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AS (2014) CR 14

SESSION ORDINAIRE DE 2014

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la quatorzième séance

Mercredi 9 avril 2014 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

4.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 heures sous la présidence de M. Rouquet, Vice-Président de l'Assemblée.

LE PRÉSIDENT – La séance est ouverte.

1. Fait personnel

LE PRÉSIDENT – Conformément à l’article 34.6 du Règlement, M. Dişli demande la parole pour un fait personnel.

Je vous rappelle que ce fait personnel ne sera suivi d’aucun débat.

M. DİŞLİ (Turquie)* – Je vous remercie, Monsieur le Président, de me permettre de corriger une erreur involontaire. Lorsque nous avons voté sur le partenariat pour la démocratie de la République kirghize hier, je me suis abstenu alors que je voulais voter pour. Je vous demande donc de corriger mon vote en ce sens.

LE PRÉSIDENT – Merci, Monsieur Dişli pour cette rectification de vote.

2. Améliorer la protection et la sécurité des utilisateurs dans le cyberespace

Le droit d’accès à internet

(Débat conjoint)

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle notre débat conjoint relatif à l’amélioration de la protection et de la sécurité des utilisateurs dans le cyberespace et au droit d’accès à internet.

Nous entendrons d’abord la présentation par M. Fischer, au nom de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, du rapport intitulé « Améliorer la protection et la sécurité des utilisateurs dans le cyberespace » (Doc. 13451), ainsi que la présentation de l’avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme par M. Díaz Tejera (Doc. 13481).

Madame Pelkonen présentera ensuite le rapport sur « Le droit d’accès à internet » (Doc. 13434), au nom de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias. L’avis de M. Xuclà, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, sera, quant à lui, présenté par M. Clappison (Doc. 13465).

Mes chers collègues, je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes.

Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ces textes, votes inclus, à 12 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 11 heures 15, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Je rappelle que M. Fischer et Mme Pelkonen disposent chacun d’un temps de parole total de 13 minutes, qu’ils peuvent répartir à leur convenance entre la présentation de leur rapport et la réponse aux orateurs.

M. FISCHER (Allemagne), rapporteur de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias* – C’est un grand plaisir pour moi d’introduire ce débat conjoint avec Jaana Pelkonen.

L’internet a changé le monde, surtout au cours de la dernière décennie. Nous communiquons tous grâce à lui. Nous nous informons au quotidien. Nous réglons certains achats. Nous prenons contact avec des proches etc. Sans internet notre société ne serait plus la même qu’actuellement. Cette présence constante va encore se renforcer avec le Cloud, le Nuage, et l’internet des objets.

Le Conseil de l’Europe a été créé en 1949 pour plus d’unité entre les Etats membres, sur la base de valeurs communes. C’est la raison pour laquelle il est important que cette Assemblée parlementaire se penche sur la gouvernance de l’internet sur la base de nos valeurs communes.

Il convient de citer la Convention européenne des droits de l’homme, celle sur la cybercriminalité et la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel. Le droit d’accès à internet est important. L’Assemblée parlementaire a déjà eu l’occasion d’adopter des résolutions sur la liberté de l’information sur internet et sur la protection des données.

En 2008 j’ai présenté un rapport sur l’apprentissage en ligne. Aujourd’hui nous examinons la protection des consommateurs et la sécurité des utilisateurs. Nous le faisons dans le contexte d’une sensibilisation croissante de la population. On sait désormais que l’internet comporte certains risques comme de nombreux secteurs. Il y a quelque temps, des millions d’adresses mail et de mots de passe ont été volés en Allemagne. Les révélations d’Edward Snowden nous ont montré à quel point l’internet est ouvert. On peut très facilement espionner quelqu’un et voler des données. Chacun reçoit au quotidien des spams, des courriers indésirables, des cookies. De nombreuses ingérences dans nos données nous frappent et c’est trop tard car les dommages sont faits. Les services internet ne sont de bons services qu’à partir du moment où les utilisateurs peuvent avoir confiance en eux. Tous les incidents que je viens de citer ont entamé cette confiance. Il paraît donc nécessaire aujourd’hui de renforcer la sécurité et la protection des utilisateurs.

Ce rapport présente les principes à respecter afin d’assurer une bonne protection des utilisateurs. L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme impose aux Etats membres de garantir la protection de la vie privée des citoyens. Leur réglementation doit être suffisante pour protéger la vie privée des utilisateurs européens d’internet et les données à caractère personnel. La codification des services internet ne doit pas être payante ; elle doit être la règle. Il doit en être ainsi également avec la protection contre les virus et les spams.

Un consommateur n’est pas en mesure de comprendre par lui seul comment fonctionne un pare-feu informatique. Un conducteur ne connaît pas non plus dans le détail le fonctionnement technique du système de freinage ABS ou des autres dispositifs de sécurité de son véhicule. Les Etats doivent régler la question de l’application du droit pénal national dans la sphère d’internet. La Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe a fixé des normes qui dépassent les frontières de l’Europe.

La question de la protection de la propriété reste en suspens. Cette protection constitue pourtant un droit de l’homme conformément à la Convention européenne des droits de l’homme. Nous devons renforcer la protection de ce droit sur internet. J’ai déjà parlé du « nuage » de données sur internet, mais une question se pose : où se trouve-t-il sur le plan juridique ? Est-il situé offshore en dehors de la zone de protection des citoyens européens ?

Les fournisseurs de services en ligne ont tout à gagner si la confiance des utilisateurs d’internet se renforce. Ils doivent offrir davantage de transparence et de protection. Dès lors qu’une violation des droits des consommateurs a été commise, une aide juridique doit leur être proposée. En Allemagne, nous disposons de nombreux services d’arbitrage extra-judiciaire.

Le rapport porte également sur la gouvernance d’internet et je précise que notre collègue M. Shlegel rédigera prochainement un rapport détaillé sur cette question. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a présenté une série d’amendements et je l’en remercie. Je les approuve pour la plupart. Ils complètent utilement le rapport et permettent d’approfondir le traitement de certaines questions.

Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir soutenir ce rapport. Je me réjouis à l’avance de notre débat qui, je l’espère, sera passionné.

LE PRÉSIDENT – Monsieur le rapporteur, il vous restera six minutes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne), rapporteur pour avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – La commission des questions juridiques et des droits de l’homme soutient avec enthousiasme le rapport de M. Fischer, ses propositions et ses recommandations. Nous avons proposé trois amendements, les amendements 7, 8 et 9, afin de renforcer les conclusions du rapport.

Il y a quelques années, notre ancien collègue, M. Dick Marty, a travaillé sur le rôle joué par certains pays dans les opérations clandestines de la CIA à l’étranger. Le problème de l’accès à l’information se posait déjà. Les rapports de M. Omtzigt sur la surveillance de masse et sur l’amélioration de la protection des lanceurs d’alerte ont également contribué à notre réflexion.

Hier après-midi, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme a organisé une audition avec M. Snowden en vidéoconférence. Cette audition nous a convaincus de la nécessité pour toutes les autorités du renseignement de mettre au point un code de déontologie. Il s’agit d’empêcher que de nouveaux abus soient possibles. En tout état de cause, il est très important aujourd’hui de mettre un terme aux atteintes à la vie privée des citoyens. C’est un délit que nous condamnons depuis toujours avec la plus grande fermeté dans la maison des droits de l’homme. Ni l’Etat, ni aucune autorité publique, ni aucune entreprise privée, n’ont le droit de violer le domaine sacré de la vie privée.

Pour finir, je voudrais remercier les membres de la commission et le secrétariat pour leur contribution importante à ce travail.

Mme PELKONEN (Finlande), rapporteure de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias* – L’internet a révolutionné la manière dont nous interagissons bien plus que nous n’aurions pu l’imaginer. Je me rappelle encore de l’époque qui a précédé. Je ne pourrais imaginer ma vie sans internet aujourd’hui : il m’aide à dialoguer avec mes électeurs, il me permet d’exprimer mes opinions et de m’informer avant de prendre mes décisions au parlement.

Cette année, internet comptera trois milliards d’utilisateurs dans le monde entier. D’une manière ou d’une autre, nous sommes tous censés être en ligne. D’ailleurs, de plus en plus de services publics sont désormais accessibles sur internet. Nous utilisons internet pour payer nos factures, pour déposer des plaintes, pour recevoir des prescriptions médicales et même pour voter. Dans certains domaines, il est pratiquement impossible d’avoir accès à des services sans internet. Il arrive toutefois que ces services soient du même coup plus chers. En outre, les personnes à faible revenu n’ont pas accès à internet. Si les autorités publiques mettent leurs services en ligne, elles doivent veiller à ce qu’ils soient accessibles à tous.

Il existe un véritable fossé numérique en Europe. Dans certains Etats, l’accès à internet est limité par les autorités publiques. Il existe par ailleurs une pression commerciale qui pousse des fournisseurs d’accès à favoriser certains usagers et à en désavantager d’autres.

Le fait de bloquer l’accès à certains sites fait l’objet d’une controverse à l’heure actuelle en Turquie. Je partage les préoccupations de tous ceux qui s’interrogent sur la légalité d’une telle mesure. Je me félicite que le Gouvernement turc ait décidé de lever le blocage de Twitter.

Dans le cadre de ce rapport sur le droit d’accès à internet, j’ai découvert qu’il existait actuellement tout un débat juridique sur cette question et qu’il reste encore de nombreux points à préciser. Je suis très reconnaissante à Mme Riikka Koulu, chercheuse à l’Université d’Helsinki, qui m’a aidé à préparer l’exposé des motifs de ce rapport. Elle est l’auteur de l’un des rapports les plus complets sur le sujet.

Il est donc important pour notre Assemblée et pour nous, parlementaires, de travailler aujourd’hui sur cette question qui doit être inscrite à l’ordre du jour des discussions internationales. Cette Assemblée a déjà adopté plusieurs résolutions et recommandations sur différents aspects relatifs à internet, mais jamais sur l’accès à internet en lui-même. Je crois que le moment est venu que cela change.

C’est le premier rapport que je présente ici et je suis fière qu’il porte sur un sujet aussi important. Internet est un moyen que nous utilisons tous pour exercer notre liberté d’expression et d’information, ainsi que d’autres droits humains, y compris les droits culturels, civils et politiques. Certes, on peut discuter sur la question de savoir si l’accès à internet en tant que tel constitue un droit humain. Toutefois, il est clairement établi qu’internet favorise le respect des droits humains et que toute limite injuste imposée à son accès sape la possibilité de les exercer. A cet égard, on ne saurait dire à quel point la responsabilité de nos gouvernements et de nos parlements est importante : il en va de la démocratie. C’est pour cela que nous sommes ici aujourd’hui. En effet, s’il est vrai qu’internet est essentiel pour l’accès aux services publics et pour l’exercice des droits humains, nos gouvernements doivent veiller à ce que tout le monde y ait accès. Certes, ce ne sont pas les gouvernements qui construisent les infrastructures. Ils ne sont pas non plus des fournisseurs d’accès à internet : ces deux missions incombent au secteur privé. Cela ne veut pas dire pour autant que l’Etat n’a aucune responsabilité en la matière. Il lui faut veiller, lors de la signature des contrats avec des entreprises privées dans ce domaine, au respect des droits de l’homme.

L’accès à internet n’est possible que lorsqu’il existe des réseaux de télécommunication. A cet égard, il est donc nécessaire que les équipements soient en place. Cela dit, les infrastructures peuvent être construites de différentes manières. Il peut donc exister un lien entre la technique et la législation.

Au sein de l’Union européenne – et au-delà –, l’accès à internet est considéré comme un service universel. Cela ne veut pas dire que les Etats doivent fournir cet accès gratuitement. Le financement du développement de l’infrastructure est l’une des questions essentielles pour l’avenir d’internet. Des partenariats public-privé peuvent être la solution. Une approche rassemblant plusieurs acteurs peut également être envisagée pour la gouvernance d’internet.

Le présent rapport se penche sur les différents aspects de l’accès à internet, au niveau juridique et technique. Pour le préparer, nous avons auditionné des experts. Nous avons aussi créé une page sur Facebook qui permettait à tout un chacun de faire des commentaires sur le projet de texte. Cette expérience a montré que beaucoup considèrent l’accès à internet comme acquis. Il est difficile d’expliquer les aspects juridiques de la question. Néanmoins, je suis sûre qu’en adoptant ce projet de résolution, nous ouvrons la voie à un développement du droit de l’internet dans ce domaine.

Le projet de résolution, sur la base des normes juridiques établies par les Etats membres, l’Union européenne, le Conseil de l’Europe et les Nations Unies, sans oublier bien sûr la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et celle des juridictions nationales, formule un certain nombre de propositions.

Premièrement, le droit d’accès à internet doit être considéré comme une condition essentielle à l’exercice des droits fondamentaux. Le droit d’accès à internet inclut celui d’avoir accès à des informations et des idées, d’en recevoir et d’en communiquer via internet, sans qu’il puisse y avoir d’ingérence de la part des autorités et sans considération de frontière, sous réserve seulement des restrictions prévues par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Deuxièmement, les Etats doivent reconnaître l’existence d’un droit fondamental à l’accès à internet, non seulement dans leur législation, mais aussi en pratique.

Troisièmement, les services proposés par internet doivent être accessibles à tous. Cela signifie aussi qu’ils doivent être abordables, que l’on doit veiller à leur interopérabilité et à leur intégrité.

Quatrièmement, les Etats doivent intensifier leurs efforts visant à garantir l’accès à internet pour les personnes ayant des besoins spéciaux et pour les usagers défavorisés. Il faut aussi œuvrer pour un accès multilingue à internet.

Cinquièmement, les Etats membres devraient promouvoir la recherche technologique sur l’amélioration de l’accès à internet, ainsi que l’accès libre aux logiciels et services pertinents. La neutralité d’internet devrait être garantie par le biais de traitements non discriminatoires des données et de leur circulation.

Les gouvernements et les entreprises privées devraient coopérer afin que soit garanti, à l’avenir, l’accès universel à internet. Je sais que c’est un défi de taille, mais c’est également une possibilité considérable, d’un point de vue technique et économique, offerte à nos sociétés démocratiques. En effet, nos différents pays font face à des déficits économiques, sociaux et démocratiques considérables. Ces difficultés persisteront si une grande partie de la population n’a pas accès à internet. Du point de vue des droits de l’homme, il serait également très dommageable que certains soient exclus du cyberespace.

