AS (2012) CR 07

SESSION ORDINAIRE DE 2012

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la septième séance

Jeudi 26 janvier 2012 à 10 heures

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 heures, sous la présidence de M. Mignon, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT – La séance est ouverte.

1. Déclarations écrites

LE PRÉSIDENT – Conformément à l’article 53 du Règlement, trois déclarations écrites ont été déposées.

Une déclaration écrite n°506, intitulée « Appel pour une mission pacificatrice internationale civile dans la région sécessionniste de Transnistrie » (Doc. 12851), est actuellement signée par 31 membres de l’Assemblée.

Une déclaration écrite n°507 sur la situation au Bahreïn (Doc. 12852) est actuellement signée par 20 membres de l’Assemblée.

Une déclaration écrite n° 508 pour l’attribution du prix Nobel de la paix à Ales Bialiatski, défenseur bélarusse des droits de l’homme (Doc. 12854) est actuellement signée par 41 membres de l’Assemblée.

Les représentants, suppléants, observateurs et partenaires pour la démocratie qui désirent ajouter leur signature au bas de l’une de ces déclarations peuvent le faire au service de la Séance, bureau 1083.

2. Ratification des pouvoirs de la délégation d’Ukraine

LE PRÉSIDENT – Chers collègues, au cours de la première séance de l’Assemblée, les pouvoirs non encore ratifiés de la délégation d’Ukraine ont été contestés pour des raisons formelles. Conformément à l’article 7.2 du Règlement, les pouvoirs ainsi contestés ont été transmis à la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles. Cette dernière a conclu à la ratification des pouvoirs contestés lors de sa réunion de mardi et a transmis à la présidence un avis en ce sens.

En application de l’article 7.2 de notre Règlement, je vais donc donner lecture de cet avis :

« 1. Le 23 janvier 2012, les pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de l’Ukraine ont été contestés pour des raisons formelles, conformément à l’article 7 du Règlement de l’Assemblée, au motif que la composition de la délégation ne respectait pas le critère d’une représentation équitable des partis ou groupes politiques.

2. Lors de sa réunion du 24 janvier 2012, la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles a examiné les diverses objections soulevées et a établi que la désignation de la délégation ukrainienne auprès de l’Assemblée parlementaire s’est faite dans le respect de l’article 25 du Statut du Conseil de l'Europe et de l’article 6 du Règlement de l’Assemblée, s’agissant de la représentation équitable des partis et groupes politiques dans la délégation.

3. En conséquence, la commission conclut à la ratification des pouvoirs de la délégation parlementaire ukrainienne.

4. Toutefois, la commission relève que la liste des membres de la délégation ukrainienne, telle qu’elle a été transmise au Président de l’Assemblée parlementaire, comporte des informations erronées en particulier en ce qui concerne l’appartenance politique de trois membres : M. Valeriy Pysarenko, représentant, et MM. Oleksandr Feldman et Volodymyr Pylypenko, suppléants, sont inscrits comme appartenant au Bloc Yuliya Tymoshenko, alors qu’ils siègent en réalité sous d'autres étiquettes politiques. Elle demande au Président de l’Assemblée parlementaire d’inviter le Président du Parlement ukrainien à clarifier la question de l’affiliation politique de ces trois parlementaires et à transmettre au Président de l’Assemblée parlementaire des informations actualisées.

5. Par ailleurs, la commission invite le Président de l’Assemblée parlementaire à rappeler au Président du Parlement ukrainien et à la délégation parlementaire ukrainienne que la promotion du pluralisme politique, notamment par la promotion de normes et pratiques garantissant le fonctionnement pluraliste des parlements nationaux, constitue un engagement de tous les parlements des Etats membres du Conseil de l'Europe. Elle rappelle à cet égard plus précisément sa Résolution 1601 (2008) sur les droits et devoirs de l’opposition dans un parlement démocratique, ainsi que sa Résolution 1798 (2011) sur la représentation équitable des partis ou groupes politiques des parlements nationaux au sein de leurs délégations à l’Assemblée parlementaire. »

Les pouvoirs contestés sont donc ratifiés sans que l’Assemblée puisse en débattre.

L’avis de la commission est disponible au comptoir de la distribution des documents.

3. Modification dans la composition des commissions

LE PRÉSIDENT - Des propositions de modifications dans la composition des commissions ont été publiées dans le document Commissions (2012) 01 Addendum 5.

Il n’y a pas d’opposition à ces modifications ?

Elles sont adoptées.

4. La Fédération de Russie entre deux élections

Débat d’actualité

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle un débat d’actualité sur « La Fédération de Russie entre deux élections ».

Je vous rappelle que, en application de l’article 52.4 du Règlement, le débat d’actualité est limité à une heure et demie. Au cours de la séance de hier après-midi, il a été décidé de limiter à 3 minutes le temps de parole de chaque intervenant, à l’exception du premier orateur, désigné par le Bureau parmi les initiateurs du débat, M. Andreas Gross, qui dispose de 10 minutes.

La parole est donc à M. Gross, premier orateur désigné par le Bureau

M. GROSS (Suisse)* – Jamais, depuis 1993, la situation politique en Russie n’a été aussi ouverte. Jamais, depuis l’accession au pouvoir de M. Poutine, il y a douze ans, son pouvoir n’a été autant contesté. Jamais autant de gens ne se sont mobilisés depuis 1993. Jamais la société civile n’a été aussi mobilisée que le 24 décembre dernier. Ce jour-là, des centaines de milliers de personnes manifestaient sur l’avenue Sakharov. Ces gens sont descendus dans la rue pour défendre leur dignité et pour que la démocratie soit respectée. C’est une occasion unique pour la Russie, qui se trouve entre deux scrutins, les élections législatives du 4 décembre dernier et l’élection présidentielle du 4 mars prochain. Pourquoi tout cela peut-il se produire maintenant ? Il y a encore six mois, personne ne pensait pouvoir assister à une telle manifestation massive de centaines de milliers de personnes dans les rues de Moscou. J’évoquerai avec vous quelques-unes des hypothèses et des explications possibles.

Cela signifie en tout cas que tout est possible aujourd’hui. La situation peut s’améliorer, mais elle peut aussi empirer. Nous devons en être conscients. Nous devons surtout faire en sorte que les autorités ne se trompent pas au moment de choisir entre les différentes options possibles.

Pourquoi ces centaines de milliers de personnes le 24 décembre dernier ? Qui étaient ces gens ? Ces manifestants avaient vu à la télévision les images du congrès du parti Russie Unie. Ils avaient vu les deux personnes les plus puissantes du pays, le Président et le Premier ministre, à la tribune. Ces deux personnes avaient simplement décidé d’interchanger leurs rôles, sans demander l’avis de la population. En quelque sorte, elles considéraient que le pouvoir est leur propriété privée, ce qui est évidemment inacceptable. Les gens, qui ont tous vu ce qui se passait – la scène a été diffusée sur toutes les chaînes de télévision –, ont éprouvé un tel sentiment d’exclusion, ils ont si vivement senti que leurs intérêts de citoyens étaient lésés, qu’il y a eu une forte mobilisation, notamment grâce à Internet, moyen de communication qui n’est pas aussi facile à contrôler que les médias traditionnels, chaînes de télévision et journaux.

Tous ces gens se sont dit que cela suffisait et qu’ils voulaient maintenant jouer un rôle plus actif. Ils ont décidé de suivre de très près le scrutin du 4 décembre, et ils ont eu le sentiment d’être mis sur la touche, alors qu’un processus démocratique suppose leur participation. En démocratie, on ne fait que prêter le pouvoir, on ne le donne pas.

Les gens se sont donc mobilisés au moment des élections, ils ont surveillé le déroulement du scrutin et ont constaté qu’il y avait des milliers et des milliers d’irrégularités. Aujourd’hui, après cette manifestation massive du 24 décembre, plus personne ne nie qu’il y ait eu autant d’irrégularités. Même les représentants de Russie unie le reconnaissent ! La mobilisation de tous ces citoyens a contribué à la recherche de la vérité et, aujourd’hui, les gens font leur autocritique.

Différentes organisations, telle l’ONG Golos dont nous avons rencontré des représentants samedi dernier, nous ont dit que dix millions de bulletins de vote en faveur de Russie unie avaient été ajoutés, dix au moins, sinon douze. Les chiffres diffèrent quelque peu, mais cela vous donne une idée de l’ampleur du phénomène. Nos interlocuteurs ont aussi rappelé les difficultés rencontrées par les partis pour se faire enregistrer et participer au scrutin. Cet autre point sera traité dans notre rapport de suivi.

Dès le lendemain de l’élection, des manifestations ont eu lieu aux quatre coins du pays, et l’on a assisté à des scènes de violence, car les gens étaient évidemment frustrés de cette exclusion. La mobilisation a donc culminé lors de la manifestation du 24 décembre. La composition sociologique de la population des manifestants est intéressante. D’après les études, plus de la moitié des manifestants sont âgés de vingt à quarante ans. Plus de 70 % d’entre eux sont titulaires d’au moins deux diplômes universitaires. Ce ne sont donc pas des gens que l’on peut acheter en raison de salaires trop misérables ou d’une situation de chômage. Ces gens sont descendus dans la rue parce qu’ils avaient le sentiment qu’on ne les respectait pas. Ils n’étaient pas organisés politiquement, et ils défendent plutôt des valeurs que des intérêts, notamment le respect de la dignité, aspect essentiel des droits de l’homme. Ces gens ont le sentiment que leur dignité a été bafouée ; c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est difficile de répondre à ce mouvement. Les gens ont eu le sentiment d’être dénigrés, d’être piétinés, et je ne répèterai pas certaines paroles tenues, qui seraient indignes de cet hémicycle. A la suite de cela, une nouvelle mobilisation a été décrétée pour le 4 février.

Ce qui est certain, c’est que la fraude a été reconnue et que des velléités de changement se font jour. Par exemple, on a annoncé l’élection au suffrage universel direct des gouverneurs des régions. Il faudra cependant suivre cela de très près tant les concessions sont assorties de conditions en tout petits caractères. Il a aussi été décidé d’abaisser de 7 % à 5 % le seuil fixé pour les élections législatives, mais cela ne vaut que pour la prochaine législature.

Nous voulons, pour notre part, un système inclusif, non un système exclusif. Las, les choses ne semblent guère s’améliorer de ce point de vue ! Il semblerait, depuis hier, que seules quatre personnes puissent se présenter contre Poutine, dont un genre d’autocrate. Le candidat le plus libéral, le plus indépendant, Grigori Iavlinski, a été exclu. Pourquoi donc ? Plus de deux millions de signatures de parrainage recueillies dans les quelque 83 sujets fédéraux de la Russie sont nécessaires. On a prétendu que des photocopies de signatures avaient été présentées à l’appui de la candidature de M. Iavlinski, mais ce ne sont pas les signatures qui étaient photocopiées, ce sont les formulaires !

Voilà qui est mauvais signe : au lieu d’assister à une ouverture du système, on a l’impression que la porte de la présidentielle se referme. Si les gens ont le sentiment, une nouvelle fois, d’être exclus, de nouvelles explosions de violence sont à craindre. Ce n’est évidemment pas ce que nous souhaitons. Nous voulons un processus ouvert et équitable.

J’espère que la mobilisation actuelle va convaincre les autorités de réviser en profondeur le système, dans le sens de l’inclusion du plus grand nombre. Cela suppose que le pouvoir donne à ceux qui ne sont pas d’accord avec lui une chance de rivaliser. Actuellement, l’égalité des chances n’est pas garantie, et cela fait courir des risques à la Russie.

LE PRÉSIDENT – Dans le débat, la parole est d’abord à Mme Lundgren, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

Mme LUNDGREN (Suède)* – Au sein de cette Assemblée, nous souhaitons avant tout pouvoir être utiles. Au cours des sept dernières années, le suivi des engagements et des obligations de la Fédération de Russie n’a fait l’objet d’aucun rapport de l’Assemblée. Il aurait pourtant été nécessaire d’étayer notre débat d’aujourd’hui sur des faits précis. La démocratie est le cœur même de cette maison. Elle représente beaucoup plus que des élections en tant que telles.

Nous avons observé, en Fédération de Russie, le déni de ce qui peut permettre l’émergence de la démocratie : déni du droit de s’inscrire sur les listes électorales, harcèlement, impossibilité pour les journalistes de s’exprimer. Une organisation indépendante comme Golos a vu son activité interrompue. Le choix est clair aujourd’hui : soit rien n’est fait et l’on poursuit comme avant, soit on change la donne. Pour l’instant, malheureusement, il n’y a aucun signe de changement.

De nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour crier leur désarroi. Que peut-on faire ? Des manifestations importantes ont eu lieu ces dernières semaines et, dans un mois, est prévue l’élection présidentielle. La démocratie ne peut pas se construire en un jour. C’est un combat quotidien, qui permet de façonner le système et de le faire perdurer. Le droit de réunion, le droit de se présenter à une élection, le droit de s’organiser, le droit de manifester, le droit de tenir un débat libre, le droit d’obtenir des changements de gouvernement au moyen d’un vote : s’il était si aisé pour les Russes de changer les choses, la solution serait simple. Pour que la démocratie puisse réellement s’épanouir, il faut des droits et des libertés réels. Si le système en place nie ces droits, alors la situation ne peut qu’empirer.

Dans les rues de Moscou et de Saint-Pétersbourg, nous avons été le témoin d’une lutte légitime. Nous voulons la soutenir le plus efficacement possible. Golos est victime de harcèlement. Le Secrétaire Général, dans son rapport, nous dira ce qu’il en est et, si le besoin s’en fait sentir, après les prochaines élections, nous prendrons des mesures nouvelles.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Kox, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

M. KOX (Pays-Bas)* – J’ai présenté lundi devant l’Assemblée mon rapport sur l’observation des élections parlementaires du 4 décembre dernier en Fédération de Russie. En avril, je vous présenterai notre rapport sur l’observation des élections du 4 mars. La Fédération de Russie est le plus gros Etat membre du Conseil de l'Europe et je suis heureux de pouvoir participer aujourd’hui à ce débat d’actualité. Je suis persuadé qu’il nourrira notre prochaine visite en Russie.

Les élections parlementaires ont été techniquement bien préparées, comme je vous l’ai dit lundi, mais nous avons constaté un manque de concurrence politique, l’absence d’un arbitre impartial, des violations fréquentes des procédures et des signes de manipulation. Après les élections, la Russie a vu se dérouler dans plusieurs villes les plus grandes manifestations citoyennes depuis dix ans.

Plusieurs propositions ont été formulées pour améliorer la procédure électorale. Le Président de la Fédération a proposé de faciliter l’enregistrement des partis politiques. Il a demandé la création d’une institution publique chargée de la radiodiffusion. Des caméras doivent par ailleurs être installées dans tous les bureaux de vote et la commission électorale centrale a demandé l’installation d’urnes transparentes. La Cour suprême a déclaré que la décision du refus d’enregistrement de certains partis n’était pas conforme aux principes de la Cour européenne des droits de l’homme. Ainsi, hier, une manifestation prévue le 4 février a été autorisée à Moscou. Enfin, Golos, qui demande aux citoyens de participer à des missions d’observation des élections, espère plusieurs milliers d’observateurs supplémentaires présents le jour des prochaines élections.

Certes, tout cela est positif, mais la commission électorale centrale refuse toujours l’enregistrement de plusieurs candidats pour l’élection présidentielle. Plus de 90 % des protestations citoyennes ont par ailleurs été déclarées non conformes. L’Assemblée parlementaire demande aujourd’hui des élections libres et équitables. La participation de tous les candidats à des débats télévisés publics serait un signal positif. En outre, les pressions exercées sur les observateurs nationaux et internationaux doivent cesser.

