FR13CR12

AS (2013) CR 12

SESSION ORDINAIRE DE 2013

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la douzième séance

Mardi 23 avril 2013 à 10 heures

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso, dans ces langues, sont distribuées séparément.

4.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 5, sous la présidence de M. Mignon, Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT – La séance est ouverte.

1. Modifications dans la composition des commissions

LE PRÉSIDENT – Des propositions de modifications dans la composition de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées ont été publiées dans le document Commissions (2013) 04 Addendum 2.

Il n’y a pas d’opposition à ces modifications. Elles sont donc adoptées.

2. Dialogue post-suivi avec la Turquie

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de Mme Durrieu, au nom de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi), sur le « dialogue post-suivi » avec la Turquie. (Doc. 13160).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes. Je vous rappelle aussi que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, vote inclus, à 12 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 11 heures, afin d’entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Il n’y a pas d’opposition ?… Il en est ainsi décidé.

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs. Vous avez également la possibilité, si vous le souhaitez, de répondre immédiatement aux porte-parole des groupes.

Madame la rapporteure, c’est avec plaisir que je vous cède la parole.

Mme DURRIEU (France), rapporteure de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) – Monsieur le Président, chers collègues, engagée en 2004, la procédure de post-suivi de la Turquie continue de se poursuivre. On pourrait considérer, en 2013, qu’elle a beaucoup duré.

La Résolution 1380 de 2004 qui fixait 12 points à vérifier nous amène à constater que beaucoup a été fait, beaucoup de réformes, beaucoup d’amendements à la Constitution et, tout récemment, un « 4e paquet » de réformes concernant la justice. Nous attendons et espérons beaucoup de ces réformes tout en sachant que le travail n’est pas fini.

Par un concours de circonstances, le présent rapport sort en même temps que celui du Parlement européen, qui est soumis à la Commission européenne. Il est intéressant de voir que leurs analyses se corroborent, ce qui est d’ailleurs normal puisque des analyses objectives ne peuvent conduire qu’à des conclusions objectives. L’état des lieux qui a été réalisé témoigne que si bien des choses ont été engagées, d’autres restent encore à accomplir dans un domaine essentiel comme l’est, par exemple, celui des droits de l’homme.

L’article 24 du rapport du Parlement européen rejoint l’article 4 de celui que je vous présente. Le Parlement européen encourage ainsi la Commission à rouvrir les chapitres 22, 23 et 24 relatifs à la réforme judiciaire et aux droits de l’homme et, ce, dès le début des négociations, et de ne les clore qu’à la fin.

La Turquie est un grand, un très grand pays, un pays clé dans et pour cette région du monde, pour la Méditerranée, pour l’Union européenne. Tout concourt à ce qu’il en soit ainsi : son histoire, son économie, sa situation, sa stabilité politique dans une zone tourmentée suite aux mouvements arabes. Force est de constater, cependant, que nous sommes encore grandement préoccupés.

Politiquement, la Turquie connaît en effet une phase de transition entre le régime kémaliste, laïque, démocratique et militaire et, depuis dix ans, celui de l’AKP, M. Erdogan étant aujourd’hui Premier ministre. Ce sont deux périodes qui se succèdent et s’affrontent. Si les complots, bien réels, sont en voie de disparition, les procès demeurent quant à eux très nombreux, dont celui du réseau Ergenekon, qui concerne beaucoup de monde et contribue à remplir les prisons. Nous ne pouvons qu’être émus et interpellés par une telle situation. Certains, comme Amnesty International, le font d’ailleurs savoir en des termes plus vigoureux que les nôtres.

Nous partageons des valeurs communes et nous voulons les approfondir ensemble. Tout ce qui relève de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme est au cœur de ce creuset qu’est le Conseil de l’Europe, lieu où se forge la conscience européenne. Il faut donc que la situation continue d’évoluer dans le bon sens en Turquie, en particulier en matière de liberté d’expression, de droit à manifester et de droit à l’information. Le bilan n’est pas clos même si, je le répète, bien des réformes ont été accomplies.

Nous avons donc vérifié la mise en œuvre des douze points contenus dans la Résolution 1380. En l’occurrence, la refonte de la Constitution est en cours et elle n’est pas facile ; l’abaissement du seuil électoral de 10 % est maintenu ; nous n’avons pas eu de réponse satisfaisante quant à la question de l’objection de conscience ; les problèmes demeurent s’agissant de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, de la Charte européenne des langues régionales, de l’achèvement de la réforme du Code pénal, de l’application de la réforme de l’administration locale et, donc, de la décentralisation et, enfin, de la politique visant à reconnaître l’existence des minorités. Plus globalement, la réforme de la Constitution achoppe surtout sur la définition de la citoyenneté et de la nationalité.

Le peuple turc, toutefois, tranchera puisque l’élection présidentielle aura lieu en 2014, suivie en 2015 d’élections législatives. Je suis convaincue que la Turquie accomplira l’ensemble des réformes nécessaires afin que ces élections soient l’aboutissement d’un processus qui, ensuite, favorisera une nouvelle appréciation de la situation.

Cette coopération, ce dialogue, cette compréhension mutuelle sont d’autant plus nécessaires que nous accompagnerons la démarche que la Turquie a engagée auprès de l’Union européenne dans un contexte que je souhaite politiquement apaisé.

Enfin, les Turcs doivent résoudre ce problème fondamental que pose la situation des Kurdes. Nous formons le vœu que des négociations soient engagées et qu’elles réussissent. Alors, nous pourrons considérer que la situation sera pleinement positive.

LE PRÉSIDENT – Madame la rapporteure, vous disposerez de cinq minutes pour répondre aux orateurs.

Dans la discussion générale, la parole à M. Díaz Tejera, pour le Groupe socialiste.

M. DIAZ TEJERA (Espagne) *Je félicite Mme la rapporteure pour son magnifique travail. Je ne peux qu’inciter nos collègues à lire ces 65 pages, qui constituent une analyse minutieuse de l’évolution de la Turquie, ce grand pays que nous aimons tous, qui compte au nombre des fondateurs du Conseil de l’Europe, qui entretient des relations étroites avec l’Union européenne et qui joue un rôle essentiel auprès de nombreux Etats qui le considèrent comme un modèle.

Des questions demeurent donc en suspens : la réforme de la Constitution, le seuil électoral de 10 %, la réforme judiciaire, la protection des minorités car il ne suffit pas, pour être une démocratie, d’assurer le gouvernement de la majorité. Ce qui définit une démocratie, c’est la manière de protéger les droits des minorités ethniques, religieuses, sociales et sexuelles. Sur ce terrain, la Turquie a beaucoup avancé, mais il reste encore beaucoup à faire, en particulier pour garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire et sa sécurité par son financement. Sans oublier les garanties dont doivent jouir tous les citoyens.

La Turquie a bien avancé dans beaucoup de domaines, mais il y a encore des lacunes pour l’information, les droits de l’homme et la législation concernant le terrorisme. Elle doit trouver des solutions plus adéquates pour résoudre les problèmes nés du terrorisme.

Les socialistes tiennent à féliciter Mme Durrieu pour son excellent travail. Ils rappellent à leurs amis turcs qu’ils aiment leur pays, qu’ils apprécient son histoire et qu’ils souhaitent l’accompagner dans son perfectionnement de la démocratie. La loyauté est une condition de l’amitié : pas d’amitié sans loyauté, pas de loyauté sans amitié.

Sur les plans des droits de l’homme, de la Constitution, du pouvoir judiciaire et de l’information, il y a encore beaucoup de pain sur la planche. Mais avec les Turcs, nous souhaitons avancer.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hancock, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

M. HANCOCK (Royaume-Uni)* – J’invite les membres de l’Assemblée à lire ce rapport de 70 pages, même si cela prend un peu de temps. Il aborde des domaines qui n’auraient pas dû l’être. Ce n’est par exemple pas au Conseil de l’Europe d’examiner la politique étrangère d’un pays. Pour ma part, je remercie la Turquie de l’aide qu’elle apporte à ceux qui souffrent de la guerre et de l’oppression de la Syrie.

Le rapport souligne que la Turquie a fait de grands pas en avant. Il me semble que ces avancées n’ont pas été appréciées autant qu’elles auraient dû l’être, étant entendu que la tâche n’était pas mince. Le rapport n’examine pas la façon dont ce progrès a concerné l’ensemble de la communauté. On y lit que c’est à la société de trouver le type de gouvernance qu’elle souhaite : Effectivement, les peuples ont le droit de décider de leur avenir ! Or, ce rapport est très critique quant à la voie choisie par le peuple turc pour plus de démocratie… Attention, donc, aux critiques, surtout quand elles ne sont pas toujours justes.

On peut se féliciter d’avoir œuvré à une plus grande assimilation de la Turquie dans la famille européenne, notamment par le biais de sa démarche d’adhésion à l’Union européenne. Il faut aussi féliciter la Turquie pour tous les progrès réalisés et lui souhaiter plein succès pour l’avenir. La résolution adoptée ce matin en commission pour savoir s’il faut poursuivre le post-suivi doit être examinée de très près par l’Assemblée. La Turquie a fait beaucoup de choses pour aller dans le bon sens, beaucoup plus que ce que signale ce rapport.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Walter, au nom du Groupe démocrate européen.

M. WALTER (Royaume-Uni)* – Je félicite la rapporteure, Mme Durrieu, qui a travaillé avec beaucoup de passion et de diligence, malgré parfois des tensions entre sa vision du monde et celle du Gouvernement turc.

L’Etat turc moderne existe depuis 1923. Atatürk a voulu créer un pays tourné vers l’Ouest, avec des valeurs européennes. Ce fut un leader très fort, qui a écarté l’alphabet arabe au profit de l’alphabet latin et qui a mené des changements fondamentaux. Beaucoup de progrès ont été réalisés alors et par la suite. Malheureusement, la Turquie a aussi connu des coups d’Etat militaires.

Au sein de cette Assemblée parlementaire, nous avons mis un terme à la procédure de suivi en 2004 pour entrer dans une phase de post-suivi, où la Turquie doit encore travailler. Peut-être faut-il maintenant envisager la fin de cette procédure de post-suivi, en reconnaissant les progrès accomplis, en particulier au cours des dix dernières années dans les domaines économique et politique.

Il faut souligner que tous les partis politiques turcs et la population partagent les valeurs de notre Organisation. C’est pourquoi nous devrions adopter l’amendement visant à mettre fin à la procédure de post-suivi.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hunko, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

M. HUNKO (Allemagne)* – Mme Durrieu nous présente un très bon rapport, équilibré, qui suit bien les évolutions en Turquie.

Le débat en Europe sur l’évolution de la Turquie est intéressant. Bien des contradictions sont relevées. Moi-même qui ai été observateur électoral avec Mme Durrieu dans la région kurde de la Turquie, j’ai vécu des expériences contradictoires. Nous avons ainsi pu voir qu’on pouvait voter dans les prisons ce qui n’est pas le cas dans tous les pays européens. Mais dans certains bureaux de vote, il y avait des officiers militaires et des policiers… Je suis allé également en Turquie pour le Bundestag.

Il y a donc de grandes avancées qu’on doit louer, mais dans le domaine des droits de l’homme, force est de constater un certain recul. Le rapport de la Commission européenne de l’automne dernier, rédigé dans le cadre de la procédure d’adhésion a été assez critique. En juin 2010, on a arrêté bon nombre d’élus. J’ai rendu visite à trois d’entre eux lors de ma visite en Turquie. Même le maire d’une grande ville, largement élu, a été emprisonné. Le rapport examine ce problème de manière approfondie.

Je voudrais, pour finir, rappeler qu’un écrivain turc très connu, Doğan Akhanli, un ami à moi, est aujourd’hui menacé de détention à vie pour s’être exprimé sur le génocide arménien. Tous ces faits sont très inquiétants.

Au total, c’est sans réserve que nous soutiendrons cet excellent rapport.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Sasi, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. SASI (Finlande)* – La Turquie est un membre important du Conseil de l’Europe et un grand pays européen. Ses voisins, la Syrie, l’Iran, l’Irak, le Liban et tous les pays de l’Afrique du Nord, traversent actuellement une période de grande instabilité et de violence. L’Assemblée doit aider la Turquie à jouer un rôle de modèle pour tous les pays musulmans. Elle peut en effet leur montrer que la démocratie, les droits de l’homme et le respect des minorités sont source de prospérité, dans le cadre d’une économie de marché.

Toutefois, certaines questions demeurent s’agissant de la Turquie, et il est du devoir de l’Union européenne de la soutenir sur la voie du progrès démocratique. Depuis dix ans, de nombreuses avancées ont été constatées, avec une croissance économique forte, le renforcement de la démocratie et l’amélioration du respect des droits des minorités, mais le rapport approfondi de Mme Durrieu atteste de l’ampleur des évolutions encore nécessaires. Les pouvoirs locaux doivent ainsi être renforcés, et le système judiciaire amélioré. Trop de personnes sont encore en détention provisoire, en particulier des journalistes, ce qui porte atteinte à la liberté d’expression et suffit à rendre prématurée la fin du processus de post-suivi.

Les droits des minorités doivent par ailleurs être mieux protégés, notamment s’agissant de la minorité kurde, qui doit bénéficier d’une plus grande autonomie. A cet égard, le processus de paix engagé avec le PKK mérite d’être encouragé. Le sort des minorités religieuses en Turquie doit également nous préoccuper.

La Turquie accueille actuellement un grand nombre de réfugiés syriens. Nous devons l’aider sur ce dossier. Quant à la question chypriote, nous devons également favoriser les discussions entre les parties en présence. N’oublions pas que Chypre doit relever en ce moment un défi économique considérable.

LE PRÉSIDENT – Madame Durrieu, souhaitez-vous répondre maintenant aux porte-parole des groupes politiques ? Ce n’est pas le cas.

La parole est à M. Toshev.

M. TOSHEV (Bulgarie)* – Dans son rapport, Mme Durrieu examine les efforts accomplis par la Turquie pour respecter les normes du Conseil de l’Europe, avec l’aide de l’Assemblée.

Au cours des dix dernières années, la Turquie a connu une forte croissance économique. Une nouvelle classe moyenne est apparue, composée en grande partie d’habitants de l’Anatolie, profondément religieux et dont le niveau de vie était auparavant bien moins important. Aujourd’hui, le système de soins est accessible à tous. On ne peut que se féliciter de cette évolution.

Toutefois, la Turquie doit adopter la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Par ailleurs, le médiateur a reçu le 29 mars plusieurs plaintes relatives à ce pays, concernant notamment la restitution de propriétés de chrétiens bulgares et la réouverture d’écoles à Constantinople.