Je suis tout à fait consciente que nous venons de pays très différents, aussi bien du point de vue de la taille que des infrastructures. A cet égard, je prendrai comme exemple mon pays, la Finlande. Pour ce qui est de la superficie, il occupe la septième place en Europe. Toutefois, il ne compte que 5,4 millions d’habitants, dont 70 % vivent dans le sud du pays, certaines régions restant encore inhabitées. Il faut garantir l’accès à internet à ceux qui vivent dans des régions éloignées. Cela coûte cher ; c’est compliqué ; cela prend du temps. Le gouvernement a décidé que tous les consommateurs et toutes les entreprises devaient avoir le droit à un débit de 1 mégabit par seconde. Il a également lancé un projet en matière d’internet à haut débit à horizon 2015, avec pour objectif de faire en sorte que, d’ici à la fin de l’année 2015, chacun ait accès à des réseaux à haut débit. Ce projet, financé par des fonds publics, met en particulier l’accent sur les régions à faible densité de population. J’encourage les pays membres du Conseil de l’Europe à envisager des programmes similaires.

Je remercie le secrétariat de la commission, en particulier Rüdiger Dossow pour l’aide inestimable qu’il m’a apportée tout au long de la confection de ce rapport. Je remercie également Riikka Koulu dont l’excellent rapport a servi de fondement à notre exposé des motifs. Je remercie enfin M. Xuclà et la commission des affaires juridiques pour leurs amendements qui permettront d’améliorer encore ce projet de résolution.

Le monde change à un rythme sans précédent ; les possibilités offertes par internet sont infinies. Veillons à ce que tous aient les mêmes possibilités de participer à cette évolution. J’espère que vous apporterez votre soutien à ce rapport et au projet de résolution.

LE PRÉSIDENT – Madame la rapporteure, il vous restera un plus de deux minutes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), suppléant M. Xuclà, rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, saisie pour avis* – La commission des questions juridiques et des droits de l’homme recommande d’approuver les rapports de la commission de la culture. Nous félicitons M. Fischer et Mme Pelkonen pour l’excellent travail qu’ils ont accompli. Nous souscrivons aux conclusions et aux recommandations de la commission de la culture.

La commission des questions juridiques est elle-même en train de travailler sur la protection des individus et les violations de leurs droits dans le cyberespace, en particulier en ce qui concerne les lanceurs d’alerte révélant les pratiques abusives en la matière. Nous avons confié à M. Omtzigt la préparation de rapports sur la surveillance de masse et sur la protection des lanceurs d’alerte.

Les amendements que nous avons déposés visent à améliorer le présent rapport, lequel nous paraît déjà très bon.

L’audition de M. Snowden par vidéoconférence, conduite hier par notre commission, et l’immense couverture médiatique qu’elle a reçue dans le monde entier, montrent qu’il faut encore beaucoup de travail pour obtenir un cadre juridique satisfaisant, c’est-à-dire qui repose sur un équilibre entre la nécessité de la sécurité et celle de protéger les libertés. Nous remercions la commission de la culture pour son travail et soutenons ce rapport.

LE PRÉSIDENT – Dans la discussion générale, je vous demande, mes chers collègues, de respecter vos trois minutes de temps de parole, car 47 orateurs se sont inscrits.

M. FLEGO (Croatie), porte-parole du Groupe socialiste* – Le cyberespace a véritablement révolutionné les relations humaines : la communication est simplifiée sur le plan social et personnel ; l’activité économique s’en est trouvée restructurée, de nouveaux types de transactions financières sont apparus ; les scientifiques sont connectés à l’échelle mondiale ; les distances sont réduites puisque l’on peut désormais voyager virtuellement d’un lieu à un autre ; l’internet construit une réalité virtuelle.

Les réseaux sociaux, les blogueurs, les nouveaux médias, les plates-formes mobiles contribuent à un nouveau paysage de création et de diffusion de l’information. Les responsables politiques, les pratiques démocratiques, l’autonomie locale sont tous affectés par l’internet, puisque les gens y échangent leurs points de vue politiques, s’influencent les uns les autres et forgent leur opinion personnelle et l’opinion publique sur la base de ces échanges. De nouvelles formes d’éducation sont inventées, des formations en ligne sont à la disposition de tous, tout comme des encyclopédies électroniques, des vidéoclips, des sites internet de musées. On trouve des livres électroniques… et des liseuses électroniques. Etant donné l’omniprésence du cyberespace, il est important d’avoir un accès à l’internet. Les Etats doivent garantir cet accès aux communications électroniques sans discrimination. Rien ne doit venir empêcher l’accès à l’internet, surtout lors les campagnes électorales.

L’internet fait partie de notre vie quotidienne. Les pouvoirs publics doivent le règlementer. La sécurité du cyberespace est essentielle. Il faut garantir la protection des données personnelles. Celles-ci doivent rester privées, c’est-à-dire que personne ne peut s’octroyer le droit d’y accéder sans la permission des personnes auxquelles elles appartiennent. Les transactions financières et économiques doivent se faire de manière sécurisée et les services publics être protégés de toute intrusion. Les artistes doivent voir leurs droits d’auteur protégés.

Puisqu’il en va de la communication à l’échelle mondiale, la règlementation à l’échelle nationale n’est plus suffisante. Il faut élaborer des règles au niveau international, et ce au plus tôt. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe peut y contribuer. Au cours des dernières années, nous avons déployé beaucoup d’efforts en ce sens. Ces deux résolutions s’inscrivent dans ce cadre. Les membres de L’Assemblée parlementaire, j’en suis certain, continueront d’avancer sur cette voie.

M. FRANKEN (Pays-Bas), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Tout d’abord, je tiens à exprimer mon appréciation très positive du travail des deux rapporteurs, Mme Pelkonen et M. Fischer. Ces deux rapports traitent de questions importantes avec une très grande pertinence.

Le sujet du rapport de Mme Pelkonen concerne la base même de nos droits fondamentaux : la liberté d’expression, c’est-à-dire la liberté d’exprimer une opinion, la liberté de diffuser de l’information, et la liberté de recevoir et de recueillir de l’information.

Le développement des nouvelles technologies de l’information a apporté deux situations nouvelles : il n’existe plus de différence de temps et d’espace. Il n’existe plus de frontières protégées par différentes juridictions et la diffusion de l’information ne se limite pas à une communication entre deux personnes, elle touche instantanément un grand nombre de personnes dans le monde entier.

De nombreuses activités de nos sociétés se fondent sur ces nouvelles technologies. On parle aujourd’hui de commerce électronique, de travail électronique, de santé électronique, mais aussi de gouvernement électronique.

On ne peut qu’en conclure que l’utilisation des technologies de l’information et de la communication constitue aujourd’hui à l’évidence un droit fondamental. Ce n’est pas tant la technologique elle-même qui est en cause que l’usage qui en fait. L’objectif commun à atteindre est donc d’offrir l’accès pour tous à l’internet – « Access for all » est d’ailleurs le nom de mon fournisseur d’accès, mais je ne voudrais pas faire de publicité !

Pour ce faire, il est important de réunir un certain nombre de conditions sur le plan technique.

Premièrement, il est nécessaire d’avoir une infrastructure suffisante pour fournir les services de communication.

Deuxièmement, il faut parvenir à une standardisation des moyens pour assurer l’interopérabilité des connexions techniques et la gouvernance d’internet. À cet égard, j’en appelle aux gouvernements afin d’assurer une neutralité stricte et de prévenir la discrimination dans le traitement des usagers.

Troisièmement, il faut des logiciels fiables, à l’architecture ouverte. De ce point de vue, il faut être bien conscient du pouvoir des concepteurs et des producteurs de ces logiciels. Comme l’écrivait Lawrence Lessig il y a quelques années, « le code fait la loi ». Cela signifie que les concepteurs des logiciels prescrivent notre comportement, ce que nous pouvons faire ou ne pas faire avec ces moyens de communication. Il existe également le danger du fossé numérique : le coût peut devenir un obstacle à l’accès. J’en appelle là à un partenariat public-privé pour permettre un accès concrètement ouvert à tous.

Il faut aussi avoir conscience que les conditions juridiques pour une bonne communication fiable sur internet doivent toujours être conformes à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Dans le rapport de M. Fischer, toute une série de sujets différents sont abordés, avec des recommandations intéressantes aux gouvernements, aux fournisseurs et aux usagers.

Les gouvernements doivent toujours respecter les règles édictées par la Cour européenne des droits de l’homme et prendre des mesures adaptées pour protéger les enfants et les personnes ayant des besoins spécifiques. Je tiens également à souligner la nécessité d’user de techniques d’encryptage sécurisé. Il convient d’informer les usagers de leurs droits et qu’ils soient conscients des risques liés à l’usage de ces technologies, car la prévention vaut toujours mieux que le remède.

M. SHLEGEL (Fédération de Russie), porte-parole du Groupe démocrate européen* – Permettez-moi tout d’abord de remercier les rapporteurs pour leur travail. Ce sont de très bons rapports qu’ils nous présentent et, malheureusement, nous disposons de peu de temps pour en parler.

Le rapport de M. Fischer, intitulé « Améliorer la protection et la sécurité des utilisateurs dans le cyberespace », arrive à point nommé, alors que nous constatons qu’il existe de nombreuses violations des droits humains sur l’internet. Les autorités des différents pays sont elles-mêmes parfois menacées et il est difficile de mettre en place des systèmes pour lutter contre les différentes menaces. La protection des usagers n’est pas une tâche qui revient seulement aux autorités publiques, elle relève aussi des fournisseurs et de tous ceux qui assurent l’accès à internet.

Mais les Etats doivent coopérer et conduire ensemble ce travail. Il faut parvenir à trouver des mesures à appliquer en cas de violation et assurer la sécurité face à certaines pratiques inacceptables. Il faut notamment assurer l’indépendance des systèmes internet ainsi que pour tout ce qui concerne l’attribution des noms de domaine. Certaines de ces fonctions reviennent à l’ICANN et à l’IANA, mais tout cela reste entre les mains des Etats-Unis.

On constate des violations fragrantes des droits des usagers d’internet, qui ont un impact direct sur leur quotidien. Il s’agit de violations de leur vie privée et de leur correspondance et je pense que des millions d’usagers d’internet en sont victimes. Cela est totalement contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour de Strasbourg a déjà rendu des arrêts sur la question, car ces violations ne doivent pas saper la démocratie et le droit à une vie privée est un des droits fondamentaux de l’individu.

La responsabilité de ces violations est à rechercher du côté des Etats-Unis parce que c’est le système mis en place qui permet la violation des droits fondamentaux de millions d’individus. Nous devrions réfléchir au système pour étudier comment nous pouvons lutter contre ces violations des droits de l’homme. C’est ensemble que les membres fondateurs du Conseil de l’Europe y parviendront. Il faut absolument lutter contre l’idée que certains sont plus égaux que d’autres ! Nous sommes tous égaux et devons lutter contre les violations que nous constatons aujourd’hui. Le Conseil de l’Europe doit agir, déterminer les responsabilités et lutter contre l’impunité afin d’éviter que ces violations flagrantes des droits humains ne se répètent à l’avenir.

M. GARÐARSSON (Islande), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Au nom de mon groupe, j’aimerais tout d’abord remercier les rapporteurs, M. Fischer et Mme Pelkonen, pour ces excellents rapports sur des sujets importants.

Dès lors qu’il s’agit de la protection de la vie privée sur internet, nous devons bien comprendre que nous avons perdu presque tout contrôle. Les technologies, qui se développent rapidement, ont fourni aux sociétés commerciales, aux autorités publiques et aux personnes privées la possibilité de traquer chacun de nos faits et gestes : on peut connaître nos centres d’intérêt, nos comportements, savoir où nous sommes, écouter nos conversations et lire nos mails.

Or si le monde a changé, nous avons droit à une vie privée. Pour ma part, j’aimerais pouvoir exercer quelque contrôle sur les informations qui circulent à mon propos sur internet, mais je veux aussi que ma liberté d’expression soit respectée. Les deux sont importants, il faut bien le comprendre. Internet nous offre de nombreuses possibilités mais la protection de l’utilisateur, la sécurité dans le cyberespace se détériorent rapidement, ce qui nous préoccupe.

Hier, la Cour de justice de l’Union européenne a invalidé les dispositions communautaires en vigueur depuis 2006 à propos du stockage de données. Celles-ci exigeaient que les sociétés de télécommunications conservent les données pendant deux ans. Dans son arrêt, la Cour estime que ces dispositions comportent un certain nombre d’atteintes graves au droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles, les ingérences prévues n’étant pas limitées à ce qui est rigoureusement nécessaire.

Les organisations internationales ont essayé d’aborder la question, et différentes conventions internationales ont été conclues, mais ces efforts sont restés jusqu’à présent insuffisants. Que peut faire l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pour obtenir des avancées dans la bonne direction, pour parvenir à un environnement plus sûr pour l’utilisateur ? Le projet de résolution relatif à la sécurité dans le cyberespace vise notamment à demander une initiative mondiale, fondée sur différents principes qu’il convient de garder à l’esprit. Si ces principes étaient appliqués, je pense que cela ferait une différence. Ce problème est universel, et il ne pourra être résolu qu’au moyen de règles internationales que les gouvernements et parlements accepteraient tous.

M. JÓNASSON (Islande), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* –  La discussion de ces documents relatifs à la protection des utilisateurs de l’internet et sur le droit à l’accès à internet est bienvenue.

Je crois que c’est au milieu des années 1990 qu’une étude avait été faite dans l’un des pays nordiques. Des directeurs de sociétés commerciales devaient dire quels critères présidaient, pour eux, au choix d’un lieu où établir leur entreprise. Ils répondaient en évoquant un accès facile des employés au site, la proximité d’écoles pour les enfants, la proximité de lieux où recevoir des soins de santé. Si une telle étude était menée aujourd’hui, en 2014, je suis persuadé que l’accès à internet figurerait parmi les critères principaux.

Internet est fondamental pour les entreprises, bien entendu, mais aussi pour chaque citoyen. On peut même dire que tant qu’on n’a pas d’accès à internet, on ne fait pas vraiment partie de la société civile. Le projet de résolution le précise : l’accès à internet doit être défini comme un objectif public et un droit social.

Le document relatif à la protection des utilisateurs est excellent. Il indique que les citoyens doivent individuellement être protégés en ligne, et ce autant que hors ligne. Voilà qui renvoie, bien entendu, aux révélations faites par Edward Snowden.

Par ailleurs, j’y insiste, il est nécessaire de protéger les enfants, les mineurs, de la violence, de la pornographie. Certes, il n’est pas facile de trouver des solutions, mais nous devons prendre cette question très au sérieux. Je suis d’accord avec le porte-parole du Groupe socialiste qui déclarait que la réglementation nationale ne suffit plus : il faut des normes internationales. Le document dont nous débattons fait justement référence aux Nations Unies et au Conseil de l’Europe, et je me félicite de la façon dont celui-ci gère ces questions. J’ai été ravi des critiques formulées par la Présidente de l’Assemblée parlementaire, Anne Brasseur, à l’encontre du gouvernement turc qui avait interdit l’accès à internet avant les élections municipales. Elle a souligné que cela violait la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Je suis ravi aussi que nous ayons pu converser avec Edward Snowden, et j’ai dit aux rapporteurs que leurs documents prouvaient que le Conseil de l’Europe accomplissait en la matière un excellent travail.

