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AS (2013) CR 13

SESSION ORDINAIRE DE 2013

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la treizième séance

Mardi 23 avril 2013 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso, dans ces langues, sont distribuées séparément.

4.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35, sous la présidence de M. Mignon, Président de l’Assemblée

LE PRÉSIDENT – La séance est ouverte.

1. Discours de M. Burkhalter, Vice-président du Conseil fédéral, Chef du Département fédéral des Affaires étrangères de la Suisse

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle d’abord le discours de M. Burkhalter, vice-président du Conseil fédéral, chef du département fédéral des Affaires étrangères de la Suisse.

Monsieur le ministre, c’est avec grand plaisir que je vous souhaite – pour la troisième fois ! – la bienvenue à Strasbourg, au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Votre visite revêt une dimension d’autant plus symbolique que votre pays célèbre cette année le cinquantième anniversaire de son adhésion au Conseil de l’Europe.

Je vous remercie personnellement pour le magnifique ouvrage que vous m’avez offert et que je lirai avec beaucoup d’intérêt. Je note qu’en couverture se trouvent des visages bien connus de cette Assemblée, qui en ont marqué l’histoire au cours des cinquante dernières années et qui, pour certains, sont encore présents parmi nous.

L’attachement indéfectible de la Suisse aux valeurs et aux standards de notre Organisation s’est notamment reflété dans les priorités de la présidence suisse du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, assumée par votre pays du 18 novembre 2009 au 11 mai 2010. Votre présidence, centrée sur trois thèmes – la protection des droits de l’homme et la primauté du droit, le renforcement des institutions démocratiques, l’augmentation de la transparence et de l’efficacité dans le fonctionnement du Conseil de l’Europe – a permis de lancer une série d’initiatives importantes qui ont marqué les travaux du Conseil de l’Europe pour plusieurs années. Je voudrais vous remercier, avec un peu de retard, pour la qualité de l’accueil qui nous a été réservé dans votre pays à l’occasion des réunions que nous tenons traditionnellement, à savoir celles de notre Bureau et de notre Commission permanente. La Conférence d’Interlaken, pour ne citer qu’elle, a été une étape fondamentale dans la réforme de la Cour européenne des droits de l’homme.

Par ailleurs, je tiens à préciser que la Suisse participe substantiellement aux programmes de coopération du Conseil de l’Europe par des contributions volontaires qui renforcent grandement l’impact de notre action sur le terrain, dans les Etats où notre soutien est particulièrement pertinent et attendu.

Finalement, je dois préciser que la délégation suisse à l’Assemblée est l’une des plus actives et je suis très heureux de toujours pouvoir compter sur le soutien de mes collègues suisses, notamment M. Gross, président du Groupe socialiste, qui est l’un des «recordmen» en nombre de participations aux votes ! Je citerai aussi Mme Maury Pasquier, présidente de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, sans oublier un vieil ami, qui n’est plus membre de cette Assemblée, Dick Marty, qui présidait aussi l’une de nos commissions et qui a accompli un travail extrêmement important au sein de notre Assemblée.

Monsieur le ministre, c’est avec grand plaisir que je vous cède la parole.

M. BURKHALTER, vice-président du Conseil fédéral suisse, chef du département fédéral des Affaires étrangères de la Suisse – Je vous remercie, Monsieur le Président, de votre bienvenue chaleureuse- et triple ! Sachez que vous êtes, vous aussi, chaleureusement bienvenu dans notre pays, et à de multiples reprises si vous le souhaitez.

Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire et chers amis de l’Europe, le 6 mai prochain, cinquante jeunes Européens seront en Suisse. Ils achèveront une semaine qui les aura conduits dans différents endroits de notre pays et ici, au Conseil de l’Europe à Strasbourg. La Suisse célèbrera avec eux les 50 ans de son adhésion au Conseil de l’Europe.

C’est en effet le 6 mai 1963 que la Suisse a fait son entrée officielle au Conseil de l’Europe. Au printemps 1963, alors que Charles de Gaulle et Konrad Adenauer venaient de signer le Traité de l’Elysée et que Berlin s’apprêtait à accueillir John Fitzgerald Kennedy, la Suisse adhérait au Conseil de l’Europe. Un tel événement se célèbre, bien sûr, et je vous remercie de donner l’occasion à mon pays de s’exprimer ici même devant vous.

La Suisse a souhaité marquer cet événement en regardant surtout vers l’avenir, en regardant l’avenir dans les yeux de jeunes Européens. Voilà pourquoi la Suisse a invité cinquante jeunes issus de onze pays parmi ceux qui ont adhéré le plus récemment au Conseil de l’Europe. Nous aurons donc des participants venus d’Albanie, d’Arménie, d’Azerbaïdjan, de Bosnie-Herzégovine, de Géorgie, de Macédoine, du Monténégro, de Moldavie, d’Ukraine et de Russie. Ces cinquante jeunes vivront ensemble une semaine de découverte, de formation, de réflexion. Ils s’occuperont de démocratie, de droits de l’homme, de justice, d’Etat de droit, de fédéralisme, de protection des minorités. Ils visiteront différents lieux de Suisse, Berne, Delémont, Zurich, Lucerne et Fribourg, où nous célèbrerons, le 6 mai, les 50 ans de l’adhésion en présence du Secrétaire Général, M. Jagland.

Ces jeunes iront aussi à Glaris, au cœur de la démocratie. Ils assisteront à une Landsgemeinde, l’exercice de la démocratie directe au sens le plus pur. J’avais assisté moi-même à cette Landsgemeinde, assemblée populaire, en fait de Glaris l’an passé, en compagnie du ministre autrichien des Affaires étrangères. Mesdames et Messieurs, cela s’appelle vivre la démocratie lorsque l’on voit un peuple rassemblé quatre heures sur une place de village débattre de différents sujets sous une pluie battante, écoutant et respectant l’opinion de tous, et prenant des décisions collectivement. C’est le cœur battant de la démocratie suisse que nous mettrons ainsi à l’honneur pour ces jeunes qui représentent l’avenir de l’Europe. Dans leurs yeux et également dans ceux de leurs amis en Suisse, nous pourrons lire leur rêve d’avenir et celui de l’Europe que nous voulons leur laisser : une Europe de démocratie, d’ouverture, de sécurité, de prospérité, une Europe de paix.

Mesdames et Messieurs, la politique, c’est construire un pays, construire une Europe, construire un monde meilleur pour les générations futures, pour les enfants, c’est offrir à la jeunesse la chance de se réaliser, c’est lui offrir des perspectives. « Toute politique est autorisation de l’avenir », écrivait le philosophe suisse, neuchâtelois et européen, Denis de Rougemont. Toute politique est autorisation de l’avenir. C’est ce qui a motivé la Suisse à adhérer au Conseil de l’Europe le 6 mai 1963. C’est ce qui la motive à y être aujourd’hui : créer l’avenir pour et par les jeunes.

Aujourd’hui, regardons ensemble la Suisse, sa conception de la démocratie, du droit, de la liberté. J’évoquerai ensuite le Conseil de l’Europe et son importance. Enfin, je parlerai de l’engagement de la Suisse en Europe et au-delà.

Parlons donc de la Suisse.

Le rôle d’un pays en Europe et ses relations avec l’Europe sont un sujet qui se prête à un débat démocratique. Ce débat s’inscrit dans le contexte d’une mondialisation qui s’accélère et d’un changement des équilibres, mais aussi d’une diversification des centres globaux. Il s’inscrit aussi dans le contexte d’une intégration européenne qui a, de fait, plusieurs vitesses et prend plusieurs formes : certains pays de l’Union européenne sont par exemple dans la zone euro et d’autres pas. Certains pays membres de l’Union européenne ne sont pas, ou pas complètement, dans l’espace Schengen, alors que d’autres, comme la Suisse, non membre de l’Union européenne, y sont pleinement associés. Le Conseil de l’Europe, lui, couvre presque tout le continent.

La relation à l’Europe et à ses différentes institutions est partout un thème de débat et de réflexion. C’est une preuve de démocratie vivante. Cela est particulièrement vrai en Suisse, ce pays qui pratique la démocratie directe « au quotidien » – pas tous les jours sur la place de la Landsgemeinde sous la pluie battante, mais au moins quatre fois l’an dans les urnes et, chaque jour, dans la vie. La Suisse est le seul pays d’Europe qui se soit prononcé par votation populaire – et par deux fois positivement – sur les extensions successives de l’Union européenne et, donc, sur l’accord sur la libre circulation des personnes. Cela sera probablement à nouveau le cas suite à la suite de l’adhésion prochaine de la Croatie à l’Union européenne. Le débat populaire et démocratique est particulièrement vivant en Suisse.

La Suisse est située au cœur de l’Europe, à l’endroit où se rencontrent – et non où s’affrontent – les vastes cultures européennes. Les questions liées à l’identité européenne y sont très présentes par la nature même de sa construction historique, par son histoire institutionnelle et politique et par sa géographie. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles la Suisse s’est constituée très tôt comme un Etat dont la structure et la pratique politiques ont des ressemblances avec celles d’une Europe en construction.

La Suisse s’est donné une Constitution fédérale dès 1848. Elle est l’un des rares pays où, à cette époque de révolutions européennes, les idées libérales, démocratiques et républicaines ont pu s’imposer puis demeurer sans interruption jusqu’à nos jours. Cette Constitution de 1848, dont les principaux éléments sont encore en vigueur après deux révisions intégrales du texte constitutionnel, a installé un pouvoir limité, décentralisé et partagé. Le pouvoir y est limité en ce sens que l’initiative, la liberté et la responsabilité individuelles jouent un rôle fondamental dans notre pays. Même nos autorités sont constituées sur cette base, puisque l’essentiel de l’engagement politique est, en Suisse, un acte largement bénévole et un engagement de milice.

Par ailleurs, de vastes pans de la politique, notamment les questions liées au travail, dépendent largement du partenariat social, du dialogue entre syndicats et patronat et non de lois ou de politiques publiques.

Le pouvoir est aussi décentralisé en Suisse en vertu du principe de subsidiarité : seules certaines tâches sont déléguées à l’Etat fédéral, les autres appartiennent par défaut, en vertu de la Constitution, aux Etats cantonaux.

Enfin, le pouvoir en Suisse est fragmenté, parce que l’autorité exécutive est placée entre les mains de conseils collégiaux et non d’un seul individu. Le Conseil fédéral est une autorité collégiale où les décisions importantes se prennent collectivement et dont la présidence passe à tour de rôle à chaque membre du Conseil pour une année. Ce système, qui dépersonnalise le pouvoir, alors que la société d’aujourd’hui souhaite trop souvent le contraire, est appliqué à l’identique – ou presque – dans les cantons et dans les communes.

Au cours de la seconde moitié du XIXsiècle, un rouage essentiel s’est ajouté à cette construction institutionnelle : la démocratie semi-directe. Ce système, qui existe là aussi à l’identique dans les cantons et les communes, a renforcé les contre-pouvoirs et a donc limité encore un peu plus les pouvoirs exécutif et législatif. En Suisse, les grandes questions sont toujours tranchées par le peuple souverain. La recette suisse est donc, Mesdames et Messieurs, de combiner libéralisme, fédéralisme et démocratie directe, avec son pendant : un système politique de consensus.

Dans ce contexte, la promotion et la protection des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit se trouvent inscrites dans le patrimoine génétique du pays et dans la Constitution. La volonté de réduire la pauvreté et celle de protéger l’environnement, que ce soit en Suisse ou dans le monde, se sont ajoutées à ces valeurs au fil des ans.

Mesdames et Messieurs, ce système, les Suisses l’aiment bien, au fond. Ils en sont fiers, mais sans arrogance. Ils y sont attachés par volonté. Cela dit, les Suisses prennent leur temps… La Suisse a en effet mis du temps à adhérer à certaines grandes organisations comme le Conseil de l’Europe ou l’Organisation des Nations Unies, alors qu’elle partage pleinement et depuis très longtemps leurs valeurs. C’est vraisemblablement en raison de sa neutralité, dans un monde qui était longtemps fortement divisé, et du fait que le processus de formation des décisions prend du temps en démocratie directe. La Suisse est le seul pays au monde à avoir voté pour son adhésion à l’Onu, et cela par deux fois. En 1986, dans un contexte encore marqué par la guerre froide, la population a rejeté cette idée par 75 % des votants. Je m’en souviens très bien : j’étais jeune, j’étais pour et j’ai été battu - c’est l’apprentissage de la démocratie.

Entre-temps, le monde a changé, la guerre froide a pris fin, l’Onu est devenue une organisation irréfutablement universelle et, en 2002, le peuple suisse a finalement soutenu cette adhésion à une organisation qui lui permet de défendre dans le monde ses valeurs et ses intérêts. La Suisse sera d’ailleurs candidate pour la première fois au Conseil de sécurité pour l’élection qui aura lieu en 2022. La Suisse prend son temps…

L’adhésion au Conseil de l’Europe a aussi pris un peu de temps, car la Suisse voulait se convaincre qu’il s’agissait, non pas d’une organisation opposant des blocs, mais d’une organisation au service de valeurs. La Suisse s’est convaincue que le Conseil de l’Europe était une organisation qui pouvait l’aider, non seulement à développer les valeurs de démocratie, de droits de l’homme et de paix en son sein, mais aussi à les promouvoir au-delà de ses propres frontières. Car sur un continent et dans un monde de plus en plus interconnectés, la Suisse a la conviction qu’elle a, comme d’autres, la responsabilité d’agir, tout spécialement en ce qui concerne les problèmes globaux, et de se montrer solidaire.

La stabilité et le développement économique et humain du continent et du monde est par ailleurs dans l’intérêt de tous, Suisse comprise. La politique extérieure de la Suisse peut donc se définir aujourd’hui par le triptyque : neutralité, solidarité et responsabilité. C’est notamment la raison pour laquelle la Suisse a décidé, l’an dernier, d’augmenter fortement son aide à la coopération et au développement, qui dépassera les 11 milliards de francs pour la période 2013-2016, atteignant alors 0,5 % du revenu national brut. Elle le fait comme un acte de responsabilité et de solidarité à l’égard de l’Europe et du monde, à un moment où d’autres doivent malheureusement réduire ces montants pour des raisons financières.

Le secteur de la coopération internationale est celui qui va connaître la plus forte croissance des dépenses politiques suisses en cette période budgétaire. La Suisse a donc mis quelques années de prudente et légitime – peut-être – observation avant de rejoindre le Conseil de l’Europe. Mais la dynamique née en Europe après la seconde guerre mondiale ne l’a évidemment pas laissée indifférente. Elle a observé ce mouvement avec bienveillance et certains Suisses ont d’ailleurs été très actifs au sein du mouvement européen de l’époque.

Au Congrès de La Haye, présidé par Winston Churchill en 1948, Denis de Rougemont, que je citais en introduction, a rédigé et a lu, lors de la séance de clôture, le « Message aux Européens », adopté par le Congrès et qui déboucha, en 1949, sur la naissance du Conseil de l’Europe. Le pays, lui, n’était pas encore prêt à adhérer et le contexte international de l’immédiat après-guerre ne s’y prêtait pas encore.

Le caractère intergouvernemental du Conseil de l’Europe et les valeurs et principes qu’il a défendus ont toutefois su convaincre la Suisse de l’utilité d’y adhérer dans les années 1960. Après son adhésion, la Suisse a vite trouvé à Strasbourg une manière de travailler et un climat qui lui étaient familiers. La mise en valeur du cadre local et régional, l’implication des milieux concernés de la société civile, la prise de décision par consensus et, plus généralement, une approche fondée avant tout sur le droit font du Conseil de l’Europe une enceinte qui convient bien à l’esprit suisse.

La Suisse attache une importance particulière aux conventions du Conseil de l’Europe, que ce soit en participant activement à leur élaboration ou en ratifiant les principales. Sur les 212 conventions du Conseil de l’Europe ouvertes à la ratification à ce jour, la Suisse en a ratifié 116 et en a signé 13 autres. D’une manière générale, nous sommes prêts à adhérer autant que possible aux conventions du Conseil de l’Europe. Pourtant, la Suisse étudie chaque adhésion avec soin. Elle a pour l’heure décidé de ne pas rejoindre quelques textes, non parce qu’elle n’en partage pas les objectifs, mais parce qu’elle a choisi de les réaliser par d’autres moyens. Il y a donc parfois divergence sur la méthode, mais pas forcément sur les objectifs.

J’aimerais illustrer cette attitude par un exemple qui souligne bien la culture politique de la Suisse. La Confédération n’a pas encore adopté la Charte sociale européenne. Si elle ne l’a pas fait, c’est parce que, en l’état, une application au pied de la lettre de cette convention en Suisse pourrait mettre en cause d’importants acquis économiques et sociaux que nous considérons comme élémentaires dans notre pays.

Je m’explique : le système suisse de formation professionnelle duale – l’apprentissage en école et en entreprise – est un facteur essentiel de la réussite économique de notre pays. La Suisse connaît le plus bas taux de chômage des jeunes d’Europe. Or c’est un défi brûlant, certainement même le plus brûlant pour notre continent, que de donner des perspectives et donc des emplois aux jeunes. L’une des raisons du succès de la Suisse dans ce domaine tient au système de l’apprentissage dual, car les jeunes, formés à la fois en entreprise et en école, s’adaptent rapidement aux réalités de l’économie. Par ailleurs, les besoins évolutifs du marché sont intégrés dans la formation elle-même.

Evidemment, ces jeunes apprentis ne touchent pas, pendant leur apprentissage, un salaire équivalent à ce qu’ils toucheront par la suite, une fois employés. Mais, pendant leur formation, leurs amis qui sont au lycée n’ont, eux, pas de salaire du tout. Or, notre adhésion à la Charte sociale pourrait remettre en cause une partie de ce système, en raison notamment – si l’on fait une lecture trop étroitement juridique de la Charte sociale – du niveau de salaire des apprentis. La question est en cours de clarification et nous débattons de ce sujet. Nous plaidons donc pour que l’on tienne compte ici, non pas des processus, mais des résultats d’une politique. Bref, une fois encore, toute politique est autorisation de l’avenir.

Bien former les jeunes et leur offrir des emplois, c’est permettre l’avenir. La meilleure politique sociale, c’est d’offrir des emplois. Des politiques différentes peuvent amener à des conséquences similaires. La Suisse discute donc actuellement avec le Comité européen des droits sociaux pour que l’on puisse reconnaître des équivalences de ce système, ce qui permettrait à la Suisse d’adhérer à la Charte sociale sans compromettre l’un de ses atouts.

Car la Suisse a pour pratique d’appliquer strictement – de façon exemplaire, si possible – les textes qu’elle signe. Si elle sait qu’elle ne pourra pas les appliquer à cent pour cent ou presque – et c’est le cas ici pour l’heure –, elle préfère, de manière cohérente, renoncer à y adhérer, tout au moins tant qu’une jurisprudence suffisante ne permet pas de clarifier les obligations qui sont liées aux conventions.

Dans ce domaine comme dans d’autres, la Suisse est donc avant tout soucieuse des résultats de la politique pour ses habitants. J’ajoute que, en ce qui concerne la formation professionnelle, la Suisse envisage, dans le sens de son devoir de responsabilité et de solidarité, de lancer un vaste programme pour soutenir le développement de la formation professionnelle dans des pays d’Europe qui en ont besoin, notamment parce qu’ils connaissent un fort taux de chômage des jeunes.

J’en viens au Conseil de l'Europe et à son importance.

Mesdames et Messieurs, la contribution du Conseil de l'Europe au développement de la démocratie et de l'Etat de droit en Europe ainsi qu’à un système unique au monde de protection de l'individu, est universellement reconnue et les mécanismes développés au Conseil de l'Europe servent souvent de référence. La protection des droits et des libertés a progressé dans tous les pays d'Europe grâce aux mécanismes développés ici à Strasbourg. Merci pour cela ! Il serait souhaitable que la jouissance de ces droits et libertés s'étende également aux populations qui n'en bénéficient pas encore : c'est en particulier le cas du Bélarus, avec lequel je souhaite vivement que le dialogue puisse reprendre, et du Kosovo, non encore admis au Conseil de l'Europe. C'est aussi le cas des territoires qui sont en proie à des conflits prolongés et figés, notamment sur le territoire de l'ex-Union Soviétique. Ici le préalable, c'est la résolution de ces différends, qui doit rester une priorité des efforts européens. Ce sera d'ailleurs une priorité de la Suisse en 2014, lorsqu'elle présidera l'OSCE.

La contribution du Conseil de l'Europe au développement des droits de l'homme et de l'Etat de droit a aussi eu des effets positifs pour la Suisse : les droits de l'homme et les libertés fondamentales citées au début de la nouvelle Constitution fédérale s’inspirent largement des principes de la Convention européenne des droits de l'homme. Plusieurs lacunes dans la protection des droits et libertés ont aussi été comblées depuis l'adhésion de la Suisse à la Convention, et la législation suisse a évolué par des décisions souveraines, mais dans un mouvement de dialogue typique des mécanismes de protection des droits de l'homme.

Promouvoir la croissance et l'emploi est évidemment une priorité, si ce n'est la priorité de la plupart des gouvernements européens actuellement. Or, la prospérité se construit sur un environnement institutionnel et juridique mais aussi social et économique stable. Ce n'est donc pas un hasard si la recherche de la stabilité est indissociable de la quête de la prospérité. Or, la stabilité, ce sont les règles qui régissent nos activités, qu'elles soient étatiques ou non, c'est aussi un contrat de société, un « contrat social » pour reprendre les mots de Rousseau.

Le Conseil de l'Europe et ses conventions contribuent à la création d'un espace juridique cohérent et sur l'ensemble de notre continent. C'est bon pour la stabilité, pour le développement humain et pour la construction d'une économie prospère et d'une société qui intègre et offre des perspectives. Quant aux organes de contrôle, au premier rang desquels évidemment la Cour européenne des droits de l'homme, ils sont une garantie sans égale de la cohérence et de la solidité de ce système.

La Suisse place plus haut que tout, dans son système de valeurs, les libertés et les droits de chaque personne individuelle. Le système de la Cour permet de garantir à chaque individu le respect de ses droits contre l'arbitraire ou la force de l'Etat. La Cour protège les individus et leurs libertés. Le fait que chacun puisse recourir « à Strasbourg » pour défendre ses droits contre son propre gouvernement constitue une garantie essentielle. Bien sûr, les Etats n'aiment pas perdre devant la Cour. Et la Suisse n'est pas différente. D'ailleurs, la Suisse étudie de près un arrêt récent qui l'interpelle. Si elle est d'avis que cela est justifié, elle utilisera les voies juridiques prévues, en demandant un renvoi de l'affaire devant la grande Chambre. Mais le fait d'accepter cette règle, d'accepter un fonctionnement des institutions dans une société qui intègre, est le signe d'une démocratie mature.

La Convention européenne des droits de l'homme est un instrument central et essentiel dans le développement de l'Europe depuis la seconde moitié du XXe siècle. En protégeant efficacement des valeurs aussi importantes que le droit à la vie, le droit à un procès équitable, le droit au respect de la vie privée et familiale, la liberté d'expression, la liberté de pensée, de conscience et de religion, le droit au respect de ses biens ou encore en interdisant la torture, le travail forcé, la peine de mort ou la détention arbitraire, la Convention et la Cour assurent les valeurs les plus fondamentales de notre continent et de l'humanité. C'est pourquoi la Suisse a repris de telles valeurs dans sa Constitution.

La volonté de l'Union européenne, que la Suisse salue et soutient, d'adhérer à la Convention européenne des droits de l'homme souligne à l'évidence l'importance de ce mécanisme. Cette adhésion comblera utilement une lacune dans le dispositif de protection des droits de l'homme en Europe. La Suisse se félicite de l'accord trouvé récemment par les négociateurs. L'accord d'adhésion de l'Union européenne devra encore franchir plusieurs étapes avant de pouvoir être ratifié par les Etats membres ainsi que par l'Union européenne elle-même.

Il reste donc du travail, un travail important pour que nous puissions disposer d'un système de contrôle des droits de l'homme unique pour tout le continent. Les Etats membres du Conseil de l'Europe devront rester fermement engagés à assurer, ensemble, l'intégrité et la légitimité de ce mécanisme, indépendamment de leur appartenance ou non à l'Union européenne. La signification des standards du Conseil de l'Europe ne s'arrête d'ailleurs pas aux limites de notre continent. Ils sont devenus une référence dans le monde entier. De nombreux pays ont adhéré à certains instruments juridiques du Conseil de l'Europe.