La Turquie a progressé s’agissant de l’enregistrement des entités religieuses. La Résolution 1704 (2010) évoque la profanation d’un cimetière catholique et ce point mérite d’être examiné. Il faut aussi souligner des changements importants au sein de l’armée. La solidarité à l’égard du peuple syrien est une autre mesure positive que l’on doit saluer.

La nouvelle politique étrangère du Gouvernement turc reste néanmoins inquiétante et peu favorable à une intégration prochaine du pays au sein de l’Union européenne. L’impossibilité pour les citoyens turcs qui vivent à l’étranger de voter dans les consulats et le seuil électoral de 10 %, le plus élevé en Europe, sont également des sujets de préoccupation.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Mogens Jensen.

M. M. JENSEN (Danemark)* – Je partage les conclusions du rapport de Mme Durrieu. Un processus de réforme important a actuellement lieu en Turquie. L’histoire de ce pays est complexe et il ne fait pas de doute qu’il est devenu une référence pour les pays musulmans de la rive sud de la Méditerranée. Cependant, de nombreux efforts seront encore nécessaires afin que la Turquie respecte les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe, l’Etat de droit, la démocratie et les droits de l’homme.

Au mois de janvier dernier, l’Assemblée a adopté un rapport sur la liberté des médias et je voudrais souligner qu’au niveau mondial, la Turquie reste le pays qui compte le plus grand nombre de journalistes emprisonnés. La plupart d’entre eux ont été accusés de terrorisme, de violence ou d’insultes à l’égard des institutions turques. L’ancien Commissaire aux droits de l’homme, M. Hammarberg, s’est rendu en Turquie au mois de juillet 2011 et il a dénoncé les atteintes à la liberté d’expression. Il a appelé les autorités turques à procéder à des changements importants au niveau législatif afin de se conformer à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

La Turquie doit agir aussi en ce qui concerne la discrimination sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Le rapport de M. Gross sur ce sujet adopté par l’Assemblée a montré qu’un certain nombre de personnes LGBT ont été tuées au cours des dernières années en Turquie. Cela est inacceptable. Le gouvernement doit enquêter et poursuivre les suspects. Il doit également adopter les législations efficaces pour faire disparaître cette discrimination de la société turque.

Je suis confiant car le gouvernement travaille dans cette perspective. Reste que des actions rapides sont encore nécessaires.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Gündeş Bakir.

Mme GÜNDEŞ BAKIR (Turquie)* – La Turquie est un pays pluraliste et multipartite, le peuple turc est européen, il appartient à l’Occident et partage les valeurs de l’Europe. Enfin, le Conseil de l’Europe est notre maison.

Les dix dernières années, la Turquie a fait d’immenses progrès sur la voie de son adhésion européenne. Ainsi la peine de mort a été abolie et il est désormais possible de saisir la Cour constitutionnelle.

Les Kurdes ont été reconnus. L’état d’urgence a été suspendu dans les provinces du sud-est, des programmes économiques ont été lancés. Il existe un programme de télévision en kurde, on peut apprendre et enseigner en kurde et cette langue peut être utilisée durant les campagnes électorales ainsi que devant les tribunaux. Ces processus ont été lancés pour mettre un terme à la terreur.

Des progrès économiques ont été réalisés. Malgré le contexte de la crise mondiale, le PIB a triplé ces dix dernières années. La Turquie a su faire fructifier ses richesses.

En 2004, nous avons ratifié la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime. La charte des droits sociaux a été ratifiée en 2007 et la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme en 2012. En 2011, le Protocole facultatif des Nations Unies à la Convention contre la torture a été ratifié, le code pénal a été réformé et la tutelle militaire obligatoire a été abolie. Les droits syndicaux et la liberté d’association ont été mis en place.

Avec l’aide du Conseil de l’Europe pour former les gendarmes et les policiers ainsi que les officiers de justice, la Turquie a pu adopter son quatrième ensemble de réformes judicaires : la présomption d’innocence a été renforcée, la détention provisoire réduite et le droit à l’indemnisation en cas de détention provisoire est acquis.

La distinction entre la liberté d’expression et la propagande terroriste a été renforcée. La propagande des objecteurs de conscience a été dépénalisée et il existe une loi sur les étrangers et la protection des réfugiés. La Turquie est le premier pays à avoir signé la Convention européenne sur la prévention et la lutte contre la violence faite aux femmes et la violence domestique.

Ces dix dernières années, la Turquie a démontré sa capacité à remplir ses obligations vis-à-vis du Conseil de l’Europe. Les réformes ont été menées à bien et les progrès sont évidents. D’ailleurs, le rapport en témoigne. Je demande donc aux Etats membres du Conseil de l’Europe de soutenir la fin de la procédure de suivi de la Turquie.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Bakoyannis.

Mme BAKOYANNIS (Grèce)* – Peu de pays ont connu une situation aussi changeante que la Turquie. Depuis que nous avons engagé la procédure de post-suivi, la Turquie s’est engagée dans de nombreuses réformes, dont certaines restent à parachever. Le bilan est mitigé.

D’un côté, on constate beaucoup de changements, la plupart positifs – la redéfinition du rôle de l’armée, la prépondérance du politique sur le militaire et surtout les projets concernant la composante kurde de la Turquie. Beaucoup de progrès ont été faits pour s’adapter au Conseil de l’Europe.

D’un autre côté, le rapport de Mme Durrieu souligne que l’on se trouve dans une phase de transition plutôt que d’achèvement des réformes. Beaucoup de choses dépendront des changements apportés à la Constitution et à différents domaines, comme ceux de l’égalité entre les sexes, de la prévention de la torture, de la détention provisoire, de la liberté d’expression et de la propagande terroriste.

Sur bien des plans, il ne faut pas s’attendre à trop de progrès. Se posent aussi les questions de l’objection de conscience et des droits des homosexuels, sur lesquelles aucun progrès ne se profile.

La Turquie, qui respecte beaucoup de normes du Conseil de l’Europe, n’a pas fait de progrès dans tous les domaines – pensons notamment à la situation de l’Église orthodoxe. Le rapport ne précise pas suffisamment que la Turquie viole souvent certains principes essentiels pour le Conseil de l’Europe et les Nations Unies – le casus belli vis-à-vis de la Grèce, l’occupation de près de 40 % du territoire de Chypre alors que la Turquie négocie son adhésion complète à l’Union européenne.

La Grèce appuie la candidature de la Turquie à l’Union européenne, car elle estime que le Gouvernement turc sera capable de résoudre ces problèmes. La Turquie pourra ainsi devenir membre de plein droit de l’Union européenne.

Je félicite la Turquie d’avoir engagé toutes ces réformes et j’encourage le Gouvernement turc à les poursuivre. Enfin, si la Turquie parvient à régler le problème kurde, elle pourra, avec l’aide de la Grèce, résoudre le problème de Chypre.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Slutsky.

M. SLUTSKY (Fédération de Russie)* – Je remercie Mme Durrieu pour son excellent rapport.

Lorsque nous avons terminé la procédure de suivi de la Turquie en 2004, nous avions établi une liste des douze points qui permettraient à la Turquie de continuer à progresser. La Turquie a entériné tous les principes fondamentaux du Conseil de l’Europe et la réforme constitutionnelle a commencé. Comme le souligne le rapport, la Turquie est devenue une référence pour les pays musulmans qui ont connu le Printemps arabe.

Le rapport aborde des questions non incluses dans le rapport sur la procédure de suivi de 2004. Douze points étaient restés en suspens et devaient faire l’objet du dialogue post-suivi. Plus d’une dizaine de ces points ont été abordés dans cet épais rapport et je félicite Mme Durrieu pour le travail fourni. Il ne s’agit pourtant pas de gonfler la procédure de post-suivi.

Il en est de même pour la Russie : vingt-deux engagements sur vingt-trois avaient été respectés. Quand on dit que le Conseil de l’Europe doit conserver sa place particulière, il faut quand même que ces procédures de suivi et de post-suivi soient menées à bien sans pour autant gonfler les choses. Sinon, ce pourrait être un facteur de discrédit. Il faut toutefois reconnaître qu’un très long chemin a été parcouru en Turquie grâce à l’accompagnement et à l’encadrement du Conseil de l’Europe.

J’invite donc tous les groupes à voter pour l’amendement no 8 et à poursuivre le dialogue avec la Turquie.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Memecan.

Mme MEMECAN (Turquie)* – Je remercie le rapporteur et le secrétariat ainsi que tous les collègues qui sont intervenus pour nous soutenir.

Le rapport évoque les douze points restés en suspens et reconnaît les progrès économiques et politiques réalisés en Turquie au cours de la dernière décennie.

Par le passé, la Turquie était sous un régime de tutelle : l’alliance entre les partis politiques et leurs alliés idéologiques au sein de l’administration, du système judiciaire et des médias pesait sur toute la société. La richesse était distribuée entre ces alliés selon un système économique très contrôlé, menaçant la laïcité et l’unité du pays tout en maintenant le contrôle sur la population. Depuis les années 60, chaque décennie a connu son coup d’Etat sanglant. Des milliers de personnes ont été torturées et la Turquie a dû faire l’objet d’un processus de suivi.

Tout en gardant cela à l’esprit, je dirai cependant que cette dernière décennie pourrait être définie comme une véritable révolution non violente en Turquie. La Turquie a connu son Printemps, au cours duquel le régime de tutelle a été démantelé. Tous les citoyens du pays se retrouvent maintenant au sein du système et peuvent bénéficier des mêmes chances, vivre dans la dignité et la prospérité, et s’impliquer dans la gouvernance du pays. Les droits démocratiques des citoyens kurdes ont été traités et d’autres minorités ont pu bénéficier de cette avancée. Nous sommes en train de travailler également sur la question des minorités roms. Le système judiciaire a été réformé en tenant compte des observations de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Commission de Venise. Les auteurs des coups d’Etat militaire ont été traduits en justice. Nous avons lancé un processus de paix afin d’améliorer la sécurité et la prospérité dans notre pays. Les partis au gouvernement jouissent d’un mandat fort qui leur a permis de s’attaquer aux structures précédentes, pourtant fortement ancrées.

Tout cela a été rendu possible grâce à des réformes démocratiques qui transfèrent le pouvoir au peuple. Le processus est en cours et la Turquie s’engage à le poursuivre. En tant que chef de la délégation turque, je peux vous assurer que la Turquie est allée bien au-delà du dialogue post-suivi et qu’elle s’attend à ce que l’Assemblée reconnaisse tous ses efforts.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Dişli.

M. DİŞLİ (Turquie)* – Je remercie également Mme la rapporteure et le secrétariat de la commission pour tout le travail accompli dans le cadre du dialogue post-suivi. Toutefois, en tant que député turc, je suis déçu car ce rapport ne met pas suffisamment en valeur l’évolution positive qu’a connue la Turquie, en dépit de toutes les informations que nous nous sommes efforcés de donner à Mme la rapporteure.

Tout d’abord, je rappelle que la Turquie est suivie dans le cadre d’un dialogue post-suivi et non plus dans le cadre d’une procédure de suivi. Or la rapporteure a rédigé un mémorandum de 259 paragraphes en 45 pages, qui touche quasiment à tous les domaines, sans se demander si ceux-ci avaient un lien avec le dialogue de post-suivi. L’évolution dans les domaines politique, économique et social est le résultat de l’engagement du peuple turc pour la démocratie, l’Etat de droit et les droits de l’homme, valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe. Les différentes réformes entreprises par le gouvernement montrent que la Turquie n’est pas simplement un pays de coups d’Etat militaires et de crise économique, comme ce fut le cas dans le passé, et qu’elle est devenue un symbole de gouvernement démocratique dans une région instable. Si le dialogue de post-suivi ne soutient pas cette évolution, renvoyant une image fausse d’une Turquie qui s’écarterait du principe de laïcité et où il serait procédé à bien des arrestations arbitraires, il conviendrait de repenser complètement ce processus de post-suivi.

Il faut avant tout encourager la Turquie à continuer à développer des normes dans les domaines politique et économique. On ne peut l’encourager, comme beaucoup d’entre vous l’ont dit, à maintenir ce dialogue post-suivi.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Rouquet.

M. ROUQUET (France)* – Pour le dixième anniversaire de la victoire électorale du Parti de la Justice et du développement, de nombreux journaux turcs ont fait leurs titres sur « l’AKP et la révolution anatolienne ». C’est peu dire que, dans la décennie écoulée, la Turquie a effectivement connu des bouleversements majeurs. Depuis la clôture de la procédure de suivi, en 2004, ce pays a engagé des efforts substantiels pour mieux satisfaire aux valeurs du Conseil de l’Europe. Le rapport établi par notre collègue Josette Durrieu en dresse un tableau remarquable. Qu’elle soit ici remerciée pour la précision de ses analyses et la sûreté de son jugement.

De ce rapport, je retiens trois éléments marquants : la redéfinition du rôle de l’armée et la démilitarisation de la vie politique – car il n’est pas de réelle démocratie lorsque les militaires se prennent à dicter la loi civile ; l’approfondissement des droits de l’homme, qu’ils soient individuels, comme l’instauration d’un droit de recours devant la Cour constitutionnelle dans les matières relevant de la CEDH ou qu’ils soient collectifs, comme l’élargissement des droits syndicaux ; et l’adoption de plusieurs « paquets » de réformes judiciaires qui visent à renforcer la prééminence du droit dans le fonctionnement des institutions turques.

Mais les vieux réflexes ont la vie dure : en janvier dernier, quinze avocats ont été arrêtés à Istanbul, Izmir et Ankara et leurs bureaux perquisitionnés en l’absence de membres du conseil de l’ordre des avocats. Il y a quelques jours, le pianiste Fazil Say a été condamné à dix mois de prison avec sursis pour des propos qui ont été considérés par le juge comme une « insulte aux valeurs religieuses d’une partie de la population ». Ces décisions sont inquiétantes : lorsqu’un pouvoir – qu’il soit exécutif ou judiciaire – s’attaque à ceux qui incarnent les droits de la défense ou qui portent la voix de la culture, ce sont les droits de l’homme qui sont en danger.

Le chemin à parcourir est encore long pour la Turquie. Mais est-ce si étonnant ? Comme le souligne fort justement notre rapporteure, le pays est engagé dans une profonde transition politique, qui n’est pas seulement affaire de droit et d’institutions, mais surtout de culture et de mentalités. Ce genre de transition prend du temps. N’oublions pas non plus que, bien souvent, les atteintes aux droits de l’homme en Turquie tirent prétexte de la lutte contre le terrorisme, au nom de laquelle sont maintenues la plupart des dispositions juridiques contestables évoquées dans le rapport. Pour asseoir définitivement la primauté des droits de l’homme, la Turquie devra donc, à l’évidence, résoudre la question kurde. Et je me réjouis des ouvertures qui ont été enregistrées de part et d’autre ces derniers mois. Elles sont indispensables. Elles doivent être soutenues.

