FR15CR03

AS (2015) CR 03

SESSION ORDINAIRE DE 2015

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la troisième séance

Mardi 27 janvier 2015 à 10 heures

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 10 sous la présidence de Mme Brasseur, Présidente de l'Assemblée.

LA PRÉSIDENTE – La séance est ouverte.

1. Election de juges à la Cour européenne des droits de l’homme
au titre de la Bulgarie et de la Serbie

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Bulgarie et de la Serbie.

La liste des candidats et leurs notices biographiques figurent dans les Doc. 13667 et 13652.

Le vote aura lieu dans la rotonde derrière la présidence.

À 13 heures, je suspendrai le scrutin. Il reprendra à 15 h 30 et sera clos à 17 heures.

Le dépouillement aura lieu aussitôt après, dans les conditions habituelles, sous le contrôle de deux scrutateurs que nous allons désigner par tirage au sort.

Il s’agit de M. Omtzigt et de Mme Marković.

Je leur rappelle qu’ils devront se trouver dans la rotonde derrière la Présidence à 17 heures.

Le résultat du scrutin sera annoncé si possible avant la levée de la séance de cet après-midi.

J’appelle votre attention sur le fait que, si l’Assemblée devait procéder à un second tour pour l’élection des deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme, il aurait lieu demain, mercredi, le matin et l’après-midi.

Le scrutin est ouvert.

Nous continuons nos travaux pendant ce temps.

2. La situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées ukrainiens

LA PRÉSIDENTE* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Sheridan au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées sur « La situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées ukrainiens » (Doc. 13651 et Addendum). Après avoir écouté M. le rapporteur, nous aurons le plaisir d’entendre M. Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

Nous devrons interrompre la liste des orateurs un peu avant midi. Nous suspendrons ensuite l’examen de ce texte afin d’entendre M. D. Higgins, Président de l’Irlande. Nous poursuivrons l’examen du rapport lors de la séance de cet après-midi, à 15 h 30.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. SHERIDAN (Royaume-Uni), rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées* – L’Europe est confrontée au plus grave conflit militaire depuis celui qu’elle avait connu en Yougoslavie. Nous espérions ne jamais revoir cela et, aujourd’hui, nous y voilà à nouveau confrontés. Plus de 5 000 personnes ont déjà trouvé la mort.

Le cessez-le-feu qui a été renouvelé en décembre n’est plus respecté depuis le début de l’année. Des événements particulièrement tragiques sont intervenus le 13 janvier, dans lesquels des civils sont décédés ; le 21 janvier, huit autres au moins ont été tués à Donetsk et, tout dernièrement, trente civils ont été tués à Marioupol et une centaine blessés. Ces agressions et ces attaques doivent cesser, comme l’ont affirmé toutes les parties, lorsqu’elles ont signé l’Accord de Minsk en septembre dernier.

Les réfugiés et les personnes déplacées sont de plus en plus nombreux. Leur nombre ne cesse de croître : plus de 920 000 personnes sont déplacées en Ukraine – c’est bien plus que nous n’en avons jamais eu. Mais, en novembre, le chiffre a encore augmenté, sachant que nombre d’entre eux ne sont pas enregistrés. Plus de 600 000 personnes sont réfugiés en dehors de l’Ukraine et plus de 524 000 d’entre elles en Fédération de Russie. D’après les chiffres, cela représente une augmentation de plus de 60 000 personnes depuis le début du mois de décembre, mais, là encore, bon nombre d’entre elles ne sont pas enregistrées. Les pays voisins sont également affectés : plus de 60 000 réfugiés ont fui au Belarus et plus de 33 000 se sont réfugiés en Pologne

Je vois mal comment cela pourrait se poursuivre au vu des milliers de personnes qui ont été contraintes de fuir. Le Haut-commissaire aux réfugiés des Nations Unies disait que les civils piégés dans ces régions en conflit sont privés de toutes les conditions de base : logement, soins de santé, eau ; on meurt de froid et de faim. L’Organisation mondiale de la santé parle, pour sa part, d’une crise humanitaire à grande échelle.

Les mesures prises par le gouvernement de Kiev ne font qu’empirer la situation. Il en est ainsi du retard dans le paiement des prestations et des pensions de vieillesse ou encore de la restriction de la circulation dans ces zones. Nous assistons maintenant à une occupation forcée de la Crimée, marquée par des violations des droits de l’homme. Hier, la télévision tatare a fait l’objet d’une razzia par des officiers de l’armée qui ont mis fin aux programmes qui étaient diffusés.

Il n’y aurait pas de conflit sans intervention militaire financière et logistique de la Fédération de Russie. Les morts et les destructions en Ukraine ne cesseront pas tant que la Fédération de Russie ne respectera pas l’intégrité et la souveraineté de l’Ukraine en retirant tout soutien aux séparatistes. Tant que ce ne sera pas le cas, les réfugiés et les personnes déplacées qui vivent encore dans ces zones occupées, notamment la Crimée, continueront d’être confrontés à la plus grande crise que l’Europe connaît, et seront privées de la protection que pourraient leur assurer les valeurs que nous défendons.

J’invite donc l’Assemblée à adopter cette résolution visant à demander aux différentes parties, l’Ukraine, la Fédération de Russie, mais aussi à la communauté internationale de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour aider et apporter leur soutien à tous ceux qui souffrent de ce conflit.

LA PRÉSIDENTE* – Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour ce rapport essentiel, mais qui était loin d’être facile à établir.

J’ai le plaisir d’accueillir maintenant M. Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, auquel je laisse volontiers la parole.

M. MUIŽNIEKS, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe* – Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, c’est un véritable plaisir pour moi que d’être ici parmi vous et de pouvoir vous faire part de mes observations sur la situation en Ukraine. Le récit de l’attaque ciblant Marioupol est une des pires choses que j’ai pu entendre lors de ma dernière visite en Ukraine. Je me suis rendu à quatre reprises en Ukraine ces derniers temps : la dernière fois, c’était en décembre, et pour autant que la sécurité le permettait, je me suis rendu à Nepopetrosk ainsi que dans une autre ville située à une trentaine de kilomètres de Donetsk.

La situation des personnes déplacées de l’intérieur, les PDI, était vraiment le sujet principal de cette visite ainsi que de ma précédente. J’ai rencontré des PDI, des ONG, des représentants des autorités également. Ce que j’ai entendu sur le terrain, c’est que tous sont extrêmement las de la situation, tous réclament la paix. On note une excellente coopération entre les administrations locales et les ONG afin de répondre aux besoins des PDI dans les régions contrôlées par les forces ukrainiennes, mais je suis préoccupé parce que ces efforts reposent sur des volontaires et ne pourront pas se poursuivre à long terme.

Dans les zones contrôlées par les rebelles, la situation est extrêmement difficile. Les logements sont détruits, la nourriture et les médicaments manquent. Ce sont véritablement des zones de non-droit. Bien souvent, les personnes âgées et les personnes handicapées y sont restées, tout comme les patients des hôpitaux psychiatriques, des institutions spécialisées ainsi que les personnes âgées des maisons de retraite. Le manque de traitement médical est criant, ne faisant qu’accroître la mortalité.

Des mesures ont été prises par le Gouvernement ukrainien, mais il doit élaborer un plan à long terme pour l’intégration des PDI. Par ailleurs, nous nous félicitons de tous les efforts déployés par le monde des entreprises, par la société civile.

La suspension du versement des pensions et des prestations sociales aux personnes se trouvant dans les zones non contrôlées par le Gouvernement est une autre source de préoccupation. Je crains que la mesure qui a été prise ne fasse qu’exacerber l’isolation de cette région et n’accroisse la vulnérabilité de ces personnes. J’encourage donc les autorités ukrainiennes à faire preuve de souplesse, à verser les pensions de retraite et à travailler avec les organisations internationales et les groupes humanitaires qui ont accès à tous ceux qui en ont besoin.

Je suis par ailleurs préoccupé par la nouvelle procédure mise en place par le Gouvernement ukrainien, qui risque d’être une entrave à tous ceux qui apportent une aide humanitaire aux personnes touchées par le conflit. Les autorités ukrainiennes devraient permettre aux organisations humanitaires, aux agences de l’Onu, d’avoir un accès sans contrainte aux PDI.

LA PRÉSIDENTE* – Je vous remercie, Monsieur le Commissaire, pour le travail que vous effectuez. Il s’agit d’une tâche très difficile, mais de plus en plus importante.

Nous commençons par écouter les porte-parole des groupes politiques.

M. NÉMETH (Hongrie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Nous pourrions faire un parallèle avec la Seconde Guerre mondiale, puisque l’agression russe est un fait établi. Nous sommes confrontés à un instinct impérialiste d’une grande puissance européenne, et nous le déplorons.

Nous devons demander à la Russie de respecter l’intégrité territoriale de l’Ukraine et de cesser de commettre toutes ces violences. Nous sommes face à une situation humanitaire très grave, soulignée par le rapporteur, que je remercie pour son analyse. On nous parle de dizaines de milliers de décès, d’un grand nombre de personnes sérieusement blessées et d’environ 2 millions de personnes déplacées, d’écoles et d’hôpitaux dévastés. Les deux parties doivent respecter le droit humanitaire et il est essentiel de garantir l’aide de la communauté internationale.

Nous devons exprimer toute notre solidarité à l’Ukraine qui connaît un affaiblissement national. Nous devons avoir une perspective européenne commune et lui garantir toute l’aide dont elle aura besoin pour sa reconstruction.

La Russie commet de plus en plus de violences en termes économiques et militaires. C’est la raison pour laquelle une solution politique est absolument nécessaire. Les autorités allemandes ont mis en place un certain nombre de coopérations et il est indispensable de lancer et de soutenir le processus de décentralisation et de réforme en Ukraine. C’est là que notre Organisation a un rôle fondamental à jouer.

Il ne doit pas y avoir de sphère d’influence, nous ne devons pas aboutir à un nouveau Yalta. Nous ne pouvons pas revivre ce que nous avons vécu après la Seconde Guerre mondiale, l’avenir de l’Ukraine doit se construire au sein des grandes nations.

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – Je remercie le rapporteur pour son rapport très important, à un moment où un million de personnes supplémentaires sont déplacées dans ce conflit entre la Russie et l’Ukraine, deux pays membres de notre Organisation.

Notre groupe s’est entretenu avec plusieurs représentants des ONG ukrainiennes. Nous avons ainsi été informés des problèmes qu’elles rencontrent quotidiennement pour avoir accès à des territoires actuellement contrôlés par des forces séparatistes, elles-mêmes contrôlées par la Fédération de la Russie. C’est inacceptable. C’est la raison pour laquelle la résolution propose que les ONG et tous ceux qui souhaitent aider la population en difficulté, coupée de tout moyen d’existence normal, puissent avoir accès à ces territoires.

Madame la Présidente, je souhaite vous remercier personnellement pour vos actions en faveur de Mme Nadiia Savchenko, emprisonnée en Russie. Elle est membre de cette Assemblée et devrait être actuellement parmi nous. Or elle a été capturée par des personnes non identifiées et emprisonnée en Russie dans des conditions que nous ignorons – mais nous savons ce qu’il se passe dans les prisons russes. En outre, elle est accusée par les autorités russes d’actes criminels. Le Conseil de l'Europe ne peut pas accepter cette situation ; nous devons demander aux autorités russes sa libération.

Par ailleurs, il est absolument nécessaire d’instaurer un dialogue avec la Russie. Voilà neuf mois que nous tentons de le faire, et il a malheureusement abouti aux bombardements de Marioupol, dimanche dernier, qui ont fait une quarantaine de morts et plus de cent blessés.

Nous soutenons le rapport et les amendements adoptés par la grande majorité de la commission.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je voudrais tout d’abord féliciter mon collègue et ami, M. Sheridan, pour son excellent rapport qui porte sur l’essentiel de ce conflit, ainsi que le Commissaire pour tous les efforts qu’il déploie afin d‘apporter un peu de lumière dans les coins les plus sombres de l’Europe.

Le rapporteur a décrit la situation : des centaines de milliers de personnes déplacées et des milliers de personnes tuées en Ukraine au cours ces douze derniers mois. Par ailleurs, un membre de cette Assemblée parlementaire est actuellement emprisonné en Fédération de Russie, ainsi que des journalistes qui exerçaient leur profession.

Il faut très clairement rappeler les faits : un pays a envahi le territoire d’un autre Etat membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Nous ne pouvons pas le tolérer. Cette semaine, nous aurons la possibilité de décider s’il est nécessaire de prendre des mesures renforcées vis-à-vis de l’agresseur ou d‘alléger les sanctions.

Le moment que nous vivons est décisif pour le Conseil de l’Europe. Si notre Assemblée envoie le mauvais message, elle sera perçue, à juste titre, comme une institution faible, un lieu où l’on se contente de parler. Nous devons donc prendre les mesures qui s’imposent. Ni l’Assemblée parlementaire ni le Comité des Ministres ne peuvent accepter l’occupation du territoire d’un pays souverain par un autre Etat membre. Nous le devons à tous ceux que le Commissaire a décrits, ces personnes âgées, malades, fragiles, les plus vulnérables, des deux côtés de la frontière. J’espère donc vraiment que nous allons le faire.

M. HUNKO (Allemagne), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je remercie le rapporteur, ainsi que la commission des migrations, d’avoir choisi ce sujet pour leur rapport, car c’est en nous intéressant à ceux qui souffrent le plus de la situation actuelle que nous parviendrons à trouver des solutions.

Selon les chiffres dont dispose le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 600 000 personnes ont fui l’est de l’Ukraine pour la Russie et 600 000 autres sont réfugiées à l’intérieur de l’Ukraine. Peut-être ces chiffres peuvent-ils être mis à jour. Nous savons aussi que plus de 5 000 personnes ont été tuées et bien d’autres blessées.

Moi aussi, je me suis rendu fin novembre dans cette région afin de rencontrer les réfugiés. Pour des raisons de sécurité, je n’ai pu aller directement à Donetsk. En revanche, j’ai visité les camps côté russe et j’y ai rencontré les réfugiés. J’ai parlé de 600 000 personnes ; j’imagine qu’aujourd’hui ils sont encore bien plus nombreux à avoir franchi la frontière pour rejoindre la Fédération de Russie.

Les témoignages que j’ai recueillis étaient assez troublants, dans la mesure où la plupart des personnes que j’ai entendues sont amères, à cause non seulement du conflit armé mais aussi du comportement de l’armée ukrainienne à Donetsk et Lougansk. Cela montre qu’indépendamment de tous les efforts entrepris au niveau international, il sera très difficile aux habitants de réapprendre à vivre ensemble. Ne l’oublions pas : dans l’est de l’Ukraine, on n’a pas la même vision de l’Occident ; c’est aussi la raison pour laquelle ces réfugiés vont en Fédération de Russie.

Je me suis également rendu dans les écoles situées à la frontière, où les enfants ukrainiens sont intégrés : un tiers des écoliers qui les fréquentent viennent d’Ukraine. Là aussi, le HCR a loué la Fédération de Russie pour sa politique à l’égard des réfugiés. Voilà un petit point positif, même si j’aurais moi aussi des critiques à adresser à la Russie.

Je trouve le rapport très équilibré. J’ai simplement déposé un amendement au point 10 du projet de résolution, afin d’invoquer non seulement l’intégrité territoriale de l’Ukraine, que nous défendons tous, mais également les droits démocratiques des personnes qui se trouvent dans l’est du pays.

M. VORUZ (Suisse), porte-parole du Groupe socialiste – Le rapport présenté par notre collègue Jim Sheridan est excellent et mérite d’être appuyé.

