FR15CR06

AS (2015) CR 06

SESSION ORDINAIRE DE 2015

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la sixième séance

Mercredi 28 janvier 2015 à 15 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE – La séance est ouverte.

Je vous rappelle que nous devons procéder au second tour de l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Serbie pour lequel seule la majorité relative est requise.

Le vote a lieu dans la rotonde derrière la présidence et sera clos à 17 heures.

J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

Le dépouillement aura lieu aussitôt après dans les conditions habituelles, sous le contrôle des deux scrutateurs que nous avons désignés par tirage au sort ce matin : Mme Stefanelli et Mme Strenz.

Je leur rappelle qu’elles doivent se trouver dans la rotonde derrière la Présidence à 17 heures précises.

Le résultat du scrutin sera annoncé si possible avant la levée de la séance de cet après-midi.

Le scrutin est de nouveau ouvert.

Nous continuons nos travaux pendant ce temps.

1. Organisation des débats

LA PRÉSIDENTE – Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant très chargé, nous devrons interrompre la liste des orateurs inscrits dans le débat conjoint vers 17 h 10 afin de pouvoir entendre la réplique des commissions puis de procéder aux votes vers 17 h 20.

Nous commencerons le dernier débat inscrit à l’ordre du jour de cet après-midi relatif à la «Contestation des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie» vers 17 h 35. Nous devrons interrompre la liste des orateurs inscrits vers 19 h 20, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes sur le projet de résolution.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes.

En l’absence d’opposition, il en est ainsi décidé.

2. L’égalité et la crise
Protection du droit de négociation collective, y compris le droit de grève
(Débat conjoint)

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle notre débat conjoint.

Nous entendrons d’abord la présentation par M. Villumsen, au nom de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, du rapport relatif à «L’égalité et la crise» (Doc. 13661), suivi de l’avis présenté par M. Kolman au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable (Doc. 13683).

Puis, M. Hunko présentera, au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, le rapport relatif à la «Protection du droit de négociation collective, y compris le droit de grève» (Doc. 13663).

Nous aurons ensuite le plaisir d’entendre la déclaration de M. Ryder, directeur général de l’Organisation internationale du travail, que je tiens à saluer très chaleureusement.

Monsieur le directeur général, nous venons il y a quelques instants à peine d’avoir un échange de vues sur différents sujets et vous aurez l’occasion de débattre avec nos rapporteurs et les membres de l’Assemblée parlementaire, entre autres, du droit de grève. Mais nous avons abordé ensemble bien d’autres questions comme celles relatives au chômage, au nombre croissant de chômeurs ou encore aux migrations liées au travail. Notre échange a été extrêmement intéressant et, en apposant sa signature dans notre livre d’or, M. le directeur général a aussi mentionné qu’il souhaitait entretenir des relations régulières et constantes avec notre Assemblée parlementaire. Nous l’en remercions et serons très heureux d’accéder à ce vœu. Je ne doute pas que la commission qui traite de ces questions en soit enchantée. Donc, merci encore de votre proposition, Monsieur le directeur général!

Je rappelle aux rapporteurs qu’ils disposent d’un temps de parole total de 13 minutes, qu’ils peuvent répartir à leur convenance entre la présentation de leur rapport et la réponse aux orateurs.

M. VILLUMSEN (Danemark), rapporteur de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* – Je suis très heureux de saluer parmi nous M. Ryder, le directeur général de l’Organisation internationale du travail.

Nous savons beaucoup de choses sur les aspects économiques de la crise et sur l’austérité, mais quels en sont les effets directs sur les citoyens. Quels sont les effets de la crise sur les groupes vulnérables – sur les jeunes, les femmes, les migrants, les personnes handicapées, les aînés? Quelle relation peut-on établir entre la crise et l’égalité? Tel est le sujet de ce rapport.

Ce rapport a été adopté à l’unanimité en commission. J’ai eu l’honneur d’étudier cette question, de me pencher sur les conséquences de la crise sous l’angle de l’égalité. J’ai effectué un certain nombre de missions, je me suis rendu en Grèce, en Islande et au Portugal. La commission sur l’égalité et la non-discrimination a organisé plusieurs auditions pour préparer ce rapport. Nous l’avons fait avec la participation de M. Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, de M. Quesada, président de la Commission européenne pour les droits sociaux et de M. Cercas, rapporteur du Parlement européen sur la Troïka. Au mois d’octobre dernier, j’ai eu l’honneur de participer à la conférence de haut niveau de la Charte sociale européenne qui s’est déroulée à Turin.

Je voudrais saisir cette occasion pour remercier toutes les personnes qui ont contribué à la préparation de ce rapport, le secrétariat de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, et notamment Mme Elodie Fischer.

Mes chers collègues, les droits fondamentaux que nous défendons ici sont la solidarité, l’égalité et la dignité pour tous. Ils sont clairement affirmés dans la Charte sociale européenne. Ils représentent une obligation pour tous nos pays. Notre Secrétaire Général, M. Jagland, l’a déclaré très clairement lorsqu’il a affirmé que la crise et les mesures d’austérité ne devaient en aucun cas conduire à des sacrifices pour les plus vulnérables. La question qui se pose est donc de savoir si l’austérité n’a pas en réalité aggravé la situation.

La discussion que nous avons aujourd’hui, bien des instances l’ont eue aussi. Elle a été très vive avant les élections en Grèce. L’austérité est sans doute nécessaire, mais est-elle toujours compatible avec le respect des droits de l’homme? C’est l’objet de ce rapport. Les droits de l’homme fondamentaux ont été violés pendant la crise. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et l’ancienne haut-commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme, Mme Pillay, ont tous deux souligné que le coût de la crise a été supporté, non pas par les personnes qui en étaient responsables, mais par les personnes qui étaient les moins en mesure d’y faire face.

Les études récentes publiées par M. Piketty, l’économiste français, ont lancé un débat mondial sur les inégalités croissantes au sein de nos sociétés. Il est indispensable de rappeler que des personnes souffrent, que des personnes qui ont vu leurs droits fondamentaux enfreints. Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la jeune génération vit dans des conditions plus difficiles que ses parents. Dans plusieurs pays, le taux de chômage des jeunes frôle les 50 %. Dans bien des pays, les jeunes diplômés doivent partir à l’étranger pour trouver un emploi. Le risque est qu’ils perdent tout espoir en l’avenir, car ils sont confrontés à la pauvreté et à l’exclusion. En excluant les jeunes, nous sommes en train de saper l’avenir de l’Europe.

Par ailleurs, des femmes perdent leur emploi parce qu’elles sont tombées enceintes. D’autres femmes redoutent de quitter un mari violent, de peur de ne plus pouvoir nourrir leurs enfants. Les femmes font souvent face à des conditions d’emploi plus précaires, elles sont souvent forcées de travailler à temps partiel ou d’accepter des situations d’harcèlement sexuel pour conserver leur emploi. Des citoyens handicapés ne bénéficient plus d’aides parce qu’il a été procédé à des coupures dans les programmes d’assistance aux personnes handicapées dans un grand nombre de pays. Tout cela a limité les possibilités, pour toutes ces personnes, de participer pleinement et d’avoir accès à notre société.

Des personnes âgées ne peuvent pas bénéficier de la retraite à laquelle elles ont droit après toute une vie de dur labeur. Dans bien des pays aussi le coût des soins de santé a augmenté. Par ailleurs, des personnes âgées sont expulsées du marché de l’emploi sans le moindre espoir de retrouver un travail.

Des migrants, des Roms sont confrontés au racisme, à la violence de groupes extrémistes. Des membres de minorités sont soudain montrés du doigt et blâmés pour la crise alors qu’ils n’en sont pas responsables.

Ce rapport ne vise pas à pointer du doigt tel ou tel pays. Il cherche à décrire les faits, à indiquer les meilleures pratiques et à esquisser des solutions qui pourraient nous permettre de préserver les valeurs de l’égalité tout en continuant à combattre la crise.

C’est de la responsabilité du Conseil de l’Europe de rappeler à ses Etats membres, à l’Union européenne et aux prêteurs internationaux que les droits de l’homme et l’égalité ne sont pas un luxe. Le projet de résolution invite les pays à ratifier la Charte sociale européenne, un texte indispensable pour garantir le respect des droits en temps de crise.

Mes chers collègues, soyons sincères et honnêtes. Des affrontements ont lieu en Europe, les obligations de la Charte sociale européenne ne sont pas prises en compte par la gouvernance économique de l’Union européenne ni par la Troïka et sont parfois oubliées par les Etats membres.

