FR15CR05

AS (2015) CR 05

SESSION ORDINAIRE DE 2015

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la cinquième séance

Mercredi 28 janvier 2015 à 10 heures

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 15 sous la présidence de Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE - La séance est ouverte.

1. Election d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Serbie
(second tour)

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle le second tour de scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Serbie pour lequel seule la majorité relative est requise.

La liste des candidats et leurs notices biographiques figurent dans le Doc. 13652.

Le scrutin aura lieu dans la rotonde derrière la présidence

À 13 heures, je suspendrai le scrutin. Il reprendra à 15 h 30 et sera clos à 17 heures.

Le dépouillement aura lieu aussitôt après dans les conditions habituelles, sous le contrôle de deux scrutateurs que je vais maintenant tirer au sort.

Il s’agit de MmeStefanelli et de Mme Strenz.

Je leur rappelle qu’elles devront se trouver dans la rotonde derrière la Présidence à 17 heures précises. Merci, Mesdames, pour le travail que vous êtes appelées à effectuer.

Le résultat du scrutin sera annoncé si possible avant la levée de la séance de cet après-midi.

Le scrutin est ouvert.

Nous continuons nos travaux pendant ce temps.

2. Attaques terroristes à Paris : ensemble pour une réponse démocratique
(Débat selon la procédure d’urgence)

LA PRÉSIDENTE - L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion, selon la procédure d’urgence, du rapport de M. Legendre au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie sur « les attaques terroristes à Paris : ensemble pour une réponse démocratique » (Doc. 13684).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. LEGENDRE (France), rapporteur de la commission des questions politiques et de la démocratie – Madame la Présidente, mes chers collègues, les 7, 8 et 9 janvier 2015, à Paris, des attaques terroristes ont été perpétrées, causant la mort de 17 personnes. De tels actes n’étaient pas les premiers en Europe. Il y a quelques mois, l’émotion avait été intense lors des assassinats perpétrés au Musée juif de Bruxelles ; nous n’oublions pas non plus l’horreur des meurtres de Toulouse, dont ont été victimes des enfants de confession juive et des militaires français, ou encore les horribles attentats qui ont jadis ensanglanté Londres et Madrid.

Mais les attentats de Paris, nous le ressentons tous, ont visé au cœur l’idée que nous nous faisons ici, en Europe, de la liberté, de la tolérance, de la culture et de la civilisation. Douze journalistes – toute une rédaction – ont été froidement assassinés. On a ainsi voulu les punir des caricatures dont ils étaient les auteurs, les faire taire ; c’est une remise en cause radicale de la liberté de la presse et de la liberté d’expression. Quatre clients d’un magasin casher ont été abattus parce que supposés de confession juive. Tuer un homme en raison de sa religion, quelle qu’elle soit, est un crime particulièrement insupportable. S’agissant de victimes juives, il s’agit évidemment d’une manifestation d’antisémitisme. Rien ne peut excuser ces actes. La situation au Proche-Orient ne peut en aucun cas justifier que l’on assassine sur le sol de l’Europe.

Deux policiers ont été eux aussi victimes de cette barbarie. Une jeune policière municipale, sans arme, qui intervenait à l’occasion d’un banal accident de la route, a été lâchement abattue. Un policier qui se portait au secours des journalistes attaqués à Charlie Hebdo a été blessé puis achevé délibérément alors qu’il était au sol. Ils ont été tués parce qu’ils portaient la tenue des forces de l’ordre, parce qu’ils incarnaient l’autorité et l’Etat de droit.

Ne nous y trompons pas, mes chers collègues : les attentats de Paris visent au cœur notre culture. Notre réponse doit être à la hauteur de l’agression.

Sans doute parce que de tels actes sont indéfendables, certains essaient maintenant de proposer l’idée d’un complot : il s’agirait de faux attentats, de l’œuvre de forces obscures agissant pour effrayer des populations. Une telle campagne négationniste est insupportable. Les victimes, hélas, sont bien réelles, les auteurs des crimes connus et leurs inspirateurs identifiés puisque l’un des terroristes a déclaré agir au nom de Daesh, et Al-Qaida s’est revendiqué en inspirateur de l’action.

Tels sont les faits. Nous interdisent-ils une réflexion approfondie ? Non, ils la nécessitent au contraire.

Dénoncer très précisément les coupables, ce n’est pas s’en prendre à toute une communauté ou à une religion. La motivation religieuse dévoyée des assassins ne rend pas les fidèles de l’islam coupables de leurs crimes.

La liberté de la presse et de l’information est un des piliers de notre société. Certes, cette liberté n’excuse pas l’insulte et ne permet pas la diffamation. Mais c’est alors à la justice d’être saisie et de condamner, s’il y a lieu, la diffamation ou l’incitation à la haine raciale ou religieuse.

Le refus absolu d’excuser le recours au terrorisme n’interdit pas de s’interroger sur les causes de la radicalisation d’hommes et de femmes, souvent jeunes, qui se fourvoient dans le djihad. Il s’agit alors de réfléchir pour mieux prévenir et, en aucun cas, pour excuser l’inexcusable.

Mes chers collègues, c’est une haute idée de l’Europe, libre, démocratique et tolérante, qui justifie que nos Etats aient construit le Conseil de l’Europe et que nous soyons fiers d’y siéger. Rassemblons-nous aujourd’hui pour témoigner de notre résolution : jamais, jamais, le terrorisme ne doit faire reculer l’Europe sur ces valeurs essentielles ! Jamais, nous ne reculerons quand il s’agit de tolérance, de démocratie, de liberté, ces valeurs qui nous font vivre !

LA PRÉSIDENTE – Monsieur le rapporteur, vous disposerez de huit minutes pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. ROUQUET (France), porte-parole du Groupe socialiste – En 1825, sous le règne du roi Charles X, fut adoptée en France une loi sur le sacrilège religieux qui prévoyait la peine de mort pour la profanation des hosties consacrées. Elle ne fut cependant pas appliquée, les jurys acquittant systématiquement les accusés.

Aujourd’hui, des terroristes islamistes ont lâchement assassiné pour blasphème les journalistes de Charlie Hebdo et l’on entend ici ou là des voix pour dire que ces journalistes auraient été trop loin et pour appeler à l’autocensure. Un polémiste célèbre, l’abbé Félicité de Lamennais, regrettant en 1825 que la loi ne soit pas plus engagée dans la défense du catholicisme, notait « qu’un Etat est politiquement ou légalement athée lorsque Dieu est exclu de ses lois, lorsque la religion ne fait pas une partie essentielle de sa constitution, lorsqu’elle est également bannie et des institutions politiques et des institutions civiles : c’est ce que la révolution a fait en France, et ce qu’elle s’efforce de conserver. Un Etat est encore politiquement ou légalement athée lorsqu’il professe l’indifférence des religions, parce que c’est au fond n’en reconnaître aucune ».

Remplacez « athée » par « laïque », et vous êtes au cœur du débat d’aujourd’hui.

Admettre le rétablissement, en droit ou en fait, du blasphème, qu’il concerne le Christ, très souvent caricaturé par Charlie Hebdo, ou Mahomet, serait revenir aux temps les plus sombres, ceux de l’Inquisition et des bûchers. On commence par brûler les journaux et les livres et on finit par les hommes.

La seule limite à la liberté d’expression se trouve dans la nécessité de ne pas appeler à la haine et au meurtre. En d’autres termes, attaquer, même injustement, même avec excès, des idées et des croyances est consubstantiel de la liberté d’expression. Attaquer des êtres humains, ainsi l’antisémitisme, ou appeler à le faire est inacceptable.

Il nous faut maintenant réfléchir à des solutions et l’excellent et très équilibré rapport de M. Legendre nous fournit des pistes intéressantes. J’ai en particulier relevé son invitation à tous les Etats membres de ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention du terrorisme, à la renforcer et promouvoir le dialogue interculturel, et à prendre des mesures pour combattre la marginalisation, l’exclusion sociale, la discrimination et la ségrégation.

Mes chers collègues, soyons fiers de nos valeurs et de nos idéaux démocratiques. La vraie victoire du terrorisme serait que nous les reniions.

M. MIGNON (France), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen – Les djihadistes auteurs des attaques terroristes à Paris appartiennent à une inquiétante nébuleuse se réclamant d’un islam radical, qui, de Karachi à Paris en passant par le Nigeria et l’Algérie, se livre à de lâches et odieux attentats. Des jeunes, dans nombre de nos pays partent rejoindre les terroristes, et ce, que l’on soit dans un pays prônant le multiculturalisme ou l’intégration. Et il est vrai, même si l’on ose à peine l’évoquer, que l’on assiste à un véritable nettoyage ethnique des chrétiens en Orient et dans de nombreux pays musulmans. Le fait de quitter l’islam pour une autre religion, l’apostasie, est une infraction pénalement sanctionnée dans nombre d’Etats.

En même temps, comme l’a rappelé récemment la chancelière Angela Merkel, l’islam est une religion de l’Allemagne et de la plupart de nos pays, dont la France. La plupart des pratiquants de l’islam n’aspirent qu’à pratiquer en paix leur religion, comme le montrent de nombreuses réactions après les attentats. Ne faisons surtout pas d’amalgames.

Comme le rappelait lundi un intervenant devant la commission des questions politiques, cet islam des terroristes est avant tout celui de la pauvreté, de l’inculture et de l’échec. C’est également un « islam du web », pour reprendre son expression, et nous ne devrions pas manquer de nous interroger sur les sources de financement de cet islam dévoyé, venant de pays partisans d’un intégrisme d’autant plus radical qu’ils oppriment leurs populations dans le cadre de régimes dictatoriaux, corrompus, arriérés, mais disposant d’importantes richesses naturelles.

Alors, que faire ?

À l’évidence, ne pas transiger sur nos valeurs : la liberté d’expression, la neutralité de l’Etat à l’égard des religions, la démocratie. Il nous faut aussi respecter la liberté de culte de toutes les religions et les traiter également, en permettant et facilitant l'établissement de lieux de culte officiels nettement préférables à des lieux clandestins autoproclamés.

Plus spécifiquement, que peuvent faire l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le Conseil de l’Europe lui-même ? Quelques pistes de réflexion nous sont fournies par le remarquable et riche rapport de M. Legendre.

Par exemple, le Conseil de l’Europe dispose d’une convention pour la répression du terrorisme. Que tous la ratifient. Quinze pays ne l’ont pas encore fait. Nous pouvons aussi la compléter. Ainsi, ne pourrions-nous pas utiliser nos instruments contre l’argent sale pour dépister les financements douteux de certains Etats ?

Notre Assemblée peut être un formidable lieu de confrontations de nos expériences, de recherche des meilleures pratiques tant il est vrai que nous sommes confrontés à des problèmes identiques. Organisons un vrai dialogue sur les religions, non pour rechercher de trompeuses et illusoires synthèses, un syncrétisme de supermarché où chacun prendrait un peu dans chaque religion ce qui lui convient, mais un vrai dialogue où l’on s’efforcerait de connaître et de faire connaître la religion de l’autre. Il nous faut revoir entièrement les conditions du vivre ensemble.

Dialoguer ne signifie pas transiger sur nos principes et sur nos valeurs. Le PPE a toujours cru dans la liberté, l’humanisme, au progrès et à la démocratie et au dialogue interreligieux. Ne revendiquons-nous pas nos racines chrétiennes et démocrates ? Là est l’essentiel.

Vive l’Europe, vive la liberté et vive la démocratie !

Mme MATEU PI (Andorre), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – Il s’agit d’un débat épineux et délicat. Cette attaque a été portée au cœur des valeurs de notre culture, de notre société, de notre Organisation. Cette attaque visait la démocratie, les droits de l’homme et la primauté du droit. Mesdames et Messieurs, on ne peut tuer parce que l’on n’est pas d’accord, ni ici, ni ailleurs. C’est inacceptable et injustifiable.

Selon la journaliste avec qui nous avons échangé lundi dernier, la seule limite à la liberté d’expression est la haine. Je partage cette vision. Les attentats de Paris n’ont pas seulement visé la liberté d’expression, ils ont aussi révélé la haine envers autrui, la haine de la différence, une haine qui s’appuie sur l’abus de la religion et d’une idéologie. Abus qui a conduit, le 19 janvier, l’organisation terroriste l’Etat islamique à assassiner 13 enfants parce qu’ils regardaient un match de foot ! C’est intolérable et inacceptable, aujourd’hui comme hier, en France, comme en Belgique, en Australie, en Espagne, en Syrie, en Irak, en Israël ou en Palestine.

Le respect de l’autre et le respect de la primauté du droit sont nos valeurs, les valeurs qui nous unissent et qui doivent nous amener à condamner tous les abus qui utilisent la violence aveugle et sanglante au nom d’une cause qui a été tout simplement adultérée. Car l’islam, le christianisme, le judaïsme et les autres religions et idéologies prônent des valeurs de paix, de solidarité et de tolérance. Notre société et notre Organisation en sont le fer de lance. Nous ne pouvons excuser ces actes par des mots.

C’est la raison pour laquelle nous sommes Charlie en France, en Irak, en Belgique, en Espagne, en Israël et en Palestine : partout et toujours !

Nous soutenons sans réserve l’excellent rapport de M. Legendre.

M. DENEMEÇ (Turquie), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Nous condamnons cet attentat épouvantable contre Charlie hebdo qui, a coûté la vie non seulement aux caricaturistes, aux rédacteurs et au personnel de cette publication, mais aussi à des policiers parisiens. Cet attentat a touché au cœur la liberté d’expression. Il avait pour objectif de diviser les cultures, de créer une réaction brutale du public, une atmosphère de peur et d’hostilité, de défaire le tissu social européen et d’aliéner certaines catégories de la société.

Après ces attentats, malheureusement, différentes exactions xénophobes commises dans certains pays européens, ont frappé des innocents ou des lieux de culte. Mais il y a aussi eu des signes encourageants sur lesquels nous devons nous concentrer. Par exemple, une réprobation générale et sans aucune ambiguïté s’est manifestée à Paris par la marche qui a réuni non seulement une foule de personnes de toutes races, couleurs et religions, mais aussi des leaders du monde entier, dont le Premier ministre turc.

Après ces attentats épouvantables, la communauté musulmane allemande, le Président et la Chancelière se sont réunis pour condamner tous ensemble ces événements et dire qu’aucun acte terroriste ne peut être attribué à une religion, à un peuple ou à un groupe social.

La population turque dans son ensemble dénonce ces attentats. Nous devons être solidaires et condamner ces actes, comme l’ont fait la grande majorité des musulmans du monde entier.

L’Assemblée parlementaire doit également réagir. Ces actes d’intolérance et de xénophobie soulignent l’importance de notre travail. Nous devons coopérer pour lutter contre les discours de haine, consentir des efforts plus importants pour tarir toute source d’instabilité qui menacerait des régions et le monde.

En tant que parlementaire de Turquie, un pays laïque à majorité musulmane, j’exprime toutes nos condoléances aux familles des victimes et notre solidarité avec tous ceux qui veulent un monde plus pacifique dans lequel régnerait une tolérance mutuelle des différentes cultures et religions.

