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AS (2014) CR 32

SESSION ORDINAIRE DE 2014

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(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trente-deuxième séance

Mercredi 1er octobre 2014 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

4.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 5 sous la présidence de Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE – La séance est ouverte.

1. Modifications dans la composition des commissions

LA PRÉSIDENTE – Des propositions de modifications dans la composition des commissions ont été publiées dans le document Commissions (2014) 07 Addendum 1.

En l’absence d’opposition, elles sont adoptées.

2. Les activités de l’Organisation de coopération

et de développement économiques (OCDE) en 2013-2014

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle notre débat élargi sur «Les activités de l’OCDE en 2013-2014». Je vous rappelle que des délégations parlementaires d’Etats membres de l’OCDE non membres du Conseil de l’Europe prendront part à ce débat et c’est avec plaisir que j’accueille nos collègues du Japon, de la République de Corée et du Chili. Je leur souhaite la bienvenue.

Je vous rappelle également que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi, de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes. Nous devrons en avoir terminé avec ce débat à 11 h 20 et devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 11 h 15.

Nous commençons notre débat avec l’intervention de M. Gurría, Secrétaire général de l’OCDE.

Monsieur le Secrétaire général, c’est avec plaisir que je vous accueille parmi nous une nouvelle fois. Vous êtes l’un des fidèles de notre Organisation puisque vous nous rendez visite pour la neuvième fois aujourd’hui. Soyez-en chaleureusement remercié.

Nous inaugurons cette année une nouvelle procédure puisque nous avons décidé de ne pas appuyer nos discussions sur un rapport, comme les années précédentes, mais d’écouter d’abord votre intervention, puis de la faire suivre d’un débat libre. Les commissions de l’Assemblée parlementaire n’en continuent pas moins à entretenir des contacts réguliers avec l’OCDE, au grand bénéfice de notre Organisation. Nous devons nous efforcer de trouver le moyen le plus approprié de coopérer à l’avenir.

J’ai eu la chance d’avoir un bref entretien avec vous tout à l’heure dans mon bureau, et vous m’avez transmis une importante documentation qui vient d’être publiée par votre organisation. Je recommande à tous les membres de notre Assemblée de consulter les publications de l’OCDE et de les rapporter chez eux pour en discuter dans leurs parlements nationaux, car elles sont une véritable mine de renseignements qui nous aideront à renforcer nos politiques.

Je n’entre pas davantage dans les détails et vous laisse nous expliquer les tenants et aboutissants de votre travail. C’est avec un grand plaisir que je vous donne la parole. Nous sommes impatients de vous écouter!

M. GURRÍA, Secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)* – Madame la Présidente, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Mesdames et Messieurs les membres des délégations des pays non membres, je suis ravi de vous faire rapport sur les dernières activités de l’OCDE.

Je commencerai par vous féliciter puisque vous venez de célébrer le soixante-cinquième anniversaire de l’Assemblée parlementaire, un anniversaire important.

Je vous remercie de votre hospitalité aujourd’hui – ainsi que Mme Bakoyannis et M. Elzinga pour le dîner d’hier soir! Vous venez de le dire, Madame la Présidente, ce débat est devenu un rendez-vous régulier, que j’apprécie beaucoup. C’est une bonne occasion de faire le point avec vous non seulement sur les travaux de l’OCDE, mais surtout sur les nombreux problèmes dont nous traitons et que nous contribuons à documenter et à tenter de résoudre en proposant des politiques publiques.

Nous venons de publier notre Evaluation économique intérimaire. Le tableau n’est pas rose, sur fond de décalage entre nos projections du mois de mai et celles du mois de septembre: en quatre mois seulement, que de chiffres négatifs! Nous avons revu à la baisse nos prévisions de croissance pour toutes les grandes économies du monde, sauf l’Inde, qui s’en sort un peu mieux que les autres, et la Chine, dont la situation reste à peu près stable.

Quel est l’héritage de la crise? Une croissance très lente; un chômage extrêmement élevé, et qui ne cesse de croître encore dans certaines régions du monde, dont la zone euro; des inégalités qui se creusent et qui n’ont jamais été aussi marquées qu’aujourd’hui; une confiance détruite. Je veux parler de la confiance dans les institutions que nous avons bâties au cours du siècle passé: les parlements, les partis politiques, les exécutifs, les organisations internationales, le système bancaire, les entreprises multinationales. Le cynisme se répand. «Cette solution va-t-elle résoudre mon problème individuel?», voilà la question que les gens ne cessent de poser.

Les Etats-Unis s’en sortent un peu mieux que le reste du monde. Des défis considérables doivent être relevés au Japon, après quinze années de déflation, avec les «trois flèches» – mais il faut aussi compter avec une dette cumulée très élevée. Au deuxième trimestre, la croissance a été négative en Allemagne et en Italie, nulle en France. Les perspectives sont bien sombres dans la zone euro. Il s’agit toutefois d’une photographie prise à l’instant T: la situation devrait s’améliorer, mais très lentement, en fin d’année et l’année prochaine.

Il y a 45 millions de chômeurs dans les pays de l’OCDE, soit 12 millions de plus qu’avant la crise. Ils sont 202 millions à l’échelle mondiale, du moins pour autant que l’on puisse les dénombrer précisément, ce qui n’est pas facile dans des pays comme l’Inde, le Mexique ou le Brésil où le secteur informel est important.

Quant aux inégalités, dans les pays de l’OCDE, le revenu moyen des 10 % les plus riches est 9,5 fois plus élevé que celui des 10 % les plus pauvres, alors que le multiplicateur était de 6 à la génération précédente. En d’autres termes, la situation empire très rapidement. Et il ne s’agit que d’une moyenne: le chiffre est de 14 ou 15 aux Etats-Unis, de 24 ou 25 au Mexique et au Chili, de 50 au Brésil et même de 100 dans certains pays africains. En somme, rien de tel qu’une bonne crise pour creuser les inégalités; et c’est une bonne crise que nous avons eue!

S’y ajoute le problème de la confiance dans les institutions. On dit que la proportion de personnes qui croient encore en ces dernières ne dépasse pas 40 %, mais ce pourcentage même continue de baisser, parce que nous ne sommes pas capables de donner aux citoyens ce dont ils ont besoin.

Voici ce que nous faisons à l’OCDE. Nous nous efforçons de traiter ces problèmes en nous regardant nus dans le miroir. Evidemment, nous n’aimons pas beaucoup ce que nous voyons. Nous pensons que nous pouvons faire mieux pour nos pays membres, pour vous tous. Nous observons de manière critique notre manière de traiter les problèmes, la façon dont nous planifions, modelons et prenons en considération les aspects sociaux. Nous devons accorder plus d’importance à la dimension sociale, car qui dit social dit croissance. Si nous ne le faisons pas, cela se retournera contre nous.

Mais il y a tant d’autres dimensions à prendre en considération et avec lesquelles nous devons en quelque sorte jongler: la consolidation budgétaire, la réduction des déficits, sans étouffer la croissance et tout en nous occupant des plus vulnérables, des victimes de la crise – jeunes, femmes, enfants, etc. –, sans cesser de promouvoir l’investissement. Nous devons répondre à toutes ces injonctions, qui sont parfois contradictoires. Voilà pourquoi la situation actuelle est si difficile.

Nous devons accorder une attention particulière aux compétences. Il ne s’agit pas seulement d’éducation, même si cet aspect est crucial, mais aussi du marché de l’emploi, de la formation, de l’apprentissage tout au long de la vie. C’est ainsi que nous aurons une main-d’œuvre adaptée aux attentes du marché actuel. Nous créons des millions de jeunes diplômés dont les diplômes ne leur servent à rien. Dans ce domaine, les ressources sont très mal réparties.

Dans certains pays membres de l’OCDE, des personnes ont des diplômes universitaires très élevés mais ils ne sont pas adaptés aux besoins du marché de l’emploi, beaucoup moins que ceux qui sortent seulement du secondaire.

Il faut tirer un bilan de ce que nous avons fait. Nous avons décodé le génome du commerce comme on l’a fait pour le génome humain. Nous avons réussi à trouver l’équation de la chaîne des valeurs mondiales, qui nous permet d’exprimer les échanges commerciaux en termes de valeur ajoutée. Les résultats sont fascinants. Par exemple les excédents de la Chine ou des Etats-Unis diminuent d’un tiers si on les exprime ainsi.

Un document sur les services vient d’être publié. Ils représentent 75 % des économies des pays industrialisés. C’est une bonne base pour l’avenir de nos travaux.

Bien entendu, il faut continuer à s’engager pour la lutte pour l’environnement et contre le changement climatique. A New York la semaine dernière, nous en avons beaucoup parlé. Il existe un nouvel élan. La crise nous a anéantis. Elle a été utilisée comme une excuse pour récuser la croissance verte. «Donnez-moi de la croissance, qu’elle soit jaune, rouge, verte, marron, ça m’est égal, même à rayures ou à carreaux! Mais des emplois verts… franchement… c’est un luxe qu’on ne peut se permettre! »Voilà ce qu’on a pu entendre. Pourtant si l’on ne s’engage pas dans la lutte pour l’environnement, l’impact socio-économique sera énorme. Il faut donc se mettre sur le bon cap, quelles que soient la récession de certains pays, ou la croissance très faible qui caractérise l’économie mondiale aujourd’hui.

Je veux vous parler de travaux dont nous sommes très fiers et que j’ai présentés la semaine dernière à Cairns en Australie, aux ministres des finances du G20. Je leur ai montré le dernier modèle qui permettra un système d’échanges automatiques sur les questions fiscales. D’ici quelques années, dès 2017, si quelqu’un ouvre un compte dans un pays, les banques feront rapport au pays d’origine. On ne pourra plus frauder fiscalement, en tout cas s’agissant des individus.

Qu’en sera-t-il des multinationales qui ne payent aucun impôt parce que leur argent est aux Caraïbes, en Irlande ou ailleurs? Il y a eu des rachats d’entreprises pour essayer de payer moins d’impôts. Tout un système a été mis en place qui favorise la fraude fiscale. J’ai donné aux ministres une copie de ce document ainsi qu’à M. Jagland.

On y trouve les sept premiers chapitres de la campagne pour lutter contre l’érosion de la base d’imposition et les transferts de bénéfices. Les derniers chapitres seront publiés l’an prochain. Tout cela permettra de modifier toute la structure fiscale pour les multinationales. La Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud, le Brésil, les Etats-Unis, l’Allemagne, la Turquie ont appuyé ces travaux, car ils ont tous besoin de recettes fiscales.

On constate une érosion de la confiance parce que les riches ne payent pas d’impôts, car ils sont dans les paradis fiscaux. Les multinationales non plus ne payent pas d’impôts. Finalement ce sont les PME et les classes moyennes de certains pays qui sont les plus taxées. Cela ne va pas! Cela détruit toute la confiance, entraîne des frustrations avec des conséquences politiques, pas seulement sociales et économiques.

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, j’espère avec ce bref aperçu vous avoir décrit notre contribution pour un monde meilleur.

Cette année, il n’y a pas de rapporteur. Sur ces bancs, je ne vois pas les suspects habituels… J’espère que l’absence de rapport ne sera pas synonyme d’un manque d’engagement de l’Assemblée. Vous aviez proposé que nous fassions le rapport cette année. L’an prochain vous pourrez le faire. Nous ferons comme vous le souhaitez, selon ce que vous considérez comme utile. On a travaillé ainsi avec la BERD, par exemple. Nous souhaitons poursuivre le dialogue avec vous quelle que soit la forme que vous désirez.

Je viens régulièrement vous rendre visite. C’est un des grands moments de l’année pour nous. Nous sommes honorés. Nous sommes prêts à entendre vos interventions, vos observations, vos questions, et même éventuellement vos objections.

LA PRÉSIDENTE* – Merci beaucoup monsieur le Secrétaire général. C’est un grand moment pour vous, mais pour nous aussi. Il est important de vous entendre sur le fond et la forme. Je n’ai qu’un regret: que nous n’ayons pas plus de temps pour vous écouter.

Le débat est ouvert.

Lord PRESCOTT (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe socialiste* – Vous nous avez présenté de façon excellente, très réaliste, la situation de l’économie mondiale. Les aspects négatifs sont peut-être difficiles à digérer, mais tout cela est pertinent. Je vous félicite d’avoir évoqué l’évasion fiscale qui nous intéresse tout particulièrement.

Je m’arrêterai à un seul point, les négociations sur le changement climatique et les conséquences de celui-ci sur l’économie mondiale. Il faudra trouver un accord à Paris l’année prochaine. Sinon le rapport que vous nous présenterez sur la croissance mondiale sera particulièrement pessimiste.

Les négociateurs de l’Accord de Kyoto de 1997 sont parvenus à un accord entre 46 pays industrialisés que nous avons placé dans un cadre juridique. C’est devenu un des problèmes comme l’a indiqué Ban Ki-moon. Il faut un accord pour les prochaines conférences à Paris et au Pérou. J’espère pouvoir y assister. Il faudra trouver un compromis.

La réalité, c’est que la Russie et la Chine se sont mis d’accord au plan international mais en l’absence d’un cadre juridique. Pourquoi? Parce que le président Obama n’obtient pas d’accord avec le Congrès. Il doit donc procéder différemment. Les autres pays du monde ne peuvent donner leur accord à un cadre juridique si les Américains ne le font pas. Ils sont les plus grands émetteurs de pollution avec les Chinois.

L’Union européenne s’en tient à l’idée du cadre juridique international. Mais il ne sera pas possible de réunir toutes ces nations. Si nous trouvons un cadre de type Kyoto, un cadre juridique international, ce sera très bien, sinon l’échec aura des conséquences dévastatrices pour l’économie mondiale. Il faut y arriver avant la conférence de Paris.

Nous avons adopté ici une Résolution en juin 2014 intitulée «le changement climatique, un cadre pour l’accord mondial de 2015».

C’est un compromis selon lequel il faut, d’abord, parvenir à un accord juridique interne et atteindre des objectifs en interne et, ensuite, faire surveiller tout cela par un organe international, et aussi déterminer les critères à retenir.

Je vous transmettrai le document. Peut-être pourrez-vous inviter les membres de l’OCDE à y réfléchir.

M. SASI (Finlande), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – J’ai beaucoup apprécié l’intervention de M. Gurría, mais, aujourd’hui, Le Figaro parle de la dette française: elle atteint un montant de 2 000 milliards d’euros, et, échappant à tout contrôle, ne cesse d’augmenter! C’est cela, le grand problème actuel: la dette publique. Le problème existe depuis 2008. Il faut faire quelque chose pour éviter que la dette ne s’alourdisse.

Il y a deux autres problèmes: la croissance et les mesures d’austérité. Il faut parvenir à une plus forte croissance, mais cela va être difficile; vous l’avez dit, Monsieur Gurría. Il faut développer les compétences en Europe, mais la croissance y restera extrêmement faible au cours des prochaines années. Nos économies ne sont pas stables. La Banque centrale a injecté d’énormes quantités de liquidités sur le marché et les taux d’intérêt sont extrêmement faibles; à un moment donné, ils devront remonter. La croissance restera, pour sa part, très faible. Peut-être y aura-t-il une bulle, et, si elle éclate, l’Europe sera confrontée à de graves problèmes.

Ce que votre Organisation devrait faire, Monsieur Gurría, c’est dresser une liste des obligations des Etats. Par exemple, les Etats doivent toujours fournir des soins de santé. Quelles sont les tâches importantes, les tâches utiles et agréables du point de vue de la société? Une fois que l’on aura ainsi catégorisé les choses, ce sera plus simple pour les responsables politiques. Ainsi saura-t-on quelles missions les Etats doivent continuer de remplir et quelles missions organiser autrement. Voilà comment nous pourrons faire pour que la dette n’échappe pas au contrôle des responsables politiques. Dans l’établissement de cette liste de priorités, vous devrez tenir compte des droits humains et des valeurs, qui doivent la fonder.