J’ai eu récemment une réunion avec des représentants du FMI en Grèce, au cours de laquelle il a été indiqué que le programme du FMI sur place n’avait pas de dimension sociale et que tout le fardeau de la crise et des mesures d’austérité n’avait pas été réparti également à cause du niveau élevé de la corruption et de l’évasion fiscale.

Ce rapport recommande d’utiliser l’égalité et la justice sociale pour combattre la crise. Il faut garantir un socle social, combattre l’inégalité et maintenir une protection sociale; c’est tout cela qui pourra stimuler le développement, encourager la création de l’emploi et réduire la pauvreté. Plutôt que d’anéantir l’Etat providence, il faut préserver les mesures de protection sociale en temps de crise pour que les plus faibles soient protégés. Une société du chacun pour soi risque d’être une société extrêmement coûteuse à long terme, et l’on risque de détruire l’esprit de solidarité.

Cette crise ne doit pas être utilisée pour justifier une baisse dans les niveaux de protection. Or ces dernières années, la crise économique et l’austérité ont sans aucun doute exercé un impact négatif sur le niveau de jouissance des droits de l’homme et sur l’égalité.

Les politiques ont la responsabilité de faire en sorte que les droits de chacun soient respectés. J’encourage mes collègues parlementaires à se charger de cette tâche, à insister sur les valeurs de l’égalité et de la solidarité.

Ce rapport montre également quelles sont les pratiques optimales qui pourraient être mises en œuvre pour limiter les conséquences de la crise sur les groupes vulnérables. Je n’en citerai qu’une: en Islande, des mesures ont été prises pour que la population ait son mot à dire sur les mesures de lutte contre la crise. M. Ögmundur Jónasson, ancien ministre, disait avec beaucoup d’éloquence que «… bien sûr, les puissants vont se plaindre s’ils sont touchés par ces politiques, mais la voix des petits n’est jamais entendue». L’initiative islandaise a été saluée par nombre de mes interlocuteurs au cours de mes visites. Sans dialogue social, sans politique active pour garantir l’égalité, on oublie les droits fondamentaux.

Et comme nous l’a dit hier le Président irlandais, protéger les droits humains en temps de crise est une responsabilité de tous les Etats membres qui ont signé et ratifié la Charte sociale européenne.

J’espère que vous vous prononcerez pour le rapport et le projet de résolution. Ils sont le résultat de discussions fructueuses et de compromis au sein de la commission sur l’égalité et la non-discrimination.

LA PRÉSIDENTE* – Monsieur le rapporteur, il vous restera trois minutes pour répondre aux orateurs.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous disposez de trois minutes.

M. KOLMAN (Croatie), rapporteur pour avis de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Ces dernières années, notre Assemblée n’a cessé d’appeler l’attention sur les effets dramatiques de la crise sur les droits de l’homme et la démocratie. Nous l’avons fait en parlant des conséquences des mesures d’austérité, des implications sociales, économiques et politiques de la crise financière sur les jeunes générations, ainsi que des problèmes d’accès aux services de santé, de pauvreté des enfants, de travail décent, d’exclusion sociale et de retraites. Aujourd’hui, de nouveau, nous sommes amenés par les deux rapports en discussion à débattre de l’effet de la crise économique et des mesures adoptées pour la résoudre.

Le premier des deux rapports concerne l’effet de la crise sur l’égalité. Au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, j’aimerais féliciter la commission sur l’égalité et la non-discrimination ainsi que son rapporteur, M. Villumsen, d’avoir su traiter ce sujet vaste et complexe de manière aussi pertinente, en se focalisant sur les catégories sociales les plus vulnérables: les femmes, les personnes handicapées, les personnes âgées et les jeunes. À propos de droits des femmes, je profite de l’occasion pour rappeler à tous ici que la ratification de la convention d’Istanbul est loin d’être achevée.

Malheureusement, le rapport confirme la plupart des faits que nous avions précédemment mis en lumière en soulignant les effets désastreux de la crise sur la vie de ces personnes vulnérables et de tous les membres de la société. Une fois de plus, nous notons avec une vive inquiétude que la crise a nourri le discours xénophobe et discriminatoire.

Voilà pourquoi il nous faut répéter ce message: nos Etats membres doivent défendre les droits de l’homme non seulement en temps de prospérité, mais aussi, et sans doute surtout, en temps de crise économique.

C’est exactement ce que demande le rapport de M. Villumsen, et c’est exactement pour cela que notre commission le soutient. Je vous invite tous à faire de même, en adoptant les quelques amendements proposés par notre commission afin de renforcer encore le projet de résolution. L’idée centrale, je le répète, est la suivante: ni les droits de l’homme ni les droits sociaux ne sont un luxe réservé aux périodes de prospérité.

LA PRÉSIDENTE* – Nous en venons au second thème du débat conjoint.

M. HUNKO (Allemagne), rapporteur de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Je remercie M. Guy Ryder, directeur général de l’Organisation internationale du travail, de nous rendre visite.

Je suis ravi que nous débattions aujourd’hui du cœur de métier du Conseil de l’Europe, de nos valeurs fondamentales, de la protection des droits de l’homme. Car ceux-ci incluent les droits sociaux, dont le droit de négociation collective et le droit de grève. Ces droits sont ancrés dans la Convention européenne des droits de l’homme comme dans la Charte sociale européenne, et, ces dernières années, la Cour européenne des droits de l’homme leur a également accordé une place particulière, ce dont je me réjouis.

Le présent rapport sur la «Protection du droit de négociation collective, y compris le droit de grève» fait suite à un autre rapport que j’avais présenté en 2012: «Mesures d’austérité – un danger pour la démocratie et les droits sociaux». Vous vous en souvenez peut-être, le débat avait été très animé. L’enjeu était le suivant: la politique d’austérité destinée à mettre fin à la crise était-elle justifiée?

Cette Assemblée a été la première assemblée internationale à adopter un point de vue critique sur la politique d’austérité, avant que celle-ci ne soit de plus en plus contestée. Je suis très reconnaissant au Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Muižnieks, de s’être saisi de la question, notamment en étudiant l’évolution de la situation en Grèce. Je remercie également le Secrétaire Général du Conseil, M. Jagland, de s’être lui aussi emparé du sujet. D’autres instances internationales, dont l’OIT et le Parlement européen, l’ont fait par la suite, se montrant toutes très critiques vis-à-vis de l’austérité.

Le droit à la négociation collective, y compris le droit de grève, fait partie des droits fondamentaux. Hélas, il a subi des atteintes à la faveur de la crise dans certains pays. En Grèce, depuis quelques années, il n’y a plus de négociation collective; j’espère que l’on va bientôt remédier à ce problème. Toutefois, il ne faut pas simplement voir dans ce rapport une réaction à la crise. Je me suis renseigné: cela fait plus de 30 ans que les négociations collectives n’avaient pas fait l’objet d’un rapport de notre Assemblée. J’ai étudié des pays comme la Turquie ou l’Allemagne, où le droit à la négociation collective a évolué d’une façon qui n’a rien à voir avec la crise.

Nous avons étroitement coopéré avec le secrétariat. Il y a malheureusement beaucoup de pays où nous n’avons pas pu nous rendre, même si je sais que la question est débattue en bien des endroits, par exemple en Italie ou dans certains pays des Balkans.

La conclusion principale de ce rapport, et la revendication que je formule, est que tous nos pays devraient signer la Charte sociale européenne révisée. Ils sont aujourd’hui 33 sur 47 à l’avoir fait. Le rapport appelle en outre de ses vœux la ratification du Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives. Le Comité européen des droits sociaux, chargé de vérifier l’application de la Charte sociale européenne, peut ensuite adopter des décisions.

Le mois prochain, nous célébrerons le cinquantième anniversaire de l’entrée en vigueur de la Charte sociale européenne. Il est d’autant plus important de rappeler l’existence du droit à la négociation collective et de tous les droits des salariés, notamment le droit de se syndiquer, autant d’éléments clés de ce texte.

Permettez-moi un petit rappel historique. Le modèle social européen, actuellement sous pression à la suite de la crise, n’est pas né de la réflexion de responsables politiques intelligents mais de débats au sein même des sociétés. Il s’agit d’un dialogue social institutionnalisé. Même en temps de crise, il faut tout faire pour le protéger.

J’ai hâte d’entendre l’intervention de M. Ryder!

LA PRÉSIDENTE* – (En allemand) Merci, Monsieur le rapporteur. Il vous restera sept minutes pour répondre aux orateurs.

(Poursuivant en anglais) J’ai maintenant le grand plaisir d’accueillir M. Guy Ryder, directeur général de l’Organisation internationale du travail.

Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, M. Ryder a une trentaine d’années d’expérience dans le monde du travail, le plus souvent à l’échelon international.