Les droits et libertés promus par le Conseil de l'Europe ont également permis de renforcer la sécurité sur notre continent. La paix au sein de nos sociétés - mais également la paix entre les nations - ne peut être garantie si les droits des individus sont régulièrement violés et leurs libertés attaquées. De telles situations sont des facteurs d'instabilité, donc d'insécurité, qui ont des conséquences graves pour les régions concernées et des conséquences directes pour l'ensemble du continent, en termes économiques et de migration notamment. Ce n'est pas un hasard si l'extension des droits et des libertés fondamentales est allée de pair avec une coopération renforcée entre les Etats et le recul des conflits violents en Europe.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, si le Conseil de l'Europe avait perdu de l'influence avec les élargissements successifs de la Communauté puis de l'Union européenne, la fin de la guerre froide lui a donné un nouveau souffle. Son expertise a permis aux pays d'Europe centrale et orientale ainsi qu'aux pays des Balkans de bénéficier d'un soutien élémentaire dans leurs efforts de construction de l'Etat de droit, de démocratisation de leurs sociétés et de protection des droits de l'homme. Presque tous les pays d'Europe se retrouvent désormais à Strasbourg pour consolider et perfectionner ce qui fait l'héritage commun, le socle de valeurs de notre continent. Nous espérons que la situation de deux Etats encore absents de ce système changera rapidement.

Le succès de la mission du Conseil de l'Europe n'est pas assuré pour autant. Les moyens dont il dispose n'iront pas en augmentation. Il importe donc qu'il concentre ses activités sur ce qui fait sa principale valeur ajoutée et qu'il coopère étroitement avec les autres organisations internationales. La complémentarité doit ici prévaloir sur la compétition.

Le renforcement de l'efficacité du Conseil de l'Europe était une priorité de la présidence suisse du Comité des Ministres entre novembre 2009 et mai 2010. Il en allait à la fois de la réforme de la Cour européenne des droits de l'homme et de celle du Conseil de l'Europe. La tenue de la Conférence d'Interlaken, en février 2010, a permis de faire adopter par les ministres de la justice de tous les pays membres un plan d'action pour la réforme de la Cour. Plusieurs étapes de ce plan ont depuis lors été franchies, notamment à travers l'adoption des déclarations d'Izmir et de Brighton. Nous sommes en bonne voie mais nous ne sommes qu'à mi-chemin de ces réformes. Il est donc essentiel que le processus d'Interlaken poursuive son cours et que la détermination d'assurer l'efficacité du fonctionnement de la Cour ne faiblisse pas, ni au sein des Etats membres, ni dans cette Assemblée. Il en va de l'efficacité de la crédibilité du système de protection des droits de l'homme en Europe.

En ce qui concerne l'autre objectif clé : la réforme du Conseil de l'Europe, la Suisse soutient pleinement les efforts entrepris, depuis le début de son mandat, par le Secrétaire Général, M. Jagland que nous remercions chaleureusement de son engagement. La décision a été prise par les chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres, lors du troisième sommet du Conseil de l'Europe à Varsovie en 2005, de recentrer l'Organisation sur sa mission essentielle. Cette décision est non seulement juste, elle est essentielle pour assurer la pertinence et donc l'utilité du Conseil de l'Europe à l'avenir.

Depuis 2005, le profil du Conseil de l'Europe a été renforcé. L'Organisation est aujourd'hui clairement identifiée dans les domaines de la préservation et de la promotion des droits de l'homme, de la démocratie et de l'Etat de droit en Europe. Beaucoup a été fait depuis 2009 pour que ces grandes orientations soient reflétées dans la structure et surtout dans la pratique - dans le travail quotidien du Conseil de l'Europe. Cet élan de réforme ne doit pas s'affaiblir et les travaux doivent se poursuivre avec détermination. Le Secrétaire Général que vous élirez en juin de l'année prochaine devra s'engager résolument dans cette voie.

La Suisse est un pays de paix. J'étais tout récemment en Colombie et je lisais dans les yeux des enfants de déplacés du conflit armé, des enfants qui ont connu les horreurs de la guerre civile, qui ont été arrachés à tout et qui n'ont rien, des enfants de trois ou quatre ans, à qui l’on avait volé une part de leur enfance, je lisais dans leur yeux tout ce que cela signifie d’être un pays de paix et de prospérité. La Suisse a la chance d’en être un. Cela lui donne des devoirs et des responsabilités. La Suisse s'engage dans le monde et sur notre continent en faveur de la résolution des conflits. Elle le fait à travers la facilitation du dialogue et par la médiation. La promotion des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la démocratie est le corollaire indispensable de ces efforts.

La Suisse souhaite continuer de s’engager au sein du Conseil de l’Europe et avec lui en faveur de ces objectifs. Elle s'identifie pleinement à la coopération intergouvernementale pratiquée au sein du Conseil de l'Europe. Il en va de même en ce qui concerne les activités de l'Organisation, pour lesquelles la Suisse figure parmi les plus grands contributeurs volontaires. Le Conseil de l'Europe est un partenaire très apprécié dans le cadre de notre propre coopération bilatérale avec plusieurs pays européens. C'est donc avec conviction que nous soutenons les efforts qu'entreprend l'Organisation en faveur des pays en transition.

L'année prochaine, la Suisse aura le privilège d'exercer la présidence de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Cette présidence, qui intervient à un moment où l'OSCE est confrontée à des défis importants, exigera de la Suisse des efforts particuliers. En premier lieu, il s'agira de renouer avec la capacité à réellement coopérer et donc à décider ensemble. L'OSCE a peut-être trop utilisé la formule « we agree to disagree » ; à l’avenir, il faudra davantage user de la formule « we disagree to disagree » ; encore mieux « we agree to agree » ! Dans une organisation qui décide à la règle de l'unanimité, cela dépendra de la volonté de chacun de ses membres, un grand nombre d’entre eux étant également membres du Conseil de l'Europe : « vos » pays. Cette évolution est essentielle pour une OSCE, qui comme son nom l'indique, se voue à la sécurité de « notre » Europe. La Suisse voit dans sa présidence de l'OSCE une opportunité de contribuer encore davantage à la stabilité et à la prospérité en Europe et au-delà. Cet engagement nous permettra de renforcer notre action dans le domaine de la résolution de conflits, de la médiation et de la promotion de la paix, mais également de contribuer à l'avancement de la prééminence du droit et de la gouvernance démocratique.

Il existe entre le Conseil de l'Europe et l'OSCE un important potentiel de synergies et de complémentarités. Si le Conseil de l'Europe est avant tout une organisation qui établit et surveille des standards dans les domaines des droits de l'homme, de la démocratie et de l'Etat de droit, l'OSCE est en premier lieu un instrument pour la prévention des conflits, la gestion des crises et la réhabilitation post-conflits. Mais n'oublions pas que l'OSCE établit aussi des standards – politiquement contraignants – dans les domaines des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la démocratie, qui jouent un rôle clé, par exemple dans des pays de l'Asie centrale qui ne sont pas membres du Conseil de l'Europe.

La coopération entre les deux organisations est déjà bien établie dans plusieurs domaines : la tolérance et la non-discrimination, les minorités nationales, la lutte contre la traite des êtres humains et la lutte contre le terrorisme. Cela a permis de renforcer l'efficacité de ces activités. Nous pensons qu’il vaut la peine d'étendre cette collaboration à d'autres domaines, tels que la coopération sur le terrain ou l’observation d'élections. Une coopération entre les assemblées parlementaires des deux organisations – et pourquoi pas une séance commune ? – permettrait certainement d'approfondir ces potentiels et de stimuler une coopération concrète et efficace. J'aimerais vous inviter dès à présent à réfléchir à ces possibilités. La Suisse, en qualité de présidente en exercice de l'OSCE en 2014, soutiendra toute initiative de nature à renforcer une coopération effective avec le Conseil de l'Europe. Entre autres, nous prévoyons des conférences sur les sujets des minorités nationales en 2013 et 2014, qui réuniront les experts des deux organisations.

Les valeurs défendues par le Conseil de l'Europe sont devenues des standards en Europe et servent de référence ailleurs dans le monde. Il est un domaine dans lequel notre action pourrait particulièrement rayonner vers l'extérieur : la lutte contre la peine de mort qui constitue l'une des priorités de la politique suisse en matière de droits de l'homme. La Suisse mène de nombreuses activités contre la peine capitale. Ainsi, en 2010, le quatrième Congrès mondial contre la peine de mort s'est tenu à Genève. Convaincue par l'importance de telles rencontres dans le cadre de la campagne mondiale contre ce fléau, la Suisse soutient à nouveau cet événement majeur en coparrainant, aux côtés de l'Espagne, de la Norvège et de la France, l'édition 2013 du Congrès mondial qui aura lieu en juin prochain à Madrid.

Nous contribuons également aux efforts de la Commission internationale contre la peine de mort. La Suisse est actuellement un membre actif du groupe de soutien étatique à la Commission, dont le secrétariat se trouve à Genève.

Parvenir à une abolition générale de la peine capitale dans le monde prendra certes du temps, mais le processus est en route et, même si le chemin est semé d'embûches, la tendance évolue dans la bonne direction. J'appelle tous les Etats membres du Conseil de l'Europe à poursuivre leurs efforts dans ce sens. La peine de mort est inefficace, illégitime et contraire aux valeurs des droits de l'homme. J'appelle en particulier le Bélarus, dernier Etat européen à ne pas avoir renoncé à la peine capitale, ainsi que les Etats-Unis et le Japon, Etats observateurs du Conseil de l'Europe, à poursuivre leur réflexion et à agir avec détermination pour aller dans le sens d'un moratoire, puis d'une abolition de la peine de mort. Tout simplement parce que cela est juste.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, «Toute politique est autorisation de l'avenir.» Toute politique se reflète dans le regard des jeunes, le regard des enfants de Suisse et d'Europe, le regard des cinquante jeunes qui vivront, en Suisse et à Strasbourg la semaine prochaine, les valeurs du Conseil de l'Europe et de la Suisse. Ce que nous voulons tous, au travers de nos diversités, c'est lire dans les yeux des enfants le désir d'avenir, l'envie de liberté, la joie de la paix, le rire des opportunités qui s'ouvrent dans un continent stable, sûr et prospère.

L'avenir de l'Europe se fera sur la base des valeurs fondamentales qui forment notre destin commun : les droits de l'homme, les libertés fondamentales, la démocratie, la paix, la justice, l'Etat de droit. C'est ce qui motive la Suisse au Conseil de l'Europe. Et c'est pour cela – pour ces regards-là – que nous remercions chaleureusement votre Assemblée parlementaire, chacune et chacun d'entre vous, de votre engagement. Merci et bonne fin de journée !

LE PRÉSIDENT – Monsieur Burkhalter, je vous remercie pour votre intervention.

Douze orateurs ont exprimé le souhait de poser une question. Je vous propose d’entendre les questions par trois, chacune ne devant pas dépasser 30 secondes.

La parole est à M. Kalmár, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. KALMÁR (Hongrie)* – La monnaie suisse s’est considérablement renforcée, s’appréciant de plus de 70% par rapport à certaines monnaies de l’Europe de l’Est, ce qui a des conséquences pour les familles de la région. Cette évolution n’est pas le fruit d’une décision du Gouvernement suisse, non, c’est le résultat de mesures prises par les acteurs financiers mondiaux. Comment avez-vous géré cette situation afin que l’économie suisse continue de fonctionner ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Schennach, au nom du Groupe socialiste.

M. SCHENNACH (Autriche)* – Une question d’un pays neutre à un autre, mais sur un sujet qui n’exige pas la neutralité : dans toute l’Europe, et ailleurs aussi dans le monde, depuis plusieurs années, on débat de l’élimination des paradis fiscaux, de répression de la fraude fiscale, de l’équité fiscale. On considère que des milliards échappent aux fiscs de certains pays, créant ainsi une inégalité entre les pays. Parviendra-t-on enfin, pour le moins en Europe, à rétablir l’équilibre ?

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Clappison, au nom du Groupe démocrate européen.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni)* – Votre pays étant le dépositaire d’une tradition humanitaire et libérale, que pouvez-vous faire afin d’améliorer la situation des chrétiens et d’autres minorités religieuses en Égypte, en Syrie ou au Pakistan ?

M. LE VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL FÉDÉRAL DE LA SUISSE – Je vous remercie de l’intérêt que vous portez à mon pays.

L’appréciation du franc constitue un coup de fouet pour notre économie. Elle est d’ailleurs si forte qu’un pays orienté vers les exportations comme le nôtre ne peut qu’accroître ses efforts en termes d’innovation. Alors que nos montagnes ne contiennent aucune ressource naturelle nous avons choisi, et c’est heureux, de nous concentrer sur ces capacités-là. Nous ne nous plaignons donc pas de la force de notre monnaie mais nous en profitons pour nous améliorer encore un peu plus. Il est évident que les décisions prises de façon autonome, comme le veut la loi, par la Banque nationale suisse concernant le « plancher » de la valeur du franc étaient nécessaires pour que les évolutions ne soient pas trop brutales.

Je ne parlerai pas tant de l’élimination des paradis fiscaux que de la question plus globale de l’équité fiscale. En effet, ce n’est pas le transfert quasiment kafkaïen et peu efficace d’une masse considérable de données qui importe : il convient plutôt de faire en sorte que les contribuables s’acquittent de leurs impôts.

Sur le plan des valeurs, nous avons toujours mis en exergue la responsabilité individuelle, la protection de la sphère privée et le développement d’une relation de confiance entre l’Etat et les citoyens, même si ce dernier point n’est pas aujourd’hui à la mode dans d’autres pays. Nous avons donc pris un certain nombre de mesures afin de disposer d’une place financière compétitive et intègre.

C’est ainsi que, conformément aux normes internationales, dont celles de l’OCDE, nous avons renforcé l’assistance administrative et l’entraide judiciaire. Nous avons aussi pris des mesures favorisant l’imposition à la source et nous sommes prêts, depuis longtemps, à discuter avec l’Union européenne d’une extension de l’accord sur la fiscalité de l’épargne, ce qui n’a pas été possible jusqu’ici faute d’un mandat de l’Union. Nous avons également proposé la mise en place de l’impôt libératoire sur le plan européen, dispositif que le Royaume-Uni et l’Autriche ont accueilli positivement. Nous avons pris des mesures afin de renforcer les devoirs de diligence des banques. Nous avons mis en place des moyens de lutte contre le blanchiment d’argent qui comptent parmi les meilleurs au monde ; nous allons encore les améliorer et les adapter en fonction notamment des nouvelles recommandations du Groupe d’action financière (GAFI), en particulier s’agissant de la condamnation des infractions fiscales graves et de la transparence des personnes morales.

Nous exigeons, en revanche, une véritable coordination internationale en ce qui concerne les règles de fair-play devant régir les places fiscales. Enfin, la Suisse entend rester leader mondial s’agissant de la restitution des fonds illicites puisque, durant les quinze dernières années, nous avons restitué 1,7 milliard de dollars d’avoirs illicites. Notre législation est très forte en la matière mais nous sommes en train de l’optimiser encore. Nous souhaitons que nos propositions soient discutées sur le plan international.

L’aide humanitaire et la protection des libertés, notamment religieuses, constituent un problème très délicat pour la région du monde que vous avez mentionnée. Nous soutenons une série de projets concrets ainsi que le travail de plusieurs organisations internationales pour essayer de diminuer les souffrances de ces peuples, pour qu’ils recouvrent la liberté et vivent dans un Etat de droit.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Villumsen au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

M. VILLUMSEN (Danemark)* – Pour quelle raison la Suisse, la Norvège et la Russie ont-elles décidé d’accroître leur participation au financement du Conseil de l’Europe alors que d’autres pays de l’Union européenne réduisent leur contribution ?

M. RECORDON (Suisse) – La Suisse s’est engagée à lutter contre l’argent sale, préoccupation importante au titre des droits de l’homme, de l’économie et de la société mais aussi des droits humains les plus élémentaires lorsque l’on songe aux mafias. La Suisse est-elle prête à s’engager activement et non plus réactivement, sur un plan multilatéral, afin de lutter contre l’argent sale ?

M. GAUDI NAGY (Hongrie)* – Dans votre pays, de structure fédérale, coexistent de façon équilibrée plusieurs « nations » alors même que vous demeurez hors de l’Union européenne. Que conseilleriez-vous à d’autres pays, comme la Roumanie, dont les composantes envisageraient de faire sécession suite à telle ou telle décision de l’Etat central ?

M. LE VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL FÉDÉRAL DE LA SUISSE – La hausse des moyens dévolus au Conseil de l’Europe s’inscrit dans la stratégie que j’ai évoquée visant à accroître les financements globaux dédiés à la coopération internationale. Le Conseil de l’Europe étant l’organisation internationale phare en matière de droits de l’homme, de démocratie et d’Etat de droit, il allait de soi que notre contribution augmenterait. Le Conseil fédéral et le parlement, qui en ont longuement débattu, ont donc décidé d’augmenter les dotations pour 2013-2016. Il est d’ailleurs d’autant plus utile de procéder ainsi que d’autres pays ont moins de chance puisque leurs finances publiques n’autoriseraient pas une telle politique.

Je me suis récemment rendu dans plusieurs pays de l’est de l’Europe et j’ai constaté combien la mise en œuvre de certains projets était délicate compte tenu des réductions de moyens opérés par des bailleurs de fonds. Nous pouvons quant à nous tenter un rééquilibrage, même s’il ne peut qu’être relativement modeste d’un point de vue global.

Il n’est pas possible d’affirmer que la Suisse a agi réactivement et non activement dans la lutte contre le blanchiment d’argent sale. Notre législation, qui compte parmi les plus pointues au monde, est exemplaire en la matière, je tiens à le dire sans arrogance. Nous avons même été en avance mais cela n’empêche pas de l’améliorer en adoptant un certain nombre de justes recommandations. Comme je l’ai dit, cela prend du temps mais cela dure longtemps !

Je ne sais pas si j’ai bien compris la troisième question. Je peux simplement dire que la Suisse sait, en effet, faire coexister des différences. Mais elle a pour règle de ne pas donner de leçons à d’autres pays.Ce que nous disons avec beaucoup de cœur, c’est que la meilleure manière de tenir les gens ensemble, c’est de les laisser parler. Les institutions doivent permettre à chacun de se sentir intégré, important, reconnu et écouté. C’est le cas en Suisse. La recette n’est pas si mauvaise si l’on regarde les résultats aujourd’hui.

Mme OROBETS (Ukraine)* – Des enquêtes menées par des journalistes montrent que des personnes morales suisses blanchissent de l’argent venant d’Ukraine. On le sait par des données sur les citoyens. Des entreprises remportent des gros contrats sans appels d’offres. Que peut faire la Suisse pour lutter contre cette corruption ?

M. KAYATÜRK (Turquie)* – On note de plus en plus de xénophobie et d’islamophobie en Europe, ce qui ne peut que nous inquiéter. Comment voyez-vous la situation dans votre pays ? Que devons-nous faire tous ensemble pour surmonter ce problème ?

M. REIMANN (Suisse)* – Le GRECO s’est récemment penché sur le cas de la Suisse et a émis des critiques très vives contre le financement des partis. En lisant son rapport, j’ai eu l’impression que la Suisse était une république bananière, corrompue, et non pas un pays qui se caractérise par une démocratie directe. Qu’en pensez-vous ?

M. LE VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL FEDERAL DE LA SUISSE – La Suisse est dans les premiers pays au monde pour les indices de lutte contre la corruption. Ça ne signifie pas que tout soit parfait. Des enquêtes doivent être menées, mais les institutions fonctionnent bien et les crimes sont poursuivis. On peut certes toujours faire mieux, mais nous avons appliqué pratiquement toutes les recommandations du GRECO, qui nous a d’ailleurs félicités – toutes les recommandations, sauf la dernière sur le financement des partis, j’y reviendrai.

La xénophobie et l’islamophobie sont des phénomènes très dangereux et très inquiétants, mais nous avons tous une partie de la solution. La meilleure réponse en Suisse contre les tendances à la discrimination entre les communautés, c’est de travailler le plus près possible des collectivités locales. On ne règle pas ces problèmes avec des lois mais avec des prises de conscience dans toutes les cellules de la société, les communes et les associations, notamment sportives. Si vous arrivez à intégrer les jeunes très tôt dans des équipes de sport, c’est très bien. Encore faut-il que les clubs ne soient pas liés à une seule communauté… La solution, c’est que chacun se sente concerné pour vivre chaque jour une meilleure intégration.

Concernant le financement des partis, je veux expliquer la position spécifique de la Suisse. Nous avons reçu cette recommandation nous demandant de nous aligner sur les normes pour le financement des partis. En Suisse, nous ne sommes pas de cet avis, car nous avons la démocratie directe, le fédéralisme, la responsabilité individuelle et l’esprit de milice. Je m’explique.

La démocratie directe fait que les partis eux-mêmes sont peu importants. Les comités de campagne le sont au moins autant, ainsi que les comités pour les référendums ou les comités pour les initiatives, qui existent à tous les niveaux… Si donc vous voulez vraiment réglementer, vous devez le faire beaucoup plus largement. Ça ne sert à rien de ne réglementer que les partis.

Avec le fédéralisme suisse, on a un niveau cantonal et communal très fort. Les appareils des partis nationaux, ne comptent que quelques personnes relativement peu professionnalisées. On n’a pas du tout une situation avec d’immenses appareils. La participation à la vie politique se décale vers les cantons, les communes, les milices... Le fédéralisme fait que normalement les changements se réalisent dans le laboratoire des cantons. Deux d’entre eux ont décidé le financement public des partis. On verra si les autres suivent. Pour le moment, il n’y a pas de majorité, dans aucun parlement cantonal ou fédéral.

Je termine avec l’esprit de milice. En Suisse, on estime que la responsabilité individuelle est très importante. Nous faisons confiance aux gens qui veulent financer les partis et nous pensons qu’ils n’ont pas forcément besoin de le dire.

Il faut ouvrir les yeux sur les conséquences de la réglementation sur le financement des partis. En France par exemple, depuis la nouvelle réglementation sur les partis il y a bientôt 20 ans, le nombre de ces derniers a été multiplié par dix !… C’est surprenant. En Autriche, où on est passé au financement public des partis à cause de ces réglementations, il a fallu consacrer 200 millions d’euros à ce financement ! Mon Dieu ! En Suisse, on vit beaucoup plus modestement. En Hollande, il existe un parti qui compte un seul membre… Vous voyez comment les réglementations peuvent être détournées de leur but !

Notre système n’est pas parfait, mais il fonctionne bien et il n’y a pas de majorité pour le changer. Nous l’avons expliqué au GRECO, qui en a pris acte mais qui ne m’a pas semblé vraiment convaincu, parce que son but est l’harmonisation totale. Mesdames et Messieurs, l’Europe est un continent magnifique mais divers… La Vielfältigkeit a du bon.

LE PRÉSIDENT – Monsieur le Ministre, ce n’est pas moi qui vous contredirai concernant le financement des partis politiques en France, vous l’avez compris.

M. XUCLA (Espagne)* – Votre pays est très sérieux avec le grand concept de protection du domaine privé. Comment évaluez-vous l’impact des nouvelles technologies sur la vie privée ? Nous parlons d’un droit fondamental. Ces nouvelles technologies ont beaucoup d’avantages, mais elles permettent aussi des violations de la vie privée.

M. R. FARINA (Italie)* – Où en est la négociation fiscale avec l’Italie pour la taxation des capitaux italiens illégalement placés dans les banques suisses ? Quelles conditions impose la Suisse ?

La communauté italienne de Suisse est le groupe étranger le plus important dans votre pays. Quelles initiatives avez-vous prises contre la reprise d’une xénophobie qui amène certains à qualifier les Italiens de voleurs de travail ou de souris qui mangent le fromage suisse ?

M. BENEYTO (Espagne)* – Une Union bancaire est en cours de création au niveau européen. La Suisse considère-t-elle qu’elle aura un impact sur son système bancaire et qu’elle modifiera ses relations avec l’Union européenne ?

M. LE VICE-PRESIDENT DU CONSEIL FEDERAL DE LA SUISSE – Je vous remercie tout d’abord de reconnaître que la Suisse est un pays sérieux. Nous nous efforçons de l’être !

En ce qui concerne la protection du domaine privé et l’émergence des nouvelles technologies, je pense qu’elles seront maîtrisées à condition que chacun fasse preuve de responsabilité et de compétence face aux risques et aux chances que représentent ces outils modernes. L’éducation des jeunes générations permet de régler bien des problèmes. Nous ne les réglerons pas tous, bien évidemment, mais ce qui compte, c’est la manière dont les individus s’emparent des nouvelles technologies. Notre société est parfois très contradictoire : elle exige de très grands transferts de données dans certains secteurs et s’en effraie pour d’autres... Ce sont les merveilleuses contradictions de nos sociétés modernes !