Pour aller plus loin, la Turquie devra aussi en passer par une confrontation avec son passé, même le plus sombre. Croyez-en un citoyen français : je sais combien il est difficile pour un pays de se pencher sur les heures difficiles de son histoire. La France a mis cinquante ans à reconnaître officiellement le rôle actif de l’Etat dans la déportation des Juifs, une mémoire sereine de la colonisation peine toujours à s’ébaucher, et je ne parle même pas de la mémoire spécifique de la guerre d’Algérie…

Je forme le vœu que, bientôt, la Turquie saura trouver la force nécessaire pour prononcer le mot que chacun connaît et que beaucoup attendent. Par-delà l’horizon de l’Arménie, c’est l’Europe tout entière qui y trouverait un élan nouveau pour la réconciliation et la paix.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Omtzigt.

M. OMTZIGT (Pays-Bas)* – Je remercie la commission pour ce rapport très complet qui rappelle les nombreux progrès qui ont été réalisés par la Turquie, mais aussi ceux qui lui restent à accomplir.

Je suis vraiment surpris qu’un certain nombre d’entre nous souhaitent fixer une date pour la fin du post-suivi, car il faut bel et bien maintenir une norme. À cet égard, j’inviterai Mme Durrieu à rappeler précisément dans sa réplique ce que la Turquie devrait faire pour ne plus être soumise au post-suivi dans un délai prévisible, car tel doit être l’objectif final des autorités turques.

Le problème des minorités est évoqué à plusieurs reprises dans le rapport. Ce qui m’inquiète, c’est que nous avons déjà évoqué ce problème dans une résolution sur la liberté religieuse en Turquie. Nous avons demandé aux autorités turques de bien vouloir répondre aux questions qui lui avaient été posées dans la Résolution 1704 (2010). Or la commission des questions juridiques et des droits de l’homme rappelle que la Turquie n’a pas répondu.

Bien sûr, des progrès ont été faits, notamment pour les écoles Imam Hatip, mais je m’inquiète, par exemple, de ce qui se passe avec certains monastères dans le sud-est du pays. Je suis également inquiet du fait que la Turquie ne reconnaisse que trois minorités. D’ailleurs, le problème des minorités n’est pas mentionné dans le Traité de Lausanne.

Il serait bon que la Turquie apporte une réponse officielle et nous dise quelles avancées ont été réalisées. Les progrès sont réels, mais ce pays qui compte le plus grand nombre de journalistes et d’hommes politiques en prison et qui se refuse toujours à reconnaître le génocide arménien ne peut pas échapper à la procédure de post-suivi. Voilà pourquoi je vous demande de ne pas suivre les auteurs de l’amendement no 8, qui demandent à clore le processus de post-suivi.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Bilgehan.

Mme BİLGEHAN (Turquie) – Monsieur le Président, chers collègues, je tiens à remercier Mme Durrieu pour le travail difficile qu’elle a accompli avec une grande persévérance. Il n’était pas facile de suivre un pays comme la Turquie, qui est en cours de transformation et connaît une période de transition – vers où, d’ailleurs ?

Certes, d’un côté, il y a beaucoup d’avancées. J’ai commencé ma carrière politique ici, au Conseil de l’Europe, en 2003. La Turquie venait de tourner une page de son histoire et voulait en finir avec la période du coup d’Etat de 1980. On parlait de la tolérance zéro contre la torture, de la levée de l’état d’urgence dans les régions concernées, de l’abolition de la peine de mort et de la reconnaissance des droits cultuels. Nous avions une bonne équipe nationale : le gouvernement et l’opposition étaient unis pour voter les paquets de réformes.

J’ai été parmi ceux et celles qui ont accueilli avec joie la décision de l’Assemblée parlementaire de clore la procédure de suivi sur la Turquie ; c’était en 2004 et Mme Durrieu était alors présidente de la commission de suivi.

Depuis, il y a eu des va-et-vient. Le Gouvernement turc est très pragmatique. Certes, mon pays reste une exception dans la région et en Europe, ce dont je suis fière, avec sa réussite économique, sans oublier l’exemple qu’elle constitue sur le plan de l’aide humanitaire – 220 000 réfugiés syriens se trouvent actuellement sur le territoire turc –, la réconciliation avec Israël et la fraternité avec la Palestine. De nouveaux efforts ont également été entrepris pour éradiquer la violence sur le territoire turc, une nouvelle constitution est en cours de préparation et l’élaboration du 4e paquet de réformes judiciaires est en cours.

On se demande pourquoi le gouvernement attend la dernière minute pour promulguer une loi car, entre-temps, les personnes qui se trouvent en détention provisoire depuis 5 ans ou plus, sans savoir quelquefois de quoi elles sont accusées, perdent leur emploi, leur santé, leur famille et leur espoir.

Des recteurs d’université sont en prison, de même que des milliers d’étudiants, des journalistes et des écrivains, des généraux qui ont combattu avec les armées de l'Otan ou de l'Onu en Afghanistan, en Somalie, en Bosnie, sans oublier des personnes démocratiquement élues, dont la candidature a été acceptée sans problème par le Haut conseil électoral – huit députés, dont un seul a été condamné, les autres étant toujours en détention provisoire, sans oublier des élus locaux, tous de l'opposition ; la plupart, accusés de tentative de coup d'Etat, risquent la perpétuité. Le champ d'application de la loi antiterroriste est tellement large que toute personne osant critiquer le système peut être considérée comme terroriste. Les preuves apparaissent par magie : des empreintes digitales, des témoins anonymes ou encore des écoutes téléphoniques. Est-ce une purge ou une période d’autoritarisme ? Je me le demande.

Certes, il y a des avancées parmi les 25 articles du 4e paquet. Quelques-unes, qui concernent le cœur de la législation pénale, étaient attendues. Pourtant, des lacunes demeurent : il n’y a pas même une phrase qui permette de démontrer que la Turquie respectera désormais la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne la durée excessive de la détention.

Pour conclure, je pense que le rapport de Mme Durrieu est optimiste et compte sur le soutien du Conseil de l’Europe. Pour ma part, je compte surtout sur le peuple turc, qui mérite une bonne dose de démocratie.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Bockel.

M. BOCKEL (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, permettez-moi de saluer à mon tour l’excellent rapport de notre collègue Josette Durrieu, précis et mesuré, qui souligne avec justesse les progrès accomplis par la Turquie pour respecter ses engagements, mais aussi l’ampleur des réformes qui restent à accomplir. C’est d’ailleurs un sentiment ambivalent qui prédomine à l’issue de la lecture de ce rapport. Il demeure, dans la plupart des domaines étudiés par la commission de suivi, une marche à franchir pour les autorités turques, un point de détail ici ou là – voire plus – qui conduit aujourd’hui notre Assemblée à envisager de poursuivre le dialogue.

Les félicitations que nous voudrions adresser, les exemples que nous souhaiterions mettre en avant pour bien montrer que la Turquie a tourné la page d’une conception autoritaire de la démocratie sont tempérés par des failles ou des manques dans les dispositifs législatifs adoptés par Ankara.

Il en va ainsi du nouveau code pénal turc, qui promeut une conception plus libérale de la liberté d’expression. Cette orientation est néanmoins relativisée par la non-abrogation de l’article 301 qui punit les atteintes à l’identité et à la nation turque, crime relativement imprécis et qui prête à toutes les interprétations. Il y aussi le contre-exemple, cité par beaucoup d’entre nous, du talentueux pianiste Fazil Say, qui a eu le tort de citer des vers d’un poète persan du XIe siècle, ce qui a été considéré comme des insultes aux valeurs religieuses. Cela nous intrigue d’autant plus que ce cas n’est pas isolé. Je ne peux donc qu’exprimer une certaine perplexité face à de telles décisions, d’autant plus que, comme le souligne Josette Durrieu, le gouvernement fait montre, dans certains dossiers, d’une réelle volonté de mettre en conformité sa législation avec les canons du Conseil de l’Europe, dont la Turquie est d’ailleurs, par l’intermédiaire de ses parlementaires, un membre extrêmement actif. Je ne veux pas croire à une attitude ambivalente de la part des personnalités qui sont à la tête de ce pays, qui nous ont montré par le passé leur stature d’hommes d’Etat.

La démarche du Gouvernement turc actuel est singulière. Qu’elle tente de concilier le respect des valeurs démocratiques et religieuses, dans un pays dont la tradition laïque n’est plus à démontrer, je le comprends. Je ne pense pas que l’islam soit incompatible avec le respect des libertés individuelles et de l’Etat de droit. Il n’en demeure pas moins que c’est aux religions, quelles qu’elles soient, de s’adapter, tant les valeurs que nous défendons sont intangibles et ne peuvent être relativisées à l’aune d’une interprétation des préceptes religieux. Cela dit, la Turquie moderne est une success story et son rôle géopolitique est majeur. C’est un grand pays que nous admirons et que nous aimons. Je souhaite que sa marche vers l’Union européenne se poursuive.

S’agissant du Conseil de l’Europe, il doit accompagner les autorités turques sur le chemin exigeant qu’elles ont choisi d’emprunter. C’est pour cette raison que je souhaite, comme la rapporteure, que le dialogue post-suivi continue. Comme l’ont dit plusieurs collègues, un certain nombre de sujets, au-delà du code et des textes, sont des enjeux majeurs pour la poursuite de la modernisation de la Turquie dans la démocratie. Cela n’est pas facile ; nous le savons. Le Conseil de l’Europe est là pour vous encourager et vous aider.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Schuster, dernière oratrice que nous entendrons dans le débat.

Mme SCHUSTER (Allemagne)* – Je souhaite remercier la rapporteure pour ce travail difficile. Je me suis moi-même rendue à Ankara et à Istanbul pour participer à des pourparlers politiques. Je remercie d’ailleurs mes homologues turcs, qui ont fait preuve de beaucoup d’hospitalité. J’ai pu constater de mes propres yeux l’essor économique et le dynamisme de ce pays. Il faut considérer le suivi et le post-suivi comme une chance. Il ne s’agit pas de reprocher quelque chose à un pays ou à un peuple. Au contraire, nous entamons ces procédures parce que nous apprécions les peuples qui en font l’objet.

Je commencerai par féliciter la Turquie qui a été le premier Etat à signer la Convention d’Istanbul.

Je suis navrée que l’on ait condamné Fazil Say, le pianiste turc, pour ses messages Twitter. Dans un Etat de droit, on ne devrait pas considérer ces actes comme des crimes ni emprisonner leurs auteurs.

La Turquie s’est engagée à respecter les droits de l’homme, mais de nombreux journalistes sont en détention.

Bien entendu, la réforme du système judiciaire est en cours et je salue l’adoption du 3e et du 4e paquet. Mais les infractions en matière de terrorisme devraient encore être précisées et la durée des peines de détention provisoire encore réduits, tout comme devraient être limités la portée et le rôle des tribunaux spéciaux. L’interprétation des lois antiterrorismes n’est pas uniforme ni conforme avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.

J’appelle au vote de ce rapport par une forte majorité de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT – Il nous faut maintenant interrompre l’audition des orateurs. Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent déposer, dans les 24 heures, leur intervention dactylographiée au service de la séance (bureau 1083) pour publication au compte rendu.

J’appelle la réplique de la commission.

Madame la rapporteure, il vous reste 5 minutes. Vous avez la parole.

Mme DURRIEU (France), rapporteure – Je remercie l’ensemble de la délégation turque pour son accompagnement tout au long de la mission. Je voudrais remercier aussi les autorités turques qui, dans leur pays, ont été à notre disposition, en particulier le ministre de la justice qui a fait un énorme travail et avec qui nous avons coopéré parfaitement. Je remercierai également le secrétariat et tout spécialement Sylvie Affholder pour sa collaboration.

Effectivement, nous avons souhaité qu’il y ait un post-suivi. Il a été rappelé que j’étais alors présidente de la commission. Mais je ne pense pas que ce soit une bonne formule. Il est essentiel de réaliser un bon suivi et de le clore à un certain moment. Les procédures qui n’en finissent pas ne sont pas réellement souhaitables. Je voudrais répondre à ceux qui disent : il y avait douze points à vérifier et rien d’autre. Ces douze points, précisément, nous les avons vérifiés. Nous faisons de la politique et nous ne pouvons pas extraire le constat du contexte du moment.

Prenons le premier point : la refonte de la Constitution de 1982. Eh bien ! Cela n’a été pas fait. Nous ne pouvions nous en tenir à ce point essentiel qui va déterminer la vie politique de la Turquie. J’ai donc rappelé quels étaient les douze points et nous avons établi un bilan que nous ne pouvons pas considérer comme achevé.

La Turquie est un pays de référence et doit le demeurer. Elle l’est de plus en plus chaque jour avec les mouvements qui se déploient dans toute cette partie sud de la rive de la Méditerranée. Pays de référence, démocratie, Etat de droit, droits de l’homme, pays qui joue un rôle essentiel, pays sur qui on fonde beaucoup d’espoir. Par conséquent, vous avez raison de dire qu’il doit s’affirmer comme un modèle.

L’annonce du 4e paquet a été faite le 13 avril, soit après la clôture du rapport. Mais vous avez dit l’essentiel en exprimant votre émotion sur l’absence de liberté, quand sont touchés les élus, les militaires, les journalistes, les étudiants. C’est à cela qu’il faudra mettre un terme. La Turquie est capable d’atteindre cet objectif qui n’est pas trop ambitieux mais que nous avons fixé avec elle.

Je voudrais saluer l’effort énorme réalisé par la Turquie en faveur des réfugiés Syriens. C’est une action admirable qui nous autorise à considérer que ce pays peut être exemplaire.

Je formule le vœu que le processus de paix avec les Kurdes aboutisse enfin. Coopérons avec confiance. L’une d’entre vous a dit : le Conseil de l'Europe est notre maison. Oui, c’est votre maison, vous êtes un pays fondateur du Conseil de l'Europe. C’est la raison pour laquelle vous devez aussi être un pays de référence. Si le Conseil de l'Europe est votre maison, je souhaite à titre personnel, à titre politique, que l’Europe soit votre avenir.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le président de la commission de suivi, pour deux minutes.

M. HERKEL (Estonie), président de la commission de suivi* – Un grand nombre d’orateurs ont dit que la Turquie est l’un des plus grands pays de notre famille et un pays de référence pour la région, un modèle positif pour un certain nombre de pays voisins.

Le post-suivi peut être une procédure aussi compliquée et approfondie que la procédure de suivi. Je tiens à remercier Mme Durrieu pour son engagement et son excellent travail, ainsi que ses avis tranchés.

Je remercie Mme Memecan de nous avoir aidés à établir une atmosphère amicale au sein de la commission, y compris sur des sujets compliquées.