C’est l’ancien secrétaire général de la confédération syndicale internationale. Il a occupé des postes très élevés au sein du Bureau international du travail. Il a notamment été directeur exécutif avant d’être élu directeur général du BIT en 2012.

Je vous remercie Monsieur Ryder d’avoir accepté notre invitation et de bien vouloir vous exprimer dans ce débat. Nous nous réjouissons maintenant de vous entendre.

M. RYDER, directeur général de l’Organisation internationale du travail* – Je vous remercie de l’occasion que vous me donnez de m’exprimer aujourd’hui ici. C’est pour moi un honneur et un temps important. La question que vous examinez cet après-midi est au cœur du mandat de l’OIT. Les exposés de MM. Villumsen et Hunko ont évoqué certains des points essentiels dont je vais vous parler à mon tour.

Un mot d’abord sur le contexte général de l’emploi en Europe aujourd’hui. Sept ans après le début de la crise financière, l’Europe est toujours à la peine pour une véritable reprise. Le chômage reste à des niveaux inacceptables. Dans certains pays, il a quelque peu baissé mais il reste extrêmement élevé notamment dans la zone euro. Il frappe en particulier les jeunes. Dans certains de vos pays membres, si vous avez moins de 25 ans, vous avez plus de probabilité d’être au chômage que d’avoir un emploi. La mauvaise nouvelle c’est que si les tendances actuelles se poursuivent, la situation globale en matière d’emploi va s’aggraver.

Au cours des premières années de la crise, le modèle social européen, les institutions du marché du travail, le dialogue social, ont été extrêmement efficaces pour préserver des emplois et protéger les ménages. En un an, l’Allemagne et les Etats Unis ont connu la même baisse de leur produit intérieur brut. Mais les Etats Unis ont perdu quatre fois plus d’emplois en proportion que l’Allemagne. Parce que le modèle social européen était là, offrant une riposte efficace.

Depuis 2010 cela a changé avec l’arrivée de la crise des dettes souveraines et les effets des mesures d’austérité qui ont commencé à se faire sentir. Certains des préceptes essentiels du modèle social européen ont été compromis.

Mon message essentiel aujourd’hui devant vous est le suivant: je suis persuadé que pour répondre aux multiples défis auxquels est confrontée l’Europe, il faut non pas démanteler le modèle social européen ni s’écarter des principes fondamentaux de la justice sociale et de la solidarité qui le sous-tendent; mais bien au contraire, utiliser ces valeurs pour en faire des instruments de la reprise économique. Ce ne sont pas des notions philosophiques abstraites, mais des instruments concrets de politique. C’est la voie sur laquelle il faut s’engager. Ce ne sont pas ces valeurs qui ont causé la crise, elles peuvent au contraire nous aider à en sortir.

Quelques mots sur les tendances générales en matière de négociations collectives en Europe. J’en vois trois qui méritent votre attention.

D’abord, nous constatons dans le contexte de la riposte à la crise, une restriction ou une suppression de la portée des accords de négociation collective qui couvraient des secteurs entiers. Ils étaient passés par des acteurs du marché du travail et avaient été élargis pour couvrir l’ensemble des employés d’un secteur donné. De plus en plus, ces accords sont démantelés, disparaissent et la couverture de la négociation collective se réduit.

Ensuite, nous constatons une tendance à la décentralisation du niveau de la négociation collective avec des conséquences graves pour l’ensemble du processus de négociation. Nous constatons cela dans un certain nombre de pays notamment du sud de l’Europe. La Grèce et l’Espagne sont les exemples les plus flagrants.

Enfin, la troisième tendance concerne le secteur public où l’on voit le système actuel de relations industrielles se modifier. Il s’agit clairement de réaliser des économies dans la dépense publique, parfois au détriment des principes mêmes de la négociation collective.

Le droit de grève donne lieu à controverse au sein de l’Organisation internationale du travail. Pendant plus d’un demi-siècle, on a considéré à l’OIT que le droit de grève découlait naturellement de la liberté d’association ou syndicale et des conventions qui la couvrait. Aujourd’hui, cette idée est remise en question. L’OIT fait face à une controverse majeure touchant le droit de grève. Ce débat est engagé.

Madame la Présidente, je considère que les tendances que nous observons en matière de négociations collectives sont intimement liées à la montée générale des inégalités dans nos sociétés. Elle n’a pas commencé avec la crise mais elle a été exacerbée, à n’en pas douter. Il y a trois raisons de se préoccuper de ces inégalités croissantes.

D’abord il y a l’impératif évident d’équité sociale. Ensuite on reconnaît, comme le FMI, de plus en plus, que les inégalités à leur niveau actuel sont un frein à la croissance économique. Enfin ces inégalités très importantes sont une barrière à la mobilité sociale. C’est injuste car des talents sont gâchés dans nos sociétés parce que des personnes ayant des capacités, n’ont plus la possibilité de progresser pour exercer ces talents.

Je constate que l’on accorde aujourd’hui une attention politique de plus en plus importante aux inégalités dans nos sociétés. C’est encourageant. Je suis heureux que le forum économique de Davos, la semaine dernière, ait traité ces inégalités comme un des facteurs de risques les plus importants. Le problème est que cette reconnaissance ne se traduit pas en actes, en politiques claires. Bien au contraire, les politiques actuelles tendent à perpétuer et aggraver encore ces inégalités dans nos sociétés.

Madame la Présidente, il faut nous pencher sur les sources de l’inégalité. Pour cela il faut revenir aux droits des travailleurs, à la négociation collective etc. Au cours des quarante dernières années, la part du travail s’est réduite dans le revenu national de la quasi-totalité de vos pays. Ce processus n’a pas commencé avec la crise actuelle et ne finira pas avec elle. Les salaires baissent par rapport aux revenus du capital. C’est la source de l’inégalité croissante dans nos sociétés. Si l’on veut combattre l’inégalité, il faut s’attaquer à ces questions portées à votre attention tout à l’heure par vos rapporteurs.

Que doit-on faire dans cette situation? Il faut agir sur des politiques de salaire minimal, pour combattre les formes de plus en plus précaires du travail. Il faut rétablir la négociation collective en lui rendant la place qui lui revient dans le monde du travail. Nous devons nous engager à nouveau pour le dialogue social.

Je vous donne un exemple. En Grèce le dialogue social a été une des premières victimes de la crise car il n’y en a plus. L’OIT a fait des efforts considérables pour le relancer. Nous avons invité les partenaires sociaux à Genève ce qui a eu quelques effets positifs. Mais le problème, c’est que les acteurs du dialogue social ne pourront pas revenir à la table de négociations, s’ils considèrent, et dans le cas de la Grèce ils ont quelques raisons, que leur marge d’action, leur possibilité d’influencer la politique nationale ont été supprimées et que les interventions des institutions européennes et du FMI ont de facto confisqué la possibilité pour les acteurs sociaux d’accomplir leur tâche. Cela a des conséquences graves pour le processus démocratique et la légitimité de ces acteurs.

Pour finir, Madame la Présidente, je rappellerai que l’OIT souhaite resserrer ses contacts et renforcer sa coopération avec le Conseil de l’Europe. Cette intervention, j’y insiste, est pour moi une chance à saisir et je souhaite que nous avancions ensemble dans cet esprit.

LA PRÉSIDENTE* – Je vous remercie infiniment pour votre intervention, pour les éléments que vous avez apportés à notre débat et pour nous avoir fait bénéficier de votre coopération.

Mme KOVÁCS (Serbie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Au nom de mon groupe, je félicite les deux rapporteurs pour leur excellent et important travail qui met en évidence les nombreuses répercussions de la crise et présente des points de vue divers.

Le monde entier est indissociablement lié; il n’est plus de domaine d’importance qui ne soit réglementé au plan international. Le domaine économique n’est plus depuis longtemps du seul ressort de la compétence nationale –, ce qu’a confirmé sans le moindre doute la crise économique. Aucun Etat, quelle que soit sa taille, ne peut seul faire face aux défis économiques actuels dont l’issue ne peut donc être que commune.

Le Groupe PPE est d’avis que chaque Etat a le devoir de faire face à la crise économique, de ne pas rechercher d’excuses mais bien plutôt de trouver les voies et moyens de surmonter la crise. Nos Etats ont le devoir d’ajuster leurs économies au marché mondialisé du XXIe siècle. Nous sommes convaincus que chacun d’entre nous doit apporter sa contribution aux réformes, tant il est vrai qu’une économie durable nécessite un secteur privé sain, la consolidation des finances publiques, la réduction du déficit budgétaire dans des limites plus acceptables et la création d’un climat institutionnel plus propice aux investissements.