J’en viens à l’euro. La monnaie unique ne laisse plus qu’une seule possibilité: ce que j’appellerai la dévaluation interne, c’est-à-dire moins de dépenses et des salaires plus bas. Comment faire les choses de façon juste et équitable sur le plan social? Avec un système bien organisé, que l’on comprenne et connaisse à l’avance. La mise en place d’un tel système est un défi pour l’Europe, et votre analyse, vos capacités d’expertise nous seront précieuses pour y parvenir et garantir notre compétitivité sur le marché mondial.

Nous avons une bonne sécurité sociale, en Europe, mais, si, dans cette organisation, nous parlons beaucoup des droits, il faudrait aussi parler des obligations. Les garanties données en matière de sécurité sociale doivent s’assortir d’obligations en retour. Il faut quand même que les gens apportent aussi leur contribution à leur société, par exemple lorsqu’ils touchent des indemnités.

Mme Korenjak Kramar, Vice-Présidente, remplace Mme Brasseur au fauteuil présidentiel.

M. D. DAVIES (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe démocrate européen* – L’hystérie actuelle autour du changement climatique m’inquiète énormément. Elle nous conduit à des choix politiques préjudiciables, fondés sur une analyse erronée. La science du changement climatique est loin d’être une science exacte. La théorie, c’est qu’il y a dans l’atmosphère une certaine quantité de dioxyde de carbone depuis la révolution industrielle… c’est vrai. Les températures vont augmenter de 0,8°… c’est également vrai. Le COest un gaz à effet de serre… c’est tout à fait exact. Le COque nous rejetons dans l’atmosphère provoquerait donc cette augmentation de 0,8° des températures… ce n’est pas vrai! Ce n’est pas scientifiquement prouvé, et même le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) n’est pas prêt à proférer de telles affirmations.

C’est évident: il y a beaucoup d’autres facteurs qui ont actuellement un effet sur le climat, et on a constaté qu’il n’y avait pas de corrélation entre l’augmentation de la quantité de COet celle de la température. Les températures ont parfois baissé, notamment entre 1940 et 1970, alors même qu’il y avait d’énormes rejets de COdans l’atmosphère. Depuis 1998, il y a eu une pause. Les températures, quelles qu’elles soient, n’ont pas augmenté depuis 1998. Il est clair que c’est autre chose qui a un impact sur les températures. Que lit-on dans les rapports des spécialistes? L’essentiel de l’augmentation de la température a eu lieu au cours de la seconde moitié du XXe siècle, et cela correspond à 0,2° à 0,25°, et, en plus, il peut y avoir une marge d’erreur.

Au nom de tout cela, on mène des politiques économiques préjudiciables à nos entreprises et aux ménages, puisque les factures augmentent. Dans votre rapport, vous écrivez, Monsieur Gurría, que le changement climatique peut entraîner une baisse de 0,5 % à 0,7 % du PIB d’ici quelques décennies, tandis que le GIEC parle d’un impact compris entre 0,2 % et 2 % d’ici à la fin du siècle. Cependant, ce que vous ne dites pas, alors que vous êtes économiste, c’est que ces chiffres se fondent sur l’hypothèse que le monde sera plus riche qu’actuellement. Ils reposent sur l’idée que l’Afrique, la Chine connaîtront une modernisation et une industrialisation considérables et qu’ils seront beaucoup plus riches. Quels que soient les chiffres, qu’il s’agisse des vôtres ou de ceux du GIEC, ils se fondent sur l’idée que le monde sera beaucoup plus riche qu’actuellement.

Aujourd’hui, nous menons des politiques qui éloignent l’industrie de l’Europe occidentale. Le potentiel de croissance se déplace ainsi vers d’autres régions du monde. Finalement, on ne fait rien pour réduire les émissions de carbone, on ne fait rien pour régler ce problème que nous n’avons peut-être même pas. En revanche, on détruit des emplois! Ce qui m’agace le plus, c’est l’hypocrisie de ces « groupes verts » qui en appellent à nous pour mettre en œuvre de telles politiques et refusent ensuite d’assumer la responsabilité du coût croissant de l’énergie pour les ménages et des pertes d’emploi dans l’industrie.

Je vous exhorte donc, Monsieur, à tenir compte de ce que dit le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Réfléchissez-y bien!

M. PASQUIER (Monaco), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je veux tout d’abord remercier M. Gurría pour son excellente intervention, très ciblée. Le rapport de l’OCDE le dit bien: la question est de savoir comment accélérer la croissance économique et faire qu’elle soit inclusive et durable.

Ce qui me préoccupe le plus, c’est le caractère inclusif ou non de la croissance. Les statistiques économiques récentes montrent que la croissance ne profite finalement qu’à un tout petit nombre de personnes. Je ne parle pas des 20 % les plus riches, je parle des 1 % les plus riches, ou même des 0,1 % les plus riches. Thomas Piketty évoque dans son livre le fait que nous vivons une époque de concentration des richesses que nous n’avons jamais connue par le passé. Cela se vérifie en Chine, aux Etats-Unis, en Europe. Le phénomène est mondial. Combien de temps cela va-t-il durer? Et à quoi sert la croissance si elle ne profite qu’à une toute petite partie de la population? Ce n’est pas sans conséquences politiques, car les gens perdent espoir, ils n’ont plus confiance dans le système et tombent dans le populisme, sont séduits par les positions politiques les plus extrêmes.

Nous avons débattu hier d’un rapport dont le thème était «comment faire barrage au néonazisme». Une partie de la solution est de tout faire pour éviter que les gens se retrouvent dans une situation de désespoir. Mais je sais bien qu’il n’existe pas de solution facile. Monsieur Gurría, l’OCDE pourrait peut-être consacrer plus de ressources à essayer de comprendre ces phénomènes et à recommander des politiques économiques permettant à tout le monde de bénéficier de la croissance. Car c’est un problème qui ne va pas se résoudre tout seul et disparaître. Si nous ne parvenons pas à le maîtriser, nous pouvons être vraiment inquiets pour l’avenir.

M. ELZINGA (Pays-Bas)* – Permettez-moi en tant que rapporteur sur l’OCDE de saluer les délégués venus d’autres continents et M. Gurría, et de remercier ce dernier tant pour son introduction que pour le rapport fourni par l’OCDE dans le cadre de ce débat.

Je me réjouis, en tant que rapporteur, de pouvoir travailler au suivi de ce débat. C’est un plaisir de constater que l’OCDE prend notre discussion annuelle très au sérieux et suit de près les recommandations que nous lui adressons, surtout au moment où les conséquences sociales de la crise économique et financière se font sentir aussi durement dans nos pays.

La reprise économique reste très timide dans certains de nos pays, et les économistes estiment que la crise ne peut que s’aggraver. Quand nous constatons des signes de reprise, ils ne se traduisent guère pour le moment en termes d’inclusivité ou de distribution équitable. Il est donc intéressant de constater que l’OCDE met l’accent sur la croissance inclusive, les emplois verts, la lutte contre les inégalités, la lutte contre la pauvreté, l’acquisition de compétences et les nouvelles sources de croissance. Je suivrai de très les résultats de ces nouvelles approches face aux défis économiques.

Il est très important que nous évitions de commettre les erreurs du passé. Certaines politiques préconisées par l’OCDE ont eu des résultats positifs, mais, sur le plus long terme, elles ont entraîné des dégâts et des déséquilibres entre les pays, comme nous l’avons déjà fait valoir devant cette Assemblée, il y a quelques années.

Je suivrai également les résultats de l’initiative sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. Les sociétés multinationales doivent évidemment apporter leur part à l’impôt de façon équitable afin de rehausser les niveaux d’investissement dans les pays où elles prospèrent et afin de protéger au mieux les droits sociaux et les droits de l’homme.

Un point me paraît important et urgent: la négociation de nouveaux accords commerciaux régionaux. Il faut pouvoir adapter ces nouveaux accords aux besoins d’aujourd’hui. J’ai trois préoccupations principales à ce sujet.

La première concerne le caractère secret des négociations en cours. Prenons l’exemple de l’accord sur le commerce des services, dont nous n’aurions rien su sans les révélations de Wikileaks. Je pense aussi aux négociations sur le TTP, le TTIP, le CETA et le RCEP, qui sont loin d’être transparentes. Comment allons-nous éviter que ce soit les grandes sociétés multinationales qui s’emparent de cet agenda commercial? Et comment pourrons-nous ouvrir un processus politique qui veillera à ce que toutes les parties prenantes soient entendues tout en protégeant l’environnement et les objectifs sociaux?

Deuxièmement, comment pourrons-nous éviter un nivellement par le bas, dans le cadre par exemple des négociations TTIP, alors que nos normes divergent parfois fortement?

Enfin, et je pense là aux négociations CETA et TTIP, comment peut-on faire confiance aux règlements et aux systèmes juridiques des autres pays?

LA PRÉSIDENTE* – M. Geraint Davies, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. BENEYTO (Espagne)* – Je voudrais tout d’abord remercier M. Gurría pour sa présence parmi nous. Monsieur le Secrétaire général, c’est toujours un plaisir de vous entendre, vous parlez avec beaucoup de clarté, d’énergie et de sens de l’humour. Je vous remercie de nous avoir présenté les perspectives d’avenir des activités de l’OCDE. Je remercie aussi les parlementaires des pays observateurs et des pays de l’OCDE d’être parmi nous aujourd’hui – je pense au Mexique, au Chili, au Japon et à la Corée.

Le rapport de l’OCDE est assez novateur cette année, car il parle des NAEC – nouvelles approches face aux défis économiques. Peut-être le Secrétaire général pourra-t-il nous expliquer de façon plus détaillée quels sont les nouveaux instruments utilisés pour faire face aux défis économiques? L’analyse faite par l’OCDE est tout à fait juste. Les inégalités se creusent et il existe une véritable méfiance de la part des citoyens à l’égard des élites et des gouvernements. Des solutions doivent être trouvées pour améliorer la situation et il faut avant tout que les citoyens retrouvent confiance dans les institutions et dans la capacité des gouvernements à résoudre les problèmes.

Il y a trois ans, mon pays était au bord de la catastrophe. Aujourd’hui, le niveau de croissance va atteindre 2 %, nos exportations sont en hausse, les réformes montrent des effets positifs et 300 000 personnes par an trouvent un emploi. La consolidation budgétaire, l’austérité ne suffit pas en Europe. Elle est nécessaire, mais nous devons prendre tout un ensemble de mesures plus vastes.

Le rapport mentionne aussi à juste titre différents instruments tels que l’harmonisation des systèmes fiscaux et les chaînes de valeur mondiales dans les échanges commerciaux. Il y a beaucoup d’autres aspects. Enfin, il y a les indices de l’OCDE, qui sont très utiles.

M. MIYAZAWA (Japon)* – Mon oncle, qui était directeur général de l’Agence de la planification économique, a été nommé ensuite Premier ministre en 1964, quand le Japon est devenu membre de l’OCDE. Le Japon, en sa personne, a ensuite présidé le comité des ministres de cet organisme pour la première fois il y a 36 ans. Le Japon l’a présidé de nouveau cette année.

Je suis très honoré de pouvoir participer à ce débat en la présence du Secrétaire général de l’OCDE, M. Gurría. Le mois dernier, l’OCDE a examiné la situation du Japon. Et un projet de l’OCDE concerne la reprise de l’éducation au Japon après le séisme. Une cérémonie a eu lieu en présence de M. Gurría, et je voudrais exprimer ma vive gratitude à l’égard de l’OCDE pour son soutien chaleureux. Je suis sûr que les enfants qui bénéficient de ce projet pourront jouer un rôle essentiel dans la reprise économique du Japon.

Après le séisme, le Japon a mené un train de réformes économiques et fiscales qui ont pour but de mettre un terme à la déflation. Le Japon a soumis à la réunion du conseil des ministres le thème des économies résilientes et a présenté différents éléments de sa stratégie de croissance.

Nous avons également lancé un programme régional pour l’Asie du Sud-Est qui devrait permettre de renforcer les liens avec l’OCDE. Je saisis l’occasion qui m’est offerte pour exprimer notre reconnaissance à toutes les parties.

Pour conclure, je souhaiterais commenter l’érosion de la base d’imposition et les transferts de bénéfices. Après la réunion qui s’est déroulée le mois dernier, l’OCDE a présenté un programme qui était assorti de mesures efficaces pour lutter contre l’évasion fiscale. L’urgence s’en faisait sentir. A ce titre, nous apprécions grandement les progrès constants réalisés par l’OCDE dans ce domaine.

Je suis membre d’un conseil de recherche japonais sur les questions fiscales qui détermine l’orientation que doit prendre notre système fiscal. En tant que membre de ce conseil, je n’épargnerai aucun effort de coopération pour que les contribuables retrouvent la confiance dans le système.

M. MENDES BOTA (Portugal)* – J’interviendrai en premier lieu sur les investissements publics dans les infrastructures. Le rapport indique qu’à l’échelle mondiale, la croissance économique affiche des signes contradictoires. Les Etats-Unis connaissent la croissance, le Japon devrait, lui aussi, voir repartir son économie à la hausse, mais la zone euro ne crée pas vraiment d’emplois et ne stimule pas les investissements. Par ailleurs, des économies émergentes comme le Brésil connaissent une croissance à la baisse et une dette publique qui ne fait que s’élever.

La déflation est un risque. La stagnation ne permet pas de lutter contre une hausse forte du chômage et les effets de la crise financière représentent une menace pour la reprise économique.

Monsieur le Secrétaire général, pensez-vous que, dans un tel environnement de croissance, le FMI devrait préconiser une relance des investissements publics? En tout cas, c’est ce qui avait été défendu par le FMI alors que cette relance même a conduit les pays européens à prendre des mesures d’austérité. Est-ce véritablement le moment de consentir des efforts supplémentaires?

Les taux d’intérêt sont bas, les demandes à l’égard des économies avancées sont très faibles et nombre d’obstacles freinent les économies émergentes et les économies développées.

Quel serait donc l’effet de l’investissement public sur l’économie? Pourrait-il compenser le niveau d’endettement des Etats et de quels investissements publics s’agirait-il? Y a-t-il des limites à recommander des investissements publics fondés sur la dette? Les pays européens doivent-ils craindre des réactions négatives des marchés financiers en raison d’une croissance incontrôlée du coût du financement et d’une pression supplémentaire sur la dette publique? On le sait, les investissements publics ont fortement progressé dans les années 90 pour ensuite ralentir après l’application des critères de déficits décidés dans le cadre du Traité de Maastricht en 2002.

Bien entendu, il faut intervenir en faveur des réseaux publics, mais il convient de limiter l’impact budgétaire de ce type d’investissement. C’est ce qu’ont fait certains pays européens comme le Portugal, l’Espagne, la Grèce, l’Italie, l’Irlande.

J’en viens maintenant aux partenariats. Dans quelle mesure l’Accord TTIP, négocié entre l’Union européenne et les Etats-Unis, pourrait-il contribuer à stimuler la croissance économique mondiale et à créer de nouveaux emplois ? Ne contribuera-t-il pas, au contraire, comme certains l’affirment, à renforcer le pouvoir des multinationales? Ne sera-t-il pas plus difficile encore pour les gouvernements de réglementer les marchés?

La question aujourd’hui n’est plus celle de la crise économique. Les citoyens ont l’impression que les ressources sont mal distribuées.

Monsieur le Secrétaire général, pouvons-nous faire confiance à la stratégie de l’OCDE?