LE PRÉSIDENT – M. Recordon, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme KARAPETYAN (Arménie)* – Permettez-moi tout d’abord, Monsieur le Président, mes chers collègues, de féliciter les rapporteurs et de leur exprimer ma reconnaissance pour ce travail très fructueux. Comme indiqué dans le projet de résolution, internet doit être accessible à tous, indépendamment de l’âge, du lieu de résidence, du niveau de revenu. Des efforts importants doivent être consentis aux niveaux local, régional, national et européen pour permettre cet accès de tous.

En Arménie, la situation s’est beaucoup améliorée ces dernières années : les coûts sont en baisse et la couverture par le réseau s’est développée. Pendant cette dernière année, l’Arménie a pris des mesures radicales pour libéraliser le secteur des technologies de l’information et de la communication. Elle a ainsi mis en place un nouveau cadre réglementaire qui a mis un terme au monopole qui prévalait. Aujourd’hui, le secteur des communications est libéralisé ; c’est très important pour nous.

En soulignant l’importance du droit d’accéder à internet, qui englobe les droits d’avoir accès à des informations et à des idées, d’en recevoir et d’en diffuser sans ingérence d’une autorité publique, nous voudrions exprimer la vive préoccupation que nous inspire la situation en Turquie. Le blocage de Twitter constituait une atteinte sans précédent à la liberté d’expression, notamment sur internet, d’autant qu’il est intervenu une semaine avant de cruciales élections municipales. Ensuite, la Turquie a empêché ses citoyens d’accéder à YouTube et à Google. Ces mesures, adoptées au titre d’une loi très restrictive, montrent jusqu’où le gouvernement turc est prêt à aller pour faire taire les critiques. Ne nous étonnons donc pas des résultats du scrutin : alors que des manifestations durent depuis plus d’un an, le parti au pouvoir a réussi à remporter les élections !

Certains responsables américains et européens ont condamné le blocus des médias sociaux en Turquie, mais nous pensons que la communauté internationale, y compris l’Assemblée parlementaire et les pays membres, doivent prendre fermement position en adoptant des résolutions et des déclarations spéciales pour éviter que de telles situations ne se reproduisent à l’avenir dans d’autres Etats.

Je terminerai en vous donnant lecture du paragraphe 2 du projet de résolution : « Internet a révolutionné la manière dont les citoyens interagissent et exercent leur liberté d’expression et d’information ainsi que les droits fondamentaux connexes. L’accès à internet a facilité ainsi la réalisation des droits culturels, civils et politiques. Par conséquent, l’Assemblée souligne l’importance de l’accès à internet dans une société démocratique selon l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. »

M. LE DÉAUT (France) – Je veux à mon tour féliciter Mme Pelkonen et M. Fischer pour la qualité de leurs rapports.

Les utilisateurs du web sont aujourd’hui très préoccupés par des intrusions dans leur vie privée et par l’espionnage organisé auquel se livrent certains Etats dits « démocratiques ». Les utilisateurs, certes, donnent parfois volontairement des informations à leurs proches, mais elles se retrouvent archivées, compilées pour être ensuite utilisées. Des témoins de connections, les cookies, permettent de conserver des informations sur un utilisateur pour un service donné. Il est possible de retrouver l’historique de mes démarches et de mes recherches récentes, de m’écouter, de m’espionner.

Il est aujourd’hui possible d’aller encore plus loin en identifiant de plus en plus précisément les utilisateurs. Si je réalise une requête de comparateurs de prix, je serai harcelé par les sites qui vendent des publicités sur l’objet que j’ai, un jour, recherché. Je suis président d’un centre culturel d’art de rencontre, l’Abbaye des Prémontrés, à Pont-à-Mousson. J’ai visité le site de réservation. Depuis, on m’invite à réserver les chambres de l’Abbaye des Prémontrés alors que j’habite à quelques kilomètres !

Le rapport doit aller plus loin et répondre à la question suivante : si je me rends sur un site, pourquoi un autre site en serait-il averti sans mon autorisation ?

Ce texte représente une avancée majeure, mais, s’agissant de sujets internationaux, il convient de les traiter au plan international et d’améliorer les conditions de traitement juridique et fiscal au niveau international en cas de litiges. À mon sens, le pays du consommateur final doit régler ce litige. Et s’il y a un litige avec le consommateur, celui-ci doit pouvoir choisir le régime le plus favorable entre le pays d’origine et le pays de service.

Le vol d’identité en ligne est un sujet majeur. Un recours à l’identification réelle doit être développé qui permettra d’utiliser tous les moyens d’identification, y compris en se référant à des tiers de confiance. J’ai présenté des amendements en ce sens.

Il convient d’améliorer la gouvernance mondiale de l’internet. J’ai, à ce titre également, déposé des amendements. Il faut obligatoirement, car ce n’est pas le cas de l’ICANN et de l’IANA, définir une charte éthique internationale fondée sur des principes et des objectifs globaux de l’internet. Il convient de transférer les fonctions d’attribution, d’adresses IP et de noms de domaines à un organisme nouveau, bâti en collaboration avec l’ICANN et l’IANA, mais les Etats doivent également être tenus par cette charte s’agissant de l’interception des données électroniques. Il conviendra en outre de prévoir un pouvoir juridique international à l’instar de celui qui s’applique au commerce. Il aurait pour mission de faire respecter cette charte et de sanctionner le non-respect des principes internationaux.

Mme HOVANNISYAN (Arménie) – L’internet occupe une place centrale dans la vie de tout un chacun, c’est un nouveau moyen pour exprimer ses opinions, partager des informations, se former, avoir des contacts sociaux, faire de la publicité, voire mener une campagne politique. Dans le même temps, n’oublions pas ceux qui n’ont pas même un accès minimal à internet, ce qui les prive de toutes les nouvelles opportunités que présente l’internet. C’est injuste. D’où la recommandation à l’ensemble des Etats et des parties prenantes privées d’élargir l’accès d’internet au public, de veiller à ce que chaque région ait un accès minimal et que cet outil soit plus rapide et plus abordable.

Certes, internet soulève des questions en matière de liberté de pensée et d’expression comme du droit à partager ou à recevoir des informations. Dans de mauvaises mains, internet peut devenir une arme. Il est symbolique de voir qu’un Etat membre du Conseil de l'Europe bloque l’accès à internet et à Twitter au nom des intérêts politiques.

Je veux évoquer une réglementation particulière, reprise dans un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme. Il s’agit de l’affaire Delfi AS c.Estonie. Aux termes de cet arrêt, la Cour a estimé que l’agence de presse Delfi était responsable des commentaires diffamatoires postés sur son forum et que le mécanisme de filtrage des commentaires était insuffisant pour éviter des dommages à des parties tierces. La Cour a considéré que l’entreprise requérante était en mesure de prévoir la nature des commentaires d’un article qui allait être publié et que des mesures techniques ou manuelles propres à prévenir des déclarations diffamatoires auraient dû être prises afin que ces commentaires ne soient pas rendus publics.

Au surplus, la Cour a noté que la propagation d’internet et la possibilité que l’information, une fois rendue publique, demeure publique à tout jamais appelaient à la prudence.

C’est une affaire importante qui interroge sur la protection des individus. Elle place la responsabilité notamment sur les fournisseurs des médias. L’arrêt permet de se protéger dans sa vie virtuelle, mais limite la liberté d’expression et place le fardeau de la responsabilité sur les fournisseurs d’accès. De telles limites ne sont pas, selon moi, nécessaires dans une société démocratique. Mais le fait est que nous devons élaborer des normes juridiques spécifiques en matière de responsabilité et rendre claires et sans ambiguïté les règles applicables.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Le sujet couvert par les rapports est extrêmement important, puisque nous vivons dans une civilisation de la technologie. Tout ce que nous faisons aujourd’hui est lié à une technologie et il est bien difficile d’imaginer un xxie siècle sans internet, internet jouant un rôle central pour les individus, les groupes et les Etats dans une société moderne. On peut affirmer qu’internet représente une partie centrale de nos vies. Il est un des outils les puissants au monde, car obtenir de l’information est sans doute le plus grand avantage qu’offre internet.

Je partage l’ensemble du projet de résolution, l’idée centrale étant qu’internet doit être disponible pour tous et que des efforts supplémentaires sont à fournir aux plans local, régional, national et européen pour permettre l’accès à tous. C’est une condition préalable essentielle à l’exercice des droits de la Convention européenne des droits de l’homme. Les Etats membres doivent continuer à prendre des mesures pour assurer cet accès.

À cet égard, je suis fière de pouvoir dire que mon pays a pris des mesures. Des actions sont menées pour fournir au plus grand nombre un accès à internet, y compris dans les villages de montagne reculés. C’est ainsi que l’accès à internet et son utilisation progressent et que le nombre des usagers dépasse les 65 %. L’Azerbaïdjan est l’un des premiers Etats de l’ère post-soviétique à utiliser la 3G et la 4G.

L’internet mobile est aussi beaucoup utilisé par la population. En Azerbaïdjan, 2013 a été déclaré l’année des technologies de l’information et de la communication.

La démocratie électronique a également été mise en place en Azerbaïdjan, et le président Aliyev a directement soutenu ce programme. La création du gouvernement électronique a permis beaucoup de progrès. Nombre de démarches sont désormais possibles via internet et les autorités peuvent ainsi communiquer avec les citoyens et répondre à leurs questions. De nombreuses autres actions démontrent le soutien qu’apporte l’Etat au progrès d’internet.

LE PRÉSIDENT – M. Stroe, inscrit dans le débat, n'est pas présent dans l'hémicycle.

Mme FABER-VAN DE KLASHORST (Pays-Bas)* – La Commission européenne souhaite élaborer une stratégie afin que l’activité de l’Union européenne soit visible en ligne, mais de la façon la plus sûre et en garantissant les droits humains.

L’affaire Snowden concernant la surveillance des citoyens a fait très peur. Les Etats membres poussent des cris d’orfraie, feignant d’ignorer ce qu’il se passait, alors que ce n’était un secret pour personne.

L’Union européenne, prenant prétexte de l’affaire Snowden, souhaite imposer sa volonté aux usagers d’internet. Pour empêcher les Etats-Unis d’espionner tout le monde, elle propose de passer en revue l’ensemble des réseaux, ce qui permettrait d’aboutir à un contrôle total de la population européenne.

Les gouvernements sont de plus en plus conscients qu’ils n’ont aucune prise sur internet. Seule l’ICANN, organisation à but non lucratif et basée en Californie, a prise sur internet. La Commission européenne n’apprécie guère cela car son objectif est de contrôler internet. Elle souhaite endosser toute la responsabilité en matière de politique, le secteur privé, la société civile, étant alors réduits à un rôle inférieur de mise en œuvre.

Le danger est présent sur internet, il faut en prendre conscience. Au même titre que les parents doivent apprendre à leurs enfants à se comporter dans la rue, ils doivent leur apprendre à réagir face au danger que représente le cyberespace. Il n’existe pas de société sans risques, mais il faut apprendre à les gérer et à les limiter le plus possible sans perdre la neutralité du Net.

Si un lien est établi entre internet et les droits humains, le risque est grand que ceux-ci soient mal utilisés, notamment pour réduire la liberté d’opinion. L’internet ne devrait jamais devenir en tant que tel un droit humain, il s’agit d’un instrument permettant aux usagers d’exercer leurs droits humains.

La législation actuelle interdit toute activité criminelle, y compris les cybercrimes. La gouvernance d’internet devrait incomber à toutes les parties prenantes et pas uniquement à la Commission européenne et aux Nations Unies.

M. TRIANTAFYLLOS (Grèce)* – Je voudrais tout d’abord féliciter les deux rapporteurs ainsi que les rédacteurs des avis.

Nous sommes tous d’accord pour dire qu’internet est une révolution, nous ne vivons pas comme il y a vingt ans. La communication libre, l’information pluraliste, la possibilité donnée à chaque utilisateur d’avoir son propre blog, son profil ou son compte sur Twitter, offrent des possibilités infinies de communication et d’information. L’éducation électronique offre également des champs illimités d’acquisition de connaissance et d’information. Les possibilités sont grandes pour les citoyens qui ont accès à la Toile.

La transparence, la mobilisation, la participation des citoyens ont conduit à la démocratisation de la procédure de prise de décision. Mais la situation est-elle si positive ? Certes aujourd’hui notre démocratie peut mesurer en 2G, 3G ou 4G la participation des utilisateurs de chaque pays, mais pendant que des citoyens accèdent à internet, d’autres les surveillent. Pour l’achat d’un livre, par exemple, des données sont enregistrées. Dès lors, faut-il choisir en liberté ou en sécurité ? Il n’y a pas de liberté sans sécurité, mais il n’y a pas non plus de sécurité sans liberté.

Pendant que nous légiférons dans nos parlements, d’autres au niveau mondial agissent. Si tous les citoyens n’ont pas accès à internet, cela veut dire que la démocratie a échoué.

Il est, aujourd’hui plus nécessaire que jamais de prévoir des clauses de sauvegarde au niveau international.

Pour passer de Gutenberg à Zuckerberg, il a fallu beaucoup de temps, d’imagination mais également une autre culture politique.

M. JENSSEN (Norvège)* – L’internet est devenu partie intégrante de nos vies quotidiennes. Les enfants qui grandissent sans smartphone ou sans tablette sont très rares aujourd’hui. Internet a radicalement modifié le fonctionnement de nos sociétés.

Internet est un facteur de progrès et de bien-être économique, de transparence dans la société. C’est aussi un moyen de renforcer et de garantir les droits de l’homme. Internet a également changé la donne en matière de liberté d’expression. Cependant, tous les bienfaits de la communication moderne ne doivent pas nous faire oublier les menaces réelles qu’elle fait peser sur les individus et les sociétés.

Certains régimes considèrent internet comme une arme dirigée contre eux et ferment son accès. Des gouvernements espionnent les individus dans leur vie privée, ce qui entre en contradiction directe avec les droits fondamentaux. Cela est inacceptable, les individus doivent être protégés, y compris en ligne.

Les deux rapports aujourd’hui présentés sont donc importants et pertinents, mais ces questions ne sont pas nouvelles pour notre Assemblée. Nous devons respecter l’engagement pris de longue date par le Conseil de l'Europe et par son Secrétaire Général, M. Jagland, d’établir des priorités. La position de M. Jagland lui a permis d’adhérer à l’initiative de haut niveau de l’ICANN sur l’avenir de la coopération mondiale en matière d’internet.

