FR13CR24

AS (2013) CR 24

SESSION ORDINAIRE DE 2013

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(Troisième partie)

COMPTE RENDU

de la vingt-quatrième séance

Mercredi 26 juin 2013 à 15 h 30

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

4.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de M. Rouquet, Vice-Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT – La séance est ouverte.

1. Modifications dans la composition des commissions

LE PRÉSIDENT – Des propositions de modifications dans la composition des commissions ont été publiées dans le document Commissions (2013) 06 Addendum 3.

Il n’y a pas d’opposition.

Ces modifications sont adoptées.

2. Contestation pour des raisons formelles
des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire d’Islande

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport présenté par Mme Vučković au nom de la commission du Règlement sur la contestation, pour des raisons formelles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire d’Islande (Doc.13246).

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Mme VUČKOVIĆ (Serbie), rapporteure de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles* – Le 24 juin, M. Mendes Bota et d’autres membres de l’Assemblée ont contesté les pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire islandaise au motif que celle-ci, en violation de l’article 6.2.a du Règlement, ne comprenait aucune femme.

L’article en question dispose : « Les délégations nationales doivent comprendre un pourcentage de membres du sexe sous-représenté au moins égal à celui que compte actuellement leur parlement et, au minimum, un membre du sexe sous-représenté désigné en qualité de représentant. »

La commission a vérifié si, au regard de l’article 7.3.c du Règlement, la délégation parlementaire de l’Islande a été constituée de façon régulière. La délégation islandaise a droit à trois représentants et à trois suppléants. Dans la nouvelle délégation, les 3 représentants sont des hommes et 2 des suppléants sont des femmes. La commission du Règlement a conclu que la délégation ne satisfait pas aux conditions précisées à l’article 6.2, lequel prévoit qu’il doit y avoir au moins une femme comme représentante dans chaque délégation.

La commission s’est ensuite penchée sur les précédents. En janvier 2011, nous nous sommes trouvés dans la même situation en ce qui concerne les délégations du Monténégro, de Saint-Marin et de la Serbie, qui ne comprenaient aucune représentante du sexe sous-représenté. L’Assemblée avait alors décidé de ratifier les pouvoirs de ces délégations mais de suspendre le droit de vote de leurs membres à partir de la partie de session suivante et jusqu’à ce que la composition de la délégation soit mise en conformité avec les règles.

Nous avons décidé de suivre la même approche, tout en tenant compte des explications qui nous ont été données par M. Garðarson, président de la délégation islandaise, lequel nous a indiqué que la composition de la délégation serait modifiée en vue de la partie de session d’octobre.

Nous proposons donc à l’Assemblée de ratifier les pouvoirs de la délégation islandaise tout en prévoyant la suspension automatique de son droit de vote à partir du premier jour de la partie de session du mois d’octobre si la composition de cette délégation, d’ici là, n’a pas été rendue conforme au Règlement.

J’aimerais enfin saisir cette occasion pour rappeler notre position sur l’égalité des sexes à l'Assemblée parlementaire. Les parlements nationaux, avons-nous demandé, doivent veiller à ce qu’il y ait dans leur délégation un pourcentage de femmes au moins égal au pourcentage de femmes dans le parlement national, l’objectif étant d’avoir au moins 30 % de femmes, sachant que le seuil devrait être en réalité de 40 %.

En 2010, seules 24 des 47 délégations nationales avaient un pourcentage égal ou supérieur à 30 % de femmes, et dans 12 délégations, il y avait au moins 40 % de femmes. Ces chiffres se sont améliorés, le nombre de délégations ayant au moins 30 % de femmes est passé à 27, 17 en ayant plus de 50 %.

La commission sur l’égalité et la non-discrimination élabore chaque année un rapport d’information très intéressant sur les progrès vers l’égalité entre les hommes et les femmes à l’Assemblée ; on y trouve des statistiques très détaillées sur les différentes délégations. Les femmes représentent en ce mois de juin 32 % des membres de l’Assemblée, mais 53 % d’entre elles sont suppléantes.

Les progrès sont lents mais néanmoins réels. Des améliorations sont encore possibles.

LE PRÉSIDENT – Nous passons maintenant à la discussion générale.

Mme MARJANOVIĆ (Serbie), porte-parole du Groupe socialiste* – Aujourd’hui nous parlons d’une règle du Conseil de l'Europe qui a été énoncée clairement, mais surtout d’un principe sur lequel se fonde cette règle et qui nous tient à cœur, au Groupe socialiste.

Nous sommes tous favorables à une représentation équilibrée, à laquelle nous ne sommes toujours pas parvenus, ni ici ni dans la majorité des Etats membres. Les femmes composent la moitié de l’électorat mais toujours pas la moitié des élus. Espérons que cet objectif sera atteint à l’avenir.

J’aimerais donc souligner une fois de plus que le Groupe socialiste et le Conseil de l'Europe sont favorables à l’amélioration de la représentation des femmes dans la vie publique et dans le monde politique.

Nous savons que la délégation islandaise n’avait probablement pas pour intention d’enfreindre la règle, chose qui est d’ailleurs arrivée à mon propre pays il y a deux ans. Nous avons invité cette délégation à y remédier avant la prochaine partie de session.

Mme LUNDGREN (Suède), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Faisant partie du Groupe ADLE, qui n’a pas de quota mais qui est dirigé par une femme, et venant de Suède, où quatre des six délégués sont des femmes, je m’intéresse tout particulièrement au sujet qui nous occupe en ce moment.

Un des trois piliers de notre institution étant l’Etat de droit, nous devons être particulièrement attentifs au respect de nos propres règles. C’est donc une bonne chose que ces pouvoirs aient été contestés et, au nom du Groupe ADLE, j’approuve et j’appuie pleinement les conclusions du rapport.

Nos collègues islandais nous l’ont dit : ils vont régler le problème d’ici la prochaine partie de session. Nous aurons ainsi respecté nos règles et nous espérons rencontrer dès la prochaine partie de session les nouveaux membres de la délégation islandaise.

Baroness WILCOX (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe démocrate européen* – Nous sommes favorables à l’excellente proposition de notre rapporteure, à savoir que pour cette partie de session, il y ait ratification des pouvoirs de la délégation de l’Islande, tout en disant clairement qu’à l’avenir la règle de l’équilibre des sexes doit être respectée.

Le Groupe démocrate européen a entendu la délégation islandaise et a noté que l’Islande n’avait pas eu l’intention de ne présenter que des délégués hommes. Le Parlement islandais compte 60 hommes et 40 femmes, donc de nombreuses candidates possibles pour sa délégation. L’idée était peut-être de choisir les personnes les plus expérimentées. Mais nous voulons aussi des jeunes ! Quoi qu’il en soit, il n’y a jamais eu le propos délibéré de ne pas envoyer de femmes pour représenter ce magnifique pays qu’est l’Islande. Les délégués islandais reconnaissent le fait que leur délégation ne reflète pas l’équilibre qui existe au sein de leur propre parlement et rectifieront le tir. Nous serons donc très heureux de saluer bientôt les premières femmes déléguées d’Islande.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je n’ai rien à ajouter au rapport, dont je partage pleinement les conclusions. Les règles sont là, elles doivent être appliquées.

Je voudrais poser une question à la délégation islandaise, dont le président interviendra tout à l’heure. La délégation islandaise est petite : trois représentants et trois suppléants. Comme l’Islande a des problèmes financiers plus graves encore sans doute que les nôtres, elle a décidé de ne pas envoyer de suppléants à l’Assemblée. Si ce problème pouvait être résolu, il serait plus facile de régler le problème d’ensemble. Je voudrais donc demander à l’Islande de veiller à ce que les représentants et les suppléants – traités à égalité dans cette Assemblée – aient tous la possibilité de venir participer aux travaux de l’Assemblée. Certes, cela coûte de l’argent, mais c’est mineur par rapport aux problèmes financiers de l’Islande. Je crois que si vous résolvez cette question-là, le problème ne se posera plus.

M. GARÐARSON (Islande)* – Au nom de la délégation islandaise, j’aimerais dire que l’égalité des droits entre les femmes et les hommes est une question importante en Islande. Nous disposons d’une législation qui assure aux hommes et aux femmes les mêmes droits dans tous les aspects de la vie en société. Le Parlement islandais est fondé sur le même principe. Le fait que les trois membres de notre délégation au Conseil de l'Europe soient tous des hommes s’explique par les procédures internes au Parlement islandais. La délégation a été élue le 6 juin lorsqu’un nouveau parlement s’est réuni pour la première fois pour une brève session estivale.

L’élection de la délégation s’est fondée sur la nomination des partis politiques sans que ces derniers se soient consultés préalablement. La non-conformité aux conditions fixées par le Règlement de l’Assemblée parlementaire n’est apparue qu’ensuite et malheureusement, nous n’avons pas pu modifier à temps la composition de la délégation, chose qui nécessitait la consultation de l’ensemble des partis politiques concernés. Vu le peu de temps dont nous disposons, nous n’avons pas été en mesure de finaliser l’accord entre eux. Cela étant, nous considérons que l’article 6.2 a du Règlement est très important et qu’il est nécessaire de modifier les règles internes au Parlement islandais pour qu’un tel fait ne se reproduise pas. Tous les partis politiques devront se consulter avant de sélectionner les candidats à des délégations internationales. Je puis en tout cas vous assurer que le Parlement islandais modifiera la composition de sa délégation avant la prochaine partie de session, en octobre.

Mme VUČKOVIĆ (Serbie), rapporteure*– Nous attendons donc la nouvelle délégation islandaise en octobre et je me réjouis d’ores et déjà d’en accueillir les membres.

Mes chers collègues, je vous demande de voter le rapport.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est close.

La commission du Règlement a présenté un projet de résolution, sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution, contenu dans le Doc.13246.

Je vous rappelle que, en application de l’article 7.4 de notre Règlement, les membres de la délégation de l’Islande, dont les pouvoirs sont contestés, ne peuvent participer au vote.

Le projet de résolution, est adopté (42 voix pour, 1 voix contre, 2 abstentions).

3. Mettre fin aux stérilisations et castrations forcées

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport sur « Mettre fin aux stérilisations et castrations forcées », présenté par Mme Liliane Maury Pasquier au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable (Doc.13215), ainsi que de l’avis présenté par Mme Fatiha Saïdi au nom de la commission sur l’égalité et la non-discrimination (Doc.13252).

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), rapporteure de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable – Chers collègues, les stérilisations et castrations forcées non réversibles constituent de graves violations des droits humains et de la dignité humaine. Partant, elles sont inacceptables dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. C'est le constat posé par le présent rapport et affirmé en ouverture du projet de résolution.

Ce rapport vise à apporter une approche globale à la question des stérilisations et castrations imposées, qui a, jusqu'à présent, fait l'objet de discussions du Conseil de l'Europe et de cette Assemblée sur des cas particuliers tels que, par exemple, la discrimination à l’encontre des transsexuels. Par « approche globale », j'entends que ce rapport, et tout particulièrement ce projet de résolution, ne sont pas dirigés contre un pays en particulier, mais s'adressent bel et bien à l'ensemble des pays membres. Cette approche globale, orientée sur les droits humains, présente une perspective historique, afin de tirer les leçons du passé pour mieux agir aujourd'hui. Car, hier comme aujourd'hui, la peur de tout ce qui est perçu comme « différent » et donc inférieur, voire parfois menaçant, peut mener à des dérives, par souci de contrôler ces différences ou du moins leur propagation.

Commençons, si vous le voulez bien, par hier. Dans la première moitié du XXe siècle, les nouvelles idées scientifiques concernant notamment les classes sociales et les races se sont mêlées au souci d'assurer la puissance des nouveaux États-nations pour former un terreau fertile à la stérilisation eugénique – et, dans une mesure bien moindre, la castration. Le programme suédois, par exemple, visait ainsi essentiellement des femmes susceptibles de devenir une charge pour le système de protection sociale en développement. D'abord « positif », c'est-à-dire pensé pour le bien des personnes concernées et de la société et orienté vers les « mieux adaptés », l'eugénisme est devenu « négatif », stigmatisant les personnes perçues comme inaptes, donc inférieures, et promouvant à leur encontre la stérilisation forcée. Cette pratique s'est répandue dans de nombreux pays, en visant particulièrement les personnes pauvres, de couleur ou socialement marginalisées - et plus fréquemment les femmes.

Si le cas de l'Allemagne nazie est bien connu, la Caroline du Nord n'a mis officiellement un terme à son programme de stérilisation forcée qu'en 1974. De la même manière, les lois eugéniques scandinaves n'ont été abolies que vers cette époque. Et comme est venue nous le rappeler Mme Bernadette Gàchter par son témoignage poignant, des avortements et stérilisations forcés se pratiquaient encore dans mon propre pays, la Suisse, dans les années 1970.

La stérilisation forcée et sans consentement constitue pourtant une violation de plusieurs droits humains internationalement reconnus, dont le droit à la santé, le droit à l'intégrité physique, le droit de ne pas être soumis à la violence, à la torture et à d'autres traitements inhumains ou dégradants, le droit pour les femmes de décider du nombre et de l'espacement des naissances et le droit de chacun de ne pas subir de discriminations. Dans son dernier rapport, publié le 1er février 2013, le rapporteur spécial de l'ONU sur la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. Juan E. Méndez, qualifie de mauvais traitements interdits les violences et abus commis dans les établissements de santé, parmi lesquels les stérilisations forcées. La Cour européenne des droits de l'homme a d'ailleurs déjà jugé dans plusieurs affaires que la stérilisation sans consentement de femmes roms était contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et représentait donc une violation des droits humains.

En ce qui concerne le passé récent de l'Europe, le rapport décrit particulièrement la situation de la République tchèque, étant donné que ce pays a eu l'obligeance de m'accueillir pour une visite d'étude. La stérilisation forcée de femmes roms y a eu cours sous le régime communiste et s'est ensuite poursuivie dans le milieu médical, par exemple au cours de césariennes. Aucune des personnes mises en cause n'a été soumise à des sanctions et les procédures n'ont que rarement abouti à une indemnisation, pour cause de prescription. Le 1er avril 2012, toutefois, la République tchèque a adopté une nouvelle loi sur la stérilisation, plus conforme aux lignes directrices de la Fédération internationale de gynécologie et d'obstétrique sur la stérilisation forcée. En outre et surtout, il semble que les médecins tchèques soient en train de changer de position à l'égard de la stérilisation.

De nos jours, dans 29 États membres du Conseil de l'Europe, la stérilisation est une condition préalable pour que le pays reconnaisse légalement une personne transsexuelle dans son nouveau sexe. Je cite dans le rapport le cas de la Suède, qui a également bien voulu m'accueillir pour une visite d'étude. La loi suédoise, encore en vigueur pour quelques jours, date de 1972 et impose la condition de stérilisation. A l'issue d'un vaste débat national, le Parlement suédois a toutefois adopté une loi abolissant la condition de stérilisation à compter du 1er juillet prochain. La question est désormais de savoir si les transsexuels victimes de stérilisation forcée doivent être indemnisés par l'État, comme l'ont été les victimes de l'ancien programme de stérilisation eugénique.

De manière générale, la stérilisation sans consentement continue aujourd'hui de menacer particulièrement les femmes handicapées. Toutefois, c'est surtout la castration qui, de nos jours, fait débat. Une tendance de plus en plus forte se dessine en faveur de la castration des délinquants sexuels condamnés. Or le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a exprimé son objection de principe à la castration chirurgicale comme moyen de traitement des délinquants sexuels. Il a notamment souligné que le contexte dans lequel l’intervention est proposée pose question quant au caractère libre et éclairé du consentement. En effet, il est permis d’imaginer que certains patients obtempèrent plutôt qu'ils ne consentent, pensant que c'est là le seul moyen qu'ils ont de sortir de prison ou de l'hôpital psychiatrique. Signalons toutefois que, dans ce domaine aussi, la République tchèque, qui a fait avec l'Allemagne l'objet de critiques de la part du CPT, a adopté une nouvelle législation et des nouvelles règles, beaucoup plus strictes.

