un Etat démocratique dans lequel le politique est séparé du religieux sans que la liberté d’expression religieuse soit menacée ? Les débats inhérents à l’élaboration de la nouvelle Constitution tunisienne sont de cet ordre.

Le « principe espérance » cher à Ernst Bloch ne doit pas nous quitter mais il doit s’incarner dans des actions concrètes qui nous permettront de donner une véritable portée universelle à nos valeurs.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Strik.

Mme STRIK (Pays-Bas)* – Je vous félicite, Monsieur le Président, pour votre élection et je remercie M. Çavuşoğlu pour son excellent travail. Il a placé haut la barre : les attentes sont donc grandes mais je sais que vous saurez y répondre !

Nous devons accorder l’attention qu’elle mérite à la situation de la Hongrie et de la Fédération de Russie, assurément, mais, comme M. Santini, je considère que celle qui est faite aux réfugiés syriens doit également nous mobiliser. L’été dernier, nous nous sommes rendus avec Mme Acketoft et M. Chope dans les camps où ils résident, non loin de la frontière qui sépare la Turquie de la Syrie. Le Gouvernement turc a réagi rapidement à leur arrivée massive en proposant de la nourriture et en assurant leur protection – nous l’avons d’ailleurs remercié dans le rapport que la commission a adopté.

Il n’en reste pas moins que nous sommes préoccupés par le sort de ces réfugiés dont la situation semble perdurer. En effet, s’ils ne peuvent revenir dans leur pays d’origine, ils doivent pouvoir reconstruire leur vie dans un environnement où il leur sera possible de s’intégrer. Or, depuis notre visite, la situation s’est dégradée et aucune solution durable n’a été envisagée alors qu’il faut résoudre les difficultés que traverse la Syrie. Les réfugiés syriens avec lesquels nous avons parlé ont ainsi lancé un appel à la communauté internationale afin de faire pression sur le Président Assad et qu’une réforme démocratique pacifique soit possible. J’espère que les Etats membres du Conseil de l’Europe soutiendront quant à eux l’appel de la Ligue arabe exigeant le retrait de M. Assad au bénéfice d’un gouvernement de transition. Si tel ne devait pas être le cas dans un délai raisonnable, il conviendra de faire d’autres propositions durables aux réfugiés syriens et j’espère que le Conseil de l’Europe invitera la Turquie à agir.

Enfin, notre commission s’inquiète de ce que la Turquie ne se soucie du sort des réfugiés que s’ils sont originaires d’Europe, ce qui est contraire à nos principes. Nous l’invitons donc à supprimer cette restriction géographique conformément aux réserves émises lors de son adhésion à la Convention. M. Çavuşoğlu, qui s’est rendu dans les camps voilà quelques semaines, a lancé un appel en ce même sens. J’espère qu’il sera entendu.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Koç.

M. KOÇ (Turquie) – Je vous félicite pour votre élection, Monsieur le Président, et je vous souhaite beaucoup de succès dans votre mandat.

Le Sénat français examine une proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, tendant – après les lois de 2001 et 2006 – à pénaliser la négation des génocides reconnus par la loi française. Malgré les avis des historiens et des hommes politiques responsables selon lesquels les parlements nationaux n’ont pas à aborder ces questions – qui relèvent de la recherche historique –, la France présente des lois de ce type lors de chaque période électorale et chaque fois les relations franco-turques en sont impactées. N’oublions pas que dans un Etat libre, il n’appartient ni au parlement ni à l’autorité judiciaire de définir la vérité historique. Nous avons toujours défendu le principe que la qualification des événements de 1915, si profondes que soient les souffrances éprouvées par les Turcs et les Arméniens, n’appartient pas aux partis politiques ou aux parlements nationaux de pays tiers. Pas plus qu’ils ne peuvent prétendre être des historiens, les hommes politiques ne peuvent se croire des juristes internationaux membres d’une Cour compétente pour rendre un verdict aussi gravement accusatoire. Nous considérons comme moralement contestable d’inscrire à un ordre du jour parlementaire une question sur laquelle n’existe aucun consensus juridique et scientifique. La liberté d’expression, consubstantielle à la démocratie, s’applique d’ailleurs à chacun, comme l’atteste l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Après la loi de 2001, à la fois partiale et motivée par des considérations politiques, voici donc une proposition de loi comportant une sanction pénale injuste, inopportune et malveillante, ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences encore plus néfastes, alors que nous avons besoin d’une base solide, objective et factuelle afin que soit respectée la mémoire de tous les morts, et alors qu'il importe de tirer les leçons de l’histoire et de parvenir à une mutuelle compassion. Nous avons de surcroît besoin d’une mémoire juste et non fragmentaire : imposer la mémoire de la diaspora arménienne aux Turcs n’est pas la meilleure façon pour ce faire.