M. JÓNASSON (Islande), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je voudrais tout d’abord remercier le rapporteur pour son rapport et ses propositions qui ont tout notre soutien.

La marche de la solidarité qui a eu lieu à Paris après le dramatique l’attentat terroriste montre bien notre détermination : nous ne renoncerons jamais aux libertés et aux droits qui sont les nôtres après des siècles de lutte. Une fois encore, nous est rappelé que la lutte pour la liberté ne connaît pas de fin. Cette manifestation nous a donné beaucoup d’espoir.

N’oublions pas que ceux qui ont fait l’histoire n’ont pas seulement préconisé le changement, ils ont aussi remis en question l’ordre établi, les pouvoirs en place, les normes, etc. Ils s’y sont pris de différentes façons mais parfois la plume était leur seule arme.

Rosa Luxemburg a dit que la liberté, c’est aussi la liberté de penser différemment. Albert Camus, lui, a rappelé que la liberté d’expression avait ses revers, mais que sans liberté la presse ne pourrait être que mauvaise. Le message ne saurait être plus clair : lorsque la liberté de la presse est remise en cause, nous devons tous nous associer pour la défendre. Défendre la liberté de la presse, c’est défendre une société libre et démocratique.

Cette démonstration de solidarité pour une société de liberté peut également être utilisée à des fins inverses et être perçue comme une démonstration de force. L’histoire nous enseigne que les émotions les plus puissantes peuvent être utilisées, manipulées et canalisées dans le mauvais sens. Les dirigeants politiques doivent être conscients que lorsque les émotions prédominent, le risque existe d’une manipulation politique.

On a parlé de croisades contre l’ennemi. Lorsque ce terme a été utilisé, il a entrainé des recrutements sans précédent dans les rangs d’Al-Qaida. Les marches qui ont été organisées un peu partout dans le monde après les attentats de Paris sont des marches pour la liberté d’expression, pour la liberté au sens le plus large, et ne peuvent être interprétées comme un appel au conflit.

Lors de la session d’automne, le président du Parlement norvégien a pris la parole devant nous. Dans un discours empreint d’émotion, il a décrit comment les Norvégiens avaient répondu aux agressions terroristes qui avaient coûté la vie à 77 Norvégiens.

Ce qui les a poussés à descendre dans la rue, ce n’est pas la soif de vengeance : ils l’ont fait dans le calme et le silence, une rose à la main en hommage à la mémoire des victimes. Jens Stoltenberg, le Premier ministre de l’époque, avait appelé à plus de démocratie encore, plus d’ouverture encore. Il ne s’agissait pas de naïveté. Rappelons le poème cité par le président de notre parlement et intitulé « La réponse » : « quelle fut notre réponse ? Jamais de bombe en notre nom, pas un coup de fusil. […] nous ne devons pas jamais oublier. Nous ne voulons pas la vengeance, nous allons l’emporter, grâce à la paix ».

Le Groupe de la gauche unitaire européenne est heureux de l’occasion qui lui est ici donnée de dire sa détermination. Nous ne renoncerons pas, nous lutterons sans relâche pour la liberté.

LA PRÉSIDENTE – Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous répondre immédiatement aux porte-parole des groupes ou à la fin de la discussion ?

M. LEGENDRE (France), rapporteur – À la fin, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE – Mes chers collègues, je vous rappelle que le scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Serbie est en cours. J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire en se rendant, comme d’habitude, derrière la présidence.

Nous poursuivons la discussion générale.

M. CRUCHTEN (Luxembourg) – Les événements tragiques récemment survenus à Paris nous ont tous bouleversés. Cette attaque lâche contre nos valeurs et la cruauté des actes perpétrés nous indignent à juste titre. Nous partageons le chagrin de nos amis français et compatissons avec les familles et l’entourage des victimes.

Je voudrais féliciter le rapporteur d’être parvenu, dans son rapport, au juste équilibre à propos de la dimension religieuse de ces attentats. Oui, les meurtriers de Paris ont déclaré agir au nom de leur Dieu, de leurs croyances. Mais le terrorisme n’est pas le propre d’une religion ou d’une croyance. N’oublions pas d’autres attaques contre nos valeurs et notre façon de vivre qui ont eu lieu récemment en Europe, en particulier à Utoya.

Tous ces actes atroces nous appellent à agir et il est bien normal que nous en débattions aujourd’hui dans cette enceinte. L’élan de solidarité qui s’est exprimé partout dans le monde ces dernières semaines est une bonne réaction, dans un premier temps : les citoyens, en France et ailleurs, se sont levés pour défendre la liberté et la démocratie. Bien sûr, cela ne suffira pas : la réaction devra également être politique, dans un deuxième temps.

La sécurité des citoyens est évidemment le premier souci ; il est donc normal que l’on s’interroge sur l’efficacité des dispositifs instaurés pour combattre le terrorisme. Ce souci ne devrait cependant pas nous amener à abandonner nos libertés individuelles et nos droits fondamentaux. Le durcissement des lois contre le terrorisme, les contrôles frontaliers, les transferts de données sur les passagers, notamment, semblent assurément utiles à première vue. Mais ces mesures ne combattent que les symptômes, sans guérir la maladie.

Non, nous n’avons pas à nous excuser de nos valeurs – l’égalité, la tolérance, le respect mutuel. Au contraire, nous devons défendre notre façon de vivre.

N’oublions pas pour autant que nous vivons dans un monde où les inégalités se creusent entre le Nord et le Sud, que, à l’intérieur même de nos pays, les riches sont toujours plus riches et les pauvres toujours plus nombreux. Ces sociétés inégales laissent du terrain aux agitateurs, aux terroristes, aux extrémistes de tous bords.

Voilà pourquoi nous devons intensifier nos efforts de lutte contre la pauvreté, renforcer notre Etat social, combattre l’exclusion, la discrimination, la stigmatisation et redonner de l’espoir à des millions de jeunes en Europe et ailleurs, l’espoir de voir leur situation s’améliorer, de retrouver une place parmi nous, dans nos sociétés.

Je reste convaincu qu’il s’agit là du vrai grand défi du xxie siècle et je me réjouis que le projet de résolution aille également dans ce sens.

M. ROCHEBLOINE (France) – Profondément attaché à la liberté sous toutes ses formes, je rejoins notre Présidente pour penser que les attentats qui ont endeuillé Paris sont une attaque contre nos valeurs fondamentales. La défense du vivre ensemble et de la liberté d’expression est effectivement un devoir impérieux pour tout démocrate.

Toutefois, pour l’accomplir, il faut faire preuve de lucidité et de sensibilité.

Oui, je suis pour la liberté d’expression, celle de la presse comme celle des citoyens. « L’imprimerie et la librairie sont libres », proclame notre grande loi républicaine de 1881 sur la liberté de la presse. Ce principe demeure essentiel, quel que soit le support de cette libre expression. Il devrait d’ailleurs être uniformément respecté par tous les Etats membres de notre Organisation, ce qui n’est pas encore le cas. La conception azérie de la liberté de la presse et des journalistes, par exemple, est grandement perfectible, pour dire le moins.

La liberté d’expression n’est pas un absolu abstrait, mais la condition nécessaire d’une vie sociale équilibrée et démocratique. Elle doit donc s’exercer dans le respect de l’autre, de tout autre ; sinon, elle dégénère en abus. Je condamne de toutes mes forces l’assassinat de la rédaction de Charlie Hebdo. Je ne pense pas pour autant que le parti pris constant d’agression antireligieuse, d’une grossièreté assumée par ses auteurs, soit la meilleure illustration de la liberté de penser et d’écrire. Il vient un moment où l’accumulation de telles agressions devient une atteinte, précisément, au vivre ensemble.

Il ne faudrait pas que la légitime défense de la liberté d’opinion se construise sur le dénigrement systématique des convictions religieuses et sur une attitude de mépris systématique des sentiments et des réactions inspirés par de telles convictions. Parfois, on a l’impression que certains courants sont tentés d’utiliser en ce sens l’émotion suscitée par les attentats. Mais alors il sera difficile, pour ne pas dire impossible, d’engager le dialogue, de poser quand il y a lieu les limites nécessaires, d’obtenir la mobilisation de tous les habitants de nos pays démocratiques contre le fanatisme.

Ce sont pourtant les impératifs incontournables de l’heure. Notre Assemblée doit prendre toute sa part à ce dialogue. C’est d’ailleurs ce à quoi nous invite notre rapporteur, Jacques Legendre, que je remercie.

Mme STRIK (Pays-Bas)* – Nous sommes tous profondément choqués par ce qui s’est passé à Paris, par ces attentats contre des journalistes, mais aussi contre l’Hyper Cacher, marque évidente d’antisémitisme. L’attaque a été menée contre la liberté d’expression, contre la liberté de croyance, mais aussi contre notre Etat de droit et toutes les valeurs du Conseil de l’Europe.

Puisque ce sont nos valeurs que ces attentats visaient, nous devons nous montrer très prudents au moment d’y réagir. Si nous voulons vraiment défendre et renforcer l’Etat de droit et la protection des droits de l’homme, c’est dans le cadre de cet Etat de droit que nous devons répondre. Nous devons donc nous assurer que la sécurité de nos concitoyens et la liberté d’expression et de croyance ont leur place côte à côte au sein de nos sociétés, dans le respect de l’Etat de droit. Si nos mesures sont disproportionnées, si elles contreviennent à nos libertés individuelles, cela risque de donner aux terroristes une forme de victoire. Je crois que notre Etat de droit est suffisamment robuste pour que nous y trouvions la bonne réponse à cette situation. Certains veulent des mesures plus sévères, mais ce serait une erreur car cela alimenterait les peurs et les forces d’exclusion.

Ceux dont nous devons avoir le plus peur vivent au sein même de nos sociétés, parmi les migrants de deuxième ou troisième génération, qui sont nos concitoyens et dont certains se sentent exclus. Je le répète, montrons-nous particulièrement prudents lorsque nous nous demandons pourquoi ils choisissent la voie de la radicalisation. Parviendrons-nous à concevoir des mesures qui leur rendront leur place au sein de nos sociétés, qui leur ouvriront des horizons, qui leur permettront d’adhérer à nouveau à nos valeurs ?

Il existe de remarquables exemples de ce qu’il est possible de faire, en Belgique, dans plusieurs villes, où est pratiquée une politique résolue pour tendre la main à des jeunes soumis à toutes sortes d’influences et tentés par l’intégrisme. Il a ainsi été possible de regagner la confiance de ces jeunes qui ont retrouvé une place dans la société où ils jouent désormais un rôle actif. C’est un message que nous devons entendre. Il faut se garder d’appliquer des mesures risquant d’aggraver les clivages existant dans nos sociétés.

M. A. K. TÜRKEŞ (Turquie)* – J’ai été choqué par les attentats de Paris. J’exprime ma sympathie aux familles des victimes et à tous ceux qui ont été affectés par ces crimes inhumains.

Le terrorisme est un crime contre l’humanité que rien ne saurait justifier. Pour bien comprendre la nature de ces violences, il faut aller au fond des choses dans l’analyse. Malheureusement, nous connaissons depuis bien longtemps les origines du problème : le sous-développement, l’inégalité, le chômage, le manque d’éducation, la mauvaise gestion des flux migratoires, l’échec des politiques d’intégration, la crise économique, la dégradation du tissu social et surtout le manque d’empathie. La combinaison de tous ces facteurs continuera à engendrer des problèmes, à moins que la raison et l’empathie l’emportent avec la tolérance, le respect d’autrui et la compréhension.

C’est à ce niveau que l’Assemblée doit intervenir. Toutes ces questions nous préoccupent au plus haut point. En tant que parlementaires, nous devons agir davantage. Nous devons surtout œuvrer pour que l’empathie devienne un pilier du fonctionnement de nos sociétés. Cela inclut, nonobstant la condamnation catégorique de toute forme de violence, la recherche d’un équilibre entre la liberté d’expression et le respect d’autres valeurs. Il ne faut pas que des événements conduisent à la stigmatisation de certaines catégories dans les sociétés européennes car cela aggraverait l’insécurité et la marginalisation.

Nous devons lutter contre les stéréotypes brandis par certains populistes. Nous ne devons pas accepter que le terrorisme enfonce un coin entre différentes parties de la société. Il faut accroître la cohésion sociale et la solidarité en Europe et dans le monde. Je conclus sur ces paroles d’espoir.

M. McNAMARA (Irlande)* – J’exprime toutes mes condoléances et toute ma solidarité au peuple français et à sa délégation. Jeune homme, j’ai vécu quelque temps en France où j’ai été impressionné par la diversité et par l’unité dans la diversité. C’est bien ce qui a été attaqué par les abominables attentats de Paris.

On peut être Français d’origine latine, germanique, du Maghreb, d’une confession ou d’une autre. Les Français font avancer les idées républicaines partagées par d’autres pays. Ce fut le cas lors de la révolution réussie d’Irlande pour laquelle la France a servi de modèle. L’égalité et la fraternité étaient ciblées par ces attentats.

Nous avons eu une discussion sur la liberté des médias. Certains, en dehors de la France, brossent de ce pays un portrait qui ne ressemble en rien à ce que j’en connais. Il est faux de dire que des zones sont des ghettos où l’on ne peut aller ! Vivant en France, je n’ai pas vu cela, bien que je me sois rendu dans des quartiers défavorisés. Bien sûr qu’il existe des quartiers pauvres en France, comme ailleurs en Europe. Il faut faire plus pour les sortir de l’exclusion sociale. C’est vrai en Irlande et ailleurs dans le monde. Ce ne sont pas des quartiers de religion mais d’échec dans l’accès aux droits sociaux.

En venant ici ce matin, je suis entré dans une petite boutique, pour acheter des dattes. Elle est tenue par des Maghrébins. Je ne sais pas s’ils sont chrétiens, juifs ou musulmans, mais j’ai regardé l’origine des dattes, au demeurant délicieuses : elles proviennent d’Israël !

On sait qu’il existe en France un antisémitisme rampant mais je ne l’ai pas perçu. Il est clair que l’Hyper Cacher a fait l’objet d’un attentat antisémite qui visait à cliver la France et tous ceux qui sont fiers d’être Français. Ne laissons pas faire ceux qui veulent un choc des civilisations. Défendons la liberté, l’égalité et la fraternité.

Mme STEFANELLI (Saint-Marin)* – Au nom de ma délégation et de l’ensemble du Parlement de la République de Saint-Marin, j’exprime mes plus sincères condoléances aux familles des victimes, aux institutions françaises, à nos collègues parlementaires français et à l’ensemble de la population française.

Nous éprouvons effroi et dédain devant ces actions cruelles, féroces, témoignant d’un mépris total de la vie humaine. Nous exprimons la plus ferme condamnation de tous les actes de terrorisme menés au nom d’un fanatisme religieux. Les attentats contre Charlie Hebdo et le supermarché casher, les modalités d’exécution de ces crimes effroyables montrent à quel point la folie, l’extrémisme, la haine et l’intolérance peuvent engendrer horreur et brutalité indignes d’un être humain.