Je remercie, bien entendu, les membres du secrétariat, sans lesquels notre travail eût été impossible.

Vingt-sept amendements sont proposés sur ce projet, que la commission a tous examinés. Je partagerai l’avis du rapporteur sur l’amendement no 8 : nous devons aller au-delà de ce processus de post-suivi.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est close.

La commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe a présenté un projet de résolution sur lequel 27 amendements et un sous-amendement ont été déposés.

Le président de cette commission demande l’application de l’article 33-11 du Règlement. Les amendements nos 1, 25 et 7 sur le projet de résolution ont été adoptés à l’unanimité par la commission.

Les amendements nos 26 et 27 ont également été adoptés à l’unanimité par la commission. Toutefois, étant liés à d’autres amendements non adoptés à l’unanimité, ils seront discutés selon les modalités habituelles.

Est-ce bien le cas, Monsieur le président ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission* – Oui, monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT – En l’absence d’objection, les amendements nos 1, 25 et 7 sur le projet de résolution sont déclarés adoptés définitivement.

Ils sont ainsi rédigés :

L’amendement n° 1, déposé par Mme Gündeş Bakir, M. Aligrudić, Dame Angela Watkinson, MM. Evans, Leigh, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 11.1, dans la première phrase, après le mot « 3e », à insérer les mots suivants : « et du 4e ».

L’amendement n° 25, déposé par la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi), tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 11.5, à insérer le paragraphe suivant : « L’Assemblée note que l’adoption du « 4e paquet de réformes judiciaires » devrait permettre d’abolir la prescription concernant les affaires de torture et la réouverture des procès pour les affaires dans lesquelles la Cour européenne des droits de l’homme a constaté l’absence d’enquêtes effectives, en violation de la Convention des droits de l’homme. »

L’amendement n° 7, déposé par Mme Gündeş Bakir, Dame Angela Watkinson, MM. Evans, Leigh, Mme Pashayeva, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 16.1, troisième phrase, après les mots « mars 2012 », à insérer les mots suivants : « sans aucune réserve ».

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

L’amendement n° 12, déposé par MM. Kürkçü, Kox, Loukaides, Dragasakis, Mme Werner, MM. Villumsen, Hunko, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 3, à la fin de la deuxième phrase, à remplacer les mots « la question kurde et le terrorisme du PKK qui a fait plus de 40 000 victimes » par les mots suivants : « la question kurde en Turquie et le conflit entre l'Etat turc et le PKK qui a fait plus de 40 000 victimes ».

La parole est à M. Hunko, pour le soutenir.

M. HUNKO (Allemagne)* – De nombreux intervenants ont mentionné le processus de paix que nous devons encourager. Nous en avons d’ailleurs longuement débattu en commission. L’amendement propose une formulation neutre pour décrire le conflit entre le PKK et l’Etat turc, car nous ne voulons pas utiliser le terme de terrorisme.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Koç, contre l’amendement.

M. KOÇ (Turquie) – Le PKK est une organisation terroriste. Il ne convient pas de le présenter comme une force légale ou un parti d’opposition responsable.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Avis favorable.

L’amendement n12 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 23, déposé par MM. Kürkçü, Kox, Mme Werner, MM. Schennach, Villumsen, Hunko, tend, dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 4 par le paragraphe suivant : « L'Assemblée constate que la Turquie est candidate à l'entrée dans l'Union européenne depuis 1999. Elle salue la nouvelle dynamique des discussions et estime que l'ouverture des chapitres 23 et 24 sur les droits de l'homme et la justice, comme première étape, permettra de consolider le processus de réforme et de conforter l'action du Conseil de l'Europe. »

La parole est à M. Hunko pour le soutenir.

M. HUNKO (Allemagne)*– Je retire l’amendement n23.

LE PRÉSIDENT – Personne ne le reprenant l’amendement n23 est retiré.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 21, déposé par MM. Kürkçü, Kox, Loukaides, Dragasakis, Mme Werner, MM. Villumsen, Hunko, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 5, à ajouter les mots suivants : « Cependant, l'Assemblée constate que les progrès économiques accomplis ces dernières années doivent encore répondre aux attentes de la population quant à la répartition équitable des richesses. Elle appelle la Turquie à prendre des mesures pour faire en sorte que la croissance économique profite à toutes les parties de la société, en particulier aux groupes vulnérables. L'Assemblée invite la Turquie à maintenir ses engagements et ses liens étroits avec le Conseil de l'Europe, compte tenu de sa montée en puissance au niveau international. »

La parole est à M. Kürkçü pour le défendre.

M. KÜRKÇÜ (Turquie)* – L’amendement vise à ajouter l’idée de redistribution équitable des richesses, tant il est vrai que des grands progrès économiques ont été réalisés au cours de la dernière période. Il convient donc de répartir les richesses entre les plus riches et les plus pauvres.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Dişli, contre l’amendement.

M. DİŞLİ (Turquie)* – Bien que des progrès économiques soient intervenus, ils ne sont pas à la hauteur de ceux décrits. C’est pourquoi nous ne pouvons accepter l’expression de « répartition équitable des richesses ».

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission *– Avis défavorable.

L’amendement n21 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 22, déposé par MM. Kürkçü, Kox, Loukaides, Dragasakis, Mme Werner, MM. Villumsen, Hunko, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 10.2, à remplacer les mots « à la Turquie et au peuple turc » par les mots suivants : « aux institutions et aux citoyens de Turquie ».

La parole est à M. Kürkçü pour le défendre.

M. KÜRKÇÜ (Turquie)* – La Turquie est un pays multiethnique et multireligieux. Il ne convient donc pas de souligner l’aspect ethnique, mais au contraire de parler des institutions et des citoyens de Turquie.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Dişli, contre l’amendement.

M. DİŞLİ (Turquie) – Toute personne vivant dans l’espace géographique turc est appelée « Turque » ; il n’y aucune discrimination ni différence.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Avis favorable.

L’amendement n22 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 2, déposé par Mme Gündeş Bakir, Dame Angela Watkinson, MM. Evans, Leigh, Mme Pashayeva, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 11.1, à supprimer les troisième et quatrième phrases.

La parole est à Mme Gündeş Bakir pour le défendre.

Mme GÜNDEŞ BAKIR (Turquie)* – Le 4e paquet de réformes a été adopté après la rédaction du présent projet de résolution. Il renforce la présomption d’innocence, limite la durée de la détention provisoire et accorde le droit de demander une indemnisation pour la détention provisoire. Il convient donc d’en tenir compte. Tel est l’objet de l’amendement.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Avis défavorable.

L’amendement n2 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 24, déposé par la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi), tend, dans le projet de résolution, remplacer le paragraphe 11.5 par le paragraphe suivant : « L’Assemblée salue l’adoption du « 4e paquet de réformes judiciaires » le 11 avril 2013. Les amendements notamment du code pénal et de la loi anti-terrorisme devraient contribuer à mettre en conformité la législation turque avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme comme il était demandé. Ils devraient aussi contribuer à clarifier la distinction entre liberté d’expression et propagande terroriste, comme attendu. L’Assemblée renouvelle sa demande de suppression de l’article 301 du Code pénal. »

La parole est à Mme Durrieu pour le soutenir.

Mme DURRIEU (France), rapporteure – L’amendement a pour objet de mettre en conformité le texte avec l’évolution de la situation en Turquie. Je vous adresserai la même réponse à plusieurs reprises, car nous prenons en compte a posteriori le 4e paquet.

LE PRÉSIDENT – Le sous-amendement n° 1 à l'amendement n° 24, déposé par MM. G. Davies, Prescott, Mme Riordan, MM. Sheridan, Hood, tend, à la fin de l'amendement n° 24, à ajouter les mots suivants : « ainsi que de l'article 125 du code pénal, qui érige la diffamation en crime. L'Assemblée appelle également à réexaminer les définitions juridiques des infractions relatives au terrorisme et à l'appartenance à une organisation criminelle conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. »

La parole est à M. Geraint Davies pour le soutenir.

M. G. DAVIES (Royaume-Uni)* – Ce sous-amendement mentionne le paragraphe 11.5 qui permet de définir comme criminels des journalistes ou des personnes qui critiquent les agissements de fonctionnaires publics. Il convient ainsi de modifier l'article 125 du Code pénal. L’article 1er, en effet, utilise le terme de « terroristes » pour désigner ceux qui utilisent leur liberté d’expression pour critiquer le gouvernement.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Avis favorable.

Le sous-amendement est adopté.

L’amendement n° 24, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 3, déposé par Mme Gündeş Bakir, Dame Angela Watkinson, MM. Evans, Leigh, Mme Pashayeva, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 11.7, à supprimer les deuxième, troisième et quatrième phrases.

La parole est à Mme Gündeş Bakir pour le soutenir.

Mme GÜNDEŞ BAKIR (Turquie)* – Nous sommes surpris que certaines observations figurent dans un rapport de post-suivi car elles sont d’un autre ordre. En l’occurrence, nombre d’Etats membres comptent d’excellentes écoles confessionnelles. Par exemple les écoles catholiques sont considérées comme les meilleures de Belgique. Pourquoi ne pas admettre qu’en Turquie les établissements Imam Hatip puissent jouir de la même réputation ?

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Avis défavorable.

L’amendement n3 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 13, déposé par Mme Memecan, MM. Kayatürk, Dişli, Mme Erkal Kara, MM. A. K. Türkeş, Çavuşoğlu, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 11.7, à supprimer les deuxième et troisième phrases.

La parole est à Mme Memecan pour le soutenir.

Mme MEMECAN (Turquie)* – Je retire l’amendement.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n’étant pas repris, est retiré.

L’amendement n° 4, déposé par Mme Gündeş Bakir, Dame Angela Watkinson, MM. Evans, Leigh, Mme Pashayeva, tend, dans le projet de résolution, à remplacer l’alinéa 12.4 par le paragraphe suivant : « L’Assemblée se félicite de l’adoption d’une nouvelle législation relative à la dépénalisation de la propagande sur l’objection de conscience dans le cadre du 4e paquet de réformes judiciaires. »

La parole est à Mme Gündeş Bakir pour le soutenir.

Mme GÜNDEŞ BAKIR (Turquie)* – La Turquie assure en effet la protection de ces personnes depuis l’adoption du 4e paquet de réformes judiciaires.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Avis défavorable.

L’amendement n4 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 16, déposé par MM. Kürkçü, Kox, Loukaides, Dragasakis, Mme Werner, MM. Villumsen, Hunko, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 13.1, à remplacer le mot « invite » par les mots suivants : « invite instamment ».

La parole est à M. Villumsen pour le soutenir.

M. VILLUMSEN (Danemark)* – Nous devons prendre au sérieux nos propres recommandations sans crainte de faire usage de l’hyperbole.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Avis favorable.

L’amendement n16 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 17, déposé par MM. Kürkçü, Kox, Loukaides, Dragasakis, Mme Werner, MM. Villumsen, Hunko, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 13.2, première phrase, à remplacer les mots « sur les compensations des dommages causés par le terrorisme » par les mots suivants : « sur l'indemnisation des dommages résultant d'actes de terrorisme et de mesures de lutte contre le terrorisme ».

La parole est à M. Hunko pour le soutenir.

M. HUNKO (Allemagne)* – Il s’agit de reprendre l’intitulé de la loi.

LE PRÉSIDENT – Mme la rapporteure propose un sous-amendement oral à cet amendement visant à remplacer les mots « d’actes de terrorisme et de mesures de lutte contre le terrorisme » par les mots « du terrorisme et de la lutte contre le terrorisme. »

Je considère ce sous-amendement recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en compte si dix représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Il n’y a pas d’objection.

La parole est à Mme la rapporteure pour le soutenir.

Mme DURRIEU (France), rapporteure – Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de l’auteur de l’amendement sur le sous-amendement oral ?

M. HUNKO (Allemagne)* – Favorable.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Avis favorable.

Le sous-amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous en revenons à l’amendement. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n17 ainsi sous-amendé ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Avis favorable.

L’amendement n17, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 5, déposé par Mme Gündeş Bakir, Dame Angela Watkinson, MM. Evans, Leigh, Mme Pashayeva, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 14.3, à remplacer la deuxième phrase par la phrase suivante : « L’Assemblée félicite également la Turquie d’avoir adopté une loi relative aux étrangers et à la protection internationale qui améliorera les conditions des étrangers quel que soit leur statut. »

S’il est adopté, l’amendement n26 n’aura plus d’objet.

La parole est à Mme Gündeş Bakir pour le soutenir.

Mme GÜNDEŞ BAKIR (Turquie)* – Cet amendement va de soi compte tenu du fait que la nouvelle loi turque a été adoptée après l’établissement du rapport.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Avis défavorable à cet amendement au profit du suivant, l’amendement n26.

L’amendement n5 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 26, déposé par la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi), tend, dans le projet de résolution, paragraphe 14.3, à remplacer la deuxième phrase par la phrase suivante : « Par ailleurs, l’Assemblée salue l’adoption, le 4 avril 2013, de la loi sur les étrangers et la protection internationale, qui constitue une avancée importante dans la protection des droits des étrangers, quel que soit leur statut. »

La parole est à Mme Durrieu pour le défendre au nom de la commission.

Mme DURRIEU (France), rapporteure – C’est de nouveau une référence au 4e paquet de réformes.

LE PRÉSIDENT – L’avis de la commission est évidemment favorable.

L’amendement n° 26 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 6, déposé par Mme Gündeş Bakir, Dame Angela Watkinson, MM. Evans, Leigh, Mme Pashayeva, tend, dans le projet de résolution, au paragraphe 14.3, à supprimer la troisième phrase.

La parole est à Mme Gündeş Bakir pour le défendre.

Mme GÜNDES BAKIR (Turquie)* – La limitation géographique ne constitue pas une réserve mais un droit reconnu par la Convention de Genève. La Cour européenne a d’ailleurs rendu des arrêts favorables à la Turquie dans le cadre d’un certain nombre d’affaires portant sur cette question.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Omtzigt contre l’amendement.

M. OMTZIGT (Pays-Bas)* – Il s’agit de supprimer la troisième phrase qui vise à renforcer la coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et à lever la limitation géographique de la Convention de Genève. Il serait bien que la Turquie le fasse. Il faut donc rejeter cet amendement.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Contre.

L’amendement n° 6 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 19, déposé par MM. Kürkçü, Kox, Loukaides, Dragasakis, Mme Werner, MM. Villumsen, Hunko, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 14.4, à remplacer les mots « les actes de terrorisme liés au PKK, » par les mots suivants : « le conflit armé en cours ».

La parole est à M. Kürkçü pour le défendre.