Si le Sénat français devait, malgré la déclaration d’irrecevabilité de la commission des lois, adopter cette proposition de loi, je serai pour ma part, en tant que membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et au nom de la délégation turque, le premier à contester que les événements de 1915 soient qualifiés de génocide. Je le proclame ici, au sein du Conseil de l’Europe et sur le territoire français !

LE PRÉSIDENT – En tant que Président, je ne peux vous répondre maintenant, vous le comprendrez aisément, Monsieur Koç, mais si vous souhaitez que nous parlions de ce problème en dehors de l’hémicycle, je le ferai volontiers.

La parole est à M. Harutyunyan.

M. HARUTYUNYAN (Arménie)* – Aujourd’hui, le Sénat français débat d’une proposition de loi visant à pénaliser la négation des crimes contre l’humanité. Nous voulons dire à la France combien nous sommes reconnaissants de son engagement. De son côté, la délégation turque a envoyé une lettre aux membres de l’Assemblée pour expliquer que cette proposition de loi, visant selon elle le génocide des Arméniens, porterait atteinte à la liberté d’expression.

Chers collègues, seize pays du monde, parmi lesquels l’Autriche, la Belgique, la République tchèque, la France, la Hongrie, Israël, le Liechtenstein, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, la Pologne, la Roumanie, la République slovaque et la Suisse ont adopté des textes rendant illégal le déni d’un crime contre l’humanité ou celui de l’Holocauste. Et la décision-cadre de l’Union européenne sur la xénophobie et le racisme pose explicitement la nécessité de sanctionner de tels actes.

La proposition présentée devant le Sénat français est conforme à la rédaction de la décision-cadre de l’Union européenne : le texte propose de condamner et de pénaliser le déni de tous les crimes contre l’humanité, et donc des génocides et de l’Holocauste. Il n’est pas fait référence au génocide arménien en particulier ni à aucun pays spécifiquement. S’il était fait état dans cet hémicycle d’une autre interprétation de cette proposition de loi, n’hésitez pas à vous référer au texte même !

Je conclurai en évoquant un propos de Gregory H. Stanton, qui est à l’origine de la création par le Conseil de sécurité des Nations Unies du Tribunal international pour le Rwanda : selon lui, le déni est l’étape de haine qui suit un génocide. Les personnes ayant perpétré un massacre essayent de cacher les preuves et d’intimider les témoins ; ils nient avoir commis un crime et sont exempts de toute empathie.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Salles.

M. SALLES (France). – Monsieur le Président, je veux à mon tour vous féliciter et vous dire ma fierté de vous voir présider notre noble Assemblée. Merci beaucoup de nous représenter aujourd’hui.

Mes chers collègues, je suis très préoccupé par la situation des droits de l’homme en Hongrie. Il me semble impossible de ne pas aborder ce sujet aujourd’hui dans cette enceinte. Et je regrette que le Bureau et l’Assemblée n’aient pas décidé, ce matin, la tenue d’un débat d’actualité ou d’urgence sur cette question.

Les autorités hongroises essaient de nous rassurer, de nous donner le maximum de garanties, sans pour autant, pour le moment, nous donner des gages de leur volonté réelle de se conformer aux engagements qu’elles ont signés en adhérant à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Je voudrais tout d’abord rappeler qu’il ne faut pas confondre les inquiétudes de notre Assemblée sur la situation hongroise avec celles de l’Union européenne.

Viktor Orbán a été auditionné la semaine dernière par le Parlement européen sur la question de l’indépendance de la Banque centrale ; c’est un problème de droit communautaire qui n’est pas sans importance, mais qui ne concerne en rien la question du respect des libertés publiques et des droits de l’homme qui nous préoccupe ici.

Ce sont plus de 30 lois constitutionnelles qui ont été votées par le Parlement hongrois, grâce à la majorité des deux tiers que détient le parti au pouvoir ! Des textes votés à la hâte et promulgués en une semaine ! Un simple examen montre leur évidente inconventionnalité.

Ainsi, la loi constitutionnelle du 28 novembre 2011 qui réforme la justice pose le principe d’un passage de l’âge de la retraite de 70 à 62 ans. Seule profession visée par cette réforme : la magistrature. La mise en œuvre de cette réforme entraînera le départ de 300 magistrats soupçonnés de fait d’être proches de l’ancien gouvernement socialiste.

Cette loi propose également la mise en place d’un office national de la justice, dont la présidente, proche du Premier ministre hongrois, est dotée d’une complète autorité sur l’administration, la gestion et le contrôle des tribunaux ainsi que sur la nomination des juges... Avec le procureur général, elle possède le droit de choisir le juge qui se prononcera sur une affaire donnée.