Concernant les négociations fiscales avec l’Italie, en réalité, nous ne posons pas de conditions. Nous avons proposé une liste de six chapitres sur lesquels des discussions sont nécessaires. Nous étions pratiquement arrivés au terme de leur examen lorsque la crise du Gouvernement italien est survenue. Notre volonté est bel et bien de trouver des solutions communes pour chacun de ces chapitres, mais nous attendons que la situation politique se stabilise en Italie.

Quant à la xénophobie suisse à l’égard des Italiens, j’avoue que vos propos m’étonnent grandement. Dans ma ville, la communauté italienne est très importante et parfaitement intégrée. Sans doute existe-t-il des cas isolés mais je peux vous assurer qu’il n’y a pas de xénophobie à l’égard des Italiens chez nous ! La communauté italienne est au contraire très appréciée. Je le constate tous les jours puisque mes trois fils font du football dans un club italien de Neuchâtel.

Enfin, l’Union bancaire constitue évidemment un sujet important. Elle aura sans aucun doute un impact sur la Suisse et nous prendrons les mesures nécessaires pour nous adapter et pour assurer la stabilité de l’ensemble du système financier. Nous saurons assumer notre responsabilité de principale place financière de la planète !

LE PRÉSIDENT – Je vous remercie beaucoup, Monsieur le ministre. C’était un très grand plaisir pour nous que de vous écouter. Je remercie également mes collègues, qui ont respecté leur temps de parole.

Une nouvelle fois, nous souhaitons un joyeux anniversaire à la Suisse pour ses cinquante années d’adhésion au Conseil de l’Europe !

Conformément à l’article 34.6 du Règlement, Mme Huovinen demande la parole pour un fait personnel. Je vous rappelle que ce fait personnel ne sera suivi d’aucun débat. Madame Huovinen, vous disposez de deux minutes.

Mme HUOVINEN (Finlande)* – Je vous remercie, Monsieur le Président.

Lors de l’examen du rapport de la commission de suivi sur la Turquie, j’ai commis une erreur au moment du vote sur l’amendement no 8. Je souhaitais en réalité voter contre cet amendement. Je vous remercie de prendre en compte cette rectification.

LE PRÉSIDENT – Madame Huovinen, nous en prenons bonne note. Nous en venons au point suivant de l’ordre du jour.

2. Lutter contre le « tourisme sexuel impliquant des enfants »
Les parlements unis pour combattre la violence sexuelle à l’égard des enfants : bilan à mi-parcours de la campagne UN sur CINQ
(Débat conjoint)

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle à présent le débat conjoint sur la lutte contre « le tourisme sexuel impliquant des enfants » et sur le bilan à mi-parcours de la campagne UN sur CINQ pour combattre la violence sexuelle à l’égard des enfants.

Nous entendrons d’abord la présentation du rapport de M. Ghiletchi, au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, sur la lutte contre le « tourisme sexuel impliquant des enfants » (Doc. 13152).

Mme Bonet Perot présentera ensuite le rapport intitulé « Les Parlements unis pour combattre la violence sexuelle à l’égard des enfants : bilan à mi-parcours de la campagne UN sur CINQ », au nom de la commission des questions sociales également (Doc. 13151).

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, vote inclus, à 18 h 45. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 18 h 30, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires. Je rappelle que les rapporteurs disposent d’un temps de parole total de treize minutes, qu’ils peuvent répartir à leur convenance entre la présentation de leur rapport et la réponse aux orateurs.

Monsieur Ghiletchi, vous avez la parole.

M. GHILETCHI (République de Moldova), rapporteur de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Je suis très honoré de vous présenter aujourd’hui mon premier rapport en tant que membre de l’Assemblée parlementaire. Cette journée est également la journée de l’enfant en Turquie, soit une belle occasion de nous adresser à tous les enfants de Turquie et d’Europe.

L’Assemblée parlementaire a toujours défendu les droits des enfants à travers de nombreuses résolutions et recommandations. Elle a toujours réitéré l’importance vitale de protéger les droits fondamentaux des enfants contre toutes les formes de violence. Au cours des trois dernières années, l’Assemblée a par ailleurs activement participé à la campagne UN sur CINQ du Conseil de l’Europe pour mettre fin à la violence faite aux enfants ; le rapport de Mme Bonet Perot, qui sera présenté tout à l’heure, y reviendra.

Le tourisme sexuel est une forme particulière d’exploitation des enfants. Il affecte des milliers d’enfants dans le monde, en violation de leur dignité et de leurs droits fondamentaux. Malheureusement, à notre grande honte, l’Europe est au centre de ce tourisme. Contrairement à ce que l’on pense souvent, les personnes qui voyagent pour avoir des relations sexuelles avec des enfants ne sont pas seulement des pédophiles ou des délinquants qui ont une préférence sexuelle claire pour les enfants. Ce sont aussi des personnes ordinaires, issues de toutes les couches sociales, pour certains, pères de famille et qui abusent des enfants lorsque l’occasion s’en présente lors d’un séjour à l’étranger. Ne pensons pas non plus que l’Europe est seulement le continent d’origine de ces criminels. Il y a aussi du tourisme sexuel en Europe : nous ne pouvons plus fermer les yeux. Nos Etats ne peuvent plus ignorer que certains de leurs ressortissants sont coupables de ces crimes atroces.

L’Assemblée parlementaire doit demander aux Etats membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à ces délits et protéger les enfants.

J’aimerais rappeler qu’un grand nombre de normes ont déjà été élaborées au niveau international et régional afin de protéger les enfants de l’exploitation sexuelle, au premier rang desquelles la Convention pour la protection de l’enfant et son protocole additionnel sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, dite Convention de Lanzarote. Nous appelons les Etats membres qui ne l’auraient pas encore fait à signer et ratifier cette Convention et à s’assurer que leur droit interne est compatible avec les normes qu’elle énonce.

À ce propos, j’attire votre attention sur une décision de la cour d’appel des Pays-Bas qui a permis à une association de pédophiles d’être enregistrée. Cette décision a été prise au nom de la liberté d’expression, alors que les Pays-Bas ont ratifié la Convention de Lanzarote. Une fois qu’une association de ce type est enregistrée, comment espérer poursuivre un pédophile dans un autre pays ? Cette décision vide la Convention de Lanzarote de son sens. Pour lutter contre le tourisme sexuel, les Etats doivent aussi veiller au principe d’extraterritorialité et supprimer les règles de double incrimination qu’ils appliquent d’ordinaire.

Sans implication effective, les instruments internationaux restent lettre morte. Les Etats doivent non seulement prévoir le principe d’extraterritorialité mais ils doivent aussi faire preuve de leur volonté de l’utiliser contre les touristes délinquants sexuels. Poursuivre les délits transfrontaliers est complexe : l’auteur, la victime et le lieu sont parfois séparés par des milliers de kilomètres. Mais ces difficultés peuvent être surmontées si les Etats renforcent leur coopération internationale et s’ils créent des équipes conjointes d’investigation qui auraient pour but de poursuivre les auteurs des délits.

La prévention a déjà fait l’objet d’un travail important des gouvernements, du secteur privé, des organisations internationales et des ONG qui œuvrent dans le domaine de la protection de l’enfance. Leurs efforts ont permis de prendre conscience de l’existence du tourisme sexuel. D’autres efforts sont nécessaires, non seulement pour empêcher des individus de devenir des délinquants occasionnels, mais aussi pour rompre le silence qui entoure ces délits en encourageant la population à signaler des cas de délinquance sexuelle.

La sensibilisation n’a pas d’effet sur les pédophiles et tous ceux qui ont une préférence sexuelle active pour les enfants. En outre, il ne faut jamais oublier que ces délinquants sont, en règle générale, bien organisés. Ils utilisent différents moyens pour accéder à des enfants, y compris en travaillant avec eux ou, pire encore, en gagnant leur confiance. Ils sont aussi souvent récidivistes. Les Etats doivent donc prendre le problème à sa racine et empêcher les personnes à haut risque, qui ont déjà été déclarées coupables, d’avoir la possibilité de voyager à l’étranger et d’accéder à des emplois en contact avec les enfants.

Enfin, et surtout, il ne faut pas oublier le rôle important que joue l’industrie du tourisme. Ce secteur devrait s’impliquer dans la lutte contre la délinquance sexuelle. Les professionnels du tourisme doivent faire passer le message auprès des touristes. Ils pourraient aussi recueillir des signalements et en informer la police et les ONG. Pour associer l’industrie du tourisme à cette lutte, les Etats doivent promouvoir un tourisme éthique respectueux des enfants. Dans le passé, l’industrie a déjà accepté de telles pratiques en adoptant des mesures d’autoréglementation, telles que le code de conduite pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle.

Il est nécessaire d’agir dans les continents où les enfants courent le risque de devenir des victimes. Les Etats membres du Conseil de l’Europe ont la responsabilité de soutenir tous ceux qui participent à la lutte contre le tourisme sexuel dans les pays de destination. Cela peut se faire par des moyens financiers, techniques, logistiques, y compris en assistant les pays qui cherchent à sensibiliser leur population à ce problème et en développant d’autres moyens pour protéger les victimes potentielles.

Le tourisme de délinquance sexuelle est un marché extraordinaire qui n’épargne aucun pays. Personne n’est protégé de cette véritable épidémie. Lorsque la législation est renforcée dans un pays, le phénomène se déplace dans un autre où la protection est moins développée. Mais si tous les Etats membres du Conseil de l’Europe appliquent les mesures proposées ici, nous pourrons faire un progrès considérable.

Je conclus en citant Nelson Mandela qui disait : « Il n’y a pas de manifestation plus claire de l’âme d’une société que la manière dont elle traite ses enfants. »

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Bonet Perot.

Mme BONET PEROT (Andorre), rapporteure de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre d’une question qui nous intéresse tous au premier chef : comment protéger nos enfants contre les mauvais traitements sexuels ? Ce sujet crée immanquablement une réaction de répulsion. Dans chacun de nos Etats membres, il existe des mesures juridiques pour combattre ce phénomène mais personne n’est parvenu à l’éradiquer et des statistiques montrent même que le phénomène est en augmentation.

Nous souhaitons condamner ces violences, notamment grâce à la Convention de Lanzarote, qui a été ouverte à la signature en 2007. Un seul pays doit encore la signer, la République tchèque, et quelques pays ne l’ont pas encore ratifiée. La Convention de Lanzarote est un texte juridique contraignant. Il a une portée internationale et permet de protéger les enfants contre l’exploitation et la violence sexuelles. Il définit le crime que constituent les abus sexuels et mentionne aussi de nouvelles formes d’abus sexuels comme la sollicitation d’enfants sur Internet à des fins sexuelles, le « grooming ». La Convention de Lanzarote a pour objectif de protéger les droits de l’enfant ainsi que d’aider à traduire en justice les coupables de ces actes. Elle promeut également la coopération internationale pour combattre ce fléau. Elle a aussi pour fonction de permettre à divers groupes de population, y compris des enfants, de participer à ses actions.

Nous avons lancé la campagne « UN sur CINQ » au Conseil de l’Europe. Elle exige l’appui des parlementaires, des autorités gouvernementales et locales pour renforcer la prise de conscience de ce phénomène qui doit appeler une très forte réaction. Les abus et la violence sexuels peuvent se produire n’importe où. Les coupables de ces actes peuvent être de tous âges et la plupart du temps, ils ont la responsabilité des enfants dont ils abusent ou bien utilisent les moyens, parfois très raffinés, des médias sociaux pour entrer en contact avec leurs futures victimes. La plupart des enfants connaissent les auteurs de ces violences contre eux, parce que ce sont des gens de leur famille, qui appartiennent à leur réseau. C’est la raison pour laquelle, bien souvent, ils ne signalent pas ces abus, car ils éprouvent eux-mêmes un sentiment de culpabilité.

En 2010, à Rome, nous avons lancé la campagne sur la Convention de Lanzarote. Le temps est venu de faire le point et de réfléchir à la façon dont nous nous y sommes pris et sur son état d’avancement dans les différents pays. Nous disposons d’une liste de bonnes pratiques. Nous avons organisé des forums de discussion. De multiples réunions de parlementaires et d’experts se sont tenues sur la violence contre les enfants. Nous y avons évoqué, entre autres, les violences sexuelles, les abus contre les enfants handicapés, les abus contre les enfants qui sont dans une relation de confiance. Nous avons également parlé des problèmes d’abus d’enfant sur Internet.

Nous avons aussi pris connaissance d’un certain nombre de rapports sur l’organisation de la campagne UN sur CINQ dans différents pays. Une conférence a été organisée en Grèce, à l’initiative de l’un de nos collègues parlementaires. Martha Leticia Sosa Govea, membre du Parlement mexicain, a participé à la campagne. En Allemagne, la campagne a été très active grâce à Mme Rupprecht, notre collègue rapporteure générale pour les enfants de l’Assemblée parlementaire. Plusieurs actions ont aussi été conduites à l’appui de la campagne en Azerbaïdjan. Les initiatives sont nombreuses. Je ne peux pas les citer toutes.

Des documents ont aussi été publiés. Ainsi, un manuel à l’attention des parlementaires a été édité en diverses langues. Il est très important d’utiliser cet outil. Les parlementaires doivent l’utiliser car il réunit les bonnes pratiques mises en œuvre dans les Etats membres. Des badges, des stylos et toutes sortes d’objets peuvent être distribués pour faire connaître la campagne ou faire de la sensibilisation.

Il est très important également d’agir par l’intermédiaire des médias. Nous disposons de matériel audiovisuel qui peut et doit être utilisé pour prévenir les abus sexuels. C’est la première priorité pour protéger les enfants. Il existe une vidéo, un livre ainsi que du matériel. Des musiciens sont au service de la campagne. Vous trouverez tout cela sur le site web du Conseil de l’Europe, notamment sur le site spécifique de la campagne UN sur CINQ.

Je voudrais, si vous le permettez, m’arrêter sur un ou deux points figurant dans le rapport. Tout d’abord, il faut un budget pour mener toutes ces activités et développer la campagne jusqu’en 2014. Il ne doit pas y avoir d’obstacle budgétaire à cette campagne parce qu’elle est de première importance.

Ensuite, il convient de favoriser la ratification et la signature de la convention. Il faut donc poursuivre la coopération avec les pays qui ne l’ont pas encore ratifiée. Mais nous souhaitons aussi faire connaître la convention dans des pays non membres du Conseil de l’Europe. C’est ce que nous avons fait pour la Convention d’Istanbul.

Puis, il faut veiller à répandre les meilleures pratiques. Certains Etats membres ont déjà mis en œuvre des pratiques très utiles et il faut pouvoir faire bénéficier d’autres pays de leur expérience. C’est une bonne façon de procéder. Bien entendu, il faut organiser des réunions qui permettent d’identifier des parlementaires de référence. Réfléchissons aussi aux stratégies qui ont été mises en œuvre dans différents pays. Si elles ne peuvent pas être transposées telles quelles, il est important de disposer de telles informations pour enrichir notre débat.

Par ailleurs, nous devons identifier des indicateurs afin de mieux comprendre le phénomène, ses développements, la fréquence des abus, les mesures qui sont prises, etc. Il faut songer aux possibilités de réparation pour les enfants et pour les familles des victimes, aux possibilités de recours et, de dédommagement. Il faut faire en sorte que les parties à la convention aient un rôle à jouer. Elles sont là pour soutenir son application. Elles doivent pouvoir agir en cas de violation de cette convention. Nous avons reçu des rapports à ce sujet au cours de la période récente.

Il faut aussi faire le point sur la situation actuelle et sur les progrès réalisés dans les Etats membres. Il faut adopter une démarche multilatérale, parlementaire. Les pouvoirs locaux et régionaux doivent être impliqués dans la campagne car ils peuvent nous aider au plan régional à combattre la violence contre les enfants.

Enfin, et le rapport le montre, les efforts entrepris dans la campagne UN sur CINQ ne s’achèvent pas avec la signature et la ratification de la Convention de Lanzarote. Ce n’est que le début, le chemin sera long, mais nous nous battons pour un enjeu essentiel : protéger le droit des enfants et faire cesser les violences à leur encontre.

LE PRÉSIDENT – Merci, Madame la rapporteure.

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Guţu, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

Mme GUŢU (République de Moldova) – Mesdames et Messieurs, au nom de l’ALDE, je remercie les deux rapporteurs, Mme Bonet Perot et M. Ghiletchi, pour le travail accompli lors de l’élaboration de leurs rapports. Combattre la violence sexuelle à l’égard des enfants risque fort de n’être pas une tâche facile et de constituer un véritable défi à relever dans une Europe de plus en plus mouvementée, certes unitaire du point de vue des valeurs et des normes, du point de vue de l’espace de libre circulation, mais très diverse pour ce qui est des traditions culturelles et religieuses et des législations nationales.

Dans cette perspective, les rapporteurs ont à juste titre mentionné les difficultés d’harmonisation des législations nationales en vue de combattre la violence sexuelle à l’égard des enfants. Mais cela ne signifie pas qu’il ne faille pas y aspirer. Voilà pourquoi les efforts du Conseil de l’Europe, des divers organes et instances réunis en son sein, la campagne UN sur CINQ menée à partir de 2010, l’appel lancé aux parlements nationaux de signer et ratifier la Convention de Lanzarote et la demande d’augmentation du budget du Conseil de l’Europe en vue de continuer les campagnes de sensibilisation sont autant d’éléments qui constituent l’essence des projets de recommandation et de résolution.

Le fléau du tourisme sexuel frappe surtout les pays de l’Europe de l’Est dans lesquels les législations nationales ne prévoient pas toujours de responsabilités pénales pour les abus sexuels contre les enfants. La pauvreté de certains pays de l’Europe de l’Est, l’émigration massive des adultes vers l’Europe de l’Ouest sont des arguments supplémentaires pour les touristes délinquants sexuels. La course frénétique à l’argent pousse les agences de voyage à violer la déontologie de leur métier. À cet égard, une coopération intense entre la justice et la police s’impose à l’échelle internationale. Un véritable défi à relever est celui des abus sexuels contre les enfants commis via Internet.

La nécessité d’instituer la tolérance zéro envers la violence sexuelle à l’égard des enfants concerne les établissements scolaires. À cet égard, des programmes spéciaux doivent être mis en œuvre pour développer de véritables campagnes dans les écoles. Des campagnes de sensibilisation de la société doivent être diffusées à la télévision et au cinéma. Le secteur privé doit y contribuer sans réserves, car la violence sexuelle contre les enfants est aussi, avouons-le, et sans que les réalisateurs le prévoient de manière expresse, le résultat de certaines productions cinématographiques qui abondent en scènes de violence incontrôlée.

Toutes ces actions sont nécessaires pour assurer une prévention efficace de la violence sexuelle contre les enfants et une prévention de la délinquance touristique sexuelle qui, croyez-moi, est facilement observable dans mon propre pays, la République de Moldova. Heureusement, récemment, notre parlement a adopté un amendement à la loi pénale prévoyant que la violence sexuelle contre les mineurs est passible de la castration chimique. Cette décision était vraiment nécessaire, car ces derniers temps, mon petit pays est devenu une cible de prédilection pour les touristes délinquants sexuels. Bien sûr, cela a suscité bien des débats dans la société. Bien sûr, il n’est pas facile de convaincre tout le monde de la nécessité de prendre des mesures drastiques contre ce phénomène. Mais il fallait envoyer un signal très fort à tous ceux qui voient les pays de l’Europe de l’Est comme autant de paradis des violations des droits de l’enfant.

L’ALDE soutient les projets de résolution et de recommandation qui seront soumis à notre vote et fait appel à tous les membres de l’Assemblé pour sensibiliser leurs parlements nationaux sur la nécessité d’amender leurs législations nationales en vue de pénaliser strictement les délits liés à la violence sexuelle contre les enfants.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Donaldson, au nom du Groupe démocrate européen.

M. DONALDSON (Royaume-Uni)* – Je félicite M. Ghiletchi mais aussi les actions de la campagne UN sur CINQ que nous soutenons volontiers.

Comme cela est déclaré dans le rapport, l’exploitation sexuelle des enfants dans l’industrie du voyage et du tourisme représente une violation de leurs droits fondamentaux et de leur dignité. Avec les activités en ligne des pédophiles, sans oublier le faible coût des voyages, ces phénomènes ont connu une augmentation importante. Si nous souhaitons défendre sérieusement les droits de l’enfant au Conseil de l’Europe – et je crois que tel est bien le cas –, cette question doit devenir prioritaire.

Mon groupe est favorable à des politiques efficaces de lutte contre le tourisme sexuel impliquant des enfants. L’idée même que des gens se livrent au tourisme sexuel et que d’autres soient prêts à offrir des enfants à la vente pour en tirer un bénéfice commercial ne peut que nous dégoûter ; ces actes sont contraires à l’idée même d’humanité. Si la protection des droits de l’homme a le moindre sens, nous devons tous agir collectivement pour empêcher ces phénomènes.

Au Royaume-Uni, il existe un centre de lutte contre l’exploitation des enfants, qui dépend de la nouvelle agence contre le crime. Cela nous permettra d’agir plus efficacement pour combattre ce fléau, à l’échelle nationale et en coopérant au niveau international. J’encourage d’autres pays à prendre modèle sur cette institution qui se situe, je crois, aux avant-postes, non seulement du combat contre le tourisme sexuel impliquant des enfants, mais aussi dans bien d’autres questions relatives aux violences sexuelles contre les enfants et à l’exploitation des enfants.

Le tourisme sexuel est un problème qui concerne l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe, lesquels doivent s’engager à le combattre. Je rejoins M. Ghiletchi pour encourager tous les Etats qui ne l’ont pas encore fait à signer la convention. Le Royaume-Uni, quant à lui, l’a déjà fait. Selon nous, les lois nationales devraient refléter les normes internationales et protéger les enfants contre l’exploitation sexuelle – tous les enfants jusqu’à l’âge de 18 ans, et quel que soit l’âge de consentement établi au niveau national. C’est une mesure très importante qui doit être prise pour protéger les enfants.

Il faut agir, non seulement au niveau gouvernemental, mais aussi dans le secteur privé. Comme l’a dit M. Ghiletchi, il ne suffit pas de prendre des mesures à l’embauche, il faut également s’occuper des bénévoles qui travaillent dans les associations.

Nous appuyons donc avec plaisir le rapport de M. Ghiletchi et nous souhaitons que le travail dans ce domaine se poursuive. Je pense notamment à la campagne UN sur CINQ, qui est très importante pour la lutte que mène le Conseil de l’Europe contre les violences sexuelles à l’encontre des enfants.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Backman, au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

Mme BACKMAN (Islande)* – Je remercie les rapporteurs pour leur excellent travail. D’après les données disponibles, un enfant sur cinq serait victime, en Europe, d’une forme de violence sexuelle. Il est encore plus important aujourd’hui que par le passé que tous les pays ratifient la Déclaration des droits de l’enfant des Nations Unies, ainsi que les autres accords internationaux et régionaux – y compris la Convention de Lanzarote – dont l’objectif est de protéger les enfants.

Ces accords doivent être pleinement respectés. Chaque pays doit ouvrir un débat sur la pratique des abus sexuels à l’égard des enfants – phénomène extrêmement répandu – et leurs conséquences très graves. Des dispositions doivent être prises afin de prévenir ces crimes. Il faut mettre sur pied une structure afin de traiter de manière cohérente ces abus. Des agents publics – qu’il s’agisse d’enseignants, de personnes travaillant dans la santé ou encore de policiers – doivent être désignés à tous les niveaux et formés à ces questions. Une fois que les pays auront ouvert un débat sur la question, il se peut que beaucoup d’affaires de ce type soient mises au jour. C’est du moins ce qui s’est produit dans mon pays.

Il importe également de renforcer le système judiciaire, afin de pouvoir traiter toutes ces affaires. Les gouvernements et les parlements nationaux devraient travailler en étroite collaboration.

Nous devrions également partager les bonnes pratiques dans ce domaine, tirer les enseignements des expériences des autres. La Maison des enfants, en Islande, a été couronnée de succès. Il s’agit d’un centre pluridisciplinaire et convivial où travaillent de nombreux professionnels.

Des mesures doivent également être mises en place pour prévenir les abus sexuels commis sur les enfants. Nous devrions, en outre, discuter de la suite à donner à la campagne UN sur CINQ après 2015. Cette lutte doit être globale, faute de quoi les agresseurs continueront d’agir et de passer d’un pays à l’autre.