M. KÜRKCÜ (Turquie)* – Pour les actes de terrorisme on ne peut pas trouver ce genre de solution. C’est la raison pour laquelle il faut parler de « conflit armé en cours », puisque c’est de cela dont il s’agit historiquement.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Walter, contre l’amendement.

M. WALTER (Royaume-Uni)* – Le PKK est reconnu comme une organisation terroriste par l’Union européenne et par les 27 Etats membres. C’est la raison pour laquelle on peut effectivement parler d’actes de terrorisme. Il faut rejeter cet amendement.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Contre.

L’amendement n° 19 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 14, déposé par M. Hancock, Mme Memecan, M. Kayatürk, Mme Erkal Kara, M. Dişli, MM A. K. Türkeş, Çavuşoğlu, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 14.4, dernière phrase, à supprimer les mots suivants : « réaffirme que la question kurde doit trouver une solution politique, et elle ».

La parole est à M. Hancock, pour le défendre.

M. HANCOCK (Royaume-Uni)* – J’espère qu’il y aura un vote unanime favorable. Tous les partis veulent mettre un terme à la violence. Lier les deux choses me paraît erroné. Il vaut mieux biffer ce membre de phrase pour exprimer ce à quoi nous croyons tous.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Contre.

L’amendement n° 14 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 9, déposé par M. Harutyunyan, Mmes Karapetyan, Hovhannisyan, MM. Ghiletchi, Hörster, Moreno Palanques, Strässer, Mmes Strenz, Postanjyan, MM. Omtzigt, Aligrudić, tend, dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 15.5 par le paragraphe suivant : « Tout en reconnaissant que les récentes réformes de la législation turque ont amélioré les relations avec les communautés religieuses non musulmanes, l'Assemblée demande néanmoins instamment à la Turquie de mettre en œuvre les exigences du paragraphe 19.2 de la résolution 1704 (2010) de l’Assemblée et les recommandations de la Commission de Venise figurant dans l'avis CDL-AD(2010)005, adopté en mars 2010, afin de garantir le droit fondamental de la liberté de religion, notamment à travers la reconnaissance de la personnalité juridique des communautés religieuses non musulmanes, ce qui leur assurerait l'accès à la justice et la protection des droits de propriété. »

La parole est à M. Harutyunyan pour le défendre.

M. HARUTYUNYAN (Arménie)* – Il s’agit de préciser ce que l’on attend de la Turquie pour garantir la liberté de religion en renvoyant aux documents adoptés par notre Assemblée.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Pour.

L’amendement n° 9 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 18, déposé par MM. Kürkçü, Kox, Loukaides, Dragasakis, Mme Werner, MM. Villumsen, Hunko, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 15.6, à remplacer les mots « prend note de l’intensification du dialogue avec la communauté alévie, » par les mots suivants : « appelle instamment à l’ouverture d'un dialogue concluant avec la communauté alévie, ».

La parole est à M. Kürkçü pour le défendre.

M. KÜRKÇÜ (Turquie)* – Il faudrait plutôt demander l’ouverture d’un dialogue pour trouver des solutions avec la communauté alévie. Cela aurait un impact important pour le rapport.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Pour.

L’amendement n° 18 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 15, déposé par M. Hancock, Mme Memecan, M. Kayatürk, Mme Erkal Kara, M. Dişli, MM A. K. Türkeş, Çavuşoğlu, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 15.6, à remplacer les mots « et la restitution des biens confisqués » par les mots suivants : « et les enquêtes sur les déclarations au sujet de biens confisqués ».

La parole est à M. Hancock pour le défendre.

M. HANCOCK (Royaume-Uni)* – Ce paragraphe concerne une communauté. Les biens ont-ils été confisqués ou pas ? Nous avons des versions différentes. Le rapport ne peut mentionner une restitution puisqu’on n’a pas prouvé qu’il y a eu confiscation. C’est pourquoi je propose de parler « d’enquêtes sur les déclarations au sujet des biens confisqués ».

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Omtzigt, contre l’amendement.

M. OMTZIGT (Pays-Bas)* – Il y a eu des restitutions de biens confisqués. Si on change cette phrase, on revient en arrière. Il faut rejeter cet amendement.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Pour.

L’amendement n° 15 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 27, déposé par la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi), tend, dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 15.8 par le paragraphe suivant : « L’Assemblée salue la reprise officielle des pourparlers initiés en décembre 2012 par les autorités turques avec le leader du PKK. Elle se félicite aussi du processus de recherche d’une solution, qu’elle considère à l’évidence comme la voie vers l’arrêt des violences et l’instauration d’un cadre pacifié pour le règlement de la question kurde. L’Assemblée sait que ce processus est fragile et devrait s’accompagner du retrait des activistes du PKK de Turquie. Un « comité des sages » de 63 personnes a été créé. L’Assemblée souhaite qu’il soit représentatif de tous les acteurs de la société et des différentes forces politiques pour soutenir l’aboutissement de cette initiative. »

Si cet amendement est adopté, l’amendement n° 20 n’aura plus d’objet.

La parole est à Mme Durrieu pour le défendre.

Mme DURRIEU (France), rapporteure – La formulation n’est pas neutre : « activistes du PKK en Turquie ». Je ne souhaite pas employer le mot « terroriste » tant qu’il n’est pas défini de façon universelle, ainsi que le mot « résistance ». C’est pourquoi je préfère parler « d’activistes du PKK ».

LE PRÉSIDENT – L’avis de la commission est évidemment favorable.

L’amendement n° 27 est adopté.

LE PRÉSIDENT – Par conséquent, l’amendement n° 20 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 10, déposé par M. Harutyunyan, Mmes Karapetyan, Hovhannisyan, MM. Ghiletchi, Hörster, Moreno Palanques, Strässer, Mmes Strenz, Postanjyan, MM. Omtzigt, Aligrudić, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 15.8, à insérer le paragraphe suivant : « Tout en reconnaissant l'importance des écoles des minorités pour la préservation de l'identité des minorités nationales, l'Assemblée regrette néanmoins que la loi de 2007 relative aux établissements d'enseignement privés ne réponde pas aux exigences énoncées au paragraphe 19.14 de la Résolution 1704 (2010) de l'Assemblée. En conséquence, l'Assemblée demande instamment à la Turquie de faire évoluer la législation afin de permettre aux enfants issus de minorités non musulmanes, mais n’ayant pas la nationalité turque, d’accéder aux écoles des minorités. A cet égard, l'Assemblée, tout en tenant compte de la pratique de réciprocité appliquée dans certains cas, note que les solutions ad hoc ne suffisent pas à résoudre le problème.

La parole est à M. Harutyunyan pour le défendre.

M. HARUTYUNYAN (Arménie)* – Il s’agit de garantir le droit des enfants qui n’ont pas la nationalité turque à être admis dans ces écoles des minorités. Il existe une solution ad hoc.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Pour.

L’amendement n° 10 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement n° 11, déposé par M. Omtzigt, Mme von Cramon-Taubadel, MM. Kandelaki, Ghiletchi, Sobolev, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 15.8, à insérer le paragraphe suivant : « L'Assemblée note que la Turquie n'a pas envoyé de réponse à la Résolution 1704 sur la liberté de religion. Elle invite la Turquie à envoyer une réponse aux questions en suspens dans les deux mois ».

La parole est à M. Omtzigt pour le défendre.

M. OMTZIGT (Pays-Bas)* – En 2010, nous avons adopté un rapport concernant la liberté de religion pour les communautés non musulmanes. Au premier paragraphe, nous demandons aux autorités de répondre à nos questions. Nous avons envoyé plusieurs demandes sans obtenir encore de réponse.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission – Pour.

L’amendement n° 11 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 8, déposé par Mme Gündeş Bakir, M. Aligrudić, Dame Angela Watkinson, MM. Evans et Leigh, tend, dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 18 par le paragraphe suivant : « L’Assemblée décide de clore le dialogue post-suivi avec la Turquie, confiante que les autorités turques poursuivront le processus de réformes. »

La parole est à Mme Gündeş Bakir pour le soutenir.

Mme GÜNDEŞ BAKIR (Turquie)* – Depuis une dizaine d’années la Turquie a clairement démontré sa volonté et sa capacité à remplir ses obligations de membre du Conseil de l’Europe. Compte tenu des réformes effectuées et des progrès accomplis depuis 2001, je demande à tous les Etats membres de mettre fin au dialogue post-suivi.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Hunko, contre l’amendement.

M. HUNKO (Allemagne)* – Cet amendement propose de clore le processus de post-suivi alors que des contradictions subsistent dans le cas de la Turquie. La procédure doit donc être maintenue afin d’aider ce pays à poursuivre ses réformes.

LE PRÉSIDENT – Quel est l’avis de la commission ?

M. HERKEL (Estonie), président de la commission* – Avis défavorable.

L’amendement n8 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13160, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (142 voix pour, 35 voix contre, et 6 abstentions).

3. Discours de M. Ivanichvili, Premier ministre de la Géorgie

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle maintenant le discours de M. Ivanichvili, Premier ministre de la Géorgie.

Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de vous souhaiter chaleureusement la bienvenue dans notre hémicycle. Comme je vous l’ai dit hier, vous êtes ici dans votre maison ! Notre Assemblée soutient pleinement les autorités de votre pays dans les réformes démocratiques qu’elles ont engagées et sur le chemin de l’intégration européenne. Nous sommes donc très heureux de constater que votre pays fait des progrès constants dans ces deux domaines.

Les dernières élections législatives, que notre Assemblée a observées, ont été très compétitives et bien organisées. Le changement de majorité au parlement s’est fait de façon démocratique : c’est une excellente preuve de la maturité des institutions de votre pays, comme je l’ai dit au Président Saakachvili lorsqu’il est venu à Strasbourg.

Il ne faut pas voir la cohabitation comme un dysfonctionnement du processus politique. Bien au contraire, elle offre une opportunité de renforcer les institutions démocratiques en maintenant un climat de dialogue et de recherche de compromis entre la majorité et l’opposition. Ce n’est pas chose facile, mais le pays et le peuple géorgien ont besoin d’un environnement politique stable pour avancer dans les réformes.

Je me réjouis tout particulièrement du fait que vous ayez déjà réalisé des avancées importantes sur ce chemin : l’adoption récente de l’amendement constitutionnel a permis d’apaiser les tensions et d’amorcer un dialogue entre la majorité et l’opposition. De plus, les amendements de la législation et du système judiciaire renforcent l’indépendance de la justice, en conformité avec nos recommandations.

Il faut maintenant continuer dans ce sens et je voudrais vous assurer, Monsieur le Premier ministre, que vous pouvez compter sur notre soutien dans cette voie. Monsieur le Premier ministre, vous avez la parole.

M. IVANICHVILI, Premier ministre de la Géorgie – Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les parlementaires, j’ai l’honneur de m’exprimer aujourd’hui pour la première fois en qualité de Premier ministre devant une institution européenne, et ce n’est pas un hasard si cette institution est l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Vous êtes en effet les mieux placés en Europe pour savoir que la démocratie ne se construit pas par des effets d’annonce, mais par des efforts assidus et une coopération constructive. Vous êtes, selon moi, les meilleurs architectes de la démocratie européenne !

Ici, à Strasbourg, en tant que citoyen français je ne pouvais évidemment pas manquer de m’adresser à vous en français. Toutefois, j’aimerais maintenant poursuivre dans ma langue maternelle, le géorgien.

(Poursuivant en géorgien) Vous vous êtes engagés sur la voie de la création des valeurs européennes il y a des siècles de cela, alors que nous, démocraties en transition, nous avons commencé ce parcours il y a seulement peu de temps. Notre passé est difficile à gérer, c’est pourquoi le Conseil de l’Europe est si important pour nous aider dans notre intégration européenne. Vous êtes l’incarnation vivante du rêve européen de la coopération pacifique mais vous êtes aussi une institution active.

Aujourd’hui, 47 pays sont membres du Conseil de l’Europe, soit 800 millions de personnes. Le Conseil de l’Europe est la plus ancienne institution consacrée à la cause de la démocratie. Le continent européen fatigué de 1949 est devenu la région la plus prospère de la planète. Vous avez trouvé des solutions à tous les problèmes qui existaient à l’époque.

Nous, jeunes démocraties, nous faisons de notre mieux pour être des membres à part entière du Conseil de l’Europe. La Géorgie est devenue le 41e membre du Conseil de l’Europe en 1999. Cela nous remplit encore d’émotion. Nous sommes devenus membre de ce club de la liberté assez tard mais nous avons parcouru un long chemin.

Les élections qui ont donné le pouvoir à mon gouvernement en octobre 2012 constituent un précédent de passation démocratique du pouvoir. Mais nous n’avons pas autant d’expérience que vous dans la pratique de la démocratie. Dans les débats que nous menons avec nos opposants, il nous est toujours difficile d’éviter les litiges, les conflits et les querelles et de faire confiance à l’autre, à la bonne volonté de la partie opposée. Les obstacles sont nombreux. Notre histoire n’a pas été simple et nous vivons aujourd’hui dans un contexte régional difficile, avec beaucoup de problèmes liés à la globalisation du monde. Nous avons besoin du soutien des institutions du Conseil de l’Europe pour suivre la bonne voie vers la transition.

Nous poursuivrons les réformes entamées par le gouvernement et nous voulons transformer nos structures autoritaires en un système civique moderne. Il y a eu des abus pour servir les ambitions d’une seule personne, la corruption de l’élite ne laissait aucune place au développement des PME ou d’autres entités économiques, les droits humains étaient ignorés, des pressions étaient exercées sur les opposants et leurs familles, enfin, les médias étaient contrôlés.

Nous avons entamé un processus de guérison et nous voulons restaurer le sentiment de respect chez nos citoyens. Cela inclut la mise en accusation des responsables de ces délits mais ce sont aussi des milliers de fonctionnaires loyaux qui ont servi les gouvernements précédents. Nous travaillons dur pour que notre politique soit transparente. Nous voulons faciliter le travail de la presse et des médias occidentaux ainsi que celui des ONG sur notre territoire. Nous espérons pouvoir organiser le plus de visites possible de délégations parlementaires.

A ma demande, l’Union européenne a nommé Thomas Hammarberg, l’ex-Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, conseiller spécial pour la réforme juridique et constitutionnelle en faveur des droits de l’homme en Géorgie. Les observateurs de l’OSCE et d’autres organismes intergouvernementaux et non gouvernementaux encadreront les enquêtes et suivront de près les poursuites et les procès des responsables du gouvernement précédent pour veiller au respect des normes internationales. Notre ministre de la Justice, Mme Théa Tsouloukiani, est d’ailleurs une ancienne juge de la Cour européenne des droits de l’homme, et la liste des organes du Conseil de l’Europe avec lesquels nous coopérons est fort longue. Nous sommes heureux que la Commission de Venise nous épaule dans cette réforme judiciaire.