D’autres lois constitutionnelles semblent particulièrement préoccupantes au regard du droit européen. Il en va ainsi de la réforme de la loi électorale, de la loi sur les religions ; on peut également évoquer le licenciement de près de 600 journalistes dans les médias publics et l’asphyxie financière de certains médias privés causée par la suppression de la manne publicitaire ou par la suspension de leur licence d’émission.

J’ajoute à cela quelques autres décisions relevant du populisme le plus baroque comme le fait de sanctionner le vagabondage d'une amende de 480 euros, la suppression d’un texte qui régissait la solidarité vis-à-vis des enfants handicapés ou encore la modification de la Constitution qui supprime la notion de République en Hongrie !

Qu’en est-il dès lors de l’indépendance de la justice ?

Qu’en est-il dès lors de la liberté d’expression ?

Qu’en est-il de la protection des libertés publiques ?

N’est-ce pas à nous, vigie des droits de l’homme, d’examiner ce qui ressemble à une dérive autoritaire inquiétante, qui est contraire aux principes européens ?

Le Conseil de l’Europe, et en particulier son Assemblée, devra montrer sa fermeté sur une question d’une telle importance !

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Reimann.

M. REIMANN (Suisse)* – Je voudrais évoquer la nouvelle situation en matière d’asile et de migrations économiques ou dites économiques à partir de l’Afrique vers l’Europe.

L’Europe est confrontée à une nouvelle vague d’immigration. Nous atteignons des taux records de demandes d’asile. Par rapport à l’an passé, la Suisse a reçu 45 % de demandes supplémentaires. Nous savons que 90% de ces migrants ne sont pas des personnes dont la vie est menacée, il s’agit de jeunes gens qui espèrent simplement une meilleure vie sur un autre continent. Malheureusement, nous ne sommes pas en mesure de leur offrir une vie meilleure. C’est pourquoi le Centre Nord-Sud situé à Lisbonne devrait se charger d’informer ces personnes qui souhaitent quitter l’Afrique que leur responsabilité est plutôt de construire le développement de leur pays.

Je veux dire maintenant à quel point je suis peu satisfait du fonctionnement de la Convention de Dublin. Je rappelle qu’elle a été adoptée à une faible majorité et d’ailleurs aujourd’hui, au vu de la situation que nous connaissons, elle ne l’aurait pas été. Par exemple, les réadmissions sont devenues l’exception. L’Italie n’en permet que trois par jour, et par voie aérienne uniquement. Il est vrai que l’Italie, la Grèce ou Malte sont des pays exposés et par conséquent un peu dépassés par la situation. Par ailleurs, sur le plan politique, des décisions sont prises, qui ne sont pas applicables en pratique. Pour moi, cela fait partie de la droiture en politique et je souhaite que le Conseil de l’Europe et la commission des migrations se saisissent de façon plus approfondie du dossier.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Nikoloski.

M. NIKOLOSKI (« L’ex-République yougoslave de Macédoine »)* – J’aimerais parler du dernier arrêt de la Cour de justice de La Haye concernant un litige entre mon pays et la Grèce.

Comme vous le savez, ce litige, qui dure depuis quinze ans, porte sur l’utilisation du titre « République de Macédoine ». L’intégration de la République de Macédoine au sein de l’Europe s’en trouve bloquée, tout comme son intégration à l’Otan.

La Cour a accepté l’argument de mon pays, à savoir que, par son veto à l’Otan, la Grèce donne une lecture contraire à l’article 11 du paragraphe 1 de l’accord de 1995. La Cour a indiqué que le Gouvernement grec ne pouvait s’opposer à l’adhésion de mon pays à Otan pas plus qu’il ne peut s’opposer à son adhésion à l’Union européenne, ou à un début de négociation en vue d’une telle adhésion.

Cet arrêt de la Cour souligne bien que la politique menée par la Grèce ces dernières années est contraire à l’accord intérimaire que les deux pays ont signé en 1995 et qui, en son article 11 paragraphe 1, stipule clairement que la Grèce ne peut pas s’opposer à l’adhésion de mon pays à des organisations multilatérales en Europe.

A la suite de cet arrêt, différentes mesures ont été prises par mon gouvernement pour surmonter ce litige qui dure depuis trop longtemps. Nous avons notamment invité le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies à se rendre dans les deux pays afin de trouver une solution à ce problème. Mais cela a été refusé par le Gouvernement hellénique qui ne veut pas respecter la décision de la Cour internationale de justice. Ce sera donc l’un des rares cas de non-application des arrêts de cette Cour.