Les mesures d’austérité qui se sont traduites par des réductions budgétaires radicales ont été pratiquement la seule réponse à la crise. Malheureusement, les catégories vulnérables – les jeunes, les personnes âgées, les enfants, les femmes et les personnes handicapées, sans compter les autres groupes marginalisés – ont dû faire face à de très graves défis pour demeurer autonomes. Le taux de chômage dans ces catégories est très élevé et l’on constate des failles dans le système de protection sociale. Il est donc nécessaire, en cette période d’austérité, de veiller à une meilleure protection des droits de l’homme et de promouvoir l’égalité. Par ailleurs, les politiques économiques actuelles doivent changer et mettre désormais l’accent sur l’investissement plutôt que sur l’austérité.

Les jeunes sont parmi les plus durement frappées par la crise économique en Europe. Le chômage, dans cette catégorie, est en effet la maladie la plus répandue dans bien des pays ayant appliqué des mesures d’austérité. Aussi les jeunes sont-ils poussés à quitter leur pays. Il est donc essentiel de veiller à une transition entre l’école et le marché du travail. Pour cela, une politique active doit être engagée pour encourager le recrutement des catégories les plus touchées par la crise. Il faut également convaincre les entreprises de les promouvoir afin qu’elles n’occupent plus des emplois précaires mais des emplois beaucoup plus stables.

La crise économique a également eu des répercussions sur les femmes –, et dans certains pays plus que d’autres. L’insécurité pour les femmes sur le marché du travail s’accroît et leurs conditions de travail deviennent de plus en plus précaires.

Il faut rétablir les droits sociaux et l’esprit de solidarité afin de maintenir un niveau élevé de protection sociale et lutter contre les inégalités.

M. DAEMS (Belgique), porte-parole du Groupe des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Notre groupe considère que les droits sociaux seront très importants à l’avenir. Les partenaires sociaux, fondamentaux, doivent contribuer à la croissance et à la création d’emplois. Nous croyons également à la liberté de réunion, au droit de grève. Toutefois, ce dernier étant le droit de s’opposer à une certaine situation, il en résulte que d’autres ont le droit de ne pas s’opposer aux mêmes situations. Ces droits fondamentaux, en tant que libéraux, nous devons les défendre.

Un équilibre sera ainsi créé entre tous les partenaires pour résoudre tout conflit potentiel pour le mieux. En outre, une juste répartition de la richesse est nécessaire. En Belgique, 96 % des salariés sont couverts par des négociations collectives. Il m’est donc facile d’intervenir sur le sujet. Mais, en Europe, vous le savez, les systèmes varient énormément d’un pays à l’autre. J’insisterai donc sur plusieurs éléments.

En Belgique, le droit de grève ne donne pas le droit aux gens de ne pas travailler, il s’agit d’un droit à s’opposer. En effet, certains grévistes veulent souvent empêcher d’autres qu’eux de travailler, attitude qui n’est pas admissible. Par ailleurs, les actions collectives supposent la responsabilité de leurs acteurs. Or le problème des syndicats, en Europe, est précisément de ne pas toujours tenir compte de cette notion de responsabilité. C’est pourquoi nous devons agir pour obtenir un meilleur équilibre entre les parties. C’est du reste, le débat que vous menez au sein de l’OIT, en vue de la recherche d’un équilibre entre le droit au travail et le droit de grève, afin que les parties se situent sur un pied d’égalité.

On nous dit qu’il faut mettre un terme à la politique d’austérité. Nous autres libéraux pensons que la politique d’austérité ne doit pas concerner les droits sociaux. Reste que, souvent, le secteur public engloutit des sommes trop importantes en sorte que l’austérité doit s’appliquer, surtout à l’échelle locale.

M. Giovagnoli, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Brasseur au fauteuil présidentiel.

Lord BALFE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je félicite nos rapporteurs ainsi que M. Ryder pour son allocution.

La question de l’égalité est fondamentale. Les personnes riches, les entreprises riches échappent désormais au contrôle des Etats. Les très riches sont devenus en quelque sorte un groupe d’apatrides qui, grâce aux machinations du G7, du G8 ou du G20, ont réussi à échapper à l’impôt comme, à toute forme de taxation. Ces personnes, ces entreprises, pour un grand nombre d’entre elles, sont domiciliées dans des pays sous la protection du G7 ou du G20 comme les Iles Caïman, Guernesey ou notre chère principauté de Monaco. Il existe donc bien des façons de se soustraire à l’impôt et les très riches savent comment procéder. Aussi longtemps que nous n’aurons pas résolu ce problème, nous n’arriverons nulle part.

Certains d’entre nous, au Royaume-Uni, ont observé avec intérêt et stupéfaction les récentes révélations touchant le Luxembourg – je pense aux cadeaux fiscaux faits aux entreprises –, ou touchant les Pays-Bas où il semble que règne une sorte de concurrence fiscale qui prive les trésors nationaux de ressources. On prend donc aux pauvres pour donner aux riches. Il faut commencer par ces questions essentielles d’égalité, les autres questions restant secondaires.

En ce qui concerne les syndicats, ma position est beaucoup plus dure que celle des rapporteurs. Nous croyons à la négociation collective, bien sûr, qui est un droit. Il y a des syndicats de gauche, des syndicats de droite et tous offrent une protection sociale à toute une série de travailleurs – une protection qui n’est donc pas le pré carré de l’extrême gauche. Cela dit, au Royaume Uni, depuis vingt ans, des grèves du secteur public sont souvent assez peu suivies mais gênent beaucoup de monde et souvent les personnes les plus pauvres.

Les femmes ne peuvent pas aller au travail car elles doivent s’occuper des enfants. Les travailleurs ne peuvent pas se rendre sur leur lieu de travail. Nous estimons quant à nous que toute grève doit être justifiée par une raison légitime et soutenue par un nombre suffisant de travailleurs.

M. ELZINGA (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – La discussion conjointe des deux rapports est pleinement justifiée. Il ne s’agit pas seulement des effets de la crise, mais de ses répercussions sur les droits sociaux. Comme l’a souligné à maintes reprises le Secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, la crise économique accroît les inégalités et nous allons aujourd’hui dans la mauvaise direction. En effet, les inégalités freinent la croissance économique. Pour restaurer la confiance, il convient de renforcer la cohésion sociale et de réduire la pauvreté, le chômage, les discriminations et les tensions sociales.

Le rapport de M. Villumsen montre bien que l’absence de reprise économique accuse les inégalités. Nous approuvons le projet de résolution de la commission sur l’égalité et la non-discrimination. Les conventions de l’OIT et le droit de grève doivent être protégées. Le projet de résolution du rapport de la commission des questions sociales mérite également, à ce titre, d’être appuyé.

Je vous demande, mes chers collègues, de faire pression sur vos gouvernements, au sein de vos parlements nationaux, afin qu’ils soutiennent le comité d’experts indépendants de l’OIT sur le droit syndical lors du conseil d’administration de cette organisation en mars prochain.

Mme WURM (Autriche), porte-parole du Groupe socialiste* – Ayant participé à la rédaction du rapport de M. Villumsen, je voudrais insister sur les conséquences et les dangers de l’austérité. Le chômage des jeunes, les écarts croissants de richesse et l’exclusion d’une partie de la population menacent la cohésion sociale. La dette souveraine croît et les budgets publics sont réduits de manière draconienne. La situation des personnes les plus vulnérables s’aggrave du même coup. Au cours des dernières années, la protection sociale a été mise à mal par des réformes partout en Europe. Cette approche n’est pas la bonne car l’Etat providence et la croissance ne s’excluent pas. Bien au contraire, ils profitent l’un de l’autre.

Les stratégies macroéconomiques à court terme doivent être revues. Ne se concentrer que sur la consolidation budgétaire et l’austérité, sans tenir compte de leurs répercussions sur la croissance et la situation sociale, sape le projet européen. Certes, l’équilibre des finances publiques est important à long terme. Il est néanmoins nécessaire d’investir à long terme dans l’éducation et la santé. Les gouvernements européens doivent relever les défis pluridimensionnels de l’avenir. Les mises en garde d’organisations internationales telles que le Conseil de l’Europe doivent être entendues. Le droit à la grève doit être renforcé. Les revendications collectives de salaire minimum sont légitimes. Les partenaires sociaux ont un rôle important à jouer. Nous devons veiller à ce que la cohésion sociale soit renforcée au sein de nos sociétés.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse) – L’économie est en crise, à des degrés divers, dans la plupart des États membres du Conseil de l’Europe. Mais les remèdes choisis pour enrayer cette crise sont parfois pires que le mal. Sous l’effet des mesures d’austérité, l’égalité et les droits humains, à leur tour, se retrouvent en crise, au détriment des groupes les plus vulnérables. En crise, aussi, le droit de négociation collective et le droit de grève.