Au moment où il a été établi, le 16 décembre dernier, l’espoir que le conflit sinon disparaisse, du moins diminue en densité, aurait pu nous tranquilliser. Mais c’était avant Noël, et, depuis le début de cette année 2015, tout espoir tombe à l’eau, du fait de l’ampleur qu’a repris le conflit et des personnes avides de guerre et de pouvoir que sont les chefs séparatistes de l’est ukrainien et de Crimée.

Non sans une certaine naïveté, j’espérais que le grand pays qu’est la Russie amènerait dans la région la fin du conflit et la paix. Oui, la Russie est un grand pays, qui pourrait compter dans le giron européen. Malheureusement, ses dirigeants jettent de l’huile sur le feu au lieu d’éteindre l’incendie. La Russie, sur laquelle l’Europe aurait pu compter, échoue à se montrer cohérente et des relents poststaliniens s’y font même sentir. Le président Poutine, ancien officier du KGB, en a gardé l’état d’esprit. Quel dommage !

La commission des migrations nous a proposé à juste titre une série d’amendements qui ont été adoptés en commission. Eu égard aux nombreuses personnes déplacées et persécutées, notre Assemblée doit montrer sa force face à un important Etat membre dont les autorités laissent agir des groupes mafieux dans l’est de l’Ukraine et en Crimée. Il faut donc voter le rapport et tous les amendements qui vous seront présentés par la commission des migrations.

LA PRÉSIDENTE – Mes chers collègues, je vous rappelle que le scrutin pour l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Bulgarie et de la Serbie est en cours. Il sera clos à 13 heures. Il reprendra cet après-midi à 15 h 30 et sera définitivement clos à 17 heures.

J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

(Poursuivant en anglais) Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous répondre immédiatement aux porte-parole des groupes qui viennent de s’exprimer, ou plutôt intervenir à la fin de la discussion générale ?

M. SHERIDAN (Royaume-Uni), rapporteur* – Je m’exprimerai plus tard, Madame la Présidente.

M. ARIEV (Ukraine)* – Mes chers collègues, j’aimerais vous livrer quelques chiffres.

Volnovakha : 15. Donetsk : 8. Marioupol : 30. Il ne s’agit pas de simples chiffres, mais du nombre de personnes qui ont trouvé la mort sous les tirs de mortier, de lance-roquettes et sous les bombardements depuis les territoires occupés des régions de Donetsk et de Lougansk.

Plus de un million de personnes en Ukraine ont dû quitter leur foyer, fuyant la Crimée annexée par la Russie et les territoires contrôlés par des terroristes soutenus par la Russie. Ce sont autant de destins brisés : au-delà des statistiques, derrière les chiffres se cachent de véritables tragédies individuelles.

Comment une telle catastrophe humanitaire a-t-elle pu avoir lieu en Ukraine ? J’espère que vous le comprenez bien, l’Ukraine a toujours été une nation multiethnique vivant dans la concorde et la paix. Tout a commencé en Crimée, il y a un petit peu moins d’un an.

Les hommes en vert soi-disant de l’autodéfense présents en Crimée, tout à fait normaux, se sont soudainement transformés en combattants… On trouve des chars et des armements lourds en Ukraine. Pensez-vous que tout cela a été acheté dans des magasins ukrainiens ? Bien sûr que non ! Tout cela est le fait de la Russie.

Ce qui aide la société ukrainienne à survivre ce sont les efforts des volontaires des ONG. Elles font tout pour apporter leur soutien à ceux qui ont dû quitter leur foyer dans les régions en conflit et en Crimée. Tout a été fait pour recueillir des fonds, rassembler de la nourriture, aider les personnes à survivre.

Nous entendrons de nombreuses interventions aujourd’hui. Mais au-delà de l’aspect humanitaire, nous devons résister à l’agression russe, car des menaces pèsent sur la sécurité européenne.

Je conclurai en russe pour dire à mes collègues russes : n’oubliez pas ce qui s’est passé, ne creusez pas la tombe de vos voisins, sinon vous y tomberez également.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – Chaque fois que survient une guerre, les premières victimes sont des personnes. On parle de 5 000 morts ou de bien plus. Je ne sais pas quels sont les chiffres, mais il suffit d’un seul mort, d’une seule personne déplacée pour mettre en échec le droit international qui prévoit le respect de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et des frontières. Le droit international met en place des mécanismes de garantie afin d’éviter de faire parler les armes.

Aujourd’hui il s’agit de parler des souffrances des personnes et des mesures à prendre pour y remédier. J’approuve le rapport de M. Sheridan que je soutiendrai dans toute la mesure du possible. En l’occurrence, je suis d’accord avec le Commissaire aux droits de l’homme. Quand ce n’est pas le cas, je le dis tout aussi clairement.

Que pouvons-nous faire concrètement, comme parlementaires, pour aider le Commissaire, le rapporteur, afin d’apaiser les souffrances de centaines de milliers de personnes ? La politique, c’est autre chose, nous en parlerons après. Aujourd’hui, il faut aider ceux qui souffrent de ce conflit. Toutes les informations que nous recevons sont horribles et désastreuses. Cela m’émeut fortement.

Tout ce que je peux faire, c’est parler, pour nous exhorter à agir. Comme députés et sénateurs, membres du Conseil de l’Europe, pouvons-nous faire plus que débattre ? Nous sommes des représentants politiques. Nous devons prendre des décisions pour adoucir la situation de ces personnes et non pas l’empirer.

Mme DURANTON (France) – Madame la Présidente, mes chers collègues, je tiens d’abord à saluer l’excellent rapport établi par M. Sheridan, qui est à la fois équilibré et exhaustif. À partir de multiples sources très bien documentées et d’observations sur le terrain, il dresse un état des lieux, malheureusement dramatique, de la situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées en Ukraine et ailleurs. À ce titre, il honore notre Assemblée.

Les chiffres fournis par le rapport sont d’autant plus effrayants qu’ils sont à la fois généralement sous-estimés et en progression constante compte tenu de la situation non sécurisée sur le terrain, en dépit du cessez-le-feu conclu à Minsk le 5 septembre dernier.

Mais derrière les chiffres, il y a des réalités humaines dramatiques. La situation en Crimée est particulièrement inquiétante, non seulement pour la minorité tatare, mais aussi pour tous ceux qui, comme en Russie à laquelle ce territoire ukrainien a été annexé, ont la mauvaise idée de s’opposer aux autorités et qui subissent le même traitement fait de multiples atteintes aux libertés fondamentales.

Dans le Donbass, au sud-est du pays, les combats entre l’armée ukrainienne et les milices des Républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, armées par la Russie, ont fait des milliers de morts et conduit des centaines de milliers de personnes à abandonner leur domicile bombardé. La population restée sur place vit dans des conditions particulièrement difficiles, privée d’eau et d’électricité, confrontée aux pénuries alimentaires et souvent obligée de passer la nuit dans des caves. Les services publics ont été détruits et l’économie locale s’est effondrée.

Dans un premier temps, les autorités ukrainiennes ont été complètement dépassées par l’ampleur des événements. Il est vrai que ces flux de réfugiés étaient d’autant plus difficiles à gérer que l’Ukraine connaissait des conflits dans l’est. À ce titre, il me semble que le Conseil de l’Europe et notre Assemblée devront un jour, dresser un bilan d’ensemble des réformes à entreprendre en Ukraine. Sans doute, nous sommes-nous montrés trop faibles avec ce pays que nous n’avons pas suffisamment incité à se réformer. L’Etat ukrainien, miné par l’archaïsme et la corruption, est faible et en paye aujourd’hui le prix, alors qu’il est confronté à de terribles difficultés. Notre Organisation porte sa part de responsabilité dans cette situation.

La loi adoptée par le Parlement ukrainien le 20 octobre dernier est cependant particulièrement bienvenue. Elle accorde un statut aux personnes déplacées dans leur propre pays. Au moment de son adoption, elle s’appliquait à près de 425 000 personnes. Ces dernières, pour une durée de six mois à compter de leur enregistrement, perçoivent une allocation mensuelle comprise entre 34 et 68 dollars selon qu’elles sont aptes, ou non, à exercer un emploi. Elles peuvent toucher les pensions et allocations auxquelles elles avaient droit avant les événements et bénéficient d’une aide à l’insertion professionnelle.

La situation restant très délicate et l’évolution politique et militaire dans l’est de l’Ukraine étant imprévisible, notre Assemblée doit continuer de suivre de près les questions humanitaires au cours des mois qui viennent.

Mme ZELIENKOVÁ (République tchèque)* – Je remercie M. Sheridan pour son projet de résolution sur la situation humanitaire en Ukraine. C’est peut-être un problème secondaire pour Vladimir Poutine mais pour des milliers de réfugiés, cela signifie la perte d’une vie normale, de l’abandon leur foyer. C’est l’effet le plus tragique de cette guerre inutile.

Quitter sa maison, chercher à survivre dans des conditions difficiles, souffrir du manque de tout, perdre son emploi – à savoir, la possibilité de gagner sa vie –, ne pas pouvoir assurer l’éducation de ses enfants, devoir implorer la pitié, faire la queue avec des milliers d’autres personnes pour un peu d’espoir, voilà le quotidien des réfugiés de Crimée et du Donbass, le quotidien de si nombreuses personnes en Europe en 2015 !

Ces personnes déplacées sont parties de chez elles par peur d’être tuées elles ou leurs proches, peur d’être arrêtées, enlevées, torturées. Leur nombre inquiétant montre que le conflit sur la frontière entre l’Ukraine et la Russie dépasse l’entendement. C’est un piège qui s’est refermé sur des milliers de personnes qui ne peuvent pas quitter la région alors que leur vie est en danger quotidien.

Comme l’auteur du rapport, je pense qu’il n’y a qu’une façon de mettre fin à cette souffrance, à la guerre. Il convient de réaffirmer les droits individuels, l’Etat de droit, qui permettent de vivre une vie normale. Les crimes de guerre devront faire l’objet d’enquêtes effectives et leurs auteurs devront être jugés. Nous-mêmes devons agir afin que cette guerre se termine le plus rapidement possible, afin que les personnes concernées puissent vivre à nouveau en paix. Cela implique que nous montrions du doigt la partie coupable : la Russie.

Je viens d’un pays, la République tchèque, dont était originaire Václav Havel, le défenseur des droits de l’homme. Souvent, je me demande ce qui serait le plus important pour lui dans une situation de conflit : il serait sans nul doute favorable à une solution pacifique.

M. SLUTSKY (Fédération de Russie)* – Ni le Président de la Russie ni aucun Russe, Madame Zelienková, n’est indifférent au sort des victimes, de ceux qui fuient les violences en Ukraine – un million de personnes ont ainsi rejoint la Fédération de Russie. Nous souhaitons que l’Assemblée parlementaire prenne vraiment connaissance de leurs conditions de vie.

Le rapport montre bien les aspects humanitaires de la situation car il s’agit bien d’une catastrophe humanitaire. Nous ne devons pas juger les faits à l’aune de considérations politiques. Nous devons plutôt évoquer les efforts que nous devons consentir ensemble pour améliorer la situation humanitaire. Nous sommes prêts à travailler avec tout groupe de contact qui poursuivrait cet objectif.

Dans le sud-est de l’Ukraine il n’y a plus d’électricité. Ce n’est pas la Russie qui a coupé le courant. Ce n’est pas la Russie qui a décidé que ne seraient plus versées les pensions de retraite aux personnes âgées qui vivent dans ce territoire. Ce n’est pas la Russie qui a frappé telle et telle ville, alors qu’on l’en accuse. L’OSCE et d’autres organisations confirment du reste que les rebelles sont responsables des événements qui se sont déroulés à Marioupol. Enfin, ce n’est pas la Russie qui a tué les passagers d’un trolleybus il y a quelques jours, toujours en Ukraine.

Nous sommes aujourd’hui victimes d’un mensonge global sur ce qui se passe. Or il faut comprendre les véritables raisons qui expliquent les événements d’Ukraine. Des mensonges circulent dans tout l’espace médiatique mondial. L’Assemblée doit absolument trouver une solution à cette crise sanglante, une solution qui soit conforme aux normes du Conseil de l’Europe. Nous devons également, j’y insiste, améliorer la situation humanitaire en Ukraine.

M. SOBOLEV (Ukraine)* – Il est nécessaire de savoir pourquoi des centaines de personnes sont tuées en Ukraine – y compris des Russes –, pourquoi des centaines de milliers de personnes sont blessées et pourquoi des millions sont déplacées. Or il n’y a qu’une seule réponse : l’occupation de la Crimée par la Russie.

Les membres du Parlement russe qui siègent parmi nous ont en effet permis au Président Poutine d’occuper des territoires ukrainiens, ont permis que des civils soient blessés ou tués. Ce sont eux les responsables. Sans une tentative concrète, directe, de Poutine en territoire ukrainien, les choses ne se seraient pas passées ainsi.

Que faire ? Il faut bien avoir à l’esprit les chiffres de cette tragédie : 2,5 millions de personnes en Crimée, 6,5 millions dans le Donbass dont 4,5 millions sont désormais dispersées partout en Ukraine, voire dans le reste du monde. Le gouvernement et le parlement ukrainiens font tout leur possible pour aider ces personnes, notamment par la fourniture d’électricité et de gaz. En outre, nous payons bel et bien chaque retraite, chaque jour – à hauteur de plus de 10 milliards de grivnas – mais les bénéficiaires ne peuvent la percevoir, tout simplement parce que les banques sont toutes fermées dans les territoires occupés. Nous envoyons également des fonds pour l’aide à l’enfance, mais qui ne peuvent pas non plus être distribués du fait de l’occupation de ces territoires par les Russes et par les troupes prorusses. Des troupes russes ont détruit toutes les usines de fourniture de gaz et d’électricité. Aussi, quelque 5 000 personnes vivent dans des conditions déplorables.

Merci pour ce rapport. Il faut résoudre la situation très rapidement. Les troupes russes doivent quitter le territoire ukrainien.

Lord BALFE (Royaume-Uni)* – Au risque de me rendre impopulaire, je commencerai par rappeler le rôle joué par l’Union européenne dans ce conflit et la satisfaction éprouvée lorsque M. Ianoukovitch a été chassé du pouvoir. Je me suis souvent rendu en Ukraine ; ce pays est très fragile. Le paragraphe 21 de l’excellent rapport de M. Sheridan rappelle que, d’après Amnesty International, « les deux parties au conflit sont responsables d’une série d’attaques menées sans discrimination contre des zones habitées, tuant et blessant des civils et détruisant leurs maisons ». Voilà la réalité. L’Ukraine a toujours eu des difficultés.

Comme l’a souligné le Commissaire aux droits de l’homme, il est aujourd’hui nécessaire que le dialogue s’établisse de nouveau entre les deux parties, conformément au processus entamé à Minsk, dans un esprit de tolérance. Les Occidentaux ne souhaitent pas aller se battre en Ukraine. Certains, au Royaume-Uni, ne seraient certes pas opposés à vendre des armes aux protagonistes de ce conflit, quel que soit leur camp, mais les Européens n’ont pas la volonté d’intervenir militairement en Ukraine, ni de mourir pour elle. Dans ce contexte, seul le dialogue permettra d’avancer.

Je me suis rendu en Russie l’année dernière et j’ai constaté, quoi que l’on puisse penser de M. Poutine, qu’il est largement soutenu par la population. Le moment est venu pour notre Organisation de favoriser à nouveau le dialogue, tout en condamnant bien entendu les actes qui méritent de l’être. L’Union européenne, qui a fait peser une forte pression sur l’Ukraine, a une part de responsabilité dans la situation actuelle. Mme Merkel l’a d’ailleurs reconnu. L’heure est au réalisme et à la reprise du dialogue. Tel est le message de ce rapport, qui vient à point nommé.