Je lance donc un appel au Gouvernement grec afin qu’il respecte la décision de la Cour et qu’il accepte, lors du Sommet de Chicago, l’adhésion de « l’ex-République yougoslave de Macédoine », à l’Otan. J’en appelle aussi à la poursuite du dialogue en vue de trouver une solution durable à ce litige.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Haugli.

M. HAUGLI (Norvège)* – Chers collègues, il y a six mois de cela – mais c’est comme si l’on disait hier – un fanatique d’extrême droite a commis deux attaques terroristes dans mon pays, l’une contre des bâtiments gouvernementaux et l’autre contre un camp de jeunes du parti travailliste. Soixante-dix-sept personnes ont été tuées. La plupart d’entre elles étaient des jeunes, qui ont été massacrés parce qu’ils étaient politiquement actifs. Les cibles n’ont pas été choisies au hasard. Le terroriste a d’ailleurs écrit un manifeste détaillé de 1 517 pages dans lesquelles il explique sa haine envers le gouvernement, le parti travailliste, la société multiculturelle et envers l’égalité entre les femmes et les hommes. Il est islamophobe, anti-féministe, anti-démocratique.

Ce terroriste est peut-être un fou, mais certaines de ses opinions sont hélas partagées par un grand nombre de personnes. Son attaque était un acte de terrorisme, mais les valeurs qu’il a voulu saper sont trop souvent attaquées.

Nous vivons une période particulière. L’extrémisme croît et les valeurs que nous défendons sont menacées. Dans l’indice de la démocratie publié par l’unité de renseignements économiques, nous pouvons constater que la démocratie est soumise à de fortes pressions partout en Europe.

La Hongrie est l’un des pays de cette partie du monde où la démocratie est menacée. Pourtant, malgré la majorité des avis exprimés dans cette Assemblée, la situation en Hongrie ne fera pas l’objet d’un débat cette semaine. Cela m’attriste, car cela aurait dû être l’un des points principaux de notre ordre du jour !

Les institutions démocratiques et l’Etat de droit en Hongrie sont démantelés par des méthodes semi-démocratiques. Un parti extrémiste doté de troupes paramilitaires peut s’y développer. Je n’ai plus aucune illusion.

Comment se fait-il que cela ait lieu ? Un récent sondage identifie un certain nombre de facteurs : l’augmentation des migrations qui a permis de jeter les bases d’un nationalisme ; la renaissance du chauvinisme ; la levée des tabous concernant la Seconde guerre mondiale ; et, enfin, le fait que l’on se concentre sur le terrorisme islamiste. En Europe, l’extrême droite se banalise et beaucoup de gens se permettent de critiquer les minorités, notamment les musulmans.

Certains experts considèrent que ce climat haineux du discours politique encourage la violence parmi les individus. C’est en tout cas un débat que la société européenne doit avoir : quel est le rapport qui existe entre les avis politiques extrémistes et la violence ?

Notre seul instrument pour lutter contre l’extrémisme et l’intolérance consiste en un échange ouvert de points de vue. La liberté d’expression est importante en tant que telle, mais c’est également la base qui nous permettra de faire face à l’extrémisme. Ce n’est que par une discussion et un débat ouverts que l’on peut faire émerger ces points de vue et que l’on peut argumenter. Les attaques contre notre liberté d’expression ne sont pas simplement une violation des droits de l’homme, elles amoindrissent également nos armes contre l’extrémisme.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Pashayeva.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – Monsieur le Président, mes chers collègues, permettez-moi d’appeler votre attention sur une question très grave, source d’angoisse pour des millions de Turcs vivant dans l’espace du Conseil de l’Europe et de ses Etats membres, et de vous transmettre les préoccupations du demi-million de Turcs habitant en France.

Le Parlement français a en effet adopté un projet de loi relatif à la pénalisation de la négation du prétendu génocide arménien. Ce texte, débattu aujourd’hui même au Sénat français, me paraît totalement incompatible avec les normes du Conseil de l’Europe, qu’il s’agisse des droits de l’homme, de la liberté d’expression, ou du fait de pouvoir se livrer à des recherches historiques.

Mes chers collègues, nous savons que le Premier ministre turc et les autorités turques ont accepté d’ouvrir les archives. Les archives d’autres pays relatives à ces questions devraient l’être également et devraient permettre de mener des recherches. Nous sommes prêts à accepter les conclusions qui émaneraient de telles recherches. Malheureusement, les autorités arméniennes n’ont pas répondu à cette proposition et ont ainsi rejeté la possibilité de recherches historiques dénuées de tout préjugé, peut-être par crainte que celles-ci n’aboutissent à la conclusion que ce génocide arménien – ou prétendu tel – n’aurait pas existé.