Cela n'enlève rien au fait que, comme le CPT, je ne suis toujours pas convaincue de la liberté du consentement d'une personne qui doit choisir entre passer toute sa vie enfermée et subir une castration chirurgicale. La frontière entre les stérilisations et castrations forcées, ou du moins imposées – si l'on exclut le recours à la force physique – et celles qui ne le sont pas fait l'objet de débats, y compris au sein de cette Assemblée. Je pense que toute pression, même involontaire, même simplement induite par le contexte, carcéral par exemple, ou par la relation de pouvoir existant entre le médecin et son patient, est un frein au libre consentement. Je crois fermement que nous devons adopter cette vision large pour éviter des dérives telles que celles de l'ancien programme eugénique suédois qui, sur le papier, mais, la plupart du temps, sur le papier seulement, était un programme de stérilisation « volontaire ». Dans la réalité, les victimes subissaient d'énormes pressions pour signer les formulaires de consentement, soit sous forme de carotte – par exemple la promesse de pouvoir sortir d'une institution – ou de bâton – notamment la menace de perdre la garde de leurs enfants.

Je nous propose de retenir les leçons de l'histoire en observant comment la société a pu parfaitement tolérer de telles atteintes aux droits humains et d'inviter les Etats que nous représentons à prendre toutes les mesures nécessaires pour que jamais, plus jamais, ces atteintes ne puissent se reproduire. Il convient non seulement d’abolir ces pratiques, mais aussi d’œuvrer à un changement de mentalité face à la différence, ainsi qu’à un changement des attitudes paternalistes au sein du corps médical. Il faut également que les victimes puissent obtenir réparation, protection et réhabilitation et, s’agissant des affaires récentes, poursuivre les coupables. Quelle que soit la date de l'affaire, il convient enfin de présenter des excuses officielles et d’accorder une indemnisation, tout au moins symbolique. C'est alors, et alors seulement, que nous aurons pleinement incarné les idéaux du Conseil de l'Europe.

LE PRÉSIDENT – Je vous remercie, Madame la rapporteure, de cet exposé très complet.

Il vous restera quatre minutes pour répondre aux orateurs.

Madame la rapporteure pour avis de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, vous disposez de quatre minutes.

Mme SAÏDI (Belgique), rapporteure pour avis de la commission sur l’égalité et la non-discrimination La commission sur l'égalité et la non-discrimination félicite Mme Liliane Maury Pasquier et soutient le projet de résolution. Son rapport est complet et approfondi : Mme la rapporteure a adopté une approche fondée sur les droits humains, ce qui est en phase avec les orientations et les thèmes traités par notre commission sur l'égalité et la non-discrimination. Nous souhaitons ajouter à l'exposé des motifs quelques éléments complémentaires, au sujet de la violence à l'égard des femmes et de la situation des personnes transgenres.

S’agissant des violences à l'égard des femmes, à la lecture du rapport de Mme Maury Pasquier, force est de constater que les femmes ont été affectées de manière disproportionnée par les pratiques de stérilisation forcée menées aux cours des décennies passés. Rappelons que la Convention CEDAW – Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes – des Nations Unies considère la stérilisation forcée comme une forme de violence à l'égard des femmes.

Il en est de même de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique – Convention d'Istanbul –, qui prévoit, en ce qui concerne l'avortement et la stérilisation, que « les parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour les ériger en infractions pénales, lorsqu'ils sont commis intentionnellement, comme le fait de pratiquer une intervention chirurgicale qui a pour objet ou pour effet de mettre fin à la capacité d'une femme de se reproduire naturellement sans son accord préalable et éclairé ou sans sa compréhension de la procédure ». L'entrée en vigueur de la convention et son application par ses parties permettront donc de combattre efficacement toute pratique de stérilisation ciblant les femmes.

Les personnes transgenres sont, quant à elles, systématiquement victimes de la stérilisation forcée prévue par la loi. A cet égard, rappelons que les Principes de Jogjakarta ont été présentés devant le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies le 26 mars 2007.

Ces principes formalisent les normes juridiques internationales auxquelles les Etats doivent se conformer. L’article 3 est du reste très clair puisqu’il précise : « L'orientation sexuelle et l'identité de genre définies par chacun personnellement font partie intégrante de sa personnalité et sont l'un des aspects les plus fondamentaux de l'autodétermination, de la dignité et de la liberté. Personne ne sera forcé de subir des procédures médicales, y compris la chirurgie de réassignation de sexe, la stérilisation ou la thérapie hormonale, comme condition à la reconnaissance légale de son identité de genre. Aucun statut, tels que le mariage ou la condition de parent, ne peut être invoqué en tant que tel pour empêcher la reconnaissance légale de l'identité de genre d'une personne ».

Voilà, Monsieur le Président, chers collègues, deux considérations que je souhaitais formuler, au nom de la commission sur l'égalité et la non-discrimination à propos d’un texte que nous approuvons et sur lequel nous ne présentons aucun amendement.

En revanche, d’autres amendements ont été déposés dont nous craignons la portée. Ils risquent en effet d’affaiblir la proposition de résolution, voire d’exclure de la protection certains groupes de population, comme les personnes transgenres.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est ouverte.

Mme ACKETOFT (Suède), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je remercie ma collègue de ce rapport à la fois bien écrit et complet, dont les commentaires seront utiles aux législateurs.

Je suis suédoise et Mme Maury Pasquier est venue en Suède recueillir des informations sur le paysage politique et les programmes eugéniques suédois entre 1934 et 1976, ainsi que sur la politique menée à l’égard des personnes transgenres qui perdurera jusqu’à lundi prochain. Il n’y a pas de quoi être fier ! On estime à quelque 63 000, surtout des femmes, le nombre de personnes qui ont été victimes de ces différentes politiques qui avaient pour objectif de créer une population homogène et saine. Comment un Etat moderne a-t-il pu conduire de telles politiques, y compris après la période nazie ? Si, sur le papier, les stérilisations étaient volontaires, nous savons que, dans la réalité, elles étaient tout sauf volontaires. Les victimes subissaient de véritables pressions pour signer les formulaires de consentement, afin d’être libérées ou pour avoir accès à leurs enfants. Alors que les Suédois pensent que le programme nazi était mauvais, violent et irrationnel, le programme suédois aurait-il été, pour sa part, bon pour les patients, bon pour l’Etat et rationnel ? Nous savons que les deux programmes conduisaient à des violations intolérables des droits de l'homme.

Nous sommes tous d’accord pour reconnaître aujourd’hui que la stérilisation des femmes, sous prétexte qu’elles fréquentaient les parcs d’attraction – tel était parfois le motif invoqué en Suède ! –, est totalement inacceptable. Demandons-nous toutefois s’il est plus acceptable de pratiquer les politiques, que nous connaissons aujourd’hui, de stérilisation des femmes roms ou de castration des délinquants sexuels.

Lorsque l’Assemblée parlementaire a voté hier contre la procédure de suivi de la Hongrie, je pensais que nous avions touché le fond : c’était jusqu’à ce que je lise les propositions d’amendements sur le présent projet de résolution, qui nient, en dépit des leçons de l’histoire, l’horreur de la stérilisation et de la castration forcées.

Certains associent même à cela la question de l’avortement, ce qui est totalement incompréhensible. Je me demande d’ailleurs si, ici, on est pour ou contre la vie. On semble dire que d’autres que la personne directement concernée peuvent décider du devenir d’un corps.

Il n’y a plus de stérilisation de masse, mais il reste des cas de stérilisation et de castration couverts par la définition de la stérilisation et de la castration forcées. Peu importe les raisons, ces pratiques ont toujours lieu en violation de la Convention européenne des droits de l’homme.

Je vous invite donc à vous opposer aux amendements déposés et à soutenir l’appel de Mme Maury Pasquier. Que chaque être humain puisse décider pour son propre corps !

Mme GERASIMOVA (Fédération de Russie), porte-parole du Groupe démocrate européen* – Nous examinons aujourd’hui une question extrêmement difficile pour tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. Les parlements nationaux des différents Etats ont adopté une législation sur la stérilisation et la castration pour des raisons graves ayant à voir avec les morts tragiques de milliers de victimes innocentes. Les statistiques montrent en effet que 50 % des crimes de nature sexuelle visent nos enfants, c’est-à-dire l’avenir même de nos sociétés. Ces dernières années, la croissance de ces crimes a été d’un facteur dix pour les cas de pédophilie.

L’Organisation mondiale de la santé considère dans sa classification statistique qu’il s’agit d’une maladie. Mais la pédophilie continue de susciter un débat : s’agit-il vraiment d’une maladie ou d’un relâchement moral ? La pratique médicale montre que les personnes libérées après un crime de nature sexuelle récidivent dans 97 % des cas, entre 2 et 5 ans après avoir été relâchées. Dans les pays pratiquant la castration chimique, les crimes sexuels commis sur les enfants connaissent une baisse de 50 %. Mais les Etats ne sont pas unanimes quant à la nécessité de mettre en place ce type de mesure. Certains scientifiques expliquent que c’est une punition moyenâgeuse et que le pédophile castré reste dangereux pour la société.

Hier, en Fédération de Russie, les medias ont rapporté la mort de deux fillettes âgées de 11 et 13 ans, à cause d’un pédophile récidiviste déjà condamné deux fois.

Il nous faut des lois pour que chacun sache que la mesure sera irréversible et proportionnée au crime. Il est important que personne n’échappe à la responsabilité pénale. Tout Etat de droit doit assurer la sécurité de la vie humaine. C’est justement la sécurité que visaient l’Allemagne, le Danemark, la Suède, le Canada, la Grande Bretagne et d’autres Etats, en particulier pour leurs mineurs, lorsqu’ils ont adopté la castration chimique pour les crimes à caractère sexuel, sur la base du consentement de la personne condamnée et dans le cadre d’un travail d’information, en particulier sur les droits de l’homme.

En Russie, il est inscrit dans la législation que la stérilisation ou la castration ne peuvent avoir lieu qu’avec l’accord du patient. En fait, il n’y en a pratiquement plus.

Notre groupe soutient le rapport, considérant que la stérilisation et la castration forcées ou imposées ne sauraient être considérées comme légitimes. Quant au paiement de réparations ou à la présentation d’excuses officielles aux victimes, point 6 du projet de résolution, nous considérons que cela dépend du niveau national.

Mme ANDERSEN (Norvège), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Nous appuyons le projet de résolution et nous rejetons tous les amendements proposés pour les mêmes raisons que celles avancées par Mme Acketoft. Je me rallie à chacun de ses propos.

Le rapport est complet dans une approche axée sur les droits humains, qui est nécessaire. La castration ou la stérilisation ont souvent été présentées comme étant dans l’intérêt de la personne et de la société. Je comprends les idées que l’on peut avoir concernant des crimes sexuels terribles mais il faut se demander si cela fonctionne. Est-ce que cela sert vraiment à quelque chose de stériliser ou de castrer des auteurs de crimes sexuels ? Est-ce que cela donne des garanties pour l’avenir ? Il n’y a aucune preuve médicale allant dans ce sens, donc cet argument ne tient pas. Il est par contre certain que ces pratiques constituent une grave violation des droits humains et de l’intégrité physique d’une personne. La société doit prendre d’autres mesures pour protéger les personnes vulnérables contre les criminels sexuels.

Comme l’a dit Mme Acketoft, le consentement des personnes à la stérilisation ou à la castration est rarement libre. Dans certaines circonstances, on a été obligé d’accepter une telle mesure.

J’en viens à la situation des personnes transgenres, qui est extrêmement difficile. Dans 29 des 47 pays membres du Conseil de l’Europe, la stérilisation est une condition préalable avant l’opération pour un changement de sexe. Cela vaut pour mon pays, la Norvège, ainsi que pour la Suède qui apparemment vient de modifier sa loi à ce sujet. Nous avons encore beaucoup à faire pour protéger les droits des transgenres. Il faut dire que ce ne sont pas des questions que l’on aborde au quotidien et que les transgenres ne forment pas un groupe important de personnes susceptible d’exercer une pression sur les responsables politiques. Ils ne bénéficient pas du respect de la société. On a tendance à les négliger. C’est donc un rappel à tous les pays d’Europe, qui doivent absolument respecter ce droit fondamental de la personne humaine.

M. GHILETCHI (République de Moldova), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je remercie tout d’abord Mme Maury Pasquier pour son rapport. L’Europe, dans le passé, a souvent forcé des gens à la stérilisation ou à la castration – groupes minoritaires, personnes « traitées » pour des raisons hygiénistes ou autres. Cela s’est poursuivi encore récemment notamment, pour les Roms.

Ce rapport ne concerne pas seulement ces tristes affaires, qui constituaient à l’évidence des violations des droits de l’homme. Il se concentre sur la création d’un nouveau délit pour lequel devrait être prévue, nous dit-on, une sanction sous la forme de demandes d’indemnisation.

Ce délit est la stérilisation et la castration forcées des personnes transgenres. Les Etats qui ont voulu répondre aux attentes de ces personnes, en conflit psychique avec leur sexe biologique, sont donc considérés aujourd’hui comme des Etats qui violent les droits de l’homme ! Par ailleurs, le rapport souligne les problèmes posés par la législation sur la castration chimique en Pologne et en République de Moldova. A l’été 2012, cette dernière a adopté une loi sur la castration chimique des pédophiles. Il s’agit d’un processus réversible visant à réduire leur activité sexuelle. Comment donc peut-il être considéré comme une violation des droits de l’homme ? Ce sont bien plutôt les abus sexuels sur des enfants qui en sont une ! Cette loi constitue une simple mesure de prévention.

Pour conclure, je regrette que la commission ait rejeté l’ensemble des amendements proposés. Nous sommes préoccupés que les Etats membres disposant d’une législation sur le changement d’identité sexuelle ne puissent pas fixer des conditions préalables. Sans une définition claire de la stérilisation et de la castration forcées, il nous est impossible d’appuyer le projet de résolution.

M. SCHENNACH (Autriche), porte-parole du Groupe socialiste* – Je voudrais remercier la rapporteure pour son travail d’une qualité exceptionnelle et réagir aux propos choquants de M. Ghiletchi, que j’apprécie beaucoup par ailleurs. Le rapport identifie des problèmes distincts, que nos sociétés rechignent à évoquer. Il a été fait référence à l’Allemagne nazie. Nous pourrions également mentionner l’Inde, où les stérilisations forcées ont été massives à une époque, causant de nombreuses morts.

Je remercie Mme Acketoft pour son intervention très honnête sur la situation dans son pays. En Autriche, jusque dans les années 1990, les jeunes filles handicapées mentales accueillies en institution étaient stérilisées de force. Une telle violence, un tel mépris sont évidemment effrayants. Tout être humain, qu’il souffre d’un handicap physique ou mental, doit voir respectées la dignité et l’inviolabilité de sa personne.

Quant aux délinquants sexuels, j’ai eu l’occasion d’évoquer la question avec les membres de la Douma dans le cadre d’une visite du Conseil de l’Europe. Seuls 1 à 3 % des délinquants sexuels condamnés révèlent une anormalité physique. Le problème est dans leur cerveau : ils souffrent de troubles psychiques, que la castration forcée ne peut soigner. La castration n’empêche pas la violence.

L’obligation de fixer l’identité sexuelle d’un enfant quelques semaines seulement après sa naissance constitue également une forme de violence faite à l’intégrité de la personne. Nous devons engager la réflexion sur le sujet. De ce point de vue, ce rapport courageux va dans la bonne direction. Les témoignages en commission nous ont beaucoup impressionnés. J’espère que ce rapport, qui brise la loi du silence, sera adopté à une large majorité.

LE PRÉSIDENT – Mme la rapporteure ne souhaite pas répondre à ce stade aux porte-parole des groupes.

Mme VIROLAINEN (Finlande)* – Cet excellent rapport traite d’une question importante et dérangeante. La castration et la stérilisation, qu’elles soient forcées ou consenties, sont irréversibles et constituent une grave violation de la dignité humaine et des droits de l’homme.