M. HEER (Suisse)* – Merci, Monsieur le Secrétaire général, de nous avoir présenté votre action.

La Suisse a été ciblée par l’OCDE et placée sur une liste noire, parce qu’elle ne voulait pas mettre en place le système d’échange automatique d’informations en matière fiscale proposé par l’OCDE. Cependant, la situation politique du Parlement et du Gouvernement suisses ayant changé, nous allons autoriser cet échange.

En tant que Suisse et dans la mesure où mon pays est membre de l’OCDE, je suis surpris que tous les pays ne soient pas placés sur un pied d’égalité. Les Etats-Unis ne sont en effet pas soumis à ce système d’échange automatique d’informations, alors que l’OCDE l’a réclamé à tous les autres pays. Dans les trusts ou les sociétés fiduciaires américaines, l’identification des bénéficiaires effectifs reste difficile, sans parler des exceptions qui existent pour le Nevada et le Delaware – tout cela n’a rien de juste. Et si l’on parle de justice et d’égalité, il ne me semble pas normal qu’un grand pays comme les Etats-Unis d’Amérique bénéficie de règles spécifiques, constituant un avantage pour le système bancaire de ce pays ainsi qu’en termes d’évasion fiscale. Les Américains, par exemple, ne fournissent pas de renseignements lorsque les pays d’Amérique du Sud souhaitent savoir qui détient tels ou tels fonds à Miami.

Monsieur le Secrétaire général de l’OCDE, permettez-moi de vous exhorter: si vous souhaitez vraiment mettre un terme à la fraude fiscale et instaurer un échange automatique d’informations en matière fiscale, décidez que chaque pays y soit soumis, qu’il soit grand ou petit. Ce ne serait que justice. Il serait normal qu’à l’instar de tous les autres pays, les Etats-Unis suivent les règles de l’OCDE.

M. LEE (République de Corée)* – Je remercie le Conseil de l’Europe de son invitation et le félicite pour son travail.

J’interviendrai sur la croissance inclusive. Depuis la crise économique, les inégalités n’ont cessé de se creuser partout dans le monde. Je tiens à préciser que je suis d’accord avec l’OCDE sur ce point.

Ainsi que le rapport le souligne à juste titre, il est important de s’attacher aux questions fiscales. Le problème de l’érosion de la base d’imposition et des transferts de bénéfices nécessite une nouvelle approche axée sur la demande. Il convient notamment de prendre des mesures de soutien en matière de logement, d’emploi, d’éducation, de services de santé... La croissance inclusive doit avant tout cibler les jeunes, les femmes et les personnes âgées, qui sont souvent exclus du marché de l’emploi. Pour y parvenir, il faut développer de nouvelles stratégies de formation. Il est fondamental que l’OCDE intervienne en la matière. Nous avons, quant à nous, la volonté de participer activement aux travaux de l’OCDE. Les mesures doivent s’accompagner d’une réforme des systèmes publics de retraite: il faut trouver un juste équilibre entre les nécessités budgétaires et un niveau adéquat de revenus pour les personnes retraités.

Il faut trouver une façon de leur donner des retraites décentes tout en maintenant une situation budgétaire saine.

Je pense que le Conseil de l’Europe, pour sa part, a toujours apporté son soutien à l’OCDE et qu’il continuera de le faire afin que les efforts de cette Organisation soient couronnés de succès.

Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.

M. Van der MAELEN (Belgique)* – Monsieur le Secrétaire général, je vous remercie de votre excellent rapport.

En tant qu’ancien rapporteur des activités de l’OCDE, l’année dernière, je tiens à évoquer deux thèmes: les nouvelles approches face aux défis économiques (NAEC) et le projet BEPS, qui vise à combattre l’érosion des bases d’imposition et les transferts de bénéfices – Base Erosion and Profit Shifting.

S’agissant des NAEC, je suis très heureux qu’on souhaite mesurer la croissance économique de façon plus inclusive. Toutefois, je ressens une certaine déception devant l’évaluation par l’OCDE du compromis entre investissements publics et consolidation fiscale pendant la crise. L’OCDE fait preuve à mes yeux d’une prudence excessive en considérant des incitations du gouvernement comme bien placées certes mais néanmoins comme dangereuses parce que mettant en péril l’équilibre fiscal.

Permettez-moi de souligner que cette position contraste nettement avec les points de vue de nombreux économistes estimés. Un échantillon représentatif d’économistes américains a souligné que l’emploi et le bénéfice général de la loi de 2009 sur la reprise économique aux Etats-Unis l’emportent sur les coûts.

Dans mon pays, un professeur de la London School of Economics a fait valoir que les rigidités structurelles ne sont pas la cause de la faible croissance de la zone euro depuis 2011. Ses conclusions sont parfaitement claires: le seul facteur qui puisse expliquer la deuxième partie de la crise, c’est l’austérité, comme conséquence des conseils économiques qui nous ont été prodigués par différentes institutions en Europe, y compris l’OCDE.

La reprise de la zone euro est plus lente que celle de la zone de la livre sterling après la grande dépression ou celle du Japon durant sa «décennie perdue».

La prudence, chers collègues, n’est donc pas toujours une vertu.

S’agissant de mon second point, je tiens tout d’abord à marquer mon accord avec le Secrétaire général à propos des résultats obtenus par l’OCDE en matière d’échange automatique d’informations pour combattre l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices. Toutefois les progrès réalisés sont plus lents que ce que j’avais espéré.

Comme vous le savez, Monsieur le Secrétaire général, j’ai été depuis le début et je suis toujours assez préoccupé par l’idée que l’approche de l’OCDE débouchera sur des règles et des dispositions beaucoup plus complexes encore, qui demanderont une coordination très soigneuse pour se révéler efficace.

En un mot, je crains que les nouvelles règles ne créent de nouvelles occasions d’optimisation fiscale. Je vous exhorte à ne pas perdre de vue les indicateurs qui reflètent l’efficacité réelle des mesures proposées pour s’attaquer à l’évasion fiscale des grande multinationales.

Assurément, ce sont les résultats qui comptent: attendons-les. Je doute toutefois que l’approche de l’OCDE soit la bonne.

Mme ZIMMERMANN (France) – La crise économique que nous traversons met plus particulièrement en lumière l’interdépendance du politique et de l’économique. La situation est grave et malheureusement certaines dérives que nous dénoncions déjà il y a quelques années sont toujours d’actualité, comme celle de la légitimité des marchés et des agences de notation pour décider de la gouvernance économique d’un Etat. Votre rapport montre une volonté de donner, enfin, à l’humain plus de place après plusieurs années de politiques imposées par le FMI sans prise en cause de leurs conséquences sociales et démocratiques. C’est une bonne chose et nous devons nous réjouir que les recommandations de notre Assemblée puissent infléchir la réflexion de l’OCDE.

Cependant, nous ne pouvons que constater que, dans les faits, les trois agences de notation, en situation de monopole, continuent de dicter par leurs notations abusives la politique économique des pays à la place des représentants élus par les citoyens. Nous ne pouvons que regretter que les banques, par leur politique restrictive en matière de prêts aux particuliers comme aux entreprises, ne jouent pas totalement leur rôle. Une meilleure régulation du système bancaire devrait permettre un soutien effectif aux investissements, aux créations d’entreprises ou à l’accès à la propriété. Les interdépendances entre l’économie financière et l’économie réelle doivent être repensées. Des progrès sont mis en avant dans votre rapport mais il faudra aller plus loin.

En replaçant l’homme au centre du système économique, nous permettrons une croissance plus riche en emplois qu’en montages financiers!

C’est pourquoi, Monsieur le Secrétaire général, j’espère que l’OCDE saura, au-delà de ses constats, conseiller des modes de régulation économiques favorisant la création d’entreprises de production, car ce sont elles qui sont à l’origine de la création d’emplois. Pour cela il faut leur donner les moyens d’investir et d’innover.

Même si vous les évoquez dans votre propos liminaire, vous abordez très peu dans votre rapport les études sur l’efficience de l’enseignement et de la formation. Nous avons eu, hier, un débat riche sur ce thème et je pense que nos propositions pourraient aussi inspirer la réflexion de l’OCDE.

Enfin, j’ai noté la place de la notion de confiance dans votre rapport. En ce qui concerne l’échange de renseignements, notamment fiscaux, la France a été très en pointe. Il s’agissait d’une vraie volonté politique et les résultats annoncés récemment de la coopération de notre pays avec la Suisse dans ce domaine prouvent que, lorsque les politiques reprennent leur place dans le jeu économique, des solutions positives pour l’économie sont trouvées.

Monsieur le Secrétaire général, en tant que parlementaire, je pense que le politique doit piloter l’économie et non l’inverse. Des pistes intéressantes apparaissent dans votre rapport: je souhaite vivement que cette orientation positive vers plus d’humain soit accentuée dans les années à venir dans les travaux de l’OCDE.

M. DİŞLİ (Turquie)* – La présentation, par M. Gurría, Secrétaire général de l’OCDE, des activités de son Organisation comme de l’économie mondiale était très intéressante.

La Turquie, qui est un des membres fondateurs de l’OCDE, attache une importance particulière à cette Organisation. Afin d’appuyer les politiques de l’OCDE ainsi que les efforts de réforme dans différents domaines, nous avons proposé au Secrétariat d’établir à Istanbul un centre de compétitivité OCDE. Monsieur le Secrétaire général, nous vous demandons de soutenir cette démarche.

Aujourd’hui, si nous observons l’économie mondiale, nous pouvons ressentir encore l’impact très négatif de la plus grande crise économique et financière des cinquante dernières années. Nous espérons comme vous avoir dépassé le pire moment de la crise et nous pensons qu’il est possible d’envisager désormais une phase de reprise.

Les craintes principales portent sur les menaces géopolitiques au Proche Orient et les tensions entre la Russie et l’Ukraine.

Le PIB de la Turquie a atteint 820 milliards de dollars en 2013. La croissance était surtout axée sur les exportations, qui sont passées de 35 à 135 milliards de dollars. Depuis 2009 nous avons pu augmenter l’emploi, tandis que le ratio entre la dette et le PIB a baissé. Alors que notre croissance repose sur les exportations, celles-ci ne cessent de croître au moment où le marché européen affiche une reprise. La Turquie a toujours joué un rôle clé, et continuera de le faire, dans la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’Europe.

Présidant le G20 à compter du 1er décembre prochain, la Turquie accueillera de nombreuses réunions, dont le sommet du G20 qui se tiendra à Istanbul. Je pense que tous ces événements permettront d’obtenir et de partager des exemples de bonne gouvernance économique avec les autres pays membres.

M. HANSON (Estonie)* – Permettez-moi, tout d’abord, de saluer et de remercier M. le Secrétaire général pour son excellent discours, extrêmement stimulant.

L’Estonie souscrit pleinement aux critères d’appartenance à l’Organisation pour la coopération et le développement économiques, à savoir une économie de marché libre, des principes fondés sur l’Etat de droit, la démocratie et le respect des droits de l’homme – en d’autres termes, des politiques meilleures pour des vies meilleures.

C’est la raison pour laquelle l’Estonie est favorable au processus d’élargissement de cette Organisation. Que peut-il y avoir de mieux qu’une grande famille qui partage des valeurs communes que nous défendons tous? A cet égard, nous apprécions beaucoup les progrès très rapides réalisés par la Lettonie depuis que ce pays a adhéré à l’OCDE. Nous soutenons aussi très fermement la candidature de la Lituanie. Ces deux pays ont une très bonne expérience de gestion de la crise économique, dont ils sont sortis de façon rapide et fort élégante.

L’Estonie estime que s’il est un pays du Conseil de l’Europe qui a grandement besoin du soutien de la communauté internationale pour stabiliser son développement et mener ses réformes économiques, c’est bien l’Ukraine, dont la souveraineté et l’intégrité territoriale ont été brutalement violées par la Russie. L’OCDE, qui a une grande expérience en matière de lutte contre la corruption et de construction des institutions démocratiques, serait d’un grand secours pour l’Ukraine. Les experts de l’OCDE pourraient la guider dans un développement économique renouvelé et lui apporter leurs conseils pour remettre son environnement économique sur la bonne voie.

Nous soutenons donc la décision de l’OCDE de suspendre les négociations d’adhésion de la Russie et de permettre à ce pays de participer uniquement à des activités d’ordre technique. Pour que les négociations reprennent, la Russie devra veiller à ce que l’Ukraine retrouve son intégrité territoriale et renoncer au contrôle illégal qu’elle exerce sur le territoire ukrainien.

L’Estonie apprécie beaucoup également le projet de l’OCDE «Nouvelles approches face aux défis économiques», qui recherche de nouvelles solutions pour sortir l’économie mondiale de la crise.

M. LARIOS CÓRDOVA (Mexique, observateur)* – Je tiens à féliciter M. Gurría pour ce rapport de l’OCDE, très complet, et à souligner que l’OCDE, qui existe depuis plus d’un demi-siècle, est une Organisation qui a non seulement un impact positif sur ses pays membres, mais aussi sur bien d’autres pays dans le monde.

Comme les autres intervenants, je pense qu’il faut rappeler les principes et les valeurs qui sont à la base des recommandations politiques de l’OCDE, à savoir la démocratie, le respect de la loi, le respect des droits de l’homme, mais aussi la conviction que le libre-échange est la bonne voie pour guider l’économie, l’Etat n’étant là que pour réglementer les choses. C’est en s’éloignant de ces principes que l’on arrive à des crises comme celle que nous avons connue.

Le Mexique a procédé à des réformes structurelles au cours des deux dernières années – cela faisait d’ailleurs de nombreuses années que nous les attendions. Certaines d’entre elles sont en total accord avec les politiques proposées par l’OCDE. Je pense en particulier à la réforme du système éducatif. Le Mexique est le pays de l’OCDE qui investit le plus dans l’éducation, mais en termes de qualité d’éducation, nous nous en sortions mal. Aujourd’hui, nous veillons à ce qu’une évaluation des enseignants soit faite par une institution autonome, indépendante du gouvernement et du syndicat des enseignants, et nous espérons qu’à long terme, cela permettra d’améliorer la qualité de l’enseignement.

En matière de compétitivité économique également, nous avons amélioré les choses. Depuis vingt ans, nous disposons d’un organisme de réglementation des marchés. L’objectif est la bonne compétitivité du Mexique. Nous avons rompu l’inertie qui régnait depuis de nombreuses années concernant l’exploitation de l’énergie. Aujourd’hui, il existe des possibilités d’investissements privés, tout en ayant une entreprise publique en matière d’énergie reposant sur l’électricité et le pétrole.

Nous avons également réformé le secteur des télécommunications.

Je tiens à remercier l’OCDE d’avoir accompagné le Mexique dans ces réformes. Mais nous avons encore des défis à relever pour l’avenir et nous avons donc encore besoin de son soutien. Nous sommes l’un des pays dans lesquels les écarts de revenus sont parmi les plus forts. Sur le plan budgétaire, nos politiques ne vont pas assez loin. Nous essayons également de lutter de manière efficace contre la corruption; nous sommes en train de concevoir un nouveau système et, là encore, nous avons besoin de l’OCDE pour que nos réformes soient couronnées de succès. Il nous faut créer un cadre juridique et son appui nous aiderait beaucoup.

Nous avons besoin que l’OCDE nous accompagne, car, au Mexique, sans doute le savez-vous, nous avons un système hybride assez particulier. Depuis 16 ans, nous investissons pour développer des capacités au moyen de programmes de subventions très ciblés qui devraient permettre d’ouvrir de nouvelles opportunités. Il faut aussi que des millions de Mexicains puissent véritablement s’intégrer sur le marché du travail. Nous devons être aidés dans la mise en œuvre de ces politiques car, sinon, nous ne pourrons pas aller assez loin.