Si le Parlement français adopte la proposition de loi, que se passera-t-il pour les chercheurs, les historiens, les journalistes ou les personnalités publiques qui pourraient avoir, en se fondant sur des documents historiques, des points de vue différents à propos du prétendu génocide arménien ? Il faut éviter de présenter comme victimes ceux qui avancent de fausses vérités et il faut réfléchir aux conséquences d’un acte qui risque de créer un dangereux précédent pour l’ensemble des Européens.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Dişli.

M. DİŞLİ (Turquie)* – Je tiens également à vous féliciter, monsieur le Président : que votre présidence soit couronnée de succès !

Depuis une dizaine d’années, nous avons assisté à de véritables séismes : la fin de la guerre froide, qui a changé la situation géopolitique ; puis, le 11-Septembre, crise de la sécurité mondiale ; ce furent ensuite l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan et, aujourd’hui, en cette ère de crise économique mondiale, nous connaissons une crise des Etats, une crise des déficits budgétaires.

On va en discuter dans les réunions à venir, car il va falloir repenser l’économie mondiale.

Jusqu’au XVIIIe siècle, l’Asie a été le centre économique, puis, avec l’émergence du colonialisme, elle a perdu ce statut. Avec la crise économique actuelle, l’Asie revient en puissance.

Le Forum économique mondial va se concentrer, cette année, sur la transformation des anciens modèles. Le capitalisme d’Etat, d’après certains modèles, remplace le capitalisme tel qu’on l’a connu jusqu’à présent.

A Davos, un indice mondial de confiance a été établi par 1 200 experts des secteurs privé et public : qui indique qu’au cours des douze derniers mois, la confiance des populations à l’égard des partis politiques a énormément diminué.

De ce fait, nombre de gouvernements adoptent une attitude populiste. C’est le cas de la France, par exemple. Des mesures politiques sont prises qui contribuent à diminuer encore la confiance de la population dans les valeurs européennes, comme la liberté d’expression et de pensée.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Rustamyan.

M. RUSTAMYAN (Arménie). – Aujourd’hui, le Sénat français va voter une loi visant à pénaliser la contestation à outrance des génocides reconnus par la loi française. Depuis son adoption par l’Assemblée nationale, nous n’entendons et ne lisons que des mensonges et des inepties à propos du génocide des Arméniens. Les Turcs considèrent qu’il est illégal et immoral d’adopter une éventuelle loi sur le négationnisme. Mais il n’appartient pas à la Turquie de donner des leçons sur le droit ou la moralité !

Sur le plan juridique, il existe un précédent : celui de la pénalisation de la négation de l’Holocauste. La négation d’un crime encourage toujours sa récidive et l’on sait bien aussi que l’intolérance, la haine, le racisme et la xénophobie créent le crime.

S’il est indispensable de condamner les actes criminels, il convient également – afin d’être efficaces – de condamner le déni des crimes passés.

On parle de réconciliation entre les peuples turc et arménien alors même que le monument symbolisant leur amitié a été démembré et que l’on érige, face aux victimes arméniennes, un monument à un prétendu génocide commis contre les Turcs par les Arméniens ! Voilà jusqu’où les Turcs peuvent aller en niant des faits incontestables.

Je conclurai en citant une autre monstruosité du négationnisme officiel de ce pays. Le nom d’un des principaux ordonnateurs du génocide arménien, Talaat Pacha, est aujourd’hui donné à un boulevard, au centre d’Ankara, et à une école, à Istanbul. De plus, sa dépouille, rendue par Adolf Hitler en 1943, repose dans un mausolée à Istanbul parmi d’autres héros du modernisme turc ! Voilà pourquoi le Sénat français doit voter cette loi.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Lecoq.

M. LECOQ (France) – Monsieur le Président, je m’associe à mes collègues pour vous féliciter, ainsi qu’à la délégation française dans le sentiment de fierté que nous ressentons tous.

Je vais profiter de ce débat pour soulever deux questions directement en liaison avec les deux délégations qui représentent nos collègues ayant le statut de partenaires pour la démocratie.

La première a trait aux prisonniers de Salé. Je voudrais demander à nos amis de la délégation marocaine en quoi il est respectueux des droits de l’homme d’emprisonner des hommes dont le seul crime est d’avoir manifesté pour un Sahara occidental libre et indépendant ? Pourquoi vouloir faire juger ces civils par un tribunal militaire ?

Le droit de manifester et d’exprimer son opposition est un droit fondamental dans tout pays démocratique ! Y porter atteinte est la preuve d’une dérive autocratique. La majorité au pouvoir peut être en désaccord sur la question du Sahara occidental, cela ne doit pas pour autant se traduire par une atteinte au principe de sûreté, protégé par l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et de protection des droits de l’homme !