Ceux qui disaient que rien ne change jamais en Russie se trompaient. Les changements que nous observons aujourd’hui sont bien réels. Toutefois, nous ne savons pas encore s’ils seront durables et profonds. Notre débat d’aujourd’hui envoie un message clair aux autorités, au Parlement et à la population de la Fédération de Russie.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Frunda, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. FRUNDA (Roumanie)* – La Russie est en profonde mutation au niveau politique mais également au niveau social. Un parti politique a besoin de 45 000 signatures pour être enregistré et, pour entrer au parlement, il faut obtenir 7 % des voix. Des fraudes ont eu lieu en Russie, mais personne ne conteste que le parti Russie Unie a obtenu la majorité. Il y a quatre candidats à l’élection présidentielle du 4 mars, sur les sept qui s’étaient déclarés. C’est évidemment regrettable.

Toutefois, le parti dominant semble prêt à accepter des changements. Au lieu des 45 000 signatures nécessaires pour enregistrer un parti politique, il ne faudra désormais que 500 signatures. Par ailleurs, il est envisagé d’élire les juges selon de nouvelles modalités. Russie Unie a formé une coalition avec certains partenaires. Ce n’est donc plus un système monolithique, même si des tensions subsistent entre les pro-européens et les tenants de l’ancienne école russe. De nombreux citoyens aspirent à devenir de véritables Européens.

Pour toutes ces raisons, j’approuve donc le fait que ce débat soit un débat d’actualité. Le cas échéant, nous pourrons toujours examiner à nouveau la situation lorsque le rapport de suivi sera présenté au mois de juin ou au mois d’octobre. Nous aurons alors une vue d’ensemble des problèmes. Il y a d’ailleurs un certain nombre de problèmes qui ne sont pas l’apanage de la Russie, mais qui concernent d’anciennes démocraties.

Il faut faire le point par rapport à la situation de 1996, date de l’entrée de la Russie au Conseil de l’Europe. Certaines réformes, comme celle du système électoral et le vote des lois régissant le droit de manifestation, sont nécessaires. La gouvernance, en général, doit évoluer. Tout cela est possible avec le soutien de l’Europe.

Aujourd’hui, je lance un appel à la délégation de Russie. Respectez les engagements que vous avez pris il y a 15 ans ! Faites-le au bénéfice de votre propre population ! La Russie sera alors un membre fort et respecté du Conseil de l’Europe. Pour l’instant, il n’y a pas de véritable démocratie. Si les gens ont le sentiment qu’ils sont lésés et que leurs droits ne sont pas respectés, cela risque d’exploser. C’est maintenant le moment du changement.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Binley, au nom du Groupe démocrate européen

M. BINLEY (Royaume-Uni)* – Permettez-moi de féliciter M. Kox qui a dirigé avec brio la délégation qui s’est rendue sur place pour observer les élections en Russie. Bravo d’avoir produit un tel rapport. J’ai été ravi de travailler avec vous. De cette visite, je voudrais tirer différentes conclusions.

Le rapport met en lumière plusieurs défaillances, que ce soit en matière de pratiques électorales, sur les procédures suivies le jour des élections ou sur la structure et la composition du système électoral.

Les critères que doivent remplir les partis politiques pour participer au processus électoral sont beaucoup trop contraignants. L’article 20 de la loi sur les partis politiques est un élément dont ils doivent tenir compte. Les médias étaient très nettement en faveur des partis soutenant le gouvernement. La Commission électorale centrale s’est montrée incohérente eu égard au traitement des griefs qui étaient présentés. Il y a eu toutes sortes de manœuvres dilatoires. Il y a eu beaucoup d’abus.

Il n’y a pas de doute, des pratiques corrompues prévalaient partout. Il faut prendre des mesures pour y remédier. Mais la question se pose de savoir si un complot a été ourdi dans les plus hautes sphères pour que les élections se déroulent ainsi, ou bien si cela est le fait d’une culture endémique, de coutumes qui perdurent dans l’esprit d’anciens apparatchiks. S’il y a eu complot, nous pouvons affirmer qu’il a échoué. Le parti au pouvoir a perdu 77 sièges et 25% de suffrages. Par conséquent, ces abus sont aussi à imputer à des éléments culturels des responsables des bureaux de vote. Le rapport le souligne à juste titre : les élections exigent un arbitrage neutre, inexistant aujourd’hui.

Les choses peuvent s’améliorer. Sur le plan technique, la Fédération de Russie peut organiser des élections libres et justes. Il lui suffit d’agir en conformité avec nos normes. Le rapport est très clair. L’espoir existe. On peut se tourner vers les réseaux sociaux où 60 % de la population russe expriment leur opinion et obtiennent des informations politiques. Beaucoup de jeunes font état de leur mépris pour cette corruption qui caractérise le système gouvernemental.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Pozzo di Borgo.

M. POZZO di BORGO ((France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, il faut tirer le plus rapidement possible les enseignements du scrutin du 4 décembre dernier pour s’assurer que l’élection présidentielle du 4 mars prochain ne puisse pas faire l’objet d’une quelconque contestation.

Il faut condamner les irrégularités qui ont été observées lors des élections législatives. Je ne m’attarderai pas longuement sur le sujet évoqué lors du débat de lundi dernier sur la mission d’observation des élections législatives en Russie.

Pour ma part, je suis d’autant plus surpris des fraudes orchestrées par le parti pro-Kremlin que je pense qu’il n’y avait pas besoin d’user de telles méthodes pour s’assurer de conserver la majorité des sièges au Parlement. Les élections l’ont d’ailleurs bien montré : une large frange de la population russe reste sensible aux promesses de stabilité et de sécurité de Russie Unie. Vladimir Poutine jouit toujours d’une certaine popularité au sein de l’opinion russe, contrairement à la représentation qu’en font les médias occidentaux. N’oublions pas d’ailleurs que c’est lui qui a créé le Conseil présidentiel des droits de l’homme, une organisation très respectée, même par les organisations indépendantes des droits de l’homme.

Je me demande, en fin de compte, si les tactiques du pouvoir n’ont pas eu les résultats inverses de ceux escomptés. A force de vouloir influencer l’issue du vote, en refusant l’enregistrement de certains partis, en imposant le ticket Poutine-Medvedev sans réelles consultations, une partie de la population s’est sans doute sentie manipulée et s’est tournée vers le vote contestataire. C’est ainsi que j’interprète la forte progression du parti communiste, passé de 11 à 19 %.

Paradoxalement, en dépit de ces fraudes inacceptables, ces élections marqueront peut-être également un tournant dans l’histoire de la démocratie russe. Les manifestations spontanées qui ont suivi le scrutin du 4 décembre sont le signe de l’avènement d’une société civile en Russie. Le pouvoir devra désormais composer avec la classe moyenne, les étudiants, les milieux intellectuels, qui ont manifesté à l’occasion de ces élections une volonté forte de participation à la vie politique. Ce mouvement est un peu comme le mouvement de 1968 en France qui a d’ailleurs conforté le pouvoir du général de Gaulle.

C’est là le principal enjeu du débat que nous avons aujourd’hui : envoyer un message aux autorités russes pour les encourager à prendre en compte cette nouvelle donne. Je rappelle d’ailleurs que les manifestants n’ont à aucun moment appelé à une révolution ou à un changement de régime. Ils ont plutôt demandé à être mieux écoutés par le pouvoir.

A ce titre, il serait souhaitable que ce dernier montre qu’il les a entendus en infléchissant sa manière d’exercer le pouvoir, le fonctionnement actuel des institutions paraissant désormais moins adapté à l’arrivée de cette société civile russe.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Slutsky.

M. SLUTSKY (Fédération de Russie)* – Monsieur le Président, ces derniers jours, dans cet hémicycle ont été dénoncées des élections inéquitables en Russie. Pourtant, au cours de ces élections, les partis d’opposition ont obtenu des résultats bien meilleurs qu’au cours des précédentes.

Toutes ces dernières années, l’opposition en Russie s’est battue pour que l’on simplifie la procédure d’enregistrement des partis politiques. On a simplifié l’enregistrement des candidats à la présidentielle. On a revu la composition de la Douma. On s’est battu pour l’élection au suffrage direct des gouverneurs.

Vous affirmez que le parti Russie Unie domine le paysage national. Mais quelle est cette domination puisqu’aujourd’hui Russie Unie a perdu plus de 100 sièges au Parlement ? Aujourd’hui, à la Douma d’Etat, ce parti a perdu la majorité. Cela résulte de l’expression libre de la volonté de la population russe. La délégation de la Fédération de Russie, ici, à l’Assemblée parlementaire est dirigée par moi-même, qui suis un dirigeant de l’opposition.

Pourquoi personne, dans cet hémicycle, ne rappelle les conclusions du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE, qui est l’instance fiable en Europe quant à l’observation des élections. Cette instance a, pour la première fois depuis 20 ans, émis une évaluation positive et constructive des élections en Russie.

Aujourd’hui, nous faisons tout pour que l’élection présidentielle qui se tiendra le 4 mars en Fédération de Russie se déroule dans des conditions encore plus proches des normes électorales du Conseil de l’Europe. Des urnes transparentes, des observateurs indépendants seront mis en place dans les bureaux de vote. M. Kox le dit très justement. Nous enregistrons aujourd’hui un grand nombre de modifications, y compris du système électoral. Je puis vous garantir que c’est un mouvement constant et ferme pour nous rapprocher des normes du Conseil de l’Europe.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Hostalier.

Mme HOSTALIER (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, la décision prise par le Bureau de notre Assemblée et confirmée en séance plénière de ne pas tenir un débat d’urgence mais seulement d’actualité sur « la Fédération de Russie entre deux élections » me semble contestable. Éviter de voter un projet de recommandation alors que la situation politique en Fédération de Russie est plus qu’alarmante est à la fois préoccupant au regard de la société civile en Russie et dangereux pour la crédibilité de notre Assemblée parlementaire.

Qu’attendons-nous pour dénoncer la dérive autoritaire et antidémocratique de la Russie, faites d’entorses répétées aux droits de l’homme ?

Qu’attendons-nous pour faire entendre la voix de l’Europe démocratique ? Notre rôle n’est-il pas d’être, partout où nous le pouvons, cet aiguillon nécessaire au respect de l’Etat de droit ?

Qu’attendons-nous pour assurer la société civile russe de notre soutien pour le vote ferme et unanime d’une recommandation condamnant les simulacres de démocratie auxquels nous assistons ?

Outre l’absence de sincérité du scrutin, les observateurs ont clairement rapporté qu’il y avait une violation des principes démocratiques en toute impunité !

Le 12 décembre 1993, j’étais observateur des premières élections générales en Russie, à Nijni-Novgorod. Le scrutin n’avait pas été loyal, mais il avait été sincère de la part d’un peuple russe qui croyait en la démocratie naissante. Près de vingt ans après, la situation est pire et le pouvoir russe se permet même de faire un pied de nez à nos démocraties à travers une nouvelle pirouette : comment ne pas dénoncer, en plus de toutes les irrégularités, cet échange de poste entre le Président et son Premier ministre dans une ambiance de pouvoir absolu et au-delà même de tout respect de l’esprit de la Constitution russe ?

Au regard des fraudes avérées aux dernières élections, vu les manifestations importantes qui se sont déroulées depuis et, cela, malgré les menaces du pouvoir, il serait temps de donner un avertissement amical aux responsables politiques de la Fédération de Russie. Il en va de la crédibilité de nos missions et de notre Assemblée.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Beck.

Mme BECK (Allemagne)* – Nous devons tenir compte des graves propos qu’a tenus M. Gross : la Fédération de Russie se trouve à la croisée des chemins, dans une situation périlleuse. Le système Poutine, en effet, ne garantit plus la stabilité de l’Etat et menace la paix intérieure.

Les élections, quant à elles, doivent être équitables et pas seulement le jour J. En amont, il convient bien entendu d’autoriser les candidats à se présenter et, en aval, le cas échéant, de respecter la volonté populaire de voir chasser l’équipe au pouvoir. Par ailleurs, l’installation de 180 000 caméras dans les bureaux de vote ne constitue en rien une garantie puisqu’il est facile, contrairement aux personnes, de les manipuler.

D’un côté, on assure vouloir garantir la transparence et, de l’autre, on poursuit Golos pour avoir diffusé sur Internet, le 2 décembre, un certain nombre de rapports consacrés à la fraude. De surcroît, il n’y aura pas d’électricité dans les bureaux de cette organisation entre le 26 février et le 5 mars, au moment même des élections ! Il est évident que le pouvoir ne tient pas à ce que les citoyens surveillent le déroulement d’un processus électoral dont quelques dizaines d’observateurs ne seront pas à même de dresser un bilan.

Quant à l’accès des candidats au scrutin, l’obligation de réunir deux millions de signatures constitue une tâche herculéenne ! La Cour européenne des droits de l’homme n’a cessé de dénoncer de tels obstacles. Ne nous étonnons pas, dès lors, si le peuple descend dans la rue : le 24 décembre, c’est lui qui a montré à ses dirigeants qu’il entendait s’exprimer comme dans n’importe quelle démocratie. Qu’il soit exclu du système et il ne lui restera plus que ce moyen d’expression, ce qui peut être très dangereux.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Skinnari.

M. SKINNARI (Finlande)* – La Fédération de Russie joue un rôle de plus en plus important sur le plan international même si nombre d’experts considèrent que les élections n’entraîneront pas de changements sensibles sur un plan macro-économique. Ce pays rejoignant l’OMC l’été prochain, examinons donc ses atouts.

Contrairement à d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe, la Fédération de Russie n’a pas de dette publique, ce qui est extrêmement positif pour les contribuables russes et pour l’avenir de ce pays. Nous voyons trop souvent la Russie sous un jour négatif ! La réforme démocratique est bien entendu conditionnée par celle de l’économie. Pour que le peuple russe profite de la prospérité, il convient d’accroître nos échanges commerciaux. Une coopération technologique accrue dans le domaine de l’environnement et de l’énergie serait également de bonne politique, de même que des investissements dans les infrastructures, un renforcement de la coopération dans la zone arctique ainsi que dans l’exploitation des nouvelles réserves pétrolifères, gazières et sylvicoles. La Russie a beaucoup à nous apprendre, également, sur un plan culturel et sportif.

Je me suis rendu en Fédération de Russie au mois de décembre afin de participer au congrès du parti Russie juste et j’ai remarqué que les programmes politiques sont comparables aux nôtres. Comme chez nous, ces derniers souhaitent améliorer les conditions de vie de la population. Nous devrons donc travailler ensemble pour devenir plus prospères et sortir enfin de la crise financière que nous connaissons car nous dépendons tous les uns des autres.

Oui, les changements démocratiques sont nécessaires en Fédération de Russie, oui, nous devons envoyer un message clair en ce sens, mais en dépit des problèmes que nous avons constatés, les résultats électoraux reflètent bien l’avis de la majorité de la population et celui-ci doit être respecté !

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Tsiskarishvili.

M. TSISKARISHVILI (Géorgie)* – Tout le monde s’accorde sur trois points. La période préélectorale n’a pas été équitable en Fédération de Russie puisque tous les partis politiques n’ont pas pu se présenter et que le Kremlin n’a pas été capable de formuler des règles justes. Le jour du vote a été l’occasion d’une fraude massive, le scrutin n’ayant été ni démocratique ni transparent en ne répondant ni aux normes internationales ni à celles du Conseil de l’Europe. En ce qui concerne la période préélectorale, tout le monde attendait des autorités qu’elles réagissent aux plaintes déposées. Il n’en a rien été, les autorités russes n’ont pas mené les enquêtes nécessaires, déclarant que la campagne avait été orchestrée de l’extérieur et que dans la réalité, tout s’était bien passé.

En conclusion, les élections n’ont été ni loyales, ni équitables, ni démocratiques. Je comprends que certains collègues ne souhaitent voir que le bon côté de la médaille, arguant que tout a été fort bien organisé sur le plan technique. Mais l’argument ne porte pas, car la Russie n’a jamais connu de problème de dysfonctionnements techniques. Même au temps de l’Union soviétique, tout se passait fort bien. L’Union soviétique était championne du monde en matière de technique d’organisation des élections : tout le monde allait voter, tout le monde votait pour les communistes, les bureaux ouvraient et fermaient à l’heure, les comptes étaient bons. Techniquement, il n’y avait rien à redire. Cela pour dire que mettre en avant les aspects techniques ne me semble pas très prometteur pour l’avenir.