Enfin, je dirai quelques mots sur deux amendements qui pourraient affaiblir le message fort et clair du projet de résolution. L’amendement 4 au projet de résolution relatif à l’amélioration de la protection et de la sécurité des utilisateurs dans le cyberespace vise à compléter les conventions sur la cybercriminalité et la protection des individus par une notion beaucoup plus vague concernant des dispositions figurant dans les traités régionaux pertinents. Il est difficile d’accepter cet affaiblissement du projet de résolution, qui affaiblirait par là même le niveau de sécurité. Je ne pourrai donc pas soutenir cet amendement.

En outre, je m’interroge sur l’amendement 6 au projet de résolution sur le droit d’accès à internet, qui introduit la possibilité de « restreindre la diffusion de logiciels susceptibles de nuire aux droits de l’homme ou à la sécurité nationale ». S’il permet à un gouvernement de faire prévaloir toute définition de la sécurité nationale sur les droits de l’homme, je ne puis l’approuver.

Permettez-moi enfin de féliciter les deux rapporteurs, auxquels je souhaite tout le succès possible dans le suivi de leur important travail.

Mme BİLGEHAN (Turquie) – Savez-vous que même le pape François aurait qualifié internet de « cadeau de Dieu donné à l’humanité » ?

Internet est devenu un élément central de la vie quotidienne de 2,5 milliards d’utilisateurs dans le monde. L’opinion qui prévaut aujourd’hui est que l’accès à internet devrait être reconnu comme un droit fondamental. Notre présidente Anne Brasseur a même comparé cette socialisation et cette démocratisation du savoir à l’invention de l’imprimerie.

La Toile est un outil majeur pour tout le monde. Elle offre un immense espace de communication, un lieu de rencontre, d’échanges d’idées, de mobilisation. Par exemple, dès la levée de l’interdiction de Twitter en Turquie, un appel a été lancé parmi les internautes pour chercher un petit garçon de 3 ans et demi égaré qui avait disparu de sa maison située dans la banlieue d’Istanbul. Internet est donc utilisé à des fins bénéfiques.

L’efficacité d’internet a été maintes fois prouvée lors de grands événements politiques : le mouvement des Indignés en Espagne, Occupy Wall Street aux Etats-Unis, le « printemps arabe », les manifestations du parc Gezi en Turquie. Grâce à internet, des millions de gens normalement silencieux, voire apolitiques, se sont réunis à propos de questions spécifiques qui les touchent directement.

Nous savons aussi que l’effet des médias sociaux est plus important sur les jeunes. Ces derniers suivent l’actualité sur leur portable et, non seulement ils sont immédiatement au courant de n’importe quelle nouvelle, mais ils ont la possibilité de commenter et de critiquer les événements. Ils ne sont plus des lecteurs passifs ; grâce à internet, ils sont devenus des écrivains actifs – fût-ce en 140 caractères !

Internet compte surtout là où la démocratie est en danger, où les médias traditionnels ne jouent plus leur rôle de quatrième pouvoir. Sous l’emprise du parti au gouvernement, internet peut devenir, sous différents prétextes, un lieu de censure.

Comment ne pas soutenir les deux rapports ?

Une question cruciale est posée : comment trouver un modèle de gouvernance d’internet qui préserve la liberté et la sécurité en ligne tout en respectant les droits humains, en particulier la liberté d’expression telle qu’elle est définie par l’article 10 de la Convention ? Car il faut aussi voir le revers de la médaille : comment protéger l’utilisateur individuel des activités criminelles perpétrées en ligne ? Je me réjouis donc qu’un forum sur la gouvernance d’internet se réunisse bientôt à Istanbul : c’est vraiment l’endroit idéal !

LE PRÉSIDENT – Mme Quintanilla, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

Mme FATALIYEVA (Azerbaïdjan)* – Je félicite les rapporteurs pour leur excellent travail sur un sujet qui intéresse l’ensemble du monde.

L’internet ne cesse de se développer. Il est utile à la communication, à la diffusion d’informations, à l’emploi, à l’éducation, aux services publics – la liste est interminable. Lorsque les gens ne sont pas connectés, il leur manque quelque chose. Est-ce suffisant pour considérer qu’il s’agit là d’une violation de leurs droits ? À quel point faut-il que l’internet soit impliqué dans notre vie pour que nous le considérions comme une nécessité plutôt que comme un inconvénient ? Qu’entend-on par « droit » ?

Parmi les droits reconnus par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, on trouve le droit à la vie, à la sécurité, le droit d’accéder aux soins, au logement, aux services sociaux, à la justice, le droit à la présomption d’innocence, à la liberté de conscience, de religion, de réunion. Dans ce contexte, la technologie représente un outil extraordinaire. Par exemple, s’il est possible de trouver un logement ou de débattre de divers sujets, en particulier politiques, sans se servir d’internet, la connexion simplifie beaucoup les choses dans ces domaines. Toutefois, il faut aussi des restrictions sur internet, où les injures, la diffamation sont répandues.

Plus on a d’argent, plus on est susceptible d’être connecté à internet. Cela dit, il est démontré qu’internet peut aussi conforter la lutte pour la liberté et les droits de l’homme.

Il faut également parler ici des droits des enfants, pour lesquels nous nous battons au sein du Conseil de l’Europe, car les enfants peuvent être aussi vulnérables en ligne que dans la réalité. Le terme le plus innocent, entré dans un moteur de recherche, peut générer des réactions et des images inappropriées, renvoyer par exemple un enfant qui faisait ses devoirs vers des sites lui expliquant comment confectionner des bombes, cacher son anorexie, fabriquer et consommer de la drogue. Le risque de rencontrer des pédophiles sur des chats est bien connu, mais les enfants continuent de se mettre en danger en donnant leurs coordonnées personnelles. Il nous faut donc accorder une attention particulière à ce problème.

L’accès à internet est assurément l’un des indicateurs de la démocratie et de la liberté d’expression dans notre monde moderne. Internet est utile au quotidien. Plus important encore, partout dans le monde, il devient un véritable forum des droits de l’homme. Cela suffit à faire de l’accès à internet un droit en tant que tel.

Mme GORGHIU (Roumanie)* – J’ai souvent parlé du pouvoir d’internet, capable de nous faire surmonter la crise démocratique qui frappe de plein fouet de nombreux pays. J’approuve le dialogue sur des plateformes en ligne, car je suis convaincue que, si les institutions publiques et privées gèrent bien les choses, il permettra de résoudre certains conflits et de faciliter la prise en considération de problèmes communs au niveau national.

Je tiens à remercier nos collègues de ce débat conjoint. Les deux rapports abordent des questions sensibles liées à cette révolution technologique : les moyens de protéger les utilisateurs, mais aussi le risque d’abus des pouvoirs publics censés surveiller leur comportement. Selon une étude mondiale menée pour le BBC World Service en 2009 et 2010 et citée dans le rapport de Mme Pelkonen, dans les 26 pays ayant participé au sondage, une vaste majorité d’adultes (79 %) ont affirmé que l’accès à internet devait être un droit fondamental. Mais comment parler d’un tel droit alors que de nombreuses données personnelles sont stockées, qu’il y a sur internet beaucoup d’intrusions, de piratages, bref de conséquences négatives qui peuvent poser des problèmes ?

Mais il faut trouver un équilibre. Comment mettre en place un système transparent tout en protégeant les utilisateurs, leur vie privée et en sanctionnant les abus ? Ce n’est pas facile. Pour lutter contre la cybercriminalité, les Etats doivent investir dans la formation pour les services publics et pour leurs agents. On pourrait aussi identifier et sanctionner les criminels. Les cours de justice devraient comporter des départements spécialisés dans la poursuite des auteurs de cybercrimes.

Enfin, M. Fischer a souligné que la législation nationale et internationale n’est pas toujours respectée par les Etats qui appliquent des méthodes douteuses pour les interceptions et les écoutes.

LE PRÉSIDENT – Il nous faut maintenant interrompre l’audition des orateurs. Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent déposer, dans les 24 heures, leur intervention dactylographiée au service de la séance pour publication au compte rendu.

J’appelle la réplique de la commission.

Monsieur Fischer, il vous reste six minutes pour répondre aux intervenants.

M. FISCHER (Allemagne), rapporteur* – Je remercie tous les intervenants. Ce débat montre l’importance de l’internet. L’assemblée parlementaire prend sa mission au sérieux en examinant le sujet sous l’angle des droits de l’homme. Nous voulons que la Convention des droits de l’homme soit respectée dans l’usage d’internet, car il est important de protéger la vie privée.

On a parlé d’espionnage et des conséquences de l’affaire Snowden. Nous préparons un rapport sur ce sujet. Il faudra aussi examiner l’espionnage économique et industriel.

Le débat montre qu’il faut agir à l’échelle internationale et non pas nationale. Il faut une réglementation mondiale, une « éthique internationale » selon l’expression d’un intervenant.

M. Jenssen craint que l’amendement 4 n’affaiblisse le texte. Tel ne sera pas le cas s’il est adopté avec son sous-amendement. C’est la bonne façon de procéder car le projet de recommandation est extrêmement clair.

En conclusion je tiens à remercier tout particulièrement le secrétariat, en particulier M. Dossow, pour son excellente coopération. Je remercie tous les participants. J’espère qu’à l’issue du vote des amendements, vous adopterez ce rapport.

Mme PELKONEN (Finlande), rapporteure* – Permettez-moi à mon tour de remercier tous les orateurs pour ce débat très vivant et constructif. Internet offre des possibilités considérables mais il présente aussi des risques d’atteinte aux droits de l’homme. Le développement de l’accès à internet ne doit pas être perçu comme une menace mais comme une opportunité pour chacun de bénéficier de ces droits, de participer à une société véritablement démocratique, ce qui n’est possible que moyennant un traitement égalitaire de tous les citoyens et une attitude ouverte et transparente des autorités publiques.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias – Ces deux rapports sont une suite positive à celui d’Anne Brasseur au sujet de l’internet qui a été présenté en janvier dernier. La commission étudie un mémorandum sur la gouvernance de l’internet, qui concernera toutes les législations nationales. Internet présente une dimension d’ouverture au monde mais aussi des risques pour les utilisateurs, notamment des risques d’atteinte aux droits de l’homme. Notre commission répondra à toutes les observations faites dans le débat. Je félicite les deux rapporteurs pour leur excellent travail.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est close.

Nous en venons au premier rapport intitulé « Améliorer la protection et la sécurité des utilisateurs dans le cyberespace » (Doc. 13451).

La commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias a présenté un projet de résolution sur lequel 17 amendements et 2 sous-amendements ont été déposés et un projet de recommandation sur lequel 2 amendements et 1 sous--amendement ont été déposés.

S’agissant du projet de résolution, la présidente de la commission de la culture demande l’application de l’article 33-11 du Règlement sur les amendements 1, 7, 10, 13, 8, 15, 9, 16, 17 et 19  qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission. Il en est bien ainsi, Madame la présidente ?

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – Absolument, Monsieur le Président.

M. le PRÉSIDENT – Il n’y a pas d’objection. En conséquence, ces amendements sont déclarés définitivement adoptés.

J’en donne lecture ;

L’amendement 1, déposé par MM. Shlegel, Sidyakin, Romanovich, Sudarenkov, Makhmutov, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 3, à la fin de la dernière phrase, à ajouter les mots suivants : « pour garantir le respect des droits de l'homme universels, ainsi que du droit national et de la souveraineté. »

L’amendement 7, déposé par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 3, à ajouter la phrase suivante : « L’objectif visé doit être un cadre juridique internationalement admis, assorti de mécanismes de contrôle adéquats, dont notamment la protection des donneurs d’alerte qui divulguent les violations commises ».

L’amendement 10, déposé par MM. Le Déaut, Rouquet, Mignon, Le Borgn', Mariani, Mmes Bourzai, Blondin, M. Michel, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 5, à ajouter la phrase suivante : « Les associations d'utilisateurs et de citoyens devront être représentés dans cette nouvelle structure. »

L’amendement 13, déposé par MM. Le Déaut, Rouquet, Mignon, Le Borgn', Mariani, Mmes Bourzai, Durrieu, Crozon, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 6.1, après les mots « protégées en ligne », à ajouter la phrase suivante : «; les utilisateurs ont la possibilité permanente de retirer des données, des contenus et des informations »

L’amendement 8, déposé par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 6.1, à insérer le paragraphe suivant : la collecte, la conservation et le traitement des métadonnées (données qui décrivent d’autres données, par exemple les informations relatives à l’expéditeur, au destinataire, à l’horaire, aux mots-clés, aux déplacements et aux contacts) font l’objet, en principe, des mêmes règles que la collecte, la conservation et le traitement de n’importe quelle autre donnée à caractère personnel; »

L’amendement 15, déposé par MM. Le Déaut, Rouquet, Mignon, Le Borgn', Mariani, Mmes Bourzai, Durrieu, Crozon, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 6.2, après les mots « témoins de connexion (« cookies») », à ajouter la phrase suivante : «; la durée de vie de ceux-ci devrait être limitée dans le temps »

L’amendement 9, déposé par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 6.3, après les mots « alors que ceux qui l’enfreignent doivent être identifiables », à insérer les mots suivants : « et les auteurs d’infractions doivent pouvoir être identifiés par les services répressifs, dans le respect des garanties légales exigées par la Convention européenne des droits de l’homme ; »

L’amendement 16, déposé par, MM. Le Déaut, Rouquet, Mignon, Le Borgn', Mariani, Mmes Bourzai, Durrieu, M. Michel, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 6.3, à ajouter la phrase suivante : « pour lutter contre le vol d'identité en ligne, le recours à l'identification réelle doit être prévu soit par signature électronique, soit en utilisant des outils d'authentification, soit par un tiers confiance; »

L’amendement 17, déposé par MM. Le Déaut, Rouquet, Mignon, Le Borgn', Mariani, Mmes Bourzai, Durrieu, M. Michel, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 6.6, à ajouter la phrase suivante : « le système juridique et fiscal applicable à des services en ligne doit être celui du consommateur final et les droits du consommateur qui s'appliquent doivent être ceux les plus favorables entre le pays d'origine et le pays de service; »

L’amendement 19, déposé par MM. Le Déaut, Rouquet, Mignon, Le Borgn', Mariani, Mmes Bourzai, Blondin, M. Michel, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 6.12, à insérer le paragraphe suivant : « Les gouvernements et les fournisseurs d'accès engageront un plan ambitieux d'éducation des utilisateurs aux opérations de sécurisation. »

Nous en arrivons aux autres amendements.

Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

L’amendement 11, déposé par MM. Le Déaut, Rouquet, Mignon, Le Borgn', Mariani, Mmes Bourzai, Blondin, M. Michel, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 5, à ajouter les phrases suivantes : « La gouvernance mondiale de l'Internet sera améliorée. Une charte internationale sur les principes et objectifs globaux de l'Internet sera élaborée. Elle garantira notamment le respect des données personnelles, y compris biologiques, et le respect de droits de l'homme. »

M. LE DÉAUT (France) – J’ai défendu cet amendement dans mon intervention.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – Avis favorable.