Churchill disait : dans un régime démocratique, lorsque que quelqu’un frappe à la porte à cinq heures du matin, on sait que c’est le livreur de lait ! Dans d’autres régimes, on sait que c’est la police…

A ce propos, je déplore l’arrestation par Israël d’Aziz Dweik, membre du Hamas, Président du Parlement palestinien. Et j’en profite pour rappeler qu’un certain nombre de députés palestiniens croupissent dans les geôles israéliennes. Plus de vingt députés membres du Hamas sur les 74 députés que compte le mouvement sont actuellement détenus en Israël !

Un principe est par définition universel ! Le principe de sûreté, qui garantit la liberté d’aller et venir est le principe matriciel de la démocratie, car il garantit les droits de l’opposition !

Il se décline en immunité parlementaire pour que l’arme judiciaire, le plus terrible des trois pouvoirs selon l’auteur de « De l’Esprit des lois », ne l’atteigne pas. L’immunité parlementaire protège la fonction. Il semblerait que ce ne soit pas partout le cas ! Le principe de sûreté est un fondement de la démocratie. Ne pas le respecter, c’est violer la première des lois démocratiques. Il est de notre devoir, notre Assemblée étant la vigie de la démocratie, de dénoncer ces manquements.

Aussi profiterai-je de cette tribune pour demander à Israël, observateur de notre Assemblée, et au Maroc, partenaire pour la démocratie, de nous répondre à propos de ces deux violations flagrantes du principe de sûreté.

La démocratie n’est pas un vain mot, c’est une exigence de tous les jours.

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, je dois interrompre la liste des orateurs.

Je rappelle à celles et ceux qui étaient inscrits et présents dans le débat et qui n’ont pas pu s’exprimer, qu’ils ont la possibilité de déposer leur intervention dactylographiée au Service de la séance, afin qu’elle figure au procès-verbal de la présente séance.

4. Limitation du temps de parole

LE PRÉSIDENT – Demain, un grand nombre d’orateurs se sont inscrits pour le débat relatif au fonctionnement des institutions. De ce fait, je vous propose de réduire le temps de parole de quatre à trois minutes.

Y a-t-il des objections ?... Non. Il en est ainsi décidé.

5. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance aura lieu demain matin, à 10 heures, avec l’ordre du jour précédemment adopté par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 17 h 40.

SOMMAIRE

1. Rapport d’activité du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente (Doc. 12830, Partie I + Addendum et Partie II) (suite)

Orateurs : MM. Harutyunyan, Rigoni, Santini, Slutsky, Gross, Valeriy Fedorov, Chagaf

Rappel au Règlement de M. Ghiletchi

Réponse de M. Çavuşoğlu, rapporteur

Ratification de saisines de commissions

Vote sur le rapport d’activité

2. Communication de M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

Questions de M. Mendes Bota, Lord Tomlinson, Mme Rudd, MM. Rigoni, Villumsen, Kalmár, Mota Amaral, Mme Cristoffernsen, MM. Tsiskarishvili, Marquet, Mme Zohrabyan, M. Petrenco

3. Débat libre

Orateurs : Sir Roger Gale, Mme Brasseur, MM. Villumsen,  Mota Amaral, Popescu, Chope, Santini, Plotnikov, Colombier, Mme Strik MM. Koç, Harutyunyan, Salles, Reimann, Nikoloski, Haugli, Mme Pashayeva, MM. Dişli, Rustamyan, Lecoq.

4. Limitation du temps de parole

5. Prochaine séance publique

ANNEXE

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque

Francis AGIUS*

Pedro AGRAMUNT

Arben AHMETAJ*

Miloš ALIGRUDIĆ*

Karin ANDERSEN

Donald ANDERSON

Florin Serghei ANGHEL*

Khadija ARIB*

Mörður ÁRNASON

Francisco ASSIS*

Alexander BABAKOV*

Þuriður BACKMAN*

Daniel BACQUELAINE

Viorel Riceard BADEA

Gagik BAGHDASARYAN/Hermine Naghdalyan

Pelin Gündeş BAKIR

Gerard BARCIA DUEDRA

Doris BARNETT

Meritxell BATET*

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

Alexander van der BELLEN/Sonja Ablinger

Anna BELOUSOVOVÁ*

Deborah BERGAMINI*

Robert BIEDROŃ

Grzegorz BIERECKI*

Gülsün BİLGEHAN

Oksana BILOZIR

Brian BINLEY/ Amber Rudd

Delia BLANCO

Roland BLUM/Rudy Salles

Jean-Marie BOCKEL*

Eric BOCQUET

Olena BONDARENKO

Mladen BOSIĆ*

António BRAGA*

Anne BRASSEUR

Márton BRAUN

Federico BRICOLO/Giacomo Stucchi

Ankie BROEKERS-KNOL*

Piet DE BRUYN*

Patrizia BUGNANO*

André BUGNON

Sylvia CANEL*

Mevlüt ÇAVUŞOĞLU

Mikael CEDERBRATT

Otto CHALOUPKA

Vannino CHITI/Anna Maria Carloni

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Desislav CHUKOLOV/ Yuliana Koleva