Un collègue français a regretté la non-tenue d’un débat d’urgence. Nous aussi pensons qu’il aurait été nécessaire. Finalement, être moins sévère n’est jamais considéré par le Kremlin comme un geste d’apaisement. Il l’interprète au contraire comme un signe de faiblesse. Ce n’est donc pas ainsi qu’il faut se comporter vis-à-vis des autorités du Kremlin.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Vyatkin.

M. VYATKIN (Fédération de Russie)* – Vous évoquez les violations des règles électorales qui, prétend-on, se seraient produites en Russie. Il s’agit d’allégations. Une violation ne peut être reconnue comme telle qu’une fois apportée la preuve juridique. Les partis ont indiqué que des violations s’étaient produites dans tel ou tel bureau de vote, mais cela ne se produit-il pas toujours ? Les représentants de tous les partis politiques présents dans les bureaux de vote constatent des écarts, en dressent le procès-verbal et ces observations sont transmises aux commissions électorales.

On évoque des violations massives au cours des élections, mais il convient de préciser qu’il s’agit d’allégations qui doivent faire l’objet d’une évaluation juridique. Les instances, les représentants des autorités et les représentants du parti au pouvoir doivent se prononcer. Je le dis ici officiellement : nous souhaitons que ces allégations soient examinées de façon impartiale et objective.

Il ne fait aucun doute que si des violations étaient avérées, des sanctions seraient appliquées à l’encontre des responsables. Mais, pour l’heure, il n’est question que d’allégations, on ne peut reconnaître quelqu’un coupable avant qu’un tribunal se soit prononcé. C’est un principe fondamental qui est reconnu dans tous les pays membres du Conseil de l’Europe.

La mission du Bureau international des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE a conclu que les élections étaient légitimes. Tous les partis politiques qui ont obtenu des sièges à la Douma en sont d’accord. D’ailleurs, personne n’a refusé d’y siéger depuis les élections, tout le monde a reconnu les résultats de ces élections, même si, comme je l’ai indiqué, des enquêtes seront menées sur les violations déclarées, mais cela nécessite du temps.

Quoi que l’on dise, la Fédération de Russie est engagée sur la voie du développement démocratique. Le chemin est ardu, mais certains pays n’ont-ils pas mis des siècles pour le parcourir ? Nous l’avons fait en dix ou quinze ans. Le processus est difficile. Il faut respecter la volonté qui a été exprimée de façon libre et objective par la population russe.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Sasi.

M. SASI (Finlande)* – La Russie se situe à un carrefour. Boris Elstine a su faire naître la démocratie, mais il n’y a pas de tradition démocratique en Russie. Je comprends que Vladimir Poutine ait voulu instaurer une nécessaire stabilité en Russie. Pour ce faire, il a concentré les pouvoirs. Si l’on peut considérer que c’était acceptable, on peut penser que les choses prennent une bien mauvaise tournure quand Vladimir Poutine déclare qu’il fallait une démocratie « bien encadrée ».

A bien considérer, il n’y a pas répartition des pouvoirs, mais un parti qui s’octroie le contrôle de ce qui relevait de l’ancien parti communiste. Les services de sécurité ont la mainmise sur le système judiciaire et les forces de l’ordre. Le pouvoir est exercé par les oligarques dès lors qu’ils entretiennent de bons rapports avec les instances dirigeantes. Puis, comme l’ont montré les affaires Magnitski et Khodorkovski, les gens ont peur, la peur étant une façon d’étouffer toute opposition. C’est pourquoi il est nécessaire de guider le pays.

Il convient de rappeler que la démocratie est un bon système dans la mesure où elle permet des évolutions progressives. Sans démocratie, le changement reste possible, mais il nécessite une révolution. L’histoire russe est là pour nous dire que c’est une possibilité, mais une révolution peut aussi conduire à une surconsolidation du pouvoir. Voilà qui pourrait être malsain pour l’Europe.

La Russie doit séparer les partis politiques et l’Etat. L’Etat a des devoirs, ses compétences. Dès lors, les fonctionnaires travaillent pour l’Etat, non pour les partis. Il faut de réelles valeurs politiques déclinées en un véritable programme qui ne peut consister en une gestion complète du pays. Les partis doivent pouvoir mobiliser les citoyens, obtenir qu’ils militent.

Il appartient à la Russie d’analyser son histoire et d’en tirer des leçons. Les nombreux événements intervenus au cours des 70 dernières années n’ont pas été analysés. Or il faut en revenir aux faits et en tirer des leçons, à l’instar de l’Allemagne.

Autre point important : l’information proposée par les médias, notamment par la télévision. Il faut une convergence entre ce que pensent l’opinion publique et les partis politiques. Un antagonisme permanent ne peut prévaloir.

Continuons à aider la Fédération de Russie ; les membres russes de cette Assemblée savent ce qu’est la démocratie, ils ont besoin de notre aide pour contribuer à l’avènement de la démocratie dans leur pays.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Taktakishvili.

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie)* – Monsieur le Président, toutes nos félicitations pour votre élection à la présidence de l’Assemblée.

Mes chers collègues, serions-nous arrivés jusqu’ici si nous avions pris la responsabilité d’effectuer un vrai suivi ? Nous n’avons pas préparé un seul rapport de suivi sur la Russie depuis 2005. De même, après l’intervention militaire, l’occupation des territoires géorgiens et le nettoyage ethnique, la Russie, semblait-il, ne méritait pas la moindre sanction. Nous n’avons pas considéré que la situation actuelle nécessitait de prendre des mesures d’urgence.

A chaque fois, on nous a opposé la nécessité d’inciter les autorités russes à ne pas faire de mauvais choix et à opérer les bons. Ont-ils vraiment fait de bons choix depuis toutes ces années ? Depuis que nous avons décidé de ne pas tenir un débat d’urgence, les Russes ont privé M. Iavinskli de la possibilité de se porter candidat à l’élection présidentielle. Ils ont refusé d’autoriser la manifestation du 4 février sur le trajet proposé par les organisateurs. Tout cela me préoccuperait moins si j’étais sûre que nous soyons capables d’assurer la sécurité, voire de protéger la vie des manifestants en Russie, qui ne demandent qu’à vivre dans un pays démocratique.

Sommes-nous capables de prévenir les graves violations aux droits de l’homme en Russie ? A mon avis, c’est sur ce sujet que l’Assemblée devrait concentrer ses efforts. Nous devrions élaborer un plan anti-crise au sein du Conseil de l’Europe et de l’Assemblée. Il faudrait consolider les efforts et l’action de tous les organes du Conseil de l’Europe pour savoir comment réagir au moment critique, pour savoir comment protéger les vies des manifestants. Il faut réfléchir aux mesures préventives à prendre vis-à-vis des autorités russes dans les semaines à venir, car les événements en Russie peuvent se développer bien plus vite qu’on ne s’y attend. Nous l’avons bien vu en Géorgie durant la Révolution des Roses. Sans mécanisme de prévention, de coordination et de réaction immédiates, nous risquerions d’être coresponsables des nouvelles atrocités du régime de Poutine.

Quand un représentant de la Géorgie s’exprime sur un tel sujet, on est souvent tenté de mettre en doute son objectivité. Mais savoir ce que sera l’avenir de la Russie ne sera jamais indifférent pour la Géorgie, et seule une Russie démocratique et respectueuse de ses citoyens peut se comporter de manière responsable et civilisée avec ses voisins.

M. Walter, Vice-Président, remplace M. Mignon au fauteuil présidentiel.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à Mme Goryacheva.

Mme GORYACHEVA (Fédération de Russie)* – Je souhaitais exprimer mon point de vue sur les tendances électorales actuelles en Russie : existe-t-il une évolution positive ? J’estime que je peux exprimer un point de vue impartial sur cette question.

J’ai en effet été élue cinq fois à la Douma d’Etat au cours des six dernières législatures et je n’ai jamais été membre du parti au pouvoir. J’ai d’abord été députée indépendante et, lors des deux dernières élections, j’étais membre du parti social-démocrate d’opposition Juste Russie, y compris en décembre de l’année dernière.

Le parlementarisme en Russie a connu au cours des vingt dernières années une histoire extrêmement difficile, dont l’un des chapitres fut l’assaut lancé contre le parlement en 1993. A l’époque, vous aviez applaudi ces événements. Il a fallu des années pour que le processus électoral se mette en place étant donné l’immensité du territoire du pays. Avec 94 000 bureaux électoraux, il est bien compréhensible que la tâche n’ait pas été facile. Nous sommes reconnaissants aux organisations internationales, dont l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui ont assuré l’observation des élections à la Douma d’Etat.

Cela vous paraîtra paradoxal, mais cette dernière campagne a été pour moi celle qui a fait l’objet de moins de violations. Il y a eu néanmoins des difficultés : aujourd’hui, 31 affaires pénales sont examinées et 195 plaintes ont été déposées et reconnues par la Commission électorale centrale comme étant fondées.

Demain, le 27 janvier, la Douma d’Etat entendra en séance plénière des représentants des plus hautes instances judiciaires de la Russie et le président de la Commission électorale centrale sera présent. Nous, les députés, avons l’intention de poursuivre le processus d’examen et de sanctionner sévèrement ceux qui enfreignent la loi.

Le thème de notre débat aujourd’hui est la « Fédération de Russie entre deux élections ». C’est au peuple qu’il revient de choisir son prochain président. Si nos citoyens ne sont pas toujours très désireux de vous entendre, vous, mes chers collègues, c’est qu’en d’autres temps, vous avez vivement applaudi MM. Gorbatchev et Eltsine qui, aux yeux de nombre de mes concitoyens, ont détruit le pays et sont à la source de nombreux problèmes qui se posent aujourd’hui. Vous critiquez M. Poutine, mais c’est sa politique qui a permis à la Russie de ne pas se défaire, de ne pas s’émietter.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à Mme de Pourbaix-Lundin.

Mme de POURBAIX-LUNDIN (Suède)* – Je reviens sur la période pré-électorale et sur la difficulté pour les partis de se faire enregistrer. Les partis sont créés par le Kremlin, il n’existe pas de véritables partis d’opposition et une très forte pression est exercée sur les gouverneurs pour qu’ils assurent un certain nombre de voix à Russie Unie. C’est ainsi que les choses se sont passées avant les élections.

Pour ma part, je suis allée en Russie après les élections. Tout le monde a reconnu qu’il y avait eu un certain nombre de dysfonctionnements et d’irrégularités. Tout le monde dit qu’il faut que cela change politiquement, mais j’ai quelques doutes en ce qui concerne Russie Unie. J’ai l’impression que ce parti a mis en place une stratégie de survie jusqu’à la présidentielle du 4 mars. Peut-être un vent de changement souffle-t-il vraiment, nous verrons bien.

Des plaintes ont été déposées et les tribunaux vont devoir trancher – j’espère qu’ils le feront dans le bon sens. Il est clair que Russie Unie et M. Poutine ont vu leur popularité baisser. Les Russes semblent lassés de ce régime. Apparemment, ce sont surtout les classes moyennes qui protestent. On pourrait dire que ce sont quelques personnes bien loties, mais ces personnes ont surtout le sentiment que leur vote a été détourné. L’avenir de la Russie pourrait se dessiner, je crois, ces toutes prochaines semaines et prochains mois. Dans quel sens ? Cela dépendra de l’évolution des discussions en cours et des décisions qui seront prises par ceux qui sont aujourd’hui les maîtres de la Russie. J’espère donc que les dirigeants russes feront le bon choix, car la Russie mérite la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit. Actuellement, ces principes ne sont pas respectés en Russie, mais il n’est pas trop tard pour agir.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Sudarenkov.

M. SUDARENKOV (Fédération de Russie)* – J’ai franchi le seuil d’un bureau de vote pour la première fois de ma vie en 1958. C’était l’époque du dégel sous Khrouchtchev. Plus d’un demi-siècle plus tard, je peux donner une évaluation subjective, mais c’est ma propre conclusion.

A l’époque, ces élections paraissaient être une sorte de fête. Il n’y avait pas vraiment d’enjeu. Aujourd’hui, il y a un enjeu mais pas vraiment de fête. Nous nous regardons d’un air soupçonneux dans les bureaux de vote, un peu comme si chacun soupçonnait les autres. Il me semble qu’il faut que les deux soient réunis : une élection devrait être une fête démocratique, une fête du peuple.

Au cours de cette campagne électorale, j’ai joué le rôle principal : celui de l’électeur. Je n’appartiens à aucun des partis en jeu, et je crois donc avoir un point de vue relativement objectif. Le principal problème en Russie est la complexité de la législation électorale. Même pour les spécialistes, il est difficile de comprendre exactement tout ce qu’il faut faire pour respecter ces multiples exigences.

En 1996, j’ai participé à la campagne en tant que gouverneur. Je devais réunir 20 000 signatures. Je l’ai fait, mais je puis vous assurer que c’est un travail colossal. Aujourd’hui, lorsqu’il s’agit de réunir deux millions de signatures, ce n’est pas réaliste. C’est impossible pour les candidats qui souhaitent présenter leur candidature aux élections présidentielles. Je ne sais pas comment ils font pour réunir autant de signatures.

Il est donc essentiel de faire évoluer la législation en Russie : on parle de ramener ce seuil de deux millions à trois cent mille signatures, d’abaisser le seuil de représentativité de 7 à 5 %, j’espère quant à moi que l’on ira plus loin et qu’on l’abaissera à 3 %, voire qu’on le supprimera. Ce qui compte dans les élections, ce n’est pas tant le pouvoir que la légitimité de ce pouvoir. Je pense que personne ne souhaite exercer le pouvoir sans légitimité.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Fritz.

M. FRITZ (Allemagne)* – M. Slutsky nous a donné de l’espoir en nous promettant que tout se passerait différemment à la prochaine élection. Mais Mme Beck a un peu douché notre optimisme en rappelant que nos espoirs avaient souvent été déçus ! D’ailleurs, si plus de 90 % des Tchétchènes ont voté pour le parti de M. Poutine, M. Kadyrov a déclaré qu’il mettrait les opposants en prison !

Malgré cela, les événements actuels semblent montrer que les aspirations démocratiques augmentent en Russie, et c’est un bon signe. Nous en aurons peut-être une illustration le 4 février. Les manifestants font partie des élites : ce sont des jeunes bien éduqués, diplômés, qui réclament la liberté, la démocratie et le respect des droits dans la Russie de demain. Or, pour cela, il convient de mettre un terme à la bureaucratie au pouvoir, à l’omnipotence des oligarques. Nous devons nous appuyer sur cette couche de la population qu’il faut inclure dans les procédures.

S’agissant de la présidentielle, il faudra tout faire pour mettre un terme aux dysfonctionnements, même s’il ne sera pas possible de tout régler d’ici au mois de mars – il y a trop d’inégalité des chances.

Il est impossible de revenir en arrière, il convient donc, pour la Russie de demain, de miser sur l’inclusion de la population et non pas sur son exclusion.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Minashvili.

M. MINASHVILI (Géorgie)* – Monsieur le Président, que constatons-nous ? Les partis de l’opposition qui tressent des lauriers au Président ! C’est du jamais vu !

On nous dit qu’il y a au sein du Gouvernement des Russes pro-européens ! Est-ce M. Poutine qui dit que « toutes les démocraties conspirent » ou M. Lavrov qui s’est rendu en Corée du Nord et qui n’a pas adressé ses condoléances à la République tchèque lors du décès de Vaclav Havel, symbole de liberté ? Et quid du Président Medvedev qui a affirmé qu’il s’agissait des élections les plus propres jamais organisées en Russie ! En réalité, il n’y a pas de pro-Européens au sein du Gouvernement russe. La seule force européenne, c’est la population.

On en revient toujours à la même chose : un Etat répressif, une corruption rampante, des attaques contre le monde libre… Le moment est venu de parler à l’unisson et de nous joindre aux Russe qui sont descendus dans la rue.