L’amendement 11 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 12, déposé par MM. Le Déaut, Rouquet, Mignon, Le Borgn', Mariani, Mmes Bourzai, Blondin, M. Michel, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 5, à ajouter les phrases suivantes : « Les fonctions d'attribution des noms de domaines et des adresses électroniques seront transférées à un organisme, nouveau ou évoluant à partir des structures existantes, qui respectera la future charte internationale de l'internet. Un observatoire mondial aura pour mission d'analyser le fonctionnement, d'émettre des recommandations, de recommander des standards et des labels et permettre aux utilisateurs de maitriser et décider la localisation de leurs données, de prévoir des sanctions en cas de non-respect de la charte qui pourront être prises par un pouvoir juridique créé au niveau international. »

M. LE DÉAUT (France) – C’est la suite de l’amendement précédent. L’ICANN dépendant globalement des Etats Unis, nous demandons la création d’un organisme indépendant afin de procéder à toutes les vérifications nécessaires. Cela permettrait de mettre en place un pouvoir juridique au niveau international.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – Avis défavorable.

L'amendement 12 n'est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 2, déposé par MM. Shlegel, Sidyakin, Romanovich, Sudarenkov, Makhmutov, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 5, à ajouter la phrase suivante : « Ce processus devrait être soutenu par la Conseil de l'Europe au niveau de l’Union européenne et des Nations Unies pour garantir l’indépendance de l’infrastructure cruciale d’internet à l’égard des gouvernements. »

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – Cet amendement tend à améliorer le texte.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – Avis favorable.

L'amendement 2 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 3, déposé par MM. Shlegel, Sidyakin, Romanovich, Sudarenkov, Makhmutov, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 6.2, à ajouter la phrase suivante : « il est nécessaire de donner aux utilisateurs d’internet des informations transparentes et accessibles sur les mesures de sécurité et les mécanismes appliqués ; ».

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – Nous ne savons pas quelles mesures sont prises pour protéger les utilisateurs. Il est important de les faire connaître et de favoriser ainsi leur application.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – Avis favorable.

L'amendement 3 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 14, déposé par MM. Le Déaut, Rouquet, Mignon, Le Borgn', Mariani, Mmes Bourzai, Durrieu, Crozon, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 6.2, à ajouter la phrase suivante : « les fournisseurs d'accès à Internet ne peuvent fournir les identifiants des utilisateurs («user-ID») qu'avec l'autorisation authentifiée des intéressés;»

M. LE DÉAUT (France) – Nous sommes traqués par la publicité sur internet parce que les fournisseurs d’accès vendent nos coordonnées. Cet amendement demande que les identifiants des utilisateurs ne soient transmis qu’avec l’autorisation des intéressés.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – Avis défavorable.

L'amendement 14 n'est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 18, déposé par MM. Le Déaut, Rouquet, Mignon, Le Borgn', Mariani, Mme Bourzai, tend dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 6.11, à remplacer les mots « et des médiateurs internes » par la phrase suivante : « ; un médiateur du citoyen « (ombudsman) » facilement joignable, ayant obligation de réponse devrait être nommé par chaque fournisseur d'accès à Internet.»

M. LE DÉAUT (France) – Cet amendement propose de nommer un médiateur du citoyen ayant obligation de réponse en cas de litige entre un utilisateur et un fournisseur d’accès à internet.

LE PRÉSIDENT – Le sous-amendement 1 à l'amendement 18, déposé par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, tend à la fin de l’amendement 18, à ajouter les mots suivants : « ou leur association nationale ».

M. FISCHER (Allemagne), rapporteur* – Nous souhaitons compléter l’amendement en insistant sur la dimension nationale.

M. LE DÉAUT (France) – Avis favorable.

Le sous-amendement est adopté.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – La commission est favorable à l’amendement ainsi modifié.

L'amendement 18, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 4, déposé par MM. Shlegel, Sidyakin, Romanovich, Sudarenkov, Makhmutov, tend, dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 10 par le paragraphe suivant : « L'Assemblée invite l'Union internationale des télécommunications à élaborer des normes techniques mondiales sur l'intégrité, la sécurité et la confidentialité des communications en ligne et mobiles, fondées sur l'article 17 du Pacte international des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques et pouvant prendre en compte les dispositions des traités régionaux pertinents. »

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – Cet amendement permet de prendre en compte les dispositions des traités régionaux pertinents.

LE PRÉSIDENT – Le sous-amendement 1 à l'amendement 4, déposé par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, tend, dans l'amendement 4, à remplacer « pouvant prendre » par « prenant ».

M. FISCHER (Allemagne), rapporteur* – La convention du Conseil de l’Europe nous engage. Tout cela est inscrit clairement dans le projet de recommandation.

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – Avis favorable.

Le sous-amendement est adopté.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – La commission est favorable à l’amendement ainsi modifié.

L’amendement 4, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le document 13451, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (120 voix pour, 6 voix contre et 0 abstention).

LE PRÉSIDENT – Nous en venons au projet de recommandation.

Les amendements seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention sur chaque amendement est toujours limité à 30 secondes.

L’amendement 5, déposé par MM. Shlegel, Sidyakin, Romanovich, Sudarenkov, Makhmutov, tend, dans le projet de recommandation, à remplacer le paragraphe 2.4 par le paragraphe suivant : « d’assister les Etats membres, s’ils le demandent, dans la mise en œuvre de la Convention sur la cybercriminalité et de la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (STE no 108) ; »

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – Il s’agit de remplacer le paragraphe 2.4 par un paragraphe précisant qu’il faut absolument assister les Etats membres du Conseil de l’Europe, s’ils le demandent, dans la mise en œuvre de la Convention sur la cybercriminalité et de la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel. En effet, il me semble utile de préciser que cette aide est fournie seulement si elle est demandée.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – La commission est favorable à cet amendement.

L’amendement 5 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 6, déposé par MM. Shlegel, Sidyakin, Romanovich, Sudarenkov, Makhmutov, tend, dans le projet de recommandation, après le paragraphe 2.8, à insérer le paragraphe suivant : « d’identifier, sur la base des éléments divulgués par Edward Snowden concernant les violations massives du droit à la vie privée, consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, les auteurs de ces violations, et de déterminer leur responsabilité en la matière. »

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement 1.

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – Comme je l’ai déjà dit, nous sommes confrontés à des violations des droits de l’homme d’une ampleur considérable. Selon moi, il faut donc demander au Comité des Ministres de lancer une enquête afin de comprendre comment de telles choses ont été possibles et d’établir concrètement les responsabilités ; il faut savoir quels sont les coupables.

LE PRÉSIDENT – Le sous-amendement 1 à l’amendement 6, déposé par la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, tend, dans l’amendement 6, à remplacer les mots « d’identifier » par les mots suivants : « d’établir » et à remplacer les mots « les auteurs de ces violations, et de déterminer leur responsabilité en la matière » par les mots suivants : « un plan d’action visant à prévenir ces violations ».

M. FISCHER (Allemagne), rapporteur* – Nous avons déjà eu l’occasion de débattre de ce sujet en commission.

Nous comprenons bien ce que veut dire M. Shlegel, mais nous ne pouvons pas formuler ainsi cette recommandation. En effet, celle-ci est destinée au Comité des Ministres, lequel ne peut agir comme bon lui semble. Nous présentons donc ce sous-amendement qui vise à demander un plan d’action destiné à prévenir des violations de ce type. Si j’ai bien compris, M. Shlegel est d’accord avec ce sous-amendement qui satisfait en partie sa propre demande.

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – Ce sous-amendement ne répond pas exactement à mon souhait, car il s’agit seulement d’établir un plan d’action destiné à prévenir des violations. Identifier les auteurs de ces violations, c’est une tout autre chose. Cela dit, ce sous-amendement constitue un bon compromis. Je l’accepte donc.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – La commission est favorable à ce sous-amendement.

Le sous-amendement 1 est adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous en revenons à l’amendement, ainsi sous-amendé.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – La commission est favorable à cet amendement.

L’amendement 6, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le document 13451, tel qu’il a été amendé.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation, amendé, est adopté (121 voix pour, 4 voix contre et 0 abstention).

LE PRÉSIDENT – Nous en venons au second rapport sur « Le droit d’accès à internet » (Doc. 13434).

La commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias a présenté un projet de résolution sur lequel 7 amendements et 1 sous-amendement ont été déposés.

La présidente de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias demande l’application de l’article 33-11 du Règlement sur les amendements 1 et 2 qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission.

En est-il bien ainsi, Madame la présidente ?

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – Je vous le confirme, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT – Il n’y a pas d’objection. En conséquence, ces amendements sont déclarés définitivement adoptés.

J’en donne lecture :

L’amendement 1, déposé par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 5.2, à ajouter la phrase suivante : « Compte tenu de l’importance d’internet pour les sociétés démocratiques, toute restriction de ce type devrait faire l’objet d’une définition claire et étroite ; »

L’amendement 2, déposé par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, tend, dans le projet de résolution, après le paragraphe 5.2, à insérer le paragraphe suivant : « comme la crainte d’une surveillance peut engendrer l’autocensure, toute mesure de ce type devrait respecter les limites fixées par les articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ; »

Nous en arrivons à la discussion des autres amendements, qui seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

L’amendement 4, déposé par MM. Shlegel, Sidyakin, Romanovich, Sudarenkov, Makhmutov, tend, dans le projet de résolution, paragraphe 5, après la première phrase, à ajouter la phrase suivante : « Considérant que l’exercice de la liberté d’expression s’accompagne d’obligations et de responsabilités spéciales conformément à l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques elle peut être assortie de certaines restrictions, mais ces restrictions doivent uniquement être prévues par la loi et nécessaires au respect des droits ou de la réputation d’autrui, et pour la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public, de la santé publique ou de la moralité ».

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – Je n’ai pas encore eu la possibilité de dire à Mme Pelkonen qu’elle a rédigé un rapport approfondi qui tombe à point nommé.

Il s’agit, à travers cet amendement, de veiller à ce que le mécanisme suggéré soit mis en place conformément à législation en vigueur dans les différents Etats. En Russie, par exemple, nous avons une loi spéciale en la matière. Il me semble important que la précision figure dans le projet de résolution.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – La commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement 4 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention sur les amendements est limité à trente secondes.

L’amendement 5, déposé par MM. Shlegel, Sidyakin, Romanovich, Sudarenkov, Makhmutov, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 5.6, à ajouter les mots suivants : « dans le respect des lois nationales ».

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – Nous sommes d’accord avec le fait qu’il faut assurer la neutralité du Net, mais cela doit se faire conformément aux lois nationales.

LE PRÉSIDENT – Le sous-amendement 1 à l’amendement 5, déposé par la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, tend, dans l’amendement 5, à remplacer les mots « dans le respect des » par les mots suivants : « en vertu des ».

Mme PELKONEN (Finlande), rapporteure* – Ce sous-amendement se justifie par son texte même.

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – Je suis favorable à ce sous-amendement.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – Avis favorable de la commission.

Le sous-amendement 1 est adopté.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – La commission est favorable à l’amendement 5 ainsi modifié.

L'amendement 5, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 3, déposé par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, tend, dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 5.7, à ajouter la phrase suivante : « L’Assemblée ne considère pas que l’imposition de restrictions générales à l’accès des personnes à internet soit une sanction adaptée aux atteintes mineures aux droits de propriété intellectuelle ; »

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), suppléant M. Xuclà, rapporteur pour avis* – Ce texte va de soi. La résolution traite dans ce paragraphe de l’accès à internet. L’amendement indique que des restrictions générales ne doivent pas être imposées lors d’atteintes mineures. Les restrictions doivent être proportionnées.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – La commission est favorable à l’amendement.

L'amendement 3 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 6, déposé par MM. Shlegel, Sidyakin, Romanovich, Sudarenkov, Makhmutov, tend, dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 5.10 par le paragraphe suivant : « les Etats membres devraient promouvoir la recherche technologique sur l’amélioration de l’accès à internet ainsi que l’accès aux logiciels et services de base ; les Etats membres peuvent restreindre la diffusion de logiciels susceptibles de nuire aux droits de l’homme ou à la sécurité nationale ; ».

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – Il s’agit de permettre aux Etats membres de pouvoir restreindre la diffusion de certains logiciels ayant un impact sur le respect des droits de l’homme et sur la sécurité nationale. Il faut, bien évidemment, promouvoir la recherche technologique sur l’amélioration de l’accès à internet ainsi que l’accès aux logiciels et services, mais il faut aussi pouvoir restreindre la diffusion de logiciels qui pourraient être nuisibles.

M. JENSSEN (Norvège)* – Nous comprenons tous que chaque Etat doit avoir la possibilité d’imposer des restrictions sur ce qui peut être distribué ou vendu sur son territoire. Mais je ne suis pas sûr des conséquences dans ce contexte précis, car je me demande si l’introduction, dans la même phrase, d’une solution à mi-parcours entre sécurité et droits humains ne risque pas de porter à interprétation, à savoir que la sécurité nationale aura toujours la primauté sur les droits de l’homme. Je suis donc contre cet amendement.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – La commission a voté en faveur de l’amendement.

L'amendement 6 est adopté.

LE PRÉSIDENT – L’amendement 7, déposé par MM. Shlegel, Sidyakin, Romanovich, Sudarenkov, Makhmutov, tend, dans le projet de résolution, à remplacer le paragraphe 5.11 par le paragraphe suivant : « les Etats membres devraient obliger leurs administrations à permettre le libre accès à leurs informations et services, dans le respect des lois nationales, par le biais d’internet. »

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – Ce n’est qu’une petite modification. Il s’agit de supprimer les mots « l’accès multilingue à internet », parce que c’est automatique : sur internet, on trouve toutes les langues.

Mme GUŢU (République de Moldova), présidente de la commission – La commission a voté contre cet amendement.

L'amendement 7 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT – Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13434, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (125 voix pour, 4 voix contre et 1 abstention).

Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée, prend place au fauteuil présidentiel.

3. Discours de M. Fischer, Président de l’Autriche

LA PRÉSIDENTE – Mesdames, Messieurs, chers collègues, l’ordre du jour appelle maintenant le discours de M. Heinz Fischer, Président de l’Autriche.

(Poursuivant en anglais) Monsieur le Président, je suis extrêmement honorée et heureuse de vous accueillir aujourd’hui dans l’hémicycle de notre Assemblée. Cet hémicycle et cette maison ne vous sont pas inconnus puisque vous avez siégé ici en tant que membre de notre Assemblée de 1987 à 1991. C’est à cette époque que notre Organisation est passée de 21 à 25 Etats membres. Depuis lors, 22 autres pays y ont adhéré. Quelle différence cela fait ! Les chiffres sont très différents aujourd’hui de ce qu’ils étaient. En revanche, nos objectifs restent les mêmes : la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit. J’espère que votre visite d’aujourd’hui vous rappellera de bons souvenirs de notre Assemblée.