À Paris, une attaque directe a eu lieu contre la démocratie et nos libertés fondamentales, de penser, de la presse et d’expression. On a attaqué les valeurs démocratiques de nos sociétés occidentales pour déstabiliser et radicaliser nos institutions.

Ces événements ne sont pas limités à un seul pays. C’est comme si tous nos pays démocratiques avaient été touchés au cœur par un acte vil de terrorisme. La réponse de toutes les sociétés démocratiques ne peut qu’être unanime. Nous devons employer tous les moyens à notre disposition.

Le Conseil de l’Europe, notre maison commune qui incarne la démocratie, l’Etat de droit, la défense et la primauté des droits de l’homme, est le plus apte à condamner et combattre le terrorisme et le mépris de la vie avec toutes les armes du droit.

La République de Saint-Marin appuiera les projets de résolution et de recommandation. Nous répéterons toujours que nous sommes attachés à nos valeurs démocratiques, à la suprématie du droit. Nous réagirons toujours contre la haine, l’intolérance, l’extrémisme.

Nous soutiendrons avec fermeté et conviction, sans la moindre réserve, la campagne contre la haine qui sera lancée demain. Seule une démocratie fondée sur le respect de la vie et des convictions d’autrui, seule une politique fondée sur le dialogue, la confrontation des idées – et non sur l’affrontement –, peuvent combattre efficacement la haine et l’intolérance religieuse.

J’espère que le Conseil de l’Europe, pleinement conscient du rôle fondamental de la culture démocratique, encouragera davantage encore toutes les initiatives destinées à promouvoir l’éducation et la culture démocratique, en particulier auprès des jeunes, au sein des écoles et des familles, ainsi qu’à favoriser le dialogue interculturel et interreligieux.

C’est ainsi que l’on combattra toutes les formes de radicalisation qui engendrent le terrorisme.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – En tant que musulmane et Azerbaïdjanaise, j’ai condamné les attentats terroristes qui ont tué dix-sept personnes en France il y a quelques semaines et exprimé mes condoléances à nos collègues français. Notre Président a également sévèrement condamné ces attentats. Nous ne devons-nous épargner aucun effort pour prévenir ce type d’actes.

Cela dit, certaines déclarations politiques renforcent l’islamophobie en Europe, ce qui est une préoccupation pour nous. Nous devons protester contre de telles déclarations : n’oublions pas que les tensions qu’elles provoquent sont de nature à saper le dialogue entre cultures et civilisations. En outre, les Etats membres de notre Organisation ne devraient pas pratiquer la politique du « deux poids, deux mesures ». De nombreux leaders européens ont participé à la manifestation à Paris ; mais il faudrait faire preuve de la même solidarité quels que soient les auteurs des attentats, quelles qu’en soient les victimes et quel que soit l’Etat membre visé.

Ainsi, dans un mois, nous commémorerons le massacre perpétré par les forces armées arméniennes : des centaines de civils – femmes, enfants – ont été cruellement assassinés, des centaines d’autres ont été blessés. Or nous n’entendons pas beaucoup de protestations de la part de nos collègues ni de la part des politiques européens. Les auteurs de ces crimes se promènent tranquillement en Arménie sans même avoir été présentés à la justice. Donc, où que cela se produise, nous devons être ensemble pour demander des comptes aux auteurs d’assassinats de personnes innocentes.

J’exprime mes condoléances au peuple français mais, en tant qu’Etats membres, nous devons, en Europe, lutter contre l’intolérance, l’antisémitisme, l’islamophobie, le racisme. Tout en soutenant la liberté d’expression, nous devons protester contre les insultes aux croyances religieuses quelles qu’elles soient.

M. SHLEGEL (Fédération de Russie)* – J’exprime toutes mes condoléances aux familles des journalistes français assassinés ainsi qu’à l’ensemble du peuple français. Ce qui s’est passé à Paris est abominable et exige une réaction de notre part. Nous avons souvent eu affaire à des attentats terroristes en Russie, ignobles, affreux. Il est impossible d’avoir la moindre compréhension pour de tels actes qui ne visent qu’à semer la terreur.

La solidarité manifestée par le peuple français pour la défense de ses valeurs était saisissante. Quoi qu’on pense des caricatures de Charlie Hebdo, on ne saurait justifier sa haine par de tels actes : le terrorisme et la caricature ne peuvent être placés sur les deux plateaux d’une même balance.

Parallèlement, ces attentats soulèvent nombre de questions. Où commence la liberté et où s’arrête-t-elle dans une société multiculturelle ? Où sont les limites posées par le droit d’exercice du culte ? Qu’est-ce qui explique que des personnes soient prêtes, au prix de leur vie, à se venger de caricatures ? Ensuite, la politique d’intégration de populations non européennes est-elle efficace ? Parfois, la culture européenne leur est vraiment étrangère, ce n’est pas un secret. Et qu’en est-il de ceux qui sont nés en Europe, y ont grandi, et qui restent dépourvus de repères ? Il convient d’assurer la liberté d’expression des croyances et des minorités.

Le monde arabe est secoué de crises, de guerres, ce qui explique aussi, d’une certaine manière, ce qui s’est passé à Paris, qu’on pourrait qualifier d’écho du « printemps arabe ». Il est indispensable de tirer des conclusions de ces actes ignobles qui se prétendent nobles. Il est indispensable de ne pas verser d’huile sur le feu, indispensable que tous les pays européens s’unissent autour de leurs principes pour répondre à ces défis. On ne saurait, dans une telle situation, laisser les émotions prendre le pas sur le bon sens. Il ne s’agit pas de se perdre en vexations et humiliations des personnes pacifiques de la même confession qui, pour leur part, n’ont aucun lien avec les extrémistes. Faute de quoi les scissions, au sein de la société, ne pourront aller que s’accroissant, les conséquences risquant d’en être plus graves encore.

Certains souhaiteraient rayer le Proche-Orient de la carte pour résoudre tous les problèmes alors que le Proche Orient est notre voisin et que les racines du problème – et donc leur solution – se trouvent chez nous. C’est pourquoi nous devons reconnaître notre responsabilité, nos erreurs, erreurs que nous devons corriger en même temps qu’il nous faut défendre les valeurs européennes au service de notre avenir commun.

M. MAHOUX (Belgique) – Les actes horribles qui se sont déroulés en France, précédés en Belgique par des actes tout aussi horribles, interpellent l’ensemble de l’humanité. S’il y a lieu de présenter des condoléances aux familles des victimes, il y a lieu d’en présenter également à l’ensemble de l’humanité – en tout cas la partie qui défend les principes de liberté, d’égalité et de fraternité. Notre responsabilité est de répondre à ces actes horribles.

Je reprendrai l’idée du Premier ministre français Manuel Valls selon laquelle il faut prendre des mesures exceptionnelles mais pas d’exception. Et, nous en conviendrons en ce soixante-dixième anniversaire de la libération des camps nazis, les mesures d’exception sont prises par des régimes où la démocratie n’est pas la règle.

Même si la protection de nos concitoyens doit être le fil rouge de notre action, il y a en la matière un exemple à ne pas suivre : celui des Etats-Unis après les attentats contre les tours jumelles. Il n’y a pas de place, dans notre espace de liberté, pour un Patriot Act. Certes, nous devons soutenir les services de police et les services de renseignement qui, par leur action positive, évitent que de pareils actes soient perpétrés, mais, chacun de nos pays doit apporter la garantie, particulièrement dans l’échange d’informations, que des textes législatifs protègent les libertés individuelles, assurent notre droit à une vie privée.

Nous devons par ailleurs accomplir des gestes en faveur du  vivre ensemble. Nous devons mettre en évidence que la volonté des terroristes est de diviser les démocrates. Nous devons réaffirmer avec force que l’islam n’est pas l’islamisme radical, qu’une série d’attentats ont été perpétrés parce que, précisément, il s’agissait de tuer des Juifs. Enfin, il faut cesser d’opposer les actes de répression et les mesures de prévention.

Nous vivons dans une société où le droit de dire, le droit de croire, le droit de ne pas croire, le droit de croire à un moment et de ne pas croire à un autre, sont des droits absolus. Cette liberté de pensée, nous devons la défendre sans restriction. Oui, je suis Charlie ! Les créateurs doivent être défendus. C’est le débat qui crée le dialogue, et non la violence.

Mme HOVHANNISYAN (Arménie)* – Les attentats contre Charlie Hebdo ne disparaîtront pas dans les tombes anonymes de leurs auteurs. Ils continueront de nous hanter longtemps, jusqu’à ce que nous nous décidions de ne plus fermer les yeux. Les auteurs des attentats de Paris se sont attaqués aux religions chrétienne et juive, à nos identités, à nos histoires, aux grandes révolutions de la France, de l’Allemagne et du siècle des Lumières.

Pourtant, en levant nos crayons pour défendre la liberté d’expression, nous démontrons à quel point nous sommes ignorants de ce qui se passe dans le monde. Le véritable problème, en effet, est la radicalisation des communautés musulmanes sunnites européennes, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Belgique, du fait des appels à la haine lancés depuis le Golfe. Alors que ces communautés vivaient paisiblement au sein de la société européennes, les jeunes partent désormais combattre dans les déserts de Syrie de d’Irak, et poursuivent le combat dans nos villes. La liberté d’expression a permis aux discours de haine d’être proférés dans nos rues et dans nos banlieues, que l’on pense au prédicateur Anjem Choudary à Londres, aux prédicateurs turcs en Allemagne, ou aux imams de France, qui disent une chose en français et son contraire en arabe.

Mes mots choquent peut-être certains d’entre vous mais je pense que nous devons imposer des limites fermes à ces discours intolérants qui, parce qu’ils sont libres de se développer, s’attaquent à notre liberté d’expression. Au lieu de cibler les métastases, nous devons nous attaquer aux causes du cancer, sous peine d’être nous-mêmes conduits à la tombe.

Mme DURRIEU (France) – Merci, Monsieur le rapporteur, pour votre conviction, et merci à tous ceux qui nous ont témoigné leur soutien en ces moments difficiles qui ont frappé la France. Avant Charlie Hebdo et l’épicerie casher de la porte de Vincennes, il y avait eu les événements de Toulouse et de Belgique. Malheureusement, les faits se reproduisent. « Je suis Charlie » : vous avez été beaucoup à l’être, puisque ces mots ont été traduits dans 200 langues.

J’ai vécu les attaques terroristes de Paris en tant que Française. Dans ce moment d’émotion, de sidération et de conjuration, curieusement, nous avons eu spontanément besoin d’être dehors, ensemble, de marcher et de nous taire. Ce grand moment de concorde nationale et de conscience démocratique reste encore un mystère, impressionnant.

Au-delà, ces attentats doivent être considérés comme un fait politique majeur. La liberté d’expression est fondamentale, mais le « vivre ensemble » est essentiel. Maintenant, nous devons nous montrer à la hauteur des événements et les Français ont besoin que vous les aidiez. Il va falloir continuer à parler et à rire de tout ce qui nous opprime, que ce soit politique ou religieux. L’humour n’est pas islamophobe. Les dessins et les caricatures sont un genre littéraire. Nous devons pouvoir revendiquer le droit à l’irrespect, à l’insolence, au blasphème. C’était tout ça, Charlie. La liberté d’expression est sacrée. La presse doit être libre et le journaliste doit être responsable et en mesure d’exprimer son point de vue. Il y a des limites, mais seulement en cas d’apologie du crime, du terrorisme et de la haine. Et alors la justice est là pour trancher.

Le plus difficile sera le « vivre ensemble ». Notre ami irlandais a célébré les vertus d’une France qui, incontestablement, n’a pas réussi l’intégration. C’est une Française qui vous le dit, bien que cela soit douloureux ! Vivre ensemble, c’est le vouloir et c’est l’organiser, comme nous l’expliquent les historiens. Deux conditions doivent toutefois être posées. La première est le respect fondamental de l’autre : l’être humain est universel ; nous sommes divers mais nous sommes un. La seconde est le respect absolu de la liberté de pensée, de croyance et de conscience. Nous, les Français, avons un mot pour dire cela, mais je sens qu’il est tabou même ici : c’est le mot « laïcité ». Il dit tout, mais si vous en préférez un autre, choisissez-le.

Le chantier du « vivre ensemble » doit faire partie des réflexions du Conseil de l’Europe. Ouvrons-le ensemble ! Tel est le sens de l’article 18 du projet de résolution.

M. REIMANN (Suisse)* – Les attentats survenus à Paris au mois de janvier doivent être condamnés avec la plus grande fermeté. Je remercie M. Legendre pour la clarté avec laquelle il a exprimé ce message.

Le paragraphe 17.7. du projet de résolution demande aux Etats membres du Conseil de l’Europe « de protéger les journalistes, les écrivains et autres artistes, des menaces extrémistes ». On ne peut qu’approuver cette demande, mais il aurait fallu également adresser un message aux médias eux-mêmes. Mme Leuthard, ministre des médias suisse, a déclaré à juste titre que la satire n’est pas un chèque en blanc, même si aucune publication ne justifie la violence. En Suisse, les attentats ont été condamnés sans aucune ambiguïté.

Toutefois, le droit à la satire, selon moi, n’est pas un chèque en blanc, même dans un magazine qui se voue entièrement à l’humour et à la caricature. C’est un élément à prendre en compte pour la protection des médias en Europe. Nous le verrons demain, mais je le dis dès aujourd’hui, à la suite des attentats de Paris.

S’il faut protéger les médias, la satire et la liberté des médias ont des limites. Celles-ci se trouvent là où la liberté des médias peut entrer en conflit avec d’autres droits, par exemple celui des personnes à ne pas être blessées dans leurs convictions religieuses. Il m’est en effet arrivé d’être blessé en tant que chrétien par des caricatures ou par des textes destinés à nuire. Je demande le respect, que ce soit vis-à-vis de moi ou des autres.

Je le répète, le droit à la satire, à la caricature ne permet pas tout. Certaines caricatures peuvent aussi être provocantes, et face aux événements de Paris nous devons analyser les choses au fond. Mais bien entendu, comme, le disait notre ministre confédéral des médias à Berne : aucune satire, aucune caricature quelle qu’elle soit ne peut légitimer une réponse violente.

M. VALEN (Norvège)* – Comme le peuple français, nous sommes en deuil après l’épouvantable attentat perpétré contre Charlie Hebdo et contre la communauté juive de France au début du mois. Cet attentat méticuleusement préparé, à caractère politique, visait les libertés fondamentales dont nous jouissons. Nous avons tous été émus de voir comment la société française a été capable de se rassembler à la suite de cet attentat.

Comme dans les années 1970 et comme lors de l’agression terroriste d’extrême droite en Norvège, il y a quatre ans, les terroristes de Paris voulaient diviser nos sociétés. Les idéologies des mouvements islamistes violents d’aujourd’hui et des mouvements d’extrême droite émergents en Europe se ressemblent beaucoup. Ils s’alimentent l’un l’autre par leur perception du monde, et le conflit devient inévitable. Ils veulent que nos réactions à leurs attentats soient brutales pour qu’ils puissent dire qu’ils avaient raison. Nous ne leur ferons pas ce cadeau.