M. PUSHKOV (Fédération de Russie)* – Concernant la situation humanitaire en Ukraine, on ne peut pas faire confiance uniquement à ce qui est dit à Kiev. Le 22 février 2014, une importante manifestation a eu lieu à Kharkov pour réclamer de nouveaux droits linguistiques et culturels. Les personnes qui étaient réunies souhaitaient simplement ouvrir des négociations. Pour toute réponse, le gouvernement de Kiev a envoyé son armée afin d’écraser ces revendications. Nous voyons aujourd’hui quel est le résultat d’une telle attitude.

Il n’existe aucun autre pays dans le monde où ceux qui manifestent pour obtenir plus de droits ou vivre dans un régime fédéral sont écrasés par l’armée. Ces manifestants n’étaient pas des terroristes. Ils ne commettent pas d’attentats en Ukraine. C’est un fait que personne ne peut nier.

En revanche, nous savons, en Russie, ce qu’est le terrorisme. Des attentats ont eu lieu dans tout le pays, à Moscou, Saint-Pétersbourg et à Stavropol, notamment. À Kharkov, il ne s’agissait que de personnes descendues dans la rue pour défendre leur terre face à une armée venue écraser leurs demandes légitimes. Voilà quelle est la situation actuellement ! Les bombardements de Donetsk ont causé de nombreux morts. Il semblerait qu’une centaine d’Ukrainiens se soient brûlés et étranglés eux-mêmes. L’enquête sur les assassinats commis dans certaines villes du pays n’a pas abouti. Rien n’en est sorti. Voyons la vérité en face : il n’y a pas d’intervention russe en Ukraine. Si c’était le cas, des preuves de la présence de l’armée russe auraient depuis longtemps pu être divulguées. Or nous n’en avons toujours pas vu et les collègues ici présents n’en ont pas fourni.

Mme FINCKH-KRÄMER (Allemagne)* – Jusqu’à présent, nous avons surtout discuté dans ce débat de la situation des réfugiés du Donbass, qu’ils soient déplacés internes ou en Russie. Le chiffre de quatre millions n’est peut-être pas exact mais, en tout état de cause, nous savons que les réfugiés sont plus d’un million. Différentes autorités publiques et des bénévoles se sont engagés pour ces réfugiés du côté russe comme du côté ukrainien. Nous devons leur rendre hommage.

Il existe un troisième groupe de personnes pour lesquelles l’expression « aide humanitaire » est particulièrement appropriée. Ce sont celles qui vivent dans les zones de conflit. Elles ont besoin de l’aide humanitaire telle qu’elle est organisée par les organisations internationales conformément aux trois principes de neutralité, d’indépendance et d’humanité. J’en appelle aux représentants des parlements russes et ukrainiens afin qu’ils garantissent cette aide dans le Donbass.

En tant que membres de l’Assemblée parlementaire, notre mission n’est pas de défendre uniquement la position de nos gouvernements respectifs, mais au contraire de comprendre les différentes positions en présence. Nous n’avons pas dit qu’un grand nombre des Ukrainiens de l’est possédaient de la famille de l’autre côté de la frontière, en Russie. La position que défendent leurs proches ne leur est évidemment pas indifférente. Il faut en tenir compte pour rechercher une issue à la crise. Je vous invite, mes chers collègues, à faire cet effort de réflexion, afin que nous soyons utiles à ceux qui négocient au plus haut niveau.

Mme SCHOU (Norvège)* – Je voudrais remercier le rapporteur pour le travail qu’il a mené. Son rapport, essentiel, présente un tableau bien triste, celui d’un pays dans lequel la population est en danger et a besoin d’aide. À la mi-décembre, la situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées en Ukraine était bien plus qu’inquiétante. Pourtant, certains d’entre nous continuaient à espérer la reprise des négociations, mais cela n’a pas eu lieu. Tout au contraire, nous avons assisté à une escalade de la violence, les tirs au mortier causant de nombreux blessés parmi les civils.

Selon l’Union européenne et l’OSCE, ce conflit a causé la mort d’environ 5 000 personnes et le déplacement d’un million d’autres.

Le rapport demande à la communauté internationale de continuer à fournir du matériel et à organiser l’aide. La Norvège a une longue tradition d’aide humanitaire aux populations dans le besoin et a contribué de façon conséquente à cette aide en Ukraine, parmi d’autres pays, bien entendu. Nous avons ainsi apporté une aide financière de 30 millions d’euros et nous essayons de continuer à aider en espèces la population.

Les conséquences humanitaires de la crise sont énormes. J’espère cependant que nos discussions ici aujourd’hui auront un effet sur la résolution pacifique de ce conflit. Nous sommes tous d’accord pour dire que c’est la seule façon de faire cesser cette catastrophe humanitaire. Pour cela, il faut se fonder sur le respect de l’indépendance de la souveraineté et de l’intégrité territoriale ukrainienne.

La Norvège a condamné l’annexion de la Crimée par la Russie, qui a mené à la déstabilisation de la partie est de l’Ukraine, et nous avons œuvré avec nos partenaires et nos alliés de l’OTAN et de l’Union européenne pour répondre à cette violation du droit international.

Au cours des dernières semaines, le niveau de la violence s’est élevé et est devenu alarmant. J’espère que les parties prendront leurs responsabilités, que nous pourrons relancer le processus de paix et faire respecter les accords de cessez-le- feu de Minsk.

M. ROUQUET (France) – Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre travail qui a le courage de montrer combien ce conflit en Ukraine crée une situation inacceptable non seulement d’un point de vue politique mais surtout humanitaire. Je crains malheureusement que dans les jours qui viennent il y ait de nouveaux déplacés, de nouveaux réfugiés.

Alors que nous débattons, les bombardements continuent. Chaque jour, la liste des victimes civiles s’allonge. Chaque jour, les droits de l’homme les plus élémentaires sont bafoués. C’est purement inacceptable.

Pour avoir moi-même fait un rapport sur les personnes déplacées en Europe, je sais combien il est difficile pour les pays ou les régions d’accueil de faire face à ces situations d’urgence. Les conditions de vie de ces populations, qu’elles soient russophones ou ukrainophones, sont indignes, et nous savons tous qu’avec l’hiver elles ne pourront que se dégrader encore.

À la lecture du rapport, nous ne pouvons que craindre que cette situation humanitaire ne crée des tensions au sein de certaines régions frontalières des zones de combat, notamment dans la région de Kharkiv en Ukraine et de Rostov en Russie. Le souhait des PDI, les personnes déplacées internes, de retourner chez elles. Mais comment le pourraient-elles alors que la guerre s’étend et que la « journée de silence » n’est plus qu’un lointain souvenir ?

Combien de morts, de réfugiés, de drames faudra-t-il encore pour que les parties au conflit comprennent qu’il ne s’agit plus de géopolitique, de stratégie de pouvoir, mais d’êtres humains, de femmes et d’enfants poussés sur les routes parce qu’ils parlent une langue ou une autre, parce qu’ils sont du mauvais côté d’une frontière invisible ? Sans une paix durable, la situation humanitaire continuera à se dégrader et les droits de l’homme d’être bafoués chaque jour en Ukraine.

L’Accord de Minsk doit être appliqué et le cessez-le-feu respecté. Cela signifie que les séparatistes doivent cesser leur offensive et que l’Ukraine mette un terme aux vagues de mobilisation qui se succèdent depuis quelques semaines.

La Russie doit convaincre les séparatistes et aider à la désescalade, non seulement par des déclarations, mais aussi par des actes forts en condamnant ce qui se passe à Marioupol, par exemple.

Chers collègues russes et ukrainiens, par deux fois vous avez été réunis en France dans des moments forts pour la célébration du Débarquement en Normandie et de la Libération de l’Europe, pour la marche pour la liberté d’expression et la démocratie après les attentats de Paris et de Bruxelles. Souvenez-vous que ces valeurs sont celles du Conseil de l’Europe, celles que nous, parlementaires, devons défendre avant tout.

Mme KHIDASHELI (Géorgie)* – Merci, Monsieur le rapporteur, pour ce rapport non biaisé, merci également à M. Muižnieks pour les informations importantes qu’il nous a livrées. L’Europe traverse une période difficile avec une guerre qui a éclaté cette fois en Ukraine, et nous pensons à toutes les victimes, notamment à celles qui souffrent le plus de l’agression russe.

L’Europe et toutes les forces démocratiques doivent faire tout ce qu’elles peuvent afin de mettre un terme à l’agression de la Russie, à ses avancées militaires et à son occupation de territoires étrangers.

Chers collègues, nous avons parmi nous un Etat qui occupe de plus en plus des territoires d’autres Etats souverains, en violation flagrante du droit international. Il s’agit d’un Etat qui tue, qui brûle les villages – c’est ce qu’il a fait dans mon pays – et qui accède au territoire d’autres Etats selon son bon désir.

À cause de la guerre due à la vision impérialiste de la Russie, des millions de personnes besoin d’aide. Il ne s’agit pas du tout d’un scénario hypothétique, mais des conséquences réelles d’une guerre lancée par un membre du Conseil de l’Europe contre un autre. Voilà où nous en sommes aujourd’hui. Combien de victimes faut-il ? Combien d’autres personnes doivent encore trouver la mort ? Combien d’autres devront fuir leur foyer ? Combien d’autres réfugiés et de PDI vont-ils arriver au centre de l’Europe ? Combien encore de territoires occupés ? Combien de villages et de villes brûlées ?

L’Ukraine, la Géorgie, la Moldavie, les conflits gelés au Haut-Karabakh : a-t-on besoin d’un exemple supplémentaire d’Etat attaqué par la Russie afin d’arrêter de parler à demi-mots ? Il faut dire les choses très clairement, notamment à tous ceux qui au Kremlin rêvent de la restauration de l’Union soviétique. Il faut leur dire d’une voix unie, de la même façon que nous avons dit aux terroristes qu’il n’y a pas de place pour le terrorisme, que nous luttons ensemble de la même façon contre l’agression, l’occupation, l’annexion d’Etats indépendants. Nous devons dire au Kremlin d’une voix unique : arrêtez ! Arrêtez de tuer et d’occuper des territoires !

C’est dans cet esprit que nous devons faire le maximum pour apporter de l’aide aux victimes de cette guerre afin d’adoucir quelque peu leur vie. Nous devons déployer tous les efforts nécessaires afin d’éviter une crise humanitaire supplémentaire.

M. SCHENNACH (Autriche)* – Je tiens également à remercier M. Sheridan pour ce rapport. Au sein de notre commission, nos rapporteurs ont fait état de la même situation. L’année dernière, nous avons déjà appelé l’attention sur cette situation humanitaire et sociale catastrophique et elle l’est plus encore pendant l’hiver.

Il est impressionnant de constater dans le rapport que vous mettez l’accent sur les êtres humains confrontés à la déstabilisation, à la violence, à l’arbitraire, à l’intimidation, sachant qu’il s’agit de femmes, d’enfants et de personnes âgées qui ne touchent pas leur pension ; car il n’y a plus de banque ukrainienne. Ainsi, des enfants ne peuvent plus aller à l’école et doivent fuir la violence. Il y a également des milices armées. Il s’agit donc d’un environnement dépourvu de toute loi.

Dans cette situation, la Russie fait de son mieux pour aider les réfugiés. Il faut aussi remercier la Pologne et le Bélarus, qui en accueillent eux un nombre conséquent.

La devise de la première femme, Barbara Bon Suttner, ayant reçu le Nobel de la paix – « Bas les armes ! » – avait ému à l’époque le monde entier. Eh bien, des conflits tels que celui-ci doivent s’arrêter. En l’espèce, il n’y a pas de solution de rechange à l’accord de Minsk. C’est sur cette base qu’il faut faire respecter le cessez-le-feu, mettre en place une zone démilitarisée et, avec l’OSCE, instaurer un contrôle. Toutefois, il faut aussi que l’Ukraine récupère le plein contrôle de son territoire, dans la limite des frontières reconnues. Toutes les troupes extérieures doivent quitter le pays.

Aujourd’hui, il n’y a plus d’écoles ; les maisons sont détruites. Les habitants n’ont plus de chauffage – il n’y a plus rien. Ceux qui souffrent de conflits comme celui-ci, sont toujours les mêmes, à savoir les personnes qui y vivent – en l’occurrence à Lougansk et à Donetsk, où habitent encore des millions de personnes. Il ne peut y avoir, dans cette affaire, qu’une solution pacifique.

M. FOURNIER (France) – La situation humanitaire décrite dans l’excellent rapport de notre collègue M. Sheridan est effrayante. Certes, il y a encore un an, l’Ukraine était en proie à une grave crise politique liée aux divisions internes sur l’orientation européenne du pays, mais certainement pas le théâtre de scènes de guerre comme on en voit aujourd’hui. En quelques mois, la situation s’est fortement dégradée ; la crise en Ukraine est la plus grave que l’Europe ait connue depuis la fin de la guerre froide. L’Ukraine doit faire face à l’annexion d’une partie de son territoire et à des combats dans l’est du pays menés par des forces séparatistes encouragées et armées par un puissant voisin qui n’a pas hésité à bafouer les principes les plus établis du droit international pour satisfaire ses ambitions impérialistes.

Le coût de la guerre en Ukraine est terrible. Ce pays, qui était le joyau de l’Union soviétique, est aujourd’hui à genoux. Son économie n’est pas loin de l’effondrement et la guerre accapare ses modestes ressources. Des territoires entiers du Donbass sont en ruines ; les morts se comptent par milliers. Plus grave encore, cette catastrophe humanitaire est le résultat d’une entreprise de déstabilisation engagée pour empêcher un Etat souverain de prendre en main son destin et d’engager les réformes qu’il juge nécessaires. Or aujourd’hui, en dépit du bon déroulement, dans l’ensemble, des élections présidentielle en mai, puis législatives en octobre, les réformes sont au point mort en Ukraine.

Le domaine humanitaire lui-même est instrumentalisé. Rappelons-nous en effet l’affaire du convoi prétendument humanitaire russe au mois d’août dernier. En ordonnant à ce convoi, composé de 260 camions, de franchir la frontière ukrainienne sans l’autorisation de Kiev, le Kremlin a mis une fois de plus la communauté internationale devant le fait accompli. Cette opération a été conduite sans l’accompagnement du Comité international de la Croix-Rouge qui devait pourtant être le garant de l’efficacité et de l’impartialité d’une mission censée distribuer des aides en vivres, médicaments et équipements de première nécessité. En apportant de l’aide matérielle aux civils du Donbass, la Russie cherchait à se donner le beau rôle de l’humanitaire se portant au secours des victimes bombardées par l’armée ukrainienne.

Au-delà, quelle était la véritable intention de Moscou ? Utiliser ce convoi comme une sorte de cheval de Troie contenant aussi du matériel militaire destiné aux séparatistes ? En faire une cible de tirs de l’armée ukrainienne pouvant ensuite justifier une intervention militaire russe directe ? Les autorités ukrainiennes ont eu raison de réagir avec retenue. Cet incident, unanimement dénoncé par la communauté internationale à l’époque, illustre la volonté du Kremlin de marquer son autorité sur les régions russophones de l’Ukraine.

Comme c’est malheureusement le cas dans la plupart des guerres, les populations civiles sont les premières victimes et, si le cessez-le-feu de septembre dernier a certes réduit l’intensité des combats, plus de 1 000 personnes ont trouvé la mort depuis sa conclusion.

M. VILLUMSEN (Danemark)* – La situation humanitaire à l’est de l’Ukraine est terrible. Il est important d’en parler ici aujourd’hui. Je suis donc ravi que nous ayons pu avoir ce débat.

Il ne fait aucun doute que la Russie s’est rendue coupable de violations du droit international ; il ne fait aucun doute que, de part et d’autre, des violations graves des droits de l’homme sont perpétrées : tortures, enlèvements – la liste est longue.