Enfin, je souhaite appeler votre attention sur la responsabilité de l’industrie de la pornographie. En mettant en scène des enfants dans des images à caractère sexuel, ce secteur normalise le fait d’avoir des rapports sexuels avec des enfants. Il faut être conscient que cette évolution a été considérablement renforcée par Internet et il convient de lutter contre ce phénomène. Pour ces raisons, le Groupe pour la gauche unitaire européenne appuie ces rapports.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Omtzigt, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. OMTZIGT (Pays-Bas)* – Je profite de cette occasion pour remercier Mme Backman, qui n’a pas souhaité se représenter, pour tout ce qu’elle a fait au Conseil de l’Europe.

Il faut évidemment lutter contre les abus sexuels dont sont victimes les enfants. Tout le monde en convient, mais que faisons-nous concrètement ? J’en reviendrai, pour ma part, à la Résolution 1733 dont nous avons discuté en 2010. À l’époque déjà, nous disions vouloir travailler ensemble, en Europe, de manière plus efficace. Que s’est-il passé depuis ? À la fin de cette même année, Robert M., un Letton, a été condamné en Allemagne pour des crimes sexuels. On a constaté par la suite qu’il avait violé plus de 60 enfants au Pays-Bas. Trois pays, dont le mien, ont complètement manqué à leurs devoirs en se révélant incapables de protéger des enfants.

Nous avions dit qu’il fallait établir une base de données centralisée, ce qui est très bien. Mais si, au bout de trois ans, il n’y a toujours rien, à quoi ces beaux discours servent-ils ? Il faut éviter que de telles choses se répètent. Une résolution que nous nous adressons à nous-mêmes ne sert à rien. Il faut un nouvel instrument, plus efficace.

M. Ghiletchi a très bien dit que nous devrions avoir honte de nos manquements. Au Parlement néerlandais, je me bats pour que les personnes condamnées pour de tels actes soient traitées comme le prévoit la Convention de Lanzarote. J’ai interpellé le Comité des Ministres sur cette question, mais rien ne s’est passé. On m’a répondu que ma demande serait transmise aux autorités néerlandaises, ce qui n’a même pas été fait.

Ce ne sont donc là, hélas ! que de beaux mots creux. Il faut que la campagne UN sur CINQ donne des résultats concrets, qu’elle permette de réunir toutes les parties à la Convention de Lanzarote pour que l’on voie ce que les uns et les autres font concrètement. Il est grand temps que nous arrivions à échanger des informations. Certes, il peut exister des problèmes juridiques de toute sorte, notamment en matière de protection des données à caractère personnel, mais il est possible de les surmonter. Retroussons-nous les manches !

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Geraint Davies, au nom du Groupe socialiste.

M. G. DAVIES (Royaume-Uni)* – Un enfant sur cinq est potentiellement victime des violences qui nous ont été décrites. Avec la sexualisation des enfants que l’on voit à la télévision et dans les films téléchargeables sur Internet, sans oublier la facilité avec laquelle on se déplace, étant donné le prix des billets d’avion, le défi va croissant.

Nous sommes tous d’accord pour dire que la Convention de Lanzarote est une bonne approche pour lutter contre l’exploitation des enfants, protéger leurs droits, promouvoir la coopération. Mais comme nous venons de l’entendre, il convient d’être plus ambitieux. Pourquoi ne pas universaliser les banques ADN ? Les sociétés de cartes de crédit ne devraient-elles pas être mises à l’amende pour faciliter le téléchargement de ce matériel pédopornographique ?

Pourquoi ne pas confisquer les passeports des auteurs identifiés ? Au Royaume-Uni le gouvernement travailliste avait appliqué une telle mesure à l’encontre des hooligans et le phénomène avait été réduit.

Pourquoi ne pas utiliser Facebook ou Twitter qui peuvent servir à repérer ces personnes, les retrouver et les sanctionner ?

Pourquoi ne pas lutter contre les punitions corporelles ? C’est légitime et accepté dans de nombreux pays tels que le Royaume-Uni ?

Nous devons dénoncer la crise financière où les pauvres paient pour les erreurs des banquiers et où les enfants se retrouvent sans protection. Parlons des mariages forcés, des crimes sexuels graves contre les enfants ou même de la Syrie, où la moitié des 1,3 million de réfugiés sont des enfants qui se retrouvent en situation vulnérable !

Nous devons identifier les auteurs, les localiser, utiliser l’ADN, travailler avec l’industrie du film, Internet. Nos enfants, les enfants de nos enfants ont droit à cette protection, nous devons mettre fin à cette dérive.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Mendes Bota.

M. MENDES BOTA (Portugal)* – Je voudrais tout d’abord féliciter nos deux rapporteurs et dire à M. Ghiletchi que j’approuve toutes ses propositions.

Évoquer le tourisme sexuel impliquant des enfants revient nécessairement à traiter de la crise des valeurs de notre société. Il y a quelque chose de paradoxal à traiter de ce fléau. Nous en sommes chaque jour davantage conscients. Nous utilisons de plus en plus de ressources pour le combattre et cependant la technique le rend de plus en plus accessible. L’écart entre les riches et les pauvres rend le problème encore plus criant.

Mais commençons par un constat douloureux. Pourquoi y a-t-il de plus en plus parmi ces criminels des citoyens qui occupent les postes importants dans notre société : médecins, avocats, prêtres, célébrités, responsables politiques ? Pour ma part, je ne trouve pas si surprenant qu’un certain nombre de criminels viennent de ces milieux quand la prostitution est toujours considérée comme acceptable dans nos pays, voire comme une sorte d’hommage à la virilité.

Mais quand les victimes sont des jeunes filles mineures, et parfois des garçons, il nous appartient de prendre des mesures vigoureuses et exceptionnelles. Il faut s’attaquer aux problèmes de l’égalité entre les hommes et les femmes, de la violence à l’encontre des femmes et des enfants par une seule et même approche. Certains hommes ont toujours l’impression qu’une jeune fille de 16 ou de 17 ans est, tout comme une femme de 35 ans, pleinement responsable de ses actes. Or tel n’est pas le cas. En l’occurrence, un rapport sexuel avec un homme adulte est un crime qui doit être sanctionné par la loi.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Blondin.

Mme BLONDIN (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour féliciter notre collègue pour le rapport très complet qu’elle présente aujourd’hui. Il dresse un premier bilan de la campagne UN sur CINQ, pour laquelle j’ai l’honneur d’avoir été nommée parlementaire de référence au sein de mon pays.

Comme la rapporteure l’indique, nous avons enregistré depuis novembre 2010 un certain nombre de succès comme l’attestent l’augmentation du nombre de ratifications de la Convention de Lanzarote ou, au niveau régional, la mise en place d’un pacte des villes et des régions pour mettre fin à la violence sexuelle contre les enfants. Mais il nous faut aller bien plus loin. Il est indispensable que les collectivités locales se dotent de structures dédiées, leur permettant de prévenir et combattre ce phénomène avec l’appui des services publics : école, centres de santé, police, magistrats.

Au-delà de ce constat, il est primordial de mettre l’accent sur ce que je serais tentée d’appeler les multiples déclinaisons de la violence sexuelle faite aux enfants. Si l’inceste fait l’objet, ces dernières années, d’une véritable libération de la parole, d’autres sujets demeurent tabous comme le relève judicieusement la rapporteure : il en va ainsi de la violence sexuelle observable entre adolescents ou des abus du même ordre dans le sport.

Notre Assemblée s’est beaucoup mobilisée ces dernières années sur la question des dérives du sport : financiarisation excessive, dopage à tous les niveaux, trucage des matchs. Elle n’a abordé les problèmes sociaux que le sport pouvait générer qu’au travers du racisme et de la violence dans les stades, sans s’intéresser suffisamment à ce qui pouvait se passer dans l’intimité des vestiaires : brimades et humiliations, dans certains cas, violences sexuelles, dans d’autres.

En ce qui concerne ces dernières, il convient de souligner que le sport demeure un milieu à part. Le rapport au corps y est, bien évidemment, particulier. Il existe des disciplines comme la gymnastique ou certains sports collectifs où l’entraînement conduit au contact. Et les parents sont, me semble-t-il, parfois moins vigilants sous prétexte que, comme on a coutume de le dire : « le sport, c’est bon pour la santé ». Dénoncer des violences sexuelles dans le sport est, par ailleurs, un processus complexe. Les victimes craignent en effet pour la suite de leur carrière et ne portent plainte que beaucoup plus tard. Nous l’avons constaté en France ces derniers mois au travers de procès retentissants.

Un échange de bonnes pratiques sur ce thème entre Etats membres me semble indispensable. En France, le ministère des Sports a ainsi mis en place sur ce sujet une charte qui reprend notamment un grand nombre de recommandations du Conseil de l’Europe. Il est nécessaire d’aller plus loin et de faire porter cette campagne de médiatisation, pourquoi pas, par des sportifs de haut niveau.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Clune.

Mme CLUNE (Irlande)* – Permettez-moi de féliciter les rapporteurs pour ces rapports extrêmement utiles. Le rapport de M. Ghiletchi porte sur un sujet triste dont il faut malheureusement parler, car le tourisme sexuel impliquant des enfants est une réalité qui nous touche tous, quelles que soient notre culture et notre histoire. La coopération internationale est indispensable si nous voulons lutter contre ce fléau.

Je participe aux réunions sur ce sujet depuis que je suis membre du parlement, ce qui me permet de mettre en avant le problème de la violence sexuelle à l’encontre des enfants, notamment avec la campagne UN sur CINQ. Nous devons absolument nous rappeler que le cercle de confiance autour de l’enfant est le premier responsable de ces abus. Ce sont des amis de la famille, voire des membres de la famille proche qui sont les auteurs de tels abus. Il convient de le rappeler encore et toujours.

Nous devons nous concentrer sur la question des médias, car les jeunes sont des proies faciles et sont la cible des agresseurs, alors même qu’ils sont chez eux et qu’ils sont victimes de grooming, cette forme de sollicitation particulière. Cette situation impose un travail de sensibilisation, car aucun enfant n’est à l’abri de tels comportements. En outre, des images sexuelles mettant en scène des enfants sont diffusées. C’est pourquoi nous devons apporter notre soutien à tous ceux qui essayent de poursuivre les responsables, même si certains parviendront toujours à contourner les règles et à échapper à la justice.

Le Conseil de l’Europe doit continuer à déployer tous ses efforts pour lutter contre ces crimes terribles. C’est possible. Une campagne a ainsi été lancée en Irlande en octobre dernier, qui a permis de placer les droits de l’enfant au cœur de la Constitution. Elle a bénéficié du soutien du gouvernement et de la société civile en Irlande.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Díaz Tejera.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – Nous abordons aujourd’hui un thème qui n’est ni politique ni religieux, qui n’est ni de droite ni de gauche. Nous voulons protéger la catégorie de la population la plus vulnérable : les jeunes et les enfants. Les personnes d’un certain âge et d’un certain niveau culturel peuvent se protéger et dire « non », mais ce n’est pas le cas des enfants qui ne peuvent se protéger contre ces mauvais traitements. Et c’est pire qu’un mauvais traitement, c’est un traumatisme qui aura des répercussions sur les enfants toute leur vie durant.

Le problème dépasse les frontières. Le tourisme sexuel est un crime qui ne devrait pas être prescrit. Il ne devrait pas non plus y avoir de limites de compétences territoriales des poursuites. Donc aucune limite ni dans le temps ni dans l’espace, sachant que ce sont des crimes que rien ne peut réparer. Les responsables de tels actes repoussants sont des criminels abjects.

La Convention de Lanzarote est là pour protéger ces enfants. Je voudrais, quant à moi, apporter ma modeste contribution à l’édifice. En Espagne, nous avons réfléchi à la façon de lutter efficacement contre ce fléau, notamment contre les mutilations des jeunes filles. Comment réprimer ce phénomène quand les pères imposent ces mutilations à leurs jeunes filles et hors du territoire ? Nous avons décidé de poursuivre ces faits de manière extra-territoriale et sans limites temporelles. Nous ne parlons pas là de phénomènes épisodiques et ponctuels de détraqués, mais de véritables réseaux organisés, de personnes qui se sont entourées d’une armée de juristes, d’autant que des sommes considérables sont en jeu. Nous devons par conséquent faire preuve d’imagination pour lutter contre cette forme de criminalité qui, je le répète, doit être imprescriptible, car il s’agit d’une violation de l’humanité.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Anttila.

Mme ANTTILA (Finlande)* – Le tourisme sexuel impliquant les enfants a fortement augmenté ces dernières années. Selon les estimations, un enfant sur cinq est victime de violences sexuelles. C’est une violation des droits fondamentaux et de la dignité des enfants. Nous ne pouvons l’accepter. Au niveau international, la Convention de Lanzarote est l’instrument de protection des enfants le plus complet contre l’exploitation sexuelle et sera la clé pour mettre fin à ce fléau.

Je veux souligner l’utilisation d’Internet. Les hommes âgés qui prennent contact avec de très jeunes filles via Internet ou la téléphonie mobile n’indiquent pas leur âge. Il est trop facile de contacter des enfants et des jeunes filles en ligne. L’éviter n’est pas chose aisée, car nous n’avons pas suffisamment d’outils pour contrôler toutes les discussions sur Internet. Bien sûr, les parents ont le devoir de prendre soin de leurs enfants. Tout enfant a besoin de relations humaines fiables avec les parents, les frères et sœurs, les grands-parents, qui doivent les entourer d’un filet de sécurité efficace. Mais la famille ne peut pas toujours tout.

En Finlande, nous avons lancé une action efficace qui utilise la police aux fins de contrôle des discussions sur Internet, mais les effectifs restent insuffisants. Nous avons besoin de davantage de ressources et d’une nouvelle législation pour nous doter de nouveaux outils de contrôle sur Internet.

L’excellente campagne UN sur CINQ permet de faire de la promotion, de sensibiliser à la nécessité d’agir pour protéger les enfants contre toute forme d’exploitation sexuelle. En Finlande, le ministre de la Justice prépare actuellement une loi créant le délit d’achat de services sexuels. Nous avons besoin d’une interdiction pour régler ce problème. J’invite donc l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe à faire de même et à ainsi créer le délit d’achat de services sexuels.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Fataliyeva.

Mme FATALIYEVA (Azerbaïdjan)* – Peut-être cela n’est-il pas une évidence dans les pays développés, mais le tourisme sexuel impliquant des enfants est un problème majeur dans le monde entier. Malgré l’action des autorités de santé publique, c’est un phénomène qui persiste. Le tourisme sexuel est un problème mondial qui touche des millions de personnes. Les jeunes sont à la merci de réseaux et d’intermédiaires qui les traitent comme des objets sexuels et de commerce.

Le tourisme sexuel cache une réalité encore plus sombre, car dans 40 à 50 % des cas, les enfants en sont les victimes. Selon les estimations mondiales, l’exploitation sexuelle gâche la vie de quelque 2 millions d’enfants, des filles pour la plupart, qui sont privés de leurs droits fondamentaux à la dignité, à la sécurité, à la santé et à l’éducation. De l’argent, des biens changent de mains et ce sont la plupart du temps des tiers qui en profitent, des intermédiaires, des réseaux, des parents parfois qui profitent de tels arrangements.

Des facteurs d’ordre social et économique et culturel contribuent au développement de la prostitution impliquant des enfants. La pauvreté est le premier d’entre eux, mais la discrimination entre les garçons et les filles et le faible niveau d’éducation jouent aussi un rôle. La pauvreté, le manque d’’éducation, l’importance de la « demande » sont certains des facteurs qui alimentent le phénomène dans le monde entier. Le problème est plus marqué dans des pays en développement : en Asie du Sud-Est, dans les Caraïbes, en Amérique latine, en Afrique, en Europe de l’Est, qui reçoivent un nombre croissant de visiteurs étrangers. Une telle demande est créée par des touristes mais aussi par tous ceux qui veulent vivre une expérience « exotique » et qui s’arrangent pour ignorer des règles qu’ils auraient respectées dans leur pays d’origine.

Je me félicite de la présentation du rapport de M. Ghiletchi car il permettra de nous doter de moyens pour lutter contre ce phénomène. Je remercie également Mme Bonet Perot pour son excellent travail. La campagne UN sur CINQ progresse rapidement et remporte de grands succès. Grâce à elle, nombre d’entre nous ont reconnu que ce problème existe également dans nos pays.

Mme VIROLAINEN (Finlande)* – Je remercie les deux rapporteurs.

Nous ne ferons aucun compromis quant à la protection des enfants dont les droits sont gravement violés. Les deux rapporteurs brossent en effet un tableau extrêmement sombre de la situation : lorsque des agresseurs sont chassés d’un pays, ils se rendent dans un autre ; leurs victimes sont bien souvent de jeunes filles issues de milieux défavorisés. C’est répugnant ! Nous parlons d’êtres humains sans défense qui devraient bénéficier de la protection des adultes !

Nous avons urgemment besoin de normes internationales communes et de mesures visant à aider les victimes. Il est inacceptable de traiter des enfants de la sorte ! Plus de 30 % des jeunes filles finlandaises âgées de 15 à 17 ans ont été sexuellement sollicitées en ligne. Les autorités ont lancé une campagne intitulée « C’est moi qui décide pour mon corps » afin que les jeunes définissent leurs propres limites. Ce problème doit venir au cœur du débat public.

Le Parlement finlandais examine également une proposition gouvernementale tendant à instaurer un système d’écoutes en cas de suspicion de violences et d’exploitation sexuelles. Je me félicite d’une telle initiative mais, sur un plan international, elle ne saurait évidemment suffire. La lutte contre le tourisme sexuel impliquant des enfants suppose d’élaborer des règles contraignantes pour tous. Les agresseurs, quel que soit leur pays, demeurent des agresseurs.

Comme l’a dit M. Omtzigt, les lois sont excellentes mais encore faut-il qu’elles soient rapidement appliquées. Être un adulte responsable, c’est accepter de discuter de questions difficiles, dont l’interdiction des services et sévices sexuels. Comment expliquer à nos enfants que le sexe ne saurait faire l’objet de transactions financières quand des millions d’adultes n’en ont cure ? En tout cas, j’ai quant à moi le plus grand mal à l’expliquer à ma fille.

Mme BLANCO (Espagne)* – Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail.

D’après les données dont nous disposons, un enfant sur cinq, garçon ou fille, est victime de violences sexuelles. Cela constitue une réalité douloureuse pour chacun d’entre nous. Certes, ce n’est pas nouveau car de telles exactions existent depuis des millénaires mais, aujourd’hui, nous disposons des moyens permettant de les empêcher. Pendant trop longtemps, nous avons fait la politique de l’autruche et nous nous sommes rendus complices de ces fléaux. Ceux qui n’ont pas encore ratifié ce remarquable instrument qu’est la Convention de Lanzarote doivent impérativement le faire.

La crise politique, économique et sociale que nous vivons a un impact sur les crimes sexuels, de plus en plus de jeunes enfants constituant des proies faciles et vulnérables pour des prédateurs abjects, que ces derniers vivent dans le même pays qu’eux ou qu’ils soient des « touristes sexuels ». Il est de notre devoir d’agir en faveur de ceux qui souffrent le plus, non seulement sur notre territoire mais partout dans le monde.

M. KAYATÜRK (Turquie)* – À l’occasion de cette journée où plusieurs pays envoient des délégations d’enfants en Turquie pour la célébrer dignement, je souhaite une bonne fête à ces derniers !

Je félicite les rapporteurs pour leur excellent travail sur cette question difficile qui mérite d’autant plus notre attention que le nombre de victimes a fortement augmenté ces dernières années dans des Etats membres du Conseil de l’Europe. De surcroît, compte tenu de la nature des agressions, je gage que certains cas demeurent inconnus.

Le tourisme sexuel impliquant des enfants est un phénomène mondial. Des dizaines de milliers d’entre eux sont victimes d’exploitation sexuelle alors que cela constitue une violation de leur dignité et de leurs droits fondamentaux. Les enfants doivent être protégés de tous ceux qui veulent ravir leur innocence. Les victimes ne s’en remettent jamais.

Nous accordons aujourd’hui plus d’importance à ce problème mais il est important de sensibiliser encore davantage les Etats et la communauté internationale. La campagne UN sur CINQ, qui vise à créer une Europe pour les enfants et avec les enfants, est de ce point de vue, excellente. Les résultats qui ont été obtenus sont d’ores et déjà remarquables mais il faudra encore la renforcer dans les deux prochaines années.

Je suis satisfait de la ratification de la Convention de Lanzarote par la Turquie. J’invite tous les Etats membres et les pays tiers à en faire de même et à prendre toutes les mesures nécessaires afin qu’elle soit appliquée.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Goryacheva.

Mme GORYACHEVA (Fédération de Russie)* – En venant à Strasbourg, j’ai lu un article intéressant. On y décrit comment les animaux protègent leur descendance. De quoi peut se vanter la créature suprême de l’humanité, l’être humain ? Il a généré les guerres, la perversion des adolescents, des profits fabuleux dégagés au détriment des enfants. Je remercie nos rapporteurs d’avoir abordé ce thème difficile. Nous sommes favorables aux recommandations contenues dans le projet de résolution.

Permettez-moi de m’arrêter sur trois aspects : l’ampleur du phénomène, ses causes, les conséquences potentielles de ces violences exercées contre des enfants. Un enfant sur cinq dans le monde est victime de violences, notamment sexuelles. Selon les données de l’Organisation mondiale du tourisme, on trouve deux grands groupes de pays : les Etats dans lesquels il existe une demande de relations sexuelles avec des enfants, en général des pays développés, et les autres, des pays d’Asie du Sud-Est, les fournisseurs d’enfants. Dans les pays développés, on trouve des pédophiles qui souhaitent assouvir leurs besoins. Les pays en développement voient leurs jeunes se transformer en esclaves et leurs propres ressources génétiques ainsi compromises.

Selon les mêmes données, on compte trois millions de touristes sexuels dans le monde et un sur six s’intéresse aux rapports sexuels avec des enfants. Mais ces chiffres sont à l’évidence sous-estimés. Les peines pénales encourues conduisent les touristes du sexe à se dissimuler. La pédophilie gagne aujourd’hui, telle une tumeur cancéreuse, des territoires nouveaux. Comment expliquer cela ? Parce que ce commerce procure des profits vertigineux avec des dépenses minimales. La rentabilité rend presque invulnérable. Le chiffre d’affaires mondial est estimé à 100 milliards de dollars, un montant supérieur à celui du trafic de stupéfiants.

Cela suffit pour justifier la pédophilie mais aussi pour que les milieux politique et judiciaire protègent les intérêts de ce réseau mondial. Comment interpréter autrement la récente décision d’un tribunal des Pays-Bas justifiant l’existence d’une organisation qui défend ouvertement la pédophilie ?

Quel avenir prépare-t-on ainsi à l’humanité ? Ces enfants aujourd’hui victimes de ces comportements sont les adultes de demain. Certains deviendront peut-être des responsables politiques. Comment pourront-ils réfréner leur désir de vengeance des souffrances encourues durant leur enfance ? Quelle sera leur vision morale du monde ? On récolte ce qu’on a semé. Le temps de la moisson n’est plus très loin. Il est temps pour nous tous de réfléchir sérieusement aux conséquences de ces problèmes, de passer des paroles aux actes.

LE PRÉSIDENT – En l’absence de Mme Bakoyannis et de M. Bugnon, inscrits dans le débat, la parole est à M. Sidyakin.

M. SIDYAKIN (Fédération de Russie)* – Je me félicite des rapports et des applaudissements entendus plus tôt. Ils montrent que ce thème est important pour nous tous. Nous sommes tous des parents. Nous connaissons l’impact de la violence sur la psychologie des enfants. Nous réagissons émotionnellement. Nous n’arrivons pas à comprendre comme cela est possible d’un point de vue psychologique.

Je soutiens l’approche du rapport, la prévention, l’aide aux victimes, la mise en place d’un système de coopération internationale.

Dans certaines républiques d’Asie centrale, en Union soviétique, à une certaine époque, on mariait des petites filles de 12 à 14 ans. Heureusement cela appartient au passé. On ne peut plus se marier avant 18 ans. Il y a dix jours, le président a soumis des documents à la ratification de notre parlement : la Convention de Lanzarote et le protocole facultatif à la convention des Nations Unies relatives aux droits des enfants. C’est avec grande satisfaction que je voterai leur ratification, après notre session.

Les enfants victimes sont souvent de pays pauvres et pas seulement de l’Asie du Sud-Est. On nous parle de la violation des droits de certaines personnes. Si un millionnaire est arrêté au Cambodge avec une petite fille de 12 ans, alors qu’on lui a interdit de se rendre dans ce pays, je serai pour lui appliquer toutes les mesures préconisées. Au paragraphe 6, on mentionne les mécanismes qui doivent être mis en œuvre. Nous appuyons tous ce point.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Rouquet.