Souvent, nous réagissons au terrorisme en disant que nous n’avons pas peur. Je me demande si c’est exact. Je ne parle que pour moi-même bien sûr, mais je dois reconnaitre que parfois, je suis inquiet. Dans les lieux publics très fréquentés, je me retourne sans cesse.

Nous devons, reconnaître non seulement que nous n’avons pas peur, mais que nous sommes indignés. J’ai de bons amis qui se trouvaient sur l’île d’Utøya, il y a quatre ans, en Norvège. La plupart d’entre eux ont survécu, mais ils ont été les victimes d’une violence odieuse. J’aimerais pouvoir dire que je suis prêt à pardonner le terroriste, mais pour être honnête, je crois que je le haïrai toujours et je lui souhaite ce qu’il y a de pire.

C’est la raison pour laquelle nous préconisons la prééminence du droit, non parce que nous sommes bons, prêts à nous montrer rationnels et pleins d’empathie, mais tout au contraire parce que nous pourrions laisser la colère guider nos actes si l’un de nos proches était frappé de plein fouet.

C’est la meilleure façon de favoriser la prééminence du droit et l’Etat de droit. Il est normal d’avoir peur, d’être en colère, mais il ne faut pas se laisser guider politiquement par une telle boussole. Nous devons nous en souvenir aujourd’hui, où nous avons peur, où nous sommes indignés. Gardons cela présent à l’esprit lorsqu’il est question d’instaurer des mesures de surveillance de masse et lorsque nous réfléchissons à la réponse à apporter à ces attentats.

Je reviendrai ici sur ce que disait tout à l’heure la représentante de l’Arménie. Restons prudents lorsque l’on nous dit que ces actes de violence sont le résultat d’un conflit de civilisation, c’est le discours qu’essaient de répandre les terroristes.

Nos cœurs réagissent, mais nos esprits doivent rester calmes. C’est ainsi que nous devons répondre à ce qui s’est passé à Charlie Hebdo.

M. CHISU (Canada, observateur)* – Je vous remercie, Madame la Présidente, de me fournir l’occasion de m’exprimer sur les attentats terroristes à Paris. Je tiens également à remercier le rapporteur pour son travail sur ce sujet.

En début de mois, des innocents ont été tués et les valeurs qu’incarne le Conseil de l’Europe ont été attaquées, des valeurs que le Canada partage : son Parlement, le 22 octobre de l’année dernière, a aussi fait l’objet d’un attentat terroriste.

Ces événements nous forcent à examiner une fois de plus les mesures antiterroristes qui ont été mises en œuvre dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, au niveau européen et au niveau international. Les mesures prises à différents niveaux pour lutter contre le terrorisme, mettent en jeu l’équilibre qui doit exister entre, d’un côté, le besoin de sécurité et, de l’autre côté, le respect des droits fondamentaux.

La sécurité et la défense des citoyens dans les Etats membres du Conseil de l’Europe sont primordiales, mais les politiques doivent également respecter certaines valeurs, notamment les droits fondamentaux défendues par le Conseil de l’Europe. Il faut le reconnaître, les mesures de protection et de surveillance mises en œuvre jusqu’à présent n’ont pas pu empêcher les attentats terroristes. Bien sûr, avec les nouvelles menaces, les Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne réévaluent leurs politiques de sécurité intérieure. Les attentats de Paris mettent la pression sur l’Union européenne qui est en train de mettre en place sa nouvelle stratégie de sécurité intérieure. Or cette stratégie est essentielle puisqu’elle facilite la coopération entre les Etats membres et garantit une approche systématique de ces questions.

Il faut également réévaluer les accords de sécurité internationaux. L’Union européenne a signé un accord PNR avec le Canada, les Etats-Unis et l’Australie, afin de collecter des données sur les passagers des lignes aériennes au moment de la réservation, accord qui suscite quelques interrogations quant au respect de droits fondamentaux. J’invite donc les Etats membre du Conseil de l’Europe à poursuivre la discussion en vue de l’établissement d’un accord PNR au sein de l’Union européenne. Si les Européens vont dans ce sens, cet accord destiné à lutter contre la menace terroriste devra relever le défi du respect des droits fondamentaux.

En conclusion, la coopération dans ce domaine entre le Conseil de l’Europe et le Canada devrait être prioritaire, sur la base de l’accord PNR signé entre l’Union européenne et le Canada.

M. LE BORGN’ (France) – Les 7, 8 et 9 janvier derniers, 17 personnes ont perdu la vie à Paris, victimes d’attaques terroristes qui ont bouleversé le monde. Ces personnes sont mortes parce qu’elles incarnaient la liberté d’expression, parce qu’elles pratiquaient l’irrévérence et parce qu’elles affirmaient dans leur travail, dans leur passion de journalistes et de caricaturistes que l’on pouvait rire de tout. D’autres sont mortes parce qu’elles étaient juives, assassinées froidement en raison de leur origine, à quelques heures du shabbat, dans une épicerie casher. D’autres enfin sont mortes parce que leur métier, qu’elles accomplissaient avec un sens admirable du devoir, était d’assurer l’ordre, la protection des citoyens, la sécurité publique. L’obscurantisme, le fanatisme et la haine ont conduit à ces drames. Pas l’islam, dont les représentants, par milliers, ont trouvé les mots et les actes justes pour dire leur solidarité avec les victimes et avec la communauté nationale à laquelle ils appartiennent pleinement.

C’est la démocratie, la liberté, le pluralisme, la tolérance, le droit de croire au dieu que l’on veut ou celui de ne pas croire qui ont été attaqués. Ce sont ces valeurs qui nous rassemblent au Conseil de l’Europe, si bien exprimées par la Convention européenne des droits de l’homme, que ces meurtriers ont voulu abattre. En vain, car la réaction en Europe et autour du monde a été instantanée, bouleversante et tellement réconfortante : « Je suis Charlie », partout, en France et au-delà, sous toutes les latitudes. Jamais il n’y avait eu autant de monde dans les rues pour affirmer qu’une société démocratique repose sur le droit de communiquer, de blâmer, de moquer et même de blasphémer. L’outrance est une expression et elle doit être protégée, en responsabilité.

C’est au juge, et à lui seul, qu’il appartient d’apprécier si l’on abuse de la liberté par un quelconque appel à la haine ou à la violence. Il n’y avait à Charlie Hebdo ni haine ni violence.

Rien ne justifie le terrorisme. Rien ne justifie l’antisémitisme, lequel est, non pas une opinion, mais un délit. Comment comprendre, alors même que nous commémorons cette semaine, y compris dans cet hémicycle, les 70 ans de la libération d’Auschwitz, revivant ainsi l’horreur de la Shoah, que l’on puisse encore avoir peur tout simplement parce que l’on est juif ? Quelle perte de sens, quelle ignorance de l’histoire, quelle profonde bêtise, ajouterai-je, peuvent conduire à l’antisémitisme ?

Oui, il faut combattre le djihadisme. Oui, il faut combattre le lavage de cerveau pratiqué sur les réseaux sociaux, qui mène à la radicalisation, sur fond d’exclusion sociale, d’échec scolaire et de ségrégation urbaine. Une démocratie n’est forte que lorsqu’elle se défend. Défendons-nous, en donnant aux forces de sécurité et aux services de renseignements tous les moyens d’agir. Défendons-nous en partageant le combat à l’échelle européenne. Défendons-nous en écrivant le droit autour de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme. Défendons-nous en protégeant nos libertés. Surtout, soyons nous-mêmes, par le dialogue continu entre toutes les cultures, le brassage des idées, l’attention à toutes les jeunesses et l’éducation, encore et toujours.

Mme SCHOU (Norvège)* – Les attentats épouvantables qui ont ébranlé la France au début de ce mois nous ont tous choqués. Les mots ne suffisent pas à exprimer notre émotion face à ces actes de terrorisme. J’exprime ma plus profonde sympathie et ma solidarité aux familles des victimes et au peuple français.

Ces attentats ont été une agression contre les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe, contre les libertés fondamentales, la démocratie, le droit à la vie et les libertés d’expression, de conscience et de religion. Malheureusement, ce n’est pas un acte isolé en Europe : il y a quatre ans, mon propre pays a connu un événement épouvantable – je veux parler de l’assassinat de masse perpétré par un fanatique qui prétendait lutter contre l’islamisme. Quoiqu’ils soient le fruit de motivations idéologiques différentes, ces événements montrent, chacun à sa façon, à quel point nos sociétés sont menacées par l’extrémisme et la radicalisation. De notre réponse dépendra l’avenir de nos sociétés démocratiques. La xénophobie, le racisme, le nationalisme exacerbé exigent une réponse ferme de notre part, quelles que soient nos convictions politiques. Nous ne pouvons pas permettre que les menaces et les actes violents nous amènent à modifier notre conduite face à la liberté de penser, à renoncer à nos valeurs démocratiques. Nous ne devons pas laisser la peur, l’antisémitisme, l’islamophobie et la haine ronger nos valeurs, car celles-ci nous définissent, qu’il s’agisse de la liberté d’expression, de la tolérance ou encore du respect mutuel.

Il est vrai que l’extrémisme se nourrit de la pauvreté, du mécontentement et de la marginalisation de certains groupes ; trop de gens se sentent laissés de côté pour des raisons économiques, religieuses ou ethniques, ce qui suscite de la colère. Si nous voulons assurer un meilleur avenir à nos enfants, il faut consacrer toute notre énergie à la réduction du nombre de ceux qui n’ont pas le sentiment d’appartenir à nos sociétés.

Lundi, nous avons célébré le 70e anniversaire de la libération des camps nazis à la fin de la Seconde Guerre mondiale. S’il y a une leçon à tirer des événements de cette époque, c’est que les choses peuvent déraper de manière terrible lorsque trop de gens ferment les yeux devant une catastrophe qui se profile. Nous vivons de nouveau des temps difficiles ; nous sommes tous mis à l’épreuve et, face à cela, nous ne pouvons pas faire une nouvelle fois l’autruche. En tant que parlementaires, nous devons être à l’avant-garde. Il nous incombe particulièrement de promouvoir la liberté d’expression et de lutter en faveur de la tolérance entre les peuples. Quelles que soient nos opinions ou nos convictions religieuses, nous devons être fermes et inviter tous les citoyens à défendre ensemble les valeurs que nous chérissons aujourd’hui plus que jamais.

Mme NAGHDALYAN (Arménie)* – Les mains qui ont déposé les bombes ayant fait sauter les églises chrétiennes arméniennes d’Alep, de Kessab et de Deir ez-Zor sont les mêmes que celles qui ont assassiné en plein cœur de Paris les journalistes de Charlie Hebdo et qui ont également décapité dans le désert des hommes de paix. À première vue, on peut se dire que le terrorisme n’est plus un moyen de résoudre par la violence des problèmes politiques, économiques et militaires, qu’il s’agit désormais d’une guerre religieuse contre les chrétiens ; mais cette impression est trompeuse : il ne s’agit pas ici d’une guerre entre civilisations.

Je ne m’attarderai pas sur le passé ; je préfère parler des mesures que nous devons prendre pour aujourd’hui et pour demain. Pour être plus précise, je souhaite parler de la nécessité de respecter les valeurs qui sont les nôtres et d’évaluer le poids de nos traditions respectives. Ces vérités semblent si simples et évidentes qu’il ne devrait même plus être nécessaire d’en discuter ; pourtant, elles cèdent chaque jour du terrain face aux attentats, sans que nous en tirions les leçons.

Il y a quelques jours à peine, nous avons commémoré le 25e anniversaire du massacre des Arméniens à Bakou, attentat organisé par l’Etat et perpétré de la manière la plus inhumaine et cruelle qui soit. Le gouvernement d’Azerbaïdjan n’avait, alors, pas trouvé un seul mot pour le condamner ou exprimer un repentir. Pour de tels meurtres, il n’y a pas de prescription. Ces événements qui ont rougi de sang les rues de Bakou ont été décrits dans un roman de l’écrivain azerbaïdjanais Akram Aylisli. Pour cela, ses livres ont été brûlés à Bakou et il a été déclaré traître à la patrie. Il n’est pas surprenant que le terrorisme d’Etat continue à être considéré par Bakou comme l’axe principal autour duquel doivent s’organiser les rapports avec ses voisins. L’« arménophobie » prêchée au plus haut niveau s’exprime chaque jour ; c’est un véritable terrorisme politique qui est mené contre la population arménienne. La croissance exponentielle du budget militaire de Bakou, l’acquisition d’armes d’agression massive, c’est bien du terrorisme militaire ; la violation quotidienne du cessez-le-feu, l’escalade récente de la situation à la frontière, qui pourrait bientôt basculer dans la guerre, qu’est-ce, sinon une forme de terrorisme ? Je le dis avec la plus grande souffrance, car des jeunes gens de 18 ans ou de 20 ans sont tués, du côté de l’Arménie comme de l’Azerbaïdjan. De notre côté, ces jeunes défendent notre patrie. Mais nos voisins, que défendent-ils ? Se battent-ils vraiment pour la paix et la stabilité de la région ? Peut-on vraiment dire que l’Arménie et les Arméniens sont les ennemis principaux du peuple ? En réalité, il s’agit pour eux de mettre tous les problèmes du pays sur le compte d’un ennemi extérieur.

Nous devons nous réveiller. L’histoire a montré que les problèmes résolus par la guerre, le meurtre et le terrorisme reviennent très vite sur le devant de la scène. Si nous voulons nous débarrasser de ce mal, nous devons comprendre que le terrorisme ne vise pas un camp en particulier : les balles des terroristes nous visent tous, quels que soient notre nationalité, notre âge, notre genre ou notre religion.

Mme KARAPETYAN (Arménie)* – Aujourd’hui plus que jamais, nous sommes confrontés à une activité massive des groupes terroristes. La tragédie de Paris, qui a été un choc pour le monde civilisé, montre bien ce qui se passe. Rien ne peut justifier que l’on tue des gens. Ce fléau touche l’Afrique, l’Europe, l’Australie, les Amériques : la communauté internationale tout entière doit s’unir pour lutter contre le terrorisme.

Nous, Arméniens, nous en avons particulièrement souffert et nous continuons à être visés. Au début du XXe siècle, le gouvernement ottoman a expulsé les Arméniens de leur terre natale et les a laissés mourir dans les déserts de Syrie.

Ceux qui ont survécu au génocide arménien ont reconstruit des églises et des écoles et, cent ans après, voici leurs descendants devenus les cibles des groupes terroristes. La communauté internationale a été terrifiée par la destruction barbare de l’église et du mausolée pour les martyrs de Deir ez-Zor et de l’église catholique arménienne d’Alep.

L’Arménie contribue aux opérations de maintien de la paix de l’Otan et des Nations Unies, non seulement dans la région, mais partout dans le monde. L’Azerbaïdjan adopte, au contraire, des tactiques propres aux groupes terroristes.

Je citerai l’exemple d’un villageois arménien qui, se promenant par erreur en territoire d’Azerbaïdjan, a été arrêté et humilié devant les caméras. C’est bien une tactique utilisée par les organisations terroristes. Le lendemain, il était retrouvé mort. Mais je pourrais également évoquer le cas de Safarov, assassin glorifié en Azerbaïdjan pour avoir assassiné un camarade arménien.