Voilà quelques semaines, le Parlement européen a adopté une résolution qui indique très clairement que ces élections se sont tenues dans un climat regrettable. Un nouveau scrutin serait nécessaire et toutes les violations devraient faire l’objet d’une enquête.

La démocratie en Russie est une nécessité, non seulement pour elle-même, mais pour l’Europe et les voisins de la Russie. Le Premier ministre britannique a dit hier à juste titre : « pas de paix extérieure sans paix à l’intérieur ».

La Russie protège des régimes militaires comme celui de la Corée du Nord, un système tyrannique. Edmond Burke disait que le mal ne triomphe que si l’homme de bien reste sans réaction. Eh bien, les femmes et les hommes de bien, toutes les personnes de bonne volonté réunies dans cet hémicycle devraient passer à l’action pour mettre à mal l’oppression.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à Mme Čigāne.

Mme ČIGĀNE (Lettonie)* – Je voudrais remercier les collègues qui ont fait un compte rendu détaillé sur le déroulement du dernier scrutin en Russie. La conclusion est claire : les élections législatives n’ont pas été équitables.

Plusieurs collègues russes ont affirmé que le BIDDH (Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme) leur avait délivré un satisfecit. C’est faux ! Le rapport fait au contraire état de graves dysfonctionnements et d’irrégularités dans un bureau de vote sur trois ; en particulier au moment du dépouillement. Les électeurs se sont comportés correctement, c’est au moment du dépouillement que les choses ont gravement dérapé.

Cela dit, il est vrai que l’on sent un vent de changement et que le cadre législatif a été remanié dans un sens positif. Mais les textes ne suffisent pas…

Je m’interroge sur la proposition d’installer des caméras dans les bureaux de vote. Dans un climat d’insécurité et de méfiance, des caméras amèneront plutôt les électeurs à penser qu’on les contrôle davantage. Cette proposition n’est donc pas aussi positive qu’on voudrait bien nous le faire croire.

C’est vrai, plusieurs collègues l’ont dit, nous avons assisté à une mobilisation sans précédent pendant la campagne et après le scrutin, alors que tout laissait penser que le résultat était acquis d’avance. Malgré cela, les Russes sont allés voter et se sont mobilisés. Malheureusement, les autorités russes ont répondu par la répression et le harcèlement des manifestants. La commission de suivi devra en tirer toutes les conclusions qui s’imposent.

De même nous devons suivre la procédure Magnitsky, les Russes n’ayant pas les moyens d’obtenir la vérité.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Valeriy Fedorov.

M. Valeriy FEDOROV (Fédération de Russie)* – J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer lundi sur les élections qui se sont déroulées en Russie. J’ajouterai aujourd’hui que nous avions invité de nombreux observateurs d’organisations internationales pour ces élections et que la Russie a respecté toutes ses obligations internationales. D’ailleurs, dans tous les rapports de ces organisations, on peut lire que les citoyens russes ont eu la possibilité de s’exprimer librement. Plus de 60 % de la population ont voté, ce qui représente 65 millions de personnes.

Quant à la légalité de la campagne électorale, on en a beaucoup parlé. Le procureur général a déclaré que les organes du parquet de notre pays avaient identifié quelque 3 000 cas d’infraction à la législation électorale ; 95 personnes font l’objet de poursuites administratives.

Des violations des lois électorales ont entraîné l’ouverture de 31 affaires pénales, dont certaines impliquent parfois des membres de commissions électorales. Il y a entre autres 127 demandes d’annulation des élections. Je peux vous garantir que si les violations de la loi sont avérées, chacun de ces cas fera l’objet de décisions judiciaires ou de sanctions. Il est toutefois étrange que les chiffres du procureur général ne correspondent en rien à ceux que l’on cite ici. On fait état d’un nombre de plaintes invraisemblable, de l’ordre de 10 à 15 millions, et de violations constatées dans un bureau de vote sur trois. Tout cela me rappelle un peu un reportage télévisé de la chaîne Fox News sur des manifestations à Moscou, en décembre, illustrées par des images de manifestations grecques où l’on voyait des palmiers, peu fréquents à Moscou, surtout au mois de décembre ! Comme l’on dit chez nous, il y a des limites à tout, y compris au mensonge !

Notre législation évolue dans le sens d’une plus grande conformité à toutes les recommandations : on a baissé de 7 à 5 % le seuil d’éligibilité à la Douma, indiqué qu’il ne faudrait plus que 500 signatures pour enregistrer un parti, accru le nombre des circonscriptions désignées grâce à la proportionnelle. Les partis politiques auront le droit de rappeler leurs représentants dans ces commissions. Comme l’a dit Tiny Kox, un arbitre impartial sera encore plus indépendant.

J’appelle donc tous mes collègues à se montrer objectifs dans leur évaluation des élections, tant passées que futures et à ne pas céder à l’émotion.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Zingeris

M. ZINGERIS (Lituanie) * – Monsieur le Président, chers amis, je crois que nous sommes face a des événements qui sont parmi les plus importants de ce siècle. Depuis deux mois, en effet la Russie bouge. A Moscou, on assiste à des événements que mutatis mutandis, nous avons déjà connus, il y a vingt ans, au moment de l’effondrement de l’Union soviétique. Je voudrais rendre ici hommage à tous les courageux démocrates russes des années quatre-vingt-dix qui m’ont permis de respecter la nation russe.

Depuis deux mois, les Russes nous démontrent qu’ils peuvent mettre en place un Etat démocratique, ce que l’on ne peut pas ignorer. Si Yavlinski ou Nemtsov pouvaient arriver au pouvoir, nous tiendrions d’autres discours en commission et dans l’hémicycle et la confiance règnerait entre la Russie et tout le monde démocratique. Le nombre des démocraties que compte la planète augmentera ou diminuera au gré des différentes élections : à Taïwan, où des millions d’internautes ont suivi la campagne électorale, on a constaté que la démocratie avait été consolidée dernièrement !

Il y a des démocrates à Moscou et, s’ils gagnent, tout changera. Pour ma part, je suis très heureux que M. Kox ait pu diriger cette mission et je le remercie pour son travail et son intervention, mais nous sommes à la croisée des chemins et nous devons nous focaliser sur ce qui se passe actuellement, parce que ce sont des évènements considérables. Nous devons soutenir les vrais démocrates moscovites.

LE PRÉSIDENT* – En l’absence de Mme Anikashvili, inscrite dans le débat, la parole est maintenant à M. Vareikis.

M. VAREIKIS (Lituanie)* – Je voudrais rebondir sur les propos de M. Sudarenkov. Les gens votent aujourd’hui en Russie, mais les élections ne sont pas des vacances, ni une fête. Il s’agit plutôt d’un devoir que l’on accomplit ! D’autres collègues ont émis des souhaits. Oui, la Russie souhaite faire mieux, mais nous sommes en 2012 et le souhait d’améliorer les choses ne suffit plus ! Il faut maintenant agir.

De façon plus générale, j’éprouve une certaine insatisfaction en constatant que, lorsque nous parlons de la Fédération de Russie, nous n’évoquons que ses problèmes et jamais de solutions. Je voudrais ne plus avoir à parler des problèmes russes. La Russie est un pays magnifique, sa population est extraordinaire et vous serez peut-être surpris de m’entendre dire que j’aime la Russie et que j’aime la langue russe.

(Poursuivant en russe) Le problème, c’est que les Russes si merveilleux ne sont pas libres et qu’ils souhaitent le devenir. Nous aimerions que la Russie se rapproche de l’idée européenne, car elle fait profondément partie de l’Europe. Nous en parlons comme d’un pays dont nous avons peur, mais j’aimerais que nous voyions la Russie comme un pays que nous aimons tous : l’âme slave est quelque chose qui existe !

Ces élections sont donc une chance de ne plus songer exclusivement à qui va l’emporter. Faites ce qu’il faut et tout se passera bien : la personne qu’ils souhaitent voir gagner l’emportera probablement, de toute façon.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Aleksandrov.

M. ALEKSANDROV (Fédération de Russie)* – Il est difficile de persuader quelqu’un dont la conviction est déjà faite, mais je veux en appeler à un jugement objectif, constructif et ouvert. Il est évident que la Russie est aujourd’hui un Etat de droit, un Etat démocratique, un Etat moderne, prêt non pas simplement à avoir des relations amicales avec l’Europe mais à incarner l’Europe, à être l’Europe, à être un Etat européen dans tous les sens du terme. La Russie ne doit pas s’adresser à l’Europe en recourant au « nous » et au « vous » : la Russie et l’Europe, c’est la même chose !

Bien entendu, les problèmes existent, mais toutes les personnes qui ont une vision objective et qui ont à cœur les valeurs humaines dont nous nous réclamons tous comprennent parfaitement les choses. Simplement, il y a des personnes qui sont animées de bonnes intentions et d’autres qui sont animées de mauvaises intentions, pour toutes sortes de raisons, notamment des raisons qui n’ont rien à voir avec le débat.

Aujourd’hui, un processus d’amélioration de la législation en vigueur est en cours. C’est vrai, des erreurs ont été faites. C’est vrai, certains veulent avoir le pouvoir, mais il ne peut y avoir qu’un seul président, et tout le monde ne peut pas être député. Seuls peuvent être députés ceux qui respectent une constitution démocratique et l’Etat de droit. Nos collègues l’ont dit : les plaintes déposées sont examinées. Il y a actuellement trente affaires pénales en cours. Si la culpabilité des personnes accusées est établie, elles seront condamnées à des peines sévères.

Il est évident que la population russe a, dans l’écrasante majorité des cas, voté librement. Ces élections ont été reconnues comme des élections démocratiques, comme des élections justes et équitables, et je pense que cela mérite le respect. C’est pourquoi je voudrais qu’il y ait maintenant une coopération plus étroite avec les juristes russes afin d’améliorer la législation électorale. Nous sommes tous embarqués ensemble.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à Mme Papadimitriou.

Mme PAPADIMITRIOU (Grèce)* – J’ai participé à la mission d’observation des élections à la Douma russe, et je sais ce qu’en ont dit le Parlement européen et un certain nombre de pays européens. Des mesures dures ont été prises.

J’ai été ravie d’entendre le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe s’exprimer, en réponse à certains de nos collègues, à propos de l’imposition de sanctions. Qu’a-t-il dit ? Il a tenu des propos très sages : « Je ne regarde pas l’Europe comme un continent où l’on évoque la possibilité de durcir les sanctions. Non, usons de nos instruments, croyons en leur capacité à changer la situation qui prévaut dans les Etats membres, allons au-delà des approches répressives, allons au-delà de ce que nous faisons déjà et lançons des programmes de coopération dans un climat positif. » Merci, Monsieur le Secrétaire Général, de cette leçon de sagesse. J’espère que ce message sera entendu partout et que nous endosserons ce nouveau rôle.

Je ne doute pas, Monsieur le Président, de la crédibilité des constats dressés par mes collègues. Cependant, ma propre expérience – certes, pas très longue – d’observatrice me porte à un constat tout à fait positif. Il faut regarder les progrès accomplis par la Russie, et je porte un jugement très favorable sur la capacité de la Russie à jouer un rôle dans notre monde. Oui, la Russie peut nous aider à relever les défis qui nous sont lancés.

Considérons mon propre pays, la Grèce, qui essuie une crise qui n’est pas qu’une crise économique. De nombreuses erreurs sont commises et nombre d’idées préconçues sur notre capacité à appartenir à telle ou telle communauté ont cours. Il faut que nous nous donnions les moyens de faire certains choix et que nous essayions de réfléchir très activement aux difficultés rencontrées. Si la Grèce arrive à obtenir les lignes de crédit dont elle a tant besoin avant la fin du mois de mars, il faudra immédiatement donner 10 milliards d’euros à l’Allemagne pour que cette ligne de crédit soit maintenue. La Grèce et la Turquie ont besoin, plus que de toute autre chose, de confiance.

La Russie doit s’attaquer à certains problèmes actuels, mais reconnaissons ici et maintenant que la manière dont nous avons réagi aux élections législatives russes pourrait susciter ce que l’on appelle un retour de bâton. Encourageons au contraire les Russes, aidons-les à devenir plus sages et à tirer le meilleur parti de ce qui s’est passé. Croyons en la capacité de la Russie à s’engager sur la voie d’un avenir démocratique.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Hancock.

M. HANCOCK (Royaume-Uni)* – Pour commencer, je veux dire à quel point j’ai apprécié les propos de M. Kox, qui me semble avoir fort bien résumé le sentiment d’un certain nombre d’entre nous, un sentiment d’espoir mais aussi de regret, parce que certaines occasions ont été manquées.

Aujourd’hui, une nouvelle fois, il est offert à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe de réfléchir sérieusement à sa position vis-à-vis de la Russie. Je pense que Tiny Kox a exposé les choses de manière très claire : nous devons continuer de travailler avec nos collègues de la Douma, avec le gouvernement russe, pour que les changements que nous appelons de nos vœux interviennent.

J’ai tout de même été surpris, en commission de suivi, d’entendre M. Gross déclarer que M. Jagland se rendrait en Russie après l’élection présidentielle. Voilà qui me paraît absurde ! Si vraiment le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe doit se rendre en Russie, c’est entre les élections législatives et l’élection présidentielle qu’il doit le faire. J’espère vraiment qu’il révisera son calendrier. Je pense que M. Jagland doit aller dire les choses clairement à M. Medvedev et à nos collègues de la Douma. Il doit exprimer notre sentiment sur la situation en Russie.

Je ne suis pas certain, pour ma part, du message que voulaient adresser les manifestants. Les interviews révèlent toute une palette de points de vue différents. De toute façon, il est difficile de trouver quelqu’un qui parle anglais ; si l’on y parvient, certes, c’est pour entendre dénoncer un vol de suffrages, mais est-ce vraiment représentatif ? S’agit-il d’un épiphénomène moscovite ou de la situation de l’ensemble du pays ? On n’en sait rien. M. Gross affirme qu’il y a eu des manifestations ailleurs qu’à Moscou, mais je n’ai, pour ma part, rien vu dans la presse occidentale à ce sujet. Je suis donc un peu surpris.

Nous devons trouver les voies et les moyens de travailler avec nos collègues russes. J’ai bien entendu, par exemple, M. Slutsky. Ne s’exprimait-il pas pour des pans entiers de la société russe qui souhaitent le changement ? C’est mon sentiment.

Nous semblons, dans cet hémicycle, avoir un réflexe conditionné. Dès qu’un pays ne donne pas immédiatement satisfaction, nous sortons le bâton ! Ce n’est évidemment pas la bonne manière de faire. Si nous ne voulons pas de la Fédération de Russie au sein de notre Assemblée, disons-le carrément. Je pense personnellement qu’il vaut toujours mieux dialoguer autour d’une table plutôt que de rompre toute relation, ce qui prive d’un contrôle possible sur le cours des choses.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Ghiletchi.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Je me suis rendu en Russie à plusieurs reprises mais, lors de ma dernière visite, je participais pour la première fois à une mission internationale d’observation d’élections. Comme de nombreux autres observateurs, j’étais très curieux d’observer le déroulement des élections parlementaires et la réaction de la population. A l’aéroport, une jeune douanière russe a semblé très intéressée par le rôle de notre mission et, pourtant, elle a déclaré qu’elle n’irait pas voter, persuadée de connaître à l’avance les résultats du vote. A mon avis, cette Russe exprimait le sentiment général de la population, qui s’estime dans l’incapacité de changer l’issue du scrutin. Le jour-même de l’élection, néanmoins, les citoyens qui se rendaient dans les bureaux de vote espéraient un avenir meilleur.

Les élections nous ont paru bien organisées, mais le décompte des voix s’est déroulé dans une ambiance tendue et l’on peut affirmer aujourd’hui que le scrutin n’a été ni juste, ni équitable. Le Président Medvedev a d’ailleurs proposé une réforme complète du système politique russe et, plus particulièrement, l’installation de caméras dans les bureaux de vote lors des prochaines élections.

Parvenir à un système démocratique digne de ce nom en Russie est important pour la population russe mais aussi pour tous les citoyens européens, notamment ceux de l’Europe orientale. En effet, le règlement de bon nombre de conflits gelés dans les pays de l’ancienne Russie soviétique est aujourd’hui entre les mains du Kremlin.