J’aimerais rappeler ce que notre Assemblée a décidé lorsque nous avons débattu de la situation au moment des manifestations de la place Maïdan. Nous étions tous d’accord pour dire que le mouvement de protestation ne pouvait justifier une réponse militaire. C’était une bonne décision. De la même façon, il est clair pour moi qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit actuel à l’est de l’Ukraine. De fait, les initiatives militaires prises de part et d’autre ont entraîné une catastrophe humanitaire. Il me semble donc important que nous, à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, essayions de jouer le rôle qui est le nôtre en soulignant la nécessité de trouver des solutions pacifiques, en insistant sur les besoins de la population civile et en réaffirmant l’importance de respecter les valeurs et les principes, notamment ceux de la réforme démocratique et de la décentralisation, qui sont les seules issues possibles pour cette guerre.

Il est très important que, dans notre débat d’aujourd’hui – et au-delà –, nous réfléchissions à la situation de la population à l’est de l’Ukraine. La paix doit être notre objectif. Cette guerre doit prendre fin.

M. CHISU (Canada, observateur)* – Je vous remercie de me donner l’occasion de m’exprimer au sujet de la situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées en Ukraine. Le rapporteur a effectué un excellent travail et je soutiens le projet de résolution. Je suis également d’accord avec ceux des membres de l’Assemblée qui demandent que la communauté internationale et les deux parties s’entendent.

Aujourd’hui, plus de 2 millions de personnes se trouvent dans des zones contrôlées par les forces séparatistes. Elles sont ainsi exposées à des violations des droits de l’homme, à l’insécurité et vivent dans des conditions très difficiles. Au total, 5,2 millions d’Ukrainiens vivent dans des zones touchées par le conflit. Plus de 600 000 personnes sont déplacées à l’intérieur du pays et 500 000 ont fui vers les pays voisins. La plupart d’entre elles ont tout abandonné, ne reçoivent aucune aide et n’ont plus de foyer. Un grand nombre ont toutefois décidé de rester dans leur pays dans l’espoir de revenir au plus vite dans leur maison. Il est essentiel de savoir que plus des deux tiers des adultes déplacés à l’intérieur de l’Ukraine sont des femmes.

Je suis d’accord pour dire avec le rapport qu’un grand nombre de violations des droits de l’homme ont eu lieu et qu’il est nécessaire de lancer une enquête objective. Les auteurs de ces actes doivent être traduits en justice. Comme le souligne également à juste titre le rapport, les autorités ukrainiennes et russes doivent agir pour répondre aux besoins des personnes déplacées.

Il faut aussi souligner qu’une solution politique fondée sur l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine conduira à une amélioration de la situation humanitaire.

En outre, je souhaite souligner l’importance pour la communauté internationale de continuer à soutenir ces personnes.

Du point de vue du Canada, la tenue d’élections parlementaires et la formation d’une nouvelle coalition sont des développements positifs, qui devraient permettre d’aider l’Ukraine et de conduire à un changement durable. Il est primordial également de maintenir la pression sur la Fédération de Russie afin qu’elle cesse toute agression. De même, il est essentiel de continuer à soutenir l’Ukraine dans son processus de réformes, car celles-ci sont nécessaires pour sa stabilité à long terme, sa sécurité et sa prospérité.

Je puis vous l’assurer, en coopération avec ses partenaires et ses alliés, le Canada continuera de soutenir ce pays.

Mme GERASHCHENKO (Ukraine) – Chers collègues, à l’heure actuelle, l’Ukraine compte officiellement plus de 670 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays – ou PDI. Un habitant sur cent de l’Ukraine a dû quitter son logement en raison de l’occupation de la Crimée et de la guerre au Donbass.

Le pouvoir ukrainien, les organisations non gouvernementales et les volontaires font tout leur possible pour aider ces émigrés de l’intérieur. Ils font également leur possible pour soutenir les citoyens ukrainiens restés dans la zone occupée du Donbass. Mais les terroristes ne donnent aucune assurance de sécurité aux autorités ukrainiennes, ni aux missions humanitaires, pas plus qu’à la Croix-Rouge internationale.

En avril, se tiendra la grande conférence internationale dont l’objectif est la reconstruction du Donbass. Parmi les problèmes les plus vitaux, il faudra résoudre les questions de logement et de travail des 100 000 PDI, qui ont été contraints de fuir les terroristes et l’occupation. La guerre au Donbass n’est pas un conflit interne de notre pays ; elle est une guerre inspirée du dehors. Les terroristes qui tirent sur les villes ukrainiennes sont dotés d’armes russes. Des dizaines de faits attestent de la présence des forces militaires russes au Donbass. Après chaque prétendu « convoi humanitaire » de la Fédération de Russie, nous subissons des tirs encore plus intensifs. Le nombre de morts, de blessés et de réfugiés forcés ne cesse de croître et, après le bombardement de civils par des tirs de roquettes Grad à proximité de Volnovakha et de Marioupol, le nombre d’émigrés forcés a encore augmenté.

(Poursuivant en russe) C’est pourquoi, à la lecture de ce rapport, je tiens à poser la question principale : qui porte l’entière responsabilité du malheur de milliers d’Ukrainiens ?

Aujourd’hui, nous demandons à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe de reconnaître ces soi-disant Républiques nationales de Lougansk et de Donetsk comme des organisations terroristes. Et la Russie doit être reconnue comme le pays qui soutient le terrorisme. Les autorités russes ne connaissent pas du tout la valeur du dialogue. Chaque jour, les autorités ukrainiennes présentent des faits montrant qu’il y a des armes russes, des terroristes russes, des soldats russes et des financements russes, notamment à la suite de ce qui s’est produit en Ukraine dernièrement.

Nous demandons à la délégation russe de jouer le rôle de médiateur.

Mme L’OVOCHKINA (Ukraine)* – Cher collègues, je voudrais tout d’abord remercier notre rapporteur pour sa coopération avec la délégation ukrainienne et son rapport qui met le doigt sur le tragique problème auquel nous sommes confrontés, à savoir la situation humanitaire.

Les droits de l’homme, les droits économiques, sociaux et religieux sont violés dans la zone de combats. De très nombreuses personnes se sont réfugiées dans d’autres régions de l’Ukraine ou ont quitté le pays, mais elles sont encore nombreuses à vivre dans cette zone. Leurs conditions de vie sont insupportables, car l’Etat ukrainien a renoncé dans cette région. Ainsi, une loi a suspendu le versement des pensions de vieillesse, les hôpitaux et les écoles ne sont plus financés, les banques sont fermées et, aujourd’hui, il est bien moins facile de se déplacer et de circuler entre ces zones occupées, ces zones de conflit, et les autres.

Les personnes déplacées à l’intérieur du pays, posent aussi un problème, car elles ne trouvent ni logement ni emploi. Les mécanismes dont nous disposons ne sont pas utilisés.

Quant à la Crimée, qui est sous occupation russe, elle pose évidemment un énorme problème qu’il faudrait également prendre à bras-le-corps. Aujourd’hui, il n’y existe plus de liberté d’expression ni de réunion. Les droits des minorités sont foulés au pied. Je représente le Sud-Est de l’Ukraine, c’est-à-dire la région où se cumulent tous les problèmes. La population n’en peut plus de cette guerre et ne voit s’ouvrir devant elle aucune perspective d’avenir.

En dépit de tout cela, certains hommes politiques de la majorité au pouvoir continuent à encourager le conflit armé. C’est une approche qu’il faut condamner. La communauté internationale doit envoyer un signal très clair à tous les partis. A cet égard, je cite notre rapporteur qui indique dans son rapport qu’une solution politique durable est nécessaire pour améliorer la situation humanitaire et que cette solution passe obligatoirement par le dialogue au niveau interne mais aussi au niveau international.

Je voudrais aussi encourager tous les membres de cette Assemblée qui vont participer au vote sur les pouvoirs de la délégation russe, à maintenir le statu quo. Nous ne sommes peut-être pas d’accord sur la façon dont on peut atteindre l’objectif, comme c’est le cas au sein de la commission de suivi des engagements, mais cela me semble être l’unique solution pour sortir de cette crise en Ukraine.

LA PRÉSIDENTE* – M. Frécon, inscrit dans le débat, n'est pas présent dans l'hémicycle.

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – Les réfugiés, nous le savons tous, ne viennent pas de nulle part : il faut donc parler des causes.

Voici un an en Ukraine, il y a eu un renversement du pouvoir par les armes. Les dirigeants des pays de l’Union européenne mais également des Etats-Unis sont les instigateurs directs de ces événements. Et le résultat de cette ingérence grossière en Ukraine est que de nombreuses personnes ont dû s’enfuir à l’étranger.

Il est évident que l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique portent une responsabilité directe dans ce qui se passe ; responsabilité pour la répression politique, pour l’assassinat de journalistes, pour l’assassinat de civils, pour la torture, pour l’émergence du nazisme, pour attiser la guerre civile ; responsabilité encore pour toutes les provocations et pour l’utilisation des armes. Ils sont responsables parce qu’ils approuvent ce qui est fait. Ils apportent des financements, une aide au niveau de la diffusion de l’information, un véritable soutien aux autorités ukrainiennes, qui sans ce soutien, ne se seraient jamais lancées dans cette guerre aventureuse.

Vous voulez la paix en Ukraine ? C’est facile : un seul coup de fil de Barak Obama au président Porochenko lui intimant l’ordre de mettre un terme aux tirs, et alors, la paix pourrait régner en Ukraine ! Je n’exagère nullement.

Vous continuez d’accuser la Russie. Vous diffusez des mensonges totalement injustifiés. Il importe vraiment de travailler avec ceux qui tirent les ficelles de ce terrible jeu. Le risque c’est l’escalade dans la guerre. Ne nous méprenons pas. L’Europe se gargarise de grands principes fondamentaux tels que les droits de l’homme, la liberté d’expression, la tolérance, le pluralisme, mais nous voyons bien ce qui se passe aujourd’hui : lorsque le dialogue n’est plus possible, c’est alors que grondent les canons.

Ni les autorités de Kiev, ni les dirigeants de l’Union européenne, ni ceux de Washington ne souhaitaient instaurer un dialogue avec les Ukrainiens habitant à l’est du pays. Et c’est pour cette raison que nous comptons aujourd’hui plus de un million de réfugiés. D’ailleurs, ces réfugiés fuient vers la Russie, qui leur apporte une aide massive. En Ukraine, en effet, les conditions ne sont pas réunies pour aider ces réfugiés. Et je ne parle pas des Etats de l’Union européenne : pourquoi si peu d’Etats apportent-ils de l’aide aux réfugiés ?

Le seul objectif de ces dirigeants est de diviser la Russie et l’Ukraine par le sang et de brouiller du même coup la Russie et l’Europe. Mais les Russes et les Ukrainiens sont des peuples frères, ils ne forment qu’un peuple. Et nous resterons toujours aux côtés des Ukrainiens, quoi qu’il se passe. Nous avons traversé beaucoup d’épreuves ensemble – la guerre, la famine, les catastrophes – et nous continuerons à les surmonter, celle-là également.

Nous avons besoin d’un dialogue, sinon le chaos et la guerre nous attendent.

M. BOCKEL (France) – L’excellent rapport de notre collègue Jim Sheridan met en lumière un volet dramatique de la crise actuelle entre la Russie et l’Ukraine : le sort des populations déplacées ou réfugiés. Une telle situation souligne bien la violence des événements que traverse l’Ukraine depuis un an et la nécessité pour le Gouvernement en place de réinventer un nouveau mode de gouvernance du territoire où les russophones auront toute leur place.

Il ne s’agit pas pour autant de légitimer la sécession dans le Donbass. L’Union européenne a réitéré en septembre dernier son soutien à l’Ukraine et rappelé la nécessité d’un partenariat durable, au plan politique comme au niveau économique. L’accord d’association enfin signé est venu donner du sens à cette démarche. Cet ancrage européen de l’Ukraine doit désormais aller de pair avec la mise en place de structures politiques permettant de juguler définitivement la guerre civile. Nous, Européens issus des Etats membres de l’Union, avons un rôle déterminant à jouer dans cette direction. Nous avions peut-être mésestimé les divisions profondes de ce pays en ne le saisissant qu’au travers du prisme du mouvement de Maïdan.

Le Conseil de l’Europe dispose d’une expertise indéniable en matière de consolidation des institutions démocratiques. Celle-ci passe en Ukraine par une meilleure association des populations de l’Est du pays à la prise de décision centrale. N’oublions jamais que la sécession du Donbass est pour partie liée à la décision de la Rada d’imposer l’ukrainien comme langue unique sur tout le territoire le 23 février 2014. Notre Organisation doit désormais aider les autorités ukrainiennes à bâtir des ponts politiques avec l’est du pays sous peine de laisser perdurer une situation humanitaire dramatique et de renforcer un peu plus la division d’un pays, qui a, rappelons-le, déjà perdu la Crimée. Le principe de l’intégrité territoriale de l’Ukraine ne pourra s’incarner que si celle-ci reconnait toute sa place aux communautés qui la composent.

Au-delà du soutien au Gouvernement ukrainien, le Conseil de l’Europe doit également œuvrer directement en faveur de la paix entre Kiev et Moscou. Nous avons la chance de réunir en notre sein des représentants des deux pays ; ils se sont exprimés. Notre Organisation doit endosser un rôle de médiateur. Nous ne répondons pas à la même logique que l’Union européenne et œuvrons depuis 1949 pour l’unité du continent européen. Celle-ci est mise à mal par un tel conflit. Il est inadmissible de dénombrer 5 000 civils tués depuis moins de un an au sein d’un pays membre de notre Organisation. Il est impensable d’envisager que près de un million et demi de personnes se trouvent sur le continent européen dans une situation humanitaire dramatique. Ces chiffres contredisent l’existence même de notre Organisation. Agissons donc en conséquence pour favoriser une paix effective entre les belligérants et dresser les contours d’une nouvelle Ukraine, démocratique et ouverte à l’égard de son grand voisin – et j’allais dire « vice versa ».

M. Wach, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Brasseur au fauteuil présidentiel.

M. HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Les réponses aux questions qui se posent sont disponibles pour tous, et pourtant ces questions sont compliquées. Y a-t-il des milliers, des dizaines de milliers, des centaines de milliers ou un million de réfugiés ? Au bout de combien de temps doit-on considérer une telle situation comme une tragédie : trois mois, cinq mois, un an, vingt-six ans ? La tragédie est-elle plus terrible encore lorsqu’elle est récente ou lorsqu’elle remonte à vingt ans ?

Nous parlons aujourd’hui des réfugiés ukrainiens et nous cherchons des solutions. Nous ressentons tous la tristesse et la souffrance des populations. Mais personne ne pourra ressentir cette tristesse autant que les Azerbaïdjanais. En effet, nous vivons tous les jours avec cette tristesse et nous sommes les témoins d’une tragédie similaire à la nôtre.

S’agissant des réfugiés, un grand nombre de débats ont été tenus, de nombreuses solutions ont été adoptées par l’Assemblée parlementaire jusqu’à aujourd’hui. Avec quel résultat ? Malheureusement, pratiquement aucun. Il est clair que la victoire sur le mal a toujours été une tâche malaisée. Il est facile de parler de la situation humanitaire en Ukraine et des conditions de vie épouvantables des réfugiés. Mais nous vivons une période compliquée en Europe et de ce fait, demain, dans le monde ou dans un Etat membre du Conseil de l'Europe, le même problème peut à nouveau se poser.

La probabilité d’événements similaires est importante, comme en témoignent les précédents que nous avons connus au cours de notre histoire. Si des mesures plus strictes ne sont pas prises pour prévenir l’émergence de tels évènements, alors il n’y aura qu’un processus continu.