Bakou ignore les appels du Groupe de Minsk de l’OSCE et de la communauté internationale et ses actes n’incitent pas à construire la confiance. L’Azerbaïdjan est devenu une véritable menace pour la sécurité et la stabilité, pas seulement du Caucase du Sud, mais de toute la région.

Chers collègues, il est grand temps d’appeler à mettre de côté nos différences pour lutter vigoureusement contre le terrorisme.

M. ROMANOVICH (Fédération de Russie)* – Chers collègues, tout d’abord permettez-moi, au nom de la délégation russe, d’exprimer nos condoléances à nos collègues de la délégation française pour l’attaque contre la rédaction du journal Charlie Hebdo. Nous adressons aussi nos condoléances à la communauté juive de France, qui a été également victime d’un attentat terroriste en ce début d’année.

L’attaque contre la rédaction de Charlie Hebdo est un attentat classique, qui s’inscrit dans la ligne des attaques perpétrées contre les tours jumelles à New York, l’école de Beslan, les explosions dans le métro de Londres et à la gare de Madrid, et d’autres encore dans différents pays du monde.

À mon avis, il convient de séparer ces attentats du problème de l’atteinte à la liberté de la presse et à la liberté d’expression. Car, je le répète, il s’agit d’un attentat terroriste et notre attention doit principalement porter sur la condamnation du terrorisme et de sa cause. Cette cause, permettez-moi de le dire, tient à l’opposition de forces selon une ligne Nord-Sud. Au centre de ce conflit, vous trouvez l’aspiration de certains pays, et surtout des Etats-Unis, d’exercer le contrôle sur les gisements pétroliers et gaziers du Proche-Orient.

En termes d’information et de propagande, cette cause est dissimulée sous l’opposition religieuse et culturelle. En fait, il s’agit de soumettre les pays de la région et de mettre en place des régimes de marionnettes. C’est le cas de la Libye, de l’Irak, de la Syrie, de l’Afghanistan. Ce sera peut-être même le cas à l’avenir, de l’Iran. Tout cela constitue un ensemble cohérent.

Sur le continent européen, nous pouvons ajouter à cette liste l’Ukraine. Pays d’une autre culture et d’une autre histoire, il est néanmoins le pays où se situe, dans la région de Slaviansk, le gisement de gaz de schiste le plus étendu en Europe. Là encore, on peut parler de l’intervention des Etats-Unis dans un pays d’une autre culture et d’une autre histoire, en ayant recours aux mêmes méthodes donnant les mêmes tristes résultats : le chaos, la guerre civile et des milliers de victimes.

Les djihadistes et les terroristes ne font pas de différence entre les pays. Le monde civilisé doit présenter un front uni contre le terrorisme : formons nos bataillons !

M. SHAHGELDYAN (Arménie) * – Je tiens à présenter mes condoléances aux parents des personnes tuées en France au début de l’année. Entre le 7 et le 9 janvier dernier, des événements inqualifiables par leur atrocité se sont en effet produits à Paris et ont causé la mort de 17 personnes. Elles ont payé de leur vie la liberté de penser, la liberté de s’exprimer. C’était une attaque contre la France, ses institutions et ses valeurs, mais ces attentats terroristes de Paris ont secoué au-delà de la France, l’ensemble de la communauté internationale, car ils constituent une atteinte aux valeurs universelles. C’était une attaque contre nos valeurs.

L’Arménie condamne fermement tous les actes terroristes et partage l’émotion de la France et des Français. Mon pays, solidaire avec la communauté internationale, réclame des efforts plus soutenus dans la lutte contre le terrorisme.

Chers collègues, le choc que nous avons vécu face aux attentats terroristes il y a quelques semaines n’est malheureusement pas sans précédent. Aussi des efforts sont-ils nécessaires pour éviter au mieux toute récidive.

En la matière, il serait sans doute temps de nous poser les bonnes questions et d’être prêts à entendre des réponses difficiles : avons-nous fait suffisamment pour un présent et un avenir meilleurs ? Ne nous bornons-nous pas à aller dans le sens de la réaction quand il faudrait agir davantage pour la prévention ? Les valeurs européennes sont-elles perçues de la même façon dans différentes parties du monde ? La politique conduite en faveur du multiculturalisme, des libertés universelles, du libéralisme justifie-elle effectivement l’objectif recherché ?

Ce ne sont que des questions, non exhaustives, qui nécessitent des réflexions pertinentes et, même si nous n’y répondons pas dans l’immédiat, elles doivent figurer dans l’approche et le traitement des problèmes actuels.

Le drame dont nous avons été témoins doit être un rappel, une alarme nécessitant la mise en œuvre de mesures déterminées. Face au terrorisme, la réponse doit être ferme et collective. Le Conseil de l’Europe et notre Assemblée ont une responsabilité importante dans cette lutte.

Mes chers collègues, la liberté est le fondement de tout régime républicain ; elle est le fondement de notre avenir et de la démocratie. Mais la liberté doit aussi être sécurisée et défendue car, sans cela, elle n’est pas forte. Nous devons donc tout faire pour la sécuriser et la défendre.

M. Wach, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Brasseur au fauteuil présidentiel.

Mme MAGRADZE (Géorgie)* – J’aimerais tout d’abord exprimer mes condoléances au peuple français ainsi qu’aux familles qui ont été touchées.

Pour certains, rechercher les causes du terrorisme peut paraître difficile. Pour d’autres, cela peut sembler plus simple. Pour les uns, ce qui s’est passé à Paris constitue une agression contre la liberté d’expression ; pour d’autres, c’est un acte terroriste parce que l’islam fondamentaliste agit de la sorte. Pour d’autres encore, ce sont des journalistes qui sont punis.

Le danger, en fait, est que ces attentats marquent le début d’un véritable choc entre les religions. Nous sommes, je pense, tous convaincus du fait qu’un tel acte terroriste n’a rien à voir avec une religion, quelle qu’elle soit.

Le terrorisme est une arme contre la civilisation. Or il ne se manifeste que lorsque le pouvoir de l’information est entre les mains de ceux qui veulent prêcher la mauvaise parole avec des images construites. C’est la raison pour laquelle je suis convaincue que les terroristes et ceux qui les financent ont besoin de posséder des médias. Car ils peuvent ainsi diffuser des images qui ne reflètent pas la réalité. Ils créent des mondes virtuels. Et c’est ce que l’on croit parce que c’est ce que l’on voit.

Les personnes qui ne prennent pas le temps de se construire une vision personnelle de la réalité se contentent de ces canaux d’information déformée. C’est pourquoi il faut absolument surveiller les médias et les technologies de l’information des pays démocratiques, pour nous assurer que l’image donnée de la réalité est objective.

Les médias ne doivent pas tomber entre les mains de ceux qui déforment l’information.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni)* – Après les attentats de Paris, le Parlement et le Gouvernement britanniques ont exprimé leurs condoléances et leur solidarité au peuple français. En tant que premier Britannique à intervenir dans ce débat, je renouvelle ces condoléances et l’expression de notre sympathie.

Je félicite le rapporteur pour son travail, mais au nom du Groupe des conservateurs européens, je défendrai l’amendement 4 et proposerai un sous-amendement à l’amendement 3, afin que soit supprimée, dans le texte, l’expression « islamisme radical ».

Je suis chrétien et je respecte profondément l’Islam. Et ceux qui partagent mes convictions savent que les événements de Paris n’ont aucun rapport avec l’Islam et la foi des musulmans. Ceux qui ont agi étaient animés uniquement par des considérations politiques ; il s’agit d’assassinats politiques. Il serait erroné de laisser entendre que l’on puisse justifier ces faits au nom de quelle que religion que ce soit. Ne permettons pas à l’extrême droite de détourner les événements à son profit en affirmant qu’il s’agit du choc des civilisations et des religions.

Dans les minutes qui ont suivi les attentats, certains ont voulu accuser une « cinquième colonne » et remettre en cause des siècles de multiculturalisme. Nous ne devons pas donner aux auteurs de ces actes la satisfaction d’imaginer qu’ils peuvent, d’une façon ou d’une autre, remettre en cause les libertés ou les idéologies de tolérance que nous partageons.

Je siège au bureau de la sous-commission des médias du Conseil de l'Europe. Ce crayon que je vous montre est devenu un symbole de la liberté d’expression. Il est plus puissant que l’épée, le cimeterre ou la kalachnikov. Faisons en sorte que les choses restent ainsi.

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie) – Je me réjouis de la qualité du débat et du rapport rédigé par M. Legendre. « Je suis Charlie », bien évidemment. Et je n’ai pas à justifier pourquoi je suis Charlie. Tous les Européens qui partagent les valeurs de notre Organisation ne peuvent qu’être Charlie. Cependant, certains ont proclamé ne pas être Charlie. Je ne m’attendais pas à cette réaction de la part de politiciens ou de personnalités très haut placées. Malheureusement, je ne peux que constater qu’il s’agit là d’un courant de pensée, y compris dans mon pays. En effet, le lendemain de l’attentat, des personnes ont expliqué les raisons pour lesquelles ces caricatures étaient blasphématoires et, sans justifier l’assassinat commis contre « Charlie Hebdo », elles ont considéré que le journal était allé trop loin. Je trouve cela très dérangeant. La liberté d’expression doit être totale, même quand les propos sont offensants, choquants et perturbants.

Les Français – soutenus par les Européens, les Américains et les Canadiens – ont dit non à l’agression contre la liberté de penser. Cette réaction est une avancée pour la démocratie en Europe.

Malheureusement, certains politiciens se sont abstenus de nommer l’ennemi. Je ne trouve pas cela normal, même si, bien entendu, il ne faut pas que cette campagne soit taxée d’anti-multiculturalisme. Elle se mène en réalité contre une idéologie meurtrière fondée sur le djihad et l’islamisme radical. Une idéologie créée pour tuer. Nous devons donc disposer de moyens suffisants pour s’y opposer. Sommes-nous prêts à lutter contre cette idéologie barbare mais fondée sur des mécanismes très sophistiqués ? Sommes-nous suffisamment armés pour lutter contre le terrorisme ?

M. YATIM (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Je voudrais tout d’abord présenter, au nom de la délégation marocaine, mes condoléances à la délégation française et au peuple français. Je veux aussi vous livrer quelques réflexions à propos de ces attaques terroristes.

Il ne faut pas tomber dans le piège des terroristes et des extrémistes, ni dans leur logique. Il ne s’agit pas d’une guerre de religion ou de civilisation. Ce n’est pas une confrontation entre l’islam et la laïcité, entre l’Orient et l’Occident. Il s’agit d’une confrontation entre la civilisation et la barbarie. Il s’agit d’une guerre commune contre le terrorisme et l’extrémisme.

Ces actes terroristes ne font pas de distinction. Ils ont frappé à Paris comme ils ont frappé dans plusieurs pays musulmans, jusque dans des mosquées. Des menaces terroristes émanant de ces groupes ont même visé, au Maroc, des responsables politiques, des ministres, des parlementaires et des personnalités publiques.

Deuxièmement, le monde musulman, les musulmans, des instances religieuses de grande renommée ont clairement dénoncé la barbarie de ces attaques et ont dit haut et fort que ces terroristes ne représentent pas l’islam. Un milliard et demi de musulmans n’ont pas donné procuration à ces groupes pour parler ou agir en leur nom, au nom de l’islam ou de son Prophète. Le Prophète lui-même ne se serait jamais comporté de la sorte au cours de sa vie, bien qu’il ait été victime de harcèlements et de blasphèmes de la part des médias de l’époque – les arts de la parole, la poésie. Plusieurs de ces attaques et de ces critiques contre le Prophète et sa religion ont d’ailleurs été relayées par le Coran et réfutées par une argumentation qui s’adresse à la raison.

Bien que nous devions nous garder de chercher la moindre justification à ces actes et les condamner fermement et unanimement, il convient de noter ce qui suit.

Ces idéologies terroristes ont proliféré dans un contexte de guerre, de guerre civile et d’instabilité dans plusieurs Etats de notre région. La communauté internationale doit assumer pleinement sa responsabilité dans la résolution de ces conflits, pour la stabilisation de la région.

Ensuite, il faut insister sur la nature de ces groupes : il ne s’agit pas d’organisations structurées, mais d’entités et de cellules distinctes les unes des autres. Le phénomène est transnational et transcontinental. Ces groupes opèrent loin des mosquées et des associations légales, surtout à travers la Toile ou par l’intermédiaire de relations personnelles.

Troisièmement, en réponse au terrorisme, il faut alterner une approche sécuritaire indispensable et une approche préventive : assurer la coordination et la coopération entre services compétents, mais surtout promouvoir la culture du vivre ensemble, la législation qui y contribue, le dialogue interreligieux et interculturel, l’alliance des civilisations, la culture du respect et de la compréhension mutuels. Il faut aussi faire preuve de plus d’imagination pour réconcilier liberté d’expression, d’une part, et respect des croyances et sentiments religieux, de l’autre. Nous pensons que cette réconciliation est possible.

Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.

M. HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Je commencerai par rejeter les discours de mes collègues arméniens, pleins de tromperies ; malheureusement, c’est bien là leur manière de penser et leur philosophie de la vie !

Mes chers collègues, la terreur est néfaste et haïssable, quelle qu’en soit la forme et qu’elle s’exprime à grande ou à petite échelle. L’attentat terroriste survenu il y a 20 ans dans le métro de Bakou, qui a battu le terrible record mondial du nombre de victimes civiles, avec plus de 600 morts, et l’attaque à Paris du siège de Charlie Hebdo qui a causé la mort de 12 membres de l’équipe rédactionnelle sont des tragédies identiques. Chaque attentat terroriste est un complot contre l’humanité. Tous les représentants de l’humanité doués de raison doivent donc exprimer leur solidarité pour combattre le terrorisme et s’élever ensemble contre ce phénomène.

Peut-être l’Azerbaïdjan éprouve-t-il cette amertume et cette horreur plus vivement que d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe. Car nous vivons au quotidien depuis près de 30 ans les effets du terrorisme d’Etat de l’Arménie.

Cependant, les attentats perpétrés à Paris revêtent une dimension supplémentaire qui exige une analyse poussée. Par quoi ce crime a-t-il été motivé ? La frontière entre la terreur morale et la terreur armée est transparente. Les contradictions ne viennent pas de la société, elles lui sont transmises. Certaines positions, certaines idées sont ainsi propagées par des centres mystérieux et invisibles qui permettent la propagation immédiate de certaines informations, qui sèment l’agitation, qui alimentent la colère et les protestations.

Cinq millions d’exemplaires de la dernière édition de Charlie Hebdo ont été diffusés dans le monde, en six langues, avec, en page de couverture, le Prophète Mahomet qui tient un panneau disant : « Je suis Charlie ». Que pensez-vous que cela signifie, chers collègues ? C’est une insulte à l’estime de soi du monde musulman et cela risque de susciter de nouvelles attaques terroristes.