Le 1er janvier 2012, un soldat russe a tué un jeune Moldove à la frontière. Il semble urgent de parvenir à une résolution du conflit en Transnistrie, en substituant à la mission militaire une mission civile. Malheureusement, les déclarations de l’ambassadeur russe en République de Moldova à la suite de cet incident ont été très insultantes, ce qui a avivé les tensions. J’espère qu’après les élections, l’arrivée de nouveaux responsables russes dans la région séparatiste permettra des progrès dans le règlement de ce conflit.

Pour conclure, je voudrais soumettre à nos collègues russes cette déclaration de David Lloyd George : « N’ayez pas peur de faire un grand pas en avant si c'est indiqué : on ne franchit pas un abîme en deux petits sauts. »

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Zhidkikh.

M. ZHIDKIKH (Fédération de Russie)* – Nous débattons ce matin d’un thème de la plus haute importance pour mon pays et chacun en Europe a les yeux tournés vers notre Assemblée. Je tiens particulièrement à remercier M. Kox, qui a fait un travail considérable pour évaluer le déroulement des élections parlementaires en Russie. Je ne doute pas que le renforcement du processus d’observation des élections permettra de renforcer leur légitimité dans mon pays. Toutefois, il serait bon de préciser ce qui est évalué exactement : le résultat des élections ou la situation politique en Russie ? S’il s’agit du résultat des élections, je souligne que 83 régions russes et plus de 60 millions d’électeurs y ont pris part. En outre, l’amélioration de la législation électorale est en cours.

Dans tout le pays, un très grand nombre de personnes travaillent très activement afin de permettre le bon déroulement des élections. Par ailleurs, le résultat de ces élections est chiffré et connu. Je comprends donc mal l’intervention de nos collègues géorgiens qui prennent prétexte de ce sujet pour exprimer tous les griefs qu’ils ont à l’encontre de la Russie.

Chers collègues, je vous demande de cesser vos attaques permanentes à l’égard de mon pays et de son Premier ministre. C’est si systématique que cela devient contre-productif ! Nous vous manifestons le plus grand des respects et nous vous demandons de faire de même. Cessez, enfin, de nous donner des leçons. J’ai 50 ans, une certaine expérience et je viens d’être élu à la Douma. Mes électeurs n’ont déposé aucune plainte contre moi.

Au cours des dernières élections, la jeunesse russe a joué un rôle essentiel. Certains jeunes russes sont présents aujourd’hui à Strasbourg pour participer à un séminaire sur les valeurs démocratiques. Je m’en félicite !

LE PRÉSIDENT* – La parole est à Mme Guţu.

Mme GUŢU (République de Moldova) – Monsieur le Président, je regrette vivement que nous ne tenions pas aujourd’hui un débat d’urgence sur « la Fédération de Russie entre deux élections ». Le passage d’une année à une autre ne nous exonère pas de notre obligation de défendre le respect des droits de l’homme dans certaines régions du monde. A cet égard, les violations des droits de l’homme en Transnistrie depuis vingt ans sont une réalité incontournable, malgré les efforts des autorités moldoves et des acteurs internationaux pour résoudre ce conflit gelé. Malheureusement, l’un des acteurs des négociations, la Russie, ne favorise pas leur bon déroulement.

Au mois de novembre dernier, le ministre des Affaires étrangères de la Russie, M. Lavrov, a visité la République de Moldova et déclaré officiellement que la Russie n’ouvrirait pas de bureaux de vote dans la région sécessionniste de Transnistrie. Dans un discours devant les étudiants moldoves, il a même salué

l’orientation pro-européenne de la Moldova. Hélas, quelques jours après, dès son retour à Moscou, l’ouverture de 24 bureaux électoraux dans la zone sécessionniste, en plus des trois bureaux officiels de l’ambassade russe, a été annoncée.

Selon les statistiques, 52 000 citoyens russes auraient voté en Transnistrie le 4 décembre 2011. Ce chiffre paraît pour le moins farfelu. Je suppose qu’aucun membre de la délégation de l’Assemblée pour l’observation des élections ne s’est déplacé dans cette zone sécessionniste étant donné les tensions depuis l’incident du 1er janvier qui a vu un jeune moldove tué par un soldat russe. Les déclarations scandaleuses de l’ambassadeur russe en République de Moldova à la suite de cet incident auraient justifié sa démission immédiate.

Les manifestations de l’opposition russe qui se sont tenues le lendemain des élections parlementaires, mais également le manque de pluralisme politique et l’impossibilité d’une libre expression des médias, suffisent à démontrer qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans le fonctionnement de la démocratie en Russie.

L’orateur précédent a parlé du respect des autres collègues. Je demanderai, quant à moi, du respect de la part de la Russie pour la souveraineté et l’indépendance de la République de Moldova. Malheureusement, le débat d’actualité d’aujourd’hui court le risque de ne pas laisser de traces, car aucun texte n’est adopté. J’espère toutefois que la Russie prendra en compte toutes les observations qui ont été faites par les orateurs.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Kandelaki.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Je voudrais répondre à notre collègue russe que les voisins de la Russie voudraient bien respecter la Russie, mais pour que cela soit possible, il faudrait déjà que les Russes eux-mêmes respectent leurs voisins.

Ce n’est pas la première fois, malheureusement, que nous parlons de la Russie ici. A chaque fois que nous le faisons, nous déplorons une régression. Quand un Géorgien s’exprime, on peut l’accuser de partialité, mais s’il y a vraiment un pays qui tient à ce que la Russie devienne un Etat respecté dans la communauté internationale, c’est bien la Géorgie !

Des observateurs internationaux ont étudié les résultats du scrutin. Ils ont noté que bizarrement Russie Unie avait obtenu dans certaines circonscriptions, tout d’un coup, 90 % des voix, des circonscriptions où au surplus la participation était bien plus forte que normalement. On constate que dans la plus grande partie des circonscriptions électorales où Russie Unie a obtenu des scores énormes, il y avait une participation tout à fait anormale. On peut donc supposer qu’il s’est produit des détournements de suffrages. M. Gross avançait le chiffre de 14 millions de voix qui auraient été ajoutées. Les autorités russes n’apportent aucune explication à cela. Dans une circonscription de Moscou, 93 % des suffrages se sont prononcés en faveur de Russie Unie. Bizarrement, cette circonscription comprenait un hôpital…

On peut formuler un certain nombre de revendications raisonnables à l’égard de la Russie. C’est ainsi que le Parlement européen a adopté une résolution très sévère condamnant les élections à la Douma, entachées d’irrégularités, et demandant un nouveau scrutin.

Nous aurions pu agir à maintes occasions à l’égard de la Russie, mais on ne l’a pas fait. Je rappelle notamment la résolution que nous avons adoptée sur les conséquences du conflit entre la Géorgie et la Russie. La Russie a refusé d’appliquer la moindre de nos demandes.

Il est grand temps de faire en sorte que la Russie ne marche pas à reculons. J’espère que notre prochaine mission d’observation constatera un pas dans la bonne direction.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Seyidov.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* – Mes chers amis, j’ai choisi de m’exprimer aujourd’hui en russe. La Russie est un immense pays. Nous devons tous nous rendre compte du fait que les changements qui s’y produisent sont de la plus haute importance, non seulement pour la Russie elle-même mais pour tout le reste du monde, et surtout pour l’Europe.

Pendant une très longue période, nous avons, ici à l’Assemblée parlementaire, discuté avec nos collègues de Russie de questions touchant à leur pays. Combien de fois les avons-nous critiqués ? Combien de fois leur avons-nous dit ce qu’il fallait faire ? La Russie a commencé à agir. La Russie fait beaucoup. Ce n’est pas par hasard que j’ai choisi de m’exprimer en russe. Vous pouvez constater aujourd’hui à quel point les médias sont libres en Russie, il n’est que de citer la station de radio « Echo de Moscou ». Il est d’autre part possible aujourd’hui de manifester librement en Russie.

Pourquoi faudrait-il donc critiquer sans cesse les Russes ? C’est tout le contraire qui est souhaitable, il faut tout faire pour que ces jeunes pousses de la démocratie s’épanouissent. Bien entendu, des lacunes subsistent, mais lequel d’entre nous est irréprochable ? « Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre ! » Nous ne sommes pas là pour nous condamner les uns les autres, mais pour nous entraider. Ce n’est qu’en nous tendant la main et qu’en coopérant que nous pourrons améliorer les choses en Russie et autour d’elle.

Il importe de comprendre que ce pays représente près de la moitié du monde. C’est un pays qui voit le soleil se lever et se coucher presque simultanément ! Il faut soutenir le processus de démocratisation en Russie. Le Conseil de l’Europe doit tout faire pour que ce processus continue à s’épanouir.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Popescu.

M. POPESCU (Ukraine)* –  Permettez-moi de remercier notre collègue, M. Gross, pour son excellent exposé. Je voudrais rappeler qu’au cours des élections législatives récentes en Russie, 29 représentants de l’Ukraine ont pris part, avec des collègues de 53 pays étrangers et de 6 organisations internationales, à une mission d’observation. Comme on pouvait s’y attendre, la campagne électorale en vue des élections du 4 décembre ne s’est pas beaucoup distinguée des campagnes précédentes. Il y a des éléments positifs, mais la principale différence, c’est que le parti au pouvoir a vu ses résultats baisser, ce qui témoigne d’une certaine évolution politique de l’électorat.

Si l’on en croit les données publiées par les médias, pendant la campagne électorale, la commission électorale centrale de Russie a reçu plus de 600 plaintes. Seules 150 d’entre elles ont été jugées recevables et 31 poursuites pénales ont été déclenchées. C’est un pourcentage qui est très faible si l’on tient compte du très grand nombre de bureaux de vote. Bien entendu, il faut étudier ces cas. Mais cela peut nous amener à convenir avec les observateurs que le système électoral dans l’ensemble doit être évalué de manière positive.

Nous espérons que l’élection présidentielle, qui se déroulera au mois de mars, sera parfaitement conforme aux normes européennes en la matière. Le Conseil de l’Europe doit soutenir les efforts entrepris par les autorités russes pour assurer le plein respect des droits de la population en matière électorale. Les activités de suivi de l’OSCE et du Conseil de l’Europe sont à cet égard fondamentales. Nous espérons que la Russie tiendra compte des recommandations qui ont été formulées. Nos collègues russes nous l’ont d’ailleurs assuré, aujourd’hui, dans cet hémicycle.

Au nom de la délégation ukrainienne, je voudrais souhaiter à ce partenaire stratégique qu’est la Russie une bonne préparation de son élection présidentielle. La Russie dispose de toutes les ressources nécessaires pour démontrer à la communauté internationale son attachement à la démocratie et aux valeurs fondatrices du Conseil de l’Europe.

Je souhaite à nos collègues russes que les résultats de cette élection présidentielle ne nous donnent aucun prétexte d’un nouveau débat d’urgence ou d’actualité à ce sujet.

LE PRÉSIDENT* – La parole est à M. Agramunt.

M. AGRAMUNT (Espagne)* – Je note avec un peu d’étonnement que bon nombre des collègues qui sont intervenus ce matin se sont exprimés en langue russe ! L’Europe et les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe sont confrontés à de multiples problèmes, tout comme la Fédération de Russie : notre débat est donc tout à fait opportun.

Je soutiens les représentants de pays qui, tels la Géorgie ou la République de Moldova, entretiennent des relations difficiles avec la Fédération de Russie : il n’est en effet pas acceptable qu’un Etat membre du Conseil de l’Europe en envahisse un autre. L’ancienne Premier ministre d’Ukraine, quant à elle, est en prison et ne pourra pas se présenter aux prochaines élections : ce sont là autant de problèmes d’une grande gravité.

Le Groupe du Parti populaire européen ne comprenant aucun représentant de la Fédération de Russie en son sein, je n’en suis que plus libre pour estimer que tout cela n’a toutefois que peu à voir avec notre débat. Membre de la mission d’observation, je n’ai constaté – à l’instar de nombreux autres collègues – aucune irrégularité formelle lors des élections. Si tel ou tel président de bureau de vote est intervenu ici ou là, on ne peut toutefois parler d’irrégularités caractérisées. Les perdants sont certes descendus dans la rue, comme il est de coutume dans certains pays, mais cela ne signifie pas qu’ils aient raison : il convient donc d’attendre le résultat des enquêtes en cours. Je le répète : la présence d’observateurs dans chaque bureau de vote – y compris, parmi eux, de membres de Russie Unie – a permis d’établir qu’il n’y avait pas eu de graves problèmes.

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est épuisée. Je remercie l’ensemble des intervenants et, en particulier, M. Gross pour avoir introduit ce débat.

Je rappelle qu’à l’issue d’un débat d’actualité, aucun texte n’est soumis à notre Assemblée mais que le Bureau peut réexaminer la question et décider de saisir, le cas échéant, les commissions compétentes. En l’occurrence, il en décidera demain.

M.  Mignon, Président de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.

5. Intervention de M. Thomas Hammarberg,
Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle maintenant le discours de M. Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, sur le rapport annuel d’activité 2011.

Je vous souhaite la bienvenue, Monsieur le Commissaire. J’ai bien entendu suivi le remarquable travail que vous avez accompli ces dernières années, qui plus est dans l’état d’esprit que nous savons. Notre institution s’honore d’avoir un Commissaire aux droits de l’homme d’une telle qualité : merci beaucoup ! C’est avec plaisir que je vous cède maintenant la parole.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe* – Je vous remercie et je vous félicite, Monsieur le Président, pour votre élection.

Au cours des six dernières années, j’ai coopéré très étroitement avec vos prédécesseurs, avec lesquels j’ai entretenu d’excellentes relations, de même d’ailleurs qu’avec l’ensemble des rapporteurs que vous avez désignés pour travailler sur tel ou tel pays. J’ai été particulièrement sensible à la mise en place d’une coopération accrue avec tous les mécanismes de suivi et les nombreuses instances que compte votre institution. Notre Bureau est indépendant et apolitique, mais il a réussi à faire en sorte que nous puissions agir ensemble afin que nos interventions en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’homme soient efficaces.

J’ai également eu la chance de travailler avec une équipe extraordinaire placée depuis quelques années sous la houlette de Mme Isil Gachet, avec une assistante, Sandra Ferreira, et des conseillers durs à la tâche auxquels je dois beaucoup. Je suis certain que mon successeur saura aussi s’appuyer sur eux.

Pendant les deux prochains mois où je resterai en fonction, de nombreuses visites sont prévues dans un certains nombre de pays – qui ne l’ignorent évidemment pas – et des rapports seront rédigés sur des missions importantes, notamment concernant la protection des droits de l’homme en Ukraine ainsi que la situation de la minorité rom en Europe. J’aurai également à cœur de travailler étroitement avec mon successeur de manière à ce qu’il puisse se saisir de tous les défis qui l’attendent.

Ces dernières années, des avancées notables ont été réalisées.

Nous avons ainsi obtenu des résultats concrets après les événements qui sont survenus en Arménie au mois de mars 2009. Nous avons noué des liens avec les autorités, les lois problématiques ont été modifiées et les prisonniers amnistiés. Nous nous sommes également montrés très actifs en 2008, après la guerre de Géorgie, afin de favoriser les échanges de détenus : plus de cent, parmi eux, ont été libérés.

Nous avons obtenu d'heureux changements en matière législative et procédurale, notamment sur les procédures de désignation des médiateurs ou ombudsmans. Des structures nationales de protection des droits de l’homme ont été mises en place, tous instruments destinés à l’échelon interne de protection des droits de l’homme.

Je veux également évoquer l’amélioration des liens entre les instances gouvernementales et les ONG, dont l’importance est fondamentale. Je suis, par ailleurs, conscient de la plus grande professionnalisation des groupes représentant la société civile. De plus en plus compétents, ils occupent une plus large place au moment d’aider les autorités gouvernementales à identifier les problèmes et à trouver des solutions constructives.