Dans mon pays, les castrations forcées ont été interdites en 1970. Néanmoins, la législation prévoit la stérilisation obligatoire des personnes qui changent de sexe par acte chirurgical. Dans son dernier rapport sur la Finlande, le Commissaire aux droits de l’homme a demandé la fin de cette pratique. Le ministère de la Santé examine actuellement la question.

Personnellement, je soutiens les positions de la Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique, selon lesquelles seule la personne peut donner un consentement personnel valable sur le plan éthique à condition d’être suffisamment informée sur la procédure et son caractère irréversible.

Pendant longtemps, les personnes handicapées ont subi des stérilisations forcées. Il reste aujourd’hui un nombre important de gens qui pensent que c’est justifié. Mais les handicapés sont des êtres humains comme vous et moi ! Ils doivent donc jouir des mêmes droits que nous tous. C’est pourquoi je vous appelle à soutenir le projet de résolution. Mettons fin aux préjugés et à l’intolérance, mettons fin aux stérilisations forcées en Europe !

Mme BLANCO (Espagne)* – Je remercie nos rapporteures pour leur très beau rapport. Je tiens également à remercier Mme Acketoft pour le courage dont elle a fait preuve en abordant un sujet complexe dans son propre pays.

Ces pratiques sont quasiment éradiquées, mais elles continuent néanmoins à exister dans certains pays du Conseil de l’Europe ou extérieurs à notre Organisation. Elles touchent des groupes vulnérables, cités dans le projet de résolution : des jeunes femmes pauvres qui ont déjà eu des enfants, des personnes handicapées ou encore transsexuelles – dans de nombreux pays du Conseil de l’Europe, la transsexualité est encore mal acceptée –, mais aussi des femmes roms, particulièrement visées par ces pratiques. Ce sont donc toujours des personnes stigmatisées et marginalisées qui sont les victimes.

La question du consentement, qui est évoquée dans le projet de résolution, me préoccupe beaucoup. Dans la plupart des cas, le consentement n’est pas libre et éclairé. Les victimes sont très souvent manipulées, dans des pays comme la Chine et l’Inde notamment.

Un superbe film de Margarethe von Trotta est sorti récemment, consacré à la banalité du mal et à Hannah Arendt. Et c’est justement la banalité du mal à l’égard de personnes vulnérables dont il s’agit ici.

LE PRÉSIDENT – Mme Kyriakides, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

M. GUNNARSSON (Suède)* – Je remercie les deux rapporteures ainsi que leurs commissions pour le travail investi dans ce rapport.

Les stérilisations et castrations eugéniques constituent une part obscure de l’histoire de nombreux pays européens, notamment de la Suède, comme vous l’avez entendu. Je suis fier de pouvoir dire que cette très cruelle législation a été modifiée, mais ce n’est pas le cas partout en Europe. Dans les deux tiers des Etats membres du Conseil de l’Europe, les personnes transgenres doivent accepter la stérilisation avant d’être reconnues dans le sexe de leur choix.

La stérilisation forcée des personnes transgenres – qui n’a pas encore été examinée par la Cour européenne des droits de l’homme – constitue un traitement inhumain, dégradant et cruel, interdit par l’article 3 de la Convention.

C’est aussi une violation du droit à la santé. En effet, ces dernières années, des tribunaux en Allemagne, en Autriche et en Suède ont considéré que cette stérilisation forcée était anticonstitutionnelle. Et, comme l’explique l’exposé des motifs, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a mentionné les personnes transgenres et en appelle aux Etats afin qu’ils interdisent les stérilisations forcées, quelles que soient les circonstances.

Dans les deux tiers des Etats membres du Conseil de l’Europe, les personnes transgenre sont tenues de se faire stériliser avant de pouvoir inscrire l’identité de leur choix dans leur état civil. Non seulement cette violation des droits de l’homme se fait sous l’autorité de l’Etat, ce qui est grave, mais en outre elle a lieu dans un grand nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe, cas sans précédent dans cette Organisation.

Comment cette situation choquante a-t-elle pu se produire ? La redéfinition du sexe d’une personne implique deux processus : d’une part, un processus juridique dans lequel le sexe et le nom de la personne sont changés dans son état civil et d’autre part, un processus médical permettant d’aligner les caractéristiques physiques de la personne avec le genre qu’elle a choisi.

L’importance du processus médical est déterminée par les besoins de la personne – il peut y avoir peu d’interventions médicales voire aucune ou bien une chirurgie importante permettant de redéfinir le sexe de la personne.

Le droit en la matière exige que ces processus soient séparés. Dans la pratique, les deux tiers des Etats membres du Conseil de l’Europe exigent une intervention médicale avant la modification de l’identité de la personne. Cela n’est pas acceptable, c’est pourquoi le rapport revêt une grande importance.

M. R. FARINA (Italie)* – Merci, Mesdames les rapporteures, d’avoir présenté ce rapport qui m’a fait découvrir ce phénomène caché dont j’ignorais l’existence, surtout sur le plan historique. Ce rapport très complexe mériterait d’être divisé en plusieurs parties.

Plus particulièrement, la partie relative aux opérations chirurgicales des personnes transgenres devrait être traitée à part pour que ce problème central soit abordé en détail. Par ailleurs, il serait nécessaire de mentionner dans le rapport tous les pays européens et les organisations internationales qui financent, consciemment ou non, des campagnes de stérilisation forcée.

D’après The Observer, le Royaume-Uni a dépensé des millions de livres sterling pour un plan pluriannuel de natalité en Inde qui prévoyait la stérilisation de deux millions de femmes. Je souhaiterais que ces deux millions de femmes soient conduites en avion jusqu’à Buckingham Palace pour y recevoir les excuses personnelles de la reine !

Nous abordons cette question sous l’angle des droits individuels, mais son évolution historique mériterait une analyse. Aujourd’hui, l’Onu finance encore des programmes de stérilisation, au Brésil, par exemple. Et l’on sait que parmi les femmes qui accèdent à la planification familiale, 43 % sont stérilisées.

On fait la différence entre une stérilisation forcée ou pas. Mais, vous savez, quand une femme est pauvre, la stérilisation devient obligatoire.

Bien des réalités que je ne connaissais pas me frappent grâce à ce rapport. Ainsi, le ministre chinois de la planification et de la natalité a été récompensé en 1974 par les Nations Unies. Mais que veut dire « planification » en Chine ? Cela signifie stérilisation forcée, cela signifie avortement sélectif. Pourquoi n’a-t-on pas établi le lien entre les deux ?

Avortement et stérilisation sont en fait les deux éléments d’une même idéologie. C’est cette analyse qui manque dans ce rapport, peut-être parce que l’on a peur de remettre en question le droit à l’avortement.

On dit aujourd’hui qu’il ne faut pas stériliser les handicapés – c’est quelque chose de sacro-saint – mais ne doit-on pas parler d’eugénisme dès lors qu’il y a avortement forcé, fût-il thérapeutique ? N’est-ce pas une forme de stérilisation forcée ? Va-t-on stériliser, par exemple, quelqu’un touché par le syndrome de Down ? Ces personnes auraient elles aussi le droit d’accepter ou de refuser. Il n’est pas possible de procéder comme ça.

J’ai découvert dans ce rapport des informations sur les pays du nord et sur l’idéologie qui a conduit à des campagnes de stérilisation. Celles-ci reposait sur une idéologie sociale, démocratique et socio-économique. On ne cherchait pas à arriver à une race meilleure comme dans le nazisme, mais à atteindre la société parfaite. Ce sont deux lauréats du Prix Nobel d’économie, Karl Gunnar Myrdal et Friedrich von Hayek, qui ont élaboré la théorie qui fut le fondement de cette stérilisation forcée, mais personne n’a demandé à ce qu’on leur retire a posteriori le prix Nobel.

Sur tout cela, on a jeté un voile pudique. Combien d’Européens savent que, dans les pays scandinaves, on a stérilisé de manière forcée des centaines de milliers de personnes ? Faisons un sondage et on constatera certainement que peu de personnes le savent. Il faut en parler, reconnaître les erreurs historiques et comprendre comment cela a pu se produire.

Aujourd’hui, on parle du droit des transgenres. Ce sujet doit faire l’objet d’un autre rapport. Mais regarder les choses de façon aussi générale évite de se pencher sur ce qui est important.

L’euthanasie participe du même problème. Il s’agit là encore de planification sociale : on ne va pas obliger les personnes inutiles à se suicider, mais on va bien leur faire comprendre que leur vie est inutile pour la société. On force à l’euthanasie !

Voilà ce que je voudrais éviter. Quand on parle de droits de l’homme, il faut parler de ces questions-là également.

M. LEBEDA (République tchèque)* – Je commencerai par faire un tour dans le pays de notre rapporteure.

En 2004, un hôtelier suisse, père de famille, sans casier judiciaire, a subi une castration chirurgicale. Depuis sa puberté, il souffrait de ce qu’il appelait des « poussées de libido » qui rendaient sa vie invivable. Après avoir consulté un psychiatre, il a choisi dans un premier temps, un traitement hormonal connu sous le nom de « castration chimique », qui l’a aidé à gérer ses pulsions sexuelles insupportables en le faisant souffrir de toute une série d’effets secondaires négatifs – frissons, perte de poids, dépression. Par conséquent, deux ans plus tard, après avoir à nouveau consulté son médecin, il a choisi la castration chirurgicale. Sa vie s’est améliorée et il n’a jamais regretté sa décision, malgré les effets secondaires qu’il a dû subir – prise de poids et vie sexuelle réduite. Toutefois, comme il le disait, son identité n’avait pas changé, mais il se sentait enfin détendu et confiant dans sa capacité à gérer sa vie.

En 2012, la rapporteure a rencontré à Prague un homme qui, lui aussi, avait souffert de pulsions sexuelles insupportables. Contrairement au patient suisse, n’ayant pas su les dominer, il est devenu un meurtrier et a été détenu en hôpital psychiatrique. Lui aussi a suivi une psychothérapie et un traitement hormonal. Lui aussi a subi des effets secondaires négatifs. Lui aussi a choisi, au bout du compte, la castration chirurgicale. Lui aussi s’est alors senti calme et détendu, confiant dans sa capacité à gérer sa vie.

C’est ici toutefois que la ressemblance entre les deux patients s’arrête. Si nous suivons la logique de l’exposé des motifs de notre rapporteure, nous devons dire que le choix fait par le patient en hôpital psychiatrique a été forcé, que ses droits de l’homme ont été gravement violés et que le médecin qui lui a proposé son traitement devrait être poursuivi. Pourquoi, alors que le patient, en envisageant son futur traitement, savait que celui-ci non seulement mettrait fin à ses souffrances, mais surtout qu’il représentait aussi le début d’une nouvelle vie et la liberté ? Selon la rapporteure, le patient est incapable de faire le libre choix d’un traitement qui lui offre la possibilité d’être remis en liberté, indépendamment du fait que le traitement peut l’aider à améliorer son sort. Un tel traitement est simplement qualifié de forcé.

Nous ne pouvons l’accepter.

Les patients en placement involontaire sont assurément un groupe vulnérable qui mérite une protection particulière. Cependant, cette protection doit passer par un renforcement des sauvegardes contre les abus possibles, et non par le refus de l’accès du patient à un traitement efficace. Il n’est pas indigne de suivre un traitement aux effets irréversibles mais il peut être indigne de limiter les options de traitement en laissant certains patients sans aucune chance d’amélioration et en les condamnant à passer leur vie entière en détention.

Le choix doit appartenir au patient. Nous ne devrions pas aller dans une voie qui placerait le patient dans la situation décrite dans un article rédigé par un grand expert de l’éthique médicale qui portait le titre de « Rotting with their rights on » – pourrir dans ses droits.

M. RECORDON (Suisse) – En ma qualité de personne affectée d’un assez lourd handicap, je me suis posé maintes questions au cours de ma vie – et mes parents également – sur la pertinence d’avoir une descendance. Ce sont des questions extrêmement délicates et je pense qu’il appartient à chacun de les résoudre. Elles n’appellent pas de réponse univoque et identique pour tous, ni de réponse figée une fois pour toute dans sa vie ou pour chaque personne handicapée.

Je serais vraiment navré d’imaginer que l’on puisse encore aujourd’hui considérer que les personnes handicapées doivent se voir privées de la capacité de mener cette réflexion, qui est déjà très difficile pour elles, en la confiant, par je ne sais quel esprit totalitaire, à un organisme étatique. Ce serait absolument aberrant ! Mais s’il est aberrant de priver les personnes handicapées de ce choix fondamental d’avoir ou non une descendance et si les priver de leur liberté de réflexion et de choix est le cœur de l’affaire, cela ne l’est pas moins pour les autres catégories de personnes.

Le rapport de Mme Maury Pasquier met en évidence à quel point, dans un terrible inventaire à la Prévert, on a fait se rejoindre les handicapés physiques ou mentaux, les personnes transgenres, les Roms et diverses autres catégories.

C’est effarant et montre le danger de l’idéologie classificatoire et catégorielle : on met les gens dans des cases – certains peuvent même être dans deux à la fois : on peut avoir des handicapés roms – et après on les assujettit à un traitement spécial, infantilisant et dégradant voire, dans le cas particulier que nous étudions ici, castrant.

C’est vraiment là quelque chose de grave qui a frappé toutes nos sociétés. Mon pays lui-même, ainsi que ma propre région, le canton de Vaud, a été frappé par cette épouvantable idéologie qui a d’ailleurs fait d’autres dégâts, puisqu’elle a conduit, entre autres, au scandale des enfants placés. Notre ministre de la Justice s’est excusé il y a exactement deux mois pour les traitements humiliants qui ont été infligés à ces personnes.

Ce rapport vient donc à son heure lorsqu’il exige une reconnaissance des souffrances de ces personnes ainsi que des excuses. Certes, ces excuses ne doivent pas nécessairement venir de la reine, comme le souhaitait M. Farina, mais il faut que des paroles officielles soient prononcées par les plus hautes autorités au nom de la société.

Je suis vraiment convaincu que nous faisons aujourd’hui acte civilisateur. Je me réjouis d’ailleurs que tous les pays ayant quelque chose à se reprocher aient, cet après-midi, par la voix des différents intervenants, reconnu les aberrations qui ont été commises. Gardons-nous simplement de trop vouloir embrasser et, par là-même, de mal étreindre : il ne faut pas inclure dans notre rapport tout ce que certains voudraient y ajouter par voie d’amendement. De même, nous devons refuser d’affaiblir les termes de cet excellent rapport. Gardons à l’esprit cette valeur centrale : le consentement libre et éclairé. Dans un cas comme celui-là, c’est le seul critère qui puisse tenir. Quand nous avons affaire à des gens dangereux, il y a d’autres mesures à prendre à leur égard ; quand les auteurs de ces actes ont de la peine à donner leur consentement, faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour les aider à le faire.

LE PRÉSIDENT – Merci beaucoup, Monsieur Recordon. Vous venez de donner un éclat particulier à ce débat par votre intervention.

J’appelle la réplique de la commission. Madame la rapporteure, il vous reste quatre minutes.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), rapporteure – J’aimerais d’abord remercier les différentes personnes qui sont intervenues dans ce débat. Elles n’ont pas été très nombreuses, mais leurs interventions ont été de qualité, comme vous venez de le relever, Monsieur le Président.

J’en profiterai également pour remercier la secrétaire de la commission, qui m’a apporté un soutien majeur dans les travaux préparatoires comme dans la rédaction de ce rapport portant sur un sujet très délicat.