À défaut de permettre la reprise de la croissance économique, l’austérité génère celle des inégalités. Nuisibles pour l’économie, les inégalités le sont aussi pour la société tout entière, car elles engendrent un fort sentiment d’exclusion, un désengagement politique et un mécontentement global. Elles nourrissent la division plutôt que la cohésion, l’abstentionnisme ou l’extrémisme plutôt que la démocratie, la stigmatisation et le rejet plutôt que le respect de l’autre.

À l’inverse, investir dans la lutte contre les inégalités et dans la protection sociale permet non seulement de réduire la pauvreté et de stimuler la croissance, mais aussi de préserver et de renforcer le socle de droits sociaux communs aux sociétés européennes. Des droits sociaux qui sont largement ancrés dans la Charte sociale européenne révisée.

C’est aussi, notamment, dans la Charte sociale, que sont inscrits le droit syndical, le droit de négociation collective et le droit de grève, acquis de longue date par les travailleurs et les travailleuses. Ces droits sont eux-mêmes à la base de nombreux autres droits sociaux, dans les domaines de la rémunération, des conditions de travail, de la formation, de la santé et de la sécurité professionnelles. Là aussi, les mesures d’austérité ont pour effet d’amaigrir ces droits et de remettre ainsi en cause le dialogue social.

Nous observons donc une tendance têtue à la baisse des salaires, à la détérioration des conditions de travail et – l’on y revient – au creusement des inégalités. Les femmes, notamment, subissent une précarisation plus forte de leurs conditions de travail et voient s’aggraver les discriminations liées à la maternité. Les jeunes, les personnes migrantes, âgées et/ou handicapées ne sont pas en reste.

C’est pourquoi il est urgent: d’investir activement dans une véritable égalité des chances afin que chacune et chacun puisse avoir des perspectives; de nous donner les moyens de vivre ensemble, pour contrer la montée des fanatismes meurtriers – laquelle est hélas d’actualité sur notre continent aussi et de garantir le respect des personnes, de leur travail et de leurs droits, afin de construire l’avenir. Il n’est ni pensable ni rentable d’économiser sur les droits humains, de couper dans l’Etat social et de tailler dans la démocratie! Si, au contraire, l’on répond à la crise en renforçant ceux-ci, alors cette crise sera, vraiment, une occasion d’apprendre pour mieux rebondir.

LE PRÉSIDENT* – M. Dişli, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. VORUZ (Suisse) – Les rapports présentés par nos collègues MM. Villumsen et Hunko sont aussi parlants que leur contenu est inquiétant. L’exposé de M. le directeur général de l’OIT a retenu toute mon attention.

Je constate que sous prétexte de crise économique, la fameuse «troïka» donne le feu vert au démantèlement général des droits syndicaux et du droit de grève.

De nombreux Etats ont financé les déficits des banques. Ils se sont laminés financièrement pour remplir les caisses des banques avec l’argent des contribuables. Ainsi, pour compenser les déficits publics et bancaires, ces Etats s’attaquent maintenant aux salariés ainsi qu’aux PME!

La «troïka», c’est-à-dire la Banque centrale européenne, l’Union européenne et le Fonds monétaire international, impose donc des mesures drastiques qui touchent avant tout celles et ceux qui possèdent déjà très peu, affectent les catégories de nos populations les plus vulnérables. Avec l’aide des gouvernements des pays concernés, la «troïka» oblige ainsi les salariés, les artisans, les petits entrepreneurs à se sacrifier alors qu’elle encourage des cadeaux fiscaux colossaux aux multinationales et aux personnes les plus riches de notre monde!

Les Etats concernés remettent en cause le dialogue social, les possibilités de négocier des conventions collectives de travail, bref d’empêcher les plus faibles de se défendre. C’est inadmissible!

Bien que la plupart des pays de l’Union européenne soient en crise, ils cèdent beaucoup trop aux diktats de la «troïka» et aux chantages capitalistes, aux dépens des droits fondamentaux de tous les citoyennes et citoyens des pays de l’Europe, membres ou non de l’Union européenne.

Alors que le Portugal, l’Espagne, Chypre, la Grèce et d’autres pays remettent en cause les droits fondamentaux de négociations sociales et salariales, bref tuent le partenariat social, je constate en revanche – je crois d’ailleurs l’avoir lu dans le rapport – que la Turquie a fait des progrès dans ce domaine, même s’il y a des imperfections criantes.

Pourtant, il appartient aux mouvements syndicaux de provoquer le dialogue social avec les partenaires sociaux, en négociant des conventions collectives de travail à même d’offrir des solutions aux employeurs, aux employés et aux représentants syndicaux.

J’ai été durant de très nombreuses années secrétaire syndical dans mon pays, la Suisse, où le peuple vient de voter la garantie du droit de grève par la constitution fédérale, même si celui-ci ne peut être exercé qu’après que toutes les possibilités de négociations sociales ont été épuisées, ou en cas, d’un côté ou de l’autre de violation du droit social.

Il me paraissait vraiment important de dire ici en tant qu’ancien secrétaire syndical qu’il ne suffit pas de dire: il faut faire ceci ou cela: il faut agir!

LE PRÉSIDENT* – Mes chers collègues avant de donner la parole à l’orateur suivant, je vous rappelle que le vote est toujours en cours pour élire un juge à la Cour européenne des droit de l’homme au titre de la Serbie. Le scrutin sera clos à 17 heures.

Ceux qui n’ont pas encore voté peuvent encore le faire en se rendant dans le lieu prévu à cet effet derrière la tribune de la présidence.

M. O’REILLY (Irlande)* – Nous reconnaissons tous qu’il nous faut maîtriser la dette publique dans toute la mesure du possible et éviter qu’elle ne prenne de la vigueur. Aucune administration ne peut aller contre une telle notion. La question qui se pose est de savoir comment y parvenir et selon quels critères. Nous siégeons dans une assemblée où bien des pays représentés, ont chacun, traité de la question. Pour notre part, nous avons pris un certain nombre de décisions que je tiens à rappeler ici: conserver les prestations de base sur le plan social; maintenir le salaire minimum; veiller à un accord national en matière de négociations collectives; protéger les couches les moins favorisées sur le plan fiscal. En adoptant une telle stratégie pour traiter de la question sur une base européenne, nous nous engagerions sur la bonne voie.

Le problème majeur afin de favoriser la justice sociale est de donner du travail aux populations. Notre échec le plus grand en Europe, dans pratiquement tous les pays du Conseil de l’Europe, est de n’avoir pas traité de façon assez incisive et urgente le chômage, notamment celui des jeunes. Cela requérait des réponses multiples, mais nous n’avons pas agi assez rapidement au niveau européen.

À cet égard, des stratégies radicales sont nécessaires: tout un chacun a le droit de participer à l’économie et à la société. On ne peut pas imaginer qu’une génération de jeunes soit en quelque sorte une génération perdue qui n’aurait pas accès à ce droit. C’est sur cette question que nous devons concentrer nos efforts. La création d’emplois est au cœur de la solution à apporter à la crise économique.

Il convient donc de maintenir une certaine prudence dans la gestion de l’économie nationale en fonction des critères que j’évoquais, tout en s’efforçant de mettre en œuvre des mesures incitatives sur le plan européen. Ce qui s’est fait la semaine dernière pourra nous aider. Même si ce n’est pas suffisamment complet, cela doit faire partie de la solution.

Il faut donc avant tout proposer des emplois. Le reste devrait se mettre en place puisque, disposant de revenus, les gens pourront participer pleinement à la société alors qu’aujourd’hui trop nombreux sont les exclus.

Mme KORENJAK KRAMAR (Slovénie)* – Le débat sur l’égalité et la crise implique de raviver celui sur les valeurs fondamentales de l’Union européenne en l’examinant au travers du prisme de notre époque. Il faut ouvrir le dialogue avec la société civile et chercher des réponses aux défis que sont l’inégalité, la pauvreté, le chômage des jeunes et l’exclusion sociale.

La crise apporte des changements à notre société et menace l’égalité. À cause de l’augmentation du chômage, beaucoup de gens, surtout les jeunes, perdent espoir en l’avenir de leurs économies et de leur pays. Mais les conséquences vont bien au-delà du secteur économique car s’il y a une crise économique, il y a aussi une crise des valeurs.

Nos réponses reflètent notre vision de la société, et nous devons nous engager à manifester du respect à l’égard des gens et de leur travail.