M. ZINGERIS (Lituanie)* – Monsieur le Secrétaire général, merci beaucoup pour votre rapport. Nous estimons que l’OCDE est une partie indispensable du cadre institutionnel européen.

L’objectif de mon pays, la Lituanie, est d’adhérer à l’OCDE. Nous pouvons apporter à cette Organisation notre expérience réelle en matière de changement politique, de réformes économiques et fiscales ainsi qu’en matière de coopération régionale. Car mon pays a connu de nombreuses transitions. Nous sommes passés à la démocratie, à l’économie de marché. Notre économie était en ruine, nous n’avions quasiment pas de système de pensions…

Cette année, nous avons célébré le dixième anniversaire de notre appartenance à l’Otan et nous faisons partie des pays qui ont un degré de développement humain particulièrement élevé: nous sommes en effet le 35e sur 187. Notre PIB a augmenté de 6 % cette année, ce qui signifie que nous sommes l’une des économies les plus dynamiques de l’Europe. Notre demande intérieure est l’un des principaux moteurs de cette croissance. Les exportations sont encore assez lentes, essentiellement en raison des incertitudes liées au manque de stabilité de la région – je pense notamment à nos échanges commerciaux avec nos partenaires régionaux et aux problèmes qui se posent avec la Russie.

Nous avons certainement beaucoup à apprendre de l’OCDE, mais nous avons une expérience en matière de consolidation fiscale, car nous-mêmes sommes parvenus à cette consolidation fiscale en peu de temps et avons renoué avec la croissance. Le PIB par habitant est plus élevé qu’avant la crise de 2008 et les revenus sont en croissance.

Le président de la Banque centrale européenne, M. Draghi, a récemment dit que la Lituanie était un exemple de consolidation compatible avec la croissance. La Lituanie a montré qu’il était possible de contrôler des dépenses publiques et l’endettement en période de croissance lente, et ce sans provoquer de troubles sociaux ou de méfiance publique.

La coopération régionale et le transfert d’expertise pourraient par ailleurs être utiles à d’autres pays membres de l’OCDE. La nouvelle réalité géopolitique de notre monde impose à l’OCDE, plus que jamais, d’encourager les réformes dans certains pays, en particulier les pays de l’Est de l’Europe.

Mme ANTTILA (Finlande)* – Je veux remercier le Secrétaire général de l’OCDE pour son intervention passionnante.

Les perspectives sociales et financières de la zone euro sont inquiétantes. La croissance y reste fragile et hésitante. Aux Etats-Unis et en Asie, en revanche, la croissance a repris. Le PIB des pays de l’OCDE reste encore inférieur de 6 % à ce qu’il aurait été sans la crise économique. La faible inflation et le taux de chômage élevé de la zone euro créent un risque de déflation et de stagnation prolongée. Comment éviter ce risque et favoriser le retour de la croissance? Dans certains pays de l’Union européenne, le secteur bancaire a connu de grandes difficultés, renforcées par des finances publiques défaillantes. Les coupes budgétaires ont eu impact social important. L’Allemagne, quant à elle, a connu une croissance beaucoup plus forte que d’autres pays.

La Finlande souffre d’un euro trop fort. Pourquoi l’Union monétaire ne tient-elle pas compte de la valeur des différentes monnaies? La crise a eu un impact important sur le marché de l’emploi. Le chômage est beaucoup trop élevé. Au total, ce sont 45 millions de personnes qui sont encore sans emploi dans les pays de l’OCDE, contre 12 millions avant la crise.

Le chômage élevé des jeunes est un problème majeur. On ne peut accepter que, dans certains pays, 50 % d’entre eux soient au chômage. Comment pouvons-nous aider ces jeunes qui représentent l’avenir de nos sociétés? C’est également une question que j’aimerais poser au Secrétaire général.

M. LORENZINI BASSO (Chili)* – Le Japon a planté un arbre en l’honneur du Secrétaire général de l’OCDE. Je voudrais quant à moi offrir du vin chilien à M. Gurría.

Depuis six mois, le Chili possède un nouveau gouvernement. Des réformes structurelles sont en cours et la croissance économique se situe autour des 6 %. Le chômage a baissé de 5 % ces dernières années. Le Congrès national chilien vient d’approuver de nouvelles réformes, en accord avec l’OCDE. Elles devraient permettre d’engranger des économies de 7 milliards d’euros par an à partir de l’année prochaine.

Le Chili est mobilisé dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. Il souhaite mener une réforme du secteur de l’éducation afin de combattre des inégalités très fortes dans notre pays.

Même si les avis des économistes divergent sur ce point, il semblerait que la croissance réelle du Chili sera de 10 % l’année prochaine. Comment traiterons-nous la question du déficit? Ce point fait l’objet de nombreux débats dans notre pays.

Le Chili possède un système politique présidentialiste dans lequel le parlement est doté de pouvoirs bien moins importants que ceux des parlements européens. Je demande à l’OCDE d’en tenir compte. Je remercie l’Assemblée parlementaire de nous donner l’occasion aujourd’hui de cette discussion. Il est important que l’OCDE noue des liens non seulement avec le gouvernement du Chili mais aussi avec son parlement.

Pour finir, je voudrais féliciter le Secrétaire général de l’OCDE pour son excellent rapport.

Mme QUINTANILLA (Espagne)* – Je me joins à ces félicitations et je salue la présence de membres des Parlements du Mexique, de la République de Corée et du Chili.

L’OCDE est née il y a plus de cinquante ans. Ses 34 pays membres représentent aujourd’hui plus de 80 % du PIB mondial. L’OCDE ne traite pas uniquement de l’économie mais aborde également les politiques sociales, le changement climatique, l’environnement, l’agriculture et l’emploi. Depuis sept ans, en raison d’une crise économique et financière sans précédent, le monde a complètement changé. Les pays de la zone euro souffrent encore de la crise mais l’Espagne amorce aujourd’hui une reprise, avec une croissance de 1,3 % du PIB.

Les pays de la zone euro connaissent encore pour la plupart un chômage élevé. Les chômeurs doivent être soutenus par des prestations adaptées mais, pour cela, des recettes fiscales sont nécessaires. Le chômage ne fait qu’accroître les inégalités. Des politiques ciblées sur les groupes vulnérables – handicapés, personnes âgées, femmes – doivent être mises en place.

Monsieur le Secrétaire général, comment l’OCDE analyse-t-elle la situation économique de la zone euro? Comment des politiques de bien-être pourront-elles y être maintenues? Comment garantir la survie de l’Etat providence si on ne parvient pas à prendre des mesures pour favoriser le retour à l’emploi?

LA PRÉSIDENTE – La liste des orateurs est épuisée. Monsieur le Secrétaire général, je pense que vous souhaitez leur répondre.

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’OCDE* – Monsieur Prescott, nous étions la semaine dernière à New York, au sommet des Nations Unies sur les changements climatiques, nous serons présents à Lima et nous aiderons les Français lors de la Conférence Paris Climat 2015 (COP21). C’est vrai, nous suivons une trajectoire qui ne peut que nous mener à une collision avec la nature et nous prenons prétexte de la crise pour ne rien faire, mais nous devons absolument traiter ce problème qui ne va pas disparaître et qui va nous coûter très cher. En la matière, quoi que l’on fasse, cela sera moins nuisible que de ne rien faire: toute mesure envisagée, même imparfaite, sera utile, alors que l’inaction a un coût connu, mais aussi des conséquences encore inconnues, en matière non seulement environnementale et géographique mais également sociale, politique, économique, etc. Nous allons donc poursuivre nos efforts et travailler très dur, et nous nous réjouissons du soutien que vous nous apportez dans cette entreprise.

Monsieur Sasi, la dette reste un problème mais ce problème est plus ou moins grave selon les pays: certains s’en débrouillent assez bien, d’autres réduisent leur dette; ailleurs encore, la dette s’alourdit, hélas. Dans bien des pays, elle atteint maintenant près de 100 % du PIB; c’était plutôt 60 à 70 % avant la crise. Le Japon en est à 200 voire 230 %. En Grèce, la dette baisse un peu mais reste beaucoup trop lourde: elle avait atteint 170 %, elle a aujourd’hui tendance à s’approcher des 175 %, ce qui n’est pas soutenable. En Italie, le taux d’endettement atteint 120 %; il avait commencé à baisser, voilà qu’il augmente à nouveau. La Belgique avait un taux d’endettement bien plus élevé et il a diminué.

Monsieur Sasi, le commerce stagne, les investissements stagnent, le crédit stagne; or sans ces trois moteurs de la croissance, la reprise ne viendra pas. La Banque centrale européenne peut faire beaucoup mais elle ne peut pas faire de miracles. Les changements structurels doivent venir des gouvernements, non des banques centrales.

Nous devons maintenant miser sur les gains de productivité plutôt que sur l’ajustement des salaires. Je me suis rendu en Espagne récemment et je suis d’accord avec vous: s’il était nécessaire d’ajuster les salaires dans certains pays, il y a des limites à respecter.

Je ne suis pas d’accord avec M. David Davies: on ne peut pas parler d’hystérie; les données scientifiques sont hors de doute. Les émissions actuelles vont faire sentir leurs effets pendant cent ans. Nous sommes un peu comme dans un parking, dont le nombre de places est limité: il y a moins d’émissions sortantes ou détruites que d’émissions entrantes, et notre capacité d’absorption n’est pas infinie. Si nous ne nous confrontons pas à ce problème, nous le paierons cher. Je le répète, l’inaction est l’option la plus coûteuse! Si nous avions su à propos de la crise économique et financière la moitié de ce que nous savons sur le climat, nous aurions bien moins de mal à y mettre fin. Nous avons à propos du climat des certitudes scientifiquement fondées qui rendent l’inaction inexcusable.

Monsieur Pasquier, la croissance inclusive est le maître mot pour réduire les inégalités. Je vous renvoie à notre tout récent rapport sur la croissance inclusive et sur la manière concrète dont l’économie politique peut permettre d’y parvenir.

Monsieur Elzinga, vous avez touché du doigt l’essentiel. Nous n’avons plus aucune marge de manœuvre ni en matière monétaire, puisque les taux d’intérêt sont à zéro, ni en matière fiscale. Il ne reste plus que l’option structurelle. Qu’est-ce que cela veut dire? Education, innovation, concurrence, flexibilité du marché du travail, du marché des produits, fiscalité, systèmes de santé, régulation, recherche et développement. Voilà ce qui nous sortira de l’ornière, mais seulement à moyen et long terme. C’est aux politiques de combler le fossé entre le court terme et les résultats à venir, en expliquant à la population, qui peut le comprendre, ce que nous sommes en train de faire. Oubliez la prochaine élection, voyez plus loin, c’est ainsi que nous réussirons.

Monsieur Elzinga, vous avez beaucoup insisté sur les accords commerciaux régionaux. La meilleure solution serait assurément un accord commercial multilatéral à l’échelle planétaire, mais nous n’avons pas réussi à le conclure, d’où ce «plan B»: constituer de grands blocs à la manière dont on l’a fait avec l’Accord de libre-échange nord-américain ou le Marché commun européen, ce merveilleux projet encore évolutif.

Aujourd’hui, les deux blocs américain et européen envisagent de se rapprocher, même si des obstacles techniques, politiques et juridiques demeurent. Nous devons poursuivre sur cette voie, car il n’y a pas d’autre choix possible que celui-là: le traité transatlantique, avec le Pacifique, avec le Mexique, le Chili, la Colombie, le Pérou. Trente pays ont déjà adhéré à titre d’observateurs. C’est un peu comme un jeu de Lego, une construction brique par brique. Et lorsque de très nombreux accords régionaux auront été conclus, peut-être pourrons-nous établir un accord multilatéral, incluant les services.

Monsieur Beneyto, l’Espagne est passée en trois ans de 10 % de déficit à 1 % d’excédent. Nous pensions que cela prendrait dix ans! Ce redressement est remarquable. Il fut coûteux pour l’emploi, mais la situation s’arrange petit à petit. Nous avons recommandé de mettre fin à l’ajustement des salaires. Il faut maintenant accroître la productivité pour augmenter les salaires et, ainsi, la demande, selon un cercle vertueux. En tout cas, la réduction des déficits publics a été absolument spectaculaire, régions autonomes inclues. Le système bancaire a été stabilisé. La reprise espagnole est exemplaire. Elle montre que si l’on y met le temps et la détermination politique, on peut réussir. Ma seule critique est que l’Espagne a mis trop de temps à réagir. Elle pensait que le problème était uniquement américain, puis anglo-saxon. Un temps précieux a été perdu.

En quoi l’exemple espagnol est-il particulièrement remarquable? Auparavant, pour créer un emploi, il fallait une croissance de 2,5 à 3 %. Aujourd’hui, l’Espagne a une croissance de 1 à 1,5 % et elle crée de nouveaux emplois.

La situation actuelle est très différente de celle d’il y six ou sept ans, alors que la population, la pyramide des âges et la structure institutionnelle n’ont pas changé. Ce résultat, on le doit à la réforme du marché du travail qui commence à porter ses fruits. Il faut aujourd’hui moins de croissance pour commencer à créer de nouveaux emplois. C’est le point le plus remarquable de l’exemple espagnol.

Monsieur Miyazawa s’est exprimé au nom du Japon. Nous savons ce qu’il en est des étudiants de Fukushima qui ont fait preuve d’une grande énergie. La mobilisation des populations est extraordinaire. Chacun retrousse ses manches pour nettoyer la ville afin d’y revenir. La coopération est tout à fait remarquable, même si de nombreuses zones restent inhabitables.

Je partage ce qui a été dit sur les politiques monétaires et sur les politiques budgétaires. Le plus important, c’est le changement structurel, l’innovation, l’éducation, plus d’ouverture vers l’extérieur, plus de souplesse du marché du travail, si le Japon veut vraiment renouer avec la croissance et abaisser son endettement qui dépasse les 200 %. Ce que vous faites au Japon et dans l’Asie du Sud-Est est méritoire.

Oui, Monsieur Mendes Bota, le développement des économies émergentes, la mobilisation des ressources sont déterminants. Il y a des milliards et même des trilliards dans les instruments financiers et les caisses de retraite. Il faut mobiliser ces sommes pour faire fonctionner nos pays mais on se heurte à des problèmes de réglementations bancaires et d’assurances. Nous en parlons beaucoup, en particulier au G20.

La dette ou l’investissement! Non, ce n’est pas ainsi que la question se pose! Il y a évidemment des limites. On ne peut pas s’endetter chaque jour davantage pour investir toujours plus. Le marché fixe la limite. Dans certains cas, on a bien vu où elle était. Il a donc fallu arrêter.

L’investissement dans les infrastructures n’est pas nécessairement public. Il peut aussi être privé. La société a accumulé sur les livrets d’épargne, ces dernières années, des sommes considérables qu’il faut mobiliser avec des garanties publiques pour rassurer les investisseurs. La commission Juncker avance la somme de 300 milliards d’euros d’investissements. Ce sera un coup de fouet pour la croissance, mais de telles sommes ne viendront pas des Etats membres ni du budget de l’Union européenne qui est bien inférieur. Il faudra donc un apport privé.

Monsieur Heer, nous n’avons jamais eu de liste noire. Nous n’avons jamais ciblé un pays. Quelques ministres des finances ont prononcé certains mots, mais pas nous. Nous pensons que la Suisse s’est engagée de manière exemplaire dans l’échange automatique des données. Il faut une règle du jeu, la même pour tous et aplanir les dernières difficultés.

Les Américains ont créé le modèle que nous suivons pour avoir une réglementation mondiale de l’échange des données. Il s’agit d’éviter la diminution des assiettes fiscales et la délocalisation des bénéfices. C’est le combat de l’heure. Il faut éviter les déplacements des entreprises, des profits dans des boites au Royaume-Uni, au Pays-Bas ou Dieu sait où! Il faut plus de discipline fiscale. C’est ce que nous essayons de faire.