En 2001, l’Azerbaïdjan comptait un million de réfugiés et de personnes déplacées du fait de l’occupation de l’Arménie. Depuis, le nombre total de réfugiés et de personnes déplacées que compte le Conseil de l'Europe a encore augmenté. Notre Organisation devait nous aider à surmonter ces difficultés, mais des attitudes déraisonnables ou trop peu strictes ont fait que rien n’a changé. Les camps de tentes existent en nombre de plus en plus important. L’histoire se montre impitoyable et applique des règles sans cesse plus cruelles. Ignorer le problème ne fait que renforcer celui-ci. Et il nous revient comme un boomerang avec de nouveaux désastres - la Moldova, la Géorgie, l’Ukraine, plus récemment.

Nous voudrions qu’il en aille différemment et que les choses prennent une meilleure direction.

M. IWIŃSKI (Pologne)* – Je salue le rapport de M. Sheridan, qui montre que la situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées en Ukraine a empiré, car le conflit a explosé dans l’est de l’Ukraine. Les effets dévastateurs de cette situation sur la population – et sur les droits de l’homme – ont été clairement présentés par le Commissaire aux droits de l’homme. Les personnes déplacées sont nombreuses, il s’agit d’une véritable tragédie humaine.

Des décisions très controversées ont été prises : suspendre le paiement des retraites et des aides sociales aux personnes vivant en dehors du contrôle des autorités ukrainiennes. Cela a accru l’isolement de plusieurs zones et cela a exacerbé les tensions parmi la population. Nous devons réclamer l’annulation de ces décisions.

Nous ne connaissons pas le nombre réel de personnes déplacées, mais l’on parle de un million. Le logement est la question la plus importante pour ces personnes. Or, où qu’elles soient, les centres existants ne sont pas suffisants pour faire face à l’hiver, bien rude en Ukraine. Les Ukrainiens ont également fui en Russie, essentiellement dans la région de Rostov.

Il faut absolument intensifier les efforts remarquables déjà déployés par la Russie afin de faire face à ce flot ininterrompu de réfugiés et de PDI. Les situations sont dramatiques dans les zones qui ne sont pas contrôlées par les autorités ukrainiennes. Et nous ne savons pas grand-chose sur cette situation qui est comparable à celle que nous avons connue pendant la guerre de Tchétchénie.

Je soutiens l’invitation à agir que le rapporteur adresse à la Banque de développement, car la solidarité est nécessaire. Nous avons agi en ce sens par le passé, par exemple face à la situation humanitaire en Tchétchénie. Mais il faut créer les conditions les plus propices à l’exercice pratique de cette solidarité et pour cela, il faut mettre fin au conflit. Il est donc indispensable de trouver un accord pacifique.

LE PRÉSIDENT* – Mes chers collègues, j’interromps un instant la liste des orateurs pour vous rappeler que le scrutin pour l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Bulgarie et de la Serbie est en cours. Il sera clos à 13 heures ; il reprendra cet après-midi à 15 h 30 et sera clos à 17 heures.

J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

Nous reprenons le cours de la discussion générale.

M. ŠIRCELJ (Slovénie)* – Le rapport est excellent, mais les chiffres dont il fait état sont inquiétants. Une fois de plus, une catastrophe humanitaire a lieu non loin de chez nous. Au cours des 12 derniers mois, 5 000 personnes ont trouvé la mort et plus de un million ont été déplacées. Qu’avons-nous fait ?

Je soutiens le rapporteur lorsqu’il appelle les Etats membres à aider les autorités nationales ukrainiennes à surmonter cette crise humanitaire sur leur territoire : l’Ukraine a besoin d’aide.

Cet élément très important n’est toutefois qu’un aspect de la crise. Lors des élections législatives de 2014, les Ukrainiens ont choisi l’Europe, la démocratie parlementaire, le dialogue, le respect de l’Etat de droit et des droits de l’homme. Une solution politique fondée sur le respect de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine est essentielle pour parvenir à une paix durable dans cette partie du monde. La seule façon de mettre un terme à la guerre et à ses conséquences, parmi lesquelles la catastrophe humanitaire, est donc d’appliquer pleinement l’Accord de Minsk. Toutes les parties au conflit doivent par conséquent consentir les efforts nécessaires pour atteindre cet objectif. Et je suis convaincu que les parlementaires ont eux aussi leur rôle à jouer dans ce processus.

Cher collègue, merci pour votre rapport et pour tout ce que vous avez fait !

Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.

Mme GORYACHEVA (Fédération de Russie)* – Le rapport et le projet de résolution suscitent des sentiments mitigés.

Qui est à l’origine de cette catastrophe humanitaire en Ukraine, et quelle en est l’ampleur ? Sur le premier point, le silence est clair : les grands inspirateurs de ce renversement qui fait couler le sang, ce sont les Etats-Unis et l’Europe. Sur le second point, on ne nous parle pas des dizaines de milliers de personnes blessées par les bombardements, ni des dégâts matériels avec la destruction de 3 000 logements, 200 écoles, 50 hôpitaux. Après le retrait des armées ukrainiennes, on a découvert des fosses communes de civils portant des marques de torture. Si ce n’est pas un génocide, alors qu’est-ce qui en est un ? Cette prétendue démocratie a été envoyée par l’Ouest en Irak, puis en Yougoslavie, puis au Liban, puis en Syrie, et maintenant en Ukraine.

Monsieur Sheridan, êtes-vous allé à Kiev, à Kharkov, à Donetsk, à Lougansk ? Êtes-vous descendu dans les caves humides où, depuis six mois, des personnes âgées et des enfants affamés s’abritent des bombardements ? Pourquoi votre rapport n’en dit-il pas un seul mot ? Est-ce un menu détail ?

Le paragraphe 13 de votre projet de résolution ne dit rien des faucons américains, mais appelle la Russie à s’abstenir de déstabiliser l’Ukraine et de soutenir les séparatistes. Cette allégation n’est confirmée par aucun fait. D’ailleurs, si c’était notre armée qui se battait, nous serions à Lvov depuis longtemps ! Comme l’ont dit les médias, lorsque les troupes ukrainiennes ont quitté l’aéroport de Donetsk, on a trouvé des armes américaines qu’ils avaient laissées derrière eux, et des uniformes de l’Otan sur les cadavres. Alors qui est l’élément déstabilisateur ?

Et d’où vient le séparatisme dans l’est de l’Ukraine, sinon du fait que des personnes se sont vu refuser le droit de parler dans leur langue maternelle ? Est-ce une raison pour les bombarder ? Nous ne trahirons pas nos frères de Donetsk et de Lougansk !

À l’heure actuelle, en Russie, il y a plus de 300 000 réfugiés, parmi lesquels 143 000 personnes ont trouvé un emploi, 11 000 suivent un traitement médical et 45 000 enfants fréquentent nos écoles. Ces réfugiés se sont vu livrer 50 000 tonnes de médicaments et d’aides. Qui a fait plus ?

Nous souffrons tous de cette tragédie dans laquelle l’Ouest n’est pas pour rien. Le peuple ukrainien est fier et travailleur. Mais il suffit que le maître fronce les sourcils pour que le laquais s’empresse d’arracher un morceau. Toutefois, si le maître, on le sait, est par-delà les océans, peut-être n’est-il pas trop tard pour que l’Europe arrête les laquais qui occupent de hautes fonctions à Kiev et qui versent le sang de leur propre pays !

LA PRÉSIDENTE* – M. Badea, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme VĖSAITĖ (Lituanie)* – Je me sens très mal à l’aise lorsque j’écoute les interventions des membres de la délégation russe : j’ai l’impression de me retrouver il y a quarante ans, en pleine guerre froide, et d’entendre la propagande soviétique.

Pour quelles raisons le Kremlin continue-t-il cette guerre ? Pour créer un corridor de la Russie à la Crimée ? Mais combien de vies supplémentaires faudra-t-il sacrifier, combien de destins seront encore brisés ? À moins qu’il ne s’agisse de prouver que l’Ukraine n’est pas capable de gérer la crise ? Peut-être la raison est-elle double, en réalité.

La situation humanitaire se dégrade de jour en jour. Les gens vivent sans électricité, sans nourriture correcte, les enfants ne vont plus à l’école. Et nous, Européens, nous devrions mettre fin aux causes de ce conflit. Les troupes russes ne sont pas en vacances à la frontière ukrainienne !

La Lituanie insiste sur la nécessité de continuer de mobiliser toute l’assistance internationale possible pour l’Ukraine, y compris en vue de combler ses besoins humanitaires immédiats. J’en appelle aux Etats membres du Conseil de l’Europe : qu’ils invitent tous ceux qui, dans nos pays, sont disposés à œuvrer en ce sens. Des entreprises sont disposées à venir en Ukraine pour reconstruire les bâtiments et le secteur énergétique. C’est à nous de créer les fonds de garanties nécessaires. Nous nous félicitons de la décision de la Commission européenne pour que l’assistance humanitaire soit renforcée en Ukraine. Cette aide d’urgence inclut des contributions des Etats membres de 95 millions d’euros. Il faut mettre fin à cette folie, à cette guerre. Après, on pourra reconstruire cette région.

LA PRÉSIDENTE – Il nous faut maintenant interrompre l’audition des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les quatre heures, leur intervention dactylographiée au service de la Séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

Nous entendrons la réplique de la commission au début de la séance de cet après-midi, à 15h30, avant de passer aux votes des amendements et du projet de résolution.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le scrutin pour l’élection de deux juges à la Cour européenne des droits de l’homme, au titre de la Bulgarie et de la Serbie, est en cours. Il sera clos à 13 heures ; il reprendra cet après-midi à 15 h 30 et sera clos à 17 heures.

J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

3. Discours de M. Higgins, Président de l’Irlande

LA PRÉSIDENTE* – Monsieur le Président, Madame Higgins, c’est un immense honneur pour moi, de vous accueillir à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui regroupe des parlementaires de toute l’Europe pour défendre les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit.

Monsieur le Président, au cours de votre longue et riche carrière comme homme politique, poète, sociologue, auteur et radiodiffuseur, vous vous êtes engagé en faveur de ces valeurs. C’est la raison pour laquelle votre venue à Strasbourg est hautement symbolique.

Nous sommes confrontés à bon nombre de problèmes liés au respect des droits de l’homme en Europe mais aussi dans le monde. Nous devons nous inspirer des valeurs qui constituent les fondements du Conseil de l’Europe.

Dans votre allocution devant le Parlement européen, il y a deux ans, vous avez, à juste titre, rappelé que les pères fondateurs de l’Europe d’aujourd’hui n’ont pas simplement voulu remplacer la guerre par la paix mais surtout ont voulu construire une Europe des peuples travaillant ensemble de manière inclusive.

Notre Assemblée essaie justement de donner réalité à cette vision, avec des hommes politiques démocratiquement élus, qui représentent plus de 800 millions d’Européens et qui travaillent ensemble pour protéger et promouvoir notre patrimoine commun, historique, intellectuel et culturel. Pour ce faire, nous avons besoin du soutien de tous les Etats membres et de toutes les forces politiques sur le continent.

Dans ce contexte, l’engagement de l’Irlande pour nos valeurs est exemplaire, que ce soit par le soutien donné aux défenseurs des droits de l’homme, la promotion de la justice sociale et de la solidarité, par le développement du dialogue Nord-Sud ou par l’aide à nos voisins qui essaient de construire des sociétés démocratiques.

Ce qui est encore plus important, c’est l’engagement des personnes, des dirigeants qui prennent fait et cause avec courage, passion et détermination pour les droits de l’homme et les principes démocratiques. C’est sans aucun doute pour cette raison-là que vous avez été élu Président avec bien plus de voix que tout autre homme politique irlandais dans le passé.

La polémique ne vous fait pas peur. Vous avez dit que l’Irlande avançait les yeux fermés vers la catastrophe, avec ces taux de chômage de jeunes tellement élevés. Je me demande quels avertissements vous allez nous donner aujourd’hui.

Vous connaissez cette Assemblée puisque vous en avez fait partie de 2001 à 2003. C’est la raison pour laquelle nous sommes impatients de vous écouter. Je suis sûr que votre allocution sera une source d’inspiration pour nous tous et pour nos travaux.

(Concluant en gaélique irlandais) Monsieur le Président, Madame Higgins, je vous souhaite mille fois la bienvenue.

M. Michael D. HIGGINS, Président de l’Irlande* – (Commençant en gaélique irlandais, sans interprétation) A Uachtaráin, Madame la Présidente, A chomhaltaí den Tionól Parlaiminteach, Is mian liom buíochas a ghabháil libh as ucht na deise a thabhairt dom labhairt leis an tionol seo, tionól a thugann le chéile toscairí parlaiminteach na 47 stáit Eorpaigh – institiúid a bhfuil ról suntasach imeartha aici an daonlathas agus riail an dlí a láidriu ar fud ár… n-ilchríoch.

LA PRÉSIDENTE* – Excusez-moi…

M. LE PRÉSIDENT DE L’IRLANDE* – Je vais poursuivre en anglais.

LA PRÉSIDENTE* – Ma langue maternelle est le luxembourgeois que personne ne comprend non plus ! Je vous remercie d’avoir utilisé votre langue au début de votre allocution. J’ai fait de mon mieux pour vous souhaiter la bienvenue dans celle-ci, même si je ne la comprends pas.

M. LE PRÉSIDENT DE L’IRLANDE* – C’est un des grands accomplissements du Conseil de l’Europe que de soutenir les minorités et leurs langues.

Madame la Présidente, je tiens tout d’abord à vous remercier pour votre visite à Dublin en juin de l’année dernière et pour votre aimable invitation à intervenir devant cette Assemblée. Je tiens aussi à vous féliciter pour votre réélection à la présidence. Je vous souhaite, ainsi qu’à tous les membres de l’Assemblée parlementaire, de faire preuve d’énergie, de courage moral et de créativité dans la construction de la coopération européenne et la protection de l’Etat de droit, en réponse aux grands défis de notre époque.

C’est pour moi un honneur et un grand plaisir d’être ici aujourd’hui, dans cet hémicycle, dans cette grande institution qu’est le Conseil de l’Europe, qui nous rappelle les premiers pas de l’Europe après la destruction causée par la Seconde Guerre mondiale.

Je suis animé par des sentiments d’urgence et de gravité. Comme nous tous, représentants élus des peuples d’Europe, nous essayons de trouver notre chemin dans un moment délicat pour la démocratie.

L’époque exige que tous nous utilisions les occasions que nous offre le Conseil de l’Europe – organe de coopération paneuropéen. L’époque exige également que nous renforcions les principes de la dignité humaine et du pluralisme démocratique défendus par le Conseil de l’Europe. Parmi les dix États membres fondateurs, l’Irlande a toujours été très consciente du rôle important que joue le Conseil de l’Europe pour formuler la coopération européenne. Le jeune État irlandais était resté neutre pendant la Seconde Guerre mondiale. C’était, à la fin des années 1940, un pays pauvre, à la périphérie de l’Europe, dont la politique étrangère était mâtinée de nombreux problèmes non résolus avec l’ancien colonisateur, le Royaume Uni. Ainsi, la participation irlandaise au congrès de La Haye et aux négociations de Londres, qui ont débouché sur le statut du Conseil de l’Europe en 1949, a représenté un engagement important dans les débats concernant l’avenir de l’Europe après la guerre.

Dans les années qui ont suivi, notre participation au Conseil de l’Europe et l’application de la Convention européenne des droits de l’homme ont permis de consolider l’État de droit et ont contribué à un changement social positif en Irlande. Aujourd’hui, face aux défis qui nous attendent, je souhaite réaffirmer l’engagement clair de mon pays en faveur du multilatéralisme, ainsi qu’en faveur des objectifs et des principes qui ont guidé le Conseil de l’Europe tout au long de ses soixante-cinq années d’existence.