On ne peut pas résoudre la crise économique par des mesures à court terme. Les solutions doivent être envisagées de manière responsable en gardant à l’esprit une perspective à long terme, en envisageant des mesures positives à même de protéger les catégories vulnérables comme les jeunes gens, les personnes handicapées, les femmes et les personnes âgées.

C’est la raison pour laquelle, chers collègues, notre rôle est de protéger et de défendre les droits humains, la solidarité et la tolérance qui sont les postulats de notre société.

Mme MULIĆ (Croatie)* – Dans son rapport, M. Villumsen, que je félicite, cite un grand nombre de documents, en particulier la recommandation sur les femmes et la crise économique et financière que nous, Conseil de l’Europe, avons adoptée il y a de cela cinq ans.

Je suis désolée de dire que les gouvernements nationaux des pays membres du Conseil de l’Europe n’ont pas beaucoup évolué depuis. La commission des affaires sociales a ainsi identifié 180 violations de la Charte sociale européenne et de ses dispositions concernant la protection sociale et la santé dans 38 pays membres. Un grand nombre de personnes vulnérables ne sont pas représentées au niveau politique, ce qui a également des conséquences.

La crise économique a touché la majorité de nos pays. En tant qu’Européens, nous nous trouvons confrontés à un taux de chômage important, une pauvreté croissante, un fossé qui se creuse toujours plus entre les riches et les pauvres, une augmentation de la discrimination, mais aussi un accroissement du terrorisme dû au fait que certains groupes sont marginalisés.

Au lieu d’unir nos efforts pour créer des sociétés plus équitables, plus démocratiques et respectant davantage les droits de l’homme, nous mettons en œuvre des mesures d’austérité aux effets négatifs sur les droits de l’homme et l’égalité. En effet, les mesures prises ont eu pour conséquence que les personnes déjà vulnérables le sont devenues encore plus. Elles sont désormais privées de tout. Ce faisant, les Etats ont oublié qu’un niveau élevé de protection sociale et la lutte contre les inégalités peuvent contribuer à stimuler la croissance et à diminuer la pauvreté à long terme.

On a suivi les conseils du FMI en opérant des coupes claires, sans tenir compte des institutions qui disent que l’inégalité est en réalité une menace pour la croissance et qu’elles est un péril au niveau macroéconomique, à court et à long terme. Je rappelle également que la Banque mondiale a publié en 2012 un rapport sur le développement en s’intéressant particulièrement à l’égalité entre les sexes. Nous pouvons appliquer ses conclusions à l’égalité en général: c’est là une des valeurs clés de nos civilisations fondées sur les droits de l’homme. L’égalité est un objectif important pour le développement; ce qui suppose de repenser l’économie et d’ouvrir des perspectives pour la génération suivante. Il faut davantage de financements, d’expériences, d’évaluations systématiques et de partenariats incluant les agences consacrées au développement et la société civile.

En tant que parlementaires, nous devons garder tout cela à l’esprit. Nous devons nous faire entendre de nos gouvernements et exercer notre contrôle sur les réponses qu’ils apportent à la crise. Nous devons faire en sorte que la croissance revienne, mais aussi que la dignité de chacun soit garantie.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Au moment où je vous parle, une grève générale a lieu en Norvège. Tous les syndicats y participent, quelle que soit leur affiliation politique. Ce mouvement est également soutenu par les organisations étudiantes, les associations s’occupant de personnes handicapées, les organisations humanitaires, les associations de jeunes, d’agriculteurs, sans oublier certains petits entrepreneurs et une partie de l’Église norvégienne.

Ce mouvement a pour origine les attaques très graves menées par le gouvernement conservateur contre le droit du travail et la protection sociale. Selon les grévistes, on donne un chèque en blanc au patronat en facilitant l’emploi temporaire, en augmentant la durée des journées de travail, en autorisant les heures supplémentaires obligatoires sans rémunération supplémentaire et en facilitant le travail le dimanche. Le gouvernement propose également d’affaiblir le rôle des syndicats en abrogeant le droit d’intenter des recours collectifs contre les employeurs qui ne respectent pas le droit du travail. Si les projets du gouvernement sont adoptés, les travailleurs temporaires devront aller seuls devant les tribunaux. Or chacun sait que, même s’ils trouvaient les ressources et le courage pour le faire – ce qui serait d’ailleurs surprenant –, ils pourraient alors dire adieu à leur emploi.

La très forte mobilisation qui a lieu aujourd’hui en Norvège s’inscrit dans un contexte alarmant: les droits des travailleurs temporaires sont affaiblis, les contrats de travail sans garantie se multiplient, de même que le dumping social et le travail au noir. Les infractions au droit du travail se répandent dans de nombreux secteurs, qu’il s’agisse du bâtiment, de l’agriculture, des hôtels, des restaurants ou encore du transport. Les syndicats se voient affaiblis au moment même où ils devraient être renforcés, car il faut défendre le droit du travail et veiller à ce que des conditions de travail décentes soient offertes aux salariés.

Ce rapport sur la protection du droit de négociation collective, y compris le droit de grève, est présenté le jour où est organisée une grève générale en Norvège. Après tout, ce n’est peut-être pas un hasard. Les politiques qui s’attaquent au droit du travail et affaiblissent le dialogue social sont malheureusement répandues dans bien des pays européens, alors même qu’elles ont fait la preuve de leur échec, comme le dit clairement le rapport de M. Hunko. En Norvège, la protection sociale repose sur une coopération tripartite qui fonctionne bien depuis des décennies, avec une société qui ne connaît pas de grands écarts de revenus, ce qui représente d’ailleurs un élément important dans notre débat sur la lutte contre le terrorisme. Les gens se rendent compte que ces valeurs sont malheureusement en péril et ils descendent en masse dans la rue pour protester. Espérons que notre gouvernement les entendra.

Mme QUINTANILLA (Espagne) – Mes premiers mots, Monsieur Villumsen, seront pour vous féliciter: bravo pour ce magnifique rapport! Ici, au Conseil de l’Europe, nous devons aussi parler de la crise économique et de ses répercussions sur l’égalité des chances, non seulement pour les jeunes, les femmes et les personnes dépendantes, mais aussi, plus largement, pour l’ensemble de nos sociétés.

M. Gurría, Secrétaire général de l’OCDE, a rappelé, quand il s’est exprimé devant notre Assemblée, que la crise a touché de façon particulièrement violente la société espagnole. Il a évoqué les mesures importantes prises par le chef du gouvernement, M. Rajoy, visant à sauver la société. Il s’agit de réformes structurelles dont nous pouvons dire aujourd’hui qu’elles ont été excellentes car l’Espagne a renoué avec la croissance. Dès 2014, l’emploi est reparti à la hausse.

Même si en Espagne la crise a été dure et a touché tout le monde, cela ne nous a pas pour autant conduits à fermer les centres accueillant gratuitement les femmes victimes de violences, dont le budget a même augmenté de 7 %. Nous avons fait ce choix précisément parce que nous croyons dans l’égalité. La société espagnole a fait les sacrifices nécessaires pour sortir de la crise économique. Nous y sommes parvenus grâce à une forte volonté politique, notamment en ce qui concerne la protection des femmes victimes de violences.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Je félicite les rapporteurs pour la qualité de leur travail. La crise économique a bel et bien touché la majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe. Ses effets à long terme sur la population vont d’ailleurs bien au-delà de l’économie. Je suis d’accord avec M. Villumsen lorsqu’il dit que la crise et les mesures d’austérité ont un impact particulièrement fort sur certains groupes tels que les femmes, les handicapés, les jeunes et les personnes âgées.

La crise a entraîné une hausse du chômage, sapé la cohésion sociale, accru la pauvreté et les inégalités, les écarts de revenus, la discrimination et l’intolérance. Ces évolutions tiennent à des raisons diverses. Ils ne peuvent s’expliquer uniquement par des facteurs économiques, mais les motifs économiques jouent néanmoins un rôle et constituent une grave menace pour notre monde.

Dans la mesure où ces effets peuvent être anticipés, chaque pays doit prendre des mesures de prévention. C’est ce qu’a fait mon pays, l’Azerbaïdjan, et je voudrais vous transmettre quelques informations à ce sujet.

Comme chacun le sait, l’Azerbaïdjan est un pays exportateur de pétrole. Nous avons toutefois réussi à minimiser l’impact de la chute des prix du pétrole sur les marchés mondiaux, car, grâce aux programmes économiques du gouvernement, L’Azerbaïdjan a réussi à réduire les pertes causées par la crise financière. Ces bons résultats tiennent à la qualité de la politique économique, à l’amélioration de la politique macro-économique et au bon climat des entreprises. La part du secteur non pétrolier s’accroît chaque année en Azerbaïdjan et représente déjà plus de 50 %. Le programme d’Etat de développement économique et social des régions et l’application de programmes industriels jouent un rôle primordial dans le développement du secteur non pétrolier.