Nous prenons exemple sur les débats de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pour nos propres débats parlementaires et nous travaillons avec de nombreuses commissions et agences du Conseil de l’Europe pour que le respect de ses principes y soit garanti.

L’édification de l’Europe unie s’est fondée sur un projet de paix. Durant le siècle dernier, les guerres ont été désastreuses pour de nombreux petits pays, pris contre leur gré dans ces conflits armés. L’Europe qui était autrefois un champ de bataille est devenu un continent de paix, et elle a reçu le Prix Nobel de la paix en 2012. Le rôle de l’Union européenne pour la paix a été reconnu.

Pourtant, la guerre n’a pas cessé pour certains petits pays. Ainsi, 20 % de notre territoire ont été occupés par la Russie à partir de 2008 et d’autres conflits mettent encore la paix en danger dans le Caucase. Cependant, nous avons décidé de relever le défi et de tisser des relations avec notre plus grand voisin, la Russie. Nous voulons poursuivre cette démarche pragmatique dans le dialogue bilatéral avec la Russie.

Nous sommes en train d’exporter à nouveau des produits sur les marchés russes. Nous avons la volonté de tourner la page, dans le dialogue avec la Russie. Nous avons pris l’engagement de ne pas recourir à la force durant le processus de règlement du conflit. Une résolution de notre parlement a été prise en mars 2013 à cet effet. Dans ce processus extrêmement difficile, la Géorgie a plus que jamais besoin de l’engagement international et du soutien de la communauté internationale. Le nouveau dialogue entre Tbilissi et Moscou ne doit pas donner l’impression que la Géorgie peut traiter ces problèmes seule, sans avoir besoin de ses partenaires européens. Nous sommes réalistes sur les moyens de notre pays. Nous savons que la Géorgie est un petit pays, une petite puissance régionale dans un voisinage très instable. Aucun futur durable ne se construit sur la puissance militaire, mais la paix ne progressera pas dans la région si l’on s’attend à ce que la Géorgie abandonne ses intérêts légitimes, notamment son intégrité territoriale qui, seule, peut permettre aux citoyens géorgiens de revenir sur leurs terres.

La normalisation de nos relations bénéficiera non seulement à la Géorgie mais à tout le Caucase. Nous voulons avoir recours à la société civile pour construire la paix dans la région. C’est un choix stratégique. C’est le peuple géorgien qui a fait ce choix il y a fort longtemps. La Géorgie a décidé de faire une demande d’adhésion à l’Otan. Cela marque bien l’engagement profond de notre peuple et de son attachement aux valeurs occidentales. Cet engagement a été repris dans la résolution sur les orientations de la politique étrangère de la Géorgie qui a été adoptée à l’unanimité dans notre parlement.

Nous faisons beaucoup dans le domaine du développement de notre économie, notamment en matière de politique de l’emploi. Nous avons amélioré le code du travail pour répondre aux normes européennes en la matière et souhaitons que les entreprises puissent se développer et se multiplier. Nous espérons que cela attirera les investissements. Nous avons également réglementé les tarifs d’électricité et de gaz, basés sur des calculs réalistes, et nous avons lancé la réforme agricole et engagé celle du système de santé. La phase suivante de ce programme permettra à la plupart des citoyens géorgiens de jouir d’allocations et d’une assurance médicale universelle d’Etat.

On ne saurait se targuer d’être une démocratie sans médias libres. Les journalistes doivent être libres de pouvoir critiquer le gouvernement. Notre gouvernement est totalement ouvert à tous les représentants des médias, qui doivent évaluer de manière objective et critique notre travail.

La réforme du système judiciaire est certainement une clé de voûte importante du processus de construction démocratique de notre pays. La réforme engagée en la matière tient compte des recommandations de la société civile et reflète les recommandations de la Commission de Venise ainsi que du secteur judiciaire géorgien. Le Gouvernement géorgien tient à être au rendez-vous et à réformer son système judiciaire de façon à ce qu’il soit protégé de toute influence politique.

Nous accordons aussi une attention toute particulière à l’intégration des minorités ethniques du pays, car, comme vous le savez, toutes sortes de confessions coexistent dans notre pays depuis des siècles.

Nous voulons aussi donner plus de pouvoirs aux autorités régionales et locales. C’est une des conditions préalables pour l’intégration de notre société. Durant des années, le grand public a été le témoin d’une force politique qui voulait dominer à tous les niveaux de gouvernement et jusqu’à présent, la société a bien du mal à appréhender la nouvelle réalité, alors que les forces politiques agissent à différents niveaux par le truchement de leurs leaders. Il s’agit de remplacer la tendance centralisatrice en développant les pouvoirs locaux. Il y a d’ailleurs déjà eu de nombreuses permutations d’allégeance aux partis, à tous les niveaux, et des actions politiques sont devenues chaotiques. Le Gouvernement géorgien s’est engagé à respecter les principes constitutionnels de séparation des pouvoirs, y compris l’indépendance des organes d’autonomie locale.

Dans le même temps, nous condamnons toute violation de la législation. J’insiste sur le fait que le Gouvernement géorgien déploiera tous les moyens pour faire appliquer la loi et s’assurer qu’aucune pression ou intimidation ne s’exerce, à quelque niveau que ce soit.

Monsieur le Président, alors que nous entrons dans notre sixième mois de gouvernement, la coalition du Rêve géorgien a déjà bien avancé. Notre programme de construction de la société civile est engagé, la réforme économique se déroule sur un socle solide et nos relations avec la Russie connaissent déjà une amélioration. Après des débuts assez difficiles, il est encourageant de voir que nous avons commencé à appliquer les leçons tirées du Conseil de l’Europe pour construire le consensus avec nos anciens adversaires. Je suis confiant, la Géorgie va pouvoir tourner la page.

Notre victoire électorale d’octobre a été un grand pas en avant vers une démocratie durable. Nous espérons réussir à construire ce projet de paix et à jeter les bases de l’idéal européen aussi dans notre pays.

LE PRÉSIDENT – Merci beaucoup, Monsieur le Premier ministre. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs inscrits, qui auront trente secondes chacun pour vous poser une question.

La parole est à Mme de Pourbaix-Lundin, au nom du groupe du Groupe socialiste.

Mme de POURBAIX-LUNDIN (Suède)* – Monsieur le Premier ministre, il y a quelque temps, vous vous êtes élevé contre une déclaration de la présidence du PPE portant sur des aspects de la démocratie en Géorgie. Mais il y avait également une lettre signée par 33 membres du Parlement européen et une résolution de notre Assemblée relative à la liberté des médias en Géorgie. Alors, si je maintiens les critiques qui ont été formulées, qu’allez-vous me répondre aujourd’hui ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Premier ministre.

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE* – Certaines déclarations du PPE ou d’autres représentants issus d’entités européennes se fondent souvent sur de mauvaises informations, mensongères, diffusées par les représentants de l’ancien gouvernement.

Au moment où cela s’est produit, j’ai rencontré un certain nombre de membres du PPE et j’ai exprimé le plus grand respect pour les leaders de ce grand parti. Nous avons tenu plusieurs réunions à ce sujet et j’ai dit qu’à l’avenir, ces problèmes de compréhension liés, en fait, à une information unilatérale ne devraient plus se produire. Nous souhaitons coopérer avec le PPE.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Iwiński, au nom du groupe du Parti populaire européen.

M. IWIŃSKI (Pologne)* – Monsieur le Premier ministre, comment voyez-vous la possibilité d’une réconciliation interne en Géorgie, vu les tensions auxquelles on a assisté à l’occasion des dernières élections législatives. Comment voyez-vous les perspectives de normalisation des relations avec la Russie ? J’avais posé, en janvier, la même question au Président Saakachvili, car il me semble très important d’avoir une approche comparée, pas seulement dans les sciences mais aussi en politique.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Premier ministre.

LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE* – En ce qui concerne les processus politiques internes, je puis vous assurer à nouveau, qu’en Géorgie, la restauration de la justice se poursuit et qu’il n’existe pas de justice sélective. Beaucoup d’agressions se sont produites dans notre société, il est nécessaire de restaurer la justice. Tout doit se passer dans l’ordre. M. Hammarberg est en Géorgie et encourage les processus en cours, comme le font les observateurs de l’OSCE et de la société civile. La Géorgie agit dans la transparence. Il n’y aura pas de persécution politique.

Mon rêve et celui de mon équipe, c’est de parvenir à régler le problème de nos rapports avec notre grand voisin, la Russie. Mais je ne me fais pas d’illusions : cela ne peut pas se faire d’ici demain matin. On a vite fait de se retrouver dans l’impasse ; en sortir, nous le savons, prend du temps. Graduellement, en utilisant des moyens pacifiques, nous arriverons à assainir nos relations avec la Russie et à rétablir avec elle des rapports, notamment dans le domaine culturel.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Guţu, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

Mme GUŢU (République de Moldova) – Votre pays connaît actuellement une cohabitation politique. Quelles sont les divergences entre vous, Premier ministre de la Géorgie, et l’actuel Président, M. Saakachvili ? Je pense en particulier au fait que la Géorgie s’est fermement engagée sur la voie de l’intégration européenne, ce qui suppose de renforcer l’Etat de droit et de respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Premier ministre.

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE* – Mon souhait est que nous parvenions – opposition et majorité – à gérer la cohabitation. Il nous faut être unis pour faire face aux nombreux problèmes que rencontre notre pays ; nous n’avons pas de temps à perdre en disputes. Nous devons nous efforcer d’aller ensemble dans la bonne direction.

Cela dit, la cohabitation politique et l’administration de la justice sont deux choses différentes : il ne doit pas y avoir d’interférences entre ces deux domaines. Or, de ce point de vue, il y a souvent des malentendus. J’aimerais lancer un appel à tous en rappelant mon souhait que les nombreuses personnalités très talentueuses que comptent la majorité et l’opposition puissent se soutenir mutuellement et travailler ensemble pour faire avancer le pays.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Leigh, au nom du Groupe démocrate européen.

M. LEIGH (Royaume-Uni)* – Je vous félicite pour les efforts accomplis en direction de la Russie, mais je voudrais en revenir à la justice : pourquoi n’avez-vous pas suivi la recommandation de la Commission de Venise ? Pourquoi entendez-vous poursuivre les arrestations de hauts fonctionnaires ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Premier ministre.

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE* – Les informations dont vous disposez sont unilatérales. Nous avons suivi 90 % des recommandations de la Commission de Venise, de la même façon que nous tenons compte de celles de la société civile. Le président de la Cour suprême est sur la même ligne. M. Hammarberg pense lui aussi qu’il faut poursuivre cette réforme. La seule personne qui s’y oppose est M. Saakachvili.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Leonid Kalashnikov, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

M. L. KALASHNIKOV (Fédération de Russie)* – La Géorgie impose sa loi dans les zones occupées. Depuis un bon moment, les personnes ne sont plus autorisées à se déplacer. Je voudrais donc savoir ce que vous proposez pour minimiser les effets de la loi que vous avez promulguée.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. le Premier ministre.

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE* – Nous ne souhaitons pas de changement de la loi dans les territoires occupés. Nous allons continuer à régler ce problème de manière pacifique. Nous voulons rétablir les relations avec nos voisins, les Abkhazes et les Ossètes du Sud et unifier le territoire en recourant uniquement, je le répète, à des moyens pacifiques.

On sait très bien ce qui nous a conduits à cette situation dramatique. Même si nous ne sommes pas en mesure de changer les choses du jour au lendemain, nos intentions pacifiques nous permettront de trouver une solution. Nous voulons faire comprendre à nos voisins que la situation est très dangereuse, y compris pour la sécurité de la Russie. J’espère qu’à l’avenir les parties comprendront qu’elles ne tireront aucun bénéfice d’un maintien de la situation actuelle. Nous espérons que le dialogue se concrétisera et que nous pourrons ainsi restaurer l’intégrité territoriale de la Géorgie.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Bockel.

M. BOCKEL (France) – Comment allez-vous surmonter, dans le contexte d’une cohabitation difficile, la contradiction entre les efforts que vous faites pour établir l’Etat de droit – le Président Mignon les évoquait encore tout à l’heure – et des jugements aussi sévères que celui de M. Barroso, lequel parle d’une justice sélective à la suite de la mise en cause massive d’opposants ?

Ce qui compte finalement, c’est le développement de votre pays. J’aimerais, à cet égard, que vous nous disiez un mot sur votre politique énergétique, car c’est un sujet important pour l’indépendance et le développement de votre pays.

LE PRÉSIDENT – Monsieur Kalashnikov, vous voulez reprendre la parole ?

M. L. KALASHNIKOV (Fédération de Russie)* – Oui, Monsieur le Président, car il y a eu une erreur de traduction de ma question. Je parlais d’une loi géorgienne pour les zones occupées.

M. LE PREMIER MINSTRE DE LA GÉORGIE* – La question est claire, la loi ne va pas changer. On enfonce là des portes ouvertes. Bien entendu, nous souhaitons régler la situation avec la Fédération de Russie et nous avons amendé la loi. Nous devrons procéder à certaines restrictions, par exemple par le biais d’amendes, qui devraient permettre d’apaiser les relations avec notre grand voisin.

Monsieur Bockel, concernant votre première question, notre objectif est d’avoir un système judiciaire qui soit indépendant pour que nos citoyens vivent dans un Etat de droit. Nous allons faire de notre mieux pour garantir l’indépendance du judiciaire.

Pour ce qui est de l’énergie, c’est le secteur le plus attrayant pour les investisseurs. L’indépendance énergétique est l’un des éléments essentiels de la sécurité de tous les pays ; nous souhaitons donc continuer à construire des centrales hydroélectriques. Nous sommes tout fait favorables à la construction de pipeline, tel que celui qui traverse le territoire géorgien et souhaitons développer de bonnes relations avec nos voisins afin que notre territoire soit une zone de transit. Cela sera bon également pour le reste du monde.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – Dans une société démocratique, les droits des minorités ethniques, religieuses, sexuelles doivent être protégés. Monsieur le Premier ministre, pensez-vous qu’il soit bon pour la société démocratique de Géorgie de placer à des postes élevés des personnes qui attaquent de manière éhontée des minorités ?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE – Toute minorité de tout type doit être protégée, car ceux qui lui appartiennent sont des membres tout à fait normaux de notre société. Je voudrais que vous sachiez tous qu’en Géorgie, s’il se passait quelque chose qui ne serait pas conforme à ce que je viens de décrire, cela entraînerait des réactions très musclées de la part des pouvoirs publics.