Après la fin de la guerre froide, le Conseil de l’Europe a joué un rôle essentiel de catalyseur. Il a d’abord permis de réaffirmer les grands principes de la démocratie pluraliste, le respect des droits de l’homme et de l’Etat de droit. Il a ensuite permis l’élaboration de normes dans le domaine des droits de l’homme grâce à la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres mécanismes juridiques. Enfin, il a réaffirmé l’objectif commun d’une société plus juste, plus tolérante et plus libre en Europe.

Nous avons tracé un cadre commun dont nous devons prendre inlassablement soin et que nous devons renforcer en tant qu’élément de l’architecture de la stabilité, de la paix et de la confiance que nous avons construites sur ce continent. Ce legs a un sens éthique profond qui est admiré partout dans le monde et qu’il faut, j’y insiste, renforcer plutôt qu’affaiblir.

Avant d’en venir aux courants destructeurs qui, à mon avis, menacent les systèmes européens de cohésion et de coopération, je souhaite rendre hommage à la contribution du Conseil de l’Europe à la protection des droits de l’homme, à la manière dont on leur a donné leur juste place et dont on les a rendus indivisibles.

Bien sûr, la Convention européenne des droits de l’homme et ses protocoles signés par mon pays en 1950 et ratifiés en 1953 ainsi que le travail de la Cour européenne des droits de l’homme sont au cœur de l’activité du Conseil de l’Europe. Je suis d’ailleurs ravi à l’idée de pouvoir visiter la Cour cet après-midi – une institution fondamentale pour le Conseil de l’Europe et pour la démocratie européenne dans son ensemble.

Le grand respect de l’Irlande pour l’activité et le travail de la Cour, pour son rôle dans le renforcement du débat démocratique se traduit, par exemple, par notre soutien au programme du Webcasting de la Cour. Depuis 2006, l’Irlande a volontairement financé le webcasting de toutes les audiences de la Grande Chambre. En donnant un accès libre à certaines des audiences les plus importantes à Strasbourg, ce projet permet aux citoyens de mieux comprendre le fonctionnement de la Cour ainsi que tous les droits qui découlent de la Convention. Ce programme permet également aux citoyens de comprendre la manière dont la défense des droits de l’homme peut revigorer la vie démocratique et produire des changements de société.

Dans le domaine des droits socio-économiques, l’adoption de la Charte sociale européenne a constitué un grand moment : pour s’épanouir, l’homme doit pouvoir jouir non seulement de droits civils et politiques mais aussi de droits sociaux. L’Irlande a soutenu la première charte et la charte révisée et a accepté le mécanisme de recours collectif dirigé par le Comité européen des droits sociaux. Nous avons soutenu, en outre, des initiatives plus récentes qui visent à renforcer les systèmes de protection dans le cadre de la Charte sociale européenne, y compris le processus de Turin.

La force du Conseil de l’Europe a été de mettre l’accent sur le rôle de la culture pour renforcer la démocratie. Pour les Irlandais, nation très attachée à la langue gaélique, l’adoption de la Convention pour la protection des minorités nationales, que j’ai déjà évoquée, représente une étape très importante vers la reconnaissance des droits culturels partout en Europe.

Prises dans leur ensemble, les structures des droits de l’homme du Conseil de l’Europe nous offrent un modèle à la fois efficace et sophistiqué de promotion et de protection des droits et des libertés. Elles démontrent l’engagement pour la défense des principes fondamentaux, pour la défense de l’indivisibilité des droits de l’homme qu’il faut appréhender à la fois dans leur dimension civile, politique, économique, sociale et culturelle.

Nos fondements sont donc les bons. Ce qui ne signifie pas que l’Irlande ignore les possibilités qui existent de renforcer encore l’efficacité du travail de la Cour et du Conseil. C’est pourquoi l’Irlande soutient le processus de réforme engagé par la Cour et se félicite des réalisations déjà obtenues, notamment dans le grand nombre d’affaires pendantes qui menaçait son fonctionnement.

Plus largement, nous soutenons les décisions du Sommet de Varsovie de 2005 de promouvoir les droits de l’homme, l’État de droit et la démocratie. Nous avons toujours soutenu les efforts du Secrétaire Général Jagland à cet égard.

En reconnaissant la nécessité de réformes positives, utiles et constructives, j’aimerais néanmoins exprimer mon inquiétude face aux efforts de certains pour saper la légitimité de la Cour et de la Convention. Certaines des critiques adressées à la Cour relèvent du reste d’arguments politiques plus larges concernant l’Europe. Et étant donné l’histoire de l’Irlande et les circonstances territoriales, institutionnelles, politiques et économiques actuelles, les termes de ce débat sont pour nous une source de préoccupation réelle. Je m’exprimerai très clairement : la Convention européenne des droits de l’homme doit rester la pierre angulaire de la protection des droits de l’homme en Europe. Et à ceux qui avanceraient qu’il existe une tension, une contradiction entre les principes de la démocratie parlementaire et la protection internationale des droits de l’homme, répondons sans équivoque que les parlements ne peuvent que bénéficier d’un contexte où les droits sont protégés.

Ces deux points devraient constituer la base de toutes nos discussions au sein du Conseil de l’Europe et plus généralement dans une Europe parvenue à un point crucial de son histoire. La coopération européenne doit faire face à un grand nombre de difficultés sérieuses et qui préoccupent tous les citoyens européens ainsi que leurs élus. C’est à vous que je m’adresse, en votre qualité de délégués des parlements nationaux d’Europe. J’en appelle à votre expérience ainsi qu’à votre sens des responsabilités en abordant maintenant les tendances inquiétantes qui menacent la démocratie, la cohésion sociale et un avenir partagé, que ce soit au sein de nos communautés nationales ou au niveau européen.

J’ai eu l’honneur de servir pendant plus de trente ans le Parlement national irlandais, y compris au sein de la présente Assemblée parlementaire de 2001 à 2003. J’ai donc le plus grand respect pour le travail réalisé par les parlementaires afin de répondre aux besoins et aux aspirations des citoyens qui les ont élus et pour leur habitude de débattre, de s’opposer mais également de trouver des compromis sur les questions importantes qui forment l’espace public.

Malgré leur gravité, les défis auxquels nous avons à faire face sont autant d’occasions données aux parlementaires de réaffirmer la pertinence des parlements et leur capacité à revitaliser le projet de la coopération européenne. Notre premier défi tient au retour sur notre continent de grandes fractures géopolitiques avec des conséquences humaines désastreuses.

Ce matin même, l’Assemblée a débattu d’un conflit armé qui se déroule sur le territoire d’un Etat membre du Conseil de l’Europe, l’Ukraine. M. Sheridan, rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, a souligné ses conséquences catastrophiques pour la population. Mettre fin à la violence militaire afin de permettre à tous les réfugiés de retrouver leur foyer et de reconstruire leur vie est une tâche urgente, bien que difficile. Elle exige des ressources et des compétences, et la patience de toutes les parties. A long terme, leurs différences majeures devront être surmontées, dans un esprit de dialogue et de coopération fondé sur la justice et le respect des droits fondamentaux. C’est là tout le défi posé à la diplomatie. Le Conseil de l’Europe peut apporter une contribution de taille, au-delà de toutes les initiatives déjà engagées par l’Assemblée et par sa Présidente, qui s’est montrée exemplaire dans son engagement à maintenir le contact avec les deux délégations. Maintenir l’équilibre essentiel et délicat entre le respect des principes et l’ouverture au dialogue est indispensable pour mettre fin à la tragédie actuelle.

Un autre défi posé à la démocratie et à la cohésion sociale découle des nouvelles formes de fanatisme et de conflits dont les ramifications touchent le cœur des villes européennes. Cette menace nous a été rappelée récemment à Paris, où en l’espace de trois jours la liberté d’expression et de la presse a été agressée de la manière la plus sauvage, où nous avons vu des hommes froidement abattus dans un acte antisémite. Nous devons répondre aux causes profondes de cette menace, ce qui constitue une entreprise très complexe, non pas seulement parce que ces formes de violence apparaissent au croisement des grandes tensions géopolitiques, des religions et des inégalités sociales, mais aussi parce qu’il existe des risques inhérents aux réponses apportées dans la peur et dans la colère. La potentielle récupération politique de ces émotions ressenties dans la population est évidente.

Les ambassadeurs des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe ont décidé la semaine dernière, sous la présidence belge, de renforcer l’action contre le terrorisme. Le défi ne se limite pas aux réponses les plus urgentes. Il faut comprendre et analyser les motivations de ceux qui sont poussés à l’extrémisme et à la violence politique. Les nouvelles technologies, les cyber-attaques, mais aussi les exécutions extrajudiciaires effectuées par des machines, rendent floues les limites entre la guerre et la paix. Elles risquent de distiller une grande méfiance au sein de nos sociétés. Je suis convaincu que le Conseil de l’Europe et son Assemblée doivent continuer à jouer un rôle important pour préserver l’Etat de droit face à ces formes extrêmes de destruction, qu’elles soient de natures religieuse ou nationaliste. Le Conseil de l’Europe a montré, dans le passé, qu’il ne perd jamais de vue les droits fondamentaux. Rappelons-nous lorsque l’atmosphère générale des pays occidentaux avait pris une allure de croisade. Le sénateur Dick Marty, en 2006, avait documenté la participation active et passive de certains Etats membres du Conseil de l’Europe à des détentions secrètes et des transferts illégaux de détenus organisés par la CIA. Son rapport avait connu un grand retentissement au niveau international et relancé le débat sur l’équilibre à atteindre entre lutte contre le terrorisme et protection des droits de l’homme. Je m’y suis moi-même référé lors de débats au Parlement irlandais. J’ai compris à cette occasion tout l’intérêt des rencontres entre parlements nationaux aux niveaux européen et international.

Je pense plus largement que les parlements constituent un canal privilégié pour renforcer la participation des citoyens au débat sur la politique étrangère. La conception de la diplomatie « professionnelle » et la raison d’Etat sont entrées en conflit avec l’opinion publique, qui ressent les choses de manière émotionnelle. Les parlements ont la possibilité de demander des comptes aux gouvernements et de parler au nom des citoyens. La question de savoir si une politique étrangère doit répondre à la nécessité de la responsabilité démocratique n’est pas nouvelle. Il est intéressant de relever que parmi les sujets abordés au cours des premières années de la participation de l’Irlande au Conseil de l’Europe, il y avait celui des prérogatives de l’Assemblée et du Comité des Ministres. En 1949, le député Seán MacBride faisait remarquer au Parlement irlandais que, dans une large mesure, le statut proposé visait à lier les mains des membres de l’Assemblée, mais il pensait que ces derniers reprendraient le dessus au fil du temps.

La politique étrangère n’est pas le seul domaine dans lequel les parlements doivent réaffirmer leurs prérogatives. Les politiques fiscales et économiques sont tout aussi importantes pour l’activité parlementaire. Il est urgent d’affronter la menace qui s’exerce sur l’avenir de la démocratie européenne compte tenu de la perte de pouvoir et d’autorité des parlements au profit des apôtres d’une orthodoxie fiscale étriquée. Aujourd’hui des marchés financiers internationaux prétendument autorégulés et des agences de notation qui ne rendent de comptes à personne occupent plus de place dans les médias que les débats des parlements. Que s’est-il passé ? Pourquoi ce domaine du débat public a-t-il été confisqué ? Les structures de prise de décision étaient autrefois placées au sein d’institutions représentatives, où les différences étaient respectées et débattues. Pourquoi une seule opinion, fondée sur l’avis d’experts, l’a-t-elle emporté ? Les agences de notation sont devenues des panoptiques modernes. Elles ne sont soumises à aucune exigence démocratique mais exercent de plus en plus d’influence sur nos vies.

Que faire ? Les parlements, aux niveaux national et européen, doivent de toute urgence récupérer leurs compétences et leur légitimité dans le domaine économique et fiscal. Aucun modèle économique unique ne pourra jamais répondre à la complexité du monde d’aujourd’hui. Le statu quo qui résulte de débats politiques a cédé la place à des règles fiscales automatiques, issues du paradigme dominant, au détriment de toute réflexion saine. Le chemin emprunté est dangereux pour l’avenir de la politique et des citoyens. Nous avons besoin de bonnes politiques économiques, fondées sur des modèles pluralistes. Les parlements comptent. Des siècles d’efforts ont été investis pour garantir le droit de vote.

Les citoyens attendent des élus plus de responsabilité, une ouverture vers de nouvelles perspectives collectives dans les options politiques, mais aussi leur propre connexion à des horizons plus vastes à travers leur travail dans des instances internationales telles que votre Assemblée. Allons-nous abandonner tous ces progrès ? Et en avons-nous mesuré toutes les conséquences ?

Je suis intimement convaincu qu’il faut un contexte éthique dans nos délibérations en matière économique. Les questions de politique économique ne peuvent être que seulement techniques. Elles ont une dimension éthique et c’est en cela qu’elles doivent être ouvertes au débat politique.

Mon message n’est pas pessimiste : les parlements nationaux ainsi que les assemblées supranationales comme la vôtre peuvent avoir un rôle central dans la protection du monde public qui est au centre de la démocratie européenne, cet espace essentiel partagé par les citoyens qui doivent pouvoir débattre librement, de manière pluraliste, dont les enfants doivent avoir accès à une éducation elle-même pluraliste, et qui doivent également pouvoir imaginer des alternatives aux idées et aux pratiques actuelles et se projeter ensemble dans un avenir national, européen et international.

Le Conseil de l’Europe a montré le chemin en abordant les questions fiscales et budgétaires du monde d’aujourd’hui par le prisme éthique, comme le prouve l’initiative récente du Commissaire aux droits de l’homme : « Protéger les droits de l’homme en période de crise économique. »

Si nous voulons répondre à la crise que connaît la démocratie de manière holistique en reconnaissant les dimensions politiques, économiques, sociales et culturelles dans les problèmes que nous rencontrons, alors vous, parlementaires, avez une perspective précieuse à proposer. Tous les jours, dans les rues, dans vos permanences vous rencontrez le chômage, la pauvreté, le sentiment d’aliénation et d’insécurité exprimé par tous, surtout les jeunes qui, comme Jürgen Habermas l’a dit, « ont à payer la facture de l’impact sur l’économie réelle d’un dysfonctionnement pourtant prévisible du système financier » et qui « au contraire des actionnaires, ne payent pas en petite monnaie mais au prix fort leur existence quotidienne ».

Comme Theodor Adorno l’a dit, « la nécessité de laisser parler la souffrance est la condition sine qua non de toute vérité. » C’est vrai, je crois, pour toute vérité politique aussi.

La souffrance que nous tous, élus, devons exprimer n’est pas celle qui se limite à notre paroisse. Nous sommes invités à nous saisir des grands débats contemporains tels que le changement climatique et les objectifs de développement durable qui sont négociés en ce moment même aux Nations Unies.

Les choix qui seront faits à la fin de l’année 2015 sur ces deux points – à New York en septembre pour l’agenda post-développement 2015 et à Paris en décembre pour les négociations sur le changement climatique – auront un impact réel sur les gens qui vivent dans l’hémisphère sud, mais pour nous aussi qui vivons dans le monde occidental. C’est à nous de revoir des définitions simplistes, binaires du développement, pas seulement parce des éléments liés au Sud se retrouvent aujourd’hui au Nord et que, vice-versa, certaines caractéristiques du Nord se retrouvent au Sud, mais aussi et surtout parce que les questions sociales, environnementales, telles que la crise des réfugiés dans notre propre voisinage européen, exigent un changement complet des mentalités et de nos discours.