Aujourd’hui, l’une des priorités du gouvernement est de développer les activités des jeunes et des femmes afin de favoriser leur intégration dans la société et résoudre le problème du chômage. Différents programmes gouvernementaux sont en voie de développement et de nombreuses actions ont été engagées. Le gouvernement met en place toutes les conditions nécessaires pour leur donner la possibilité de développer leurs compétences dans les domaines politique et économique.

Toutes les mesures prises visent à renforcer la lutte contre la discrimination entre les hommes et les femmes sur le marché de l’emploi et à accorder davantage d’attention au chômage et à l’exclusion des jeunes afin de garantir l’égalité et le respect des personnes et de leur travail.

Mme MATTILA (Finlande)* – Monsieur Villumsen, je vous remercie pour ce rapport.

La crise économique qui sévit en Europe depuis 2008 a donné lieu à un grand nombre de mesures d’austérité. Il nous faut lutter contre leurs conséquences négatives sur la société dans son ensemble, car nous nous trouvons également confrontés à une crise de la démocratie.

Monsieur le rapporteur, vous présentez, différents exemples précis, notamment le système islandais Welfare Watch et son rôle politique. Une telle solution pourrait se révéler utile pour résoudre des situations difficiles dans des pays européens. Placés face à une crise économique depuis un certain nombre d’années, l’idée est maintenant d’y répondre par des mesures ciblées. Tout le monde, sait de quoi nous parlons: nous ne pouvons pas nous permettre de perdre une génération entière de jeunes gens frappés par le chômage. Nous devons mettre en œuvre la sécurité sociale par différentes mesures d’aide.

Je remercie le rapporteur d’avoir traité ces points dans son rapport, si nous ne nous occupons pas des problèmes engendrés par le chômage, la situation sociale empirera. Nous nous retrouverons dans une situation où, à l’image de la population grecque, nos citoyens seront en opposition. En tant qu’hommes et femmes politiques, nous devons décider. La population ne peut pas le faire. Les partis politiques devraient donc encourager les citoyens, notamment les jeunes, à participer activement à la vie politique. Nous devrions nous inquiéter de voir les jeunes se désintéresser et se détourner de plus en plus de la politique. Comme il est dit aussi dans le rapport, lorsque les citoyens pensent qu’ils n’ont aucun rôle à jouer dans le processus décisionnel politique, il y a de quoi s’inquiéter.

Enfin, je remercie M. Villumsen d’avoir traité des problèmes concrets de la vie quotidienne. Je pense à la discrimination des femmes sur le marché du travail au regard du congé de maternité, à la précarisation et à la situation générale du marché du travail. La justice sociale ne doit pas être minée par les problèmes économiques. Cet après-midi, nous nous rendons compte que nous savons parfaitement quels sont les problèmes. À nous maintenant d’agir!

M. MOTA AMARAL (Portugal)* – Permettez-moi de féliciter nos collègues MM. Villumsen et Hunko, tous deux membres de Groupe pour la gauche unitaire européenne, de leurs rapports qui font l’objet d’un débat conjoint cet après-midi. Les deux commissions et leur secrétariat méritent aussi nos félicitations.

Ce débat tombe à point nommé: la crise économique en Europe a été contrée par des mesures d’austérité mais, dans certains pays comme le Portugal, une grande attention a été portée aux personnes moins privilégiées. Toutefois, dans de nombreux pays des coupes budgétaires et des réductions ont touché les services sociaux et les prestations sociale, afin de rembourser la dette publique et d’équilibrer les budgets. Les banques se sont retrouvées en défaut de paiement et la classe moyenne s’est appauvrie. Les réformes structurelles visant à améliorer la productivité et la compétitivité des économies européennes ont, en fait, eu un impact négatif sur le statut et les droits des salariés. Nombre d’entre eux se sont retrouvés au chômage. La jeune génération a été incitée à émigrer, les personnes plus âgées se sont retrouvées au chômage avec de moins en moins de chances et d’espoir.

Dans certains cercles politiques, tout cela est considéré comme normal, voire comme une bonne chose, et le discours néolibérale triomphe.

Notre Assemblée doit à nouveau rappeler les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe car, lorsque des millions de personnes sombrent dans le chômage et la pauvreté, les droits fondamentaux sont menacés. Une société pluraliste forte n’est pas compatible avec une classe moyenne instable et fragile. Le creusement des inégalités représente une véritable menace pour le modèle social et politique de nos sociétés et une invitation à toute forme d’extrémisme.

Les droits de l’homme et la démocratie doivent être mondialisés et globalisés. L’Organisation internationale du travail a un rôle important à jouer en la matière. Il faut mettre un terme au dumping social et écologique qui crée de nouvelles formes d’exploitation, voire d’esclavage des salariés dans les pays pauvres, détruit nos économies et la durabilité des ressources naturelles de notre planète. Un Etat démocratique peut constituer un outil pour les sociétés les plus vulnérables. Si ses principes sont respectés, cela contribuera à faire en sorte que partout en Europe et dans le monde, l’énergie de l’humanité fasse naître de nouveaux espoirs.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – Je vous prie, tout d’abord, Monsieur le Président, de me pardonner de n’avoir pas été présent hier au moment où je devais prendre la parole dans l’hémicycle. Je participais à une réunion avec le Commissaire aux droits de l’homme à laquelle je ne pouvais me soustraire. Nous évoquions l’accueil des immigrants à Melilla et, en tant que personne de gauche, je tenais à faire savoir au Commissaire aux droits de l’homme que j’étais attaché au respect de la législation et de la pratique en matière d’immigration et de droit d’asile

J’ai applaudi l’intervention de M. Mota Amaral et je me rappelle l’intervention du président de l’Irlande qui a été, à mon sens, l’un des discours les plus remarquables entendus dans cet hémicycle après celui du pape François parce qu’ils évoquent les défis du présent. Or l’un des défis du temps présent est justement l’abîme d’inégalités ouvert par la crise.

Lorsque des actes terroristes sont commis, certains en profitent pour supprimer des libertés et des droits. Lorsqu’il y a une crise économique, certains en profitent pour réduire le droit du travail. Or le droit du travail a été une grande conquête des années 1950, face à la démocratie chrétienne. L’État providence, fondé sur le consensus, est le fruit d’un accord entre employeurs et travailleurs.

Je n’entends pas profiter de cette tribune pour parler de mon pays, mais quand quelqu’un dit qu’en Espagne, nous vivons dans le meilleur des mondes, je suis obligé de lui répondre que la majorité des Espagnols ne connaissent pas une telle situation.

Quand il est possible de licencier les gens sans raison, on accroît la précarité et la fragilité sur le marché du travail. Quand on supprime les conventions collectives, la protection des salariés est érodée. Et quand les juges doivent appliquer une réforme qui a réduit les droits des travailleurs, on ne peut pas dire qu’il y ait beaucoup d’espoir.

Le Conseil de l’Europe doit s’acquitter de ses responsabilités. On ne peut construire une société démocratique sans respecter le pluralisme et sans que chacun puisse s’épanouir selon ses talents et non en fonction de maigres ressources qui dépendent de la politique sociale.

Il n’y a pas meilleure politique pénale qu’une bonne politique sociale, et il n’y a pas de meilleure politique sociale qu’une bonne politique du travail.

Je félicite les rapporteurs pour leur excellent travail.

LE PRÉSIDENT* – Mes chers collègues, il est maintenant 17 heures.

Le scrutin pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Serbie est clos.

J’invite les scrutateurs, Mmes Stefanelli et Strenz, à bien vouloir aller procéder immédiatement au dépouillement du scrutin au service de la Séance.

Le résultat du scrutin sera proclamé avant la fin de la séance.

Nous poursuivons le débat.

M. DESTEXHE (Belgique) – En Belgique, le droit de grève n’est pas prévu par la Constitution et n’est encadré par aucune loi. Pourtant il est quasiment absolu. Notre collègue suisse a expliqué que ce droit était désormais inscrit dans la Constitution suisse mais qu’il n’était utilisé qu’en dernier recours, lorsque les négociations ont échoué. En Belgique, nous pouvons faire des grèves sauvages, sans aucune limitation.

Selon le rapport, la Belgique est un Etat social, puisque 96 % des salariés sont couverts par une convention collective, juste après la France, avec 98 % de salariés concernés. La moyenne européenne est de 62 %, mais le Royaume-Uni est à 29 % et la Pologne à 25 %. Monsieur Díaz Tejera, l’Espagne est à 70 %, ce qui n’est pas si mal.