La question de la prévention de la récidive des délinquants sexuels a été soulevée. Bien évidemment, il ne s’agit pas ici de ne pas accorder aux victimes de ces crimes terribles la protection qu’elles méritent et de ne pas prévenir, si c’est possible, l’apparition de nouvelles victimes. Toutefois, méfions-nous de mesures qui peuvent paraître d’une efficacité absolue. En réalité, la seule manière de prévenir les crimes de manière efficace serait de recourir à la peine de mort. Or, j’ose imaginer que personne ici ne songe à cette solution. Nous devons donc faire face à une difficulté : comment traiter de manière efficace les personnes condamnées pour des crimes sexuels ? Les experts – nous en avons reçu un certain nombre en commission – constatent qu’aucune preuve de l’efficacité réelle de la castration chirurgicale n’a été apportée. L’une de ces spécialistes, Mme Pimenoff, membre du Comité européen pour la prévention de la torture, déclare : « La castration chirurgicale d’un délinquant actuel ne garantit absolument pas que celui-ci ne récidivera pas, notamment s’il est dans le déni, comme c’est souvent le cas, puisqu’une simple injection de testostérone pourrait ramener son niveau hormonal à ce qu’il était avant la castration. » Cette experte nous a même dit qu’il était peut-être, en réalité, plus dangereux de castrer chirurgicalement quelqu’un car l’injection de testostérone se révèle immédiatement efficace.

Dans le même ordre d’idées, un autre expert, le psychiatre français Jean-Georges Rohmer, entendu par le Réseau des parlementaires de référence pour combattre la violence sexuelle contre les enfants, a déclaré : « L’agression sexuelle n’est pas seulement un passage à l’acte ; c’est aussi une relation d’emprise. » Et c’est bien là le problème : il faut traiter ces personnes, les accompagner, voire recourir à la castration – pourquoi pas ? Nous n’avons pas d’opposition de principe à cette méthode, mais il ne faut pas recourir à la castration ou à la stérilisation forcées.

J’aimerais d’ailleurs ajouter, à l’intention de M. Lebeda, que ce n’est pas moi qui remets en question la castration dans ces cas-là : c’est le CPT, qui a exprimé son objection de principe au recours à la castration chirurgicale comme moyen de traitement des délinquants sexuels. Le CPT a d’ailleurs formulé un certain nombre de propositions – je vous renvoie au point 30 du rapport si vous voulez en prendre connaissance.

En ce qui concerne les personnes transgenres, non, justement, il ne faut pas établir un rapport particulier, et cela pour une raison simple : ce sont des êtres humains comme n’importe quels autres. De ce point de vue, ils et elles ont les mêmes droits que n’importe qui. Il n’y a donc aucune nécessité d’établir un rapport distinct.

Pour ce qui est de la question des avortements forcés, à laquelle nous reviendrons lors de l’examen des différents amendements, oui, Monsieur Farina, je suis, tout comme vous, outrée par cette pratique. Je me battrai contre elle à vos côtés, mais ce n’est pas le moment d’en parler. Déposez une déclaration écrite, faisons une proposition, travaillons sur un rapport contre les avortements forcés. Je serais heureuse d’y travailler avec vous.

Mes chers collègues, nous sommes ici pour défendre les droits humains et la dignité de toutes les personnes qui vivent dans les pays membres du Conseil de l’Europe. Or, s’il est facile de s’engager pour défendre ces droits pour les personnes qui font partie de ce que l’on appelle la majorité silencieuse – les gens comme vous et moi –, il est sans doute beaucoup plus difficile de défendre ceux des personnes perçues comme différentes, voire comme dangereuses et dont nous condamnons les agissements. Or c’est précisément parce que c’est difficile que nous devons nous fonder sur des principes inaliénables tels que ceux que nous réaffirmons dans le point 1 du projet de résolution, à savoir que les stérilisations et castrations imposées et irréversibles constituent de graves violations des droits humains et de la dignité humaine et ne peuvent être acceptées dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. C’est bel et bien pour cela que nous sommes ici.

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni), au nom de la commission des questions sociales* – Le débat en commission a été très franc et très ouvert et tous les arguments ont déjà été échangés. Par ailleurs, tous les amendements ont été rejetés à une large majorité.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales a présenté un projet de résolution sur lequel 13 amendements ont été déposés.

Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

L’amendement 1, déposé par MM. Ghiletchi, Volontè, Mme Guţu, M. Zingeris, Mme Palihovici, tend, dans le projet de résolution, à supprimer le paragraphe 2.

Si cet amendement est adopté, les amendements 9, 10 et 11 n’ont plus d’objet.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Il ne suffit pas de dire que le concept évolue : encore faut-il une définition claire. Comment valider ou invalider une chose dont on dit qu’elle évolue mais qui n’a pas été définie clairement ? Je propose donc de biffer le paragraphe 2.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), rapporteure – Je suis opposée à l’amendement 1, parce qu’il supprime de fait le cœur du rapport. En essayant de changer la référence à cette évolution du vocabulaire, c’est toute l’évolution actuelle du droit qui est remise en cause. Or l’idée n’est pas de nous, mais bien du Comité des Nations Unies contre la torture et notamment de Juan Mendez, son rapporteur spécial sur la torture et les autres traitements cruels, inhumains et dégradants. Cette instance a d’ores et déjà signifié qu’il fallait modifier la législation. C’est ce que dit le paragraphe 2.

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni), au nom de la commission* – La commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement 1 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 9, déposé par Sir Edward Leigh, M. Neill, Earl of Dundee, MM. Kalmár, Gruber, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 2, à remplacer les mots « Il ne va pas de soi de définir l’élément de coercition dans les stérilisations et les castrations, car celles-ci » par les mots suivants : « Il est important de définir l’élément de coercition dans les stérilisations et les castrations. Celles-ci ».

Sir Edward LEIGH (Royaume-Uni)* – Nous considérons que le projet de résolution doit se baser sur une terminologie claire. Il faut éviter le risque de créer un contexte pouvant prêter à une mauvaise interprétation et susceptible de limiter l’accès aux soins du patient.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), rapporteure – Je m’oppose à cet amendement pour les raisons que j’ai évoquées pour l’amendement 1. En effet, il nie la réalité, puisque l’important est de dire ici qu’il ne va pas de soi de définir les limites des éléments de coercition dans les stérilisations et castrations. Vouloir supprimer cette phrase en la remplaçant par une phrase affirmative reviendrait à nier l’évolution de la situation.

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni), au nom de la commission* – La commission est défavorable à l’amendement.

L’amendement 9 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 10, déposé par Sir Edward Leigh, M. Neill, Earl of Dundee, MM. Kalmár, Gruber, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 2, à remplacer les mots « en train d’évoluer dans le droit relatif aux droits de la personne, en partant de » par le texte suivant : « fondée sur ».

Sir Edward LEIGH (Royaume-Uni)* – Pour plus de clarté, je propose de retenir la première définition proposée par la rapporteure, qui définit clairement les circonstances dans lesquelles un consentement écrit peut être non valable, et de ne pas retenir les autres « nouveaux concepts émergents ».

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), rapporteure – Là encore je suis contre. Supprimer les mots « en train d’évoluer dans le droit relatif aux droits de la personne » reviendrait à nier l’évolution. Il faut un changement de mentalité.

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni), au nom de la commission* – La commission a émis un avis défavorable.

L’amendement 10 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 11, déposé par Sir Edward Leigh, M. Neill, Earl of Dundee, MM. Kalmár, Gruber, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 2, à remplacer les deux dernières phrases par la phrase suivante : « Toutefois, le choix exprimé par un patient interné indépendamment de sa volonté ne peut être qualifié d’imposé ou d’involontaire pour d’autres motifs, pour la simple raison que le traitement lui offre la possibilité de se rendre maître de ses comportements dangereux et, par conséquent, de recouvrer la liberté. »

Sir Edward LEIGH (Royaume-Uni)* – Le projet de résolution doit indiquer clairement que la liberté de choix de traitement du patient ne peut être rendue non valable du fait qu’il a été mis en placement volontaire. Lorsqu’il fait un choix, c’est dans l’éventualité d’être libéré. La Convention de Lanzarote prévoit que même dans le cas d’un placement, il est possible pour le patient de faire un choix volontaire concernant son traitement. Nous ne changeons en rien la présomption du fait qu’il peut y avoir coercition si les sauvegardes pour un consentement informé ne sont pas prévues.

Mme BRASSEUR (Luxembourg) – Je lis dans l’amendement : « pour la simple raison que le traitement lui offre la possibilité de se rendre maître de ses comportements dangereux et par conséquent de recouvrer la liberté ». Or, se fondant sur l’avis d’expert, le rapporteur et des intervenants ont dit que cela n’a jamais été prouvé. Cela ne correspond donc pas à la vérité scientifique. C’est la raison pour laquelle je suis contre cet amendement.

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni), au nom de la commission* – La commission a émis un avis défavorable.

L’amendement 11 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 12, déposé par Sir Edward Leigh, M. Neill, Earl of Dundee, MM. Kalmár, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 4, à remplacer les trois dernières phrases par les phrases suivants : « Cependant des stérilisations et des castrations qui pourraient être qualifiées de "forcées" se pratiquent ou sont possibles dans le cadre de certaines lois actuelles. En droit ou dans les faits, elles visent avant tout (ou peuvent affecter) des groupes particulièrement vulnérables comme les transsexuels, les femmes roms ou les délinquants sexuels condamnés. Les stérilisations et castrations forcées ou imposées ne peuvent se justifier d’aucune manière au XXIe siècle : il faut qu’elles cessent ou soient évitées. »

Sir Edward LEIGH (Royaume-Uni)* – Nous proposons une rédaction qui tienne compte des derniers cas de stérilisations forcées en Europe, notamment contre une femme rom, en 2008. On dit que cela n’existe plus, mais même si tel est le cas, un programme de prévention est nécessaire. Il convient donc d’élargir le paragraphe 4, en évoquant des interventions qui ne visent pas spécifiquement des groupes vulnérables mais qui peuvent néanmoins les toucher.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), rapporteure – Je suis opposée à cet amendement puisque, encore une fois, il affaiblit la portée de la résolution. Je rappellerai que l’an dernier encore, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné des Etats membres du Conseil de l'Europe pour des stérilisations forcées. Ce n’est donc pas seulement une vieille histoire, c’est quelque chose qui est encore susceptible de se produire aujourd’hui.

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni), au nom de la commission* – La commission a émis un avis défavorable.

L’amendement 12 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 2, déposé par M. Ghiletchi, Mme Guţu, M. Zingeris, Mme Palihovici, M. Preda, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 4, à remplacer les mots « ayant reçu » par les mots suivants : « pouvant recevoir ».

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Nous n’avons pas de définition claire, néanmoins un nombre significatif de stérilisations tomberaient dans cette catégorie. C’est pourquoi il serait plus juste d’écrire « pouvant recevoir ».

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), rapporteure – Je suis contre cet amendement qui vise à nier une certaine réalité. Certes les chiffres sont réduits. Toutefois les cas reconnus en République tchèque sont au nombre de 77, ce qui est significatif. Or, le point 1 de la résolution précise que les stérilisations et les castrations imposées constituent de graves violations des droits humains. Il faut donc maintenir les mots « ayant reçu ».

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni), au nom de la commission* – La commission est défavorable à l’amendement.

L’amendement 2 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 3, déposé par MM. Ghiletchi, Volontè, Mme Guţu, M. Zingeris, Mme Palihovici, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 4, à supprimer les mots « les personnes transgenres, ».

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Comment peut-on dire que cela est dirigé contre les personnes transgenres alors que c’est elles qui demandent un changement de sexe ? Il y a donc un accord de leur part.

Mme SAÏDI (Belgique), rapporteure pour avis – Il n’y a aucune raison de supprimer la référence aux personnes transgenres puisque, comme je l’ai indiqué dans notre avis, il s’agit de la seule catégorie de personnes qui reste aujourd’hui obligée de subir une stérilisation en vertu de la loi dans un grand nombre de pays européens. Il est crucial pour nous de maintenir inchangée la rédaction du paragraphe 4.

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni), au nom de la commission* – La commission est contre cet amendement.

L’amendement 3 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 7, déposé par MM. Ghiletchi, Volontè, Mme Guţu, MM. Zingeris, Toshev, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 7.1, après les mots « quelque motif que ce soit », à insérer les mots suivants : « un avortement ».

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Historiquement, nous savons que les avortements forcés ont été pratiqués en Europe. Le Parlement européen a adopté récemment une résolution condamnant ces pratiques et je suis ravi d’apprendre que Mme Maury Pasquier a travaillé sur un tel rapport. Mais l’avortement fait partie de nos droits en matière de reproduction. Puisque l’on parle ici de stérilisation et de castration, il faut ajouter l’avortement.

Mme SAÏDI (Belgique), rapporteure pour avis – Introduire l’avortement dans ce texte ne serait pas du tout pertinent, car il n’existe aucun lien entre l’avortement et les stérilisations et castrations forcées qui font l’objet de cette résolution.

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni), au nom de la commission*– Avis défavorable.

L’amendement 7 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 4, déposé par MM. Ghiletchi, Volontè, Mme Guţu, M. Zingeris, Mme Palihovici, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 7.1, à supprimer les mots « de quelque manière et pour quelque motif que ce soit ».

M. GHILETCHI (République de Moldova)*– Que doit-on faire lorsqu’une situation met en danger la vie d’une personne ? N’y a-t-il aucun cas légitime de stérilisation ou de castration ?

Mme SAÏDI (Belgique), rapporteure pour avis – Si nous supprimions les termes « de quelque manière et pour quelque motif que ce soit », nous affaiblirions considérablement le projet de résolution. Je vous rappelle que la castration et la stérilisation sont ici considérés comme des actes subis sous la contrainte et ne relevant pas d’un libre choix. Il faut donc maintenir le texte en l’état.

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni), au nom de la commission*– Avis défavorable.

L’amendement 4 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 6, déposé par MM. Ghiletchi, Volontè, Mme Guţu, MM. Zingeris, Toshev, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 7.2, à remplacer les mots « les victimes de stérilisation ou de castration imposées récentes (et futures) » par les mots suivants : « les victimes récentes (et futures) d’avortement, de stérilisation ou de castration imposés ».

M. GHILETCHI (République de Moldova)*– Même s’il n’en fait pas partie, il serait légitime d’inclure l’avortement dans le rapport, car ce sujet relève des textes relatifs aux droits en matière de reproduction.

Mme SAÏDI (Belgique), rapporteure pour avis – Même justification que pour l’amendement précédent.

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni) au nom de la commission*– Avis défavorable.

L’amendement 6 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – M. Ghiletchi a retiré l’amendement 5, que personne ne reprend.

L’amendement 8, déposé par MM. Ghiletchi, Volontè, Mme Guţu, M. Zingeris, Mme Palihovici, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 7.4, à insérer le paragraphe suivant : « L’Assemblée reconnaît le droit des Etats membres d’insister sur une chirurgie de réorientation sexuelle (y compris quand elle implique une stérilisation ou une castration) préalablement à la reconnaissance juridique définitive d’un changement d’identité sexuelle. Dans l’hypothèse où un Etat s’efforce de répondre avec bienveillance à un désir fermement exprimé de changer de sexe, il ne saurait exister de culpabilité présumée pour coercition ni d’exigence rétrospective d’excuses ou d’indemnisation. »

M. GHILETCHI (République de Moldova)*– Il s’agit du dernier amendement que j’ai présenté, mais c’est le plus important pour le Groupe du Parti populaire européen. En effet, il nous semble essentiel de reconnaître le droit des Etats membres d’insister sur une chirurgie de réorientation sexuelle. C’est important pour les raisons que j’ai déjà mentionnées. Si cet amendement était rejeté, le Groupe du Parti populaire européen ne voterait pas la résolution.

Mme SAÏDI (Belgique), rapporteure pour avis – Les législations les plus avancées portant sur le changement de l’identité sexuelle permettent aux personnes transgenre de choisir leur identité de genre et autorisent que celle-ci soit reflétée sur les documents d’identité. Imposer une opération chirurgicale, représente, au contraire, une limitation inacceptable à la liberté personnelle.

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni), au nom de la commission*– Avis défavorable de la commission.

L’amendement 8 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 13, déposé par Sir Edward Leigh, M. Neill, Earl of Dundee, MM. Kalmár, Gruber, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 8, à remplacer les mots « des stérilisations et des castrations imposées » par les mots suivants : « du consentement libre et éclairé aux stérilisations et aux castrations ».