La Géorgie, en Europe, est peut-être un cas exceptionnel : il n’y a pas de problèmes de minorités. Quoi qu’il en soit, le gouvernement veillera toujours à la protection de chaque citoyen. Tous les membres de notre coalition sont tout à fait transparents et ont une attitude très ouverte à l’égard des minorités ethniques qui sont des membres à part entière de notre société.

M. PUSHKOV (Fédération de Russie)* – Monsieur Ivanichvili, nous sommes très heureux de vous voir dans cet hémicycle. L’Assemblée parlementaire a décidé que le Kosovo pourrait être représenté par deux députés de son parlement ayant le droit de participer aux travaux des commissions mais sans droit de vote. Pourriez-vous aussi être d’accord que les peuples d’Abkhazie et d’Ossétie soient entendus au sein de l’Assemblée parlementaire ?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE* – L’Ossétie du Sud et l’Abkhazie sont des régions géorgiennes, les Ossètes et les Abkhazes auront donc la possibilité de faire partie de la délégation et de participer aux travaux des commissions et aux discussions de l’Assemblée parlementaire.

Nous n’avons pas fait l’objet d’un processus de suivi pour mettre en place des mesures humanitaires en Ossétie du Sud et en Abkhazie qui sont des territoires fermés, malheureusement.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – Monsieur le Premier ministre, ma question est également liée aux minorités nationales de votre pays, notamment celle d’origine d’Azerbaïdjanaise.

Quelles sont les étapes que vous comptez mettre en place pour le règlement du problème des minorités nationales ?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE* – Je me suis rendu dans toutes les régions de la Géorgie durant le processus électoral, et j’ai parlé avec les minorités ethniques d’Azerbaïdjan et d’autres groupes ethniques. Nous avons eu des rapports très amicaux et je puis vous assurer qu’il n’y a aucun problème.

Nous avons pris des engagements concernant la Charte des langues minoritaires et je puis vous assurer qu’au sein de notre gouvernement nous allons faire tout notre possible afin que les minorités se sentent des citoyens à part entière de la Géorgie et que ce pays devienne leur nation. Nous allons vraiment faire de notre mieux pour respecter les engagements que nous avons pris envers le Conseil de l'Europe. Je voudrais insister sur le fait qu’il n’existe aucun problème concernant la protection des langues régionales.

M. ZOURABIAN (Arménie)* – Ma question porte sur la réouverture éventuelle de la liaison ferroviaire abkhaze. Pensez-vous qu’elle renforcerait la confiance et la coopération dans la région ?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE* – En effet, la réouverture de cette liaison ferroviaire est envisageable, mais ce ne sera pas aisé, car bon nombre de questions font entrer en ligne de compte nos relations avec la Fédération de Russie et l’Abkhazie. Au cours de ma visite en Arménie, la question m’a été posée. Les droits de chacun doivent être protégés, le processus n’est pas simple et prendra du temps, car il met en jeu des questions d’ordre politique, mais je pense que cette liaison se réalisera à un moment donné.

M. MENDES BOTA (Portugal)* – En tant que rapporteur général sur la violence à l’égard des femmes, j’ai eu l’occasion de me rendre en Géorgie l’an dernier et de constater les progrès réalisés. J’espère que votre gouvernement continuera de s’engager en faveur de ce dossier en signant et en ratifiant le plus rapidement possible la Convention d’Istanbul, ce qui permettrait ainsi de sensibiliser le public et de prévenir la violence. Madame Chiora Taktakishvili, membre de notre assemblée, a été attaquée violemment par des manifestants ; or la police n’est pas intervenue. De tels incidents doivent être évités.

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE* – Nous avons discuté de la Convention d’Istanbul et mis en place les mesures qui nous permettront de ratifier cette convention dans les délais prévus.

Je regrette bien évidemment les faits dont a été victime Mme Chiora Taktakishvili, mais on ne peut parler au sens strict de « violences commises à l’égard d’une femme ». En l’occurrence, elle a été prise dans une manifestation politique. Je regrette beaucoup que cet incident ait eu lieu. Les forces de l’ordre, croyez-moi, ont bien réagi et les responsables ont été dûment sanctionnés.

M. HERKEL (Estonie)* – A chaque fois que je rencontre des hommes politiques géorgiens, quelle que soit leur couleur politique, ils critiquent immanquablement leurs opposants. Je vous poserai la question sous un angle différent : quelles sont les plus grandes erreurs que votre mouvement politique ou vous-même avez commises à l’encontre de l’opposition ? Des accusations de justice sélectives ont également été portées. Comment réconcilier ces différents aspects ?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE* – Nous faisons tout ce qu’il en est notre pouvoir pour conclure des accords avec l’opposition. Bien que ce ne soit pas chose facile, nous devrions toutefois être en mesure de normaliser nos rapports. Je n’ai pas le temps ici de vous expliquer toutes les subtilités de ces relations, je vous demande simplement d’être plus attentif à ce qui ce passe. M. Thomas Hammarberg n’est-il pas en Géorgie pour observer la situation et les différents partis politiques ne sont-ils pas conviés à envoyer des représentants en Géorgie pour qu’ils mènent eux-mêmes leur enquête ? Cela vous permettra d’être mieux informé de la situation dans notre pays.

Il n’est pas utile d’engager une querelle rhétorique avec l’opposition. J’ai rencontré M. Saakachvili ou d’autres représentants de l’opposition. A chaque fois que je fais une apparition en public, je m’adresse aux journalistes. Je veux qu’ils s’expriment clairement, en des termes simples et intelligibles pour leurs publics, car certaines informations diffusées dans les médias sont mal comprises par la population géorgienne. On y trouve beaucoup de mensonges et de contrevérités. On ne perçoit pas non plus de volonté de l’opposition de changer. C’est problématique.

Mme KHIDASHELI (Géorgie)* – Je ferai un petit commentaire sur les discussions du PPE. Les membres de la délégation géorgienne regrettent la résolution qui a été adoptée sur la liberté des médias en Géorgie. En effet, le 7 novembre 2007, les forces spéciales de la police sont intervenues.

LE PRÉSIDENT – Nous ne sommes pas là pour faire des déclarations comme celle que vous venez de faire ; vous devez impérativement vous en tenir à la question.

Mme KHIDASHELI (Géorgie)* – Je vais poser une question.

Après les élections et ce raid policier, la télévision a été rendue à ses propriétaires. Ma question à M. le Premier ministre est la suivante : est-ce là la façon dont le gouvernement géorgien décide d’opérer pour restaurer la justice et régler des milliers de confiscations de biens et de propriétés appartenant à des citoyens ? Quels sont les instruments que vous allez utiliser pour restaurer la justice ?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE* – Je pense que votre propos était initialement un commentaire. Cela étant, je puis vous fournir quelques explications. Des erreurs ont été commises par le Conseil de l’Europe. En effet, en 2007, une résolution a été adoptée par l’Assemblée indiquant que nous ne travaillions pas dans l’intérêt des médias et que nous faisions pression sur la chaîne de télévision Imedi. C’est un fait concret qui montre comment le gouvernement précédent a essayé de faire passer des mensonges auprès de la communauté internationale au sujet de cette télévision. Le 7 novembre 2007, des manifestations ont eu lieu. Le gouvernement a pris des dispositions au sujet de ces sociétés indépendantes de diffusion télévisuelle. Dès que notre gouvernement a été au pouvoir, les choses sont rentrées dans l’ordre en l’espace de quelques mois et nous avons rendu la chaîne à ses propriétaires.

Nous sommes intervenus afin que ces actes terroristes cessent et que des réparations soient obtenues. Le Conseil de l’Europe, au lieu de nous en être reconnaissant, nous a gratifiés d’une résolution car il s’est laissé entraîner par les mensonges du précédent gouvernement. Avant de prendre ses décisions, il se doit donc de contrôler toutes les informations qui lui parviennent.

M. VAREIKIS (Lituanie)* – Nous sommes à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, institution qui veille au respect des droits de l’homme et qui aborde souvent des questions très pratiques. Que pensez-vous donc de la « liste Magnitski », de l’affaire Timochenko et du régime de Minsk ?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE – Je suis très conscient des problèmes qui se posent et, évidemment, surtout dans mon pays. En l’occurrence, je sais combien l’ancien gouvernement violait constamment les droits de l’homme. Lorsque nous parlons de cohabitation, nous n’oublions pas ces questions, pas plus que nous n’avons oublié la justice sélective qui était en vigueur sous le régime Saakachvili.

Le gouvernement fera donc tout son possible pour rétablir la justice et faire respecter les droits de l’homme. Nous ne ménagerons aucun effort pour rapprocher notre pays de la vieille Europe et de cette grande famille que nous tenons tant à rejoindre. Nous éradiquerons les atteintes aux droits de l’homme et nous veillerons à améliorer le système judiciaire et médiatique. Ces ambitions nous engagent pleinement.

S’agissant de l’Ukraine, nous ne pouvons critiquer un pays qui porte un si lourd héritage.

Mme von CRAMON-TAUBADEL (Allemagne)* – Je me suis rendue dans votre pays et j’en ai retiré une impression très positive car les premiers résultats de votre politique sont d’ores et déjà tangibles. Comment organiserez-vous cette cohabitation pour pouvoir mettre en œuvre les objectifs ambitieux que vous vous êtes fixés d’ici le mois d’octobre 2013 ?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE – Cela sera possible quoique difficile en si peu de temps. En tout cas, je me réjouis de votre appréciation et je vous invite tous à venir dans mon pays pour que vous vous rendiez compte des évolutions en cours. Je puis vous assurer que, du côté du Gouvernement, nous n’avons aucun problème de cohabitation, laquelle relève également du rétablissement de la justice. Je rappelle en revanche que, jusqu’à présent, le Président n’a agréé aucun ambassadeur et qu’il porte la responsabilité du blocage d’un tel processus.

M. A.K TÜRKEŞ (Turquie)* – La Géorgie est membre du Conseil de l’Europe depuis le 1er avril 1999 et votre pays a donc pris un certain nombre d’engagements, notamment concernant le retour des personnes originaires de Turquie. Or, sur 5 841 demandes, seules 863 ont été acceptées. Quels sont vos projets afin de favoriser le rapatriement de cette population et d’accélérer les procédures bureaucratiques ?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE – Hier et ce matin, j’ai eu l’occasion de dire que nous tenions à respecter nos engagements. Le 27 mars, nous avons pris de nouvelles décisions afin d’accélérer les procédures. Plus de 800 requêtes sont en attente et, je le répète, nous accélèrerons la procédure de retour pour toute personne souhaitant bénéficier de la citoyenneté géorgienne.

M. M. JENSEN (Danemark)* – En 2010, le Comité des Ministres a adopté une recommandation relative à la lutte contre les discriminations liées au sexe et au genre. Votre gouvernement a très honnêtement reconnu que, sur ce plan-là, de nombreux défis doivent être relevés. Avez-vous un plan d’action pour appliquer cette recommandation ?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE– Nous travaillons sur un plan législatif afin de lutter contre les discriminations et une loi sera bientôt adoptée. Je puis vous assurer que l’Etat lutte contre toutes les discriminations et qu’il en sera également ainsi à l’avenir.

M. GIRZYŃSKI (Pologne)* – L’ancien président polonais Lech Kaczynski, décédé tragiquement voilà trois ans, aimait beaucoup la Géorgie et a même risqué sa vie lorsque votre pays a été agressé. Si vous n’aimez pas M. Saakachvili, je crois que vous aimez en revanche beaucoup le Président Poutine. Ce dernier n’est-il cependant pas responsable de ce qui s’est passé dans votre pays en 2008 ? Quels sont vos projets afin de favoriser l’indépendance de la Géorgie ? Voulez-vous donc la défendre aux côtés de M. Saakachvili ?

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE. La politique ne repose pas sur l’amour entre les personnes. Un chef d’Etat doit aimer son pays et son peuple mais il doit aussi appeler les choses par leur nom. Vous avez évoqué le souvenir de M. Kaczynski. La tragédie qui l’a frappé m’a beaucoup touché. Je suis très reconnaissant à ce pays voisin et ami, la Pologne pour son soutien.

Concernant la défense de notre intégrité territoriale et la question de la Russie, M. Saakachvili a commis bien des erreurs. C’est d’abord envers nous-mêmes que nous devons être exigeants et nous le serons. Nous demanderons à notre propre gouvernement de corriger les erreurs faites. Si M. Saakachvili n’avait pas commis tant d’erreurs, il aurait été très difficile à la Russie d’agresser notre pays. La rhétorique de Saakachvili ne me donne pas très envie de participer à un débat sur ce thème. C’est à cause de celle-ci que notre pays a subi un tel sort. Aujourd’hui nous essayons d’agir de manière aussi diplomatique que possible pour corriger les erreurs. Nous ferons de notre mieux dans nos paroles et dans nos actes pour résoudre les problèmes qui se posent encore.

M. AGUZAROV (Fédération de Russie)* – Monsieur le Premier ministre, votre élection d’octobre 2012 est une grande victoire pour la démocratie en Géorgie. Nous comprenons combien l’héritage est lourd. Nous espérons que la Géorgie mènera des réformes largement démocratiques pour le Conseil de l’Europe et le monde.

La Géorgie considère que l’Ossétie du sud et l’Abkhazie sont géorgiennes alors que ces régions se considèrent indépendantes. Saakachvili avait bien compris cela, d’où l’agression des forces géorgiennes contre l’Ossétie du sud en 2008 qui avait obligé la Russie à intervenir. Ce pays a reconnu l’indépendance de ces Etats. Quelle sera la position de votre pays ?

LE PRÉSIDENT – Je rappelle aux différents intervenants qu’il s’agit de poser des questions en 30 secondes. On ne doit pas faire des déclarations.

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE. Merci pour ce rappel historique, Monsieur Aguzarov. Durant ces vingt dernières années, le gouvernement géorgien a commis pas mal d’erreurs avec les Abkhazes et les Ossètes du Sud. Des blessures ont été ouvertes qu’il faut guérir pour ne pas répéter ce genre de situation. Nous voulons utiliser la diplomatie publique et pas la force. On a besoin de paix. Il faut le renouveau de notre économie nationale, restructurer nos institutions démocratiques pour qu’elles servent à tous les citoyens y compris les Abkhazes et les Ossètes du sud. C’est aussi important pour la Russie et le reste de l’Europe. Pour cela il faut du temps au processus de démocratisation.

La Géorgie doit devenir un pays démocratique, économiquement fort. Les Ossètes du sud et les Abkhazes, nos frères et nos sœurs, comprendront que nous allons restaurer l’unité et l’intégrité de notre pays.

M. XUCLA (Espagne)* – Vous avez parlé de la réforme de l’administration locale mais j’aimerais que vous précisiez de quoi il s’agit. Quelle est la situation des élus dans votre pays ? Je suis la politique en Géorgie depuis longtemps et je souhaite vous faire une suggestion. Vous avez gagné les élections. Vous avez la majorité. Agissez avec la générosité qui convient à une majorité pour encourager la réconciliation dans votre pays et pour y établir une démocratie mûre où la majorité et la minorité se sentent membres d’un même système.