Ces grands défis exigent de nous tous que nous participions à ce débat, que nous abandonnions les grands discours qui nous divisent entre le Nord et le Sud, que nous abordions les choses de manière holistique, humanitaire, et que nos Parlements se saisissent de l’occasion pour réaffirmer leur légitimité en définissant des stratégies institutionnelles. C’est une grande opportunité qui vous est donnée de contribuer à la tâche fondamentale de formuler les grandes responsabilités du monde contemporain.

Nous, représentants élus, devons répondre à ce défi historique dans nos assemblées nationales et européennes en tant que sujets éthiques conscients de nos vulnérabilités partagées, de notre solidarité et de notre interdépendance avec tous ceux qui vivent avec nous sur cette fragile planète.

Ne soyons pas apeurés par l’ampleur de la tâche. Apportons travail, énergie, compétence, construisons des passerelles pour permettre la confiance de tous en montrant que nous avons l’autorité et que nous faisons preuve de responsabilité dans toutes les questions y compris budgétaires et fiscales. Que ceux qui ont l’expérience d’un Parlement national montrent qu’ils peuvent négocier dans les instances supranationales de décision et de pouvoir. Vous avez le mandat pour le faire au nom de votre électorat. Je souhaite que vous vous réappropriiez le débat sur les grands choix de notre époque.

C’est un impératif essentiel si nous voulons préserver le système démocratique créé pour l’Europe après la Seconde Guerre mondiale et qui a permis de surmonter les divisions voilà vingt-cinq ans.

On nous demande de nous engager dans une refondation culturelle et éthique du type de celle qui fut accomplie par les grands architectes de la coopération européenne au milieu du vingtième siècle.

Vu la diversité de notre histoire, de nos problèmes actuels, de nos peurs et de nos aspirations, je crois que nous pouvons apporter une réponse qui tienne compte de notre mémoire collective et qui insuffle dans l’esprit humain un nouvel espoir.

On nous demande aujourd’hui de revenir à notre grande tradition, à nos grands penseurs, aux réactions instinctivement généreuses de la pensée européenne. Mais en revenant aux grandes visions, je vous invite à créer des stratégies réalistes pour construire la paix, la démocratie et l’Etat de droit en Europe. On nous demande courage et créativité, en coopération, pour créer une voie accessible à toutes les générations. Tout cela est possible.

La Cour européenne des droits de l’homme a, dans une publication, été décrite comme « la conscience de l’Europe ». J’accorde cette même étiquette au Conseil de l’Europe, sachant que, dans toutes vos activités et vos tâches, vous êtes les citoyens de la « République de la conscience » décrite par le prix Nobel de littérature, Seamus Heaney, dans le grand poème qu’il a écrit pour la Journée internationale des droits de l’homme et qui se terminait ainsi :

« Le vieil homme se leva, me regarda en face et me dit que c’était une reconnaissance officielle si j’étais maintenant un citoyen double.

Il souhaita donc que lorsque je serais rentré chez moi je me considère comme un représentant et que je parle en ce nom dans ma propre langue.

Leurs ambassades, dit-il, sont partout, mais travaillent indépendamment et aucun ambassadeur ne sera jamais totalement libéré. »

Je vous remercie.

LA PRÉSIDENTE* – Merci beaucoup, Monsieur le Président, pour votre discours très inspirant, et pour avoir souligné le rôle que jouent les parlementaires en rappelant quelles sont nos responsabilités. Il ne faut pas oublier en effet que l’éthique est au cœur de nos travaux, comme vous l’avez justement précisé. Nous sommes, et je crois que c’est une leçon à tirer, les citoyens de la « République de la conscience » !

Un certain nombre de parlementaires souhaitent vous poser des questions.

Nous commençons par les porte-parole des groupes politiques.

M. IWIŃSKI (Pologne), porte-parole du Groupe socialiste* – Monsieur le Président, l’Irlande est traditionnellement un pays d’émigration, surtout vers l’Amérique, mais depuis quelque temps elle est devenue un important pays d’immigration, surtout en provenance des nouveaux Etats membres de l’Union européenne, notamment la Pologne. D’après vous, quel rôle joue votre diaspora, qui est très importante ? En outre, quels sont les problèmes que crée inévitablement dans votre pays l’arrivée de nouveaux venus ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’IRLANDE* – Jeune sociologue, je me suis rendu aux Etats-Unis, et le premier travail important sur les migrations que j’ai lu était celui de Thomas et Znaniecki sur les émigrés polonais en Europe et aux Etats-Unis.

Après que la Pologne et neuf autres Etats ont rejoint l’Union européenne en 2004, l’Irlande a profité de l’arrivée de migrants en provenance de ces pays ; ils ont contribué à notre économie et à notre société et nous sommes ravis que, malgré la crise, ils soient restés chez nous. J’ai eu la possibilité de rencontrer un certain nombre de ces migrants, appartenant en particulier la communauté polonaise, lors d’un match entre l’Irlande et la Croatie. Cette communauté a été d’un grand secours à l’Irlande lorsque le pays a connu des difficultés. Beaucoup continuent d’apprendre le polonais dans nos écoles. Ils ont leurs propres croyances, mais contribuent à la richesse de notre propre culture et c’est ainsi que les choses doivent se passer. Les mouvements de personnes au sein de notre maison commune sont essentiels.

En ce qui concerne l’autre sujet que vous avez abordé, lorsque nous avons dû affronter la crise économique, la diaspora a joué un rôle essentiel, notamment pour la reconstruction des infrastructures. Nous avons vu les avantages qu’il y a à créer des entreprises dans le domaine de la recherche, surtout dans un pays qui a le taux le plus élevé de jeunes ayant un haut niveau d’études.

Les frontières ne devraient pas exister pour l’esprit humain. Aujourd’hui tout particulièrement, nous devons nous concentrer sur ce qui nous est commun. Ce faisant, nous approfondirons notre conscience de l’humanité, laquelle est marquée par une grande diversité. Ce n’est pas là une utopie, loin de là : cette approche est tout ce qu’il y a de plus pratique.

M. O’REILLY (Irlande), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – C’est un honneur, Monsieur le Président, de vous voir parmi nous aujourd’hui. Je m’associe à notre Présidente, Mme Brasseur, pour vous souhaiter la bienvenue à Strasbourg. Au nom du PPE, je vous remercie pour votre discours qui sera pour nous une véritable source d’inspiration.

Nous avons tous été horrifiés par les attentats qui ont eu lieu à Paris un peu plus tôt ce mois-ci. C’est une attaque contre les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe et nous nous félicitons de l’élan de solidarité qui a l’a suivie. Le terrorisme est un phénomène transnational. J’aimerais donc vous poser les questions suivantes : quelle réponse globale peut-on apporter à cette menace qui l’est elle aussi et quelle stratégie devrions-nous mettre en œuvre ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’IRLANDE* – C’est un véritable plaisir pour moi de constater que l’Irlande est aussi active au Conseil de l’Europe.

En ce qui concerne votre question, il est essentiel, à court terme, que nous coopérions, notamment en échangeant des informations. A long terme, il faut faire de la prévention. Pour cela, il faut réfléchir à ce que nous avons négligé de faire. Selon moi, nous n’avons pas suffisamment dialogué avec les plus modérés, ceux qui promeuvent l’échange. Ainsi, ceux qui déforment les textes religieux se sont engouffrés dans la brèche.

Il faut apporter une réponse sans aucune équivoque pour ce qui est de promouvoir les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe. Nous devons aussi apporter notre soutien à ceux qui ont des croyances différentes – et pas seulement en matière religieuse. Il faut tenir un discours de tolérance.

Quelles sont les stratégies possibles ? Il faut œuvrer en matière d’éducation, afin que l’étranger ne soit pas perçu un ennemi ; comme toute personne différente, il doit être considéré avec tolérance.

M. LEYDEN (Irlande), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Au nom de mon groupe, de son président et de la délégation irlandaise, je vous souhaite à mon tour la bienvenue au sein de cette Assemblée dont vous avez été membre entre 2001 et 2003. Vous connaissez donc les travaux de notre Organisation et l’œuvre de la Cour, ce que votre discours a très bien illustré. Vos propos seront effectivement pour nous une source d’inspiration, du point de vue tant politique que sociologique, car vous êtes un éminent sociologue. Nous pouvons être fiers que notre petit pays ait figuré parmi les membres fondateurs du Conseil de l’Europe en 1949.

Je partage avec vous l’idée selon laquelle il est essentiel de favoriser la création d’un Etat palestinien vivant en harmonie avec Israël.

LA PRÉSIDENTE* – Je vous rappelle, mes chers collègues, que vous disposez seulement de 30 secondes pour poser vos questions.

M. LE PRÉSIDENT DE L’IRLANDE* – Aucun d’entre nous ne sous-estime l’importance qu’il y a à faire des progrès s’agissant de la résolution du conflit israélo-palestinien. Il faut sans doute réfléchir à l’élaboration d’un nouvel espace de discussion, par exemple doté d’un secrétariat, de manière à garantir une certaine continuité dans les efforts accomplis.

L’année 2015 marquera un tournant : nous avons en perspective la réunion à Addis-Abeba et toutes les mesures à prendre pour atteindre les objectifs du Millenium, sans oublier la réunion prévue au mois de septembre.

Toutes ces questions concernent le Sud et le Nord. Je pense notamment à l’exclusion liée à la pauvreté, au chômage. J’ai parlé du Nord qui migre vers le Sud, et inversement, mais il faut voir comment des continents comme l’Amérique du Sud et l’Afrique mettent en place un développement qui tienne compte du peuple et pas uniquement de l’élite.

Je crois fermement qu’après le processus de Doha et la Déclaration de Delhi, il n’y a plus de place pour un affrontement Nord-Sud. Il nous faut écrire une nouvelle page, où tout le monde sera accepté au niveau international. Il faut repenser les modèles. Nous ne pouvons plus nous satisfaire des anciens modèles, dans lesquels les pays les plus pauvres paient le service de la dette, au détriment de la santé d’autres secteurs. Nous entrons dans une nouvelle ère, une ère de changement climatique. Il faut assumer nos responsabilités face aux générations futures. Nous devons veiller à éliminer certaines maladies, mais surtout – vous le savez, car je suis sûr que vous en discutez souvent – le monde actuel connaît de profondes inégalités.

Or dans les sciences sociales, personne ne dit que les inégalités sont une nécessité, un avantage pour la croissance. Tous les penseurs s’accordent à dire que l’un des principaux obstacles à la stabilité nationale et internationale est, justement, cette inégalité croissante et tout ce qu’elle génère.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Mon groupe politique compte aussi en son sein des parlementaires irlandais, mais mes collègues m’ont demandé de vous poser la question suivante.

Après l’austérité, il semblerait que le vent du changement souffle sur l’Europe. Ce qui s’est passé en Grèce est, pour de nombreux Grecs, le début de l’espoir. Il en est de même de même dans mon pays au vu des résultats enregistrés. Comment se fait-il que de nombreux responsables politiques des principaux partis agissent comme s’ils ne voyaient pas les conséquences sociales de l’austérité ? Le risque est que les citoyens perdent toute confiance dans notre forme de démocratie.

M. LE PRÉSIDENT DE L’IRLANDE* – Un petit rappel historique. Autrefois, certaines personnes se sont opposées à l’extension du champ de l’imprimerie et de la lecture. Ils ont fait valoir que le peuple pourrait lire non seulement la Bible, mais aussi Thomas Paine qui leur semblait très dangereux.

Il me semble extrêmement important que nous tous, en tant que citoyens, ayons la possibilité de comprendre l’économie et comment les choix sont faits.

Je ne ferai pas de commentaires sur ce qui se passe dans les autres pays, mais depuis que j’assume la fonction de président, dans toutes mes interventions, je me suis efforcé de montrer que la déontologie, l’économie, l’écologie et le social sont des thèmes qui sont liés. Ce ne sont pas des termes abstraits. Le public n’a pas été poussé à descendre dans la rue, car il est de la responsabilité des porte-parole des populations de leur permettre de comprendre leurs institutions et d’y participer pleinement.

Dans toutes mes interventions, j’ai souligné – autre point important qui a été d’ailleurs relevé par un éminent universitaire – qu’il fallait un enseignement pluraliste des fondamentaux économiques. Pourtant dans certains pays qualifiés « d’économies développées du monde », les plus grandes universités dépensent moins de 15 % de leur budget pour la recherche et l’enseignement en histoire de l’économie.

Nous constatons parfois qu’un instrument peut devenir une excuse pour l’utilisation de certaines méthodes. Toutefois, et c’est ce que je voudrais vous faire toucher du doigt, il serait totalement erroné de rejeter l’économie en bloc, même si tous ces outils sophistiqués mis à notre disposition semblent inutiles, car il est essentiel que cela s’inscrive dans un contexte déontologique.

Il est possible pour nous d’envisager un espace européen. Nous serions d’accord pour lui transférer tous nos pouvoirs, mais tous nos droits, nos capacités, nos obligations, nos responsabilités consistent à mettre en œuvre tout ce qui découle des textes européens. Les possibilités offertes par la charte sont, de notre point de vue, des responsabilités communes, mais nous devons aller plus loin pour parvenir à une sécurité et à une stabilité à des niveaux bien plus élevés que ce que nous connaissons actuellement. C’est tout à fait possible.

M. SELVİ (Turquie), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – En 2009, l’Europe a connu la plus grande récession depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et l’Irlande a été frappée par cette crise. L’évaluation faite par les experts internationaux montre que l’Irlande est aujourd’hui en train de récupérer. En l’espace de deux ans, son économie s’est redressée de manière impressionnante. Je voudrais vous en féliciter.

Auriez-vous des observations à faire concernant cette évolution ?

M. LE PRÉSIDENT DE L’IRLANDE* – Je suis effectivement très satisfait de constater que notre taux de chômage est passé de 15 % à 10 %. De nouveaux emplois ont été créés, les performances sont bonnes, les résultats de l’agriculture ont également été très bons, y compris pendant la crise. Mais cela s’est fait au prix d’un grand sacrifice consenti par le peuple irlandais.

Pour répondre très directement à votre question, dans mon discours, j’ai parlé de l’économie. Mais derrière l’économie, il y a des hommes qui composent la société. L’économie doit servir cette société. Telle est la vision d’un certain nombre d’économistes conservateurs, mais aussi d’autres plus progressistes, comme Adam Smith. L’économie a son ancrage dans le contexte social et l’éthique. Pour revenir à votre question, qui est tout à fait intéressante, pour ce qui est de l’Irlande, l’économie n’évolue pas dans un vacuum, mais s’appuie sur des personnes.

L’Irlande peut en effet être citée comme exemple. Placé dans une situation difficile, son gouvernement a pris des décisions douloureuses et nous sommes aujourd’hui satisfaits de constater une croissance de son PIB de 2,7 points.

Les résultats s’améliorent, mais il reste encore tant à faire ! Le gouvernement et tous les partis le reconnaissent. L’émigration est forte. La question ne se borne pas à fixer des taux bancaires, il s’agit d’investir. Le problème est européen.

Comment pouvons-nous assurer qu’il y ait un véritable investissement dans une économie qui, ensuite, créera des emplois qui permettront à l’économie locale de se développer ? Il s’agit d’une question que j’aborderai à l’avenir : comment pouvons-nous protéger l’économie réelle et les citoyens face au flux spéculatif ?

Je vous l’ai dit, les hommes politiques, et pas seulement de gauche, doivent rendre des comptes. De par le monde, les gens sont très inquiets. Que pouvons-nous faire pour que les citoyens puissent participer pleinement – outre l’éducation ? Nous ne sommes plus au Moyen Age, quand il n’y avait qu’un seul paradigme qui descendait dont on ne sait où et qui nous tombait dessus. Cette ère est révolue, ce genre de modèle simpliste n’existe plus.