Sir Edward LEIGH (Royaume-Uni)*– Il s’agit d’une question de terminologie. Nous devrions ici plutôt parler de consentement libre et éclairé, ces termes couvrant toutes les formes d’interventions non volontaires. D’ailleurs, le CPT n’a jamais parlé de castration forcée.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), rapporteure de la commission – Je rappelle que le CPT est bel et bien chargé de prendre en compte les éventuels traitements inhumains ou dégradants appliqués aux prisonniers, donc aux délinquants. La question du consentement libre et éclairé doit être renvoyée à la commission de bioéthique, sachant qu’aussi bien le CPT que le Commissaire aux droits de l’homme suivent les sujets qui relèvent de leurs mandats. Je vous invite donc à voter le paragraphe dans sa version initiale.

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni), au nom de la commission*– Avis défavorable de la commission.

L’amendement 13 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution, contenu dans le Doc.13215.

Le projet de résolution est adopté (48 voix pour, 17 voix contre, 3 abstentions).

LE PRÉSIDENT – Au nom de la présidence, j’adresse mes vives félicitations aux rapporteures et à toute l’équipe qui a travaillé sur ce texte si important.

4. L’égalité de l’accès aux soins de santé

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport sur l’égalité de l’accès aux soins de santé, présenté par Mme Liliane Maury Pasquier, suppléant M. Jean-Louis Lorrain, au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable (Doc.13225), ainsi que de l’avis présenté par M. Mikael Cederbratt au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Doc.13249).

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), rapporteure suppléante de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable – Je commencerai cet exposé en rendant hommage au travail remarquable réalisé par mon collègue, le sénateur Jean-Louis Lorrain, dans le cadre de son rapport sur l’égalité d’accès aux soins, que j’ai l’honneur de vous présenter en son nom. En effet, M. Lorrain ne peut être parmi nous aujourd’hui en raison de graves problèmes de santé. Je voudrais l’assurer, lui et sa famille, que nos pensées vont vers eux dans cette période particulièrement difficile.

En guise d’introduction, je tiens à rappeler haut et fort que le droit à la santé est un droit fondamental, tout comme le droit à la vie ou le droit à la liberté d’expression. Il me semble en effet que, trop souvent encore, il existe une fâcheuse tendance à créer une hiérarchie entre les droits fondamentaux, ce qui conduit certains à considérer les droits sociaux et économiques comme une commodité, voire une forme de confort facultatif.

Or le droit à la santé n’est pas une commodité, pas plus que ne l’est l’accès aux soins de santé qui constitue un élément essentiel de ce droit.

En effet, l’article 11 de la Charte sociale européenne, article qui consacre le droit à la protection de la santé, exige que les Etats mettent en place des structures de soins accessibles et efficaces pour l'ensemble de la population – je dis bien pour l'ensemble de la population : nous touchons là au cœur même du rapport de M. Lorrain. En effet, l'égalité d'accès aux soins de santé suppose que les soins soient accessibles à tous, en droit comme en fait.

Hélas, force est aujourd'hui de constater que les personnes vivant dans les frontières du Conseil de l'Europe souffrent de plus en plus d'inégalités en terme d’accès aux soins de santé. Nombreux en effet sont ceux qui sont exclus ou quasiment exclus du système de santé parce qu'ils n'ont pas de contrat de travail ou de résidence régulière. Nombreux aussi ceux qui n'ont pas les moyens financiers de payer la part des frais de soins non prise en charge par le système de santé.

Il est également important de relever qu’une partie de la population n'a pas accès ou n'a qu'un accès très limité aux établissements de soins et aux professionnels de santé en raison de la localisation de leur domicile, notamment parce que cette partie habite dans des zones rurales ou isolées.

N'oublions pas non plus les nombreux patients qui rencontrent des difficultés pour exprimer leurs problèmes de santé tout simplement parce qu'ils souffrent de déficiences sensorielles, ne maîtrisent pas suffisamment la langue du pays hôte ou comprennent mal les règles relatives aux systèmes de santé, lesquelles sont souvent complexes, même pour un public averti. Par ailleurs, tandis que certains se voient imposer des formalités administratives excessives pour pouvoir bénéficier des soins, d'autres doivent verser des pots-de-vin aux professionnels de santé pour échapper aux longues listes d'attente ou, pire encore, simplement recevoir des soins.

Ce sont là des inégalités qui trouvent leur origine dans l'organisation et le fonctionnement des systèmes de santé.

Un autre facteur conduit à des inégalités d'accès aux soins : c’est la tendance actuelle en Europe à conduire des politiques migratoires et sécuritaires de plus en plus sévères. En effet, le débat sur les droits fondamentaux des migrants en situation irrégulière est souvent associé, si ce n'est constamment associé, au débat sur l'immigration illégale, d'où notamment les dispositions réglementaires prises dans certains pays qui obligent les professionnels de santé ou les fonctionnaires publics à signaler les migrants en situation irrégulière. Ce genre de disposition, hormis les questions éthiques qu'elle soulève pour les professionnels de santé, a pour conséquence de décourager de nombreux migrants de se manifester aux autorités sanitaires par peur d'être dénoncés.

Quelle que soit leur origine, les inégalités d'accès aux soins touchent surtout les groupes vulnérables de nos sociétés tels que les chômeurs, les familles monoparentales, les enfants et les personnes âgées, ainsi que les Roms et les migrants, particulièrement ceux en situation irrégulière ou les personnes sans domicile fixe. Souvent, ceux qui ont le plus besoin des soins de santé sont également ceux qui rencontrent les plus grandes difficultés pour y accéder.

Or nous devons bien comprendre que les inégalités d'accès aux soins non seulement mettent en danger la vie des personnes concernées et constituent ainsi une violation potentielle de leur droit fondamental à la santé, mais pourraient également conduire à un vrai problème de santé publique ainsi qu'à une augmentation subséquente des dépenses de santé. En effet, que font les personnes qui souffrent de ces inégalités ? Soit elles ne vont pas voir un médecin, soit elles n'y vont que tardivement, voire trop tardivement, lorsqu'elles y sont vraiment contraintes. Dans le cas des maladies transmissibles comme la tuberculose ou le sida, cette situation conduit à soumettre la population entière à un risque plus élevé de contamination. De surcroît, le recours tardif aux traitements entraîne des coûts plus importants, liés à un traitement d’urgence ou à un traitement plus lourd en raison de la dégradation de l’état de santé.

Je voudrais également appeler votre attention sur l'impact de la crise économique actuelle sur les systèmes de santé européens, notamment sur l'accessibilité aux soins. Il semblerait que, d'une part, les coupes budgétaires imposées par les mesures d'austérité aient entraîné un recul des dépenses publiques, y compris dans le secteur de la santé, et, d'autre part, que la crise ait eu des répercussions sur les déterminants socio-économiques de la santé, notamment sur l'accès à un emploi et à un logement, ce qui s’est traduit par une augmentation des besoins en termes de soins. Pour le dire plus simplement, il y a moins d'argent pour les services de santé alors qu'il y a plus de besoin de services de santé.

En outre, dans les pays où la couverture maladie est plus ou moins liée à la possession d’un emploi, la crise a conduit à une augmentation du chômage et donc à l'exclusion d'une partie importante de la population de l’accès aux soins de santé.

À cet égard, je vous conseille vivement de vous reporter au chapitre du rapport consacré à la visite d'information que j’ai effectuée en avril dernier à Athènes : il illustre malheureusement bien l'impact de la crise économique et les effets pervers des mesures d'austérité sur l'accessibilité aux soins.

Je tiens à vous lire l’extrait d’un petit article de la professeure Samia Hurst, qui est médecin et bio-éthicienne à la faculté de médecine de Genève : « La récession fait mal, l’austérité tue ». Ce livre coécrit par un sociologue et un épidémiologue a fait récemment parler d’un sujet habituellement peu abordé : les liens entre la santé et les politiques. Pas les politiques de la santé, non, les politiques tout court. Un exemple : entre 2007 et 2010, aux Etats-Unis, durant la crise économique, on a observé 4 750 morts par suicide “en excès” de ce qui était attendu étant donné les tendances préalables. Le lecteur avisé me dira peut-être que c’est là un effet inévitable d’une récession, que la mauvaise santé économique érode l’emploi, que l’on connaît les liens entre le chômage et le suicide depuis le XIXe siècle. Le hic, c’est que les mesures d’austérité visant à rétablir les finances des Etats frappent l’emploi d’un deuxième coup. Humainement pires par le résultat final, elles le sont aussi moralement : les politiques d’austérité sont délibérées, alors qu’une récession peut être “la faute à pas de chance”. » J’ai choisi de vous livrer cette citation pour insister sur un élément important : notre responsabilité concrète de décideurs politiques dans la situation de l’emploi et du logement, dans la mise en œuvre d’éventuelles mesures d’austérité et dans les effets terribles que ces mesures peuvent avoir, en particulier dans le secteur de la santé.

Chers collègues, le projet de résolution que vous avez sous les yeux contient des propositions visant à réduire les inégalités d'accès aux soins que je viens de vous exposer, notamment à travers la réduction de la part des dépenses de santé restant à la charge des patients les plus démunis et la dissociation des politiques de sécurité et de l'immigration de celle de la santé. Il convient de privilégier les considérations sanitaires et humanitaires sur toute autre considération et de souligner l'importance de protéger les groupes vulnérables. Dans un contexte de crise économique, le projet de résolution met aussi en garde contre les effets dangereux des mesures d'austérité sur l'accessibilité aux soins.

Quant au projet de recommandation, je tiens à regretter que le Conseil de l'Europe ne dispose plus d'un comité intergouvernemental œuvrant dans le domaine de la santé – depuis 2012, le Comité européen de la santé n'existe plus. Or le Conseil de l'Europe devrait, par tous les moyens à sa disposition, continuer de protéger le droit à la santé consacré par l'article 11 de la Charte sociale européenne révisée. L'objectif de la recommandation est donc de renforcer le rôle du Comité européen des droits sociaux dans la protection de ce droit.

Je vous invite à suivre les propositions figurant dans les deux projets.

LE PRÉSIDENT – Madame Maury Pasquier, il vous reste deux minutes pour répondre aux orateurs.

M. CEDERBRATT (Suède), rapporteur pour avis de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – Je veux tout d’abord féliciter la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable et son rapporteur M. Lorrain pour son rapport qui couvre un sujet vaste et difficile.

Je suis particulièrement heureux que le rapporteur se soit montré sensible à la question des migrants.

Dans mon avis j’ai abordé quatre points que je souhaite évoquer maintenant brièvement.

Le premier est l’accès à la santé des personnes appartenant à des groupes vulnérables. Il faut en ajouter deux à ceux cités dans le projet de résolution : les détenus et les réfugiés.

Comme ancien officier de police et comme membre de la commission des migrations, j’ai eu l’occasion de me rendre sur des lieux de détention. Je sais combien se pose difficilement la question des soins de santé. J’ai eu l’occasion de constater lors de visites en France, en Grèce, en Italie et dans mon propre pays, la Suède.

Le deuxième concerne les réfugiés. Ils arrivent souvent chez nous après avoir subi des persécutions, après des voyages terriblement traumatisants. Hier, en commission, nous avons entendu le témoignage de M. Abu Kirke, un réfugié survivant d’un bateau dont nous avons parlé l’an dernier. Il nous a expliqué comment des personnes sont mortes, ignorées par des bâtiments militaires ou commerciaux passant à proximité. Beaucoup de réfugiés ont des problèmes de santé physique et mentale consécutifs à leurs souffrances.

Troisième point, la santé mentale. Les soins sont nécessaires pour toute la population, en particulier pour les groupes vulnérables tels que les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile. Il convient donc de mentionner les soins de santé mentale dans le projet de résolution que nous adopterons.

Mon dernier commentaire porte sur une question spécifique déjà évoquée par la rapporteure mais qui mérite d’être soulignée. Il s’agit de l’accès aux soins de santé pour les femmes enceintes et les enfants. Des mères se sont vu refuser l’accès à l’hôpital pour leurs enfants tant qu’elles ne payaient pas les frais. Des femmes enceintes et des enfants rencontrent bien des difficultés dans certains pays pour obtenir des soins prénataux et postnataux.

Mes chers collègues, j’espère que vous soutiendrez le rapport de M. Lorrain ainsi que mes amendements.

LE PRÉSIDENT – Dans la discussion générale, la parole est à Earl of Dundee.

EARL of DUNDEE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe démocrate européen* – Je félicite M. Lorrain pour un rapport excellent. Comme il le dit clairement, l’égalité de l’accès aux soins de santé est un droit humain. Rendre cet accès beaucoup plus effectif est pour nous un défi à relever. Certains brandissent des arguments comme excuses pour ne pas offrir ce libre accès. C’est pourtant en période de crise économique qu’il faut s’assurer de l’efficacité de nos systèmes de santé.

Le rapporteur recommande une meilleure éducation pour permettre un meilleur accès à la santé. Il invite à une approche bien plus méthodologique qu’actuellement. Il s’agit d’identifier les formes d’inégalités à l’accès aux soins de santé, de définir des actions pour y remédier, non pas selon quelques prescriptions arbitraires mais après une étude rigoureuse, après avoir comparé des moyens ayant fait leur preuve.

L’égalité de l’accès aux soins de santé doit être garanti non seulement en Europe mais également ailleurs. L’objectif est de respecter les droits de l’homme comme le veut le Conseil de l’Europe.

Le partenariat donne souvent de meilleurs résultats que les agences de santé nationales. En 1952, l’Organisation mondiale de la santé et le Conseil de l’Europe ont lancé un programme commun. La sous-commission de la santé, par ma personne, a proposé une résolution visant à étudier cette coopération et invitant l’Assemblée à appeler l’OMS et le Comité des Ministres à coopérer par des contacts réguliers et par le partage des informations.

Sans oublier que, en partenariat, le Conseil de l’Europe et l’OMS pourront soutenir en synergie d’autres institutions responsables de la santé. C’est le cas de la coopération entre l’OMS et l’Unicef, avec un plan d’action conjoint visant à mettre fin, d’ici 2025, aux décès prévisibles d’enfants. D’autres coopérations et initiatives sont possibles avec d’autres institutions en charge de la santé, en matière de nutrition, de vaccins, afin que les services soient rendus globalement plutôt qu’individuellement.

Pour promouvoir l’égalité de l’accès aux soins de santé nous devons, comme le souligne le rapport aujourd’hui, adopter une meilleure méthodologie et mettre en place des pratiques plus satisfaisantes, incluant plus de partenariats, plus d’initiatives conjointes, une coordination mieux ciblée et une mise en commun des ressources.

Mme ANDERSEN (Norvège), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Notre groupe soutient ce rapport. Nous soulignons que les inégalités de l’accès aux soins de santé sont croissantes dans les pays membres du Conseil de l’Europe. Une des raisons invoquées dans ce rapport sont les mesures d’austérité adoptées dans de nombreux pays membres de notre Organisation. Visiblement, cela a un effet négatif sur les politiques de santé et en matière sociale. Ce n’est pas bon pour l’économie. C’est contraire à l’égalité de répartition des ressources en matière de santé. Cela n’est bon pour rien ni pour personne parce que cela ne permet pas la reprise économique.

Des politiques économiques n’insistent pas suffisamment sur la répartition équitable des ressources. Cela aussi est un élément d’inégalité. La santé n’est pas distribuée de façon juste, à cause de politiques économiques et sociales. Il ne s’agit pas d’améliorer la santé de ceux qui sont en bonne santé, mais de s’intéresser au reste de la population afin que son état de santé soit aussi bon. Cela exige une distribution plus équitable des ressources au sein de la société. Tel doit être le fondement de nos politiques.

Je fais souvent référence au livre intitulé The Spirit Level. Ce travail de recherche couvre vingt pays et montre que les petits pays s’en sortent mieux dans de nombreux domaines, y compris celui de la santé. Il est important de mieux partager les ressources entre les différentes catégories de la population. Le rapport néglige cet élément.