Monsieur Lee, nous parlons toujours avec beaucoup d’admiration de la République de Corée qui a connu la démocratisation et l’essor économique. Il lui manque la cohésion sociale. Il faut accorder plus d’attention aux femmes, aux enfants et aux personnes âgées. Il faut de nouvelles compétences pour le marché du travail, afin de faire face aux demandes. Vous avez fini sur une note que je veux reprendre: le Conseil de l’Europe doit soutenir l’OCDE. Oui, oui et encore oui!

Monsieur Van der Maelen, merci pour votre soutien. Il ne peut y avoir de compromis entre les investissements publics et les dettes des budgets nationaux. L’Etat doit jouer son rôle mais le privé aussi pour les investissements, le marché fixant la limite. Nous ne sommes pas condamnés à l’austérité et à la récession. Malheureusement, nous avons pris du retard dans certains pays pour les modifications structurelles. Le chômage, l’endettement sont plus ou moins forts. La différence que l’on constate aujourd’hui, c’est entre les pays qui ont fait leur devoir à la maison et ceux qui ne l’ont pas fait! La consolidation se fera par étapes. À des moments, il faut privilégier la consolidation, à d’autres l’investissement. Les pays en sont à différentes étapes.

Madame Zimmermann vous avez déclaré avec juste raison que les agences de notation ont été une des sources du problème. Certaines ont donné des AAA ou d’autres notes satisfaisantes à des actifs pourris, en sorte que les banques ont pu titriser de mauvaises dettes. Il y a eu un effet boule de neige et tout s’est cassé la figure. Vous avez raison, les agences de notation posent un problème. Les régulateurs se penchent sur leur travail pour le réglementer. Mais comme elles sont très présentes dans tous les contrats, il est très difficile de faire aujourd’hui table rase et de s’en débarrasser. Mieux vaut les encadrer, car c’est un service dont nous avons besoin.

Les monopoles publics sont mauvais, mais les monopoles privés le sont plus encore! Par principe, les monopoles sont mauvais. Il ne devrait pas y en avoir, dans aucun secteur.

Les ratios de solvabilité bancaire et les tests de résistance sont indispensables. Nous devons les inclure dans notre boîte à outils. Le problème, actuellement, c’est que le secteur bancaire ne prête plus assez, en particulier en Europe. En 2013-2014 l’enveloppe des prêts a connu une croissance négative. Il n’est donc pas surprenant qu’il n’y ait pas d’investissements ni d’emplois créés. Il faut aider les banques pour qu’elles prêtent de nouveau de l’argent à l’économie réelle.

La concurrence et la productivité sont des aspects essentiels. À Istanbul, nous en avons beaucoup parlé, Monsieur Dişli, vous avez eu raison de le souligner. La Turquie s’en est plutôt bien sortie pendant la crise, mais elle en a quand même subi des conséquences car la plupart de ses partenaires commerciaux se sont affaiblis. Mais gardez le cap! Tenez bon malgré les turbulences! Si le noyau est sain, ce qui est le cas en Turquie, vous devriez éviter toute mauvaise surprise.

Juste une remarque générale, Monsieur Larios Córdova: aucun autre pays au monde n’a mis en œuvre un train de réformes aussi ambitieux et global que le Mexique. Je le dis en tant que Mexicain mais aussi, en toute objectivité, en tant que représentant de l’OCDE. Si j’étais américain, turc ou dieu sait quoi d’autre, je dirais la même chose. Aucun autre pays n’a mis en œuvre un train de réformes aussi global, complet et important que le Mexique. «Vous êtes le réformateur en chef!», ai-je dit la semaine dernière au président mexicain, à New York.

Ce qui compte maintenant, c’est de mettre en œuvre ces réformes jusqu’au bout. Bien entendu, des gens qui se sentent laissés pour compte, qui ont perdu des privilèges ou des positions acquises vont tout faire pour essayer d’atténuer l’effet des réformes. Vous, parlementaires mexicains, avez fait votre travail mais, maintenant que vous avez adopté les réformes proposées par votre gouvernement, faites en sorte que les lois votées ne soient pas édulcorées chemin faisant. Tout ce que vous avez fait en matière de finances, d’énergie et de télécommunications est remarquable, de même que votre action contre les inégalités et la corruption et en faveur de la justice. Il faudra aussi, certainement, faire encore quelque chose pour les provinces rurales. Peut-être pourrions-nous y travailler ensemble; en tout cas, nous y sommes prêts.

Monsieur Zingeris, la Lettonie, la Colombie et, immédiatement après, la Lituanie et le Costa Rica devraient rejoindre l’OCDE. Vous en êtes tout proches. Cela signifie notamment que tous les Etats baltes en seront membres. L’Estonie fait déjà partie de l’OCDE. Ce sera bientôt le cas également de la Lettonie et de la Lituanie.

C’est vrai, Madame Anttila: la croissance est indispensable, et le risque majeur est la stagnation. Comment éviter la déflation? Aujourd’hui, on ne s’inquiète plus de l’inflation, on s’inquiète de la déflation. À l’heure où nous n’avons plus de marges de manœuvre budgétaires et monétaires, le problème doit être réglé par des mesures structurelles et par l’assainissement du système bancaire. Vous déplorez, Madame, la force de l’euro mais, aujourd’hui, son cours est plus bas qu’il ne l’a jamais été, et ce pour de mauvaises raisons: l’instabilité et les menaces géopolitiques.

Une société ne saurait réussir tout en espérant avoir une monnaie faible. Si vous réussissez, votre monnaie s’appréciera automatiquement. On ne peut pas se lancer dans des politiques visant à baisser artificiellement le cours de la monnaie. Dès lors, que faire? Il faut fournir plus d’efforts de productivité. Peut-être les mesures monétaires ont-elles quelque efficacité pour un temps, mais, ensuite, c’est encore pire. Pour compenser la hausse du cours de votre monnaie, vous devez gagner en productivité. La Finlande réunit à cet égard toutes les conditions de sa réussite. Vous avez le savoir-faire, vous disposez d’une économie innovante, poursuivez dans cette voie!

Merci, Monsieur Lorenzini Basso, pour vos commentaires sur les réformes. Ce qui se passe au Chili est très important. Ce pays a été admis au sein de l’OCDE en raison de ses bonnes pratiques qui remontent au premier mandat de la présidente Bachelet. Celle-ci l’avait d’ailleurs dit: «L’OCDE, ce n’est pas le club des riches, c’est le club des bonnes pratiques!» J’ai fait graver ces paroles en lettres d’or chez nous, pour que chacun en soit bien conscient et que personne ne l’oublie. Vous allez utiliser les sept milliards d’euros dégagés par la réforme fiscale pour l’éducation, la lutte contre les inégalités et pour essayer de parvenir une croissance anticyclique. Certes, vous pouvez augmenter le budget tant que vous voulez, mais il faut, pour cela, avoir les financements nécessaires. Evitez que ne ressurgisse le problème de la dette! Nous, Latino-Américains, avons connu des expériences cuisantes en matière de surendettement, et le Chili ne fait pas figure d’exception.

En tout cas, soyez rassuré, Monsieur Lorenzini Basso: nous restons déterminés à travailler avec les parlements en général, et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, en particulier.

Madame Quintanilla, je confirme ce que j’ai dit sur le spectaculaire retour à meilleure fortune de l’Espagne. Restent cependant, après que les problèmes économiques et financiers ont été traités, des questions sociales, notamment le chômage. Tel est le principal point noir qui demeure.

Parmi les documents que nous avons transmis à M. Jagland et à Mme Brasseur, figure notamment celui intitulé: « Perspectives de l’emploi de l’OCDE ». J’en ai aussi remis un exemplaire à Mme Bakoyannis, hier soir. Vous y trouverez tous les chiffres, notamment les montants nominaux et réels des revenus.

Je vous remercie de m’avoir écouté si longtemps.

LA PRÉSIDENTE*- Merci infiniment, Monsieur le Secrétaire général. Ce fut, pour nous tous, un très grand privilège que d’écouter votre présentation ainsi que les réponses que vous avez apportées à toutes les questions qui vous ont été posées.

Vous avez répété que le Conseil de l’Europe se devait de soutenir l’OCDE. C’est ce que nous faisons, et vous-même soutenez le Conseil de l’Europe. J’en veux pour preuve le fait que vous nous rendiez visite chaque année. Vous êtes toujours très bienvenu et je me réjouis de notre très étroite coopération, indispensable pour tous ceux que nous représentons en notre qualité de parlementaires.

Je voudrais également remercier nos invités non membres du Conseil de l’Europe. Vous êtes également les bienvenus. Je crois que ce débat sur l’OCDE est une excellente occasion de vous connaître.

Je m’adresse tout particulièrement à la délégation du Japon pour lui adresser nos plus sincères condoléances après la récente éruption volcanique qui a fait de nombreuses victimes. Croyez bien que nous prenons part à votre douleur. Croyez bien à toute notre compassion à la suite de cette catastrophe naturelle.

Le débat est clos.

3. Le fonctionnement des institutions démocratiques en Géorgie

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de MM.  Jensen et Cilevičs, au nom de la commission de suivi, sur «Le fonctionnement des institutions démocratiques en Géorgie» (Doc. 13588).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes.

Je vous rappelle également que nous avons modifié hier matin notre ordre du jour afin de nous permettre d’examiner ce rapport ce matin et cet après-midi.

Nous devrons lever la séance à 13 heures. Il me faudra donc interrompre la liste des orateurs à 12 h 55.

La commission de suivi dispose, comme toujours, d’un temps de parole total de 13 minutes, que les corapporteurs partagent à leur convenance entre la présentation du rapport et la réponse aux orateurs.

M. JENSEN (Danemark), corapporteur de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi)* – Madame la Présidente, je vous remercie d’avoir inscrit cet important rapport à l’ordre du jour.

Je voudrais tout d’abord dire mon regret de n’avoir pu prendre part aux réunions de la commission de suivi et à la discussion des amendements. J’ai en effet été retenu dans mon pays par un débat important. Toutefois, après avoir examiné ces amendements, je considère que certains d’entre eux ne pourront pas être retenus par la commission car ils donneraient une tout autre orientation au rapport. Les parlementaires doivent laisser de côté tout esprit partisan et considérer la situation telle qu’elle est: la Géorgie est dans une situation de très forte polarisation depuis des années.

De nombreux événements se sont produits depuis le dernier rapport. D’abord, des élections parlementaires se sont tenues en 2012 et, pour la première fois, nous avons assisté à la transition pacifique d’un parti à un autre. Ensuite, pendant une période, il y a eu cohabitation. Le président Saakachvili est resté au pouvoir jusqu’à l’élection présidentielle de 2013. Aujourd’hui, c’est la coalition du Rêve géorgien-Géorgie démocratique qui gouverne et qui a la majorité au parlement, avec M. Margvelachvili comme président.

L’opposition est très active au parlement. Elle dispose d’instruments pour faire pression sur le gouvernement, mais le pays est encore en proie à la polarisation et a un esprit très partisan. Avant les élections locales, un grand nombre de membres de l’opposition ont fait l’objet de pressions afin de changer de parti ou même retirer leur candidature. Le parti majoritaire a également fait pression sur les activités de campagne du Mouvement national uni ou sur certains de ses parlementaires. Par conséquent, si nous restons optimistes quant aux progrès que peut réaliser la Géorgie, nous savons aussi que le chemin sera long.

S’agissant du système judiciaire, des progrès ont été réalisés, des réformes mises en œuvre, mais trop souvent encore, les accusés sont déclarés systématiquement coupables.

Je suis donc optimiste mais conscient que le chemin est encore long. Nous nous devons de suivre la situation avec beaucoup de vigilance.

M. CILEVIČS (Lettonie), corapporteur de la commission de suivi* – La Géorgie est effectivement sur la bonne voie, même si, comme l’a dit mon collègue, celle-ci est encore longue. Certains engagements pris par la Géorgie au Conseil de l’Europe ne sont pas encore respectés, notamment en ce qui concerne l’indépendance des médias ou le respect des minorités religieuses, nationales et sexuelles. Le gouvernement est opposé à certaines pratiques, et les enquêtes menées pour trouver les auteurs de délits ne sont pas suffisantes. Le rapatriement des Turcs Meskhètes n’est pas suffisant. Seulement sept rapatriés se sont vus octroyer la nationalité géorgienne. Un certain nombre de réformes ont été mises en œuvre, mais elles ne sont pas appliquées.

La question du système judiciaire reste délicate, et nous avons souligné dans le rapport un certain nombre de faits. Les poursuites à l’encontre de l’ancien président Saakachvili doivent être conformes aux plus hautes normes de procès équitable et des droits de l’homme. Par ailleurs, la détention provisoire est trop souvent utilisée et sa durée dépasse la norme en matière de droits de l’homme.

Nous restons néanmoins optimistes. Nous pensons que le progrès se poursuivra et que la Géorgie a un excellent potentiel pour s’acquitter de tous ses engagements et obligations.

LA PRESIDENTE – Nous ouvrons la discussion générale par les porte-parole des groupes.

M. OMTZIGT (Pays-Bas), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je remercie les rapporteurs pour leur travail. Le rapport est complet, ils ont procédé à un examen très détaillé du cas géorgien.

La Géorgie se trouve dans une position délicate puisque, depuis la guerre avec la Russie, 20 % de son territoire sont occupés.

Dans leur réponse, je souhaiterais que les corapporteurs évoquent la situation des personnes vivant en Ossétie du Sud et en Abkhazie et le respect des droits de l’homme dans ces régions. Comment garantir les droits de l’homme? Nous faisons toutes sortes de commentaires à propos du gouvernement actuel et du gouvernement sortant, mais nous ne parlons pas des Géorgiens qui se trouvent dans les territoires occupés et qui connaissent de graves problèmes. Il faudrait consacrer un chapitre sur ce sujet dans le prochain rapport.

La Géorgie, l’Azerbaïdjan, l’Arménie, tous les pays de la région sont soumis à une procédure de suivi depuis leur adhésion. Il faudrait peut-être songer à passer à une procédure de postsuivi. Mais nous n’y arrivons pas et nous en sommes même encore loin, ce qui est inquiétant.

J’applaudis les politiciens géorgiens qui ne disent pas qu’ils ne peuvent pas avancer au motif que leur pays est occupé. Ils n’utilisent pas ce mauvais prétexte, c’est une bonne chose, mais les progrès sont lents, très lents.

J’ai été autrefois rapporteur du rapport sur «Séparer la responsabilité politique de la responsabilité pénale». Il portait sur l’abus de considérations politiques dans des affaires pénales. Je m’inquiétais du sort qui était réservé aux anciens présidents. En l’occurrence, en Géorgie, les membres de l’ancien gouvernement, dans leur quasi-totalité, sont poursuivis, voire en prison. Cela m’inquiète. J’ai l’impression que de nombreux crimes ne font pas l’objet de poursuites alors que tous les opposants politiques sont poursuivis. Attention à ne pas glisser sur cette pente dangereuse des procès politiques.

Monsieur Saakachvili est tenu pour responsable, et c’est légitime: il doit se montrer responsable de ses actes. Mais geler son patrimoine, geler également celui de sa mère, confisquer sa voiture me semblent dépasser les limites. C’est pourquoi je demande aux autorités géorgiennes actuelles de suivre la voie qui a contribué à améliorer le bilan et de ne pas employer les faux-fuyants que d’aucuns s’autorisent.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe démocrate européen* – Les représentants, dont je faisais partie, qui ont eu le privilège de prendre part aux missions d’observation des élections législatives en octobre 2012, puis de l’élection présidentielle, ont considéré qu’il s’agissait d’élections libres et démocratiques. Nous sommes repartis emplis d’espoir, considérant que la Géorgie fournissait un exemple remarquable d’un pays engagé sur la voie de la démocratie. Un mois après les élections législatives, une transition équitable et démocratique a eu lieu, suivie d’une autre transition à l’occasion de l’élection présidentielle.