L’appel à sanctionner sans pitié les terroristes de Paris est un devoir moral pour chacun, où qu’il se trouve. Cependant, nous devrions tous faire preuve de solidarité au moment de demander l’extinction de ces voix malveillantes qui compliquent plus encore les raisons qui ont donné lieu à ces actes de terrorisme et ont été invoquées comme autant de justifications. C’est la seule façon de mettre à mal ces forces malveillantes, de mettre à mal Satan !

Mme KRONLID (Suède)* – Les récents attentats de Paris contre Charlie Hebdo et le supermarché juif nous ont beaucoup ébranlés. Toutes mes condoléances et ma sympathie vont aux proches des victimes.

Ces attentats ont visé nos valeurs fondamentales, nos libertés, la démocratie, les droits de l’homme. En outre, l’attentat contre le supermarché juif traduit un phénomène très préoccupant : la résurgence de l’antisémitisme, que nous devons combattre avec une grande fermeté.

Hélas, ces actes ne sont pas isolés dans l’histoire récente de l’Europe. Je ne citerai que les dramatiques attentats de Londres et de Madrid. À Stockholm, nous avons évité de très peu une catastrophe il y a quelques années, celui qui s’apprêtait à commettre l’attentat ayant été tué par l’explosion prématurée de sa bombe.

Un nombre croissant de groupes extrémistes se forment ; il est possible de se rendre librement sur le terrain en Syrie, puis de revenir pour commettre des attentats. Mon parti, en Suède, mettait depuis longtemps nos sociétés en garde contre les conséquences prévisibles de cette tendance préoccupante. Hélas, ce n’est que maintenant que les autres partis se réveillent et que l’on envisage sérieusement, dans mon pays, dans d’autres et au niveau de l’Union européenne, de criminaliser ces départs à l’étranger.

Nous, membres du Conseil de l’Europe, devons être unis dans notre condamnation du terrorisme, et surtout prendre des mesures communes pour empêcher ces aspirants terroristes de partir s’entraîner puis de revenir. Nous devons le faire non seulement pour défendre notre sécurité et nos valeurs, mais pour contribuer à ce que le Moyen-Orient déchiré par la guerre retrouve la paix. Tous les jours, la situation humanitaire s’aggrave, avec des milliers de réfugiés et de morts, dont beaucoup de chrétiens. De nombreux musulmans qui critiquent le terrorisme s’inquiètent aussi pour leur sécurité en Europe.

Aujourd’hui plus que jamais, je le répète, défendons nos valeurs fondamentales et luttons de toutes nos forces contre le terrorisme et toute forme d’extrémisme.

J’approuve entièrement le projet de résolution qui nous est soumis.

LA PRÉSIDENTE* – Je me permets de vous rappeler que le deuxième tour de scrutin est en cours pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Serbie. J’invite ceux d’entre vous qui n’auraient pas encore voté à le faire, en se rendant derrière la tribune présidentielle.

Mme EL OUAFI (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Je souhaite partager avec vous des éléments de réflexions sur cette barbarie qui a attaqué notre chère France. Je parle en tant que Marocaine ayant vécu en Italie pendant 18 ans et ayant eu l’honneur de faire ses études supérieures à Paris, à la Nouvelle Sorbonne.

Nous condamnons l’attaque contre Charlie Hebdo. En effet, rien, aucun prétexte religieux ou politique, ne peut justifier l’action des terroristes. Cet acte représente une attaque contre la cohésion des sociétés française et européenne. C'est une tentative pour semer la discorde entre leurs différentes composantes.

Chers collègues, la réponse dictée par la conjoncture est la cohésion et la lutte contre l’extrémisme sous toutes ces formes. Il faut œuvrer ensemble pour éradiquer les causes de cet extrémisme et ne pas assimiler le terrorisme à l’islam.

En tant que musulmane, cet événement me conforte dans l’idée que pour combattre le terrorisme, il faut agir sur les problèmes de société qui ont produit ces monstres. La politique peut donner des réponses adéquates pour protéger nos jeunes, nos filles et nos fils musulmans issus de l’immigration. La marginalisation économique s’accompagne le plus souvent d’une ségrégation sociale. La politique doit agir pour protéger les jeunes contre une idéologie meurtrière qui n’a rien à voir avec les valeurs essentielles de l’islam : la tolérance, la paix, le dialogue, l’amour et la liberté.

Les attentats de Paris ont été un choc. Nous sommes convaincus que la France des Lumières, la France de la fraternité et de l’égalité, a la capacité et l’intelligence politique pour fournir des réponses citoyennes aux vraies questions des citoyens.

L’intégrisme menace gravement le combat de tous les démocrates, de nous tous, militants et militantes. Nous devons tirer les leçons des événements et voir les lacunes de notre action.

Je crains une ambiance de peur, de méfiance sans fin, une stigmatisation de toute la communauté musulmane européenne et d’une partie du peuple français. En réalité, les musulmans sont les premières victimes du terrorisme islamique. Ce n’est pas l’islam qui produit ces terroristes. Ils prétendent venir de l’islam mais n’ont en fait rien à voir avec lui. Ils sont le produit de toutes sortes de fractures et de déchirures sociales dans le parcours compliqué de l’immigration.

Je conclus avec une citation de Spinoza : « Ni rire, ni pleurer mais comprendre. » Comprendre, ce n’est pas excuser mais si on a mieux compris, on saura mieux réagir.

M. AMEUR (Maroc, partenaire pour la démocratie) – J’exprime notre solidarité avec nos amis français, avec le peuple français. Beaucoup de Marocains ont manifesté, comme d’autres l’ont fait dans de nombreux pays du monde musulman, pour exprimer leur solidarité indéfectible avec le peuple français et pour dénoncer la barbarie des temps modernes.

Madame la Présidente, les événements tragiques de Paris viennent nous rappeler, encore une fois, que le monde fait face à une menace terroriste globale et aveugle, qui ne cesse de s’étendre et de prendre des dimensions de plus en plus inquiétantes.

La mobilisation exceptionnelle des Français, mais aussi de tous les démocrates à travers le monde pour dénoncer les actes barbares et exprimer leur soutien indéfectible à la liberté d’expression et aux valeurs démocratiques, constitue une réponse forte et un tournant historique dans la lutte contre l’internationale terroriste.

Les attentats de Paris viennent rappeler à la communauté internationale que face à une menace mondiale, la réponse ne peut être que globale. La coopération et la solidarité entre les Etats et les peuples est aujourd’hui une nécessité vitale. Il faut reconnaître, Madame la Présidente, que les derniers événements de Paris ont mis en évidence des insuffisances et des défaillances dans les approches de la prévention et dans les dispositifs de lutte contre le terrorisme, tant au niveau des Etats que de la communauté internationale.

Il est inadmissible aujourd’hui, d’entendre que la coopération sécuritaire souffre toujours d’incohérence et de manque de coordination alors que les groupes terroristes, eux, en dépit des divergences profondes qui les animent, s’accordent sur des objectifs communs.

Il est anormal que la communauté internationale continue à se tirailler sur la gestion de certains conflits régionaux. Ces tiraillements sont habilement exploités par les terroristes. Je pense à la gestion catastrophique du dossier syrien qui a largement contribué à l’enfantement du monstre qu’est l’Etat islamique. Je pense aussi au Nigeria, où Boko Haram a commis des atrocités sans précédent dans l’histoire récente de l’humanité. Les chaos libyen et yéménite ont entraîné l’effondrement de l’Etat et transformé ces pays en bases de repli des djihadistes et des filières du crime organisé.

Madame la Présidente, la bataille contre le terrorisme appelle une stratégie à deux niveaux. Au niveau interne, cela concerne les Etats, où la prévention du terrorisme nécessite un traitement urgent des origines. À un niveau plus global, il faut une véritable solidarité internationale et une volonté sans failles pour plus de visibilité, de cohérence et de fermeté dans la gestion des conflits où le terrorisme se nourrit de l’indécision, voire de l’impuissance de la communauté internationale.

Seule cette démarche alliant prévention et fermeté est susceptible d’apporter des réponses contre la barbarie des temps modernes.

M. SABELLA (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – Maintenant que faisons-nous ? Quel peut être le rôle du Conseil de l’Europe ? Les attentats de Paris suscitent la tristesse, choquent, traumatisent. Nous compatissons.

Comment éviter d’autres attentats ? Certains veulent plus de réponses sécuritaires, d’autres plus d’éducation et plus de compréhension à l’égard d’autrui. En tout état de cause, il faut combattre les inégalités qui divisent nos sociétés.

Considérons la situation des jeunes. Il faut leur proposer des emplois et la possibilité d’exprimer leur créativité. Surtout, il faut leur donner un sentiment d’identité nationale. Nous ne pouvons nous permettre de laisser des jeunes, quels que soient leur religion ou leur profil ethnique, en marge de nos sociétés, voire totalement à l’écart. Il ne faut pas qu’ils soient victimes de ceux qui, sur internet ou ailleurs, leur promettent une identité et un avenir mirifiques.

Il faut trouver les voies et moyens pour partager nos préoccupations communes s’agissant de l’avenir de nos sociétés. Il faut que nous construisions ensemble des sociétés où l’on respecte les principes démocratiques, les libertés et les droits de l’homme fondamentaux. Nous devons rendre hommage à toutes ces personnes tuées ou blessées à Charlie Hebdo ou au supermarché casher. Nous devons trouver des moyens pratiques de nous réunir.

La marche de Paris sous la conduite du Président Hollande, avec de nombreux dirigeants, dont le président de la Palestine, Mahmoud Abbas, et des centaines de milliers de personnes, devrait susciter une synergie permettant de prendre ensemble des mesures concernant toutes les couches de la population, en particulier les jeunes.

Le Conseil de l’Europe – son Assemblée parlementaire et son partenariat pour la démocratie – doit jouer un rôle clé dans l’application d’une telle stratégie.

Faisons en sorte que l’avenir de nos jeunes soit fait d’espoir et non d’endoctrinement et d’identification à des idées négatives. Il nous revient de ne pas nous laisser submerger par nos différences.

Mme AL-ASTAL (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – Au nom du peuple palestinien, au nom du Conseil législatif et de l’Autorité nationale palestinienne, j’exprime toute ma solidarité au peuple français ainsi qu’aux délégués français, et toute ma sympathie aux victimes et à leurs familles.

Ces attentats terroristes, ces crimes, commis au nom de l’islam, n’ont en réalité rien à voir avec cette religion ni avec les musulmans. En outre, ces horribles attentats extrémistes ne sont pas le problème du seul Proche-Orient mais également celui de l’ensemble de l’Europe et du monde. Ils soulèvent des questions importantes : quelle est la racine du mal et comment le traiter au mieux ?

Ce qui s’est passé en France a été commis par des ressortissants français mais a été inspiré d’ailleurs – de Syrie, d’Irak, de Libye, d’autres pays arabes. Prêcher la tolérance, le dialogue parmi toutes les religions est essentiel. La séparation de la religion d’avec l’Etat, la coexistence pacifique, la non-ingérence dans la politique des autres pays sont importantes pour éviter de tels attentats.

En tant que Palestiniens, nous respectons les valeurs universelles, la Déclaration des droits de l’homme, la démocratie, l’Etat de droit et la liberté. Notre peuple a en retour le droit d’être respecté dans son indépendance avec son propre Etat délimité par les frontières de 1967.

Il faut couper les voies à l’extrémisme. J’espère qu’il n’y aura plus d’attentats et que le monde pourra vivre en paix.

M. BENSAID (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Je rends hommage à toutes les plumes libres victimes du terrorisme où qu’elles se trouvent. Les crimes perpétrés au nom de la haine ne sauraient être excusés ni justifiés. Malheureusement, l’année 2015 a déjà été marquée du sceau du fanatisme et de la barbarie. Des drames survenus partout dans le monde, de Paris au nord du Nigéria en passant par la Syrie et l’Irak, nous rappellent que le terrorisme est un mal universel. Nous sommes tous en droit de nous demander quelle réponse peut donner la démocratie pour endiguer le mal. Que faut-il faire pour que la citoyenneté et les valeurs universelles mettent enfin un terme à cette pandémie ?

La menace terroriste universelle pousse le monde à réagir. Les foyers du terrorisme se multiplient et s’atomisent. Tout citoyen peut subir un endoctrinement djihadiste sans avoir à quitter son salon et perpétrer des actes terroristes sans avoir eu un seul contact direct avec des groupes ou des cellules organisées. Face à cette situation, le réflexe sécuritaire est certes nécessaire mais ne saurait être suffisant. Que peut la violence devant un individu qui cherche à mourir ? Que peut la répression face au fanatisme ? lutter contre le terrorisme ne se limite pas à la répression et à la guerre.

Si l’appareil sécuritaire est aujourd’hui nécessaire, il a prouvé à maintes reprises qu’à lui seul il pouvait avoir un effet nocif dans l’immédiat sur les groupes visés mais s’avérait inoffensif à long terme. La guerre en Afghanistan, le bourbier irakien, les « loups solitaires » sont autant d’exemples de cette violence qui se nourrit d’elle-même, se régénère et se perpétue.

Face au terrorisme et au fanatisme qui gangrènent les pays sans en épargner aucun, soigner la société est un travail de fond que nous devons réaliser. Les réponses spectaculaires ne suffisent pas : l’histoire le démontre à chaque fois qu’elle en a l’occasion. Notre rôle en tant que députés et élus de nos nations est de traiter la question de fond.

Le terrorisme puise aujourd’hui ses ressources, notamment, dans un fanatisme religieux né de l’exclusion, de la stigmatisation et du désespoir. La pauvreté, la marginalisation, l’ignorance, la haine de l’autre sont autant de viviers pour le terrorisme international. Lui faire face par la force n’arrêtera pas cette machine de haine que nous voyons se développer dans le cœur de nos enfants, sous nos regards de plus en plus impuissants.

La première victime du terrorisme est l’humanité tout entière car la haine tue tout ce qui ne lui ressemble pas, sans distinction de race, d’ethnie ou de couleur.

Oui, il faut que nous libérions le monde du terrorisme et du fanatisme. À cette fin, certains Etats doivent s’affranchir de la stigmatisation et de la ghettoïsation quand d’autres doivent en finir avec la tyrannie et le tribalisme. En somme, nous devons mettre un terme à l’exclusion de l’autre. Libérons-nous de l’exclusion, de la haine, du « prêt-à-penser ». Comme le prescrit le texte biblique : « Tu ne tueras point. » Et comme le dit le Coran : « Quiconque tuerait une personne, c’est comme s’il avait tué tous les hommes ; et quiconque fait don de la vie, c’est comme s’il faisait don de la vie à tous les hommes. »

M. DESTEXHE (Belgique) – Les attentats de Paris n’ont pas seulement visé des journalistes et Charlie Hebdo, mais également des Juifs en tant que tels. Auparavant, la tuerie de Toulouse avait visé des enfants juifs et celle de Bruxelles, dont la cible était le Musée juif, a fait quatre victimes.

Notre collègue McNamara me paraît trop optimiste quand il affirme qu’il n’y a pas de regain de l’antisémitisme en France. Il est en tout cas suffisamment fort en Belgique et en France pour que les Juifs eux-mêmes se sentent menacés.