LA PRÉSIDENTE* – Monsieur le Président, je vous remercie. J’aurais aimé poursuivre ce débat et donner la parole aux nombreux parlementaires qui souhaitaient vous poser des questions, mais je dois clore la séance. J’espère que nous aurons à nouveau la possibilité de vous entendre dans d’autres enceintes.

Nos chers collègues, le scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme est à présent interrompu ; il reprendra cet après-midi à 15 h 30 et sera clos à 17 heures.

4. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE* – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 h 5.

S O M M A I R E

1. Election de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Bulgarie et de la Serbie

2. La situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées ukrainiens

Présentation par M. Sheridan du rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Doc. 13651 + Addendum)

Intervention de M  Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe

Orateurs : M. Németh, Mme Taktakishvili, Sir Roger Gale, MM. Hunko, Voruz, Ariev, Díaz Tejera, Mmes Duranton, Zelienková, MM. Slutsky, Sobolev, Lord Balfe, M. Pushkov, Mmes Finckh-Krämer, Schou, M. Rouquet, Mme Khidasheli, MM. Schennach, Fournier, Villumsen, Chisu, Mmes Gerashchenko, L’Ovochkina, MM. Shlegel, Bockel, Huseynov, Iwiński, Šircelj, Mmes Goryacheva, Vésaité

3. Discours de M. Higgins, Président de l’Irlande

Questions : MM. Iwiński, O’Reilly, Leyden, Kox, Selvi

4. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV/Robert Shlegel

Brigitte ALLAIN/Jean-Claude Frécon

Jean-Charles ALLAVENA

Werner AMON/Christine Muttonen

Luise AMTSBERG*

Liv Holm ANDERSEN

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Khadija ARIB

Volodymyr ARIEV

Egemen BAĞIŞ

Theodora BAKOYANNIS*

David BAKRADZE/Giorgi Kandelaki

Taulant BALLA*

Gérard BAPT*

Gerard BARCIA DUEDRA/Josep Anton Bardina Pau

Doris BARNETT

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK/ Gabriela Pecková

José María BENEYTO

Deborah BERGAMINI/Giuseppe Galati

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY/Lord Richard Balfe

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Philippe BLANCHART*

Jean-Marie BOCKEL

Olga BORZOVA

Mladen BOSIĆ

António BRAGA

Anne BRASSEUR/Marc Spautz

Alessandro BRATTI*

Piet De BRUYN/Petra De Sutter

Beata BUBLEWICZ

Gerold BÜCHEL

André BUGNON

Natalia BURYKINA/Olga Kazakova

Nunzia CATALFO*

Elena CENTEMERO*

Irakli CHIKOVANI

Vannino CHITI*

Tudor-Alexandru CHIUARIU/Viorel Riceard Badea

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH/Jarosław Sellin

James CLAPPISON

Agustín CONDE/Carmen Quintanilla

Telmo CORREIA*

Paolo CORSINI

Carlos COSTA NEVES

Celeste COSTANTINO*

Jonny CROSIO*

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN/Jenő Manninger

Katalin CSÖBÖR

Joseph DEBONO GRECH

Reha DENEMEÇ

Alain DESTEXHE

Manlio DI STEFANO*

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK/Tuur Elzinga

Şaban DİŞLİ

Aleksandra DJUROVIĆ

Ioannis DRAGASAKIS*

Elvira DROBINSKI-WEIß

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE

Nicole DURANTON

Josette DURRIEU*

Mustafa DZHEMILIEV/Andrii Lopushanskyi

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL/Edgar Mayer

Bernd FABRITIUS*

Joseph FENECH ADAMI/Charlò Bonnici

Cătălin Daniel FENECHIU*

Vyacheslav FETISOV/Lidia Antonova

Doris FIALA/Raphaël Comte

Daniela FILIPIOVÁ/Miroslav Antl

Ute FINCKH-KRÄMER

Axel E. FISCHER

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER

Hans FRANKEN

Béatrice FRESKO-ROLFO

Martin FRONC

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO

Tina GHASEMI

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO*

Pavol GOGA

Carlos Alberto GONÇALVES

Alina Ştefania GORGHIU

Svetlana GORYACHEVA

Sandro GOZI/Eleonora Cimbro

Fred de GRAAF/Pieter Omtzigt

François GROSDIDIER/Jacques Legendre

Andreas GROSS

Dzhema GROZDANOVA

Mehmet Kasim GÜLPINAR

Gergely GULYÁS

Jonas GUNNARSSON

Nazmi GÜR

Antonio GUTIÉRREZ*

Maria GUZENINA/Sirkka-Liisa Anttila

Márton GYÖNGYÖSI

Sabir HAJIYEV

Margus HANSON

Alfred HEER/Gerhard Pfister

Michael HENNRICH*

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH

Oleksii HONCHARENKO/Svitlana Zalishchuk

Jim HOOD/David Crausby

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER

Andrej HUNKO

Ali HUSEYNLI*

Rafael HUSEYNOV

Vitaly IGNATENKO

Florin IORDACHE/Daniel Florea

Tadeusz IWIŃSKI

Denis JACQUAT/Yves Pozzo Di Borgo

Gediminas JAKAVONIS

Gordan JANDROKOVIĆ

Tedo JAPARIDZE/Chiora Taktakishvili

Michael Aastrup JENSEN*

Frank J. JENSSEN

Florina-Ruxandra JIPA*

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ

Josip JURATOVIC

Antti KAIKKONEN

Mustafa KARADAYI/Hamid Hamid

Marietta KARAMANLI/Rudy Salles

Niklas KARLSSON

Andreja KATIČ/Matjaž Hanžek

Charles KENNEDY*

Tinatin KHIDASHELI

Danail KIRILOV*

Bogdan KLICH/Helena Hatka

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR/Brynjar Níelsson

Ksenija KORENJAK KRAMAR

Attila KORODI

Alev KORUN

Rom KOSTŘICA

Elena KOUNTOURA*

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO*

Julia KRONLID

Marek KRZĄKAŁA/Killion Munyama

Zviad KVATCHANTIRADZE*

Athina KYRIAKIDOU

Serhiy LABAZIUK

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON

Pierre-Yves LE BORGN'

Jean-Yves LE DÉAUT

Igor LEBEDEV

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Georgii LOGVYNSKYI

François LONCLE/Marie-Christine Dalloz

George LOUKAIDES

Yuliya L'OVOCHKINA

Jacob LUND

Trine Pertou MACH/Nikolaj Villumsen

Saša MAGAZINOVIĆ

Philippe MAHOUX

Thierry MARIANI

Soňa MARKOVÁ

Milica MARKOVIĆ

Meritxell MATEU PI

Ana MATO

Pirkko MATTILA/Mika Raatikainen

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER/Eric Voruz

Michael McNAMARA

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA

Ivan MELNIKOV

Ana Catarina MENDONÇA

Attila MESTERHÁZY/Gábor Harangozó

Jean-Claude MIGNON

Philipp MIßFELDER*

Olivia MITCHELL

Igor MOROZOV

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK

Melita MULIĆ

Oľga NACHTMANNOVÁ

Hermine NAGHDALYAN

Piotr NAIMSKI

Sergey NARYSHKIN

Marian NEACŞU/Florin Costin Pâslaru

Zsolt NÉMETH

Miroslav NENUTIL

Baroness Emma NICHOLSON*

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY

Maciej ORZECHOWSKI/Michał Stuligrosz

Sandra OSBORNE/Michael Connarty

José Ignacio PALACIOS*

Liliana PALIHOVICI

Ganira PASHAYEVA

Waldemar PAWLAK/Ryszard Terlecki

Foteini PIPILI*

Vladimir PLIGIN*

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT*

Gabino PUCHE

Alexey PUSHKOV

Mailis REPS / Rait Maruste

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE

Soraya RODRÍGUEZ

Alexander ROMANOVICH

Maria de Belém ROSEIRA

René ROUQUET

Rovshan RZAYEV

Indrek SAAR*

Àlex SÁEZ*

Vincenzo SANTANGELO*

Milena SANTERINI

Kimmo SASI

Nadiia SAVCHENKO/Boryslav Bereza

Deborah SCHEMBRI

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE

Urs SCHWALLER*

Salvador SEDÓ

Predrag SEKULIĆ

Ömer SELVİ

Aleksandar SENIĆ

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN

Bernd SIEBERT*

Valeri SIMEONOV

Andrej ŠIRCELJ

Arturas SKARDŽIUS*

Leonid SLUTSKY

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI

Yanaki STOILOV/Valeri Jablianov

Karin STRENZ

Ionuţ-Marian STROE

Valeriy SUDARENKOV

Krzysztof SZCZERSKI

Damien THIÉRY

Lord John E. TOMLINSON

Antoni TRENCHEV

Konstantinos TRIANTAFYLLOS*

Mihai TUDOSE/Corneliu Mugurel Cozmanciuc

Goran TUPONJA

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ

Konstantinos TZAVARAS*

Ilyas UMAKHANOV*

Dana VÁHALOVÁ

Olga-Nantia VALAVANI*

Snorre Serigstad VALEN

Petrit VASILI

Imre VEJKEY/Rózsa Hoffmann

Stefaan VERCAMER

Mark VERHEIJEN/Tineke Strik

Birutė VĖSAITĖ

Anne-Mari VIROLAINEN

Vladimir VORONIN/Maria Postoico

Viktor VOVK

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ

Piotr WACH

Robert WALTER*

Dame Angela WATKINSON*

Tom WATSON*

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER*

Morten WOLD/Ingebjørg Godskesen

Gisela WURM

Maciej WYDRZYŃSKI

Leonid YEMETS/ Pavlo Unguryan

Tobias ZECH

Kristýna ZELIENKOVÁ

Sergey ZHELEZNYAK*

Marie-Jo ZIMMERMANN

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV

Naira ZOHRABYAN*

Levon ZOURABIAN*

Siège vacant, Cyprus*

Siège vacant, France/Maryvonne Blondin

Siège vacant, République de Moldova*

Siège vacant, République de Moldova*

Siège vacant, ''L'ex-République yougoslave de Macédoine''/ Vladimir Gjorchev

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Mariia IONOVA

Kerstin LUNDGREN

Andrzej JAWORSKI

Elisabeth SCHNEIDER-SCHNEITER

Jordi XUCLÀ

Observateurs

Eloy CANTU SEGOVIA

Corneliu CHISU

Partenaires pour la démocratie

Hanane ABOULFATH

Nurbek ALIMBEKOV

Mohammed AMEUR

Najat AL-ASTAL

Mohammed Mehdi BENSAID

Nezha EL OUAFI

Elmira IMANALIEVA

Bernard SABELLA

Asiya SASYKBAEVA

Mohamed YATIM

Annexe II

Liste des représentants ou suppléants qui ont participé au vote pour l’élection de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Bulgarie et de la Serbie

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV/Robert Shlegel

Werner AMON/Christine Muttonen

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

David BAKRADZE/Giorgi Kandelaki

Gerard BARCIA DUEDRA/Josep Anton Bardina Pau

Doris BARNETT

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Ondřej BENEŠIK/ Gabriela Pecková

José María BENEYTO

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Andris BĒRZINŠ

Brian BINLEY/Lord Richard Balfe

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Jean-Marie BOCKEL

Mladen BOSIĆ

António BRAGA

Anne BRASSEUR/Marc Spautz

Piet De BRUYN/Petra De Sutter

Gerold BÜCHEL

André BUGNON

Tudor-Alexandru CHIUARIU/Viorel Riceard Badea

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH/Jarosław Sellin

James CLAPPISON

Agustín CONDE/Carmen Quintanilla

Paolo CORSINI

Zsolt CSENGER-ZALÁN/Jenő Manninger

Katalin CSÖBÖR

Joseph DEBONO GRECH

Reha DENEMEÇ

Arcadio DÍAZ TEJERA

Şaban DİŞLİ

Aleksandra DJUROVIĆ

Elvira DROBINSKI-WEIß

Nicole DURANTON

Josette DURRIEU

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL/Edgar Mayer

Doris FIALA/Raphaël Comte

Daniela FILIPIOVÁ/Miroslav Antl

Ute FINCKH-KRÄMER

Gvozden Srećko FLEGO

Hans FRANKEN

Martin FRONC

Sir Roger GALE

Iryna GERASHCHENKO

Tina GHASEMI

Valeriu GHILETCHI

Pavol GOGA

Carlos Alberto GONÇALVES

Alina Ştefania GORGHIU

Andreas GROSS

Dzhema GROZDANOVA

Mehmet Kasim GÜLPINAR

Gergely GULYÁS

Jonas GUNNARSSON

Sabir HAJIYEV

Margus HANSON

Françoise HETTO-GAASCH

Ali HUSEYNLI

Vitaly IGNATENKO

Florin IORDACHE/Daniel Florea

Tadeusz IWIŃSKI

Aleksandar JOVIČIĆ

Antti KAIKKONEN

Mustafa KARADAYI/Hamid Hamid

Niklas KARLSSON

Andreja KATIČ/Matjaž Hanžek

Bogdan KLICH/Helena Hatka

Haluk KOÇ

Ksenija KORENJAK KRAMAR

Alev KORUN

Rom KOSTŘICA

Elvira KOVÁCS

Julia KRONLID

Marek KRZĄKAŁA/Killion Munyama

Athina KYRIAKIDOU

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON

Pierre-Yves LE BORGN'

Jean-Yves LE DÉAUT

Igor LEBEDEV

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

François LONCLE/Marie-Christine Dalloz

George LOUKAIDES

Saša MAGAZINOVIĆ

Thierry MARIANI

Soňa MARKOVÁ

Milica MARKOVIĆ

Meritxell MATEU PI

Ana MATO

Pirkko MATTILA/Mika Raatikainen

Frano MATUŠIĆ

Michael McNAMARA

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA

Ivan MELNIKOV

Ana Catarina MENDONÇA

Jean-Claude MIGNON

Olivia MITCHELL

Igor MOROZOV

Arkadiusz MULARCZYK

Oľga NACHTMANNOVÁ

Piotr NAIMSKI

Sergey NARYSHKIN

Marian NEACŞU/Florin Costin Pâslaru

Zsolt NÉMETH

Miroslav NENUTIL

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Maciej ORZECHOWSKI/Michał Stuligrosz

Sandra OSBORNE/Michael Connarty

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI

Ganira PASHAYEVA

Waldemar PAWLAK/Ryszard Terlecki

Vladimir PLIGIN

Cezar Florin PREDA

Mailis REPS / Rait Maruste

Andrea RIGONI

François ROCHEBLOINE

Alexander ROMANOVICH

Maria de Belém ROSEIRA

René ROUQUET

Rovshan RZAYEV

Kimmo SASI

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Predrag SEKULIĆ

Ömer SELVİ

Aleksandar SENIĆ

Samad SEYIDOV

Andrej ŠIRCELJ

Leonid SLUTSKY

Lorella STEFANELLI

Yanaki STOILOV/Valeri Jablianov

Ionuţ-Marian STROE

Valeriy SUDARENKOV

Krzysztof SZCZERSKI

Damien THIÉRY

Lord John E. TOMLINSON

Antoni TRENCHEV

Mihai TUDOSE/Corneliu Mugurel Cozmanciuc

Goran TUPONJA

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ

Dana VÁHALOVÁ

Petrit VASILI

Mark VERHEIJEN/Tineke Strik

Vladimir VORONIN/Maria Postoico

Klaas de VRIES

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ

Piotr WACH

Morten WOLD/Ingebjørg Godskesen

Gisela WURM

Kristýna ZELIENKOVÁ

Sergey ZHELEZNYAK

Marie-Jo ZIMMERMANN

Emanuelis ZINGERIS

Vacant Seat, France/ Maryvonne Blondin