Mais ce rêve ne s’est-il pas transformé en cauchemar? En effet, après un bref mandat, M. Ivanichvili exerce de fait le pouvoir sans avoir officiellement aucune responsabilité et les ministres en place le consultent fréquemment. Le pays est à l’image d’une entreprise. Or, remporter une élection n’est pas remporter l’offre d’achat d’une entreprise.

Aujourd’hui, l’opposition n’est pas tolérée. Quels que soient les errements de l’administration précédente – et il y en a certainement eu –, on ne saurait excuser l’élimination d’opposants politiques. La Géorgie a passé un contrat d’association avec l’Union européenne et les conditions de cet accord doivent être respectées. Il serait anormal que l’Union européenne prenne une position plus ferme que celle adoptée par le Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme.

Le rapport que nous étudions aujourd’hui a été méticuleusement préparé, mais il n’est pas adéquat car la commission de suivi a accepté, à une écrasante majorité, un grand nombre d’amendements. Je regrette d’ailleurs que M. Jensen n’ait pu être présent pour entendre les arguments avancés.

J’espère qu’à la suite de la commission de suivi, l’Assemblée tout entière acceptera à son tour ces amendements pour donner un certain mordant à ce rapport!

Mme MATEU PI (Andorre), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – Au nom de l’ALDE, je félicite les corapporteurs pour leur travail sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Géorgie.

Lundi après-midi, j’ai pu apercevoir Ioulia Timochenko dans les couloirs de notre Assemblée. Elle était détendue et heureuse de pouvoir s’entretenir tranquillement, sans crainte, avec certains d’entre nous – cette même Iulia, ancienne Première ministre de l’Ukraine, qui a fait l’objet, après son arrestation en Ukraine en 2010, de nombreux rapports et débats au sein de notre Assemblée ou dans divers forums.

Rappelons-nous les propos du président Ianoukovitch lorsqu’il a procédé, dès son arrivée au pouvoir en 2010, aux vagues d’arrestations de l’opposition en Ukraine: «Personne n’est au-dessus des lois!». Quatre ans plus tard, ces propos nous apparaissent comme des prétextes. Aujourd’hui, des proclamations similaires, quasiment calquées sur les premières, sortant de la bouche des autorités géorgiennes au pouvoir au sujet de la liste d’accusés de l’ancienne majorité UNM qu’ils ont établie. Sans émettre de jugement, il faudrait y prêter attention.

À mon sens, cette réalité, devrait occuper un peu plus de place dans ce rapport, par ailleurs juste et complet. Chers collègues, ces derniers mois, le Département d’Etat des Etats-Unis, le Service d’action extérieure de l’Union européenne et certains de nos Etats membres se sont émus de cette vague de mandats d’arrêt d’anciens responsables politiques géorgiens. Notre institution, quant à elle, s’est montrée plutôt discrète. Or le fonctionnement démocratique des institutions ne peut être une réalité et s’ancrer dans la vie politique et institutionnelle d’un pays que si ce dernier écarte tout désir de revanche.

Le rapport souligne que les procès en cours à l’encontre de l’équipe gouvernementale doivent être conduits avec impartialité. Nous nous félicitons de ces propos, mais sans doute eût-il mieux valu que les autorités géorgiennes mènent leur politique dans un autre esprit, sans regarder dans le rétroviseur. En ce sens, nous soutenons les corapporteurs qui font montre de prudence malgré l’annonce des autorités géorgiennes d’amorcer des réformes constitutionnelles et judiciaires d’envergure.

Tout en restants prudents, nous voulons croire que les autorités géorgiennes agiront pour la consolidation de l’Etat de droit, sur la base d’une séparation réelle des pouvoirs. Le futur démocratique et prospère de la Géorgie passe par une vision d’avenir, de confiance, constructive et positive.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je remercie les corapporteurs pour leur travail.

Depuis son indépendance, la Géorgie a connu une histoire complexe. C’est certain, cela n’a pas été un conte de fées. Elle a connu des révolutions, des sécessions, des guerres, dont les Géorgiens souffrent encore. Ce pays est indépendant depuis peu, c’est un pays magnifique, mais à l’histoire tourmentée.

Il y a de bonnes et de mauvaises nouvelles. La bonne, c’est que des institutions démocratiques fonctionnent même si de graves questions se posent qu’il faudra prendre en compte et qui sont mentionnées dans le rapport. Tous ceux qui étaient liés à l’ancien gouvernement sont critiqués. Je comprends que les nouveaux arrivants chargent la barque des sortants et qu’ils souhaitent mettre l’accent sur leur bilan positif. Mais le Groupe pour la gauche unitaire européenne voudrait lancer un avertissement aux uns et aux autres. Du temps de M. Saakachvili, malgré les promesses, tout ne s’est pas bien passé. Il y a un nouveau parlement, un nouveau gouvernement, un nouveau président qui ont décrété que tout allait changer, que les carences relevaient du passé et qu’un coup de fouet serait donné aux réformes démocratiques.

Je suis d’accord avec Sir Roger Gale: la Géorgie n’est pas encore une démocratie parfaite. Comment pourrait-elle l’être après une existence si courte? Veillons toutefois à ne pas tolérer la répétition des erreurs du passé ou de nouvelles erreurs.

Le fait qu’un ancien dirigeant soit en prison n’est pas normal: il devrait aujourd’hui siéger sur les bancs de l’opposition, à moins, évidemment, d’avoir commis des délits dûment établis. Toutefois, est-il normal que la liste des anciens responsables politiques en prison soit aussi longue?

La démocratie est un processus long et difficile. Je comprends les difficultés que rencontre la Géorgie pour devenir une démocratie adulte, mûre. Mais quelle que soit notre compréhension, nous ne pouvons pas nous voiler la face, c’est pourquoi nous formulons les critiques qui s’imposent.

M. RECORDON (Suisse), porte-parole du Groupe socialiste – Je tiens à mon tour à rendre hommage aux rapporteurs qui n’étaient pas trop de deux pour une tâche aussi difficile. Alors qu’ils ont accompli un travail sérieux, aujourd’hui, au nom du groupe auquel j’appartiens, je vous avoue mon inquiétude, voire une certaine tristesse – le mot a déjà été prononcé.

Je le fais à un double titre. Après avoir participé à la mission d’observation électorale en Géorgie il y a une année, j’étais reparti, comme l’a souligné Sir Gale, avec une fort bonne impression. J’avais le sentiment que l’opposition avait accepté sa défaite avec dignité. Je m’étais rendu après les élections au quartier général avec mon collègue, M. Mariani: pour tous les observateurs qui avaient suivi plusieurs élections, de grands progrès avaient été réalisés.

Peut-être, comme l’a souligné Sir Roger Gale, ceux-ci sont-ils aujourd’hui remis en question. Il y a beaucoup de «peut-être» dans les interventions de ce matin. J’ai l’impression que bon nombre d’entre nous dans cette Assemblée se sont emballés et ont travaillé à la petite semaine en se laissant guider par des faits non établis. Or si une chose est nécessaire au maintien de la dignité et de la crédibilité de cette assemblée, mes chers collègues, c’est de travailler sur des faits rigoureusement établis, ce que nos rapporteurs ont clairement cherché et réussi à faire.

Aujourd’hui, les résultats des votes sur certains amendements cruciaux pourraient sérieusement porter atteinte à la manière dont notre Assemblée est considérée. Il faudra alors se montrer très prudent pour décider si nous pouvons encore approuver ce rapport après qu’il aura été, le cas échéant, amendé, ou si nous devons trouver une voie plus digne.

Mme BESELIA (Géorgie)* – La priorité essentielle du Gouvernement géorgien est la protection des droits de l’homme. La justice est désormais libre de toute influence du pouvoir politique. Le nouveau gouvernement a lancé des enquêtes sur des cas de meurtres, de traitements inhumains ou de tortures. Nul ne saurait être au-dessus des lois, qu’il s’agisse du président Saakachvili ou de M. Akhalaïa. Tous les citoyens sont égaux devant la loi. Le fait de mentionner des noms est contraire au principe qui interdit de s’ingérer dans les décisions d’un tribunal. Dans le cas de M. Akhalaïa, les règles concernant la détention n’ont pas été violées. Le président Saakachvili l’avait gracié à la fin de son mandat présidentiel. Mais d’autres crimes ont été commis par M. Akhalaïa: il a été accusé dans les affaires Girvliani et Tetradze ainsi que dans une affaire de quadruple meurtre. Ce sont là des accusations très graves. Une procédure judiciaire a été ouverte pour certaines de ces affaires: comment l’Assemblée peut-elle inscrire son nom dans le projet de résolution? Cela ne pourrait-il pas être considéré comme une pression exercée sur un tribunal indépendant?

Il n’y a pas de persécution politique en Géorgie, contrairement à ce qui se passait sous le président Saakachvili. Le nouveau gouvernement a annoncé une amnistie et libéré les prisonniers politiques. Aujourd’hui les audiences des tribunaux sont publiques, transparentes et couvertes par les médias. De plus, le président de la Cour suprême est le frère de l’un des chefs du parti d’opposition. Nous poursuivons les réformes visant à protéger les droits de l’homme.

J’en appelle à l’Assemblée afin qu’elle ne mentionne pas nommément des personnes dans la résolution. Aucun citoyen ne saurait être au-dessus des lois: c’est un principe général que nous devons respecter car il garantit l’égalité de tous devant la loi.

Les résolutions de l’Assemblée doivent viser à protéger chaque homme et la société et non servir un groupe politique, quel qu’il soit.

M. MIGNON (France) – La Géorgie est un grand et beau pays, qui a une histoire passionnante. Elle a vécu au cours des dernières années des événements importants, en premier lieu la guerre de 2008, que l’Assemblée parlementaire a déjà évoquée – je me contenterai de rappeler ces territoires que sont l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud et des déplacements discutables de populations. En 2012, la Géorgie a connu une première alternance politique avec la victoire de l’opposition aux élections législatives, laquelle a entraîné une cohabitation difficile entre le président Saakachvili et le premier ministre Ivanichvili avant une nouvelle élection présidentielle. Je tiens à rappeler que ce sont le président Saakachvili et l’ancienne majorité qui ont porté sur les fonts baptismaux les réformes que salue le rapport. Le président Saakachvili était arrivé au bout de son mandat et ne pouvait pas se représenter – s’il l’avait fait, il n’aurait pas été réélu.

J’ai fait dans ce pays, Madame la Présidente, plusieurs voyages officiels lorsque j’occupais vos fonctions. La justice ne doit plus y être bafouée ou sélective. Nous ne pouvons pas l’admettre. Les critères et les règles du Conseil de l’Europe s’appliquent à tous les pays, y compris le mien. La Commission de Venise, quant à elle, réalise un travail excellent et dit le droit en cas de doute.

Je suis inquiet de voir mettre systématiquement en détention provisoire d’anciens dirigeants, comme c’est le cas de l’ancien premier ministre et ministre de l’Intérieur, qui n’a pas pu se présenter aux dernières élections législatives, ce qui est pour le moins gênant! J’imagine la situation si cela s’était passé dans votre pays, Madame la Présidente, ou le mien. Cela n’aurait pas été tout seul. C’est inadmissible.

Le Conseil de l’Europe est là pour aider la Géorgie. Il faut arrêter d’emprisonner systématiquement les anciens dirigeants en cas d’alternance. L’esprit de revanche, ce n’est pas la démocratie! Il faut rompre avec ce type de comportement.

Inspirez-vous de Nelson Mandela: en Afrique du Sud, il a fait table rase du passé, il a construit quelque chose de nouveau, y compris avec ceux qui l’avaient jeté en prison. L’exemple de l’Afrique du Sud doit s’appliquer ailleurs.

J’aime la Géorgie, j’aime ce beau pays. Nous sommes prêts à l’aider à construire son avenir.

Mme MAGRADZE (Géorgie)* – Je voudrais remercier les corapporteurs pour leur jugement plutôt positif sur la démocratisation dans mon pays.

Depuis 2012, le nouveau gouvernement a mené un train de réformes ambitieux pour renforcer les institutions démocratiques du pays. Les élections de 2012 n’ont pas été parfaites mais la transition a été pacifique, sans heurts. La cohabitation entre le président Saakachvili et le Rêve géorgien n’a pas été facile, mais elle a tout de même démontré que le système politique géorgien était mûr. Mon pays n’a pas été paralysé, et des lois importantes ont même été adoptées de conserve par la majorité et l’opposition.

Depuis, la situation a évolué et il faut reconnaître que les autorités actuelles ont essayé de dépolariser le climat, en prévoyant notamment une amnistie pour la plupart des fonctionnaires membres de l’administration sortante. Mais il y a tout de même eu 20 000 plaintes de citoyens contre l’ancienne administration et des enquêtes doivent être diligentées pour les crimes et délits les plus graves qui ont été dénoncés. Trente-cinq personnes font l’objet d’enquêtes, ce qui est tout à fait normal. Il s’agit de procès sensibles et l’opposition ne cesse de hurler qu’il s’agit de procès politiques. Le gouvernement fait donc tout pour que les choses soient transparentes: les salles d’audience sont ouvertes, les journalistes peuvent faire leur travail, y compris la presse internationale.

Ces derniers mois, se sont tenues des élections locales qui, elles aussi, ont été jugées libres, indépendantes, conformes aux normes européennes.

Des réformes sont intervenues en matière de justice, conformes aux préconisations de la Commission de Venise. Les détentions provisoires sont de moins en moins nombreuses, par exemple – de 42 % en 2012, elles sont passées à 20 % aujourd’hui – et, l’an dernier, notre parlement a adopté à l’unanimité un nouveau code de procédure visant à réduire les peines et les périodes privatives de liberté.

Le nouveau gouvernement a aussi adopté de nouvelles lois afin d’éviter des enregistrements illégaux de données personnelles. Des lois réforment également les médias. Une nouvelle législation antidiscrimination a été adoptée et une stratégie développée en matière de droits de l’homme.

Bien entendu, il reste toujours des problèmes à régler dans une jeune démocratie comme la Géorgie, et nous avons besoin de votre aide. La résolution de l’Assemblée devrait encourager le Gouvernement géorgien à poursuivre sur la voie de la démocratie et permettre d’améliorer encore la démocratisation de notre pays.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Je tiens tout d’abord à souligner que les amendements adoptés par la commission de suivi l’ont été à une écrasante majorité, de 23 voix contre 3. Ne pas les adopter dans cet hémicycle serait tout à fait inapproprié et équivaudrait à un manque de respect vis-à-vis de l’avis des membres de la commission.

Il y a deux ans au jour près, la Géorgie connaissait un changement historique puisque c’était la première fois qu’intervenait un changement de gouvernement. Bien que ce fût une défaite pour mon parti, nous le considérons comme un succès, car nous avons voulu construire un système permettant une alternance, sans stigmatisation. Si vous construisez une démocratie, vient un jour où vous devez quitter le pouvoir. Le gouvernement de l’oligarque Ivanichvili, qui a fait sa fortune en Russie, était obsédé par la question des rétributions politiques. Mais nous ne pouvons pas laisser la démocratie reculer sous nos yeux. Les traditions démocratiques sont encore trop faibles; il faut que les gouvernants apprennent à perdre un jour le pouvoir.