En Belgique, on a compté 102 incidents antisémites en 2014, soit une augmentation de 60 %. Laissez-moi vous donner quelques exemples.

Un médecin – je le dis d’autant plus douloureusement que je le suis moi-même – a refusé de soigner une patiente juive de nonante ans parce qu’elle était juive. Le centre Simon-Wiesenthal a d’ailleurs estimé qu’il s’était agi de l’acte antisémite le plus grave de l’année dernière.

Tous les lieux juifs de Bruxelles sont protégés par la police ou par l’armée. Dans certains quartiers, il est impossible de se promener coiffé d’une kippa : vous pouvez prendre le métro en portant une croix ou un voile islamique mais pas une kippa sans vous faire insulter.

Dans les écoles, la situation est particulièrement critique. À l’Athénée Emile-Bockstael, le dernier élève juif a dû quitter l’école sous la pression de ses camarades. Aujourd’hui, dans le réseau officiel de la ville de Bruxelles, capitale de l’Europe avec Strasbourg, il n’y a plus aucun élève juif. Il y a trois écoles juives à Bruxelles dont l’une a dû déménager sous la pression du voisinage. Dans les deux autres, les élèves ont instruction d’enlever leur kippa dès la sortie de l’école et de ne pas se rendre à la station de métro la plus proche, jugée trop dangereuse. Comme dans bien d’autres pays, la Shoah fait partie de l’enseignement en Belgique. Or, dans de nombreuses écoles de Bruxelles, elle n’est plus enseignée à cause de réactions hostiles. Je pourrais multiplier les exemples. Avant-hier, quand nous commémorions la libération du camp d’Auschwitz par les troupes soviétiques, au même moment, à Bruxelles, des « pavés de la mémoire » – un projet européen – étaient profanés.

Tout cela doit nous faire prendre conscience que l’histoire se répète mais sous de nouvelles formes. Aujourd’hui, la sécurité physique des juifs est menacée dans un grand nombre de pays d’Europe et en particulier, malheureusement, dans le mien, la Belgique. Ne nions pas la réalité d’un nouvel antisémitisme. Nous ne devons pas lutter contre l’antisémitisme qu’avec des mots, mais aussi avec des actes. Sans Juifs, le « vivre-ensemble » n’a pas de sens.

M. AGRAMUNT (Espagne)* – Je voudrais rendre hommage aux policiers, aux journalistes et aux Juifs victimes des attentats de Paris. Après le Canada et l’Australie, l’Europe est aujourd’hui frappée par le djihadisme. Des milliers d’Européens ont rejoint les groupes terroristes en Syrie et en Irak, munis des passeports de leur pays d’origine. Ils sont devenus une menace pour nos sociétés. Je viens d’apprendre qu’aujourd’hui même, la police française a découvert, dans l’ordinateur des assassins de Charlie Hebdo, le texte d’une fatwa iranienne visant Salman Rushdie.

Comment répondre à la barbarie d’individus qui ont grandi dans les valeurs de tolérance, dans nos sociétés et nos écoles ? Le combat contre le djihadisme doit intervenir sur deux plans : tout d’abord, dans les pays où il grandit et où il contrôle des territoires et des ressources énergétiques ; ensuite, dans nos propres pays. Ce mouvement est issu des sociétés musulmanes. C’est avec leur soutien et leur silence que l’extrémisme est devenu terrorisme. Les communautés musulmanes du monde entier doivent condamner avec la plus grande fermeté les attentats de Paris et l’extrémisme islamique.

Internet est devenu le principal outil de propagande et de recrutement du djihadisme. La laïcité est le principal outil de la lutte contre les phénomènes de radicalisation dans les pays libres et pacifiques. Nous devons soutenir les pays laïques dont la population est majoritairement musulmane. Certains, comme la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie, la Turquie et l’Azerbaïdjan, sont membres du Conseil de l’Europe. Malgré la menace de nouveaux attentats, jamais les pays européens ne céderont. Nous y ferons face dans un front uni !

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Je suis fier de la réponse magnifique qu’ont apportée nos pays occidentaux et nos parlements à l’attaque terroriste de Paris. Le Parlement britannique a respecté une minute de silence en hommage aux victimes et notre presse s’est comportée avec une grande dignité à l’égard des nombreux musulmans du pays, qui ont d’ailleurs condamné ces attentats sans aucune réserve. L’octroi immédiat de la citoyenneté française au musulman qui a aidé des juifs à se cacher dans l’épicerie casher a constitué un geste fort de François Hollande. « Je suis Charlie » : nous devons tous le dire pour montrer notre solidarité à l’égard de la France et des proches des victimes.

Notre collègue belge a eu raison de nous appeler à témoigner notre solidarité à l’égard de nos amis juifs. Toute l’Europe est confrontée à un regain d’antisémitisme alors que nous commémorons les soixante-dix ans de la libération du camp d’Auschwitz par l’armée soviétique. Lorsque je vois des images d’Auschwitz à la télévision, lorsque je me rends à Yad Vashem en Israël, lorsque je pense aux jeunes enfants juifs qui ont été massacrés en Europe, je pleure. Battons-nous contre toutes les formes de restriction de la presse et contre toutes les formes de l’antisémitisme ! Un Etat doit garantir la sécurité de ses citoyens, or celle-ci passe par le « vivre ensemble ». Soyons vigilants et n’oublions pas de tendre la main à toutes nos communautés minoritaires.

Mme ROSEIRA (Portugal) – J’adresse mes condoléances à toutes les victimes des attentats survenus à Paris et je condamne avec la plus grande fermeté le terrorisme. Mais après le temps de l’émotion doit venir le temps de la raison, car il s’agit de comprendre les enjeux géopolitiques de ce phénomène. Les terroristes cherchent à détruire nos valeurs, nos libertés, si durement acquises, et notre manière de vivre ensemble. Tachons de ne pas leur faciliter la tâche.

Le terrorisme constitue un phénomène complexe, qui appelle une réponse réfléchie. Nous ne pourrons pas combattre les attaques portées à nos libertés fondamentales par des actions qui mettent en cause ces libertés. Nous devons agir de manière ferme, intelligente, rationnelle et efficace, dans le respect de nos valeurs.

Nous avons évoqué hier la libération d’Auschwitz, l’intolérance, l’abus de la force, la banalisation du mal. La France a été frappée, mais tous nos pays avec elle. Nous sommes tous Français aujourd’hui et nous condamnons ces attentats d’une même voix. Comme l’a dit Victor Hugo : « Ni despotisme, ni terrorisme. Nous voulons le progrès en pente douce. »

LA PRÉSIDENTE – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

Monsieur le rapporteur, il vous reste huit minutes pour répondre aux intervenants.

M. LEGENDRE (France), rapporteur – Je tiens tout d’abord à remercier les représentants de tous les groupes politiques siégeant au sein de notre Assemblée qui ont tenu, avec une unanimité parfaite, à condamner le terrorisme et à dire que jamais nous ne céderons devant lui. Je les remercie également de l’appréciation qu’ils ont portée sur ce rapport. Si ce dernier a ainsi été approuvé par les porte-parole de nos différents groupes, c’est sans doute parce que, dans la tâche difficile qui était de réagir à des événements si graves, j’ai essayé de faire preuve de mesure et de recherche d’un certain équilibre.

L’équilibre était, d’une part et d’abord, dans la dénonciation claire des coupables.

Il y a des meurtriers, et il y a les inspirateurs des meurtriers. Ils ont des noms, ils ont revendiqué leur responsabilité : Al-Qaida et l'Etat islamique.

À cet égard d’ailleurs, les meurtriers déclarant agir au nom de l’islam, comment fallait-il qualifier cette attitude ? Nos amis de Palestine, du Maroc, que je remercie et que j’ai entendus avec beaucoup d’émotion, ont clairement rappelé que l’islam ne se reconnaît pas dans une telle attitude, que la grande majorité des musulmans ne se reconnaissent pas dans ceux qui ont crié « Allah Akbar ! » en commettant ces attentats.

Aussi, j’ai tenu à ne pas utiliser souvent l’expression « islam radical » parce que sa répétition aurait pu donner le sentiment que nous confondions l’islam avec une présentation radicale, extrémiste de cette religion. Cela aurait été injuste à l’égard de nos compatriotes musulmans, et aurait pu nourrir l’islamophobie, ce qu’il fallait évidemment éviter.

Mais si nous devons parler clairement, il nous faut alors aussi s’attaquer aux causes profondes de ce qui a pu faire que trois jeunes nés en France mais issus de communautés venues d’Afrique du Nord et du Mali aient pu être portés à de tels actes.

Voilà pourquoi il fallait, dans l’équilibre recherché, appeler d’autre part, après la dénonciation des faits, à une réflexion profonde sur leurs causes.

Ces causes sont sociales, éventuellement culturelles, et nous avons à cet égard été très sensibles aux propos d’un sociologue devant la commission des questions politiques rappelant que ces communautés étaient souvent pauvres et d’un niveau culturel faible. Cela appelle évidemment de la part de nos différents Etats une réponse de fond.

Si des réponses d’ordre social, culturel – cette culture du vivre ensemble qu’évoquait à juste titre Mme Durrieu et d’autres orateurs – sont une nécessité, nous devons aussi prendre des mesures de sécurité.

J’ai bien noté ce qu’a dit M. Chisu, représentant du Canada à propos du PNR : dans le rapport, nous demandons d’ailleurs au Parlement européen de revenir sur sa position et d’accepter la mise en place d’un PNR dans un souci d’efficacité.

Nous le savons bien, ce n’est pas uniquement par des mesures de police que nous pourrons nous protéger. Si nous travaillons sur le fond, nous ne devons pas négliger les moyens donnés à la police, aux services de renseignement, bref à tout ce qui peut protéger les citoyens contre des actes terroristes ;

Il y a un point qu’il faudra bien aborder aussi – il y a été fait allusion un certain nombre de fois : la limite à la liberté d’expression. On a ainsi évoqué le problème du blasphème, de la souffrance qu’ont pu ressentir de croyants devant ce qui peut être considéré comme une attaque directe, une critique, une moquerie grave à l’égard de ce à quoi ils croient du plus profond d’eux-mêmes.

Je l’ai souligné dans le rapport, c’est à la loi de rappeler que la limite de la liberté d’expression est atteinte lorsque l’on en arrive à la haine de l’autre, de ses valeurs – l’agression, du moins considérée comme telle, pouvant donner le sentiment que l’on incite à la haine – et également lorsqu’elle risquerait de mettre en cause la vie des autres par légèreté. Il y a sur ce point une réflexion à mener, y compris au niveau des médias, sur la couverture médiatique des événements dramatiques que nous avons vécus. J’aurais voulu, dans cet esprit, citer nombre d’orateurs.

En revanche, je me dois de regretter, Monsieur Huseynov, que vous ayez pu parler d’un centre invisible et mystérieux qui serait derrière la publication à 5 millions d’exemplaires de Charlie Hebdo. La mobilisation qui a eu lieu dans nombre de nos pays n’est pas due à un centre mystérieux et invisible ! C’est une thèse complotiste qu’il faut éviter à tout prix. Elle a été due à l’indignation qui nous a saisis. J’ai marché, comme des millions de personnes, dans une rue en France pour dire que nous respections la liberté d’expression et toutes les religions et que nous entendions que ces valeurs soient respectées, même si, pour citer mon cas, j’ai pu parfois être choqué par telle ou telle caricature de Charlie Hebdo.

Ce dernier n’est pas du tout de ma sensibilité politique, mais le respect de la liberté, de la parole est un point qui, plus que jamais, doit nous rassembler au Conseil de l’Europe.

LA PRÉSIDENTE – Merci, Monsieur Legendre pour cet excellent rapport, mais également pour votre présentation et pour votre réplique.

(Poursuivant en anglais) Permettez-moi, mes chers collègues, en donnant maintenant la parole à la nouvelle vice-présidente de la commission des questions politiques, de la féliciter pour sa nomination.

Mme KHIDASHELI (Géorgie), vice-présidente de la commission des questions politiques et de la démocratie* – Je m’exprimerai brièvement après ce débat dont nous pouvons être fiers. Il démontre que nous sommes vraiment unis contre le terrorisme et contre toute agression, par-delà nos affiliations politiques au sein de cet hémicycle. Il est très important que nous fassions bloc au moment où notre continent est confronté à toute une série de défis.

Notre engagement en faveur de la liberté d’expression de la presse, des religions, ne doit pas être terni par ces actes inqualifiables. Cela a été dit et redit, et je ne pourrai pas être plus éloquente que Mme Durrieu notamment, qui a souligné que deux grandes questions se posaient : la défense de la liberté d’expression et le vivre ensemble. Ce sont deux piliers indispensables pour que nos sociétés puissent rester unies dans ce combat. Il ne peut pas y avoir de compromis, et c’est bien cela qu’affirme le rapport.

Je tiens enfin à unir ma voix à tous ceux qui ont remercié M. Legendre, notre rapporteur. Il a su exprimer notre message d’une façon brillante et éloquente.

LA PRÉSIDENTE – La discussion générale est close.

La commission des questions politiques et de la démocratie a présenté un projet de résolution, sur lequel 4 amendements ont été déposés, et un projet de recommandation.

Nous allons tout d’abord examiner le projet de résolution.

Les amendements seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention sur chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisie de l’amendement 3.

J’ai cru comprendre que M. Destexhe ne souhaitait plus le défendre. Est-ce bien le cas, mon cher collègue ?

M. DESTEXHE (Belgique) – En effet, Madame la Présidente : l’amendement est retiré à la suite des explications du rapporteur et de la discussion qui a eu lieu hier en commission.

LA PRÉSIDENTE – L’amendement 3 est donc retiré.

Je suis saisie de l’amendement 1.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Cet amendement doit être lu en même temps que l’amendement 2, car il s’agit en réalité de renforcer la rédaction proposée actuellement dans le paragraphe 8 du projet de résolution. Nous proposons de rappeler le contexte, à savoir les attentats de Toulouse et de Bruxelles, qui signent une résurgence de l’antisémitisme, lequel est inexcusable – il faut le dire d’une manière très claire dans ce texte.

LA PRÉSIDENTE – La présidence a été saisie du sous-amendement oral suivant :

« A l’alinéa 1, substituer aux mots : “paragraphe 4” les mots : “paragraphe 9” ».

Ce sous-amendement est purement technique. Je considère qu’il est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en considération si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

Le sous-amendement oral est adopté.

Mme KHIDASHELI (Géorgie), vice-présidente de la commission* – La commission est favorable à l’amendement ainsi sous-amendé.

L’amendement 1, sous-amendé, est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 2.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni) – Cet amendement est d’ordre purement technique ; il doit être lu avec celui que l’Assemblée vient d’adopter.

Mme KHIDASHELI (Géorgie), vice-présidente de la commission* – La commission est favorable à cet amendement.

L’amendement 2 est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 4.