M. ROUQUET (France) – Madame et Monsieur les rapporteurs, je vous remercie pour ces deux rapports qui concernent des actes particulièrement odieux : les violences sexuelles exercées sur les enfants, y compris dans le cadre du tourisme sexuel. La France dispose d’un arsenal législatif lui permettant de répondre efficacement à la fois aux actes de violences sexuelles contre les enfants en France mais également au tourisme sexuel impliquant des enfants et pratiqué par des Français à l’étranger.

La transposition récente dans le droit français de la directive 2011/93/UE qui vise à harmoniser le droit européen sur les violences sexuelles contre les enfants, afin de tenir compte des avancées introduites par la Convention de Lanzarote est encore un pas en avant. Je retiendrai notamment la création, sur la proposition de notre collègue Mme Karamanli, d’une incrimination de l’assistance à un spectacle pornographique impliquant la participation d’un enfant, ou celle des tentatives d’atteintes ou d’abus sexuels qui n’existaient pas en droit français.

De son côté, la lutte contre le tourisme sexuel est un problème complexe qui nécessite des interventions à plusieurs niveaux. De la police locale aux tour-opérateurs, de la justice du pays du coupable aux ONG présentes dans le pays d’origine des enfants, de nombreux acteurs sont impliqués. La coopération internationale est donc indispensable !

En France, les professionnels du tourisme ont pris conscience de la nécessité de favoriser un tourisme éthique. Un manuel de signalement de cas d’exploitation sexuelle d’enfants dans des hôtels a été mis en place, grâce à une coopération entre Accor et l’ECPAT-France. De même, Air France diffuse largement un spot de prévention sur le thème « un enfant n’est pas un souvenir de vacances ».

Pourtant, il reste encore trop d’enfants en Europe qui subissent des violences sexuelles. Pourquoi ? Souvent parce que le signalement n’est pas fait assez tôt et que la parole de l’enfant n’est pas assez entendue. Nous avons un vrai effort à faire sur ces deux points ! En France, par exemple, nous avons mis en service une permanence téléphonique gratuite, le 119, qui facilite les signalements. Mais cela ne suffit pas sans une prévention, une sensibilisation efficace.

Pour toutes ces raisons nous devons promouvoir la campagne UN sur CINQ qui pourrait être un outil précieux pour expliquer et prévenir les abus sexuels. Cette prévention permettrait aussi de libérer la parole de l’enfant et de sensibiliser les gens qui sont témoins ou qui suspectent des actes de violence contre les enfants. La participation des enfants reste trop souvent limitée dans les actions de prévention. Il faut prendre en compte la parole et l’opinion de l’enfant. Il est partie intégrante des solutions à apporter dans la prévention et la protection des enfants contre toutes les formes de violence.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Kyriakides.

Mme KYRIAKIDES (Chypre)* – Nous devons aujourd’hui nous mobiliser pour la cause des enfants. Plaider pour eux, c’est leur donner une voix, mais aussi les entendre et les écouter. La Convention internationale de l’ONU des droits de l’enfant doit être réellement mise en œuvre car, malheureusement, les droits de l’enfant ne sont pas respectés partout dans le monde. Il y a encore des enfants qui meurent de faim, des enfants handicapés privés de soins, des enfants victimes de violences sexuelles et psychiques. Nous nous sommes tus trop longtemps. Certains ont même nié l’existence de ces abus. Les abus sexuels d’enfants n’ont pas lieu uniquement au sein de la famille ; ils sont aussi la base d’un tourisme très lucratif. Les enfants abusés sont profondément perturbés. Aucune justification ne peut expliquer les atrocités qu’ils subissent.

Le rapport de M. Ghiletchi présente de manière brillante la marche à suivre. La Convention de Lanzarote sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels doit dicter notre conduite. Nous devons agir concrètement désormais, à partir des éléments de ce texte, afin de mettre un terme à l’impunité de tous ceux qui abusent sexuellement d’enfants. Tous les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent signer, ratifier et appliquer cette convention.

Je remercie les deux rapporteurs pour leur excellent travail. Nous devons poursuivre nos efforts à tous les niveaux. Le programme du Conseil de l’Europe « Construire l’Europe pour et avec les enfants » est actuellement en cours. Les crimes sexuels n’ont pas de frontière. Nous devons prôner la tolérance zéro dans ce domaine si nous voulons construire une Europe meilleure pour nos enfants.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Belyakov.

M. BELYAKOV (Fédération de Russie)* – Je dois vous avouer que je ne suis pas entièrement satisfait par cette discussion. Il me semble en effet que l’on s’en tient ici à de belles déclarations. Or à quoi bon combattre la violence sexuelle à l’encontre des enfants si, pendant que nous discutons, dix enfants en Europe sont victimes d’abus sexuels, dont deux en Russie ?

Parler du problème doit nous conduire à agir. Lorsque j’ai commencé à évoquer les problèmes de pédophilie en Russie, personne ne voulait m’écouter. J’ai même eu du mal à obtenir des données statistiques. Lorsque finalement j’ai pu en disposer, j’ai été effaré. Aujourd’hui, les choses avancent dans mon pays et un projet de loi a même été adopté sur la castration chimique. Par ailleurs, nous avons pris des mesures pour bloquer les sites Internet à caractère pornographique. Pourtant, chaque jour, cinquante enfants en Russie continuent d’être victimes de violence sexuelle.

Je crois par ailleurs que nous n’avons pas porté assez attention au versant médical de ce problème. La pédophilie est une pathologie psychiatrique. Chez le pédophile, l’instinct de reproduction n’est pas dirigé sur une personne du sexe opposé mais sur un enfant. D’après les données médicales de plusieurs pays, 90 % des pédophiles récidivent en l’espace de deux ans.

Disposer d’une base de données mondiale nous permettrait d’identifier ces criminels. Il faudrait peut-être même envisager un contrôle par GPS pour connaître leur position géographique. La réclusion à perpétuité et la castration chimique ou chirurgicale, comme en République tchèque, semblent les seules mesures à même d’empêcher les récidives. En République tchèque, il n’y a pas eu un seul cas de récidive de pédophile depuis trente ans.

Les pédophiles doivent en outre pouvoir être poursuivis sur les territoires de tous les Etats, y compris dans le pays d’origine. Les problèmes de pays d’origine et de pays de destination doivent être examinés de près.

J’estime que la légalisation du mariage homosexuel, en France notamment, ne constitue pas un bon signal dans le cadre de la lutte contre le tourisme sexuel impliquant des enfants. Nous devons prendre des mesures efficaces contre la criminalité organisée car tous les enfants du monde pleurent dans la même langue.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Yatim.

M. YATIM (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Je tiens tout d’abord à remercier les rapporteurs pour leurs excellents rapports.

La violence à l’encontre des enfants suscite un grand intérêt dans le débat public au Maroc. Elle a fait l’objet de plusieurs décisions des pouvoirs publics et de différents textes de loi. Dans le cadre du partenariat entre notre parlement et le Conseil de l’Europe, la loi 148-12 a été promulguée afin d’aligner la législation marocaine sur la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels. Ce texte témoigne de la prise de conscience de l’ensemble des acteurs de la société marocaine sur la nécessité de protéger les enfants des abus sexuels, alors que cette question était jusque-là taboue.

Les autorités marocaines et la société civile, dont le rôle est de plus en plus grand dans la vie démocratique du pays, ont constaté une augmentation constante des cas de violence sexuelle à l’encontre d’enfants ces dernières années. En 2009, le ministre du Développement social a recensé 4 700 cas d’agression sexuelle impliquant des enfants dans la seule ville de Casablanca. Entre 2007 et 2010, l’association « Touche pas à mes enfants », basée à Rabat, a enregistré plus de 1 000 cas d’agression sexuelle, 70 % d’entre eux concernant des enfants.

Actuellement, la loi condamne à une peine de cinq à trente ans de prison les pédophiles, mais elle ne peut à elle seule résoudre le problème et malgré les efforts de l’administration, avec la création en 1994 d’une police touristique, les affaires de prostitution et de pédophilie impliquant des touristes occidentaux restent très nombreuses.

Nous pensons qu’il faut adopter une approche préventive en matière de tourisme sexuel impliquant des enfants et nous sommes disposés à coopérer dans le cadre de la campagne UN sur CINQ, dont le bilan à mi-parcours vient d’être présenté par Mme Bonet Perot.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Zappone.

Mme ZAPPONE (Irlande)* – Je souhaite féliciter M. Ghiletchi pour son excellent rapport. Comme tous ceux qui se sont exprimés avant moi, je suis choquée par le fait que de plus en plus de personnes abusent d’enfants à la faveur d’un voyage en dehors de leur pays.

Pour lutter contre cette forme d’exploitation qui s’accroît, notre approche doit être fondée sur la protection de tous les droits des enfants. Le rapport indique que le tourisme sexuel impliquant les enfants est lié à d’autres formes d’exploitation telles que la prostitution, la pédopornographie et la traite des enfants. Il souligne aussi que les enfants les plus vulnérables sont issus de familles pauvres, peu éduquées et sans domicile.

Une approche fondée sur les droits nous impose d’examiner les violations mais aussi leurs causes. J’aurais souhaité que l’accent fût placé davantage sur les droits des enfants dans le projet de résolution, car il importe de fixer le cadre juridique le plus rigoureux possible.

Le rapport est utilement complété par l’excellent rapport de Mme Bonet Perot sur la campagne UN sur CINQ et ses remarquables avancées. Le rapport souligne aussi qu’un grand nombre d’Etats n’ont pas encore ratifié la Convention de Lanzarote. Malheureusement mon pays en fait partie, et il n’a pas non plus ratifié le protocole facultatif de la convention ni transposé la directive de l’Union européenne sur la lutte contre l’abus sexuel. J’espère que ma collègue Mme Clune, qui évoquait la possibilité d’un référendum, encouragera le gouvernement à signer et ratifier la convention. J’engage aussi les institutions nationales des droits de l’homme à promouvoir la ratification de cet instrument important qu’est la Convention de Lanzarote.

Pour plus de coopération entre les instances nationales spécialisées, il faut aussi plus d’harmonisation dans les approches des Etats membres. Nous pourrions faire beaucoup plus pour lutter contre le tourisme sexuel impliquant des enfants. Une plus importante sensibilisation dans les Etats membres pourrait être efficace. Une meilleure coopération avec les fournisseurs d’accès Internet permettrait d’identifier les sites. La possibilité d’avoir accès à un suivi psychologique et médical serait également utile. Ce sont là autant de mesures qu’il faudrait inclure dans la résolution.

En outre, nous devons améliorer l’harmonisation de nos approches de l’exploitation des enfants sous toutes ses formes et renforcer la coordination entre les Etats membres.

LE PRÉSIDENT – La parole est à M. Renato Farina.

M. R. FARINA (Italie)* – Je remercie nos collègues pour ces rapports qui sont très forts et concis, ce qui les rend d’autant plus efficaces.

Je souhaite évoquer la situation dans mon pays, l’Italie. Je commencerai par une donnée objective : l’initiative UN sur CINQ est née en Italie, en 2010, mais selon les statistiques, chaque année, 80 000 Italiens pratiquent le tourisme sexuel impliquant des mineurs et des adolescents, soit 80 000 criminels.

Or, en Italie, les mesures de répression sont dérisoires. La loi qui sanctionne le tourisme sexuel contre les mineurs, y compris pour des faits commis à l’étranger, date de 1998. Au cours des dix premières années d’application, deux condamnations ont été prononcées – l’une en Colombie et l’autre au Cambodge – soit deux personnes sur 80 000, autant dire une impunité totale !

Il faut réprimer le tourisme sexuel et mener des initiatives culturelles comparables, par leur ampleur, à la lutte contre le terrorisme. C’est en millions que l’on compte les victimes du tourisme sexuel, et elles sont, en effet, plus nombreuses que les victimes du terrorisme. Alors pourquoi la volonté politique fait-elle défaut ?

Les Etats ne sont pas les seuls coupables ; ils expriment les décisions des peuples. Cette situation est le signe d’un malaise dans nos sociétés. En Italie, et cela vaut dans bien d’autres pays, les coupables de ces crimes sont de plus en plus jeunes, ils ont entre 18 et 30 ans. Quelle erreur commettons-nous ? Comment expliquer, à l’heure où nous avons de plus en plus d’informations sur les violences dont sont victimes les enfants, que les plus jeunes de nos concitoyens tombent dans cette infamie ?

On ne peut pas continuer à condamner le tourisme sexuel si l’on perd de vue la valeur de la personne humaine, si la sexualité est réduite à un jeu, à un simple plaisir, si elle n’est pas liée à la valeur humaine, à un amour véritable et durable, et si l’on ne sait plus où sont le bien et le mal. Si tout est bouleversé par un relativisme moral universel, alors l’opprobre social n’a plus de raison d’être. Les personnes qui se rendent coupables de ces actes ne sont pas animées par une maladie psychique mais par un autre mal, contre lequel on ne lutte pas. Voilà le plus grave.

Aussi longtemps que l’on ne s’attaquera pas à ces formes d’infamie, avec une énergie égale à celle que nous mettons dans la lutte contre le terrorisme, on en restera à l’hypocrisie et les gouvernements continueront à tenir des propos auxquels ils ne croient pas.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Kyriakidou.

Mme KYRIAKIDOU (Chypre)* – Je félicite les rapporteurs et le secrétariat de la commission pour leurs excellents rapports.

Les sujets dont nous débattons aujourd’hui représentent une partie importante du travail de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, dans le cadre de la campagne UN sur CINQ et de la protection des droits des enfants.

Ce débat arrive à point nommé : il se déroule alors que nous sommes face à une crise économique sans précédent qui rend les personnes marginalisées et vulnérables encore plus fragiles. Les mesures d’austérité, les coupes budgétaires imposées aux gouvernements en proie à des difficultés de solvabilité impliquent une diminution des ressources affectées à la lutte contre les problèmes sociaux, qui ne font que s’accroître.

Nous devons maintenir la pression sur l’exécutif dans nos pays respectifs. Nos gouvernements ne renieront pas les engagements qu’ils ont pris au titre des différents instruments juridiques internationaux auxquels ils ont adhéré. Plus de la moitié des Etats membres du Conseil de l’Europe ont d’ores et déjà ratifié la Convention de Lanzarote et les parlementaires ont pu faire la promotion de la campagne depuis son lancement, à Rome, en novembre 2010. Certes, beaucoup reste encore à accomplir, mais le fait que des fonds supplémentaires aient été alloués à la campagne afin, notamment, qu’elle poursuive son travail de sensibilisation pendant deux années, est le signe d’une évolution positive. J’espère sincèrement que, d’ici la fin de la campagne, tous les Etats membres de notre Organisation auront signé et ratifié la Convention de Lanzarote.

L’exploitation sexuelle des enfants par des individus qui se déplacent d’un pays à l’autre en quête de rapports sexuels avec des mineurs est un phénomène extrêmement préoccupant. Malheureusement beaucoup de ces touristes sexuels sont des ressortissants de nos propres pays. Les lacunes législatives, la vulnérabilité des enfants en situation de pauvreté, le contexte matérialiste et le rôle de l’industrie du tourisme sont des facteurs à prendre en compte pour mettre en place des moyens efficaces de lutte contre le tourisme sexuel.

Bien que ces crimes soient souvent commis à l’étranger, leurs auteurs sont nos propres compatriotes. Nous devons appliquer le principe de la tolérance zéro. Dans le projet de résolution, une recommandation me semble particulièrement utile, celle portant sur l’abolition de la règle de la double incrimination en cas d’exploitation sexuelle d’enfant. Nous devons limiter toute possibilité qui pourrait être exploitée par les délinquants sexuels afin de minimiser leur délit, et développer la coopération internationale, si nous voulons véritablement sauver nos enfants de la prostitution, de l’exploitation, de la pornographie ou de la traite sexuelle.

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Bulajić.

Mme BULAJIĆ (Serbie)* – C’est un grand plaisir de soutenir les deux rapports qui nous sont présentés. Je salue leur contenu, leurs conclusions et leurs recommandations. Félicitations donc !

En lançant la Campagne UN sur CINQ, le Conseil de l’Europe s’est résolument tourné vers le public le plus large possible dans le cadre d’un partenariat aux niveaux gouvernemental, parlementaire, régional et local. À ce jour, la plus grande réussite de cette campagne est sans aucun doute l’augmentation significative du nombre de ratifications de la Convention de Lanzarote. Cependant, l’engagement ferme de la commission des questions sociales d’élargir la portée de cette campagne et d’améliorer son efficacité de sorte que la violence sexuelle à l’encontre des enfants rencontre une tolérance zéro est tout aussi important.

Un autre point essentiel est le soutien de l’Assemblée à la recommandation adressée au Comité des Ministres d’allouer un financement adéquat à partir du budget ordinaire de l’Organisation plutôt que de s’en remettre aux contributions volontaires généreuses des Etats membres.

Il est crucial d’incorporer la lutte contre toutes les formes de violence à l’égard des enfants dans les programmes d’assistance et de coopération du Conseil de l’Europe en portant une attention spécifique au rôle des autorités locales, des ONG et des organisations de jeunesse actives sur le terrain. Tout aussi essentiel est de concevoir une stratégie capable de définir les moyens de réhabiliter les victimes. Mais il faut également maintenir la dimension parlementaire et conserver l’élan que nous constatons pour assurer la poursuite des progrès même après la fin de la campagne, en 2014.

Pour conclure, permettez-moi de vous rappeler que la Serbie a fait partie des premiers pays à ratifier la Convention de Lanzarote et à prendre part à la campagne UN sur CINQ en reconnaissant ce besoin pressant de prévenir la violence contre les enfants et de promouvoir leurs droits. Depuis lors, la Serbie a réalisé des améliorations importantes pour répondre à ses obligations, y compris l’adoption d’une législation spécifique visant à prévenir certaines infractions contre les mineurs. Ce texte a recueilli l’assentiment de tous les parlementaires, mettant fin au délai de prescription en cas de crimes commis contre des enfants et pour que leurs auteurs soient plus facilement traduits en justice.

Ces efforts ne marquent certainement pas la fin de nos actions pour mettre en œuvre la Convention de Lanzarote. La Serbie reste engagée pour soutenir encore le partenariat entre les secteurs public et privé et la société civile, pour poursuivre les actions dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Je conclurai en citant Aleksandra Kovač qui a composé l’hymne officiel de la campagne : « Employons-nous tous à mettre fin au silence ! »

LE PRÉSIDENT – La parole est à Mme Borzova.

Mme BORZOVA (Fédération de Russie)* – Permettez-moi à mon tour de remercier le rapporteur pour un travail excellent, utile, indispensable, un travail d’actualité qui vise à prévenir les abus sexuels à l’encontre des enfants. Ce travail, le projet de recommandation, qui est présenté par nos excellents collègues, doit, à mon sens, intéresser non seulement les Etats membres du Conseil de l’Europe mais aussi les Etats non membres. Ce travail vise à catalyser les efforts des Etats pour harmoniser les législations nationales et internationales.

J’insisterai dans ma brève intervention sur les travaux intensifs réalisés sur le sujet dans mon pays, la Russie. Il est indispensable que des instruments utiles soient adoptés, y compris dans nos pays. Le 1er octobre 2012, la Fédération de Russie a signé la Convention de Lanzarote du Conseil de l’Europe. Cette convention est un instrument international sans équivalent. C’est une norme internationale assortie de recommandations en matière de lutte contre ce fléau, qui permet aussi à un Etat de modifier sa politique intérieure dans cette lutte.

Le Protocole facultatif à la Convention de l’Onu sur les droits de l’enfant a également été signé par la Russie. Comme l’ont dit mes collègues, le 16 avril, le président de la Fédération de Russie a présenté ce document à la Douma et, vendredi, le 26 avril, nous allons ratifier ces documents internationaux si importants. Il est indispensable qu’il y ait un processus d’harmonisation de cette législation. Je voudrais insister sur le fait que dans toutes les régions de la Fédération de Russie – nous sommes un pays immense sur le plan géographique -, les responsables aux droits de l’homme réalisent un travail sur le sujet.

Par ailleurs, nous avons modifié le code de procédure pénale et transformé en infraction pénale le fait de bénéficier de services sexuels. Nous avons mis en place une responsabilité administrative pour les personnes morales bénéficiant de services sexuels ou exploitant des enfants à des fins sexuelles, imprimant ou présentant sur Internet du matériel pornographique où l’on voit des moins de dix-huit ans.

Si tous les parlementaires unissent leurs forces avec les ONG, si la législation est harmonisée, si les médias s’emparent du sujet, informent et sensibilisent, ce grave problème en Europe devrait s’éteindre.

Mme de Pourbaix-Lundin, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace M. Mignon au fauteuil présidentiel.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Boden.

M. BODEN (Luxembourg) – Monsieur le Président, chers collègues, j’adresserai tout d’abord mes félicitations à Mme Bonet Perot et M. Ghiletchi pour leurs excellents rapports écrits et oraux.

Mon pays, le Luxembourg, est signataire de la Convention relative aux droits de l’enfant et l’a ratifiée il y a maintenant vingt ans. Par la loi du 16 juillet 2011, le Luxembourg a approuvé la Convention de Lanzarote, ainsi que le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, à la prostitution des enfants et à la pornographie mettant en scène des enfants. Par cette loi, notre droit pénal national a été mis en conformité avec les exigences aussi bien du Conseil de l’Europe que des Nations Unies.

Par la loi du 21 février 2013, donc toute récente, le droit national a également été mis en conformité avec les exigences de la directive du Parlement européen et du Conseil relative à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie. Sont visées en particulier les infractions d’attentat à la pudeur, au viol et leurs circonstances aggravantes, notamment lorsque ces infractions ont été commises sur des mineurs. La loi complète aussi le dispositif relatif à l’exploitation, la prostitution et le proxénétisme. Elle aggrave les peines prévues, et ce en fonction de l’âge de la victime.

Par ailleurs, par la loi du 16 décembre 2008 relative à l’aide à l’enfance et à la famille, le parlement a explicité la prohibition de la violence physique et sexuelle, des transgressions intergénérationnelles, des traitements inhumains et dégradants, ainsi que des mutilations génitales. Cette loi prévoit que, dans toutes les décisions concernant les enfants, l’intérêt supérieur de ceux-ci doit être une considération primordiale.

Notre parlement a également voté en 2002 une loi instituant le Comité luxembourgeois des droits de l’enfant. Il s’agit d’une autorité indépendante ayant pour mission de veiller à la protection de l’enfant et de promouvoir les droits énoncés dans la Convention des droits de l’enfant. Ce Comité joue en quelque sorte le rôle de porte-parole pour les enfants qui se retrouvent en situation de détresse, les enfants qui subissent des actes de violence ou de maltraitance ou toute autre forme d’injustice. Ce comité rédige chaque année un rapport complet qu’il soumet au parlement. Il y a donc un suivi régulier et un débat annuel sur la situation des droits des enfants au Luxembourg.

Nous devons veiller à ce que chaque enfant soit à l’abri de n’importe quelle forme de violence. L’Etat doit organiser cette protection et doit offrir un cadre efficace et équitable à tous nos enfants. Le Luxembourg soutient et contribue au financement de la campagne UN sur CINQ et je ne manquerai pas de voter les résolutions et recommandations faisant l’objet des deux rapports.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Dobbin.

M. DOBBIN (Royaume-Uni)* – Je m’exprime en tant que représentant du Royaume-Uni pour la campagne UN sur CINQ du Conseil de l’Europe. La traite des enfants en vue de leur exploitation sexuelle est pour nous un problème prioritaire.

Certaines célébrités ont été arrêtées et font l’objet d’enquêtes. Dans ma propre circonscription, près de Manchester, un certain nombre de personnes ont été condamnées à 17 ans de prison pour avoir abusé de petites filles. A Oxford, des hommes ont été accusés d’abus sur des jeunes filles et de s’être livrés à de l’exploitation sexuelle ; leur procès est en cours. Nous en parlions encore la semaine dernière, alors que nous étions en pleine campagne UN sur CINQ.

Le problème est que les services sociaux et la police ont échoué, comme le montrent les enquêtes en cours, notamment parce qu’ils n’ont pas travaillé ensemble. Il faut donc lancer un appel pour une approche plus efficace et remédier à l’absence de communication et d’échanges d’informations. Il faut une réglementation plus stricte pour le recrutement des personnes qui sont amenées à s’occuper d’enfants ou à être en contact avec eux, y compris les chauffeurs de taxi ou les livreurs. La signature de la Convention de Lanzarote doit être encouragée – et pas seulement en Europe. Le Royaume-Uni fait d’ailleurs partie des pays qui ne l’ont pas encore ratifiée. A cet égard, je me suis rapproché de l’ambassadeur du Royaume-Uni cette semaine ; sa réponse a été encourageante. Selon nous, il faut ratifier la convention de toute urgence.