Comme l’a dit le rapporteur, la santé n’est pas un luxe. Elle constitue un droit social et doit donc être envisagée comme telle. Le groupe tient à dénoncer l’effet négatif de la privatisation du système de santé, qui ne garantit nullement une meilleure efficacité en termes de coût ou de qualité des soins. En revanche, la privatisation aboutit à une distribution déséquilibrée des ressources de santé. On peut regretter que le rapport n’aborde pas cette question, même s’il évoque les mesures d’austérité.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je remercie le rapporteur pour son excellent rapport, qui traite d’un droit humain fondamental, aujourd’hui menacé dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe.

D’après l’OMS, la santé constitue un état de bien-être physique, mental et social, soit beaucoup plus qu’une simple absence de maladie. C’est un droit qu’il faut protéger, en particulier s’agissant des groupes vulnérables. Le rapport définit les conditions de l’égalité d’accès aux soins de santé et présente les problèmes que rencontrent de nombreux pays compte tenu de la crise économique. Barrières économiques, géographiques, linguistiques : plusieurs organisations internationales se sont penchées sur la question du renforcement des droits des patients. Quant à la Charte européenne des droits des patients, elle vise à informer et à sensibiliser le public sur ses droits.

Fait-on assez en Europe ? Les citoyens comprennent-ils que les conventions et les traités sur la protection des patients portent sur l’accès aux soins de santé ? L’austérité menace ce droit fondamental. L’Assemblée doit élever la voix pour défendre les plus vulnérables, qui peinent à accéder aux soins.

D’un pays à l’autre, les systèmes de santé sont différents. La recherche et les progrès médicaux ont permis de guérir des maladies autrefois considérées comme incurables. Les campagnes de prévention luttent efficacement contre des maladies telles que la tuberculose ou la rougeole. Le VIH est aujourd’hui traité comme une maladie chronique et des femmes survivent à leur cancer du sein grâce à un dépistage précoce.

Nous ne pouvons pas sacrifier tout cela sur l’autel de la crise économique. Au contraire, l’accès aux services de santé doit être facilité pour ceux qui en ont aujourd’hui le plus besoin. Or les personnes handicapées, les personnes âgées et les migrants sont actuellement dans une situation particulièrement difficile.

En tant que rapporteure générale pour les droits des enfants, je voudrais également attirer l’attention de l’Assemblée sur la situation vulnérable de ce groupe. Les enfants doivent être protégés dans leur développement physique et psychologique. On ne peut accepter qu’ils pâtissent d’une inégalité d’accès aux soins. La santé est un droit fondamental que l’Assemblée doit s’engager à protéger, au nom des plus vulnérables.

Mme OHLSSON (Suède), porte-parole du Groupe socialiste* – Mes chers collègues, ce rapport pourrait être source de nombreux changements pour les Européens. Le droit à la santé est un droit fondamental. La protection de ce droit est nécessaire pour la cohésion sociale et pour la stabilité économique. Il constitue l’un des piliers du développement d’une nation.

Au regard des valeurs du Conseil de l’Europe, nous devons continuer à protéger le droit à la santé, défini dans l’article 11 de la Charte sociale européenne. L’article 13 de cette charte prévoit que toute personne ne disposant pas des ressources nécessaires puisse jouir de son droit à une assistance médicale. On voit bien, dans la réalité, que c’est loin d’être le cas. Les statistiques sur les taux de mortalité et sur la santé des Européens font apparaître des inégalités entre pays et entre groupes socio-économiques d’un même pays. Certains facteurs jouent un rôle important dans ces inégalités : les revenus, l’emploi, l’éducation, les conditions de vie, les conditions de travail et la distribution inégale des ressources.

L’égalité ne peut advenir naturellement ; elle résulte d’une volonté politique. Ensemble, nous pouvons faire évoluer les choses. Le rapport indique que les inégalités touchent particulièrement les groupes vulnérables, les chômeurs, les familles monoparentales, les enfants et les personnes âgées. Certains pays possèdent un système de sécurité sociale basé sur l’emploi, ce qui exclut un grand nombre de personnes, le chômage ne cessant d’augmenter, surtout chez les jeunes.

Il est urgent de ratifier et de mettre en œuvre la Charte sociale européenne afin de garantir le droit fondamental à la santé. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe doit recommander que toute personne vivant en Europe bénéficie d’un accès égal aux soins, quels que soient sa situation financière, son statut ou son lieu de résidence.

En tant que représentants des Etats européens, mettons-nous au travail dès maintenant, car nous pouvons faire évoluer la situation. De retour chez vous, chers collègues, analysez la situation dans votre pays, cela nous aidera à progresser.

M. HANCOCK (Royaume-Uni), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je remercie les deux rapporteurs ainsi que la présidente de la commission pour sa très pertinente introduction au débat.

Je suis heureux de vous annoncer que l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe votera pour ce rapport et souhaite le voir mis en œuvre. Parmi les questions dont nous débattons dans cet hémicycle, celle-ci nous concerne tous, quelle que soit notre origine. Il est en effet essentiel, pour les individus comme pour leurs familles et leurs proches, de pouvoir obtenir de bons soins de santé quand cela est nécessaire. Ce rapport indique comment permettre cet accès aux soins de santé.

Je profite depuis une douzaine de mois d’un excellent système de santé et je suis très reconnaissant à ceux qui m’ont sauvé la vie. Il y a un an, je pensais être condamné mais, heureusement, j’ai été bien soigné par des médecins compétents qui m’ont donné une deuxième chance. J’ai bénéficié de ce grand privilège mais beaucoup de personnes en Europe n’auront jamais cette chance et ce, pour diverses raisons.

Le rapport tente de définir les circonstances dans lesquelles des personnes n’ont pas accès à de vrais soins de santé et sont ainsi exclues. Or la santé, c’est l’inclusion. Le rapport montre de manière très éloquente que dans bien des pays, diverses catégories de personnes – les pauvres, les personnes âgées – ne peuvent pas accéder aux services disponibles et que le partage des soins de santé n’est pas équitable.

Tous les orateurs ont souligné l’importance de la santé pour la société. Si nous travaillons ensemble, si nous sommes prêts à financer adéquatement notre système de santé, il faut aussi veiller à ce que les soins de santé soient accessibles à tous, partout en Europe. Ce sujet doit être une priorité pour l’Assemblée, car pouvoir obtenir des soins adéquats est essentiel pour tous.

Le paragraphe 3 du projet de résolution est extrêmement important puisqu’il évoque une zone d’exclusion. Par ailleurs, le paragraphe 6.2 évoque des « mesures appropriées » et des « mesures incitatives ». Or celles-ci n’ont jamais permis d’améliorer les systèmes de santé, au contraire, elles ont joué un rôle plutôt dissuasif.

Au nord de la Norvège ou à l’extrême est de la Russie, il doit être possible pour tous les individus d’avoir accès aux soins de santé lorsque cela est nécessaire. Pour cela, il nous appartient, à nous, élus, de les y aider en défendant leurs droits. D’où l’importance fondamentale de ce rapport.

LE PRÉSIDENT – Merci, Monsieur Hancock pour cette belle intervention pleine d’espoir et d’optimisme.

Mme SCHOU (Norvège)* – Je remercie les rapporteurs pour leur travail sur ce sujet essentiel.

L’égalité de l’accès aux soins de santé n’est pas acquise aujourd’hui en Europe. En tant qu’élus, nous devons faire tout notre possible pour nous assurer qu’aucun Européen ne souffre d’un manque d’accès à des soins de santé de base.

Le droit à la santé est un droit de l’homme fondamental, mais il est aujourd’hui victime de violations en raison des difficultés économiques que connaît l’Europe. Or, en tant qu’élus politiques, nous ne pouvons pas nous cacher derrière le prétexte de la crise. Nous devons tout mettre en œuvre pour nous garantir aux personnes disposant de ressources limitées qu’elles ne perdront pas leur accès aux soins de santé et à une vie saine.

Le rapporteur se réfère à la définition de la couverture universelle en matière de santé donnée par l’Organisation mondiale de la santé : « l’accès de tous aux services de santé dont ils ont besoin sans subir de difficultés financières lors de leur paiement ».

Voilà le cœur du problème : ne pas souffrir des difficultés financières. Nous devons avoir pour objectif la gratuité des soins de santé indispensables. À tout le moins, nous devons veiller à ce qu’un système payant ne discrimine pas les personnes dont les moyens financiers sont limités.

Certains patients perdent leur accès aux soins en raison même de leur état de santé ! En effet, le diagnostic formulé et le coût à long terme des traitements se traduisent par une forme de discrimination. Il est important de s’assurer que les personnes qui souffrent de maladies chroniques et de maladies à long terme ne soient pas handicapées par le coût des traitements.

En Norvège, il existe deux catégories d’ordonnances : des blanches – ordinaires – et des bleues. Lorsque vous souffrez d’une maladie chronique ou à long terme, le médecin vous remet une ordonnance bleue. Celle-ci prévoit une participation financière du patient réduite, limitée à 520 couronnes norvégiennes, soit 65 euros. Ce système permet d’alléger la charge financière pesant sur les patients de longue durée.

Je soulignerai enfin l’importance des soins d’urgence. Il est inacceptable que l’on puisse en être exclu, de même que la discrimination financière n’est pas conforme à la couverture universelle en matière de santé.

En période de difficultés économiques il est essentiel que nous trouvions les moyens d’organiser nos systèmes de santé de manière efficace et conformément au droit universel à la santé.

M. SKINNARI (Finlande)* – La crise financière a eu un impact important sur la santé. En effet, les différences de revenus conduisent à des inégalités, et tout le monde ne peut pas suivre une alimentation et un mode de vie sains. La crise bancaire a donc accentué les inégalités. Ainsi la pauvreté et la maladie vont de plus en plus de pair.

L’Union européenne devrait réagir de toute urgence pour que ceux qui sont à l’origine de la crise bancaire soient poursuivis pour les erreurs et les mauvais investissements responsables de l’endettement excessif de leurs banques.

La crise bancaire a mis sens dessus dessous les économies des Etats qui ont garanti et payé des emprunts, avec pour conséquence un chômage massif en Europe, des personnes confrontées à de très grandes difficultés et un déséquilibre flagrant dans la distribution des revenus.

C’est la raison pour laquelle le Conseil de l’Europe se trouve lui aussi dans une situation inédite.

Sa position de garant et défenseur des droits de l’homme est d’autant plus forte et nécessaire en cette période de crise. Nous devons veiller au bien-être physique et psychologique des Européens, car une force de travail en bonne santé est la base de la réussite de l’Europe. C’est aussi nécessaire pour assurer la santé des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées. Les problèmes linguistiques, le fait de vivre dans des zones éloignées, les différences religieuses ne peuvent pas être des obstacles à l’accès à la santé, ce serait inacceptable. Le Conseil de l’Europe doit donc coopérer plus étroitement avec l’Organisation mondiale de la santé et l’Organisation internationale du travail.

M. KAYATÜRK (Turquie)* – J’aimerais exprimer ma sincère gratitude au rapporteur. Comme il le souligne dans son rapport, l’accès aux soins de santé est un élément clé du droit à la santé. Il ne fait aucun doute que, le manque d’accès aux soins, le manque d’accès à temps, le manque de soins adéquats, le manque de médicaments, le manque de professionnels, les frais de santé trop élevés, les barrières géographiques et linguistiques ont un impact négatif sur le traitement des maladies de nos citoyens et de nos migrants.

Il est regrettable de constater que, de plus en plus, l’accès aux soins de santé s’amenuise dans nos Etats membres. C’est à juste titre que le rapport met l’accent sur ces questions, qui sont au cœur même de la gestion des défis que connaissent aujourd’hui nos systèmes de santé. Dans ce cadre, le partage des meilleures pratiques entre les Etats membres de l’Organisation revêt la plus grande importance.

Aussi aimerais-je, pour conforter les arguments du rapporteur sur la manière d’aboutir à l’égalité de l’accès aux soins de santé, attirer votre attention sur l’expérience turque. En Turquie, depuis onze ans, un programme de transformation des services de santé a été mis en œuvre. Son principal objectif peut être défini comme la mise à disposition de services de santé de qualité, durables, accessibles à tous, de manière effective, efficace, qualitative et égalitaire. Grâce à cet effort de transformation du secteur de la santé, 98 % de la population sont aujourd’hui couverts par l’assurance santé publique, y compris pour les cas d’urgence. De même, les soins intensifs sont gratuits pour tous.

En conclusion, je voudrais souligner le fait qu’il est nécessaire que nous soyons sensibles à l’importance de cette question ainsi qu’au fait que nos parlements ont un rôle à jouer pour améliorer l’accès aux soins de santé. Je remercie les deux rapporteurs ainsi que la commission des questions sociales pour s’être penchés sur cet important sujet.

LE PRÉSIDENT – M. Schennach, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme BONET PEROT (Andorre)* – Je félicite également les rapporteurs pour leur excellent travail. En matière de droits de l’homme, l’accès à des soins de santé efficaces afin d’éviter les maladies ou les guérir, est un droit reconnu par différentes constitutions de nos Etats membres comme un droit fondamental.

Avec le début de la crise économique sont apparus de nouveaux risques pour nos systèmes de santé. La mise en place de systèmes payants ou l’augmentation des paiements exigés des malades pour les soins hospitaliers ou ambulatoires sont autant obstacles à l’utilisation des soins de santé ou pour bénéficier des systèmes de soins d’urgence mis en place dans de nombreux pays, jugés trop coûteux.

Le rapport montre que les systèmes nationaux de santé ne parviennent plus à bien couvrir les besoins des populations les plus vulnérables ou les plus menacées par l’exclusion sociale. L’austérité a un effet très négatif sur nos systèmes de protection sociale, dont celui de soins de santé.

L’association humanitaire Médecins du Monde a montré, sur la base de quelque 8 000 enquêtes menées dans sept pays d’Europe et quatorze grandes villes, que 20 % des personnes vulnérables qui se sont présentées au cours des derniers mois pour des soins ont été rejetées, que beaucoup n’ont pas été prises en charge et n’ont bénéficié d’aucun traitement avant de payer l’intégralité de leurs frais de santé. On constate souvent que le statut social ou l’origine ethnique de ces personnes joue un rôle important. C’est la raison pour laquelle les autorités nationales doivent abattre les barrières qui empêchent les populations vulnérables et menacées d’exclusion sociale d’avoir accès à la santé.

L’accès à la santé dans une Europe en période de crise et de xénophobie croissante exige des gouvernements qu’ils prennent des mesures immédiates pour mettre en place une politique publique cohérente en Europe, afin de faire face à la prévention et au traitement des maladies infectieuses. Ils doivent offrir un accès égalitaire aux programmes nationaux de vaccination et aux soins pédiatriques, aux soins pré et postnataux pour les femmes enceintes et la protection totale des personnes immigrées gravement malades qui ne peuvent accéder aux soins adéquats.

Le chômage et la pauvreté – qui, de plus, touchent des enfants – s’aggravent et conduisent beaucoup de personnes à perdre leur logement pour raison d’insolvabilité économique. Aujourd’hui plus que jamais, l’Europe a besoin de systèmes forts de prestations sociales. Les systèmes de santé ont été construits sur les principes de la solidarité, de l’égalité et de la justice ; ils doivent continuer à être accessibles à tous ceux qui vivent dans les Etats membres de notre Europe.

Le rapport identifie la xénophobie comme un problème croissant. Souvent, les personnes vulnérables deviennent les boucs émissaires de nos problèmes économiques, notamment les immigrants que l’on accuse d’être venus chez nous uniquement pour se faire soigner, ce qui n’est le cas que d’une petite minorité d’entre eux – 1,6 %. En 2010, seulement cinq pays de l’Union européenne offraient des soins de santé allant au-delà des soins d’urgence aux migrants irréguliers, et neuf pays prohibaient tout type d’action sanitaire à ce groupe. Le résultat, c’est qu’au lieu de se réduire, les coûts du système de santé, ont augmenté, compte tenu du nombre de visites d’urgence, de diagnostics à poser et de maladies contagieuses, telle la tuberculose, qui en est résulté.

Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner que le suicide et les comportements addictifs tendent aussi à prendre de l’ampleur.