M. DENEMEÇ (Turquie)* – Nous proposons de remplacer, au paragraphe 10, les mots : « islamisme radical » par les mots : « toutes les formes d’extrémisme ». En effet, les terroristes ne font que se cacher derrière l’islam, qui est pour eux un simple alibi. En fait, ils n’ont rien à voir avec cette religion : ce sont des extrémistes, des fanatiques. Il faut être attentif au choix des mots.

M. LEGENDRE (France), rapporteur – Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, j’ai évité à plusieurs reprises de recourir aux mots « islamisme radical », leur préférant souvent celui de « djihadisme ».

Le djihadisme est une chose – le mot renvoie au fait d’aller quelque part pour y mener ce que l’on considère comme la guerre sainte –, l’« islamisme radical », c’est-à-dire une forme pervertie de l’islam, en est une autre. Voilà pourquoi il me paraît nécessaire que l’expression figure au moins une fois dans le texte. Je vous demande, en conséquence, de ne pas retenir cet amendement.

Mme KHIDASHELI (Géorgie), vice-présidente de la commission* – La commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement 4 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc 13684, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (133 voix pour, 0 voix contre et 5 abstentions).

LA PRÉSIDENTE – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc 13684.

Je rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté (124 voix pour, 0 voix contre et 4 abstentions).

LA PRÉSIDENTE – Toutes mes félicitations et mes remerciements au rapporteur et à la commission, ainsi qu’au secrétariat de la commission.

Mes chers collègues, il est maintenant 13 heures ; le scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Serbie va être suspendu. Il reprendra cet après-midi à 15 h 30. Ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté pourront donc le faire entre 15 h 30 et 17 heures, cet après-midi.

3. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 heures.

S O M M A I R E

1. Election d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Serbie
(second tour)

2. Attaques terroristes à Paris : ensemble pour une réponse démocratique

(Débat selon la procédure d’urgence)

Présentation par M. Legendre du rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie (Doc. 13684)

Orateurs : MM. Rouquet, Mignon, Mme Mateu Pi, MM. Denemeç, Jónasson, Cruchten, Rochebloine, Mme Strik, MM. A.K. Turkeş, McNamara, Mmes Stefanelli, Pashayeva, MM. Shlegel, Mahoux, Mmes Hovhannisyan, Durrieu, MM. Reimann, Valen, Chisu, Le Borgn’, Mmes Schou, Naghdalyan, Karapetyan, MM. Romanovich, Shahgeldyan, Mme Magradze, Sir Roger Gale, Mme Taktakishvili, MM. Yatim, Huseynov, Mmes Kronlid, El Ouafi, MM. Ameur, Sabella, Mme Al-Astal, MM. Bensaid, Destexhe, Agramunt, Lord Anderson, Mme Roseira.

Réponse de M. le rapporteur et de Mme Khidasheli, vice-présidente de la commission des questions politiques

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de recommandation

3. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Brigitte ALLAIN*

Jean-Charles ALLAVENA

Werner AMON/ Christine Muttonen

Luise AMTSBERG/Gabriela Heinrich

Liv Holm ANDERSEN*

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Khadija ARIB/Tuur Elzinga

Volodymyr ARIEV

Egemen BAĞIŞ

Theodora BAKOYANNIS*

David BAKRADZE/Chiora Taktakishvili

Taulant BALLA*

Gérard BAPT*

Gerard BARCIA DUEDRA/Josep Anton Bardina Pau

Doris BARNETT/Annette Groth

José Manuel BARREIRO*

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK

Ondřej BENEŠIK/ Gabriela Pecková

José María BENEYTO*

Deborah BERGAMINI/Giuseppe Galati

Sali BERISHA/Oerd Bylykbashi

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY/Robert Neill

Ľuboš BLAHA*

Philippe BLANCHART*

Jean-Marie BOCKEL*

Olga BORZOVA*

Mladen BOSIĆ*

António BRAGA

Anne BRASSEUR/Marc Spautz

Alessandro BRATTI*

Piet De BRUYN/Hendrik Daems

Beata BUBLEWICZ

Gerold BÜCHEL

André BUGNON

Natalia BURYKINA/Robert Shlegel

Nunzia CATALFO*

Elena CENTEMERO*

Irakli CHIKOVANI

Vannino CHITI*

Tudor-Alexandru CHIUARIU/Viorel Riceard Badea

Christopher CHOPE*

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH

James CLAPPISON

Agustín CONDE

Telmo CORREIA*

Paolo CORSINI

Carlos COSTA NEVES

Celeste COSTANTINO*

Jonny CROSIO*

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN

Katalin CSÖBÖR

Joseph DEBONO GRECH*

Reha DENEMEÇ

Alain DESTEXHE

Manlio DI STEFANO*

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK/Tineke Strik

Şaban DİŞLİ

Aleksandra DJUROVIĆ

Ioannis DRAGASAKIS*

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON

Josette DURRIEU

Mustafa DZHEMILIEV/Andrii Lopushanskyi

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL/Edgar Mayer

Bernd FABRITIUS*

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA/Raphaël Comte

Daniela FILIPIOVÁ*

Ute FINCKH-KRÄMER*

Axel E. FISCHER

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER

Hans FRANKEN

Béatrice FRESKO-ROLFO

Martin FRONC*

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO

Tina GHASEMI

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO*

Pavol GOGA*

Carlos Alberto GONÇALVES

Alina Ştefania GORGHIU*

Svetlana GORYACHEVA*

Sandro GOZI/Eleonora Cimbro

Fred de GRAAF/Pieter Omtzigt

François GROSDIDIER/Jacques Legendre

Andreas GROSS

Dzhema GROZDANOVA

Mehmet Kasim GÜLPINAR/Ahmet Berat Çonkar

Gergely GULYÁS*

Jonas GUNNARSSON

Nazmi GÜR

Antonio GUTIÉRREZ/Jordi Xuclà

Maria GUZENINA

Márton GYÖNGYÖSI*

Sabir HAJIYEV/Sevinj Fataliyeva

Margus HANSON

Alfred HEER/Maximilian Reimann

Michael HENNRICH*

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH

Oleksii HONCHARENKO/Svitlana Zalishchuk

Jim HOOD*

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER

Andrej HUNKO

Ali HUSEYNLI*

Rafael HUSEYNOV

Vitaly IGNATENKO*

Florin IORDACHE/Daniel Florea

Tadeusz IWIŃSKI

Denis JACQUAT*

Gediminas JAKAVONIS

Gordan JANDROKOVIĆ

Tedo JAPARIDZE/Guguli Magradze

Michael Aastrup JENSEN*

Frank J. JENSSEN/Tore Hagebakken

Florina-Ruxandra JIPA*

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ

Josip JURATOVIC

Antti KAIKKONEN

Mustafa KARADAYI/Hamid Hamid

Marietta KARAMANLI*

Niklas KARLSSON

Andreja KATIČ/Matjaž Hanžek

Charles KENNEDY*

Tinatin KHIDASHELI*

Danail KIRILOV*

Bogdan KLICH

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR/Brynjar Níelsson

Ksenija KORENJAK KRAMAR

Attila KORODI

Alev KORUN*

Rom KOSTŘICA

Elena KOUNTOURA*

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO*

Julia KRONLID

Marek KRZĄKAŁA/Iwona Guzowska

Zviad KVATCHANTIRADZE*

Athina KYRIAKIDOU

Serhiy LABAZIUK

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON

Pierre-Yves LE BORGN'

Jean-Yves LE DÉAUT*

Igor LEBEDEV*

Valentina LESKAJ*

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Georgii LOGVYNSKYI

François LONCLE*

George LOUKAIDES

Yuliya L'OVOCHKINA*

Jacob LUND

Trine Pertou MACH*

Saša MAGAZINOVIĆ

Philippe MAHOUX

Thierry MARIANI*

Soňa MARKOVÁ

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI

Ana MATO

Pirkko MATTILA

Frano MATUŠIĆ*

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA

Sir Alan MEALE*

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Ivan MELNIKOV*

Ana Catarina MENDONÇA

Attila MESTERHÁZY*

Jean-Claude MIGNON

Philipp MIßFELDER

Olivia MITCHELL

Igor MOROZOV*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK

Melita MULIĆ

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Hermine NAGHDALYAN

Piotr NAIMSKI

Sergey NARYSHKIN*

Marian NEACŞU*

Zsolt NÉMETH

Miroslav NENUTIL*

Baroness Emma NICHOLSON*

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY*

Maciej ORZECHOWSKI/Killion Munyama

Sandra OSBORNE/Michael Connarty

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI*

Ganira PASHAYEVA

Waldemar PAWLAK/Marek Borowski

Foteini PIPILI*

Vladimir PLIGIN*

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT*

Gabino PUCHE

Alexey PUSHKOV*

Mailis REPS

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE

Soraya RODRÍGUEZ*

Alexander ROMANOVICH

Maria de Belém ROSEIRA

René ROUQUET

Rovshan RZAYEV

Indrek SAAR*

Àlex SÁEZ*

Vincenzo SANTANGELO*

Milena SANTERINI*

Kimmo SASI

Nadiia SAVCHENKO/Boryslav Bereza

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE

Urs SCHWALLER/Gerhard Pfister

Salvador SEDÓ

Predrag SEKULIĆ

Ömer SELVİ

Aleksandar SENIĆ

Senad ŠEPIĆ*

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN/Jeffrey Donaldson

Bernd SIEBERT*

Valeri SIMEONOV

Andrej ŠIRCELJ

Arturas SKARDŽIUS/Dalia Kuodytė

Leonid SLUTSKY

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI

Yanaki STOILOV/Valeri Jablianov

Karin STRENZ

Ionuţ-Marian STROE

Valeriy SUDARENKOV

Krzysztof SZCZERSKI

Damien THIÉRY*

Lord John E. TOMLINSON

Antoni TRENCHEV

Konstantinos TRIANTAFYLLOS*

Mihai TUDOSE/Corneliu Mugurel Cozmanciuc

Goran TUPONJA

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ

Konstantinos TZAVARAS*

Ilyas UMAKHANOV*

Dana VÁHALOVÁ

Olga-Nantia VALAVANI*

Snorre Serigstad VALEN

Petrit VASILI*

Imre VEJKEY/Rózsa Hoffmann

Stefaan VERCAMER

Mark VERHEIJEN*

Birutė VĖSAITĖ*

Anne-Mari VIROLAINEN

Vladimir VORONIN*

Viktor VOVK

Klaas de VRIES

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ

Piotr WACH

Robert WALTER*

Dame Angela WATKINSON/Baroness Judith Wilcox

Tom WATSON*

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER

Morten WOLD

Gisela WURM

Maciej WYDRZYŃSKI*

Leonid YEMETS/Pavlo Unguryan

Tobias ZECH

Kristýna ZELIENKOVÁ

Sergey ZHELEZNYAK*

Marie-Jo ZIMMERMANN/Marie-Christine Dalloz

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN/Naira Karapetyan

Levon ZOURABIAN/Mher Shahgeldyan

Siège vacant, Cyprus*

Siège vacant, France*

Siège vacant, République de Moldova*

Siège vacant, République de Moldova*

Siège vacant, ''L'ex-République yougoslave de Macédoine''/ Vladimir Gjorchev

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Andrzej JAWORSKI

Michał STULIGROSZ

Ryszard TERLECKI

Carmen QUINTANILLA

Jan RZYMEŁKA

Observateurs

Eloy CANTU SEGOVIA

Corneliu CHISU

Partenaires pour la démocratie

Hanane ABOULFATH

Najat AL-ASTAL

Nurbek ALIMBEKOV

Mohammed AMEUR

Mohammed Mehdi BENSAID

Nezha EL OUAFI

Elmira IMANALIEVA

Bernard SABELLA

Asiya SASYKBAEVA

Mohamed YATIM

Annexe II

Liste des représentants ou suppléants qui ont participé au vote pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Serbie

Pedro AGRAMUNT

Werner AMON/ Christine Muttonen

Luise AMTSBERG/Gabriela Heinrich

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Khadija ARIB/Tuur Elzinga

Volodymyr ARIEV

Gerard BARCIA DUEDRA/Josep Anton Bardina Pau

Doris BARNETT/Annette Groth

Deniz BAYKAL

Ondřej BENEŠIK/ Gabriela Pecková

Deborah BERGAMINI/Giuseppe Galati

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Andris BĒRZINŠ

Brian BINLEY/Robert Neill

Beata BUBLEWICZ

Gerold BÜCHEL

André BUGNON

Natalia BURYKINA/Robert Shlegel

Irakli CHIKOVANI

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH

James CLAPPISON

Carlos COSTA NEVES

Katalin CSÖBÖR

Peter van DIJK/Tineke Strik

Aleksandra DJUROVIĆ

Josette DURRIEU

Doris FIALA/Raphaël Comte

Axel E. FISCHER

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER

Tina GHASEMI

Valeriu GHILETCHI

Carlos Alberto GONÇALVES

Fred de GRAAF/Pieter Omtzigt

Andreas GROSS

Dzhema GROZDANOVA

Gergely GULYÁS

Jonas GUNNARSSON

Nazmi GÜR

Antonio GUTIÉRREZ/Jordi Xuclà

Sabir HAJIYEV/Sevinj Fataliyeva

Margus HANSON

Françoise HETTO-GAASCH

Oleksii HONCHARENKO/Svitlana Zalishchuk

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER

Andrej HUNKO

Rafael HUSEYNOV

Florin IORDACHE/Daniel Florea

Denis JACQUAT

Frank J. JENSSEN/Tore Hagebakken

Aleksandar JOVIČIĆ

Antti KAIKKONEN

Niklas KARLSSON

Tinatin KHIDASHELI

Bogdan KLICH

Igor KOLMAN

Rom KOSTŘICA

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX

Julia KRONLID

Marek KRZĄKAŁA/Iwona Guzowska

Athina KYRIAKIDOU

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON

Pierre-Yves LE BORGN'

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Yuliya L'OVOCHKINA

Philippe MAHOUX

Soňa MARKOVÁ

Meritxell MATEU PI

Pirkko MATTILA

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA

Jean-Claude MIGNON

Arkadiusz MULARCZYK

Melita MULIĆ

Hermine NAGHDALYAN

Piotr NAIMSKI

Zsolt NÉMETH

Aleksandar NIKOLOSKI

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Maciej ORZECHOWSKI/Killion Munyama

José Ignacio PALACIOS

Waldemar PAWLAK/Marek Borowski

Cezar Florin PREDA

Mailis REPS

François ROCHEBLOINE

René ROUQUET

Kimmo SASI

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Salvador SEDÓ

Predrag SEKULIĆ

Aleksandar SENIĆ

Samad SEYIDOV

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI

Ionuţ-Marian STROE

Valeriy SUDARENKOV

Krzysztof SZCZERSKI

Lord John E. TOMLINSON

Antoni TRENCHEV

Mihai TUDOSE/Corneliu Mugurel Cozmanciuc

Dana VÁHALOVÁ

Imre VEJKEY/Rózsa Hoffmann

Stefaan VERCAMER

Klaas de VRIES

Nataša VUČKOVIĆ

Piotr WACH

Katrin WERNER

Morten WOLD

Marie-Jo ZIMMERMANN/Marie-Christine Dalloz