Les pouvoirs locaux et régionaux doivent travailler ensemble, de même que la police, les services sociaux, les associations, les organisations caritatives et les écoles pour faire face à cette tragédie. Il faut également protéger les enfants des abus sexuels en ligne, car c’est là un problème qui prend de l’ampleur. La campagne UN sur CINQ propose justement ce genre de protection. Une stratégie claire doit être mise en place pour communiquer sur cette question. Les jeunes ont besoin de conseils pour savoir comment faire face aux agresseurs. Pour ces raisons, j’approuve le projet de résolution relatif à la campagne UN sur CINQ.

LA PRÉSIDENTE* – Si chacun respecte le temps de parole de trois minutes, nous serons en mesure de terminer la liste des orateurs.

La parole est à M. Kolman.

M. KOLMAN (Croatie)* – Je remercie les rapporteurs. La campagne UN sur CINQ est à mon avis un succès, mais deux grandes directions doivent encore être explorées : il faut prévenir la violence et l’exploitation sexuelle des enfants et empêcher que les enfants et les familles soient une nouvelle fois victimes après que le crime a été commis.

Dans toute l’Europe et partout ailleurs dans le monde, nous sommes confrontés à un nombre d’affaires croissant. Le fait que nous soyons de plus en plus sensibilisés à ce problème explique en partie que l’on compte plus d’affaires, mais il ne faut pas oublier qu’il y a aussi de plus en plus de mécanismes permettant de les découvrir.

Tout le monde doit participer à cette tâche : policiers, assistants sociaux, médecins, procureurs, avocats, juges, greffiers et enseignants doivent savoir ce qui se passe et apprendre à réagir. Il faut savoir ce qui est arrivé à l’enfant tout en évitant de prolonger ses souffrances en s’acquittant mal des tâches qui suivent la découverte de l’affaire. En effet, il faut transformer ce qui lui est arrivé en un événement du passé. Pour ce faire, il faut établir une liste des procédures à suivre à chaque fois qu’un tel cas surgit. Certes, cela doit s’inscrire dans un cadre juridique relatif aux abus sexuels sur enfants, mais il faut également que ces méthodes fassent partie intégrante de la formation de tous ceux qui vont travailler au contact des enfants.

Il est indispensable que les enfants victimes de crimes ne se trouvent pas mis sous pression par le juge et ceux qui mènent l’enquête ; il ne faut pas qu’ils revivent l’événement ou que les personnes qui les interrogent leur fassent honte. Malheureusement, cette situation, extrêmement difficile pour la victime, se rencontre trop souvent.

J’aimerais attirer l’attention de l’Assemblée sur le concept de « Maison des enfants ». Il s’agit d’un environnement amical, loin des hôpitaux et des commissariats de police, où l’on réalise le travail d’enquête et les interrogatoires en limitant au minimum le nombre de personnes présentes et en ne répétant pas les entretiens avec différents interlocuteurs aux différentes étapes de l’affaire. Ce concept, lancé en Islande, se répand en Europe. Tous les pays devraient mettre en place ce type de mécanisme pour éviter que les enfants victimes de crimes ne revivent le traumatisme et soient une seconde fois victimes. J’insiste sur le fait que la campagne UN sur CINQ pourrait être encore meilleure en tenant compte de cette idée.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Connarty.

M. CONNARTY (Royaume-Uni)* – Je félicite les rapporteurs qui ont accompli un excellent travail. J’ai eu le privilège de participer à la campagne UN sur CINQ pendant un certain temps. Le rapport évoque la fin de ce programme, prévue pour 2014. Cela dit, j’espère qu’elle sera prolongée, car il ne fait pas de doute que ce type d’initiative doit perdurer jusqu’à ce que l’on puisse mettre un terme au fléau qu’elle combat. J’espère donc que les ressources nécessaires seront engagées pour que cette campagne puisse continuer.

Les enfants sont souvent considérés comme des marchandises par les auteurs d’infractions sexuelles, à l’instar de ceux qui se livrent à la traite d’êtres humains. Le rapport de forces est d’ailleurs inégal entre l’auteur des abus, qui est généralement un adulte, et l’enfant. On a également constaté, à travers de nombreux rapports publiés au Royaume-Uni, que certains abus sont liés à une situation de pouvoir. Souvent, ce sont des personnalités célèbres – parfois riches, mais pas forcément – qui se livrent à ces agissements. Certaines stars de la « pop » ont abusé de jeunes enfants, notamment dans le cadre du tourisme sexuel. M. O’Brien, un prélat écossais, a récemment avoué que, pendant plusieurs mois, il s’était livré à des abus sexuels sur des jeunes. On a appris récemment que des responsables de séminaires catholiques, notamment en Ecosse, s’étaient eux aussi livrés à des abus sur des garçons et des filles. Ce sont parfois des amis de la famille, des proches, qui jouent ce rôle de prédateurs. De tels faits se sont produits dans mon propre village. Ce sont parfois des bébés de quelques mois qui sont victimes de ces crimes qui sont ensuite diffusés sur Internet. J’ai connu des cas dans ma circonscription.

Il est important que les gouvernements ratifient et mettent en œuvre la Convention de Lanzarote. Le Royaume-Uni ne l’a d’ailleurs pas encore fait. Une pétition du Body Shop, en dépit des 860 000 signatures qu’elle a rassemblées, n’a pas réussi à obtenir que le gouvernement ratifie la convention. Certes, la coopération entre les autorités est importante, mais l’essentiel est de placer l’enfant au cœur de la loi. Il faut que la société s’acquitte de ses devoirs envers l’enfant : plutôt que de parler de droits sur l’enfant, il faut que l’enfant passe avant toute autre chose.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Xuclà.

M. XUCLÀ (Espagne)* – Je voudrais tout d’abord féliciter les rapporteurs de leurs excellents rapports.

Je me souviens comment, il y a deux ans, nous avons entamé cette campagne du groupe de contact et je voudrais souligner la réussite de cette campagne « Un sur Cinq ». Nous nous interrogeons parfois sur l’utilité du Conseil de l'Europe, eh bien en voilà une ! Il est opportun de commencer cette intervention en demandant instamment à la République tchèque de signer la Convention de Lanzarote et aux membres qui l’ont signée de la ratifier.

Après ce débat, on est en droit de se demander s’il y a de plus en plus d’abus sexuels ou si nous en avons davantage connaissance. S’ils sont en augmentation, cela vient peut-être de la pédopornographie par Internet, ce qui veut dire que nous vivons dans une société qui est profondément malade. Mais si nous en avons simplement davantage connaissance, il faut alors alerter la population des dangers d’Internet.

On parle de prostitution forcée ou consentie. Dans certaines sociétés, on fait la différence entre les deux, dans d’autres non. Les abus sexuels sur des enfants, organisés par des bandes de criminels, sont des crimes qui devraient être imprescriptibles, car il s’agit de crimes de lèse-humanité.

Par ailleurs, les forces de l’ordre doivent particulièrement être actives dans leurs investigations sur Internet pour ce type de crimes. Or aujourd’hui la réalité va plus vite que la législation et les mesures prises par les Etats. Il convient donc de multiplier les efforts pour continuer à lutter contre ce fléau.

LA PRÉSIDENTE* – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique des commissions.

Madame Bonet Perot, il vous reste cinq minutes. Vous avez la parole.

Mme BONET PEROT (Andorre), rapporteure* – Différents pays, différents parlementaires ont fait l’éloge des activités qui ont été menées dans les pays, c’est une des réussites de la campagne. Je le dis dans mon rapport, le partage des expériences est ce qui peut nous aider à faire des progrès dans la lutte contre les abus et la violence sexuels contre les enfants.

Comme l’a dit M. Mendes Bota, il est évident que les délinquants viennent de tous les milieux sociaux. Mme Blondin l’a rappelé, il est important aussi de s’intéresser à la violence qui se produit dans les milieux sportifs où il existe des situations d’abus sexuels vis-à-vis des enfants de la part de leur entraîneur. On a parlé du cercle de confiance. Les enfants font confiance à leur entraîneur, ils le perçoivent comme un modèle et c’est une difficulté particulière qui les empêche de rapporter les faits. Dans la majorité des cas, ces délits sont en effet perpétrés par des personnes qui appartiennent au cercle de confiance, y compris des proches, des voisins, des amis, ce qui rend difficile la dénonciation, le signalement et empêche la justice d’intervenir.

Nous avons aussi un problème avec les réseaux sociaux. Ils apportent des avantages, mais également des difficultés. Il s’agit d’un problème particulièrement grave, puisqu’ils sont aussi utilisés pour trouver des enfants qui sont ensuite victimes de violences sexuelles, de traite et de pédopornographie.

Certains pays ont commencé à agir pour faire disparaître les images que l’on trouve sur Internet. Mais comme nous le disons dans le rapport, il faut que nous coopérions pour faire en sorte que ce qui fonctionne dans un pays puisse être reproduit ailleurs. Nous devons lutter ensemble, sinon certains pays risquent de devenir des refuges pour certains délinquants.

Monsieur Díaz Tejera, bien sûr les enfants sont les plus vulnérables et n’ont pas la possibilité de se défendre. Or il ne faut pas oublier qu’ils sont notre avenir. Nous avons donc l’obligation de les protéger de toutes les façons possibles et avec toute l’énergie dont nous sommes capables.

Nous avons parlé de la Finlande qui a réussi à faire des progrès à ce sujet, car la police peut intervenir sur Internet. Il faut suivre cet exemple. En Andorre nous avons connu des délits de pédopornographie commis sur Internet ; personne n’est à l’abri de ce phénomène.

La ratification de la Convention de Lanzarote crée certaines obligations.

Le manuel des parlementaires propose des actions que nous pouvons mener. Par exemple, la création d’une commission parlementaire consacrée à la protection des enfants. Le manuel indique aussi quelques mesures de prévention et de protection qui peuvent être prises pour les victimes, mais également pour identifier les délinquants et les traiter.

Le rôle du médiateur, par le biais d’attributions spécifiques, est lui aussi important. La création d’un numéro de téléphone à l’adresse des enfants est également un élément important, afin qu’ils puissent signaler les agressions dont ils sont victimes. Je citerai également les campagnes de sensibilisation dans les écoles et le travail avec les médias qui est essentiel pour pouvoir toucher toute la population.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Ghiletchi, qui dispose encore de cinq minutes.

M. GHILETCHI (République de Moldova), rapporteur* – Je vous remercie toutes et tous pour vos discours passionnés et vous suis reconnaissant pour toutes vos observations.

Je voudrais également remercier M. Belyakov pour ses remarques critiques et j’aimerais d’ailleurs lui répondre en russe. À quoi sert d’utiliser des mots quand la statistique parle d’elle-même ? La Bible dit qu’au départ il y avait le verbe. Il faut parler. Mais il ne faut pas s’arrêter à la parole, il faut aller au-delà.

Je suis très heureux de toutes les propositions qui ont été formulées dans cette salle. Je remercie la commission, en particulier son président, pour son soutien unanime, le secrétariat, et M. Omtzigt, qui est à l’origine de ce rapport.

Il nous faut une coopération internationale. Ainsi que l’a souligné Mme Borzova, le problème ne se limite pas à l’Europe ; d’ampleur internationale, il implique donc une coopération internationale, des échanges de données, comme la liste des criminels sexuels.

Je suis heureux de constater que de plus en plus d’Etats ont ratifié la Convention de Lanzarote, la Fédération de Russie, par exemple, pour ne citer que le dernier signataire.

La campagne UN sur CINQ joue un rôle très important de sensibilisation à ce fléau. J’ignore s’il sera possible de la poursuivre au-delà de 2014, mais jusqu’à maintenant elle est très efficace et il serait utile qu’elle se poursuive dans nos Etats membres. Un appel a été lancé à suivre certaines des affaires évoquées. J’en suis entièrement d’accord. Il faut que, de retour dans nos pays, nous accomplissions la mission qui est la nôtre et poursuivions ce travail au plan national. La campagne UN sur CINQ regroupe les parlements unis pour lutter contre les violences sexuelles commises sur les enfants. Restons donc unis pour lutter contre ces violences sexuelles et offrons aux enfants un avenir heureux ! Poursuivons dans nos pays et dans nos parlements ce travail indispensable.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme la présidente de la commission des questions sociales, qui dispose de deux minutes.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), présidente de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable – Je joins mes remerciements à ceux que mes collègues ont adressés à nos deux rapporteurs. Je les félicite pour leur engagement à défendre les droits des enfants, de tous les enfants, ceux d’ici, mais aussi ceux qui vivent dans les pays de destination touristique de nos propres ressortissants.

Les deux rapports mettent l’accent sur la nécessité de défendre les droits des enfants à l’intégrité corporelle et sexuelle, au droit de grandir dans un environnement protecteur, tant il est vrai qu’à l’heure actuelle de trop nombreux enfants n’ont pas accès à ces droits. La campagne UN sur CINQ est là pour nous le rappeler.

Si un rapport est présenté sur le tourisme sexuel, n’oublions pas que très souvent les abus sexuels contre les enfants sont le fait de leurs proches. C’est pourquoi il nous appartient de développer des mesures efficaces, ce qui ne signifie pas des mesures irrespectueuses des droits de délinquants sexuels.

De nombreux exemples de mesures ont été cités. Je rappellerai la compétence judiciaire extra-territoriale, la collaboration entre les services et entre les pays, la prévention, la promotion d’un tourisme durable et éthique ou encore l’accès à l’information et à l’éducation de tous les enfants. N’oublions pas, bien sûr, la ratification de la Convention de Lanzarote, mais aussi sa mise en œuvre concrète sur le terrain.

Merci encore une fois aux rapporteurs et à l’ensemble des parlementaires membres du Réseau de parlementaires de référence qui accomplissent un travail exceptionnel au sein de leurs pays et du Réseau. Et puis, de ce sujet, il faut parler, c’est efficace, ce ne sont pas de simples mots en l’air, nous devons en parler pour briser le tabou. Enfin, agissons !

LA PRÉSIDENTE* – La discussion générale est close.

Nous en venons au premier rapport sur la lutte contre « le tourisme sexuel impliquant des enfants ». La commission des questions sociales a présenté un projet de résolution sur lequel aucun amendement n’a été déposé. Nous allons donc procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13152.

Le projet de résolution est adopté à l’unanimité des 92 votants.

LA PRÉSIDENTE* – Félicitations ! Nous en venons au second rapport intitulé « Les Parlements unis pour combattre la violence sexuelle à l’égard des enfants : bilan à mi-parcours de la campagne UN sur CINQ. La commission des questions sociales a présenté un projet de recommandation sur lequel aucun amendement n’a été déposé. Nous allons procéder au vote sur le projet de recommandation, contenu dans le Doc. 13151.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté à l’unanimité des 95 votants.

LA PRÉSIDENTE* – Félicitations !

3. Mettre fin à la discrimination contre les enfants roms

LA PRÉSIDENTE* – L’ordre du jour appelle à présent la présentation et la discussion du rapport de Mme Memecan, au nom de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, intitulé « Mettre fin à la discrimination contre les enfants roms » (Doc. 13158).

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, vote inclus, à 20 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 19 h 50, afin d’entendre la réplique de la commission et procéder aux votes nécessaires.

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs. Vous avez la parole.

Mme MEMECAN (Turquie), rapporteure de la commission sur l’égalité et la non-discrimination *– Le rapport qui vous est présenté porte sur un autre groupe d’enfants désavantagés.

En premier lieu, je remercie l’Unicef de sa contribution au rapport. Je remercie également et félicite le secrétariat de la commission sur l’égalité, tout particulièrement Sonia Sirtori et Marine Trévisan qui ont participé à l’élaboration de ce rapport. Je les remercie de leur engagement dans le travail de la commission, de leur professionnalisme et de leurs personnalités agréables. Je remercie aussi les membres de la commission qui ont approuvé ce rapport à l’unanimité, marquant ainsi leur engagement dans la lutte contre la discrimination des enfants roms, la communauté rom dans son ensemble et leur soutien à l’autonomisation des peuples roms.

La discrimination contre les Roms à travers l’Europe affecte les membres de cette communauté dès le plus jeune âge. Cinquante pour cent des Roms en Europe ont moins de 18 ans ; cela représente 5 à 6 millions de personnes. Nous pouvons continuer à ignorer ces jeunes et oublier leur destin, mais nous pouvons aussi changer leur destin, faire d’eux des citoyens actifs, confiants de nos sociétés. Si nous investissons en eux, ils prendront confiance et participeront pleinement au développement de la croissance économique de nos sociétés.

Lutter contre les discriminations suppose de considérer à la fois leurs auteurs et leurs victimes. Tout d’abord, nous devons mettre un terme aux préjugés. Pourquoi une telle haine ? Connaît-on vraiment les Roms ? Les attitudes et les comportements doivent changer. Il faut éliminer les barrières économiques, sociales, éducatives afin d’intégrer cette population au sein de nos sociétés et de lui rendre son estime d’elle-même. Nous, politiques, avons de ce point de vue-là un rôle important à jouer.

Les formes de discrimination contre les enfants roms sont nombreuses : manque de soins pré- et néonataux, pauvreté, mauvaises conditions de logement, absence d’accès à l’éducation. La plupart des Roms ne quitte jamais leur communauté et les femmes, en particulier, ont peur d’un monde extérieur perçu comme distant et dangereux, ce qui ne manque pas d’entraver leur accès aux services de santé et d’éducation. Par exemple, elles ne disposent pas des informations nécessaires concernant les accouchements ou les unités mobiles de soins. Des efforts doivent être accomplis pour qu’il en soit différemment.

Les écoles doivent permettre aux enfants roms d’être éduqués à travers un système d’apprentissage des langues et les gouvernements doivent veiller à leur offrir une éducation préscolaire. Dans les écoles primaires et secondaires, ces enfants doivent être traités sur un pied d’égalité, se sentir encouragés à participer et vivre dans une sécurité physique et émotionnelle. Nous devons également développer les activités extrascolaires et, si nécessaire, leur fournir le matériel nécessaire. Il faut les récompenser pour leur bonne conduite et leur réussite ; il faut les aider à développer leurs talents et leurs passions, leur donner les moyens de réussir.

En outre, la formation des enseignants s’impose. Les enfants roms vivraient mal le refus d’être intégrés au sein des classes, la séparation d’avec leurs camarades ou, comme cela s’est vu, de ne pas figurer sur des photos de classe. Les enseignants doivent donc surmonter leurs propres préjugés et être formés à cette fin.

Les programmes scolaires doivent tendre au dépassement des stéréotypes et à l’intégration de ces enfants. Tous, parmi eux, doivent commencer leur apprentissage sur un pied d’égalité et apprendre à vivre ensemble sans préjugés. On doit développer leur créativité. L’inclusion de la culture et de l’histoire roms dans les programmes pourrait d’ailleurs favoriser une compréhension mutuelle.

Parce que les enfants roms sont souvent issus de milieux désavantagés, les gouvernements doivent prendre des mesures contre les discriminations en leur offrant des repas gratuits, du matériel et des moyens de transports scolaires. Il faut les faire participer aux activités extrascolaires.

Il convient également d’encourager le secteur privé à leur proposer des bourses. Les parents ont aussi un rôle essentiel à jouer, de même que les ONG. Il faut œuvrer, en particulier, pour que les parents roms participent à différentes activités et s’engagent dans les associations de parents d’élèves.

Aux enfants, il faut offrir une formation professionnelle ou un programme d’alphabétisation afin qu’ils puissent devenir des membres actifs de nos sociétés. Les filles, quant à elles, sont confrontées à des barrières supplémentaires pour accéder à leurs droits fondamentaux et sont victimes de discriminations multiples. Les familles doivent prendre conscience de l’importance de leur éducation et il faut les encourager à les envoyer à l’école.

Il est également essentiel que tous les pays mettent fin aux pratiques discriminatoires. En Europe du Sud-Est, par exemple, des classes et des établissements spéciaux ont été créés pour les Roms alors même que la Cour européenne des droits de l’homme s’est opposée, avec raison, à de telles pratiques.

Il faut promouvoir des modèles positifs. Je songe, par exemple, à des programmes d’internat qui faciliteront l’intégration des Roms sur le marché du travail et dans le monde des affaires. Il est essentiel que les gouvernements mettent en place des politiques spécifiques.

Enfin, il faut lutter contre les racines des discriminations. Nos sociétés doivent se montrer exemplaires dans la façon de traiter les difficultés auxquelles les roms sont confrontés et se doivent donc de lutter contre les stéréotypes.

Je me félicite de la façon dont la session se déroule s’agissant des droits des enfants en Europe et, en particulier, de ceux d’entre eux qui sont les plus désavantagés. Ils sont en effet l’avenir de l’Europe et nous sommes quant à nous responsables des générations futures. Je suis heureuse de célébrer la journée de tous les enfants et des enfants roms en particulier ! A tous, heureuse vie !

LA PRÉSIDENTE* – Madame la rapporteure, vous disposerez d’un peu plus de trois minutes et demie pour répondre aux orateurs.

Dans la discussion générale, la parole à M. Aligrudić au nom du Groupe démocrate européen.

M. ALIGRUDIĆ (Serbie)* – Au nom du Groupe GDE, j’ai donc l’honneur et le plaisir de féliciter Mme la rapporteure pour son excellent travail, dont j’espère qu’il sera adopté à l’unanimité.

La situation de la population rom en Europe constitue un problème complexe. Les Roms sont la plus importante minorité ethnique d’Europe et sont 8 à 10 millions. C’est aussi l’une des catégories sociales les plus défavorisées. De surcroît, ils souffrent de nombreux stéréotypes : tous les Roms seraient des criminels, des mendiants, des nomades, etc. Or, ils vivent dans des environnements très différents, parlent des dialectes variés et adoptent bien des habitudes de la population majoritaire des pays dans lesquels ils vivent. Ils exercent également de nombreux métiers, ils appartiennent à diverses confessions, leur situation financière et leur niveau d’instruction variant d’une personne à l’autre et en fonction des groupes auxquels ils appartiennent mais, aussi, de la situation des pays dans lesquels ils vivent. Seuls 20 % d’entre eux sont encore nomades, le nomadisme n’ayant d’ailleurs guère été choisi mais subi en raison des persécutions.

Parce qu’il est très difficile de rompre le cercle vicieux de la ségrégation, les Roms vivent en marge de la société et sont parfois exploités par des groupes criminels. Malheureusement, c’est l’ensemble de la population qu’ils forment qui, alors, pâtit d’une généralisation injuste. Nous devons les aider à sortir d’une telle situation en les intégrant. Nous devons les aider à se sortir de cette situation et à s’insérer dans la société.

Le rapport indique clairement que près de 50 % de la population rom en Europe, 5 à 6 millions de personnes, ont moins de 18 ans. Ce rapport préconise des mesures concrètes pour mettre un terme à la discrimination envers les enfants roms, pour leur permettre de sortir de ce cercle vicieux.

Ce rapport est excellent avec de beaux mots et de belles phrases. S’il était appliqué par les Etats, il permettrait certainement de réels progrès. Mais rappelons-nous la Décennie des Roms, le projet de l’Union européenne, le projet « Stop à la discrimination – Dosta » du Conseil de l’Europe. Nous regrettons que ces belles idées n’aient pas encore réellement été matérialisées. Il n’y aura pas de fin à la ségrégation et à la discrimination et pas d’insertion de ce groupe vulnérable sans financement public convenable.

Mes collègues et moi-même avons présenté un amendement pour en appeler aux Etats membres pour qu’ils fournissent un financement public suffisant pour lancer des activités mentionnées aux paragraphes 7.1 à 7.5. Sans argent pas d’insertion, pas de lutte contre la ségrégation et la discrimination. Le rapporteur a accepté l’amendement. La commission l’a adopté à l’unanimité. Il fait désormais partie du texte. Je remercie le rapporteur et tous nos collègues.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Groth au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne.

Mme GROTH (Allemagne)* – J’exprime toute ma reconnaissance pour ce rapport qui contient beaucoup d’excellentes recommandations. Si elles étaient toutes mises en œuvre, ce serait pratiquement une révolution compte tenu de toutes les discriminations structurelles dont souffrent les Roms. L’un des grands défis pour la mise en œuvre, c’est le financement des mesures indispensables mais aussi le manque de volonté politique. J’aimerais formuler des observations critiques.