Nous avons cité les succès de la Géorgie, mais il faut bien voir qu’à l’heure actuelle, lorsque l’on perd, on se retrouve en prison. Ce n’est pas un exemple très brillant de démocratie! Dans le projet de résolution, il est dit que pratiquement tous les dirigeants du MNU sont emprisonnés ou font l’objet de poursuites. Les corapporteurs ne peuvent en citer un seul qui ne soit pas en prison ou poursuivi car, en fait, il n’y en a pas. C’est assez révélateur.

Par ailleurs, la plupart d’entre eux sont en détention provisoire. Ils n’ont pas encore été jugés coupables. C’est notamment le cas de l’ancien maire qui s’est retrouvé en prison juste avant les élections parce que les oligarques ne voulaient pas qu’il soit candidat. Ce sont eux qui contrôlent le gouvernement. Ivanichvili reprend le rôle du président Ianoukovitch. Rappelez-vous: lorsque celui-ci poursuivait ses opposants, il disait que l’on ne pouvait pas s’ingérer dans les décisions du tribunal. C’était, prétendait-il, l’Etat de droit! Mais en fait, cela a eu des conséquences désastreuses.

Nous ne voulons pas que la Géorgie implose, nous voulons que l’opposition soit respectée. Nous sommes une opposition loyale à l’égard de l’Etat et respectueuse de la Constitution. Je vous demande donc de nous aider à être en concurrence loyale en adoptant les amendements qui ont été approuvés par la commission de suivi et qui aideront la Géorgie à éviter tout recul, tout dérapage démocratique.

M. HOVHANNISYAN (Arménie)* – Chers collègues, les corapporteurs ont fait un travail détaillé et sérieux, reprenant toute l’évolution du pays. J’en retiens surtout qu’une transition pacifique a eu lieu. Car c’est bien là le problème de tous les pays post-soviétiques, en particulier dans le Caucase. La Géorgie est le seul pays à l’avoir réussi. Par conséquent, tout ce qui est susceptible de le remettre en cause doit être vertement critiqué par les instances européennes. Il ne faut pas mâcher ses mots ni se voiler la face.

Dans les démocraties en transition se pose le problème récurrent du contrôle des médias qui donne une image biaisée du pluralisme. Autre phénomène récurrent, celui des poursuites engagées contre les sortants. Si l’on arrivait à éviter de s’engager dans cette voie, ce serait déjà une bonne base pour de futures alternances pacifiques.

Bien entendu, si des actes délictueux ont été commis, ils doivent être punis. Mais il faut pour cela une justice indépendante, et il convient d’établir la distinction entre des poursuites légitimes et des poursuites politiquement motivées. En l’occurrence, cela pose des problèmes. On dit qu’une commission spéciale a été instaurée pour examiner les problèmes antérieurs et que l’on cesserait de faire pression sur ceux qui ont été soumis à des chantages. Il s’agit de réminiscences de l’ère soviétique qui doivent être évidemment éliminées. Ce passé est pesant et il faut bien régler les cas les plus douloureux.

En Géorgie, malheureusement, beaucoup reste à faire aussi pour lutter contre les discriminations qui touchent certaines minorités ou certains groupes.

Cela dit, plus généralement, se pose la question de la situation et de l’intégration des pays du Caucase. Pour y parvenir, il faudrait au moins rouvrir la ligne de chemin de fer reliant l’Abkhazie, la Géorgie et l’Arménie. Cela donnerait un coup de fouet à l’économie et apporterait la prospérité à ces pays. Ce serait un bon signe.

Donc, essayons de reprendre le problème à la base et, cette fois, de trouver une véritable solution.

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie) – Avec l’alternance de 2012, de nombreux Géorgiens espéraient des changements positifs pour le pays. Malheureusement, deux ans après, la majorité des leaders de l’opposition pro-européenne et des membres du gouvernement précédent sont emprisonnés ou menacés de poursuites criminelles.

Ce sont notamment: l’ancien président de la Géorgie, l’ancien premier ministre et ministre de l’Intérieur, deux anciens ministres de la Défense, l’ancien maire de Tbilissi, l’ancien ministre de la Justice, l’ancien ministre de la Santé et l’ancien ambassadeur au Conseil de l’Europe, l’ancien président du parlement, l’ancien secrétaire du Conseil national de sécurité.

L’Union Européenne et d’autres organisations internationales ont dénoncé le recours excessif à la détention provisoire dans des cas impliquant les leaders politiques. Comme par hasard, les arrestations suivent le rythme du calendrier politique, en particulier celui des élections présidentielles et locales.

Quels que soient les griefs portés contre les leaders de l’opposition, dans la plupart des cas, les accusations se basent uniquement sur des interrogations de témoins, souvent les mêmes personnes, qu’il s’agisse des dossiers criminels ou politiques.

Les témoins qui soutiennent la position des procureurs sont immédiatement acquittés, même s’ils ont eux-mêmes été accusés de complicité. En outre, en échange de leur témoignage, ils reçoivent des promotions extraordinaires dans la fonction publique.

Deux témoins clés dans des affaires impliquant d’anciens hauts fonctionnaires ont été retrouvés morts à leur domicile : Shalva Tatukhachvili, 33 ans et Alexandre Danelia, 38 ans. Dans les deux cas, le ministère de l’Intérieur a classé les affaires comme des suicides! A ceux qui dénoncent la torture et la pression subies par les témoins, le gouvernement répond que leurs accusations ne sont pas sérieuses et n’ouvrent pas d’enquêtes.

Le gouvernement considère que les organisations internationales ne doivent pas se mêler des affaires souveraines de la Géorgie et que les lois géorgiennes doivent être respectées pas tous. Difficile de ne pas constater la similitude de l’argumentaire de Ianoukovitch avec celui de Poutine!

La situation est grave, bien plus qu’on ne le croit. Je suis persuadée que c’est dès maintenant que vous devez lever vos voix et dénoncer les pratiques anti-démocratiques en cours en Géorgie. Il faut adopter les amendements qui ont été déposés. Vous devez persuader les autorités géorgiennes que la vengeance et la persécution de l’opposition ne conduiront pas le pays sur le chemin de la prospérité.

LE PRÉSIDENT – Mme Giannakaki et M. Zingeris, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

M. ARIEV (Ukraine)* – Depuis la Révolution des roses, en 2003, la Géorgie est considérée comme un exemple dans le monde. Dans ce pays corrompu, où les criminels étaient respectés, des réformes ambitieuses ont été conduites sous la direction du président Saakachvili et de son gouvernement. La Russie, fort contrariée, a envahi la Géorgie et occupé l’Abkhazie et l’Ossétie du sud. Après la guerre, des agents russes se sont employés à déstabiliser le gouvernement qui, malgré les événements, poursuivait les réformes. Des élections démocratiques ont été organisées, sur la base d’une constitution réformée. L’opposition l’a emporté. On ne pouvait que saluer cette nouvelle étape dans le processus de démocratisation.

Malheureusement, le nouveau gouvernement a porté de graves coups à la démocratie, poursuivant de sa vindicte les membres de l’ancienne équipe gouvernementale. Aujourd’hui, tous les leaders du principal parti de l’opposition, le MNU, sont emprisonnés ou en fuite. Même Saakachvili a été condamné par contumace. L’ancien premier ministre et l’ancien maire de Tbilissi sont également menacés. Qu’est-ce d’autre sinon une justice sélective? Nous sommes dans une situation comparable à celle de l’Ukraine avant la Révolution orange.

Si nous devons tirer une leçon de ces événements, c’est bien que tout recul de la démocratie profite à la Russie. Il suffit pour s’en convaincre de penser à l’Ukraine. L’Assemblée parlementaire ne peut passer sous silence la répression des opposants au régime en Géorgie. C’est pourquoi nous devons approuver les amendements de Mme de Pourbaix-Lundin et de M. Omtzigt. Nous ne pouvons pas nous taire quand des droits fondamentaux sont violés. Aidons la Géorgie à poursuivre la voie de la démocratie et des réformes. Je m’adresse à nos amis géorgiens: luttez sur le terrain politique mais ne détournez pas le code pénal. A long terme, tout le monde y perdra.

M. DİŞLİ (Turquie)* – Je voudrais féliciter les deux corapporteurs pour leur rapport objectif et équilibré. Le rapprochement de la Géorgie avec l’Union européenne et les structures atlantiques facilitera sa transition démocratique. Le gouvernement actuel poursuit les réformes afin de renforcer les institutions démocratiques. En ce qui concerne le rapatriement des Turcs Meskhètes, l’Assemblée doit suivre attentivement la situation et fournir un soutien concret au gouvernement géorgien afin d’accélérer le processus. Les autorités doivent supprimer le délai de deux ans actuellement en vigueur pour obtenir la nationalité après rapatriement.

La situation de la communauté des Turcs Ahiskas d’Ukraine mérite également notre attention dans le contexte de la crise actuelle. Cette communauté de 8 500 personnes a exprimé le souhait de revenir en Géorgie.

Quant à la communauté musulmane de Géorgie, elle demande à pouvoir s’exprimer librement et à pratiquer sa religion sans obstacle. Elle doit bien entendu être entendue.

J’espère que ce rapport contribuera à soutenir les efforts déployés par la Géorgie dans son processus de réforme et l’aidera à consolider encore davantage ses institutions.

M. XUCLÀ (Espagne)* – Je me félicite, mes chers collègues, de la présentation de ce rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Géorgie. L’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe compte parmi ses membres des parlementaires géorgiens de la majorité et de l’opposition. Les débats au sein du groupe s’en trouvent enrichis.

La réduction de la période de détention provisoire constitue un pas important en Géorgie. Après la réforme législative de cet été, cette période est passée de 90 à 15 jours.

Peut-être certains membres de la majorité auraient-ils souhaité que cette durée soit plus courte, mais il s’agit d’un progrès incontestable que nous devons noter.

Un dernier aspect, plutôt politique que juridique: à propos de la Géorgie comme d’autres pays, n’oublions pas que la démocratie, c’est l’alternance, qui implique le respect des normes applicables aux majorités et aux minorités. Or, dans certains pays que je ne veux pas nommer, les changements de gouvernement entraînent une modification quasi totale des structures politiques, celles-là mêmes qui permettent de créer la confiance. Nous devons le leur dire clairement dans le cadre des processus de suivi auxquels nous procédons en toute amitié mais avec une grande fermeté: un changement de majorité, ce n’est pas un changement de régime. Les institutions restent les mêmes et il faut continuer de les respecter. C’est une preuve de maturité démocratique que d’être capable de vivre l’alternance sans grands bouleversements ni controverses entre la majorité et la minorité.

Mme PAKOSTA (Estonie)* – Nos deux débats du jour, sur la Géorgie et l’Ukraine, sont étroitement liés. En effet, on peut considérer que la situation actuelle de l’Ukraine est la conséquence directe de notre inaction en Géorgie en 2008 et depuis. Si nous n’en tirons pas les leçons, si nous remettons des œillères, rien ne dit que dans un avenir proche nous ne discuterons pas ici de l’annexion de l’Abkhazie par la Russie ou d’une autre attaque du territoire géorgien souverain.

Je félicite les corapporteurs pour leur présentation exhaustive des événements survenus en Géorgie, mais je regrette que le rapport et le projet de résolution passent totalement sous silence deux problèmes essentiels.

D’abord l’intégrité territoriale de l’Etat géorgien, condition indispensable de toute évolution démocratique dans ce petit pays du Caucase. Ni le rapport ni le projet de résolution ne disent un mot de notre reconnaissance de l’intégrité territoriale de la Géorgie, laissant entièrement de côté la Résolution 1683 (2009) de l’Assemblée parlementaire, «La guerre entre la Géorgie et la Russie: un an après», qui chargeait clairement la commission de suivi de «contrôler les suites données par la Géorgie et la Russie aux demandes de l’Assemblée et […] proposer à l’Assemblée toute nouvelle mesure à prendre si la situation l’exige, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre du paragraphe 12 de la présente résolution».

Tout ce que l’on peut lire dans le maigre paragraphe que le présent rapport consacre au sujet, c’est qu’«aucun développement important n’est intervenu» depuis la visite des corapporteurs en mai 2013. Faut-il être aveugle pour ne pas s’apercevoir que la situation sécuritaire en Europe a entièrement changé depuis l’automne 2013! Dans ce contexte, il est plus important que jamais de parler des conséquences de 2008! Il est regrettable que cette noble Assemblée préfère garder le silence.

Il est évidemment tout aussi important d’aborder l’évolution interne. Or, malheureusement, on observe aujourd’hui en Géorgie ce dont nous avons été témoins en Ukraine pendant des années –opposants politiques opprimés, simulacres de réforme. Nous devons sans aucun doute soutenir clairement la démocratie multipartiste en Géorgie. Mais nous devons aussi nous préoccuper des enquêtes et des accusations de crime qui ne cessent de viser des membres de l’opposition. L’évolution démocratique en Géorgie suppose le respect du pluralisme politique et de la liberté de débattre. Aucune poursuite ni répression de l’opposition pour des raisons politiques ne doit être tolérée.

Il est dommage que le rapport ne décrive pas bien ce qui se passe en Géorgie, en particulier la régression démocratique. Nous savons tous que la Géorgie n’est pas encore une démocratie adulte. En 2008, nombre d’entre nous ont vu dans le jeune gouvernement géorgien, peut-être prématurément, un phare pour la démocratie. Tout en restant fermes, évitons de fermer la porte à l’entrée du pays dans l’Union européenne ou dans l’OTAN, et laissons-lui entrevoir la fin de notre propre procédure de suivi.

M. CHIKOVANI (Géorgie)* – Je m’associe bien entendu à mes collègues pour remercier les corapporteurs.

Nous fêtons aujourd’hui un important anniversaire: il y a deux ans, la Géorgie a connu une alternance politique dans des conditions pacifiques. Nous en sommes très reconnaissants à la population. Nous savons que notre pays est engagé dans un processus irréversible par lequel la volonté du peuple se traduit dans la vie quotidienne du pays. Certes, nous sommes conscients des défis auxquels nous sommes confrontés et du fait qu’un pays ne devient pas démocratique en un jour: il y aura des obstacles, que l’on dressera devant nous par des moyens politiques, dont la désinformation ou l’inexactitude de l’information.

Mais l’essentiel est aujourd’hui que cette maison décide de soutenir notre pays dans le processus de transition démocratique. L’Assemblée parlementaire ne doit pas entrer dans des débats politiques locaux, ni prendre parti pour tel ou tel courant politique. Je ne me réjouis évidemment pas qu’un ancien président et que d’anciens membres de l’exécutif soient accusés. Ce qui arrive est difficile à expliquer à des pays plus développés. Mais il s’agit de notre héritage. Il est arrivé que certains pays ou organes européens ne voient pas ce qui était en train de se passer.

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, le message des Géorgiens est clair. Il n’y a jamais eu en Géorgie de gouvernement plus ouvert que le gouvernement actuel. Les corapporteurs peuvent en témoigner. Ne versons pas dans un débat où un parti politique tente de se venger de ceux qui, en s’unissant, ont su parvenir au pouvoir. Le problème n’est pas que la Géorgie soit pro-russe ou pro-européenne. La Géorgie va vers son avenir européen, c’est irréversible; le Gouvernement s’est engagé sur cette voie et continuera de conduire les réformes.

Nous n’avons pas peur des obstacles. Nous avons vécu les neuf ans de pouvoir de Saakachvili. Nous devons maintenant nous battre pour une Géorgie plus développée et plus démocratique; nous y sommes prêts. Mais de grâce, ne tenons pas dans cette enceinte un débat qui n’a de sens que sur le terrain. Les élections se gagnent dans le cœur des Géorgiens, pas au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

LA PRÉSIDENTE* - La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

M. CILEVIČS (Lettonie), corapporteur* – Je serai rapide. Certains disent: ils sont en prison parce qu’ils sont dans l’opposition. Je ne suis pas du tout d’accord. Il y a eu, nous le savons très bien, des situations très problématiques, des scandales, des allégations graves qui doivent donner lieu à des enquêtes. La justice dira qui est coupable et qui ne l’est pas.