Le mois dernier, à l’initiative de la présidente de votre Parlement, Mme Prammer, j’ai eu l’honneur d’être invitée à prononcer le discours d’ouverture d’une conférence intitulée « 1914 – L’effondrement d’un ordre de paix : la paix démocratique est-elle une alternative ? » En choisissant le titre de cette conférence, les organisateurs ne pouvaient pas savoir, malheureusement, à quel point il serait pertinent, étant donné les événements qui se produisent en Ukraine, qui affectent non pas seulement l’Ukraine et la Russie mais l’ensemble de l’Europe et le monde entier.

Monsieur le Président, j’aimerais vous féliciter et féliciter votre pays pour votre délégation ô combien dynamique et engagée, ici, à l’Assemblée parlementaire. Ce sont des collègues autrichiens qui président deux commissions sur les huit que compte notre Assemblée ! Le président actuel du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, M. Herwig van Staa, est lui aussi l’un de vos compatriotes. Ce n’est pas tout : sur treize Secrétaires Généraux du Conseil de l’Europe, trois étaient autrichiens. Votre pays est même parvenu à avoir, en même temps, M. Walter Schwimmer, au poste de Secrétaire Général de l’Organisation et feu M. Peter Schieder à la présidence de cette Assemblée – l’un des plus estimés présidents de notre Assemblée.

(Poursuivant en allemand) Monsieur le Président, vous savez que la culture a une grande importance au sein de l’Europe. L’Autriche est un pays très privilégié en la matière. Votre pays, en particulier votre capitale, regorge de biens culturels. Je suis certaine que cette atmosphère contribuera au succès de la conférence ministérielle qui s’y tiendra au début du mois de mai.

Monsieur le Président, c’est pour nous un grand honneur que de vous souhaiter la bienvenue parmi nous, et j’ai l’honneur de vous donner la parole.

M. FISCHER, Président de l’Autriche* – Madame la Présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, je tiens à vous remercier pour ces paroles de bienvenue, si aimables, et pour toutes ces mots sympathiques que vous avez eus à propos de l’Autriche. Je pourrais vous retourner le compliment, retourner le compliment à votre pays, le Luxembourg, pour ce qui est de son rôle et de son engagement en faveur de l’Europe. C’est vrai, je reviens avec plaisir au Conseil de l’Europe et dans cet hémicycle où je siégeais dans les années 1980. Je venais souvent ici et j’apprécie toujours énormément le Conseil de l’Europe ; cela n’a pas changé, depuis vingt-cinq ans. Par ailleurs, beaucoup des questions discutées au sein du Conseil de l’Europe, telles les questions constitutionnelles ou celles de l’évolution démocratique de nos sociétés, des droits fondamentaux et des droits de l’homme, des droits des minorités, celles, encore, liées à la politique extérieures, m’ont toujours particulièrement intéressé en tant que parlementaire autrichien.

En fait, toutes ces questions sont inextricablement liées. Il en va des valeurs européennes. Il en va de notre vision commune de l’être humain. Il en va de la construction d’une société fondée sur la paix, la dignité humaine et la primauté du droit. Il en va de l’éthique dans la politique. Cela nous confronte à cette si difficile question : comment peut-on éviter que la maxime selon laquelle la fin justifierait les moyens ne s’applique en politique et dans la société ? S’il est très tentant de s’en remettre à ce précepte, cela ne mène généralement pas à de bons résultats, et ce n’est pas un hasard si Arthur Koestler, Manès Sperber Leszek Kolakowki et d’autres grands auteurs ont traité ce thème dans leurs œuvres.

Madame la Présidente, l’Autriche a adhéré au Conseil de l’Europe le 16 avril 1956, il y a 58 ans, à une semaine près. Aucune de ces 58 années de participation aux travaux du Conseil de l'Europe n’a été une année perdue – bien au contraire. Depuis, l’Autriche est toujours restée très engagée – et elle l’est de plus en plus – au sein du Conseil de l'Europe. Cet engagement est le fruit de notre propre histoire et de la conviction que le réseau multilatéral et intergouvernemental instauré après la seconde guerre mondiale constitue un véritable fondement de la paix en Europe. Le multilatéralisme actif, si vous me permettez de le nommer ainsi, est l’un des piliers de la politique extérieure autrichienne et Vienne est un lieu approprié pour les institutions internationales qui se consacrent à la coopération internationale.

Etre membre du Conseil de l'Europe nous a également permis d’améliorer notre système juridique et judiciaire, car la Convention européenne des droits de l’homme a, comme vous le savez, valeur constitutionnelle en Autriche, ce qui n’est pas, je crois, un fait très répandu au sein des Etats européens. C’est ainsi que chaque nouvelle génération de juristes en Autriche apprend que ladite Convention fait partie de notre droit constitutionnel, pesant ainsi de tout son poids dans notre culture juridique.

Ainsi que Mme la Présidente a eu la gentillesse de le rappeler, notre intérêt et notre engagement au sein du Conseil de l'Europe ont donné trois Secrétaires Généraux autrichiens au Conseil de l'Europe et deux Présidents autrichiens de l’Assemblée parlementaire. Président de l’Assemblée de 2002 à 2006, M. Peter Schieder fut toute sa vie un grand défenseur du Conseil de l'Europe auquel il était extrêmement attaché. Nous avons été amis pendant plus de 50 ans. Il nous a malheureusement quittés à l’automne dernier.

Mesdames, Messieurs, permettez-moi de profiter de cette occasion pour aborder quelques thèmes importants et certains des résultats obtenus grâce aux relations étroites entre l’Autriche et le Conseil de l'Europe.

Tenu à Vienne en 1993, le premier Sommet du Conseil de l'Europe a permis de confirmer la politique d’ouverture et l’élargissement du Conseil de l'Europe après les événements survenus en 1989 et les années suivantes. Il a permis d’insister sur des points forts qui restent au cœur des préoccupations de cette institution jusqu’à aujourd’hui : la protection des minorités avec la Convention-cadre et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, la lutte contre le racisme, contre la xénophobie, contre l’antisémitisme grâce à la création de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance.

L’engagement autrichien en Europe s’exprime dans le programme de travail de notre sixième présidence du Comité des Ministres. C’est d’ailleurs une période extrêmement active et intéressante pour nous. En se fondant sur les trois piliers du Conseil de l'Europe, nous nous penchons sur des questions telles que la lutte contre la traite des êtres humains, la protection de la liberté d’expression, les droits de l’homme sur internet, la lutte contre les violences aux femmes.

La traite des êtres humains est malheureusement l’un des plus grands fléaux de notre société actuelle. Et en Europe, le phénomène est omniprésent. Il s’agit de l’exploitation sexuelle, mais également de l’esclavage moderne, dont les victimes sont souvent des mineurs. C’est un sujet qui a été abordé à Vienne au mois de février dans le cadre d’une conférence organisée avec l’OSCE. Il y a été traité de la prévention, des poursuites pénales, de la protection des victimes. Elle a insisté également sur la coopération internationale, indispensable pour lutter contre un tel fléau.

La liberté d’expression est fondamentale pour la démocratie. Les journalistes ont un rôle clé à jouer lorsqu’il s’agit d’informer l’opinion publique. Certains les aiment, d’autres moins, voire pas du tout, mais quoi qu’il en soit, une démocratie ne peut exister sans un paysage médiatique ouvert. La Cour européenne des droits de l’homme relève à juste titre que les journalistes sont les gardiens de notre société. Mais ils ont besoin de règles, de protection, de soutien et d’un code déontologique. C’est la raison pour laquelle nous avons consacré au mois de décembre un débat sur la protection des journalistes, au terme duquel nous avons transmis des recommandations au Secrétaire Général. La protection des droits de l’homme et des règles fondamentales de la démocratie sur internet est un thème actuel, qui marque nos débats et qui intéresse l’Europe d’une façon générale, notamment dans le cadre de campagnes électorales.

Autre thème qui me semble fondamental : la lutte contre les violences faites aux femmes. Le Conseil de l'Europe a élaboré la Convention d’Istanbul et a créé un cadre qui dépasse les frontières de l’Europe. L’entrée en vigueur de la convention nécessite que dix pays l’aient ratifié. Or, seuls six pays l’ont fait à ce jour. J’appelle donc les gouvernements et les parlements des autres Etats membres à la ratifier. D’autres processus de ratification sont nécessaires et, là où ils ont déjà été engagés, il faut les accélérer et les mener à leur terme, afin que la convention puisse rapidement entrer en vigueur.

Je dresserai maintenant un constat encourageant. Je suis absolument opposé à la peine de mort. Au début du xxe siècle, la peine capitale était en vigueur dans quasiment tous les Etats européens. Je suis donc particulièrement fier qu’au début du xxie siècle, la peine de mort ait été abolie dans tous les pays membres de l’Union européenne et dans la majorité des pays membres du Conseil de l'Europe. Selon le dernier rapport d’Amnesty International, aucune peine de mort n’a été exécutée en Europe en 2013. Je félicite donc le Conseil de l'Europe pour les efforts produits en la matière qui montrent que des résultats tangibles sont possibles dès lors que l’on s’engage suffisamment. C’est là un grand encouragement à poursuivre ces efforts dans d’autres domaines. Dans tous les cas, notre objectif est de veiller à que nous parvenions à obtenir au-delà des frontières européennes au xxie siècle ce que nous avons obtenu en Europe au xxe siècle.

La situation en Ukraine intéresse tout particulièrement le Conseil de l'Europe depuis le mois de novembre dernier.

Le 29 novembre 2013, lors du Sommet de Vilnius, l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne aurait dû être signé. Cinq jours auparavant, le Président ukrainien alors en place, M. Ianoukovitch, s’était rendu en visite officielle en Autriche. Nous nous étions entretenus à plusieurs reprises, une de nos rencontres ayant duré plus de quatre heures. Je dois dire que son discours était assez confus, voire contradictoire. S’il considérait, pour sa part, la situation comme très difficile, je ne peux pas non plus affirmer que le climat qui régnait dans les capitales de l’Union européenne dans les semaines et mois qui ont précédé la date prévue de la signature de cet accord était particulièrement encourageant à l’égard de l’Ukraine et que l’on ait véritablement insisté sur la nécessité de signer rapidement cet accord d’association, bien au contraire. Jusqu’à la dernière minute, la signature a été assortie de nouvelles conditions, certains Etats faisant de la libération de Ioulia Timochenko une condition préalable.

Aucune aide financière ou économique substantielle, au-delà de cet accord, n’a été envisagée à ce moment-là. Je pense donc que des erreurs ont été commises, erreurs qui ont d’ailleurs été abordées de manière assez franche lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne à Athènes, il y a quelques jours.

On connaît la suite des événements… Ce qui est certain, c’est que le comportement de la Russie en Crimée est contraire au droit international, comme l’a constaté la Commission de Venise.

En la matière, je partage les déclarations qui ont été faites par le Secrétaire général des Nations Unies ou par le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe. C’est également avec beaucoup d’intérêt que j’ai écouté les commentaires de ces hommes d’Etat très expérimentés – qui appartiennent à une autre génération – que sont Helmut Schmidt, Valéry Giscard d’Estaing ou Henry Kissinger. Ils ont parlé du climat et de l’historique de cette crise. Ils partent du principe – et je suis d’accord – qu’il ne doit pas s’agir avant tout d’essayer de rallier ce pays au camp de l’Union européenne ou à celui de la Fédération de Russie.

Vous connaissez certainement la pièce de Brecht Le Cercle de craie caucasien. Une Ukraine démocratique et stable aurait un rôle important de passerelle à jouer entre l’Union européenne et la Russie. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’il aurait fallu œuvrer par le passé. C’est toujours envisageable, même si pour certains une Ukraine dont la Constitution prévoirait une certaine décentralisation, une protection des minorités, une Ukraine qui participerait au dynamisme de l’Europe grâce à des relations économiques et sociales et qui aurait de bonnes relations avec la Russie reste une utopie.

Permettez-moi de citer le philosophe polonais Leszek Kolakowski que j’aime beaucoup. Il a dit que l’existence d’une utopie en tant qu’utopie était une condition absolument indispensable pour que cette utopie cesse un jour d’en être une et puisse devenir réalité.

Alors, l’objectif que tous les pays européens entretiennent de bonnes relations avec la Fédération de Russie et que celle-ci entretienne des relations marquées par la stabilité, la paix et la confiance avec tous les pays européens, ne doit pas rester une utopie. Cela doit devenir petit à petit, une réalité et c’est une mission commune à nous tous.

C’est la raison pour laquelle nous devons nous pencher sur les préoccupations et les problèmes de tous les pays concernés par ce conflit. Lorsqu’on veut résoudre des questions politiques complexes et difficiles, il faut savoir considérer le problème dans la perspective de l’autre partie. Or la tentative de faire rapidement de l’Ukraine un membre de l’Otan démontre qu’il nous manque cette capacité à envisager un problème dans la perspective de l’autre partie. Le Président Obama, lors d’une conférence de presse le 26 mars dernier, a dit clairement que la Géorgie et l’Ukraine n’allaient pas, dans un avenir proche, devenir membres de l’Otan.

La Russie doit elle aussi essayer de considérer les problèmes de l’Ukraine dans la perspective de l’Europe et de l’Union européenne et tenir compte de cette perspective. Toute tentative de la Russie de déstabiliser l’Ukraine est totalement inacceptable.

Permettez-moi d’ailleurs de faire une remarque sur le vote qui aura lieu demain concernant le réexamen des pouvoirs de la délégation de la Fédération de Russie et l’éventuelle suspension de certains droits de cette délégation. Je pense que les enceintes multilatérales comme le Conseil de l'Europe représentent un véritable pilier pour la coexistence pacifique et le dialogue en Europe. Le dialogue est nécessaire pour résoudre des conflits, mais pour cela il faut maintenir des possibilités de le mener. Il est facile de fermer des portes, en revanche, il est plus beaucoup plus difficile d’essayer de les rouvrir quand elles ont été fermées. Je vous demande donc de tenir compte de ce point de vue lorsque vous voterez demain.

Avant de conclure, je dirai quelques mots sur le conflit au Proche-Orient. La semaine dernière, le président israélien Shimon Peres, qui a plus de 90 ans, s’est rendu en visite d’Etat en Autriche. C’est un homme d’Etat extrêmement expérimenté, il occupe des hautes fonctions depuis 50 ans, il est lauréat du Prix Nobel de la paix et il est une véritable autorité. Nous avons bien entendu discuté de l’évolution de la situation au Proche-Orient et du processus de paix entre Israël et les Palestiniens. Et je le crois quand il dit qu’il appelle de ses vœux la paix sur la base d’une solution des deux Etats, comme je le crois lorsqu’il dit qu’il donne sa chance à une telle solution. Je suis trop vieux pour être pessimiste, m’a-t-il dit.