Au paragraphe 7.1.3. du projet de résolution, je constate que malheureusement pour beaucoup de Roms cet environnement fait défaut, un « environnement sûr et stimulant du point de vue physique et psycho-social. » A Belgrade, sous un pont, existe un bidonville que j’ai vu en 2011. Il comptait des milliers de Roms vivant dans des conditions indignes d’êtres humains. C’est une catastrophe pour les enfants. Si l’un d’entre eux a la chance d’aller à l’école, c’est déjà un grand défi. Beaucoup d’Etats membres du Conseil de l’Europe connaissent cette situation.

Un homme politique connu a déclaré il y a quelques mois que « les Roms étaient des animaux » ! J’ai été choquée, bouleversée. Il a manqué une réaction dans toute l’Europe. Le Conseil de l’Europe ne peut accepter de telles paroles. Nous devons les condamner.

J’espère que les recommandations proposées seront mises en œuvre et que les enfants roms auront une vraie chance dans nos sociétés.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Kyriakides au nom du Groupe du Parti populaire européen.

Mme KYRIAKIDES (Chypre)* – La discrimination contre les enfants roms dans nombre de nos pays les prive de leurs droits fondamentaux. Elle a un impact très négatif sur leurs chances dans la vie. La situation tragique des Roms, des enfants en particulier, reflète les déficiences des systèmes sociaux qui devraient s’appliquer à tous nos enfants.

Une société qui ne réussit pas à protéger ses enfants les plus marginalisés, les prive de la possibilité de développer leur potentiel et de s’épanouir. Au titre de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, les gouvernements sont tenus de protéger tous les enfants et sont responsables s’ils ne le font pas. De nombreux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, des rapports détaillés du Commissaire aux droits de l’homme sont très clairs. Nous devons surmonter ces nombreuses difficultés que connaissent les enfants roms.

La discrimination marque toute la vie de ces enfants : absence de soins suffisants dans l’enfance, pauvreté, inégalité d’accès au logement. Toutes ces difficultés empêchent les enfants roms de participer activement à toutes sortes d’activités. Elles les laissent en marge de la société et les rendent vulnérables à toutes sortes d’exploitations et d’abus. Ils sont victimes de discriminations multiples et récurrentes. Il est clair que nous avons beaucoup à faire. Dans cette Assemblée nous reconnaissons constamment cette discrimination à l’égard des enfants roms. Mais que faisons-nous pour changer cette réalité ? Ce texte prévoit des mesures positives. Pour cela il faut des budgets et des calendriers.

Il faut d’abord lutter contre ce racisme bien ancré envers les Roms en Europe. Dans le système éducatif nous constatons des formes de harcèlement et de ségrégation qui ne font qu’accentuer l’intolérance et l’isolement. C’est un cercle vicieux auquel il faut mettre fin si nous voulons dessiner une nouvelle image des Roms en Europe. Qu’ils ne soient plus décrits comme des victimes mais comme des Européens comme les autres. Toute initiative qui ne se fonderait pas sur ces principes et qui ne tiendrait pas compte de la discrimination existante serait condamnée à l’échec.

Nous partageons l’avis de Mme Memecan, que nous félicitons pour son excellent rapport. Cette ambition doit être double. Les sociétés européennes d’un côté doivent se sensibiliser davantage au besoin de mener à bien des politiques ciblées pour les Roms. Nous devons veiller à ce que les enfants roms aient toutes leurs chances depuis le début ; qu’ils croient en eux et aient confiance en eux pour devenir plus créatifs. Qu’ils ne se contentent pas de bénéficier de subventions mais qu’ils participent activement aux décisions. Ce sont des Européens comme les autres.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Schennach, au nom du Groupe socialiste.

M. SCHENNACH (Autriche)* – « Toute ma vie j’ai été à genoux, maintenant enterrez-moi debout. » c’est un des proverbes roms qui exprime bien la catastrophe humaine non seulement de l’Union européenne, mais du Conseil de l’Europe avec la discrimination, les poursuites, l’exclusion, la chasse aux sorcières dans certains Etats membres. Il y a aussi l’assimilation de force, l’arbitraire. Voilà ce que vivent les 12 à 15 millions de Roms d’Europe. Les préjugés remontent à plusieurs siècles : ils seraient mendiants, paresseux… ils vivent isolés dans la pauvreté. 55 % des Roms viennent de l’Europe centrale. Ils sont exclus de la société. 90 à 100 % sont au chômage. Les femmes sont mariées beaucoup trop jeunes.

Jusque dans les années 80 il était habituel de mettre les enfants roms dans des écoles spécialisées pour handicapés. Seulement 5 % des enfants roms ont un diplôme scolaire. On les empêche d’accéder à l’éducation. C’était vrai dans le passé ; ça l’est toujours aujourd’hui. Le climat n’est pas propice à l’éducation. En Serbie, en Bulgarie, en Albanie, en Roumanie, 20 à 40 % des enfants ne sont pas scolarisés. En Bosnie, 80 % des enfants ne vont pas à l’école. Les grands-parents étaient analphabètes ; les parents aussi. Comment peut-il y avoir un climat propice à l’éducation pour les enfants ? C’est un terreau pour la prostitution, pour leur exploitation.

Il existe un plan d’action 2000-2015 pour les Roms. Il reste trois années. Croyez-vous que dans un Etat membre du Conseil de l’Europe, il est arrivé que d’une manière arbitraire, des bulldozers écrasent des camps de Roms ? Dans un autre Etat membre, on assiste aujourd’hui à une véritable chasse aux sorcières politique contre les Roms. C’est une véritable honte ! Les enfants sont notre avenir, nous avons besoin d’eux. C’est pourquoi je félicite Mme Memecan pour son excellent rapport. Formons le vœu qu’il soit suivi d’effets au cours des prochaines années !

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Beck, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

Mme BECK (Allemagne)* – Comme M. Schennach l’a montré, la situation des Roms en Europe est aujourd’hui tout à fait dramatique. En tant qu’Allemande, je suis bien placée pour savoir ce que les Roms endurent depuis des siècles. La machine à tuer nazie a été l’une des pires épreuves qu’ils ont dû affronter.

Le rapport propose des mesures qu’il faudrait pouvoir transposer dans la loi, mais une véritable volonté politique manque toujours. C’est pourquoi nous devons aujourd’hui adopter ce rapport à l’unanimité.

L’Union européenne a lancé la Décennie de l'inclusion des Roms 2005-2015, mais la situation actuelle dans les pays de l’ex-Yougoslavie fait plutôt penser que la situation des Roms tend à s’aggraver. Ils sont exclus du marché du travail plus encore qu’auparavant et font l’objet de discriminations croissantes. Ils sont pris, en outre, dans des luttes inter-ethniques. L’Union européenne, après avoir libéralisé les visas, s’apprête à les imposer à nouveau aux pays des Balkans afin d’éviter l’afflux de Roms. Les décisions politiques restent très éloignées des déclarations d’intention !

Le rapport formule d’excellentes propositions pratiques. Nous savons bien que l’éducation est la clé de tout et que les mères jouent un rôle essentiel, en décidant ou non de scolariser leurs enfants. En Allemagne, les enfants doivent pouvoir être pris en charge l’après-midi. Des médiateurs d’origine rom sont par ailleurs indispensables pour favoriser leur intégration dans la société moderne. Toutefois, et je le redis, le problème principal est le manque de volonté politique. Chacun d’entre nous, de retour dans son parlement national, doit donc porter haut et fort l’urgence qu’il y a à mettre fin à la discrimination contre les enfants roms.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Nikoloski.

M. NIKOLOSKI (« L’ex-République yougoslave de Macédoine »)* – Je voudrais tout d’abord féliciter la rapporteure pour son excellent rapport, dont je partage les analyses et les propositions. Il faut en effet donner aux enfants roms de bonnes conditions de vie afin qu’ils puissent s’intégrer pleinement dans nos sociétés.

En Macédoine, nous avons pris différentes mesures en faveur de la population rom qui pourraient servir de bonnes pratiques pour le reste de l’Europe. Le principal problème est celui de la déscolarisation des enfants roms. Depuis six ans, le ministère du Travail et des Affaires sociales de Macédoine a donc mis en œuvre un programme afin d’offrir aux enfants roms une éducation préscolaire, en collaboration avec les pouvoirs locaux. Il s’agit de préparer leur entrée à l’école primaire en les scolarisant un an avant, dans des établissements préscolaires. En 2012-2013, 459 enfants roms ont participé à ce programme.

La Macédoine a également mis en place des projets de bourses et de tutorats, sous l’égide du Bureau pour le développement de l’éducation des représentants des communautés, qui dépend du ministère de l’Education et de la Science. Ce programme concerne 84 écoles et 25 municipalités dans tout le pays.

La législation mise en œuvre depuis octobre 2011 par le ministère de l’Intérieur, en collaboration avec le ministère du Travail, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et des ONG roms, a par ailleurs permis l’enregistrement de nombreux Roms et l’amélioration du système de délivrance des papiers d’identité. Les documents officiels sont proposés en cinq langues, le rom, le turc, le bosniaque, le serbe et le valaque, afin de faciliter l’intégration des différentes communautés présentes en Macédoine. Ainsi, 4 158 documents de voyage et 1 897 cartes d’identité ont été délivrés en langue rom, ce qui constitue une grande avancée.

L’amélioration des conditions de vie de la population rom est également une priorité de notre agenda politique. Je souligne, pour finir, que plusieurs membres du parlement et un ministre du gouvernement de Macédoine sont des Roms.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Bourzai.

Mme BOURZAI (France) – Permettez-moi tout d’abord de saluer l’excellent rapport de Mme Memecan, qui présente de façon précise toutes les facettes de la discrimination à l’égard des enfants roms, afin de bien saisir l’ampleur du phénomène. La question de l’enfance n’est pas un point de détail dans le débat sur la situation des Roms puisque, la rapporteure l’a rappelé, la moitié de la population rom en Europe est âgée de moins de 18 ans. Je suis frappée à la lecture de ce document de constater combien des pratiques d’un autre temps, discriminatoires et cruelles, sont aujourd’hui banalisées au sein d’États membres du Conseil de l’Europe qui se prévalent pourtant d’adhérer aux valeurs de notre Organisation.

Comment peut-on, au début du XXIe siècle, tolérer, pour ne pas dire organiser, la ségrégation au sein des écoles ? Une telle pratique contribue à enraciner une culture de l’exclusion, du rejet de l’autre, tout cela pour des motifs qui dépassent l’entendement et que je pensais sincèrement battus en brèche par les leçons de l’Histoire. Pourtant, la réalité est bien là, l’école est dans certains pays un laboratoire du racisme et de la xénophobie, un lieu où l’on apprend à se méfier du Rom, que l’on cache, que l’on isole, que l’on met en quarantaine. Rien ne peut justifier de telles pratiques qui attentent en premier lieu à des enfants, à qui finalement on ne reproche qu’une chose : leur origine, leur naissance.

La rapporteure milite pour l’instauration d’un véritable droit à l’inclusion pour les populations roms, garanti par l’instauration d’un mécanisme de recours, leur permettant de saisir la justice en cas de manquement de la part des autorités. J’appuie totalement cette démarche et je souhaite que très rapidement un texte soit élaboré et qu’il s’applique dans la totalité des États membres du Conseil de l’Europe. Il nous appartient de faire appliquer le droit commun à tous et à chacun.

Je souhaite aussi que le programme ROMED du Conseil de l’Europe, qui encourage la coopération entre Roms et institutions locales, puisse bénéficier de crédits suffisants pour être mené à bien. L’absence de dialogue est une des clés pour tenter de comprendre comment la situation a pu se détériorer de la sorte.

Nous devons enfin encourager l’Alliance des villes européennes pour l’inclusion des Roms, lancée dans le cadre du Conseil de l’Europe le 20 mars dernier. L’intégration des Roms est en effet le plus souvent un défi de taille pour les collectivités locales, qui gèrent la plupart des équipements publics auxquels doivent avoir accès les familles roms.

Je suis convaincue qu’un échange de bonnes pratiques entre les municipalités européennes doit permettre de mieux faire avancer la cause de l’inclusion de cette population. A l’heure actuelle, seuls 26 pays sur les 47 Etats membres ont participé à la création de cette alliance. Je souhaite qu’une plus grande publicité soit faite autour de ses travaux et qu’elle ait accès, elle aussi, à des crédits suffisants pour mener à bien le projet d’échange d’information ROMACT dont elle a tracé les contours.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Voruz.

M. VORUZ (Suisse) – Bravo pour l’excellent rapport de Mme Memecan qui nous éclaire sur les réalités que beaucoup trop de pays ne veulent pas reconnaître ! Ce rapport concerne les Roms installés dans divers pays, donc, en principe, régularisés. Nous constatons une fois de plus que les Roms sont les boucs émissaires de situations difficiles sur le plan économique, social ou politique. Les poussées xénophobes et les montées d’extrême droite en Europe mettent en danger les plus faibles, notamment les jeunes et les enfants venant des communautés roms.

J’aimerais toutefois soulever deux points négatifs. Le premier concerne les gens du voyage. Loin d’être considérés comme pauvres, ils ont de la peine à respecter certaines règles des pays hôtes, ce qui complique les rapports avec la population.

Le deuxième point concerne les Roms qui mendient dans les rues, envoyés par des réseaux, et qui agissent en présence de leurs enfants. Cela n’est pas admissible. Pour protéger les enfants roms, il faut absolument que les pays visés par le rapport, y compris la Suisse, empêchent les groupes profascistes d’exécuter leur sale besogne.

Il faut aussi éduquer les enfants indigènes en vue de lutter contre les agressions envers les enfants roms. Pourquoi les enfants indigènes attaquent-ils ainsi leurs semblables ? Ne suivent-ils pas le comportement des adultes, voire de leurs parents ? Poser cette question, c’est y répondre.

Reprenant les chapitres 3 et 4 du rapport de Mme Memecan, je constate les efforts considérables de la Turquie pour l’ouverture à l’égard des Roms. Ce matin déjà, notre collègue Mme Durrieu l’a rappelé dans le cadre de son rapport sur le dialogue post-suivi avec la Turquie, ce pays respecte les principes des droits de l’homme, non seulement en tant que tels mais aussi, en particulier, contre la discrimination envers les enfants roms.

D’ailleurs, un seul amendement est proposé sur les 42 points du projet de résolution : c’est un véritable succès ! Nous acceptons le rapport ainsi que son amendement. Serait-ce aujourd’hui la journée de la Turquie ? Certainement.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Kolman.

M. KOLMAN (Croatie)* – Ce rapport, par sa structure, reflète ce qui constitue l’essentiel de la lutte contre la discrimination contre les enfants roms : l’éducation. Je suis profondément convaincu que l’éducation est l’outil le plus puissant dont nous disposions pour fournir aux enfants roms une égalité des chances dans nos sociétés – ce qui est vrai aussi pour tous les autres enfants. Ce problème présente de nombreuses facettes et doit être abordé de manière pluridisciplinaire, avec une sensibilisation à tous les niveaux et une volonté politique d’agir.

Dans les communautés roms elles-mêmes, l’importance de l’éducation et du changement doit être acceptée. Les familles roms doivent avoir envie d’envoyer leurs enfants à l’école et la volonté de les aider dans ce processus long et parfois difficile. Il est particulièrement important que les filles ne soient pas victimes de discrimination en matière d’accès à l’éducation.

Il faut aussi tenir compte de la dimension économique. Même si l’école n’est pas payante, elle peut impliquer des frais insurmontables, surtout dans les zones rurales où les élèves doivent prendre des transports en commun pour aller à l’école. Malheureusement, dans le cas des enfants roms, même les besoins de base – les vêtements, les chaussures, une nourriture adéquate – sont souvent hors de portée. Et, à cet égard, un endroit où l’enfant pourra faire ses devoirs n’est qu’un rêve.

Le changement doit intervenir à d’autres niveaux. Les écoles et les jardins d’enfants doivent adapter leurs programmes et leurs activités. Les enseignants et les enfants non roms ainsi que leurs parents doivent aussi être sensibilisés pour comprendre ces enfants. Lorsque ces derniers sont victimes de mauvais traitements de la part de leurs camarades à l’école, ils perdent tout intérêt pour l’éducation. Il faut donc inclure les enfants roms dans les institutions de l’éducation.

Le rapport aborde cette question de manière très juste. Comme l’a dit Mme Beck, le moment est venu d’agir.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Christoffersen.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – La discrimination contre les Roms est à l’ordre du jour de l’Assemblée depuis des décennies. Le mot « scandaleux » a été utilisé pour caractériser la situation dans de nombreux pays européens. L’an dernier, l’Union européenne a présenté une étude portant sur onze pays européens ; ses résultats étaient choquants : 12 millions de Roms sont victimes tous les jours du racisme, de la discrimination, de l’exclusion sociale ; un tiers sont au chômage ; 20 % ne disposent pas de l’assurance santé ; 90 % vivent en deçà du seuil de pauvreté. Les Roms vivent dans des conditions de pauvreté extrêmes. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’une telle discrimination est incompatible avec nos valeurs. Néanmoins, il nous semble impossible de traduire nos ambitions en actions.

Malgré les plans d’action et la dépense publique, la situation des Roms ne s’améliore pas, au contraire. En Norvège, on ne compte que quelque 700 Roms, définis comme une minorité nationale, mais nous n’avons pas su trouver les bonnes mesures. Au mois de juin prochain, une nouvelle commission nommée par le gouvernement présentera ses recommandations. Ce rapport est donc tout à fait d’actualité pour notre pays.

Les enfants et, par conséquent, leurs mères, doivent être au centre de nos préoccupations. C’est vrai pour les migrants mais aussi pour les Roms, les enfants doivent recevoir une éducation. Les femmes doivent être informées sur le déroulement de la grossesse, les services à l’enfance, les jardins d’enfants. Cela est essentiel, de même que la lutte contre l’analphabétisme. Les parents doivent avoir confiance dans les écoles. Grâce à l’aide des médiateurs roms, il faut aider ceux qui sont sortis du système scolaire, en particulier les jeunes filles qui ont tendance à suivre les pas de leurs mères et qui sont souvent exclues très tôt des écoles.

L’expérience norvégienne a montré que les mesures du secteur public sont parmi les plus efficaces, y compris dans le domaine de l’éducation. Notre premier médiateur pour les Roms se montre optimiste mais, pour l’heure, rares sont les élèves roms qui parviennent à passer de l’école primaire au secondaire et le taux d’absentéisme représente en moyenne 30 % sur l’année.

Nous avons aussi constaté des bagarres entre les enfants roms, et des tentatives de meurtre, ce qui a conduit les parents à retirer leurs enfants de l’école par peur de représailles. L’identité rom doit être respectée mais certaines dérives doivent aussi être interrompues pour que ces enfants aient les chances qu’ils méritent.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Allain.

Mme ALLAIN (France) – Merci, Madame la rapporteure, pour cet excellent rapport si riche en enseignements.

Début avril, j’ai participé à une rencontre sur le thème des frontières dans ma ville, Bergerac. Un film-documentaire primé par le Haut-Commissariat pour les réfugiés, Tiers-paysage, a permis d’y évoquer la question rom : ce film raconte la vie de plusieurs générations roms installées dans un bidonville et montre leur désir d’une vie digne. Lieux en marge, ces bidonvilles, ces squats insalubres privés d’eau, d’électricité, sont souvent des lieux de vie « par défaut ». La précarité a des conséquences sérieuses sur l’état de santé des enfants, leur scolarisation et l’accès aux prestations familiales.

Madame la rapporteure, vous évoquez les expériences mises en place dans plusieurs pays pour donner aux Roms un logement digne. Dans les années 2000, en France, des villages d’insertion ont été expérimentés en Seine-et-Marne. Grâce à eux, en dix ans, plus de 50 familles ont été intégrées et 150 enfants scolarisés. C’est trop peu, mais cela confirme que, quand une réelle volonté politique existe, les choses peuvent changer dans le bon sens.

Malheureusement, malgré leur intérêt, ces expériences créées à l’initiative de collectivités locales en lien avec des associations ne sont trop souvent qu’une réponse ponctuelle à une situation d’urgence et non la marque d’une politique ambitieuse d’intégration des Roms. Dans le cas précis de ces villages d’insertion français, les conditions sévères d’accès et les règles de vie strictes posent également la question de la ghettoïsation de ces populations, qui ne peut que créer un climat propice aux discriminations. Pourquoi ? Parce que « nos préjugés sont les barreaux de nos prisons ».

Anina Ciuciu, jeune Rom française devenue major de sa promotion à l’université de la Sorbonne, parle de son parcours exemplaire dans son livre Je suis tsigane et je le reste. Elle nous dit que, si cette ascension sociale par l’école de la République a été possible, c’est grâce à l’aide de personnes formidables qui ont tendu la main à sa famille, faisant fi des préjugés. Mais malgré une intégration apparemment parfaite, elle se sent encore aujourd’hui agressée par la discrimination qui poursuit les Roms. L’histoire d’Anina nous montre combien l’école est un enjeu fondamental de l’insertion non seulement des enfants roms mais de leur famille.

Sur ce point, la France a fait des efforts depuis octobre 2012 pour mettre en place un dispositif plus adapté, afin de garantir la scolarisation efficace et réelle des filles, en école maternelle et au collège. Ce dispositif se veut inclusif, ce qui est essentiel. Il est en effet inadmissible que les enfants roms, lorsqu’ils sont scolarisés, ne puissent pas, dans certains pays, aller dans la même école que les autres enfants. Bien sûr, il est encore trop tôt pour savoir si ce nouveau dispositif français permettra dans l’avenir que l’histoire d’Anina ne soit plus l’exception mais la norme. Pour que, forts d’un parcours scolaire réussi, les Roms ne vivent plus dans un « tiers-paysage » mais occupent toute leur place au sein de nos sociétés.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Drăghici.

M. DRĂGHICI (Roumanie)* – Je voudrais tout d’abord féliciter Mme Memecan d’avoir élaboré un rapport aussi complet sur la discrimination envers les enfants roms.

En fait, ceux-ci sont victimes d’une double discrimination, en tant que Roms et en tant qu’enfants. Nous devrions tous avoir la volonté de prendre des mesures plus concrètes afin d’améliorer les conditions de vie de ces groupes vulnérables. Nous sommes parfaitement conscients que de grands progrès sont nécessaires afin de traiter cette question rom, étant donné que la discrimination touche les membres de ces communautés dès le plus jeune âge. Ségrégation à l’école, mauvaises conditions de logement, violences à l’encontre de leur communauté sont autant d’obstacles à l’intégration des enfants dans nos sociétés.

En Roumanie, les problèmes ne sont pas résolus vis-à-vis des Roms qui vivent dans mon pays. Les autorités de Bucarest essaient de trouver des réponses aux besoins de ces populations vulnérables dans le domaine de l’éducation. Des programmes sont prévus pour promouvoir la scolarisation des enfants et les empêcher d’abandonner l’école entre cinq à huit ans. Des programmes d’enseignement préscolaire ont été prévus pour les Roms. Afin d’identifier les enfants les plus désavantagés, le recrutement se fait par une politique de porte-à-porte et des subventions sont données aux familles dont les enfants participent à ces activités éducatives.

C’est à nous d’agir pour renverser les stéréotypes et les attitudes discriminatoires vis-à-vis des Roms.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Tatsopoulos.

M. TATSOPOULOS (Grèce)* – Dans tous les pays du monde et à toutes les époques, et ma patrie la Grèce ne fait pas exception, nous avons toujours eu un rapport inversé entre tolérance et pauvreté. Lorsque la pauvreté est grande, la tolérance est moindre à l’égard des groupes ethniques et religieux minoritaires. C’est le cas à l’égard de Roms également. Mais pour les Roms, s’ajoute à cela un cercle vicieux de préjugés qui viennent nourrir leur exclusion sociale qui, à son tour, réalimente les préjugés car, étant exclus, ils finissent par correspondre à l’image que l’on s’en fait. Les enfants roms subissent un double malheur, car ils vivent ces préjugés et cette exclusion sociale à double titre, de la part des adultes mais aussi de la part des élèves à l’école.

Dans plusieurs régions de Grèce, cette situation vient nourrir, comme il est naturel, le fascisme et le racisme social et la tendance est d’éviter que les enfants roms aillent dans les mêmes écoles que les autres enfants grecs. Ils se retrouvent scolarisés dans des écoles ghettos et séparés des autres enfants. De plus, des enfants roms ont fait l’objet de mauvais traitements.

L’Etat a pris des mesures d’insertion des Roms dans le tissu social mais, malheureusement, ces programmes d’insertion sont en réduction en raison de la crise. De nombreux programmes cherchent à rapprocher les Grecs de la culture rom, mais pour qu’ils puissent porter leurs fruits, il faut des oreilles attentives et, lorsqu’une société, en raison de l’indigence et de la crise économique profonde qui frappe mon pays pour la cinquième année consécutive, se bouche les oreilles, les programmes restent lettre morte.