LE PRÉSIDENT – Mmes Pashayeva et Clune ainsi que M. Korodi, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

Mme MAGHRADZE (Géorgie)* – Chers collègues, merci pour ce rapport qui tombe à point nommé, car tout le monde pense que la vie et la santé sont des droits fondamentaux. Puis, il y a la durabilité, le développement économique et social, et la démocratie.

Les soins de santé sont un droit pour tous, que l’on ait ou non de l’argent. Or les obstacles financiers sont les plus importants en matière d’accès à la santé. En Europe, on voit que, là où le chômage est élevé, là où la crise économique sévit fortement – même dans les pays les plus développés –, les gens n’ont plus accès aux soins.

En Géorgie, la situation est pire encore. Le rapport évoque à juste titre les frais importants qui doivent être payés par les patients, de même que les inégalités. Or le coût de la santé ne doit pas être trop lourd pour les patients au regard de leurs revenus. C’est la raison pour laquelle notre nouveau gouvernement a décidé de changer radicalement notre politique nationale en matière de santé. Son programme électoral prévoyait d’ailleurs d’élever le niveau social et l’état de santé de la population. Cette volonté s’est traduite par des mesures budgétaires en matière de santé, à hauteur de 5 ou 6 millions de lari géorgiens en 2011 et en 2012.

Par ailleurs, un système de couverture santé universelle a été lancé en février 2013. Jusqu’en décembre 2012, seuls 30 % de la population étaient couverts par le système social, en l’occurrence les personnes qui travaillaient et avaient une assurance privée ; 800 000 personnes étaient couvertes différemment, mais le système de protection sociale n’en était pas moins assez basique.

Le nouveau gouvernement, à son arrivée au pouvoir, a décidé que tous les citoyens géorgiens devaient pouvoir bénéficier, à compter de février 2013, d’une sorte de protection universelle couvrant tous les soins de santé primaires et urgents. À partir du mois de juillet, cette couverture sera étendue dans tout le pays à la maternité, à d’autres urgences et à certains soins chirurgicaux.

Les efforts doivent maintenant être concentrés sur les groupes les plus vulnérables. Nous avons donc pris la décision de passer à une couverture vraiment universelle, ce qui a donné lieu à un débat très conflictuel. Je ne sais pas si cette pratique pourrait s’appliquer à tous les pays, mais nous sommes convaincus que, dans la situation économique actuelle et vu le taux de chômage, l’Etat doit s’engager davantage dans le système de santé ; il doit offrir des prestations de santé similaires à tous les citoyens.

Mme de Pourbaix-Lundin, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace M. Rouquet au fauteuil présidentiel.

M. ARIEV (Ukraine)* – La médecine permet de réaliser des bénéfices importants. Ce secteur est donc essentiel, comme celui de l’alimentation. Il y a toutefois une différence : en Europe, quand les gens riches peuvent acheter du homard, les personnes simples achètent simplement du poisson. Pour les médicaments, il n’en va pas de même : pour ceux qui manquent d’argent, cela s’apparente à une loterie, car ils peuvent avoir un bon ou un mauvais traitement.

Le système médical ukrainien, qui est gratuit, comme c’est le cas dans tous les pays de l’ex-Union soviétique, en est resté au années 90 du siècle dernier. Je veux dire par là que les institutions publiques traitent 90 % des patients, tandis que les cliniques, qui ont généralement de meilleurs équipements, pratiquent des prix inaccessibles à la majorité de la population. Depuis de nombreuses années, l’Ukraine ne parvient pas vraiment à réformer le secteur médical et à mettre en place un système d’assurance santé digne de ce nom. À cet égard, les réformes en cours ne sont pas non plus à la hauteur. Cela signifie que 90 % des Ukrainiens dépendent fortement de la contribution de l’Etat. Or les services de santé ne représentent que 3,2 % du PIB national, soit 30 euros par an et par personne. Comme la corruption des services de santé ukrainiens est très importante, les patients peuvent tout au plus compter sur un euro par mois – médicaments, matériel, chauffage des hôpitaux et carburant des ambulances inclus.

Dans une telle situation, si un patient souffre du VIH, du cancer, d’hémophilie ou d’une autre maladie grave, il est en quelque sorte condamné à mort. Ces pratiques mènent à une très grande corruption. Les institutions de l’Etat dépensent des milliards d’euros pour leurs propres privilèges, sans se soucier du sort des patients démunis. Cette situation doit nous interpeller. Le fils d’un ministre de la Santé a fabriqué des vaccins dangereux en utilisant de l’argent du budget de l’Etat. De faux diagnostics sont souvent prononcés à seule fin d’extorquer de l’argent aux patients, dans la mesure où le système médical gratuit n’existe que sur le papier.

En d’autres termes, l’Ukraine, de même que d’autres pays de l’ex-Union soviétique, a besoin d’un changement urgent de son système de santé, accompagné de mesures vigoureuses de lutte contre la corruption. J’en appelle à la commission des questions sociales pour qu’elle se saisisse de cette question. Il y a actuellement des troubles en Ukraine après qu’un patient séropositif a été expulsé d’un hôpital. La conclusion est claire : le système de santé de l’Ukraine, mêlé à la corruption, ne répond absolument pas aux besoins de la population. Dans ma circonscription, j’ai reçu la visite de quelqu’un qui m’a demandé de financer des soins dont il avait besoin. On ne peut que penser également au cas de l’ancien Premier ministre, Mme Timochenko, condamnée pour des raisons politiques, qui ne peut toujours pas être soignée normalement dans un hôpital. La seule façon de la sauver serait de l’envoyer en Allemagne pour qu’elle y reçoive les soins nécessaires.

M. POPESCU (Ukraine)* – Je remercie très sincèrement notre rapporteur, M. Lorrain, pour son travail. Le problème abordé dans ce document est d’une actualité frappante, surtout à un moment où un grand nombre d’Etats membres, touchés par la crise, sont contraints de prendre des mesures d’économie drastiques, y compris dans le secteur de la santé, ce qui a bien sûr des effets très négatifs sur les groupes les plus vulnérables.

Je partage totalement l’avis de M. Lorrain : il faut voir cette crise comme une occasion de repenser et réformer les systèmes de santé afin de renforcer leur efficacité. Comme le rôle des organes législatifs est essentiel pour assurer le respect des droits et libertés des citoyens – dont le droit à la santé et l’égalité d’accès aux services médicaux –, nous pensons que les parlements nationaux doivent être à la pointe des efforts de réforme de ce secteur, en tenant compte des dispositions de la Charte sociale européenne et de ses protocoles.

Mes chers collègues, au cours des années qui ont suivi l’indépendance, un important travail a été réalisé par le Parlement ukrainien pour étoffer et améliorer la législation en matière de santé.

En 2010, à l’initiative du président, la réforme du système de santé a été engagée, l’objectif étant l’amélioration de l’état de santé de la population et la garantie d’un égal accès pour tous à tous les services médicaux. Grâce aux efforts de tous les responsables, une série de lois en ce sens a été adoptée en 2011.

Nous avons aussi peu à peu commencé à améliorer les traitements des personnels de santé, notamment du personnel d’urgence. Nous avons en outre fait de la contrefaçon des médicaments un délit sanctionné par le code pénal.

Il convient de noter que l’égalité de l’accès aux soins de santé dépend également de l’égalité de l’accès à des médicaments de qualité. J’appelle votre attention sur le fait que l’Ukraine a été le premier pays à ratifier en 2012 la Convention Medicrime, démontrant ainsi sa volonté de défendre la santé publique en garantissant à chacun le droit à la vie. Selon les experts du Conseil de l'Europe, l’Ukraine sert aujourd’hui d’exemple dans la lutte contre la contrefaçon de médicaments.

Mes chers collègues, en surmontant tous les obstacles sur la voie de la garantie d’un égal accès pour tous à la santé, gardons à l’esprit les objectifs fondamentaux de notre Organisation. On ne saurait réduire les normes sociales figurant dans la Charte sociale, et nous, parlementaires européens, devons agir sans compromis pour que ces dispositions soient respectées. De cela dépend l’avenir de l’Europe, sa stabilité, son épanouissement.

En conclusion, j’appelle tous mes collègues à soutenir le projet de résolution.

Mme BORZOVA (Fédération de Russie)* – Permettez-moi tout d’abord de remercier notre rapporteur pour son excellent travail.

Ce thème nous rassemble tous, nous les parlementaires du Conseil de l'Europe. En effet, le problème du droit à la santé est véritablement une partie intégrante de tous les piliers du Conseil de l'Europe et de l'Assemblée parlementaire. Conformément à la Charte sociale européenne, le droit à la santé et à l’accès aux médicaments est garanti. Nous devons donc la défendre.

Aujourd’hui, dans nombre de pays européens, les systèmes de santé subissent les effets de la crise financière mondiale. Un rapport de l’OMS sur l’état de la santé publique dans les pays européens relève le lien étroit existant entre le développement social et économique et la santé. Tous les indicateurs de santé dépendent de la situation économique et financière des pays.

C’est la raison pour laquelle la question de l’accès des groupes vulnérables aux soins de santé- enfants, invalides, réfugiés, citoyens défavorisés, migrants - est essentielle.

Mes chers collègues, en Fédération de Russie, au cours des années récentes, la législation fédérale a été entièrement révisée pour être améliorée. Nous avons tout fait pour nous aligner sur les normes européennes en matière de soins médicaux. Un programme d’Etat de développement du système de santé a été adopté.

Des problèmes considérables se posent en Russie, notamment l’étendue du territoire, la difficulté des communications et des transports. Au cours des trois dernières années, des moyens financiers considérables ont été consacrés au programme de modernisation du système de santé, visant à améliorer les conditions matérielles, techniques des établissements de soins qui se trouvent dans les provinces pour leur apporter une aide technique de haute qualité. Certes, tous les problèmes ne sont pas résolus, mais nous accordons d’importants financements à des programmes sociaux destinés à garantir l’accès des groupes les plus vulnérables aux soins de santé.

Mes chers collègues, les efforts des Etats membres du Conseil de l'Europe doivent être orientés vers la réforme ciblée des systèmes de santé. J’appuie les propos de mes collègues qui ont jugé indispensable de coopérer étroitement avec l’Organisation mondiale de la santé. Nous devons aussi utiliser toutes les potentialités du Conseil de l'Europe en tant que mécanisme paneuropéen de coopération dans le domaine des politiques de santé.

La délégation de la Fédération de Russie appuie le projet de résolution. Nous devons unir les efforts de tous nos pays pour garantir un accès égal à tous aux soins de santé.

LA PRÉSIDENTE* – M. Labaziuk, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme MILADINOVIĆ (Serbie)* – Le droit à la vie, le droit à la santé sont des droits fondamentaux qui se situent au cœur même du développement social. Bien entendu, ce développement dépend de la santé de la population en général. L’accès aux soins de santé est donc un élément essentiel. Or cette politique n’est rationnelle que si elle est bien organisée et accessible à tous.

Au niveau général, cela exige que le principe de l’égalité des chances soit respecté par tous les systèmes. Les mesures d’austérité qui sont mises en place au niveau de l’Union européenne ont hélas un effet néfaste sur ces droits, notamment sur ceux des groupes les plus vulnérables de la population. La situation empire et ces groupes vulnérables sont de plus en plus marginalisés. A long terme, cela peut entraîner une augmentation des coûts en raison de l’augmentation des maladies.

Les restrictions rendent ce système encore moins accessible. Il faut en outre compenser les effets négatifs de la crise. Nous espérons que cette résolution permettra de réparer cette inégalité sociale. Parfois, il faut faire preuve de solidarité. C’est la seule façon d’avancer.

Nous sommes une société responsable qui doit s’intéresser à tous, quelle que soit l’origine sociale. Par ailleurs, nous devons également être responsables sur le plan économique pour mettre en place des systèmes de santé rationnels. Il ne faut pas permettre que le système augmente certains coûts, comme ceux des soins de santé primaires, et porte ainsi atteinte aux droits fondamentaux.

M. MARIAS (Grèce)* – Je voudrais féliciter le rapporteur pour son excellent rapport et signaler que le chômage massif et la pauvreté qui frappent la société européenne en raison de la crise économique mènent à l’exclusion sociale, à la marginalisation et limitent le droit à l’accès égal des citoyens européens aux soins et aux services de santé.

Le rapport que nous examinons contient également des références aux effets néfastes qu’a eu sur le secteur de la santé la mise en œuvre catastrophique de l’accord financier en Grèce, qui s’est traduit par le plan d’austérité et d’assainissement imposé à mon pays par la Troïka, à savoir le FMI, la Commission européenne et la Banque centrale européenne.

La Grèce compte 1,3 million de chômeurs. Ces trois dernières années, notre pays a reçu du FMI, des pays de l’Union européenne et du Fonds européen de solidarité financière (FESF), 215 milliards d’euros sous forme de prêts. Il s’agit là d’un montant exorbitant qui aurait pu financer un plan Marshall moderne. Il aurait permis le décollage de l’économie grecque, l’augmentation des recettes publiques et la création de milliers d’emplois. Or, ces montants n’ont pas été investis dans l’économie réelle, ils ont été utilisés au remboursement d’anciens prêts et au sauvetage des banques. C’est ainsi qu’à la suite de l’exigence des créanciers, ont été réduites les dépenses publiques de santé, qui ne dépassent pas 4% du PIB contre 10% auparavant. En outre, les bénéficiaires de la sécurité sociale ont vu leurs salaires et leurs pensions rabotés, sans compter qu’ils sont obligés de consacrer une partie considérable de leurs revenus à l’achat de médicaments et aux soins à l’hôpital. Dans le même temps, le gouvernement a fusionné des hôpitaux et a réduit drastiquement les honoraires des médecins et du personnel soignant.

En fonction de critères de revenu, l’octroi gratuit de matériel pour les tétraplégiques, paraplégiques ou les malades souffrant d’insuffisances rénales a été réduit ; les personnes se soignant grâce à la physiothérapie et la kinésithérapie ne sont plus remboursées et la participation des patients au paiement des médicaments et des prélèvements a été augmentée.

Malgré la réduction des dépenses publiques de santé, l’organisation nationale de prestations en matière de santé présente un déficit de 1,2 milliard d’euros, déficit qui atteindra 2,5 milliards à la fin de l’année. Ainsi, l’accord financier viole le droit à l’accès égal des citoyens grecs aux soins de santé, particulièrement en province. À Héraklion, où je suis élu, la situation dans les deux hôpitaux empire tous les jours et influe directement sur la vie des citoyens. Ceux qui travaillent dans ces deux hôpitaux protestent contre la fusion, la réduction des lits et demandent qu’un personnel supplémentaire soit embauché.

En raison de l’accord financier, les actions de solidarité sociale en Grèce se sont multipliées. En Grèce, à Héraklion et dans d’autres villes, des dispensaires sociaux, des pharmacies sociales offrent gratuitement leurs services aux citoyens. C’est la raison pour laquelle mon parti, Les Grecs Indépendants, lutte pour abolir l’accord financier, pour faire disparaître la Troïka de notre pays et pour effacer la dette odieuse, puisque les mesures d’austérité constituent un danger pour la démocratie et les droits sociaux.

LA PRÉSIDENTE* – La liste des orateurs est épuisée.

Nous en venons à la réplique de la commission.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), rapporteure suppléante – En premier lieu, merci à celles et ceux qui ont pris la parole dans ce débat, reconnaissant ainsi l’importance des conclusions que nous en tirons. Merci également au secrétariat qui a permis d’assurer la continuité du rapport malgré les problèmes de santé du rapporteur.

Les personnes situées au bas de l’échelle socio-économique vivent en moyenne moins longtemps et en moins bonne santé que celles qui sont à des échelons plus élevés ; nous le déplorons. Ainsi au XXIe siècle, l’espérance de vie à la naissance entre le bas et le haut de l’échelle varie de cinq à dix ans : cinq à dix ans de vie gagnés ou perdus. Il en va de même pour ce qui concerne les années de vie en bonne santé, à l’abri de la maladie ou du handicap : de dix à vingt ans de vie gagnés ou perdus. Cette situation choquante, loin de s’atténuer, s’aggrave avec les politiques limitant l’accès aux soins de santé pour faire face aux difficultés économiques ou retenues simplement par choix politique ou idéologique.