Mais quelques heures après que Shimon Peres eut ainsi affiché son optimisme, le processus de négociation s’est de nouveau enlisé. L’Europe, avec de nombreux alliés, doit donc s’engager avec encore plus d’énergie pour que ce processus de paix nous mène sur une voie prometteuse. La construction de colonies dans les territoires palestiniens est contraire au droit international et il faut y mettre un terme, tout comme aux attaques de roquettes contre Israël.

Les Palestiniens comme les Israéliens doivent comprendre qu’ils doivent renoncer à certaines de leurs exigences. Car ce conflit a des conséquences bien au-delà du Proche-Orient. Beaucoup d’énergie a été consacrée à ce processus de paix et il serait dommage qu’il échoue.

En guise de conclusion je rappellerai que l’année 2014 est une année marquée par de nombreuses dates historiques : 100 ans depuis le déclenchement de la première guerre mondiale, 75 ans depuis le déclenchement de la seconde guerre mondiale et 25 ans depuis la chute du Rideau de fer. Profitons de toutes ces dates historiques pour montrer que nous sommes capables de tirer les enseignements de l’histoire.

A cette occasion, nous nous rendons compte à quel point beaucoup de réalités de l’Europe étaient encore considérées comme des utopies il y a 40 ou 50 ans. Nous avons donc réalisé des progrès réels et tangibles. Cela nous encourage à poursuivre nos travaux pour essayer de résoudre petit à petit des problèmes qui nous paraissent insolubles aujourd’hui.

Le Conseil de l’Europe célébrera le 5 mai prochain son 65e anniversaire ; je souhaite que ses travaux soient couronnés de succès, dans notre intérêt à tous.

Je vous remercie de votre attention.

LA PRÉSIDENTE* – (En allemand) Monsieur le Président, je vous remercie très sincèrement pour cette allocution impressionnante et engagée.

(Poursuivant en anglais) Plusieurs de mes collègues souhaitent vous poser des questions. Nous commençons par les porte-parole des groupes politiques, auxquels je rappelle qu’ils ont 30 secondes pour poser leur question – une question, et non un commentaire.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne), porte-parole du Groupe socialiste* – Merci, Monsieur le Président, de ce que vous avez dit, de ce que vous êtes, de votre trajectoire. Et merci de cet appel à l’utopie !

Le pouvoir militaire impose des annexions, le pouvoir financier impose des crises, le pouvoir technologique surveille des millions de personnes, et les réactions politiques et parlementaires à ces impositions de fait sont souvent bien tardives. Monsieur le Président, comment pouvons-nous défendre plus efficacement les droits de l’homme au nom de toutes les personnes que nous représentons dans cette auguste Assemblée ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE* – Il y a des questions que l’on pose en quelques secondes, mais auxquelles il faudrait toute une vie – du moins toute une vie politique – pour répondre.

En matière de droits de l’homme, à moyen terme, nous avons réalisé de véritables progrès. La Déclaration universelle des droits de l’homme disait bien ce que devait être l’objectif commun des êtres humains. Son article premier – « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » – m’a, en son temps, beaucoup impressionné. Je l’avais fait inscrire au-dessus de l’entrée du Parlement autrichien lorsque je présidais cette institution. Ainsi, chacun de ceux qui y pénètrent voient inscrit devant eux ce grand principe humain.

Reste à le faire vivre dans la réalité. Aucun pays au monde ne peut prétendre l’avoir entièrement fait. Bien sûr, les droits de l’homme ne sont pas respectés partout dans la même mesure. Il existe d’ailleurs une certaine concurrence entre pays à ce sujet. Aux Nations Unies, on fait aujourd’hui plus d’efforts pour les droits de l’homme qu’il y a trente ans. Une instance y est d’ailleurs spécifiquement consacrée aux droits de l’homme. Mais, au bout du compte, c’est aussi à titre individuel que nous sommes appelés à assumer cette responsabilité : chaque personne, chaque parti, groupe ou mouvement doit le faire.

Ne nous leurrons pas : en politique, on doit souvent procéder à des arbitrages sans toujours pouvoir se déterminer en fonction des seuls droits de l’homme. C’est un problème auquel nous sommes confrontés : il n’existe malheureusement pas de recette miracle pour une entrée en vigueur au 1er janvier prochain !

Je ne peux donc que m’associer à tous ceux qui estiment que les droits de l’homme sont importants et qui souhaitent les défendre.

M. FISCHER (Allemagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Merci, Monsieur le Président, de vos propos sur les droits de l’homme et du soutien que vous apportez au Conseil de l’Europe. Je vous aurais interrogé sur l’Ukraine et la Russie si vous n’en aviez pas parlé vous-même. Mais puisque nous parlons des droits de l’homme, que pouvons-nous, à votre avis, faire ensemble pour que les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme soient mieux entendus ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE* – Pour moi, un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme est comme le sifflet de l’arbitre : il faut le respecter ! C’est un principe immuable. Dans certains cas, dont j’ai pris note, d’aucuns estiment pouvoir passer outre. Toutefois, dans une démocratie développée comme l’Autriche, la France ou la Suède, par exemple, ce n’est pas envisageable et ces personnes restent marginales. Si elles persistent, elles s’exposent à des critiques justifiées et devront répondre de leur position devant les électeurs. Cela entraîne évidemment moins de problèmes dans des systèmes moins démocratiques. Mais le caractère incontestable des arrêts des instances suprêmes, en particulier de la Cour européenne des droits de l’homme, doit faire consensus ici, comme au Parlement européen d’ailleurs. Il y a des lignes rouges que personne n’a le droit de franchir.

Mme BULAJIĆ (Serbie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Merci, Monsieur le Président, de votre intervention très complète et très franche.

Vous le savez, nous avons de longues discussions sur les droits de l’homme dans la période de crise que nous vivons. Comment relever les défis auxquels nous sommes confrontés, notamment à propos de la crise ukrainienne ? Quelles mesures concrètes pourriez-vous suggérer afin de passer de l’utopie à la réalité ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE* – Si c’est au Président fédéral de l’Autriche que vous posez la question, voici ce que je puis vous répondre. Tout d’abord, nous sommes très actifs dans toutes les instances où l’Autriche est représentée, notamment à l’Union européenne et au Conseil de l’Europe. Nous prenons part aux efforts de la communauté des Etats démocratiques afin de peser utilement sur la situation et d’aider à trouver des solutions raisonnables, soucieuses du droit international.

Il me paraît également essentiel de disposer d’une base économique saine. Car la cohésion sociale, le respect des plus faibles et des plus vulnérables sont essentiels à la stabilité d’une société.

Deuxièmement, l’Autriche a engagé un dialogue bilatéral avec des représentants de l’Ukraine au plus haut niveau. On nous a demandé si nous étions disposés à fournir des informations à l’Ukraine, à la faire bénéficier de notre expérience en matière de neutralité. C’est un domaine où notre contribution est peut-être particulière. L’Autriche a proposé son aide aux autorités d’Ukraine dans le domaine juridique. La présidente de notre Cour suprême, qui vient de prendre sa retraite, s’est rendue en Ukraine pendant quelques jours pour des discussions sur la création de meilleures bases légales. Ce sont des efforts que nous pouvons faire à un niveau bilatéral mais aussi comme Etat membre de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe.

M. VILLUMSEN (Danemark), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je vous remercie pour votre approche du conflit ukrainien qui me semble très sage.

Que pouvons-nous faire, assemblée parlementaire, pour contribuer à une solution au conflit en Ukraine ? Comment obtenir une désescalade ? Comment le Conseil de l’Europe peut-il contribuer à la solution ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE* – D’après mes informations et mes observations, le Conseil de l’Europe a déjà contribué ces derniers mois à la recherche d’une solution. Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe s’est rendu à plusieurs reprises en Ukraine, notamment avec le ministre autrichien des Affaires étrangères. Pour l’Ukraine c’est un soutien.

C’est aussi l’occasion de rappeler certains principes fondamentaux. Il est important de proposer la sécurité aux Ukrainiens, de les soutenir. Il faut aussi attirer leur attention sur les problèmes, les dysfonctionnements. Ils doivent être attentifs aux minorités de leur pays, aux spécificités linguistiques. Il leur faut une constitution tenant compte des particularités de l’Ukraine. L’ouest de ce pays, il y a une centaine d’années, appartenait à l’Autriche. Il est très différent de la partie orientale. Une constitution doit en tenir compte.

Avec la Russie, Etat membre du Conseil de l’Europe, il faut avoir un langage clair. D’expérience, je sais que les Russes comprennent un discours franc car c’est très souvent celui qu’ils tiennent eux-mêmes. Les canaux de communication doivent absolument rester ouverts. Je l’ai expliqué dans mon allocution.

Le Conseil de l’Europe est dans ce processus. Il le sera d’autant plus si sa position est claire sur les droits de l’homme, la prééminence du droit, tout en maintenant la possibilité de dialoguer franchement avec l’autre partie en renonçant à tout opportunisme.

M. FOURNIER (France) – Le Conseil de l’Europe, dont l’Autriche assure actuellement la présidence du Comité des ministres, et l’Union européenne, ont pour point commun d’être fondés sur la primauté du droit et de promouvoir la démocratie et les droits de l’homme.

Pour autant, l’Union européenne souffre depuis plusieurs années d’une crise de confiance de la part des citoyens. Selon vous, de quels atouts du Conseil de l’Europe, l’Union européenne pourrait-elle s’inspirer pour relancer son projet politique ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE* – La création du Conseil de l’Europe est intervenue rapidement après la fin de la guerre, en 1949. L’idée a pris corps avant le début du processus d’intégration en Europe. A l’époque l’événement était sensationnel.

Après deux ou trois ans de présidence, j’ai cherché à savoir à quel moment un président autrichien avait fait sa première visite officielle en dehors de l’Autriche. Karl Renner, premier président de 1945 à 1950, n’a jamais quitté l’Autriche. M. Körner, président de 1950 à 1957 n’a jamais quitté l’Autriche. Le troisième, M. Schärf, s’est rendu en visite officielle en Belgique dans les années 60 pour l’Exposition universelle.

Après 1945 il y a eu un véritable repli. Le Conseil de l’Europe a permis l’ouverture. Il a suscité l’intérêt pour d’autres pays et pour le dialogue avec les autres. C’est un précurseur de l’intégration européenne, du Parlement européen qui existait au début de façon embryonnaire. Cette époque nous paraît très lointaine. Les choses ont beaucoup évolué. Le Conseil de l’Europe doit protéger les droits de l’homme avec ses conventions. Il compte plus de membres que l’Union européenne, 47 contre 28. Il travaille aussi dans des régions où l’Union européenne n’est pas présente. Le Conseil de l’Europe est un pionnier avec ses valeurs.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni)* – Monsieur le Président, vous avez évoqué la peine de mort. Nous venons d’apprendre son application au Pakistan à un couple de chrétiens qui aurait blasphémé. La liberté de religion est-elle menacée dans beaucoup trop d’endroits dans le monde aujourd’hui ? Les Etats membres du Conseil de l’Europe ne doivent-ils pas souligner que la liberté d’expression est un droit de l’homme essentiel ? Nos gouvernements ne devraient-ils pas se saisir de cette question avec des pays comme le Pakistan où la persécution est claire ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE* – La liberté de religion est un droit fondamental, je suis absolument d’accord. À Heiligenkreuz j’ai fait un discours dans une école religieuse allant dans ce sens. J’ai rappelé que l’Autriche, comme beaucoup d’entre vous le savent certainement, a été le premier pays d’Europe, il y a 102 ans, à reconnaître l’islam au même titre qu’elle a reconnu le christianisme et le judaïsme. Dans ce domaine, l’Autriche a été pionnière.

Le Centre international « Roi Abdallah Ben Abdelaziz pour le dialogue interreligieux et interculturel » a récemment ouvert ses portes à Vienne avec le soutien de l’Arabie saoudite et de l’Espagne.

Quant au cas que vous venez d’évoquer, je le condamne absolument. Quel que soit le pays, la liberté de religion est un droit humain inaliénable.

M. SOBOLEV (Ukraine)* – Je tiens à vous remercier, Monsieur le Président, pour votre soutien à l’égard de mon pays dans sa lutte contre l’occupation russe.

L’Autriche a été le premier pays à arrêter un oligarque russe parmi les plus corrompus, M. Firtash, à Vienne. Pendant ce temps, M. Poutine a permis à M. Ianoukovitch et à ses complices, après qu’ils aient participé au massacre d’innocents, de se cacher sur le territoire russe. Que peut faire le Conseil de l’Europe ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE – Je vous remercie pour vos aimables paroles sur la position de l’Autriche à l’égard de la crise ukrainienne. Dans mon allocution, j’ai tenté de vous exposer clairement notre position : nous appuyons les solutions pacifiques sur la base du dialogue.

Quant à l’affaire Firtash, je rappelle que l’Autriche est liée par des accords avec les Etats-Unis, or ils nous ont demandé de leur livrer cet oligarque russe. Notre justice examine actuellement si les conditions sont réunies pour son extradition. Le Gouvernement et le Président autrichiens n’interviennent évidemment pas dans ce type de décision.

Des décisions judiciaires sont également nécessaires dans le cas de M. Ianoukovitch. Si une demande d’extradition est déposée par un pays, la justice russe sera obligée de statuer et le Conseil de l’Europe pourra formuler un avis sur la procédure judiciaire en cours. En tout état de cause, une action extra-judiciaire ne serait pas adaptée. Il nous faut respecter la primauté du droit.

M. SZABÓ (Hongrie)* – Le processus d’intégration a marqué, pour les pays de l’Europe centrale et orientale, la victoire de la démocratie. Ce processus doit se poursuivre pour les Etats des Balkans orientaux. Malheureusement, de plus en plus de voix s’y opposent, chez les eurosceptiques, les extrémistes, les nationalistes et les antidémocrates en particulier. Quels sont les risques pour l’Europe d’après vous ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE – Je pense qu’il est très important de parler aussi des Balkans occidentaux. L’année 2013 a été une année de grands progrès dans cette région. La Croatie est devenue membre de l’Union européenne et la Serbie a accompli des avancées sensibles. Le Président serbe s’est rendu en Autriche il y a trois semaines et nous a fait très bonne impression. Le processus avec le Kosovo se poursuit. L’Albanie devrait signer un accord d’association avant l’été avec l’Union. Le Monténégro a montré la voie dans ce domaine. La Bosnie, en revanche, nous préoccupe, si je puis m’exprimer ainsi. Des élections y sont prévues, certes, mais le processus politique se trouvera paralysé jusqu’à l’automne. Néanmoins, de manière générale, la région des Balkans occidentaux progresse.