Voilà pour tout ce qui s’est bien passé, mais je ne serais pas un bon Commissaire aux droits de l’homme si je n’évoquais pas les difficultés qui subsistent. A ce titre, je citerai quatre domaines où beaucoup reste encore à faire, quatre fronts sur lesquels j'espère que le Bureau du Commissaire aux droits de l’homme sera en mesure de se montrer encore plus actif.

Premièrement : tout ce qui a trait à l’indépendance du milieu judiciaire. Dans certains pays, la corruption entache le système judiciaire et le fonctionnement des tribunaux. Des problèmes surgissent, parce que les responsables politiques font ingérence dans le pouvoir judiciaire, portant ainsi atteinte à la confiance que l’opinion publique met dans sa justice.

Je déplore d'autre part l'utilisation abusive qui est faite de la détention préventive aujourd’hui en Europe. Alors que leur culpabilité n’a pas été encore prouvée, des personnes se retrouvent derrière les barreaux. Nous disons que personne ne doit être privé de sa liberté avant que sa culpabilité soit démontrée. Bien entendu, il faut éviter qu'un suspect prenne la fuite, ou exerce une pression sur des témoins ou encore entrave le cours de l’enquête, mais dans la plupart des cas, ce n’est pas la configuration qui se présente et la détention préventive devrait donc rester une exception.

Autre problème grave : l’impunité. Nous en avons dénoncé plusieurs exemples. Dans certains pays d'Europe, le fonctionnement de la justice au quotidien pose problème. Il nous faut trouver des solutions pour faire évoluer cet état d’esprit pour que l’administration de la justice soit plus efficace et pour que nos concitoyens soient plus confiants dans leur justice. Je suis préoccupé aujourd’hui par les tensions que l'on constate de nos jours, dans nombre de pays, entre le pouvoir exécutif et les juges. Nous lançons un avertissement à ce sujet.

Deuxièmement, je ne crois pas que nous ayons été à la hauteur des attentes lorsqu’il s’est agi des méthodes employées pour lutter contre le terrorisme. Le terrorisme est certes un fléau qui doit être combattu de façon résolue, mais il faut toujours le faire en respectant les droits de l’homme, car c’est ainsi que nous ferons preuve d’efficacité. A cet égard, souvenons-nous de l’étroite collaboration dont nous avons été témoins après les attentats du 11 septembre 2001 entre les agences de sécurité des Etats-Unis et les agences européennes de maintien de la sécurité. Nous enregistrons encore des cas de restitution de personnes, nous savons qu'il existe encore des zones d’ombre, et qu'il y a eu des prisons secrètes, dans lesquelles des personnes soupçonnées d’actes de terrorisme ont été torturées. Nous n’avons pas encore réussi à tirer toutes ces affaires au clair, car les responsables de ces situations n’ont pas eu de comptes à rendre. Nous avouons notre déception. Il conviendra d’en débattre davantage.

Troisièmement, nous n’avons pas non plus, me semble-t-il, été à la hauteur quand il s’est agi de protéger les droits de l’homme pendant ces temps de crise économique. Les budgets d’austérité adoptés dans de nombreux pays d’Europe, pour de bonnes raisons, ont malheureusement eu de très durs retentissements sur les groupes les plus vulnérables, qui ont eu à porter un fardeau beaucoup trop lourd. Les effets des coupes budgétaires se sont particulièrement fait sentir sur les personnes les plus âgées, qui ne sont plus en mesure de gagner leur pain et que l’on retrouve très souvent dans la rue, et sur les personnes handicapées, également très touchées. Par ailleurs, nous assistons à un phénomène croissant de pauvreté des enfants, qui se retrouvent dans une situation de total dénuement. Je ne dis pas qu’il ne faille pas tenir compte de la crise économique, mais il convient toutefois d’ajuster nos politiques et de protéger, malgré la crise, les plus vulnérables.

Les budgets des instances en place qui recueillent les doléances et suivent l’efficacité des politiques ne doivent pas être réduits, car nous avons besoin d’elles plus que jamais.

Enfin, nous avons été confrontés au problème de l’intolérance sous ses diverses formes : manifestations de xénophobie, de racisme, d’antitsiganisme, d’intolérance envers les LGBT. La crise fait craindre à nos concitoyens de perdre leur emploi et ils s’interrogent sur ces personnes qui ne partagent pas leur culture ni les valeurs de nos sociétés. Les responsables politiques au plus haut niveau doivent promouvoir la tolérance et affirmer que chacun est le bienvenu dans nos sociétés, que personne ne doit être

ostracisé en raison de son parcours, de sa nationalité, de sa race, de sa religion. Les groupes politiques extrémistes parlent de plus en plus fort. Nous ne faisons pas suffisamment pour promouvoir les valeurs de l’Europe auprès de l’opinion publique et pour que jamais les groupes extrémistes puissent se faire entendre et trouver un écho.

Mon successeur a un programme très chargé ; il pourra compter sur votre appui, j’en suis certain !

LE PRÉSIDENT – Monsieur Hammarberg, merci beaucoup.

Un certain nombre de nos collègues se sont inscrits pour vous poser une question. Ils disposent de trente secondes.

La parole est à M. Santini, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. SANTINI (Italie)* – Monsieur Hammarberg, c’est un honneur et un plaisir de vous adresser nos remerciements très sincères. De votre bilan, vous avez présenté les résultats qui ont été atteints, mais vous avez également mis en lumière des lacunes ou des actions que vous n’avez pas pu réaliser et que vous laissez à votre successeur. Quelle est votre plus grande réussite dans votre action en faveur des Roms et quelles sont les actions les plus urgentes qui restent à mener ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme* – Nous avons invité les gouvernements à nous donner des exemples de bonnes pratiques en matière de relations avec les Roms et nous avons rédigé un rapport sur la situation en Slovénie, qui a mis en lumière une amélioration des relations entre la communauté hôte et les Roms dans certaines zones, même si tous les problèmes ne sont pas réglés.

Lorsque je me suis rendu sur place, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec les Roms et les représentants de la population hôte dans diverses localités ; j’ai eu le sentiment que quelque chose avait changé dans le sens d’une meilleure compréhension entre les communautés. En Espagne également, nous avons relevé des exemples positifs. Des initiatives ont été lancées avec un certain succès, notamment dans la région de Madrid, pour que les Roms aient la possibilité d’accéder à l’emploi. Si donc je ne peux pas dire que le tableau soit uniformément sombre dans toute l’Europe, la situation d’ensemble reste déplorable. Les indicateurs sociaux des Roms sont faibles dans tous les domaines : en matière de santé, ils ont une espérance de vie plus courte de dix ans que celle du reste de la population, 50 % des enfants Roms d’âge scolaire ne fréquentent pas l’école.

Cela veut dire qu’on perpétue d’une génération à l’autre cette situation défavorable. On les empêche d’avoir la possibilité de trouver un emploi. Donc, si je devais souligner un aspect important pour l’amélioration de la situation des Roms, ce serait sans doute l’éducation, et plus encore l’éducation préscolaire pour que les enfants qui, un jour, parviennent à fréquenter l’école soient mieux préparés que ce n’est le cas aujourd’hui.

Enfin, la lutte contre les préjugés à l’encontre des Roms est sans doute le principal problème pour les communautés roms aujourd’hui. Il faut que ces communautés se sentent faire partie de la société. Or nous constatons parmi eux une tendance à se refermer sur eux-mêmes, ce qui est tout à fait regrettable.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Gross, au nom du Groupe socialiste.

M. GROSS (Suisse)* – Monsieur Hammarberg, le Groupe socialiste vous remercie de tout cœur pour votre travail. Nous avons beaucoup apprécié votre capacité de compassion ainsi que votre disponibilité à notre égard. Ma question est simple : comment expliquez-vous qu’en dépit de tous ces efforts et de tous ces succès, tant d’Européens ne se rendent pas compte de la nécessité de respecter les droits de l’homme, ce qui est pourtant dans leur intérêt évident ? Pourquoi les droits de l’homme sont-ils si affaiblis aujourd’hui ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme* – La question n’est pas si simple, en réalité. Je crois qu’en partie, c’est parce que nous n’avons pas su expliquer l’importance de notre travail.

Les reculs enregistrés dans certains domaines depuis dix ans, en particulier, s’expliquent par le fait que les gens ont de plus en plus peur. Par peur du terrorisme, de la crise économique, du chômage, ils se sont repliés sur eux-mêmes et sur leurs communautés. En l’occurrence, les responsables politiques ont un rôle majeur à jouer pour défendre les valeurs qui nous unissent depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Il appartient à ces dirigeants d’expliquer que le respect des droits de l’homme est indispensable pour maintenir un minimum de cohésion sociale dans nos pays.

Le travail doit donc se poursuivre. Des progrès ont été réalisés, mais de nombreux problèmes persistent.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Heald, au nom du Groupe démocrate européen.

M. HEALD (Royaume-Uni)* – Notre groupe s’associe à tous ceux qui sont intervenus pour saluer votre travail, Monsieur le Commissaire. Merci d’avoir su réagir de façon si volontariste et rapide. Dans votre première évocation de ce qui posait problème, vous avez cité le pouvoir judiciaire et la nécessité de lutter contre la corruption. Il faut, bien entendu, que ceux qui suivent la situation des droits de l’homme soient protégés. L’Assemblée parlementaire et le Conseil de l’Europe peuvent-ils jouer un rôle plus actif pour demander à nos gouvernements ce qu’ils font et entendent faire dans ce domaine fondamental ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme* – Ma réponse sera courte : oui ! Vous siégez au sein de l’Assemblée parlementaire et, à ce titre, vous pouvez être un instrument essentiel en servant de passerelle entre tout ce que l’on sait, ici, à Strasbourg, notamment grâce aux rapports des différents mécanismes de suivi que sont la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (l’ECRI), le Comité européen pour la prévention de la torture (le CPT) entre autres et la jurisprudence de la Cour, et ce qui se passe dans vos pays respectifs.

On constate que, lorsqu’il existe des commissions pour la protection des droits de l’homme dans les parlements des différents Etats membres, leurs membres ne sont pas nécessairement membres des délégations nationales qui siègent ici. Il serait bon que vous, qui êtes des représentants de vos pays au sein du Conseil de l’Europe, soyez également très concernés par ces questions de droits de l’homme chez vous. Je voudrais que le lien entre ce qui se fait ici et ce qui se fait chez vous soit plus étroit et que vous représentiez ce qui se dit ici chez vous. Il faut mettre en place une discussion croisée, alimentée par l’expérience acquise ici. Il faut aussi que les critiques qui sont émises ici puissent être entendues à l’échelon national.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Reps, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe.

Mme REPS (Estonie)* – Au nom de mon groupe et en mon nom propre permettez-moi, Monsieur le Commissaire, de me joindre à ce concert de remerciements pour votre excellent travail et la façon dont vous avez toujours réagi rapidement aux problèmes. Ma question porte sur la protection des défenseurs des droits de l’homme. Que pourriez-vous nous dire sur ce sujet difficile mais ô combien très important, et que direz-vous à votre successeur ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme* – Je lui demanderai d’être proche des personnes qui sont actives dans ces groupes. La communication avec les défenseurs de droits de l’homme est essentielle. Ils doivent avoir le sentiment qu’ils ont un interlocuteur au Conseil de l’Europe et qu’en cas de préoccupation grave, la question sera évoquée ici, à l’Assemblée parlementaire, au Comité des Ministres et dans d’autres organes. Pour eux, il est essentiel d’être reconnus par le Conseil de l’Europe. Vous n’imaginez pas l’importance que revêt pour eux le fait d’être entendus ici. Avoir un rapporteur sur cette question est déjà en soi un élément très important.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Villumsen, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

M. VILLUMSEN (Danemark)* – Le Groupe pour la gauche unitaire européenne vous félicite également, Monsieur le Commissaire, pour l’excellent travail réalisé. Ma question est la suivante : qu’allez-vous suggérer à votre successeur en ce qui concerne la Russie ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme* – M. Muižnieks parle le russe, contrairement à moi. C’est déjà un avantage. Selon moi, il faut qu’il aille sur le terrain et pas seulement à Moscou et Saint-Pétersbourg. Il doit sillonner le pays et multiplier les contacts. Il peut faire confiance à la société civile russe, très active aujourd’hui, et maintenir les liens d’excellente qualité que nous entretenons avec le bureau du médiateur russe, M. Lukin, personnalité qui m’a beaucoup aidé, mais il existe aussi des médiateurs régionaux en Russie.

Il faut établir la confiance sans hésiter à dire les choses clairement et à exercer son esprit critique. Je n’ai jamais eu de problème, même lorsque j’ai critiqué les autorités russes. Lorsque vos interlocuteurs ont le sentiment que vous êtes équitable et que vous vous appuyez sur des faits incontestables, les rapports, même critiques, sont acceptés et le dialogue peut être de qualité. Il est vrai que de nombreux problèmes en matière de droits de l’homme demeurent en suspens en Russie, mais M. Muižnieks a une bonne base de travail.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Rochebloine.

M. ROCHEBLOINE (France) – Lors de nos deux précédents rendez-vous annuels, je vous ai demandé quelles démarches vous aviez accomplies pour éclaircir la situation de la minorité arménienne du Djavakhk, en Géorgie, qui se caractérise par de nombreuses violations des droits élémentaires de l’homme.

Vous m’aviez indiqué l’an passé que vous vous préoccuperiez de cette situation. Or, sauf erreur de ma part, votre rapport d’activité pour 2011 ne contient aucune mention qui donne à penser que cette préoccupation se soit concrètement manifestée. Bien plus, on y chercherait vainement la moindre allusion aux plaintes émanant des représentants de la minorité arménienne alors que d’autres réclamations sont, à juste titre, longuement évoquées. Pourquoi cette abstention ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme*– Je n’ai pas délibérément gardé le silence sur cette question, mais vous avez raison, nous n’avons pas été particulièrement actifs sur le sujet. J’ai été en contact avec le haut-commissaire pour les minorités de La Haye dans le cadre de l’OSCE, qui est intervenu sur cette question. Il m’a d’ailleurs tenu informé de toutes les mesures qu’il a prises et je lui ai manifesté mon soutien. Mais il est vrai que nous aurions pu en faire plus.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Zohrabyan.

Mme ZOHRABYAN (Arménie)* – L’arrêt rendu sur l’assassinat de Hrant Dink n’a pas qualifié ce geste de crime perpétré par un groupe radical. La condamnation de quelques personnes n’est pas une réponse suffisante. Qui étaient vraiment les commanditaires de ce crime ? Ne pensez-vous pas que notre Assemblée doit se prononcer sur cette affaire qui n’a pas été traitée comme elle l’aurait dû ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme*– Oui, c’est vrai. J’étais à Istanbul pour le cinquième anniversaire de l’assassinat de Hrant Dink et lorsque la Cour a rendu son jugement. Le sentiment de rage et de frustration de la population était palpable, mais l’instance supérieure a été saisie. Le procureur et le juge ont eux aussi déclaré qu’ils n’étaient pas satisfaits de l’arrêt rendu. Ils avaient le sentiment que toute la vérité n’avait pas été dite et que davantage de personnes étaient impliquées dans ce crime. Je suis assez optimiste, car je pense que la juridiction supérieure va sans doute tenir compte de ces critiques et réexaminer l’ensemble de l’affaire. Mais il faudra un travail d’enquête plus approfondi pour examiner les faits et le fond de l’affaire.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Ghiletchi.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Ma question porte sur la Transnistrie. Vous connaissez la situation. Vous savez que le 1er janvier, un jeune homme a été abattu à un checkpoint. Que pensez-vous du remplacement des militaires par une force civile dans cette région ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme*– J’ai une expérience concrète et récente de la situation, car je reviens de Transnistrie. Nous avons parlé de cette affaire, et plus généralement des droits de l’homme dans la région, avec le nouveau président de facto et ses collaborateurs les plus proches. Après l’incident du 1er janvier, j’espère qu’il demeure possible de relancer le processus « 5 + 2 » dans le cadre de l’OSCE, sous présidence irlandaise. J’ai rencontré différents interlocuteurs et je pense que notre voix compte.