La situation est grave et je citerai deux exemples tirés de ma visite à Athènes au mois d’avril dernier. J’évoquerai l’exemple de ces femmes enceintes qui ne sont pas suivies pendant leur grossesse, qui accouchent et qui se voient refuser un certificat de naissance. Pire, on leur refuse de récupérer leur bébé tant qu’elles n’ont pas payé les frais d’accouchement. Autre exemple aussi choquant : ces enfants souffrant de malnutrition et de sous-alimentation. Sommes-nous au XXIe siècle, en Europe ? Ces images d’enfants aux ventres gonflés sont plutôt associées aux pays les plus pauvres du tiers-monde. Ce second exemple m’a été rapporté par ces médecins qui travaillent bénévolement dans le dispensaire médical de Hellinikon que j’ai eu la chance de visiter et qui représente la dernière chance pour nombre de patients, de familles, d’enfants et de patients cancéreux, privés du jour au lendemain de tout traitement.

Je cite ce dispensaire, parce qu’il s’agit d’une réaction citoyenne. Il ne s’agit pas de se substituer aux responsabilités de l’Etat, mais de permettre aux Grecs de se tenir debout et de réagir à ce qui leur arrive, qui ne doit pas être considéré comme une fatalité.

Cette leçon vaut aussi pour nous, mes chers collègues. Il y a des choses à faire : développer les mesures de prévention, de promotion de la santé, de formation à la santé ; développer toutes les politiques permettant de supprimer la participation aux coûts de santé des catégories les plus vulnérables ; développer l’utilisation de médicaments génériques, car ce ne sont pas les médicaments les plus chers qui sont meilleurs ; enfin, lutter contre la corruption en améliorant les conditions de travail du personnel de santé, car sans personnel de santé motivé, il est impossible de soigner la population.

Je vous invite donc à agir dans nos pays et à agir ici même en commençant par adopter la résolution et la recommandation qui vous sont soumises.

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni), au nom de la commission *– La commission des questions sociales considère ce rapport comme très important.

L’accès aux soins de santé et aux traitements est un droit humain essentiel. Nous sommes très déterminés sur ce front.

Les situations en Europe sont diverses. Dans certains pays, la situation est mauvaise et c’est pourquoi nous avons besoin de résolutions comme celle que nous vous proposons aujourd’hui.

Lors de son examen en commission, tous les amendements ont été adoptés et le rapport a été adopté à l’unanimité. C’est un point positif. Je vous demande de le soutenir.

LA PRÉSIDENTE* – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales a présenté un projet de résolution sur lequel cinq amendements ont été déposés et un projet de recommandation sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Le président de la commission demande l’application de l’article 33-11 du Règlement pour les amendements 1, 4 et 5 sur le projet de résolution qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission.

Il n’y a pas d’objection. Ils sont considérés comme adoptés définitivement.

J’en donne lecture :

L’amendement 1, déposé par Mme Ohlsson, MM. Gunnarsson, Axelsson, von Sydow, Haugli, Mme Christoffersen, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 3, après les mots « en situation irrégulière, » à insérer les mots suivants : «, les transsexuels, »

L’amendement 4, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 3, après les mots « notamment ceux en situation irrégulière », à insérer les mots suivants : « les personnes détenues ».

L’amendement 5, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 6.3, à insérer le paragraphe suivant : « à garantir que les femmes enceintes et les enfants, en tant que groupes vulnérables spécifiques, bénéficient d’un plein accès aux soins de santé et à la protection sociale, quel que soit leur statut ; »

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention sur chaque amendement est limité à 30 secondes.

L’amendement 2, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 3, après les mots : « L’Assemblée note que les inégalités d’accès aux soins », à insérer les mots suivants : « y compris les soins de santé mentale, ».

M. CEDERBRATT (Suède), rapporteur pour avis* – Les migrants ayant eu du mal pour arriver en Europe, leur vécu est dramatique.

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni), au nom de la commission* – Cet amendement a été adopté à l’unanimité par la commission.

L’amendement 2 est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – L’amendement 3, déposé par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 3, après les mots : « ainsi que les Roms, », à insérer les mots suivants : « les réfugiés, ».

M. CEDERBRATT (Suède), rapporteur pour avis* – Les réfugiés doivent être considérés comme formant un groupe vulnérable. Leurs besoins sont différents de ceux des migrants en général.

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni), au nom de la commission* – Cet amendement a été adopté à l’unanimité par la commission saisie au fond.

L’amendement 3 est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc.13225, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté à l’unanimité des 38 votants.

LA PRÉSIDENTE* - Nous allons procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc.13225.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté à l’unanimité des 39 votants.

5. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE* – La prochaine séance publique aura lieu demain, à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 18 h 45.

S O M M A I R E

1. Modifications dans la composition des commissions

2. Contestation pour des raisons formelles des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire d’Islande

Présentation par Mme Vučković du rapport de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles (Doc. 13246)

Orateurs : Mmes Marjanović, Lundgren, Baroness Wilcox, MM. Kox, Garđarson

      Réponse de Mme la rapporteure

      Vote sur un projet de résolution

3. Mettre fin aux stérilisations et castrations forcées

Présentation par Mme Maury Pasquier du rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable (Doc.13215)

Présentation par Mme Saïdi du rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, saisie pour avis (Doc.13252)

Orateurs : Mmes Acketoft, Gerasimova, Andersen, MM. Ghiletchi, Schennach, Mmes Virolainen, Blanco, MM. Gunnarsson, R. Farina, Lebeda, Recordon

Réponse de Mme la rapporteure et de Sir Alan Meale au nom de la commission des questions sociales

Vote sur un projet de résolution

4. L’égalité de l’accès aux soins de santé

Présentation par Mme Maury Pasquier, suppléant M. Lorrain, du rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable (Doc.13225)

Présentation par M. Cederbratt du rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, saisie pour avis (Doc.13249)

Orateurs : Earl of Dundee, Mmes Andersen, Kyriakides, Ohlsson, M. Hancock, Mme Schou, MM. Skinnari, Kayatürk, Mmes Bonet Perot, Maghradze, MM. Ariev, Popescu, Mmes Borzova, Miladinović, Marias

Réponses de Mme la rapporteure et de Sir Alan Meale au nom de la commission des questions sociales

Votes sur un projet de résolution amendé et sur un projet de recommandation

5. Prochaine séance publique

ANNEXE

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque.

Pedro AGRAMUNT*

Arben AHMETAJ*

Miloš ALIGRUDIĆ

Jean-Charles ALLAVENA

Karin ANDERSEN

Lord Donald ANDERSON/Michael Connarty

Paride ANDREOLI

Khadija ARIB*

Volodymyr ARIEV

Francisco ASSIS*

Danielle AUROI*

Daniel BACQUELAINE*

Theodora BAKOYANNIS*

David BAKRADZE/Giorgi Kandelaki

Gérard BAPT*

Gerard BARCIA DUEDRA/Sílvia Eloïsa Bonet Perot

Doris BARNETT*

José Manuel BARREIRO*

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

José María BENEYTO*

Levan BERDZENISHVILI

Deborah BERGAMINI*

Robert BIEDROŃ

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY/Sir Edward Leigh

Ľuboš BLAHA*

Delia BLANCO

Jean-Marie BOCKEL*

Eric BOCQUET*

Mladen BOJANIĆ

Olga BORZOVA

Mladen BOSIC*

António BRAGA

Anne BRASSEUR

Márton BRAUN*

Federico BRICOLO*

Ankie BROEKERS-KNOL*

Gerold BÜCHEL*

Patrizia BUGNANO*

André BUGNON*

Natalia BURYKINA*

Sylvia CANEL

Mevlüt ÇAVUŞOĞLU

Mikael CEDERBRATT

Otto CHALOUPKA

Irakli CHIKOVANI*

Vannino CHITI*

Tudor-Alexandru CHIUARIU*

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Desislav CHUKOLOV*

Lolita ČIGĀNE*

Boriss CILEVIČS

Henryk CIOCH*

James CLAPPISON/Baroness Judith Wilcox

Deirdre CLUNE

Agustín CONDE*

Telmo CORREIA

Carlos COSTA NEVES

Katalin CSÖBÖR*

Joseph DEBONO GRECH*

Armand De DECKER/Ludo Sannen

Roel DESEYN*

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK

Şaban DİŞLİ

Aleksandra DJUROVIĆ

Jim DOBBIN*

Karl DONABAUER*

Ioannis DRAGASAKIS

Damian DRĂGHICI*

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE

Josette DURRIEU*

Mikuláš DZURINDA*

Baroness Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA*

Gianni FARINA*

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU*

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA/Luc Recordon

Daniela FILIPIOVÁ/Miroslav Krejča

Axel E. FISCHER*

Jana FISCHEROVÁ*

Gvozden Srećko FLEGO*

Hans FRANKEN*

Jean-Claude FRÉCON

Béatrice FRESKO-ROLFO

Erich Georg FRITZ

Martin FRONC*

Sir Roger GALE*

Karl GARÐARSON

Tamás GAUDI NAGY

Nadezda GERASIMOVA

Valeriu GHILETCHI

Paolo GIARETTA*

Michael GLOS*

Pavol GOGA*

Jarosław GÓRCZYŃSKI/Iwona Guzowska

Alina Ştefania GORGHIU

Svetlana GORYACHEVA

Martin GRAF*

Sylvi GRAHAM/Ingjerd Schou

Andreas GROSS

Arlette GROSSKOST*

Dzhema GROZDANOVA*

Attila GRUBER*

Gergely GULYÁS*

Pelin GÜNDEŞ BAKIR

Antonio GUTIÉRREZ/ Carmen Quintanilla

Ana GUŢU*

Maria GUZENINA-RICHARDSON

Carina HÄGG/Jonas Gunnarsson

Sabir HAJIYEV

Andrzej HALICKI

Mike HANCOCK

Margus HANSON*

Davit HARUTYUNYAN*

Håkon HAUGLI/Tor Bremer

Norbert HAUPERT

Alfred HEER/Eric Voruz

Martin HENRIKSEN*

Andres HERKEL

Adam HOFMAN*

Jim HOOD*

Joachim HÖRSTER

Arpine HOVHANNISYAN*

Anette HÜBINGER*

Andrej HUNKO

Ali HUSEYNLI/Sahiba Gafarova

Rafael HUSEYNOV*

Shpëtim IDRIZI*

Vladimir ILIĆ/Vesna Marjanović

Florin IORDACHE/Viorel Riceard Badea

Igor IVANOVSKI*

Tadeusz IWIŃSKI

Denis JACQUAT*

Gediminas JAKAVONIS

Stella JANTUAN*

Tedo JAPARIDZE/Guguli Maghradze

Ramón JÁUREGUI*

Michael Aastrup JENSEN*

Mogens JENSEN

Jadranka JOKSIMOVIĆ*

Ögmundur JÓNASSON*

Čedomir JOVANOVIĆ*

Antti KAIKKONEN/Riitta Myller

Ferenc KALMÁR*

Božidar KALMETA/Ivan Račan

Mariusz KAMIŃSKI*

Marietta KARAMANLI/Jean-Pierre Michel

Ulrika KARLSSON/Kerstin Lundgren

Burhan KAYATÜRK

Jan KAŹMIERCZAK*

Serhii KIVALOV*

Bogdan KLICH/Marek Borowski

Serhiy KLYUEV/Volodymyr Pylypenko

Haluk KOÇ*

Igor KOLMAN

Attila KORODI

Alev KORUN*

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO*

Dmitry KRYVITSKY*

Václav KUBATA*

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU

Jean-Yves LE DÉAUT*

Igor LEBEDEV*

Harald LEIBRECHT*

Orinta LEIPUTĖ*

Christophe LÉONARD/Gérard Terrier

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Lone LOKLINDT

François LONCLE*

Jean-Louis LORRAIN/Bernard Fournier

George LOUKAIDES/Stella Kyriakides

Younal LOUTFI*

Yuliya L'OVOCHKINA*

Saša MAGAZINOVIĆ*

Philippe MAHOUX*

Gennaro MALGIERI*

Pietro MARCENARO*

Thierry MARIANI/André Schneider

Epameinondas MARIAS

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI

Pirkko MATTILA/Jouko Skinnari

Frano MATUŠIĆ*

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA

Ivan MELNIKOV

Nursuna MEMECAN

José MENDES BOTA

Jean-Claude MIGNON/Frédéric Reiss

Djordje MILIĆEVIĆ/Stefana Miladinović

Federica MOGHERINI REBESANI/Renato Farina

Andrey MOLCHANOV*

Jerzy MONTAG*

Rubén MORENO PALANQUES*

Patrick MORIAU/Fatiha Saïdi

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK*

Lydia MUTSCH/ Félix Braz

Lev MYRYMSKYI*

Philippe NACHBAR*

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Marian NEACŞU/Florin Costin Pâslaru

Aleksandar NENKOV*

Pasquale NESSA

Fritz NEUGEBAUER*

Baroness Emma NICHOLSON*

Brynjar NÍELSSON*

Elena NIKOLAEVA*

Aleksandar NIKOLOSKI

Mirosława NYKIEL*

Judith OEHRI*

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY

Lesia OROBETS/Olena Kondratiuk

Sandra OSBORNE

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI

Dimitrios PAPADIMOULIS

Eva PARERA*

Ganira PASHAYEVA*

Lajla PERNASKA*

Johannes PFLUG*

Danny PIETERS/Sabine Vermeulen

Foteini PIPILI*

Ivan POPESCU

Lisbeth Bech POULSEN

Marietta de POURBAIX-LUNDIN/Tina Acketoft

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT/Joe Benton

Jakob PRESEČNIK

Gabino PUCHE

Alexey PUSHKOV*

Mailis REPS

Eva RICHTROVÁ/Pavel Lebeda

Andrea RIGONI

François ROCHEBLOINE*

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Marlene RUPPRECHT*

Ilir RUSMALI*

Pavlo RYABIKIN/Iryna Gerashchenko

Rovshan RZAYEV

Giacomo SANTINI*

Giuseppe SARO

Kimmo SASI

Deborah SCHEMBRI

Stefan SCHENNACH

Marina SCHUSTER*

Urs SCHWALLER/Elisabeth Schneider-Schneiter

Senad ŠEPIĆ*

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN

Oleksandr SHEVCHENKO/Oleh Pankevych

Boris SHPIGEL*

Arturas SKARDŽIUS*

Ladislav SKOPAL*

Leonid SLUTSKY

Serhiy SOBOLEV

Lorella STEFANELLI*

Yanaki STOILOV*

Christoph STRÄSSER*

Karin STRENZ*

Ionuţ-Marian STROE

Giacomo STUCCHI

Valeriy SUDARENKOV*

Björn von SYDOW

Petro SYMONENKO*

Vilmos SZABÓ*

Chiora TAKTAKISHVILI*

Vyacheslav TIMCHENKO*

Romana TOMC

Lord John E. TOMLINSON

Latchezar TOSHEV*

Mihai TUDOSE /Ana Birchall

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ

Theodora TZAKRI

Tomáš ÚLEHLA*

Ilyas UMAKHANOV*

Giuseppe VALENTINO/Oreste Tofani

Miltiadis VARVITSIOTIS*

Volodymyr VECHERKO*

Mark VERHEIJEN*

Anne-Mari VIROLAINEN

Luigi VITALI*

Luca VOLONTÈ*

Vladimir VORONIN*

Tanja VRBAT*

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ*

Zoran VUKČEVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ*

Piotr WACH

Johann WADEPHUL*

Robert WALTER*

Dame Angela WATKINSON*

Katrin WERNER

Karin S. WOLDSETH/Øyvind Vaksdal

Gisela WURM*

Karl ZELLER*

Barbara ŽGAJNER TAVŠ*

Svetlana ZHUROVA*

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN*

Levon ZOURABIAN

Siège vacant, Chypre*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Maria GIANNAKAKI

Spyridon TALIADOUROS

Konstantinos TRIANTAFYLLOS

Observateurs

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Partenaires pour la démocratie

Mohammed AMEUR