Je ne demande pas à nos amis Géorgiens de ne pas poursuivre telle personne parce que c’est un ancien ministre. J’estime que toutes les procédures doivent être pleinement conformes à nos règles garantissant des procès équitables et respectant les droits de l’homme. C’est tout. Dans notre projet de résolution nous dénonçons les insuffisances, les manquements que nous avons constatés.

Je suis convaincu qu’il y a plus de points communs que de points de désaccord entre les sortants et la nouvelle coalition. Je suis certain que la majorité des dirigeants et des responsables politiques géorgiens est constituée d’Européens convaincus. La polarisation est nuisible. Je souhaite qu’à celle-ci succède une concurrence politique normale. Ce jour-là, la Géorgie aura vraiment franchi un cap. Nous voulons l’aider à surmonter cette polarisation. Ce n’est pas avec des amendements que certains vont gagner quelque chose. Ils pourront ponctuellement être satisfaits. Mais pour les corapporteurs de nombreux amendements sont inacceptables.

M. JENSEN (Danemark), corapporteur* – Merci pour tous vos commentaires mais aussi pour vos questions. Le chronomètre tourne, je n’ai pas le temps de m’étendre, mais je veux quand même répondre à Peter Omtzigt qui s’est interrogé sur le sort des territoires occupés. Dans l’addendum au rapport nous constatons simplement qu’il n’y a pas d’amélioration. On nous a d’ailleurs empêchés d’entrer dans les zones occupées, ce qui est totalement inacceptable. Nous l’avons dit et redit.

Nous avons aussi répété que l’attitude de la partie russe était contestable. Il y a énormément de comportements inacceptables au sein de cette Organisation. Je le dis aussi parce que je suis épouvanté par ce que vient de déclarer Mme Pakosta qui a attaqué les corapporteurs, leur reprochant de ne pas avoir dit un mot sur l’agression russe. C’est une accusation épouvantable totalement dénuée de fondement, chère collègue. Apparemment, vous n’avez pas du tout suivi nos travaux ces dernières années. Franchement, je ne comprends pas que vous puissiez proférer de telles contrevérités.

Nous avons très souvent dit ce que nous pensions des Russes. Personnellement, j’ai même déposé des projets de résolution pour que les pouvoirs des Russes soient suspendus. Ces textes ont été approuvés ici. Il ne faut pas nous soupçonner de taire ce qu’on fait les Russes. Je ne comprends pas comment vous pouvez dire des choses pareilles. Traitons le problème comme il doit l’être. N’essayez pas, chère collègue, de marquer des points à bon compte.

En Géorgie la polarisation englobe toute la vie du pays. Les corapporteurs ont essayé de parvenir à des conclusions équilibrées, franches, à des constats équilibrés et à des propositions raisonnables de mesures à prendre. Nous préconisons le rejet de certains amendements. S’ils sont adoptés, ils dénatureront le rapport qui deviendra partisan et indigne du Conseil de l’Europe. Nous en reparlerons au moment du vote.

LA PRÉSIDENTE* - Nous suspendons le débat sur ce rapport, que nous reprendrons en début d’après-midi.

4. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 h 5.

SOMMAIRE

1. Modifications dans la composition des commissions

2. Les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2013-2014

Intervention de M. Gurría, Secrétaire général de l’OCDE

Orateurs: Lord Prescott, MM. Sasi, D. Davies, Pasquier, Elzinga, Beneyto, Miyazawa, Mendes Bota, Heer, Lee, Van der Maelen, Mme Zimmermann, MM. Dişli, Hanson, Larios Córdova, Zingeris, Mme Antilla, M. Lorenzini Basso, Mme Quintanilla

Réponse de M. le Secrétaire général de l’OCDE

3. Le fonctionnement des institutions démocratiques en Géorgie

Présentation par MM. Jensen et Cilevičs du rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (Doc. 13588 et Addendum)

Orateurs: M. Omtzigt, Sir Roger Gale, Mme Mateu Pi, MM. Kox, Recordon, Mme Beselia, M. Mignon, Mmes Magradze, Kandelaki, M. Hovhannisyan, Mme Taktakishvili, MM. Ariev, Dişli, Xuclà, Mme Pakosta, M. Chikovani

Réponses de MM. les corapporteurs

4. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 11.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d’un astérisque

AGRAMUNT Pedro

ALEKSANDROV Alexey Ivanovich*

ALLAIN Brigitte*

ALLAVENA Jean-Charles

AMON Werner/MAYER Edgar

AMTSBERG Luise*

ANDERSEN Liv Holm*

ANDERSON Donald

ANDREOLI Paride

ARIB Khadija/ELZINGA Tuur

ARIEV Volodymyr

BACQUELAINE Daniel*

BAĞIŞ Egemen*

BAKOYANNIS Theodora*

BAKRADZE David/ Giorgi Kandelaki

BALLA Taulant*

BAPT Gérard*

BARCIA DUEDRA Gerard/ Bonet Perot Sílvia Eloïsa

BARNETT Doris*

BARREIRO José Manuel*

BAYKAL Deniz

BECK Marieluise/Groth Annette

BENEŠIK Ondřej*

BENEYTO José María

BERDZENISHVILI Levan/ Beselia Eka

BERGAMINI Deborah/Galati Giuseppe

BERISHA Sali/BYLYKBASHI Oerd

BERNINI Anna Maria*

BERTUZZI Maria Teresa*

BIEDROŃ Robert*

BİLGEHAN Gülsün

BINLEY Brian

BLAHA Ľuboš/Gabániová Darina

BLANCHART Philippe

BLANCO Delia/Quintanilla Carmen

BOCKEL Jean-Marie*

BOCQUET Eric*

BOJANIĆ Mladen /Jonica Snežana

BORZOVA Olga*

BOSIĆ Mladen*

BRAGA António*

BRASSEUR Anne/Oberweis Marcel

BRATTI Alessandro*

BÜCHEL Gerold/Gopp Rainer

BUGNON André/Recordon Luc

BURYKINA Natalia*

CATALFO Nunzia*

CEDERBRATT Mikael*

CENTEMERO Elena*

CHIKOVANI Irakli

CHITI Vannino*

CHIUARIU Tudor-Alexandru/ Badea Viorel Riceard

CHOPE Christopher*

CHRISTOFFERSEN Lise

CHUKOLOV Desislav*

ČIGĀNE Lolita*

CILEVIČS Boriss

CIOCH Henryk

CLAPPISON James

CONDE Agustín

CORREIA Telmo*

CORSINI Paolo

COSTA NEVES Carlos

COSTANTINO Celeste*

CROSIO Jonny

CRUCHTEN Yves

CSENGER-ZALÁN Zsolt*

CSÖBÖR Katalin*

DAMYANOVA Milena*

DEBONO GRECH Joseph

DECKER Armand/ Maelen Dirk

DENEMEÇ Reha

DESEYN Roel

DI STEFANO Manlio

DÍAZ TEJERA Arcadio*

DIJK Peter

DİŞLİ Şaban

DJUROVIĆ Aleksandra

DRAGASAKIS Ioannis/ Katrivanou Vasiliki

DRĂGHICI Damian*

DROBINSKI-WEIß Elvira/ Rawert Mechthild

DUMERY Daphné*

DUNDEE Alexander*

DURRIEU Josette*

DZURINDA Mikuláš*

ECCLES Diana

ERKAL KARA Tülin

EßL Franz Leonhard

FABRITIUS Bernd*

FENECH ADAMI Joseph*

FENECHIU Cătălin Daniel

FETISOV Vyacheslav*

FIALA Doris/VORUZ Eric

FILIPIOVÁ Daniela

FINCKH-KRÄMER Ute

FISCHER Axel E.

FLEGO Gvozden Srećko

FOURNIER Bernard*

FRANKEN Hans

FRÉCON Jean-Claude*

FRESKO-ROLFO Béatrice*

FRONC Martin

GALE Roger

GAMBARO Adele

GARÐARSSON Karl

GERASIMOVA Nadezda*

GHILETCHI Valeriu

GIRO Francesco Maria

GOGA Pavol*

GÓRCZYŃSKI Jarosław*

GORGHIU Alina Ştefania*

GORYACHEVA Svetlana*

GOZI Sandro*

GRAAF Fred/Omtzigt Pieter

GROOTE Patrick*

GROSS Andreas

GROZDANOVA Dzhema*

GÜLPINAR Mehmet Kasim

GULYÁS Gergely*

GÜR Nazmi

GUTIÉRREZ Antonio/Xuclà Jordi

GUŢU Ana

GUZENINA Maria/Pelkonen Jaana

GYÖNGYÖSI Márton*

HÄGG Carina*

HAJIYEV Sabir

HALICKI Andrzej*

HAMID Hamid*

HANCOCK Mike

HANSON Margus

HEER Alfred

HENNRICH Michael*

HENRIKSEN Martin*

HETTO-GAASCH Françoise

HOFMAN Adam

HOOD Jim

HOVHANNISYAN Arpine

HÜBINGER Anette*

HÜBNER Johannes*

HUNKO Andrej

HUSEYNLI Ali*

HUSEYNOV Rafael

IGNATENKO Vitaly*

IORDACHE Florin*

IWIŃSKI Tadeusz*

JACQUAT Denis*

JAKAVONIS Gediminas

JANDROKOVIĆ Gordan*

JANTUAN Stella

JAPARIDZE Tedo/Magradze Guguli

JENSEN Michael Aastrup

JENSSEN Frank J./Hagebakken Tore

JÓNASSON Ögmundur

JOVIČIĆ Aleksandar/Pantić Pilja Biljana

JURATOVIC Josip*

KAIKKONEN Antti/Anttila Sirkka-Liisa

KAMIŃSKI Mariusz*

KARADJOVA Deniza*

KARAMANLI Marietta

KARLSSON Ulrika*

KATIČ Andreja*

KAŹMIERCZAK Jan*

KIVALOV Serhii*

KLICH Bogdan/Borowski Marek

KLYUEV Serhiy/Pylypenko Volodymyr

KOÇ Haluk

KOLMAN Igor

KONRÁÐSDÓTTIR Unnur Brá/ Níelsson Brynjar

KORENJAK KRAMAR Ksenija

KORODI Attila*

KORUN Alev*

KOSTŘICA Rom

KOUNTOURA Elena

KOVÁCS Elvira

KOX Tiny

KRIŠTO Borjana*

KRYVITSKY Dmitry*

KYRIAKIDOU Athina

LE DÉAUT Jean-Yves*

LEBEDEV Igor*

LÉONARD Christophe/Crozon Pascale

LESKAJ Valentina

LEYDEN Terry

LĪBIŅA-EGNERE Inese*

LONCLE François*

LOUKAIDES George

L’OVOCHKINA Yuliya

LUND Jacob

MACH Trine Pertou*

MAGAZINOVIĆ Saša*

MAHOUX Philippe

MARIANI Thierry

MARKOVÁ Soňa/Holík Pavel

MARKOVIĆ Milica*

MATEU PI Meritxell

MATTILA Pirkko/Raatikainen Mika

MATUŠIĆ Frano

MAURY PASQUIER Liliane

McNAMARA Michael

MEALE Alan

MEHMETI DEVAJA Ermira*

MELNIKOV Ivan*

MENDES BOTA José

MENDONÇA Ana Catarina*

MESTERHÁZY Attila*

MIGNON Jean-Claude

MIßFELDER Philipp*

MITCHELL Olivia

MORENO PALANQUES Rubén

MOROZOV Igor*

MOTA AMARAL João Bosco

MULARCZYK Arkadiusz*

MULIĆ Melita

MYRYMSKYI Lev*

NACHBAR Philippe*

NACHTMANNOVÁ Oľga

NAGHDALYAN Hermine*

NEACŞU Marian/Florea Daniel

NÉMETH Zsolt*

NICHOLSON Emma*

NICOLETTI Michele

NIKOLAEVA Elena*

NIKOLOSKI Aleksandar

NYKIEL Mirosława*

OBRADOVIĆ Marija

OBRADOVIĆ Žarko

OEHRI Judith*

OHLSSON Carina*

O’REILLY Joseph

OROBETS Lesia*

OSBORNE Sandra*

PALACIOS José Ignacio*

PALIHOVICI Liliana*

PASHAYEVA Ganira*

PIPILI Foteini

POPESCU Ivan

POURBAIX-LUNDIN Marietta

PREDA Cezar Florin

PRESCOTT John

PUCHE Gabino

PUSHKOV Alexey*

REPS Mailis/Pakosta Liisa-Ly

RICHTROVÁ Eva*

RIGONI Andrea*

ROCHEBLOINE François*

ROSEIRA Maria de Belém*

ROUQUET René/Le Borgn’ Pierre-Yves

RYABIKIN Pavlo*

RZAYEV Rovshan

SAAR Indrek

SANTANGELO Vincenzo/ Spadoni Maria Edera

SANTERINI Milena*

SASI Kimmo

SCHEMBRI Deborah*

SCHENNACH Stefan

SCHOU Ingjerd

SCHWABE Frank

SCHWALLER Urs

SEARA Laura

SEDÓ Salvador

SEKULIĆ Predrag

SELVİ Ömer

SENIĆ Aleksandar

ŠEPIĆ Senad*

SEYIDOV Samad*

SHERIDAN Jim

SHEVCHENKO Oleksandr

SIEBERT Bernd

ŠIRCELJ Andrej

SKARDŽIUS Arturas

SLUTSKY Leonid*

SOBOLEV Serhiy

STEFANELLI Lorella

STOILOV Yanaki*

STRENZ Karin*

STROE Ionuţ-Marian*

SUDARENKOV Valeriy*

SYDOW Björn*

SYMONENKO Petro

TAKTAKISHVILI Chiora

TIMCHENKO Vyacheslav*

TOMLINSON John E.

TRIANTAFYLLOS Konstantinos

TUDOSE Mihai*

TÜRKEŞ Ahmet Kutalmiş

TÜRKEŞ Tuğrul

TZAVARAS Konstantinos

UMAKHANOV Ilyas*

VÁHALOVÁ Dana

VALAVANI Olga-Nantia/ Giannakaki Maria

VALEN Snorre Serigstad/ Godskesen Ingebjørg

VASILI Petrit

VECHERKO Volodymyr

VEJKEY Imre

VERHEIJEN Mark/Faber-Van De Klashorst Marjolein

VĖSAITĖ Birutė*

VIROLAINEN Anne-Mari

VORONIN Vladimir/Petrenco Grigore

VRIES Klaas

VUČKOVIĆ Nataša/Damir Šehović

WACH Piotr

WALTER Robert

WATKINSON Angela

WELLMANN Karl-Georg/ Benning Sybille

WERNER Katrin*

WOLD Morten

WURM Gisela

ZECH Tobias*

ZELIENKOVÁ Kristýna

ZIMMERMANN Marie-Jo

ZINGERIS Emanuelis

ZIUGANOV Guennady*

ZOHRABYAN Naira/ Hovhannisyan Vahe

ZOURABIAN Levon

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, ‘‘L’ex-République yougoslave de Macédoine’’

Siège vacant, Royaume-Uni*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

David DAVIES

Maria GIANNAKAKI

Rait MARUSTE

Dimitrios SALTOUROS

Axel SCHÄFER

Spyridon TALIADOUROS

Bernard PASQUIER

Observateurs

Eloy CANTU SEGOVIA

Héctor LARIOS CÓRDOVA

Javier LOZANO ALARCÓN

Partenaires pour la démocratie

Najat AL-ASTAL

Mohammed AMEUR

Nezha EL OUAFI

Omar HEJIRA

Bernard SABELLA