Chacun comprendrait que mon successeur s’intéresse également à la Transnistrie. Cela ne veut pas dire que nous reconnaissons l’indépendance de la Transnistrie, mais nous voulons démontrer que nous nous intéressons au sort de cette population. Nous essayons d’être neutres sur le plan politique et d’aller partout où des gens risquent de voir leurs droits bafoués, quels que soient le contexte diplomatique et la reconnaissance ou non de tel ou tel territoire.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Kalmár.

M. KALMÁR (Hongrie)* – Ce rapport est une sorte de conclusion de la période précédente et un message à votre successeur. Vous avez évoqué de nombreuses questions, mais pas celle des minorités nationales, comme si vous l’aviez oubliée. Je considère qu’il s’agit d’une lacune scandaleuse. Pourquoi cette question n’est-elle pas abordée ? Je ne considère pas votre réponse à M. Rochebloine comme satisfaisante.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme*– Cette réponse était une réponse franche et honnête, j’ai dit les choses telles qu’elles étaient.

Les minorités nationales ne sont pas un problème négligé ou oublié. Si vous lisez plus attentivement ce que nous avons écrit, y compris sur notre site web, vous constaterez que nous avons évoqué ce problème régulièrement et qu’il figure dans le recueil de points de vue et de commentaires sur les droits de l’homme qui a été publié. Vous y trouverez de très nombreuses références aux droits des personnes appartenant à des minorités nationales. Au Conseil de l'Europe, il existe aussi un important organe lié à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.

Je n’accepte donc pas la critique selon laquelle nous n’aurions pas abordé le sujet. Interrogez les ambassadeurs des divers pays représentés ici. Certains considèrent même que nous avons trop fait dans ce domaine.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Harangozó.

M. HARANGOZÓ (Hongrie)* – Monsieur le Commissaire, je vous remercie pour votre excellent travail. L’année dernière vous nous avez dit que vous espériez qu’il puisse y avoir un dialogue fructueux avec la Hongrie sur les normes du Conseil de l'Europe. Comment jugez-vous ce dialogue, sachant que la radio Klubradio, qui était la seule voix de l’opposition, a perdu plusieurs de ses fréquences et que les Églises doivent désormais être enregistrées par le Parlement ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme*– Actuellement, des contacts entre l’Union européenne, le Conseil de l'Europe et le Gouvernement hongrois sont prévus. Nous espérons que ces discussions seront constructives. Il est vrai que nous avons porté un regard attentif à la modification de la loi sur les médias en Hongrie. La jurisprudence sur la liberté d’expression de la Cour est importante à cet égard. Nous l’avons examinée et constaté qu’il existait un certain nombre de contradictions, de problèmes, que nous avons signalés au gouvernement hongrois. Malheureusement, il n’y a pas eu de réponse constructive de sa part, et nous le regrettons. Mais sachez que l’Union européenne s’en occupe, tout comme M. Jagland.

Mon successeur et certains services du Conseil de l'Europe doivent poursuivre leurs efforts pour établir un dialogue réellement constructif. Même la Commission de Venise aura son rôle à jouer, ainsi que le bureau du Commissaire aux droits de l’homme.

J’ai eu plusieurs fois l’occasion de dire qu’il était important que lorsque l’Union européenne traite de ce genre de problème, elle ait la correction de solliciter le Conseil de l'Europe qui a une expérience dans ce domaine et peut s’appuyer sur un certain nombre d’instruments spécifiques.

LE PRÉSIDENT – En l’absence de M. Huseynov, inscrit dans le débat, la parole est à Mme Pashayeva.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – Le Sénat français vient d’adopter une loi qui pourrait entraîner des poursuites à l’encontre des personnes qui ne reconnaissent pas l’existence du prétendu génocide arménien. Ne pensez-vous pas que cette loi limite la liberté d’expression et constitue donc une violation des droits humains ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme*– Je sais que le Secrétaire Général a fait une déclaration à ce sujet, il y a quelques jours, et je partage sa position. Je ne pense pas que cette manière de procéder soit la bonne. Si une déclaration incite à la haine contre un groupe de personnes, elle peut alors faire l’objet de sanctions pénales, mais il faut que ce soit particulièrement grave pour qu’il y ait action pénale. Je ne pense pas que ce soit le cas en l’occurrence. Je considère que M. Jagland a raison de dire que ce n’est pas à des instances politiques de se prononcer sur des récits historiques. Pour être tout à fait franc, je crois que cette loi n’est pas très utile.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Haugli.

M. HAUGLI (Norvège)* – Monsieur le Commissaire, votre mandat touche à sa fin et je voudrais vous dire toute ma gratitude pour le travail considérable que vous avez effectué, en particulier pour votre travail de pionnier sur la question des LGBT.

Dans votre présentation, vous avez partiellement abordé ma question, à savoir que les minorités souffrent particulièrement à des époques troublées. Avec la crise sévissant en Europe, croyez-vous que les minorités souffrent de davantage de discriminations ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l'homme* – Il y a toute une série de minorités différentes. Les Roms constituent un groupe à part dont il faut parler car ils souffrent d’un tel retard que leurs droits, non seulement sociaux, mais aussi fondamentaux, sont menacés. D’autres minorités comme les personnes LGBT peuvent souffrir de budgets d’austérité. Je répète que je suis également très inquiet des conséquences de la crise pour les handicapés, les personnes âgées et les jeunes générations qui souffrent aussi des réductions budgétaires, lesquelles les privent d’un certain nombre de possibilités pour leur vie future.

Les conséquences de certains choix économiques peuvent être très lourdes et je demande qu’à tout le moins, les décisions budgétaires soient précédées d’une étude d’impact.

LE PRÉSIDENT – En l’absence de Mme Jovanović, inscrite dans le débat, la parole est maintenant à Mme Bilgehan.

Mme BİLGEHAN (Turquie)* – Monsieur Hammarberg, vous avez déjà exprimé votre opinion sur l’augmentation constatée récemment des actes xénophobes et racistes dans divers pays européens. Pensez-vous que les pouvoirs locaux en Europe mettent pleinement en œuvre la législation et la règlementation en vigueur dans la lutte contre ces crimes ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l'homme* – Pour vous répondre en un mot : non ! Certes, on pourrait faire plus et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux s’efforce d’agir de manière pertinente en ce domaine. J’espère qu’il recevra l’appui nécessaire pour poursuivre ce travail. En effet, il est aussi question de réduire ses activités, ce qui me préoccupe. Une grande part du travail de défense des droits de l'homme doit se faire à l’échelon local, au plus près des populations. Il est important que les élus dans les assemblées locales aient le sentiment d'être responsables, eux aussi, de la mise en œuvre de normes internationales. Or ce n’est pas toujours le cas !

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Gaudi Nagy.

M. GAUDI NAGY (Hongrie)* – Tout à l’heure, M. Kalmár a jugé scandaleux que vous ne vous soyez pas suffisamment intéressé à la protection des droits des minorités nationales, ce avec quoi je serais plutôt d’accord. Pourquoi ne pas avoir concentré les efforts, par exemple, sur certaines communautés en Roumanie comme la communauté hongroise où un million de personnes n’ont aucune autonomie sur leur territoire ? C’est beaucoup plus important que les problèmes des LGBT, par exemple.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l'homme* – Nous ne faisons pas de comparaisons de ce genre. Nous pensons qu’il faut s’intéresser à tous les types de minorités. Puisque vous évoquez les minorités hongroises, demandez si j’ai posé la question de leur sort au Gouvernement roumain, et écoutez la réponse.

Vous vous trompez : prétendre que nous n’avons rien fait pour les minorités nationales est faux : c’est une de nos priorités absolues. Lisez nos rapports d’activité, les communiqués particuliers que j’ai fait publier sur ces questions, qu’il s’agisse de l’utilisation de la langue, de la reconnaissance des minorités ou de la possibilité pour leurs représentants de participer aux scrutins électoraux. Vous avez tout simplement mal lu nos textes !

Mon successeur sera d'autant plus sensible à ces questions qu’il a présidé la Commission contre le racisme et l’intolérance. Il est donc en syntonie avec moi et la chef de nos services. Cela étant, nous sommes prêts à entendre toutes les bonnes suggestions et à faire plus en ce domaine.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Guţu.

Mme GUŢU (République de Moldova) – Monsieur le Commissaire, quelle est votre appréciation personnelle sur l’avancée vers la solution du conflit gelé en Transnistrie, car vous êtes l’une des rares personnalités officielles européennes à avoir visité cette région sécessionniste et avoir rencontré le nouveau président de cette région.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l'homme* – Vous savez que mon mandat se limite aux droits de l'homme, mais que je suis préoccupé par la situation des droits de l'homme sur ce territoire.

Je ne suis pas complètement idiot et je comprends parfaitement que la meilleure solution à long terme serait de nature politique : il y a un lien évident entre ces deux aspects. Tout ce que je peux faire, c’est espérer que le dialogue qui a démarré sous l’égide de l’OSCE produira des résultats permettant à la dimension politique de ne plus être un problème et que nous pourrons alors nous concentrer sur le soutien des efforts de protection des droits de l'homme pour ces populations. Je ne peux pas vous en dire plus car j’affaiblirais notre message qui est concentré sur les droits de l'homme.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Vyatkin.

M. VYATKIN (Fédération de Russie)* – Que pensez-vous, Monsieur Hammarberg, de la résurgence des idées nazies dans certains pays d’Europe ? Des partisans du nazisme dans certains pays du Conseil de l'Europe ont fait de certains nazis des héros. Y voyez-vous une menace potentielle pour l’Europe en particulier pour les droits de l'homme ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l'homme* – Oui, c’est certainement une menace. L’extrémisme sous toutes ses formes en est une contre les droits de l'homme et j’ai eu l’occasion de dire à la tribune que j’étais préoccupé par la montée des mouvements extrémistes en Europe.

Il est intéressant de constater que les boucs émissaires désignés sont à peu près les mêmes que ceux qui étaient visés par les nazis à l’époque de Hitler : les Juifs, les Roms, les homosexuels, les handicapés sont la cible de ces groupes dans leur propagande. Il est essentiel de ne pas laisser ce genre de tendances renaître aujourd’hui en Europe. Ceux qui se masquent et prétendent ne pas être des extrémistes sont sans doute encore plus dangereux. La version édulcorée de leurs théories peut éveiller un certain écho chez les électeurs, mais on sait bien qu’il y aurait un danger si ces gens arrivaient au pouvoir. C’est la raison pour laquelle il est très important de faire en sorte que ces groupes ne puissent pas bénéficier de l’appui d’un grand nombre de citoyens dans nos pays.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Flego.

M. FLEGO (Croatie)* – Merci, Monsieur le Commissaire, pour tout ce que vous avez fait pendant votre mandat pour assurer la promotion des droits de l'homme et éviter qu’ils ne soient bafoués. Chacun reconnaîtra qu’il vaut mieux prévenir que guérir et que les droits de l'homme devraient être enseignés à l’école. Au-delà d’un enseignement théorique, ne faudrait-il pas surtout que les enseignants incarnent les droits de l'homme en favorisant le climat de tolérance et de respect mutuel dans leurs salles de classe ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme* – Oui, bien sûr. L’éducation aux droits de l’homme n’a pas porté tous ses fruits. Dans un grand nombre de pays, les cours sur les droits de l’homme sont mal conçus, ils sont trop abstraits : on parle de certaines conventions, plutôt que de recourir à des méthodes pédagogiques modernes, fondées sur des exemples, pour expliquer pourquoi les droits qui font l’objet d’un consensus international ont été jugés fondamentaux. Sur les réseaux sociaux, sur Internet, circulent toutes sortes de discours, certains positifs, d’autres négatifs. Si l’on veut améliorer l’enseignement des droits de l’homme, l’Internet est un vecteur à ne pas négliger. Certains d’entre nous ont été trop lents et trop passifs face aux nouveaux médias.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Postanjyan.

Mme POSTANJYAN (Arménie)* – Comment le Conseil de l’Europe et le Commissaire aux droits de l’homme peuvent-ils contraindre la Turquie à respecter ses obligations internationales et à mettre un terme à l’impunité, notamment lorsque des journalistes sont assassinés ? Je pense en particulier à Hrant Dink.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme* – Comme vous le savez sans doute, nous venons de publier un rapport consacré au fonctionnement de la justice en Turquie et, comme je l’ai déjà dit il y a quelques instants, nous nous sommes montrés très actifs dans le cas de Hrant Dink, qui nous paraît un symbole pour l’ensemble du système judiciaire turc.

Je me suis très récemment rendu en Turquie, où j’ai eu des entretiens très intéressants. J’ai eu le sentiment d’une volonté de tenir compte de notre rapport précédent qui portait sur la liberté d’expression en Turquie. Le ministre de la Justice a d’ailleurs fait une déclaration sur un nouveau train de réformes qui vont être débattues et dont il faut espérer qu’elles seront adoptées. Ainsi l’administration de la justice pourra-t-elle être améliorée en Turquie. Ainsi l’impunité pourra-t-elle reculer.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Huovinen.

Mme HUOVINEN (Finlande)* – Je vous remercie, Monsieur Hammarberg, de l’excellence de vos travaux de Commissaire aux droits de l’homme. Merci aussi pour votre intervention de ce matin, qui nous a rappelé que les responsables politiques doivent lutter contre le racisme et l’intolérance. C’est vrai : les discours de haine sont de plus en plus fréquents. C’est une menace non seulement pour les minorités mais aussi pour l’ensemble de nos sociétés, pour l’ensemble des démocraties. Que faire, alors, pour éviter que ces discours ne se répandent davantage ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme* – Il se pose évidemment des problèmes de définition, mais il existe des cas flagrants de discours de haine, qui appellent une réaction d’un autre genre. Des lois doivent prévoir des exceptions à la liberté d’expression, notamment pour les discours de haine et la pédopornographie. Les autorités, les procureurs doivent faire des exemples. Il est théoriquement possible d’entamer des poursuites pour lutter contre les discours de haine, mais ces possibilités théoriques sont trop peu employées. Je constate effectivement une résurgence des discours véhiculant des préjugés, voire de la haine, notamment à propos des Roms. C’est tout à fait inacceptable.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Chope.

M. CHOPE (Royaume-Uni)* – Je souhaite vous interroger, Monsieur le Commissaire aux droits de l’homme, à propos du manque d’indépendance du pouvoir judiciaire. Sur 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, combien n’ont pas un pouvoir judiciaire indépendant ? A vos yeux, que pouvons-nous faire dans ce domaine en tant que membres de l’Assemblée parlementaire ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme* – C’est une excellente question, à laquelle il n’est pas possible de répondre. On ne peut effectivement pas répondre par « oui » ou par « non » à la question de savoir si le pouvoir judiciaire est indépendant dans un pays donné : tout est une question de degrés.

On parle de « droit téléphonique ». Il s’agit de ces appels téléphoniques que le juge reçoit de l’exécutif au moment où il doit rendre un jugement important. Nous savons que cela existe. Souvent, le juge est tenu par ce qu’il croit que le chef de l’Etat ou du gouvernement attend de lui. C’est une forme de pression plus subtile et plus fréquente. Il ne fait aucun doute à mes yeux qu’il y a, dans plusieurs pays, des cas de politisation de l’administration de la justice.

J’ai parlé des tensions qui peuvent se faire sentir avant un procès. Dans certains pays, un responsable politique risque plus que dans d’autres d’être placé en détention. Voilà une distorsion du principe d’égalité de traitement devant les juridictions.

Je ne peux vous donner un chiffre, je ne peux vous répondre directement, mais je pense qu’une tendance à ce type de phénomènes est à l’œuvre dans un nombre important de pays, sans parler d’un petit nombre de pays où les choses sont parfaitement évidentes, comme nous l’avons clairement écrit dans nos rapports, que vous pouvez trouver sur notre site Internet.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Andersen.