Lolita ČIGĀNE

Boriss CILEVIČS

James CLAPPISON

Deirdre CLUNE

Georges COLOMBIER

Agustín CONDE

Titus CORLĂŢEAN

Igor CORMAN/Stella Jantuan

Telmo CORREIA

Carlos COSTA NEVES

Cristian DAVID*

Joseph DEBONO GRECH*

Giovanna DEBONO*

Armand DE DECKER/Fatiha Saïdi

Arcadio DÍAZ TEJERA*

Peter VAN DIJK

Klaas DIJKHOFF*

Şaban DİŞLİ

Karl DONABAUER

Gianpaolo DOZZO*

Daphné DUMERY/Danny Pieters

Alexander DUNDEE*

Josette DURRIEU

Diana ECCLES*

József ÉKES

Tülin ERKAL KARA

Lydie ERR

Nikolay FEDOROV*

Valeriy FEDOROV

Relu FENECHIU*

Doris FIALA*

Daniela FILIPIOVÁ/Pavel Lebeda

Axel E. FISCHER*

Jana FISCHEROVÁ

Paul FLYNN

Stanislav FOŘT*

Dario FRANCESCHINI/ Gianni Farina

Hans FRANKEN

Jean-Claude FRÉCON

Erich Georg FRITZ

Martin FRONC*

György FRUNDA*

Giorgi GABASHVILI*

Alena GAJDŮŠKOVÁ

Roger GALE

Jean-Charles GARDETTO

Tamás GAUDI NAGY/Virág Kaufer

Valeriu GHILETCHI

Sophia GIANNAKA

Paolo GIARETTA

Michael GLOS*

Obrad GOJKOVIĆ/ Snežana Jonica

Jarosław GÓRCZYŃSKI

Svetlana GORYACHEVA

Martin GRAF

Sylvi GRAHAM/ Ingjerd Schou

Andreas GROSS

Arlette GROSSKOST

Dzhema GROZDANOVA

Attila GRUBER

Ana GUŢU

Carina HÄGG*

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI

Mike HANCOCK

Margus HANSON

Davit HARUTYUNYAN

Håkon HAUGLI

Norbert HAUPERT

Oliver HEALD

Alfred HEER

Olha HERASYM'YUK

Andres HERKEL*

Adam HOFMAN/Adam Rogacki

Serhiy HOLOVATY

Jim HOOD

Joachim HÖRSTER

Anette HÜBINGER

Andrej HUNKO

Susanna HUOVINEN

Ali HUSEYNLI*

Rafael HUSEYNOV*

Stanisław HUSKOWSKI

Shpëtim IDRIZI/Kastriot Islami

Željko IVANJI*

Igor IVANOVSKI/Sonja Mirakovska

Tadeusz IWIŃSKI

Denis JACQUAT

Michael Aastrup JENSEN*

Mats JOHANSSON

Birkir Jón JÓNSSON*

Armand JUNG*

Antti KAIKKONEN

Ferenc KALMÁR

Mariusz KAMIŃSKI

Michail KATRINIS

Burhan KAYATÜRK*

Bogdan KLICH*

Haluk KOÇ

Konstantin KOSACHEV/Oleg Lebedev

Tiny KOX

Marie KRARUP

Borjana KRIŠTO*

Václav KUBATA

Pavol KUBOVIČ

Jean-Pierre KUCHEIDA/Françoise Hostalier

Dalia KUODYTĖ/Egidijus Vareikis

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU

Henrik Sass LARSEN

Jean-Paul LECOQ

Harald LEIBRECHT*

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE*

Yuliya LIOVOCHKINA

Lone LOKLINDT*

François LONCLE*

Jean-Louis LORRAIN*

George LOUKAIDES

Younal LOUTFI

Saša MAGAZINOVIĆ*

Philippe MAHOUX

Gennaro MALGIERI

Nicole MANZONE-SAQUET/ Bernard Marquet

Pietro MARCENARO

Milica MARKOVIĆ

Muriel MARLAND-MILITELLO

Meritxell MATEU PI

Pirkko MATTILA/Sirkka-Liisa Anttila

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA

Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA/ Imer Aliu

Evangelos MEIMARAKIS*

Ivan MELNIKOV*

Nursuna MEMECAN

José MENDES BOTA

Dragoljub MIĆUNOVIĆ*

Jean-Claude MIGNON/Christine Marin

Dangutė MIKUTIENĖ

Akaki MINASHVILI*

Krasimir MINCHEV/Petar Petrov

Federica MOGHERINI REBESANI

Andrey MOLCHANOV*

Jerzy MONTAG*

Patrick MORIAU

Juan MOSCOSO DEL PRADO*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK*