M. LE PREMIER MINISTRE DE LA GÉORGIE. Les pouvoirs locaux sont dans une situation assez chaotique, mais le gouvernement n’est jamais intervenu, ce n’est pas notre stratégie. Il y a eu des malentendus et des décisions peu compréhensibles concernant le niveau de la gouvernance locale. C’est le résultat de la situation que j’ai essayé de vous décrire. C’est l’un des principaux problèmes de notre pays. C’était une forme de réaction aux nombreuses violences exercées contre les représentants des pouvoirs locaux. Il y a eu 11 actions en justice au pénal contre des élus locaux. Beaucoup d’élus ont décidé de rester en retrait, de ne plus faire grand-chose.

Plutôt que d’intervenir dans ce processus, nous travaillons à la mise en place d’une nouvelle loi sur les structures de l’autogestion au niveau local. Dans les régions, cette loi est en cours de discussion. Nous essayons d’adopter un modèle plus proche du modèle européen. Sous l’ancien régime, les pouvoirs locaux n’avaient rien. Une personne dirigeait tout dans le pays. Ce qui était bien dans l’ancien système, nous allons le maintenir.

Mais cette réforme est pour nous le plus grand défi. Nous essayerons de changer la vie de nos concitoyens pour développer la culture politique des membres de notre société qui en manquent cruellement. Nous voulons faire plus confiance aux pouvoirs locaux et apprendre aux gens à contrôler leur gouvernement local qui doit être au service du peuple. Ce n’est pas ce qui se faisait avant. Inverser le processus n’est pas simple. Nous nous efforçons de mettre en place les innovations nécessaires en réformant les pouvoirs locaux. Le projet de loi est plutôt bon. Il a généré de nombreuses discussions depuis un an. Le moment est venu de mettre en place de véritables structures d’autonomie locale dans toutes nos régions, pour permettre aux citoyens d’exercer le plus possible le pouvoir.

Ces organes de l’autonomie locale n’existaient pas auparavant en Géorgie. L’autonomie locale n’était jusqu’à présent que très superficielle et formelle. Aujourd’hui, nous souhaitons qu’elle prenne véritablement corps.

LE PRÉSIDENT – Nous vous remercions, Monsieur le Premier ministre, pour votre visite à Strasbourg, pour le discours que vous avez prononcé et pour avoir répondu avec une grande disponibilité à l’ensemble des questions qui vous ont été posées.

Je suis désolé pour tous ceux de nos collègues qui n’ont pas pu poser leur question. J’ai tenté de permettre au plus grand nombre d’entre vous de s’exprimer, mais le chronomètre tourne !

4. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi, à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 h 10.

SOMMAIRE

1. Modifications dans la composition des commissions

2. Dialogue post-suivi avec la Turquie

Présentation par Mme Durrieu du rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (Doc. 13160)

Orateurs : MM. Díaz Tejera, Hancock, Walter, Hunko, Sasi, Toshev, Mogens Jensen, Mmes Gündeş Bakir, Bakoyannis, M. Slutsky, Mme Memecan, MM. Dişli, Rouquet, Omtzigt, Mme Bilgehan, M. Bockel, Mme Schuster

Réponses de Mme la rapporteure et de M. le président de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe

Vote sur un projet de résolution amendé

3. Discours de M. Ivanichvili, Premier ministre de la Géorgie

Questions : Mme de Pourbaix-Lundin, M. Iwiński, Mme Guţu, MM. Leigh, L. Kalashnikov, Bockel, Díaz Tejera, Pushkov, Mme Pashayeva, MM. Zourabian, Mendes Bota, Herkel, Mme Khidasheli, M. Vareikis, Mme von Cramon-Taubadel, MM. A.K. Türkeş, M. M. Jensen, Girzyński, Aguzarov, Xuclà

4. Prochaine séance publique

ANNEXE

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque.

Pedro AGRAMUNT

Arben AHMETAJ*

Miloš ALIGRUDIĆ*

Jean-Charles ALLAVENA

Karin ANDERSEN/Ingjerd Schou

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI/Gerardo Giovagnoli

Khadija ARIB

Volodymyr ARIEV

Mörður ÁRNASON*

Francisco ASSIS*

Danielle AUROI*

Þuriður BACKMAN

Daniel BACQUELAINE*

Theodora BAKOYANNIS

David BAKRADZE

Gérard BAPT/Jean-Pierre Michel

Gerard BARCIA DUEDRA

Doris BARNETT*

José Manuel BARREIRO*

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK

José María BENEYTO

Levan BERDZENISHVILI/Tinatin Khidasheli

Deborah BERGAMINI*

Robert BIEDROŃ

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY/Edward Leigh

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Delia BLANCO

Jean-Marie BOCKEL

Eric BOCQUET*

Olga BORZOVA

Mladen BOSIĆ

António BRAGA

Anne BRASSEUR

Márton BRAUN

Federico BRICOLO/Rossana Boldi

Ankie BROEKERS-KNOL

Gerold BÜCHEL

Patrizia BUGNANO/Giuliana Carlino

André BUGNON/Elisabeth Schneider-Schneiter

Natalia BURYKINA/Tamerlan Aguzarov

Sylvia CANEL*

Mevlüt ÇAVUŞOĞLU

Mikael CEDERBRATT

Otto CHALOUPKA

Irakli CHIKOVANI

Vannino CHITI/Paolo Corsini

Tudor-Alexandru CHIUARIU/Corneliu Mugurel Cozmanciuc

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Desislav CHUKOLOV*

Lolita ČIGĀNE/Jānis Dombrava

Boriss CILEVIČS

Henryk CIOCH/Grzegorz Czelej

James CLAPPISON

Deirdre CLUNE

Agustín CONDE*

Igor CORMAN*

Telmo CORREIA*

Carlos COSTA NEVES

Joseph DEBONO GRECH

Armand De DECKER/Ludo Sannen

Roel DESEYN

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK

Şaban DİŞLİ

Aleksandra DJUROVIĆ

Jim DOBBIN

Karl DONABAUER*

Ioannis DRAGASAKIS

Damian DRĂGHICI

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE/Cheryl Gillan

Josette DURRIEU

Mikuláš DZURINDA

Baroness Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA

Gianni FARINA*

Joseph FENECH ADAMI

Cătălin Daniel FENECHIU

Vyacheslav FETISOV/Alexander Sidyakin

Doris FIALA*

Daniela FILIPIOVÁ/Miroslav Krejča

Axel E. FISCHER*

Jana FISCHEROVÁ/Kateřina Konečná

Gvozden Srećko FLEGO*

Hans FRANKEN

Jean-Claude FRÉCON/Maryvonne Blondin

Béatrice FRESKO-ROLFO

Erich Georg FRITZ

Martin FRONC*

Sir Roger GALE

Tamás GAUDI NAGY

Nadezda GERASIMOVA

Valeriu GHILETCHI

Paolo GIARETTA*

Michael GLOS*

Pavol GOGA

Jarosław GÓRCZYŃSKI/ Zbigniew Girzyński

Alina Ştefania GORGHIU

Svetlana GORYACHEVA

Martin GRAF*

Sylvi GRAHAM

Andreas GROSS

Arlette GROSSKOST*

Dzhema GROZDANOVA*

Attila GRUBER*

Gergely GULYÁS

Pelin GÜNDEŞ BAKIR

Antonio GUTIÉRREZ*

Ana GUŢU

Carina HÄGG

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI

Mike HANCOCK

Margus HANSON

Davit HARUTYUNYAN

Håkon HAUGLI/Anette Trettebergstuen

Norbert HAUPERT

Alfred HEER/Luc Recordon

Martin HENRIKSEN/Mette Reissmann

Andres HERKEL

Adam HOFMAN

Jim HOOD

Joachim HÖRSTER

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER*

Andrej HUNKO

Susanna HUOVINEN

Ali HUSEYNLI/Sahiba Gafarova

Rafael HUSEYNOV

Shpëtim IDRIZI*

Vladimir ILIĆ/Vesna Marjanović

Florin IORDACHE

Igor IVANOVSKI*

Tadeusz IWIŃSKI

Denis JACQUAT/Jacques Legendre

Gediminas JAKAVONIS

Tedo JAPARIDZE*

Ramón JÁUREGUI*

Michael Aastrup JENSEN

Mogens JENSEN

Jadranka JOKSIMOVIĆ/Katarina Rakić

Birkir Jón JÓNSSON*

Čedomir JOVANOVIĆ/Svetislava Bulajić

Antti KAIKKONEN

Ferenc KALMÁR

Božidar KALMETA/Ivan Račan

Mariusz KAMIŃSKI

Marietta KARAMANLI*

Ulrika KARLSSON

Burhan KAYATÜRK

Jan KAŹMIERCZAK

Serhii KIVALOV

Bogdan KLICH/Iwona Guzowska

Serhiy KLYUEV/Volodymyr Pylypenko

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN

Attila KORODI

Alev KORUN*

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO/Nermina Kapetanović

Dmitry KRYVITSKY/Alexander Ter-Avanesov

Václav KUBATA/Dana Váhalová

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU/Stella Kyriakides

Jean-Yves LE DÉAUT*

Igor LEBEDEV/Robert Shlegel

Harald LEIBRECHT*

Orinta LEIPUTĖ

Christophe LÉONARD/Bernadette Bourzai

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE/Aleksandrs Sakovskis

Lone LOKLINDT/Sophie Løhde

François LONCLE/Gérard Terrier

Jean-Louis LORRAIN/Bernard Fournier

George LOUKAIDES

Younal LOUTFI*

Yuliya L'OVOCHKINA*

Saša MAGAZINOVIĆ/Ismeta Dervoz

Philippe MAHOUX*

Gennaro MALGIERI/Renato Farina

Pietro MARCENARO

Thierry MARIANI*

Epameinondas MARIAS

Milica MARKOVIĆ

Meritxell MATEU PI

Pirkko MATTILA

Frano MATUŠIĆ*

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE/Michael Connarty

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Ivan MELNIKOV/Leonid Kalashnikov

Nursuna MEMECAN

José MENDES BOTA

Jean-Claude MIGNON/Marie-Jo Zimmermann

Djordje MILIĆEVIĆ/Stefana Miladinović

Federica MOGHERINI REBESANI*

Andrey MOLCHANOV/Yury Shamkov

Jerzy MONTAG/Viola Von Cramon-Taubadel

Rubén MORENO PALANQUES

Patrick MORIAU*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK

Alejandro MUÑOZ-ALONSO

Lydia MUTSCH/Fernand Boden

Lev MYRYMSKYI/Serhiy Labaziuk

Philippe NACHBAR*

Oľga NACHTMANNOVÁ

Marian NEACŞU

Aleksandar NENKOV*

Pasquale NESSA

Fritz NEUGEBAUER

Baroness Emma NICHOLSON

Elena NIKOLAEVA/Otari Arshba

Aleksandar NIKOLOSKI

Mirosława NYKIEL

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY

Lesia OROBETS

Sandra OSBORNE/Geraint Davies

Liliana PALIHOVICI*

Dimitrios PAPADIMOULIS

Eva PARERA/Jordi Xuclà

Ganira PASHAYEVA

Lajla PERNASKA*

Johannes PFLUG*

Danny PIETERS/Sabine Vermeulen

Foteini PIPILI

Ivan POPESCU

Lisbeth Bech POULSEN/Nikolaj Villumsen

Marietta de POURBAIX-LUNDIN

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT

Jakob PRESEČNIK

Gabino PUCHE*

Alexey PUSHKOV

Mailis REPS*

Eva RICHTROVÁ

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE/Frédéric Reiss

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Marlene RUPPRECHT

Ilir RUSMALI*

Pavlo RYABIKIN/Iryna Gerashchenko

Rovshan RZAYEV/Sevinj Fataliyeva

Giacomo SANTINI

Giuseppe SARO*

Kimmo SASI

Deborah SCHEMBRI

Stefan SCHENNACH

Marina SCHUSTER

Urs SCHWALLER*

Damir ŠEHOVIĆ

Senad ŠEPIĆ*

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN

Oleksandr SHEVCHENKO

Boris SHPIGEL*

Arturas SKARDŽIUS

Ladislav SKOPAL

Leonid SLUTSKY

Serhiy SOBOLEV

Lorella STEFANELLI

Yanaki STOILOV*

Christoph STRÄSSER*

Karin STRENZ*

Ionuţ-Marian STROE

Giacomo STUCCHI*

Valeriy SUDARENKOV

Björn von SYDOW/Lennart Axelsson

Petro SYMONENKO*

Vilmos SZABÓ*

Melinda SZÉKYNÉ SZTRÉMI*

Chiora TAKTAKISHVILI

Vyacheslav TIMCHENKO

Romana TOMC/Iva Dimic

Lord John E. TOMLINSON

Latchezar TOSHEV

Mihai TUDOSE

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ*

Theodora TZAKRI/Konstantinos Triantafyllos

Tomáš ÚLEHLA/Pavel Lebeda

Ilyas UMAKHANOV/Vitaly Ignatenko

Giuseppe VALENTINO*

Miltiadis VARVITSIOTIS/Spyridon Taliadouros

Volodymyr VECHERKO/Larysa Melnychuk

Mark VERHEIJEN/Pieter Omtzigt

Anne-Mari VIROLAINEN

Luigi VITALI

Luca VOLONTÈ

Vladimir VORONIN/Grigore Petrenco

Tanja VRBAT/Melita Mulić

Klaas de VRIES

Nataša VUČKOVIĆ

Zoran VUKČEVIĆ

Piotr WACH

Johann WADEPHUL*

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON*

Katrin WERNER

Karin S. WOLDSETH/Øyvind Vaksdal

Gisela WURM

Karl ZELLER*

Barbara ŽGAJNER TAVŠ*

Svetlana ZHUROVA*

Emanuelis ZINGERIS/Egidijus Vareikis

Guennady ZIUGANOV/Vassiliy Likhachev

Naira ZOHRABYAN/Zaruhi Postanjyan

Levon ZOURABIAN

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, Monténégro*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Rainer GOPP

Katherine ZAPPONE

Observateurs

Juan BUENO TORIO

Eloy CANTU SEGOVIA

Sladan ĆOSIĆ

Ernesto GÁNDARA CAMOU

Miguel ROMO MEDINA

Partenaires pour la démocratie

Najat AL-ASTAL

Mohammed Mehdi BENSAID

Nezha EL OUAFI

Bernard SABELLA

Représentants de la communauté chypriote turque (Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

Mehmet ÇAĞLAR

Ahmet ETI