Mme ANDERSEN (Norvège)* – Tout d’abord, merci, Monsieur le Commissaire aux droits de l’homme, pour le travail que vous avez accompli. Vous avez dit être inquiet du sort des droits de l’homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Hier, nous recevions M. Cameron, qui a également parlé de ce sujet. Ses propos m’ont quelque peu inquiétée car ils peuvent être interprétés comme signifiant que les droits de l’homme peuvent, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, être mis entre parenthèses. C’est d’ailleurs un peu ce qui se passe dans de nombreux pays. Que recommandez-vous à ce propos ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l’homme* – Il faut reconnaître qu’il y a des limites à ne pas franchir. Ainsi, on ne peut pas accepter la torture. Or, après le 11 septembre 2001, il y eut des cas de torture, y compris en Europe, car certaines agences européennes de sécurité ont prêté la main, en la matière, aux services américains.

Se pose également le problème de la déportation de personnes vers des pays où la torture s’applique. Je crois que les propos tenus hier par M. Cameron étaient tout à fait intelligents. Il a dit que nous avions un vrai problème. Il a notamment évoqué le cas particulier d’une personne dont le Royaume-Uni ne veut évidemment pas qu’elle continue de professer la haine mais qui ne peut pas être renvoyée dans son pays, parce qu’elle risque d’y être torturée.

Il faut donc trouver une solution intelligente. Il faut alors démontrer que la personne professe la haine. Si les faits sont avérés, la personne doit être incarcérée. Je veux dire qu’il y a des procédures judiciaires à respecter. Avant d’affirmer qu’une personne est un criminel, le dossier doit être instruit et un jugement en bonne et due forme doit être rendu. Il s’agit, en l’occurrence, de démontrer qu’un discours de haine a été tenu. C’est effectivement un comportement susceptible d’une incrimination.

M. Cameron a été très éloquent, et, de mon point de vue, il y a de l’espoir. Nous ne tournons pas vainement en rond sur cette question.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Beck.

Mme BECK (Allemagne)* – Je veux, moi aussi, vous remercier de votre travail remarquable. Votre crédibilité a donné un grand poids à la fonction que vous avez occupée. Je poserai une question délicate sur le Bélarus. Vous le savez, deux sentences de mort risquent, à tout moment, d’être exécutées. En outre, les prisonniers politiques craignent vraiment pour leur santé. Que pouvons-nous faire ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hammarberg.

M. HAMMARBERG, Commissaire aux droits de l'homme* – D’après mon mandat, mon action se limite aux Etats membres du Conseil de l'Europe, or le Bélarus n’est pas un Etat membre. Toutefois, le Comité des Ministres nous a confié une nouvelle mission, celle de défendre les défenseurs des droits de l’homme, ce que j’ai interprété comme une possibilité de dépasser mes limites territoriales. A plusieurs reprises, l’année dernière, j’ai donc rencontré des défenseurs des droits de l’homme du Bélarus et des représentants d’ONG, notamment à Strasbourg, parallèlement aux sessions de l’Assemblée parlementaire.

L’emprisonnement d’un défenseur des droits de l’homme a été confirmé il y a quelques jours au Bélarus. Il avait été condamné pour avoir reçu un don en provenance de l’extérieur du pays en faveur des victimes des violations des droits de l’homme, ce qui est tout à fait scandaleux.

Malheureusement, jusqu’à ce jour, les démarches de l’Union européenne n’ont guère été fructueuses. Elle a même envoyé des signaux contradictoires à ce pays. Aujourd’hui, nous devons suivre de près la situation et dire clairement ce que nous pensons, tout en impliquant plus activement les pays voisins du Bélarus, la Pologne, les Etats baltes ou la Lituanie. Un message concerté et unifié doit être envoyé aux autorités de ce pays. A ce jour, leur réaction n’est pas très positive.

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, il nous faut maintenant arrêter les questions à M. Hammarberg, que je remercie vivement, au nom de l’Assemblée, pour son intervention et pour la franchise de ses réponses. Mes chers collègues, je vous rappelle que le Comité mixte, qui comprend un membre de chaque délégation nationale conformément à l’article 55 de notre Règlement, se réunira ce jour à 19 heures.

6. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance aura lieu cet après-midi, à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 h 5.

SOMMAIRE

1. Déclarations écrites

2. Ratification des pouvoirs de la délégation d’Ukraine

3. Modification dans la composition des commissions

4. La Fédération de Russie entre deux élections (Débat d’actualité)

Orateurs : M. Gross, Mme Lundgren, MM. Kox, Frunda, Binley, Pozzo di Borgo, Slutsky, Mmes Hostalier, Beck, MM. Skinnari, Tsiskarishvili, Vyatkin, Sasi, Mmes Taktakishvili, Goryacheva, de Pourbaix-Lundin, MM. Sudarenkov, Fritz, Minashvili, Mme Čigāne, MM. Valeriy Fedorov, Zingeris, Vareikis, Aleksandrov, Mme Papadimitriou, MM. Hancock, Ghiletchi, Zhidkikh, Mme Guţu, MM. Kandelaki, Seyidov, Popescu, Agramunt

5. Intervention de M. Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe

Questions de : MM. Santini, Gross, Heald, Mme Reps, MM. Villumsen, Rochebloine, Mme Zohrabyan, MM. Ghiletchi, Kalmár, Harangozó, Mme Pashayeva, M. Haugli, Mme Bilgehan, M. Gaudi Nagy, Mme Guţu, M. Vyatkin, M. Flego, Mmes Postanjyan, Huovinen, M. Chope, Mmes Andersen, Beck

6. Prochaine séance publique

ANNEXE

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque

Francis AGIUS*

Pedro AGRAMUNT

Arben AHMETAJ*

Miloš ALIGRUDIĆ

Karin ANDERSEN

Donald ANDERSON*

Florin Serghei ANGHEL*

Khadija ARIB*

Mörður ÁRNASON*

Francisco ASSIS*

Alexander BABAKOV*

Þuriður BACKMAN

Daniel BACQUELAINE*

Viorel Riceard BADEA

Gagik BAGHDASARYAN/Zaruhi Postanjyan

Pelin Gündeş BAKIR

Gerard BARCIA DUEDRA

Doris BARNETT

Meritxell BATET*

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK

Alexander van der BELLEN*

Anna BELOUSOVOVÁ*

Deborah BERGAMINI

Robert BIEDROŃ*

Grzegorz BIERECKI

Gülsün BİLGEHAN

Oksana BILOZIR

Brian BINLEY

Delia BLANCO*

Roland BLUM/Françoise Hostalier

Jean-Marie BOCKEL

Eric BOCQUET/Bernadette Bourzaï

Olena BONDARENKO

Mladen BOSIĆ*

António BRAGA*

Anne BRASSEUR

Márton BRAUN*

Federico BRICOLO/Giacomo Stucchi

Ankie BROEKERS-KNOL*

Piet DE BRUYN

Patrizia BUGNANO/Giuliana Carlino

André BUGNON

Sylvia CANEL*

Mevlüt ÇAVUŞOĞLU

Mikael CEDERBRATT/Kerstin Lundgren

Otto CHALOUPKA

Vannino CHITI/Anna Maria Carloni

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Desislav CHUKOLOV/Yuliana Koleva

Lolita ČIGĀNE

Boriss CILEVIČS*

James CLAPPISON

Deirdre CLUNE*

Georges COLOMBIER/Alain Cousin

Agustín CONDE*

Titus CORLĂŢEAN*

Igor CORMAN/Stella Jantuan

Telmo CORREIA*

Carlos COSTA NEVES

Cristian DAVID*

Joseph DEBONO GRECH*

Giovanna DEBONO*

Armand DE DECKER/Fatiha Saïdi

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter VAN DIJK

Klaas DIJKHOFF

Şaban DİŞLİ

Karl DONABAUER/ Edgar Mayer

Gianpaolo DOZZO/ Paolo Corsini

Daphné DUMERY*

Alexander DUNDEE*

Josette DURRIEU*

Diana ECCLES*

József ÉKES

Tülin ERKAL KARA

Lydie ERR

Nikolay FEDOROV/ Vladimir Zhidkikh

Valeriy FEDOROV

Relu FENECHIU*

Doris FIALA*

Daniela FILIPIOVÁ/Tomáš Jirsa

Axel E. FISCHER

Jana FISCHEROVÁ

Paul FLYNN*

Gvozden Srećko FLEGO

Stanislav FOŘT*

Dario FRANCESCHINI*

Hans FRANKEN*

Jean-Claude FRÉCON/Frédéric Reiss

Erich Georg FRITZ

Martin FRONC*

György FRUNDA

Giorgi GABASHVILI/Giorgi Kandelaki

Alena GAJDŮŠKOVÁ

Roger GALE/ David Davies

Jean-Charles GARDETTO

Tamás GAUDI NAGY

Valeriu GHILETCHI

Sophia GIANNAKA/Georges Charalambopoulos

Paolo GIARETTA

Michael GLOS*

Obrad GOJKOVIĆ*

Jarosław GÓRCZYŃSKI*

Svetlana GORYACHEVA

Martin GRAF*

Sylvi GRAHAM/Øyvind Vaksdal

Andreas GROSS*

Arlette GROSSKOST

Dzhema GROZDANOVA

Attila GRUBER

Ana GUŢU

Carina HÄGG/Lennart Axelsson

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI*

Mike HANCOCK

Margus HANSON*

Davit HARUTYUNYAN

Håkon HAUGLI

Norbert HAUPERT*

Oliver HEALD

Alfred HEER*

Olha HERASYM'YUK

Andres HERKEL*

Adam HOFMAN*

Serhiy HOLOVATY

Jim HOOD*

Joachim HÖRSTER

Anette HÜBINGER

Andrej HUNKO*

Susanna HUOVINEN

Ali HUSEYNLI*

Rafael HUSEYNOV*

Stanisław HUSKOWSKI*

Shpëtim IDRIZI/Kastriot Islami

Željko IVANJI

Igor IVANOVSKI*

Tadeusz IWIŃSKI*

Denis JACQUAT/Yves Pozzo Di Borgo

Michael Aastrup JENSEN*

Mats JOHANSSON*

Birkir Jón JÓNSSON

Armand JUNG*

Antti KAIKKONEN/Jouko Skinnari

Ferenc KALMÁR

Mariusz KAMIŃSKI*

Michail KATRINIS/Alexandros Athanasiadis

Burhan KAYATÜRK

Bogdan KLICH

Haluk KOÇ

Konstantin KOSACHEV/Oleg Lebedev

Tiny KOX

Marie KRARUP/Nikolaj Villumsen

Borjana KRIŠTO

Václav KUBATA/Dana Váhalová

Pavol KUBOVIČ*

Jean-Pierre KUCHEIDA*

Dalia KUODYTĖ/Egidijus Vareikis

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU

Henrik Sass LARSEN

Jean-Paul LECOQ*

Harald LEIBRECHT*

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Yuliya LIOVOCHKINA

Lone LOKLINDT

François LONCLE*

Jean-Louis LORRAIN

George LOUKAIDES

Younal LOUTFI

Saša MAGAZINOVIĆ*

Philippe MAHOUX*

Gennaro MALGIERI*

Nicole MANZONE-SAQUET/Bernard Marquet

Pietro MARCENARO

Milica MARKOVIĆ

Muriel MARLAND-MILITELLO*

Meritxell MATEU PI

Pirkko MATTILA

Frano MATUŠIĆ*

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA*

Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Evangelos MEIMARAKIS

Ivan MELNIKOV/Oleg Panteleev

Nursuna MEMECAN

José MENDES BOTA

Dragoljub MIĆUNOVIĆ

Jean-Claude MIGNON/Christine Marin

Dangutė MIKUTIENĖ

Akaki MINASHVILI

Krasimir MINCHEV/Petar Petrov

Federica MOGHERINI REBESANI

Andrey MOLCHANOV/Alexey Ivanovich Aleksandrov

Jerzy MONTAG*

Patrick MORIAU/Ludo Sannen

Juan MOSCOSO DEL PRADO*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK*

Alejandro MUÑOZ ALONSO

Philippe NACHBAR

Adrian NĂSTASE/Tudor Panţiru

Gebhard NEGELE/Leander Schädler

Pasquale NESSA

Fritz NEUGEBAUER

Emma NICHOLSON

Tomislav NIKOLIĆ*

Aleksandar NIKOLOSKI*

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY

Sandra OSBORNE

Nadia OTTAVIANI*

Liliana PALIHOVICI

Vassiliki PAPANDREOU/ Elsa Papadimitriou

Ganira PASHAYEVA*

Peter PELLEGRINI*

Lajla PERNASKA*

Johannes PFLUG

Ivan POPESCU

Lisbeth Bech POULSEN

Marietta de POURBAIX-LUNDIN

Cezar Florin PREDA*

John PRESCOTT/Joe Benton

Jakob PRESEČNIK*

Gabino PUCHE*

Milorad PUPOVAC*

Valeriy PYSARENKO/Volodymyr Pylypenko

Carmen QUINTANILLA

Valentina RADULOVIĆ-ŠĆEPANOVIĆ*

Elżbieta RADZISZEWSKA*

Mailis REPS

Andrea RIGONI

Gonzalo ROBLES

François ROCHEBLOINE

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Marlene RUPPRECHT*

Ilir RUSMALI*

Armen RUSTAMYAN

Branko RUŽIĆ/Elvira Kovács

Volodymyr RYBAK/Oleksiy Plotnikov

Rovshan RZAYEV

Joan SABATÉ*

Džavid ŠABOVIĆ*

Giacomo SANTINI

Giuseppe SARO*

Kimmo SASI

Stefan SCHENNACH

Marina SCHUSTER

Urs SCHWALLER

Valery SELEZNEV*

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN*

Mykola SHERSHUN

Ladislav SKOPAL*

Leonid SLUTSKY

Serhiy SOBOLEV

Maria STAVROSITU

Arūnė STIRBLYTĖ

Yanaki STOILOV

Fiorenzo STOLFI*

Christoph STRÄSSER

Karin STRENZ*

Valeriy SUDARENKOV

Björn von SYDOW

Petro SYMONENKO*

Vilmos SZABÓ/ Gábor Harangozó

Melinda SZÉKYNÉ SZTRÉMI*

Chiora TAKTAKISHVILI

Giorgi TARGAMADZÉ*

Vyacheslav TIMCHENKO/Natalia Burykina

Dragan TODOROVIĆ*

John E. TOMLINSON

Latchezar TOSHEV

Petré TSISKARISHVILI

Mihai TUDOSE*

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ

Konstantinos TZAVARAS/Dimitrios Papadimoulis

Tomáš ÚLEHLA*

Ilyas UMAKHANOV*

Giuseppe VALENTINO*

Miltiadis VARVITSIOTIS*

Stefaan VERCAMER

Anne-Mari VIROLAINEN

Luigi VITALI*

Luca VOLONTÈ

Vladimir VORONIN*

Konstantinos VRETTOS

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ

Dmitry VYATKIN

Piotr WACH

Johann WADEPHUL

Robert WALTER/ Jeffrey Donaldson

Katrin WERNER*

Renate WOHLWEND

Karin S. WOLDSETH

Gisela WURM Martina Schenk

Jordi XUCLÀ*

Karl ZELLER*

Kostiantyn ZHEVAHO/Yevgeniy Suslov

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN

Vacant Seat, Bosnie-Herzégovine*

Vacant Seat, Chypre*

Vacant Seat, Croatie*

Vacant Seat, Croatie*

Vacant Seat, Fédération de Russie*

Vacant Seat, Fédération de Russie *

Vacant Seat, Fédération de Russie *

Vacant Seat, Fédération de Russie *

Vacant Seat, Slovénie*

Vacant Seat, Slovénie*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Terence FLANAGAN

Doris FROMMELT

Johannes HÜBNER

Reinette KLEVER

John Paul PHELAN

Luz Elena SANÍN

Elisabeth SCHNEIDER-SCHNEITER

Eric VORUZ

Observateurs

Joyce BATEMAN

Hervé Pierre GUILLOT

José Luis JAIME CORREA

Martha Leticia SOSA GOVEA

Partenaires pour la démocratie

Najat ALASTAL

Walid ASSAF

Bernard SABELLA