Ce qui doit changer avant tout, ce sont les mentalités. Il ne faut jamais oublier la citation en introduction au roman d’Ernest Hemingway : « Ne demande pas pour qui sonne le glas ; c’est pour toi ! »

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme Al-Astal.

Mme AL-ASTAL (Conseil national palestinien, partenaire pour la démocratie)* – Permettez-moi en premier lieu de remercier Mme Memecan, qui nous a préparé un excellent rapport qui vise à mettre un terme à la discrimination dont sont victimes les enfants roms et se concentre sur les questions essentielles, notamment la santé et l’éducation pour ces enfants.

D’après les statistiques, la moitié de la population rom en Europe, c’est-à-dire cinq à six millions de personnes, est âgée de moins de dix-huit ans. Ce sont des enfants. Ce chiffre illustre la nécessité de mettre un terme à ce cercle vicieux de la discrimination le plus rapidement possible.

Mesdames et Messieurs, le Conseil de l’Europe a adopté en tant que valeur fondamentale le principe de l’égalité, qui est consacré par de nombreux autres textes. Le Conseil doit donc promouvoir le respect de l’identité, de la culture et de la langue roms. Mais il importe également que les communautés roms participent à l’élaboration de politiques adaptées, qu’elles deviennent force de proposition et qu’elles soient intégrées dans les sociétés des pays où elles vivent.

Il faut également mettre un terme à la ségrégation scolaire, supprimer les obstacles socioéconomiques à l’éducation et prendre des mesures qui favorisent l’accès à l’école. Il faut aussi améliorer les soins prénataux et mettre un terme au mariage précoce des jeunes filles, difficulté supplémentaire qui vient accroître le taux de mortalité infantile et maternelle.

Des initiatives fructueuses ont été prises dans certains pays, y compris la Turquie, l’Allemagne et la Macédoine ; elles ont permis, dans une certaine mesure, d’améliorer le sort des enfants roms.

Ces propositions et ces efforts doivent se poursuivre dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, sans oublier les autres pays où se trouvent des communautés roms. Il faut améliorer leurs conditions de vie et protéger les enfants, en particulier en défendant leur droit à l’éducation et à la santé. Il faut également garantir l’égalité des chances et redonner l’espoir à ces communautés pour les prochaines générations d’enfants et leur famille.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Gaudi Nagy.

M. GAUDI NAGY (Hongrie)* – Nous parlons de la lutte contre la discrimination, ce qui est un bon point de départ. Néanmoins, je viens d’un pays – la Hongrie – où vivent officiellement 300 000 Roms, même si, en réalité, il y en a au moins le double. De nombreux citoyens européens ont le sentiment que les dogmes libéraux en matière de lutte contre les discriminations vont permettre d’améliorer les conditions de vie des populations roms. Eh bien, je crois que c’est aller dans le mauvais sens. Ce n’est pas suffisant, car les deux côtés de la médaille doivent être examinés.

La rapporteure s’est concentrée sur le point de vue des Roms ; on n’a pas parlé de la situation des personnes qui vivent dans des régions où les actes criminels commis par les populations roms se multiplient. Les différences de culture ne sont pas toujours supportables dans la vie quotidienne de ces personnes.

Je vais vous en donner quelques exemples. Dans plusieurs régions de Hongrie, les exploitants agricoles ne peuvent pas ramasser leurs récoltes parce qu’elles seraient emportées par des Roms. De fait, il faut aussi parler de la responsabilité de ces populations. Beaucoup d’orateurs ont parlé de l’exclusion sociale et du fait que ces populations sont victimes de racisme. Mais qui adopte l’autre point de vue ? Qui parle des autres enfants, qui vivent eux aussi dans la pauvreté ? Il va certes falloir trouver une solution au problème des Roms, mais cela suppose aussi de parler de leur façon de s’occuper des enfants, de les envoyer à l’école, de leur enseigner le respect des autres – en particulier le respect de la propriété – et la manière de devenir des membres utiles de nos sociétés. Si l’on n’adopte pas aussi cet autre point de vue, on ne trouvera pas de véritable solution.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à M. Chaloupka.

M. CHALOUPKA (République tchèque)* – J’ai failli ne pas prendre la parole aujourd’hui, mais, hier, le Conseil de l’Europe a permis à la brochure de propagande que nous avons sous les yeux, pleine de mensonges et d’informations erronées, d’être distribuée. Honte aux responsables !

Le politiquement correct empêche de définir des solutions efficaces. Dès lors, ce ne sont que discussions sans intérêt et sans résultats. Si je vous offense en étant politiquement incorrect, je ne m’en excuse pas. Je voudrais exprimer mon point de vue sur la discrimination envers les Roms en Europe. Je veux bien croire que, dans certains pays européens, les Roms soient victimes de discrimination et de persécution, ce qui est une mauvaise chose, à laquelle il faut trouver une solution. Mais je suis fatigué des accusations continuelles portées contre la République tchèque, que l’on accuse de racisme et de xénophobie.

Dans un récent rapport, l’Agence européenne des droits fondamentaux a analysé la situation des Roms dans 11 Etats membres, y compris en matière d’accès à l’éducation et à l’emploi. Or la République tchèque a la plus forte proportion de Roms ayant fini leurs études et occupant un emploi rémunéré. Mon pays investit des montants énormes pour améliorer les conditions de vie des Roms, alors que les pensions de retraités qui ont travaillé toute leur vie sont réduites au minimum. On investit de plus en plus d’argent dans les programmes de soutien aux Roms, mais le système ne fonctionne pas comme nous le voudrions. Les Roms veulent que la société s’adapte à eux ; c’est tout à fait inacceptable. En République tchèque, toutes les mesures que préconise le projet de résolution ont été peu ou prou appliquées depuis longtemps déjà, mais beaucoup de parents roms ne cherchent pas à savoir si leurs enfants fréquentent régulièrement l’école, ni même s’ils remplissent toutes les conditions requises, parce que cela entraînerait pour eux un surcroît de responsabilités. En effet, un enfant éduqué devra forcément travailler à un moment ou un autre, ce qui est évidemment beaucoup moins intéressant, sur le plan financier, que de dépendre du système social très généreux de la République tchèque.

Mon pays ne pratique pas de discriminations envers les Roms. Beaucoup d’entre eux travaillent, élèvent leurs enfants et font partie de la société ; ce sont là les Roms que nous devons saluer et soutenir. C’est la preuve que, s’ils veulent s’intégrer, ils le peuvent. Dans une société marquée par la discrimination et la xénophobie, il n’y aurait pas d’enseignants, d’acteurs ou d’hommes d’affaires roms. Or nous avons des exemples de Roms qui ont réussi en République tchèque. Nous ne sommes donc pas racistes.

Notre pays fait le maximum pour améliorer les conditions de vie des Roms. Je suis sûr que l’on pourrait agir de façon encore plus efficace, mais si les résultats ne correspondent pas à nos attentes, c’est aux Roms eux-mêmes qu’il faut en faire reproche. Il est en effet très difficile de donner de l’aide à quelqu’un qui la refuse. Si quelqu’un ici estime que les Tchèques ne soutiennent pas l’intégration des Roms dans la société, je serai ravi de financer leur déménagement dans son pays et de voir ensuite comment il s’y prend !

LA PRÉSIDENTE* – Il nous faut maintenant interrompre la liste des orateurs.

Les membres inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent déposer dans les 24 heures leur intervention dactylographiée au service de la séance pour publication au compte rendu.

J’appelle maintenant la réplique de la commission. Madame la rapporteure, il vous reste 3 minutes et 30 secondes pour répondre aux orateurs. Vous avez la parole.

Mme MEMECAN (Turquie), rapporteure* – Je remercie tous nos collègues pour la préoccupation qu’ils ont exprimée quant à la vie des communautés roms en Europe. Je félicite cette Assemblée pour les efforts qui sont faits pour que la question rom reste au cœur de nos préoccupations et demeure inscrite à notre ordre du jour grâce aux rapports et aux débats qui ont lieu dans cet hémicycle. Je remercie également M. Aligrudić pour l’amendement qu’il a déposé avec ses collègues, sans lequel ce rapport ne serait pas complet.

Cet effort pour qu’une prise de conscience de la part de nos gouvernements et de nos parlementaires ait lieu devrait permettre que l’on porte une attention particulière aux populations roms. Cela devrait également permettre à celles-ci d’être davantage conscientes de leurs droits, d’avoir plus confiance en elles-mêmes et de savoir ce qu’elles peuvent réclamer.

Je suis fière des efforts de la communauté rom en Turquie. Depuis 2010, avec le lancement de certaines campagnes, les Roms se sont dotés de leurs propres associations ; ils ont mis sur pied leur stratégie et ont essayé d’autonomiser leur propre communauté en faisant des efforts pour coopérer avec d’autres ONG, aussi bien turques qu’internationales, de défense des droits de l’homme. Elles sont devenues des communautés puissantes qui présentent des demandes aux gouvernements, exigent la scolarisation de leurs enfants. Les efforts des Roms turcs, que je félicite, prennent désormais racine dans les communautés elles-mêmes ; ce sont des efforts qui portent leurs fruits dans notre pays, la Turquie.

Merci à tous pour votre attention, pour être présents à la fin de notre longue journée dans cette Assemblée.

LA PRÉSIDENTE* – La parole est à Mme la présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, qui dispose de deux minutes.

Mme ACKETOTF(Suède), présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* – Les médias nous ont informés que le Louvre avait dû fermer ses portes pour cause de jeunes pickpockets présents dans le musée.

Un de mes compatriotes suédois a écrit ceci, dans des termes parfois plus violents, dans un journal réputé : « Qui sont les Roms ? On utilise un terme moderne pour se placer sur un plan anthropologique ! Maintenant on sait à quoi notre pays peut s’attendre. A ce que 250 000 à 300 000 gitans de la Bulgarie et de la Roumanie déferlent ! Il faut le dire haut et fort : voilà l’afflux qui nous attend avec notre gouvernement politiquement correct ! »

Chaque pays de cette Assemblée a des minorités roms et aucun, y compris la Suède, ne peut dire qu’il n’existe pas de discriminations chez lui.

Ce rapport permet la prise de mesures pratiques pour mettre un terme à des siècles d’aliénation. Alors agissons en tant que parlementaires et mettons les gouvernements et les populations face à la réalité. Il faut vraiment du courage. Nous ne sommes pas des moutons de Panurge, nous sommes des responsables politiques et parfois il faut nager en sens contraire pour que les choses bougent. Je suis très fière d’être présidente de cette commission et de pouvoir présenter un aussi bon rapport, rédigé par Mme Memecan, avec le soutien de notre secrétariat fiable comme de coutume.

LA PRÉSIDENTE* – La discussion est close.

La commission sur l’égalité a présenté un projet de résolution sur lequel un amendement a été déposé, qui a été adopté à l’unanimité par la commission. En conséquence, Mme la présidente de la commission propose qu’il soit déclaré adopté par l’Assemblée en application de l’article 33-11 du Règlement.

Est-ce bien le cas, Madame la présidente ?

Mme ACKETOTF (Suède)*, présidente de la commission – Oui, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE* – L’amendement n° 1, déposé par M. Aligrudić, Mmes Miladinović, Rakić, MM. Račan, Kalmár, Mmes Bulajić, Bakoyannis, M. Vareikis, Mme Djurović, MM. Kox, M. Jensen, E. Fischer, O'Reilly, Walter, tend dans le projet de résolution, après le paragraphe 7.5, à insérer le paragraphe suivant : « à fournir un financement public suffisant pour garantir l’efficacité et l’efficience des activités mentionnées dans les paragraphes 7.1 à 7.5. »

En l’absence d’objection, cet amendement est déclaré adopté définitivement.

Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13158, ainsi amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (44 voix pour, 5 voix contre et 9 abstentions).

LA PRÉSIDENTE* – Félicitations !

4. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE* – La prochaine séance publique aura lieu demain matin à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 20 h 5.

SOMMAIRE

1. Discours de M. Burkhalter, vice-président du Conseil fédéral, chef du département fédéral des Affaires étrangères de la Suisse

Questions : MM. Kalmar, Schennach, Clappison, Villumsen, Recordon, Gaudi Nagy, Mme Orobets, MM. Kayatürk, Reimann, Xuclà, R. Farina, Beneyto

2. Lutter contre le « tourisme sexuel impliquant des enfants »

Les parlements unis pour combattre la violence sexuelle à l’égard des enfants : bilan à mi-parcours de la campagne UN sur CINQ (Débat conjoint)

Présentation par M. Ghiletchi, du rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable sur « Lutter contre le tourisme sexuel impliquant des enfants » (Doc. 13152)

Présentation par Mme Bonet Perot du rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable sur « Les parlements unis pour combattre la violence sexuelle à l’égard des enfants : bilan à mi-parcours de la Campagne UN sur CINQ » (Doc. 13151)

Orateurs : Mme Guţu, M. Donaldson, Mme Backman, MM. Omtzigt, G. Davies, Mendes Bota, Mmes Blondin, Clune, M. Díaz Tejera, Mmes Anttila, Fataliyeva, Virolainen, Blanco, M. Kayatürk, Mme Goryacheva, MM. Sidyakin, Rouquet, Mme Kyriakides, MM. Belyakov, Yatim, Mme Zappone, M. R. Farina, Mmes Kyriakidou, Bulajić, Borzova, MM. Boden, Dobbin, Kolman, Connarty, Xuclà

Réponses de Mme la rapporteure, de M. le rapporteur et de Mme la présidente de la commission des questions sociales

Votes sur un projet de résolution et sur un projet de recommandation

3. Mettre fin à la discrimination contre les enfants roms

Présentation par Mme Memecan du rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination (Doc. 13158)

Orateurs : M. Aligrudić, Mmes Groth, Kyriakides, M. Schennach, Mme Beck, M. Nikoloski, Mme Bourzai, MM. Voruz, Kolman, Mmes Christoffersen, Allain, MM. Drăghici, Tatsopoulos, Mme Al-Astal, MM. Gaudi Nagy, Chaloupka

Réponses de Mme la rapporteure et de Mme la présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination

Vote sur un projet de résolution amendé

4. Prochaine séance publique

ANNEXE

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque.

Pedro AGRAMUNT

Arben AHMETAJ*

Miloš ALIGRUDIĆ

Jean-Charles ALLAVENA

Karin ANDERSEN/Ingjerd Schou

Lord Donald ANDERSON*

Paride ANDREOLI

Khadija ARIB*

Volodymyr ARIEV

Mörður ÁRNASON*

Francisco ASSIS*

Danielle AUROI/Brigitte Allain

Þuriður BACKMAN

Daniel BACQUELAINE*

Theodora BAKOYANNIS

David BAKRADZE

Gérard BAPT*

Gerard BARCIA DUEDRA

Doris BARNETT*

José Manuel BARREIRO*

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK

José María BENEYTO

Levan BERDZENISHVILI*

Deborah BERGAMINI*

Robert BIEDROŃ*

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY*

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Delia BLANCO

Jean-Marie BOCKEL

Eric BOCQUET*

Olga BORZOVA

Mladen BOSIĆ*

António BRAGA

Anne BRASSEUR

Márton BRAUN*

Federico BRICOLO*

Ankie BROEKERS-KNOL*

Gerold BÜCHEL/Rainer Gopp

Patrizia BUGNANO/Giuliana Carlino

André BUGNON

Natalia BURYKINA/Tamerlan Aguzarov

Sylvia CANEL*

Mevlüt ÇAVUŞOĞLU

Mikael CEDERBRATT

Otto CHALOUPKA

Irakli CHIKOVANI*

Vannino CHITI/Paolo Corsini

Tudor-Alexandru CHIUARIU/Corneliu Mugurel Cozmanciuc

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Desislav CHUKOLOV*

Lolita ČIGĀNE*

Boriss CILEVIČS

Henryk CIOCH*

James CLAPPISON*

Deirdre CLUNE

Agustín CONDE*

Igor CORMAN*

Telmo CORREIA*

Carlos COSTA NEVES

Joseph DEBONO GRECH*

Armand De DECKER/Ludo Sannen

Roel DESEYN

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK/Marjolein Faber-Van De Klashorst

Şaban DİŞLİ

Aleksandra DJUROVIĆ

Jim DOBBIN

Karl DONABAUER*

Ioannis DRAGASAKIS

Damian DRĂGHICI

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE/Cheryl Gillan

Josette DURRIEU

Mikuláš DZURINDA

Baroness Diana ECCLES/Jeffrey Donaldson

Tülin ERKAL KARA

Gianni FARINA*

Joseph FENECH ADAMI

Cătălin Daniel FENECHIU

Vyacheslav FETISOV/Alexander Sidyakin

Doris FIALA*

Daniela FILIPIOVÁ/Miroslav Krejča

Axel E. FISCHER*

Jana FISCHEROVÁ/Kateřina Konečná

Gvozden Srećko FLEGO*

Hans FRANKEN

Jean-Claude FRÉCON/Maryvonne Blondin

Béatrice FRESKO-ROLFO*

Erich Georg FRITZ

Martin FRONC/József Nagy

Sir Roger GALE*

Tamás GAUDI NAGY

Nadezda GERASIMOVA

Valeriu GHILETCHI

Paolo GIARETTA*

Michael GLOS*

Pavol GOGA

Jarosław GÓRCZYŃSKI/ Zbigniew Girzyński

Alina Ştefania GORGHIU

Svetlana GORYACHEVA

Martin GRAF*

Sylvi GRAHAM

Andreas GROSS

Arlette GROSSKOST*

Dzhema GROZDANOVA*

Attila GRUBER*

Gergely GULYÁS*

Pelin GÜNDEŞ BAKIR

Antonio GUTIÉRREZ*

Ana GUŢU

Carina HÄGG

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI

Mike HANCOCK

Margus HANSON

Davit HARUTYUNYAN

Håkon HAUGLI*

Norbert HAUPERT

Alfred HEER/Maximilian Reimann

Martin HENRIKSEN/Mette Reissmann

Andres HERKEL

Adam HOFMAN*

Jim HOOD

Joachim HÖRSTER

Arpine HOVHANNISYAN*

Anette HÜBINGER*

Andrej HUNKO*

Susanna HUOVINEN

Ali HUSEYNLI*

Rafael HUSEYNOV*

Shpëtim IDRIZI*

Vladimir ILIĆ/Vesna Marjanović

Florin IORDACHE

Igor IVANOVSKI/Imer Aliu

Tadeusz IWIŃSKI

Denis JACQUAT/Jacques Legendre

Gediminas JAKAVONIS

Tedo JAPARIDZE*

Ramón JÁUREGUI*

Michael Aastrup JENSEN*

Mogens JENSEN*

Jadranka JOKSIMOVIĆ/Katarina Rakić

Birkir Jón JÓNSSON*

Čedomir JOVANOVIĆ/Svetislava Bulajić

Antti KAIKKONEN/Sirkka-Liisa Anttila

Ferenc KALMÁR

Božidar KALMETA/Ivan Račan

Mariusz KAMIŃSKI*

Marietta KARAMANLI*

Ulrika KARLSSON

Burhan KAYATÜRK

Jan KAŹMIERCZAK

Serhii KIVALOV

Bogdan KLICH/Iwona Guzowska

Serhiy KLYUEV/Volodymyr Pylypenko

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN

Attila KORODI

Alev KORUN*

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO*

Dmitry KRYVITSKY*

Václav KUBATA/Dana Váhalová

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU

Jean-Yves LE DÉAUT*

Igor LEBEDEV*

Harald LEIBRECHT*

Orinta LEIPUTĖ

Christophe LÉONARD/Bernadette Bourzai

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE*

Lone LOKLINDT*

François LONCLE/Gérard Terrier

Jean-Louis LORRAIN/Bernard Fournier

George LOUKAIDES/Stella Kyriakides

Younal LOUTFI*

Yuliya L'OVOCHKINA*

Saša MAGAZINOVIĆ*

Philippe MAHOUX*

Gennaro MALGIERI/Renato Farina

Pietro MARCENARO

Thierry MARIANI*

Epameinondas MARIAS

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI

Pirkko MATTILA

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER/Eric Voruz

Michael McNAMARA/Katherine Zappone

Sir Alan MEALE/Michael Connarty

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Ivan MELNIKOV*

Nursuna MEMECAN

José MENDES BOTA

Jean-Claude MIGNON/Marie-Jo Zimmermann

Djordje MILIĆEVIĆ/Stefana Miladinović

Federica MOGHERINI REBESANI*

Andrey MOLCHANOV*

Jerzy MONTAG*

Rubén MORENO PALANQUES

Patrick MORIAU*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK

Alejandro MUÑOZ-ALONSO

Lydia MUTSCH/Fernand Boden

Lev MYRYMSKYI/Serhiy Labaziuk

Philippe NACHBAR*

Oľga NACHTMANNOVÁ

Marian NEACŞU

Aleksandar NENKOV*

Pasquale NESSA

Fritz NEUGEBAUER

Baroness Emma NICHOLSON*

Elena NIKOLAEVA*

Aleksandar NIKOLOSKI

Mirosława NYKIEL

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY

Lesia OROBETS

Sandra OSBORNE/Geraint Davies

Liliana PALIHOVICI*

Dimitrios PAPADIMOULIS

Eva PARERA/Jordi Xuclà

Ganira PASHAYEVA*

Lajla PERNASKA*

Johannes PFLUG*

Danny PIETERS/Sabine Vermeulen

Foteini PIPILI*

Ivan POPESCU

Lisbeth Bech POULSEN/Nikolaj Villumsen

Marietta de POURBAIX-LUNDIN/Kerstin Lundgren

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT/Joe Benton

Jakob PRESEČNIK*

Gabino PUCHE*

Alexey PUSHKOV*

Mailis REPS*

Eva RICHTROVÁ

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE/Frédéric Reiss

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Marlene RUPPRECHT

Ilir RUSMALI*

Pavlo RYABIKIN*

Rovshan RZAYEV/Sevinj Fataliyeva

Giacomo SANTINI*

Giuseppe SARO*

Kimmo SASI

Deborah SCHEMBRI

Stefan SCHENNACH

Marina SCHUSTER

Urs SCHWALLER/Luc Recordon

Damir ŠEHOVIĆ*

Senad ŠEPIĆ*

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN*

Oleksandr SHEVCHENKO

Boris SHPIGEL*

Arturas SKARDŽIUS

Ladislav SKOPAL

Leonid SLUTSKY

Serhiy SOBOLEV

Lorella STEFANELLI

Yanaki STOILOV*

Christoph STRÄSSER*

Karin STRENZ*

Ionuţ-Marian STROE

Giacomo STUCCHI*

Valeriy SUDARENKOV

Björn von SYDOW/Jonas Gunnarsson

Petro SYMONENKO*

Vilmos SZABÓ*

Melinda SZÉKYNÉ SZTRÉMI*

Chiora TAKTAKISHVILI*

Vyacheslav TIMCHENKO

Romana TOMC*

Lord John E. TOMLINSON

Latchezar TOSHEV

Mihai TUDOSE

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ*

Tuğrul TÜRKEŞ*

Theodora TZAKRI/Konstantinos Triantafyllos

Tomáš ÚLEHLA/Pavel Lebeda

Ilyas UMAKHANOV*

Giuseppe VALENTINO*

Miltiadis VARVITSIOTIS/Petros Tatsopoulos

Volodymyr VECHERKO/Larysa Melnychuk

Mark VERHEIJEN/Pieter Omtzigt

Anne-Mari VIROLAINEN

Luigi VITALI*

Luca VOLONTÈ*

Vladimir VORONIN*

Tanja VRBAT/Melita Mulić

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ

Zoran VUKČEVIĆ

Piotr WACH

Johann WADEPHUL*

Robert WALTER*

Dame Angela WATKINSON

Katrin WERNER

Karin S. WOLDSETH/Øyvind Vaksdal

Gisela WURM

Karl ZELLER*

Barbara ŽGAJNER TAVŠ*

Svetlana ZHUROVA/Anton Belyakov

Emanuelis ZINGERIS/Egidijus Vareikis

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN*

Levon ZOURABIAN*

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, Monténégro*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Rainer GOPP

Spyridon TALIADOUROS

Liliane MAURY PASQUIER

Annette GROTH

Observateurs

Juan BUENO TORIO

Eloy CANTU SEGOVIA

Ernesto GÁNDARA CAMOU

Miguel ROMO MEDINA

Partenaires pour la démocratie

Najat AL-ASTAL

Bernard SABELLA

Mohamed YATIM