L’intégration européenne est un refus du nationalisme. La Déclaration des droits de l’homme affirme l’égalité entre les hommes. Tout parti nationaliste qui manifeste une arrogance à l’égard des autres nations et qui propage des idées de haine mériterait de retourner au xxe. De tels discours continuent de se faire entendre en tirant les vieilles ficelles national-populistes, mais ils se heurtent à certaines limites, en France et en Autriche notamment, car une majorité claire fait barrage à l’extrémisme. Certes, il peut y avoir quelques défaites, mais je ne crois pas en l’avenir européen de ces mouvements nationalistes. Je suis convaincu que dans une dizaine ou une vingtaine d’années, ces errements idéologiques seront mieux gérés que cela n’a été le cas dans le passé. Je suis un optimiste.

M. IWIŃSKI (Pologne)* – Monsieur le Président, vous n’êtes pas simplement un grand homme d’Etat. Vous êtes également un savant et un érudit. Que pensez-vous de la neutralité autrichienne comparée à celle de la Suède ou de la Finlande ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’AUTRICHE – L’Autriche, la Suède et la Finlande ont beaucoup discuté, au début des années 1990, après la chute du mur de Berlin, pour savoir si elles pouvaient adhérer à l’Union européenne en tant que pays neutres. Dans ces trois pays, la question a été débattue de façon extrêmement approfondie. Je me souviens de débats avec nos collègues suédois et finlandais, notamment Iugmaz Karlsson et Paavo Lipponen.

Nous avons décidé d’adhérer à l’Union européenne en tant que pays neutres. Toutefois, la Suède et la Finlande se considèrent comme des pays non alignés. L’Autriche s’en tient quant à elle à ce statut de pays neutre, auquel n’ont été apportées que quelques modifications. La loi qui régit notre neutralité est entrée en vigueur en octobre 1955. Ce texte très court précise simplement que l’Autriche est un pays neutre, que nous n’acceptons pas de troupes étrangères sur notre territoire et que nous n’adhérons à aucune alliance militaire. A l’époque où nous avons adhéré à l’Union européenne, nous avons insisté sur le fait que notre neutralité devait être maintenue. Toutefois, nous avons adopté quelques dispositions constitutionnelles nous permettant de participer à la politique européenne en matière de sécurité.

Ces règles ont fait leurs preuves. Aux alentours de l’an 2000, les deux principaux partis – le Parti socialiste et le Parti populaire – sont entrés en conflit sur cette question. Les négociations visant à former une coalition gouvernementale ont été très difficiles, car les chrétiens-démocrates voulaient que figure dans le programme du gouvernement une phrase précisant que l’Autriche se réservait la possibilité de devenir membre de l’Otan, ce que les sociaux-démocrates refusaient. Depuis cette époque, la doctrine de l’Autriche en matière de défense fait de nouveau l’objet d’un consensus entre tous les partis représentés au parlement : l’Autriche reste un pays neutre qui peut toutefois, comme je vous le disais, participer activement aux politiques européennes d’intégration.

En Finlande, au contraire – vos collègues finlandais pourront vous le dire mieux que moi –, il y a régulièrement des débats sur une adhésion éventuelle du pays à l’Otan. Il en va de même en Suède. En ce qui nous concerne, nous avons choisi notre voie, laquelle est d’ailleurs acceptée par la population autrichienne. Si nous organisions un référendum pour savoir si l’Autriche devait renoncer à sa neutralité, une grande majorité se prononcerait en faveur de son maintien.

LA PRÉSIDENTE* – Monsieur le Président, je vous remercie…

M. GAUDI NAGY*- Je veux poser ma question !

 LA PRÉSIDENTE* – Nous devons malheureusement arrêter nos travaux à 13 heures.

Monsieur le Président, je vous remercie très sincèrement au nom de tous mes collègues pour votre discours et pour les réponses que vous avez apportées aux questions. Vous nous avez ainsi permis de bénéficier de votre grande expérience.

4. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 h 5.

SOMMAIRE

1. Fait personnel

2. Améliorer la protection et la sécurité des utilisateurs dans le cyberespace -
Le droit d’accès à internet (débat conjoint)

Présentation par M. Fischer du rapport de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias sur « Améliorer la protection et la sécurité des utilisateurs dans le cyberespace » (Doc. 13451)

Présentation par M. Dίaz Tejera du rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, saisie pour avis sur « Améliorer la protection et la sécurité des utilisateurs dans le cyberespace » (Doc. 13481)

Présentation par Mme Pelkonen du rapport de la commission de la culture sur « Le droit d’accès à internet » (Doc. 13434)

Présentation par M. Clappison, suppléant M. Xuclà, du rapport de la commission des questions juridiques, saisie pour avis sur « Le droit d’accès à internet » (Doc. 13465)

Orateurs : MM. Flego, Franken, Schlegel, Garðarsson, Jónasson, Mme Karapetyan, M. Le Déaut, Mmes Hovhannisyan, Gafarova, Faber-Van De Klashorst, MM. Triantafyllos, Jenssen, Mmes Bilgehan, Fataliyeva, Gorghiu

Réponses de M. le rapporteur, de Mme la rapporteure et de Mme la présidente de la commission de la culture

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de recommandation amendé

Vote sur un projet de résolution amendé

3. Discours de M. Fischer, Président de l’Autriche

Questions : MM. Díaz Tejera, Fischer, Mme Bulajić, MM. Villumsen, Fournier, Clappison, Sobolev, Szabó, Iwiński

4. Prochaine séance publique

Annexe

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque.

Pedro AGRAMUNT

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Miloš ALIGRUDIĆ

Jean-Charles ALLAVENA

Werner AMON

Luise AMTSBERG*

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Khadija ARIB*

Volodymyr ARIEV

Francisco ASSIS/Ana Catarina Mendonça

Danielle AUROI/Pierre-Yves Le Borgn'

Daniel BACQUELAINE

Egemen BAĞIŞ/Suat Önal

Theodora BAKOYANNIS*

David BAKRADZE

Taulant BALLA*

Gérard BAPT/Pascale Crozon

Gerard BARCIA DUEDRA/Silvia Eloïsa Bonet Perot

Doris BARNETT/Mechthild Rawert

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK

Ondřej BENEŠIK/Gabriela Pecková

José María BENEYTO*

Levan BERDZENISHVILI

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Teresa BERTUZZI

Robert BIEDROŃ

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Philippe BLANCHART/Fatiha Saïdi

Delia BLANCO

Jean-Marie BOCKEL*

Eric BOCQUET*

Mladen BOJANIĆ

Olga BORZOVA

Mladen BOSIĆ/Ismeta Dervoz

António BRAGA*

Anne BRASSEUR/Claude Adam

Alessandro BRATTI*

Márton BRAUN

Gerold BÜCHEL/Rainer Gopp

André BUGNON

Natalia BURYKINA

Nunzia CATALFO

Mikael CEDERBRATT/Lennart Axelsson

Elena CENTEMERO*

Lorenzo CESA*

Irakli CHIKOVANI*

Vannino CHITI

Tudor-Alexandru CHIUARIU/Viorel Riceard Badea

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN/Tore Hagebakken

Desislav CHUKOLOV*

Lolita ČIGĀNE*

Boriss CILEVIČS

Henryk CIOCH/Grzegorz Czelej

James CLAPPISON

Deirdre CLUNE/Olivia Mitchell

Agustín CONDE*

Telmo CORREIA*

Paolo CORSINI

Carlos COSTA NEVES*

Celeste COSTANTINO*

Jonny CROSIO*

Yves CRUCHTEN

Katalin CSÖBÖR*

Milena DAMYANOVA/Irena Sokolova

Joseph DEBONO GRECH*

Armand De DECKER*

Reha DENEMEÇ

Roel DESEYN*

Manlio DI STEFANO

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK

Şaban DİŞLİ

Aleksandra DJUROVIĆ

Jim DOBBIN*

Ioannis DRAGASAKIS

Damian DRĂGHICI*

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Josette DURRIEU

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL/Andreas Schieder

Bernd FABRITIUS*

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU*

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA

Daniela FILIPIOVÁ/Pavel Lebeda

Ute FINCKH-KRÄMER

Axel E. FISCHER*

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER

Hans FRANKEN

Jean-Claude FRÉCON

Béatrice FRESKO-ROLFO

Martin FRONC

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON

Tamás GAUDI NAGY

Nadezda GERASIMOVA/Olga Kazakova

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO

Pavol GOGA

Jarosław GÓRCZYŃSKI*

Alina Ştefania GORGHIU

Svetlana GORYACHEVA

Sandro GOZI*

Fred de GRAAF/Marjolein Faber-Van De Klashorst

Patrick De GROOTE*

Andreas GROSS

Arlette GROSSKOST*

Dzhema GROZDANOVA

Attila GRUBER*

Mehmet Kasim GÜLPINAR*

Gergely GULYÁS*

Nazmi GÜR

Antonio GUTIÉRREZ

Ana GUŢU

Maria GUZENINA-RICHARDSON

Carina HÄGG

Sabir HAJIYEV/Sevinj Fataliyeva

Andrzej HALICKI/Beata Bublewicz

Hamid HAMID

Mike HANCOCK*

Margus HANSON

Davit HARUTYUNYAN

Alfred HEER/Maximilian Reimann

Michael HENNRICH*

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH/Marc Spautz

Adam HOFMAN/Zbigniew Girzyński

Jim HOOD

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER/Volkmar Vogel

Johannes HÜBNER*

Andrej HUNKO*

Ali HUSEYNLI/Sahiba Gafarova

Rafael HUSEYNOV

Vitaly IGNATENKO/Anton Belyakov

Vladimir ILIĆ*

Florin IORDACHE/Corneliu Mugurel Cozmanciuc

Igor IVANOVSKI*

Tadeusz IWIŃSKI

Denis JACQUAT*

Gediminas JAKAVONIS

Gordan JANDROKOVIĆ

Stella JANTUAN*

Tedo JAPARIDZE*

Michael Aastrup JENSEN*

Frank J. JENSSEN

Jadranka JOKSIMOVIĆ*

Ögmundur JÓNASSON

Čedomir JOVANOVIĆ/Svetislava Bulajić

Josip JURATOVIC*

Antti KAIKKONEN/Sirkka-Liisa Anttila

Ferenc KALMÁR*

Mariusz KAMIŃSKI*

Deniza KARADJOVA

Marietta KARAMANLI*

Ulrika KARLSSON/Kent Härstedt

Jan KAŹMIERCZAK/Tomasz Lenz

Serhii KIVALOV*

Bogdan KLICH/Marek Borowski

Serhiy KLYUEV/Volodymyr Pylypenko

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN*

Kateřina KONEČNÁ

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR*

Attila KORODI*

Alev KORUN

Tiny KOX

Astrid KRAG*

Borjana KRIŠTO*

Dmitry KRYVITSKY/Igor Chernyshenko

Athina KYRIAKIDOU/Nicos Nicolaides

Jean-Yves LE DÉAUT

Igor LEBEDEV/Sergey Kalashnikov

Christophe LÉONARD/Jean-Pierre Michel

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Lone LOKLINDT/Nikolaj Villumsen

François LONCLE*

George LOUKAIDES

Yuliya L'OVOCHKINA*

Trine Pertou MACH

Saša MAGAZINOVIĆ

Philippe MAHOUX

Thierry MARIANI

Epameinondas MARIAS*

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI/Josep Anton Bardina Pau

Pirkko MATTILA

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER*

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Ivan MELNIKOV/Robert Shlegel

José MENDES BOTA

Jean-Claude MIGNON*

Djordje MILIĆEVIĆ/Stefana Miladinović

Philipp MIßFELDER*

Rubén MORENO PALANQUES/ Carmen Quintanilla

Igor MOROZOV*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK

Melita MULIĆ*

Lev MYRYMSKYI*

Philippe NACHBAR*

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Marian NEACŞU/Florin Costin Pâslaru

Baroness Emma NICHOLSON*

Michele NICOLETTI

Elena NIKOLAEVA

Aleksandar NIKOLOSKI*

Mirosława NYKIEL/Iwona Guzowska

Judith OEHRI*

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY

Lesia OROBETS/Andriy Shevchenko

Sandra OSBORNE*

Liisa-Ly PAKOSTA

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI

Dimitrios PAPADIMOULIS*

Eva PARERA*

Ganira PASHAYEVA*

Foteini PIPILI*

Stanislav POLČÁK

Ivan POPESCU

Marietta de POURBAIX-LUNDIN*

Cezar Florin PREDA*

John PRESCOTT*

Jakob PRESEČNIK

Gabino PUCHE*

Alexey PUSHKOV*

Mailis REPS/Ester Tuiksoo

Eva RICHTROVÁ

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE*

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Pavlo RYABIKIN/Iryna Gerashchenko

Rovshan RZAYEV

Vincenzo SANTANGELO/Maria Edera Spadoni

Kimmo SASI

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE*

Urs SCHWALLER

Laura SEARA

Predrag SEKULIĆ

Ömer SELVİ

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN

Oleksandr SHEVCHENKO

Bernd SIEBERT/Jürgen Hardt

Arturas SKARDŽIUS/Algis Kašėta

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Lorella STEFANELLI

Yanaki STOILOV

Karin STRENZ

Ionuţ-Marian STROE

Valeriy SUDARENKOV

Björn von SYDOW/Jonas Gunnarsson

Petro SYMONENKO*

Vilmos SZABÓ

Chiora TAKTAKISHVILI

Vyacheslav TIMCHENKO

Romana TOMC/Iva Dimic

Lord John E. TOMLINSON/David Crausby

Konstantinos TRIANTAFYLLOS

Mihai TUDOSE*

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ

Konstantinos TZAVARAS/Spyridon Taliadouros

Ilyas UMAKHANOV*

Dana VÁHALOVÁ

Snorre Serigstad VALEN

Petrit VASILI*

Volodymyr VECHERKO*

Mark VERHEIJEN*

Birutė VĖSAITĖ

Anne-Mari VIROLAINEN/Jaana Pelkonen

Vladimir VORONIN*

Klaas de VRIES

Nataša VUČKOVIĆ*

Draginja VUKSANOVIĆ

Piotr WACH

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON*

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER*

Morten WOLD

Gisela WURM

Tobias ZECH

Kristýna ZELIENKOVÁ

Barbara ŽGAJNER TAVŠ/Andreja Črnak Meglič

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN/Naira Karapetyan

Levon ZOURABIAN/Mher Shahgeldyan

Siège vacant, Chypre*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Barbara ROSENKRANZ

Hans Fredrik GRØVAN

Observateurs

Sean CASEY

Corneliu CHISU

Percy DOWNE

Ernesto GÁNDARA CAMOU

Michel RIVARD

David TILSON

Nycole TURMEL

Partenaires pour la démocratie

Najat AL-ASTAL

El Mokhtar GHAMBOU

Omar HEJIRA

Bernard SABELLA

Représentants de la communauté chypriote turque (Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

Mehmet ÇAĞLAR