Alejandro MUÑOZ ALONSO*

Philippe NACHBAR*

Adrian NĂSTASE/Tudor Panţiru

Gebhard NEGELE

Pasquale NESSA

Fritz NEUGEBAUER

Emma NICHOLSON

Tomislav NIKOLIĆ*

Aleksandar NIKOLOSKI

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY*

Sandra OSBORNE/Michael Connarty

Nadia OTTAVIANI*

Liliana PALIHOVICI

Vassiliki PAPANDREOU*

Ganira PASHAYEVA

Peter PELLEGRINI*

Lajla PERNASKA*

Johannes PFLUG

Ivan POPESCU

Lisbeth Bech POULSEN/Nikolaj Villumsen

Marietta de POURBAIX-LUNDIN/Mikael Oscarsson

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT/Joe Benton

Jakob PRESEČNIK

Gabino PUCHE

Milorad PUPOVAC*

Valeriy PYSARENKO/Volodymyr Pylypenko

Carmen QUINTANILLA

Valentina RADULOVIĆ-ŠĆEPANOVIĆ/ Zoran Vukčević

Elżbieta RADZISZEWSKA

Mailis REPS*

Andrea RIGONI

Gonzalo ROBLES*

François ROCHEBLOINE

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Marlene RUPPRECHT

Ilir RUSMALI

Armen RUSTAMYAN

Branko RUŽIĆ/Elvira Kovács

Volodymyr RYBAK/Oleksiy Plotnikov

Rovshan RZAYEV

Joan SABATÉ*

Džavid ŠABOVIĆ/Ervin Spahić

Giacomo SANTINI

Giuseppe SARO*

Kimmo SASI

Stefan SCHENNACH

Marina SCHUSTER

Urs SCHWALLER/Maximilian Reimann

Valery SELEZNEV*

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN

Mykola SHERSHUN*

Ladislav SKOPAL/Kateřina Konečná

Leonid SLUTSKY

Serhiy SOBOLEV

Maria STAVROSITU

Arūnė STIRBLYTĖ

Yanaki STOILOV

Fiorenzo STOLFI

Christoph STRÄSSER

Karin STRENZ

Valeriy SUDARENKOV

Björn von SYDOW

Petro SYMONENKO*

Vilmos SZABÓ*

Melinda SZÉKYNÉ SZTRÉMI/Gábor Tamás Nagy

Chiora TAKTAKISHVILI

Giorgi TARGAMADZÉ*

Vyacheslav TIMCHENKO/Natalia Burykina

Dragan TODOROVIĆ*

John E. TOMLINSON

Latchezar TOSHEV

Petré TSISKARISHVILI

Mihai TUDOSE*

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ

Konstantinos TZAVARAS*

Tomáš ÚLEHLA/Dana Váhalová

Ilyas UMAKHANOV*

Giuseppe VALENTINO/Renato Farina

Miltiadis VARVITSIOTIS*

Stefaan VERCAMER

Anne-Mari VIROLAINEN

Luigi VITALI*

Luca VOLONTÈ*

Vladimir VORONIN/Grigore Petrenco

Konstantinos VRETTOS

Klaas de VRIES/Tineke Strik

Nataša VUČKOVIĆ

Dmitry VYATKIN*

Piotr WACH

Johann WADEPHUL

Robert WALTER*

Katrin WERNER*

Renate WOHLWEND/Doris Frommelt

Karin S. WOLDSETH/Øyvind Vaksdal

Gisela WURM

Jordi XUCLÀ*

Karl ZELLER*

Kostiantyn ZHEVAHO*

Emanuelis ZINGERIS*

Guennady ZIUGANOV/ Sergey Sobko

Naira ZOHRABYAN

Vacant Seat, Bosnie-Herzégovine*

Vacant Seat, Chypre*

Vacant Seat, Croatie*

Vacant Seat, Croatie*

Vacant Seat, Croatie*

Vacant Seat, Fédération de Russie*

Vacant Seat, Fédération de Russie *

Vacant Seat, Fédération de Russie *

Vacant Seat, Fédération de Russie *

Vacant Seat, Slovénie*

Vacant Seat, Slovénie*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Konstantinos AIVALIOTIS

Terence FLANAGAN

Gábor HARANGOZÓ

Reinette KLEVER

Edgar MAYER

Jean-Pierre MICHEL

John Paul PHELAN

Luc RECORDON

Martina SCHENK

Observateurs

Joyce BATEMAN

Corneliu CHISU

Consiglio DI NINO

Hervé Pierre GUILLOT