La Belgique a connu ces derniers mois une série de mouvements sociaux, avec deux grèves générales importantes qui ont abouti à quelques abus: des blocages de route et de carrefour qui ont empêché des salariés d’aller travailler. Ces abus nuisent au droit de grève. La presse n’a pas pu dire si la grève avait été un succès ou pas. Le pays a été totalement paralysé durant toute une journée, sans que l’on puisse déterminer si cela était le résultat de la mobilisation des travailleurs ou la conséquence du blocage des routes.

Si nous souhaitons que le droit de grève reste un droit absolu, il convient absolument de garantir la liberté de travailler pour ceux qui le veulent.

LE PRÉSIDENT – M. Sasi, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. HANŽEK (Slovénie)* – Le grand jeu de la ruée vers l’argent lancé par des entreprises néolibérales voilà des décennies s’est achevé par un désastre économique qui a gagné d’autres domaines. Après la fragilisation de l’Etat justifié par le gain de productivité et la croissance du PIB, le résultat final a été une crise économique de portée mondiale dont les conséquences retombent aujourd’hui sur ceux qui n’en sont pas responsables, à savoir les citoyens, qui n’ont pas de véritables pouvoirs économiques et politiques.

Aujourd’hui le monde se divise entre 1 % de personnes les plus riches et 99 % de personnes privées de tout. Comme indiqué dans l’excellent rapport que nous allons adopter aujourd’hui, la crise a causé la hausse du chômage, sapé la cohésion sociale et accru la pauvreté, les inégalités et les écarts de revenus. Il est donc impératif de mettre en œuvre les recommandations de ce document.

Nos mesures d’austérité sont une réponse mal adaptée à la crise. À moins que la crise ne soit l’un des moyens d’atteindre l’objectif réellement visé, à savoir une concentration de richesses aussi grande que possible dans les mains d’une petite fraction de la population.

Durant les années qui ont conduit à la crise économique, la croissance était très élevée dans mon pays. À l’époque, on affirmait que si les gens devenaient plus riches, l’emploi serait conforté et la pauvreté finirait par être endiguée. Mais la crise a réduit à néant cette idéologie néolibérale. Le capital n’a pas été investi dans des emplois durables, mais dans des symboles de richesse et dans des paradis fiscaux. L’Etat a assumé la dette et son remboursement a été mis à la charge des citoyens.

On a créé cette idéologie de l’épargne qui continue à prévaloir même quand la croissance du PIB a repris.

Le gouvernement continue de plaider pour l’idéologie de l’austérité, restant insensible aux besoins des plus faibles. Un exemple: on a réduit les fonds destinés à aider dans leur scolarité les enfants ayant des besoins spécifiques.

Les avertissements lancés par le Conseil de l’Europe dans ces deux documents sont donc parfaitement pertinents. L’austérité n’est pas une nécessité économique, c’est une idéologie.

LE PRÉSIDENT* - Mes chers collègues, il nous faut maintenant interrompre l’audition des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les quatre heures, leur intervention dactylographiée au service de la Séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

Monsieur Ryder, vous avez cinq minutes pour réagir aux propos des orateurs, si vous le souhaitez.

M. LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL* – Au terme de ce débat particulièrement enrichissant, j’aimerais vous livrer quelques brèves observations et réactions.

Premièrement, tous les orateurs ont clairement insisté sur la nécessité de respecter le droit de grève et le droit de négociation collective, deux droits fondamentaux que nul ne conteste. Mais on aurait tort d’opposer systématiquement le respect de ces droits, d’une part, et la promotion de l’emploi et de la croissance ainsi que la correction des déficits publics, d’autre part. Le type de politique qui a été décrit permet précisément de combiner les deux éléments; il y a là, plutôt qu’une contradiction dans les termes, un défi politique majeur, certes, mais qu’il est possible de relever.

Deuxièmement, j’aimerais préciser la position de l’OIT: celle-ci n’a jamais considéré que le droit de grève était illimité. Comme je l’ai rappelé dans mon intervention liminaire, l’OIT a progressivement élaboré tout un corpus de jurisprudence qui établit très clairement les restrictions et les conditions préalables à l’exercice de ce droit.

Certains orateurs ont également invoqué la nécessité absolue de protéger les plus vulnérables pour tenter de faire pièce aux effets de la crise, d’éviter de trop grandes souffrances sociales et de satisfaire aux exigences d’égalité, d’équité et de justice. À cet égard, deux catégories ont particulièrement retenu l’attention.

D’abord, bien entendu, les jeunes, les plus durement touchés par le chômage en Europe. Il est très important de considérer les mesures ciblées favorisant l’insertion des jeunes sur le marché du travail non comme un coût, mais bien comme un investissement. La différence n’est pas seulement rhétorique: les dépenses consenties par le biais de la Garantie européenne pour la jeunesse, afin que les jeunes puissent acquérir une expérience professionnelle, suivre des formations, faire des stages, sont largement compensées par leurs retombées – les gains de production, la réduction des prestations sociales. Mais il ne faut pas trop attendre, car plus les jeunes sont éloignés longtemps du marché du travail, plus il leur est difficile d’y revenir: les cicatrices, en quelque sorte, sont plus durables.

La deuxième catégorie est celle des femmes, dont le salaire et le taux de participation au marché du travail restent nettement inférieurs à ceux des hommes.

En troisième lieu, j’évoquerai les travailleurs migrants. Par un malheureux concours de circonstances, déjà vulnérables pour différentes raisons sur le marché du travail, ils subissent en outre le climat politique qui règne à propos des questions migratoires.

Deux dernières observations. En premier lieu, les politiques fiscales ont été à juste titre mentionnées parmi les moyens de lutter contre l’iniquité et l’inégalité dans nos sociétés. Elles jouent un rôle important dans la consolidation des finances publiques. Les entreprises ou les individus qui ne paient pas d’impôts raisonnables représentent un manque à gagner important pour les finances publiques, ce qui ne devrait pas être toléré dans les circonstances actuelles.

En second lieu, l’Europe n’est pas seule au monde. Bien des orateurs ont évoqué la nécessité d’aborder la gestion de l’économie mondiale selon une perspective plus vaste. Naturellement, les objectifs promus dans cette enceinte doivent également valoir pour l’économie mondiale, dans l’intérêt même de l’Europe et pour bénéficier à ceux qui vivent dans d’autres régions du monde.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur Hunko, vous disposez de sept minutes.

M. HUNKO (Allemagne), rapporteur de la commission des questions sociales* – Mes chers collègues, je vous remercie pour toutes vos contributions et observations. Si ce débat était représentatif des discussions à venir dans les parlements nationaux, au Parlement européen et au sein de la Commission européenne, voire ailleurs, nos revendications auraient de bonnes chances d’être mises en pratique. Je crains néanmoins qu’il ne le soit guère, auquel cas nous avons encore beaucoup à faire.

Monsieur Ryder, dans votre propos liminaire, vous avez parlé de la manière différente dont l’Allemagne et les Etats-Unis ont réagi à la crise s’agissant de la protection des droits des salariés. Puisque je viens d’Allemagne, je me permettrai d’en dire un mot. En 2008, à la suite de la crise économique et financière, des mesures positives ont été prises dans mon pays – je précise que je fais partie de l’opposition – pour pallier les conséquences de la crise sur la hausse du chômage, en particulier du chômage technique. Lorsque les commandes se réduisent dans les entreprises, les salariés peuvent être mis au chômage technique et perçoivent des prestations. Cette mesure a été prolongée, ce qui a permis de maintenir les emplois et de remettre l’économie sur pied plus rapidement.

Malheureusement, cette voie n’a pas été suivie ailleurs au cours des années suivantes, conformément à la politique de la «troïka» à laquelle l’Allemagne a contribué. En Grèce, par exemple, aucune mesure n’a été prise pour contrecarrer le plongeon de l’économie. On a épargné, on a licencié et on a créé un cercle vicieux de l’austérité, aggravant les effets de la crise. Peut-être y a-t-il des enseignements à en tirer.

Autre point également abordé par M. Ryder dans sa première contribution, qui n’a pas été repris dans le débat: la menace de la décentralisation des négociations collectives. La mondialisation a affaibli partout ces négociations. Nous devons coopérer avec des organisations comme le BIT pour contrecarrer cette tendance. Il faut une internationalisation des négociations collectives, sinon, même si personne ne le veut véritablement, les droits des salariés seront de plus en plus réduits. Nous l’avons déjà constaté en débattant de l’austérité, on ne peut séparer les droits sociaux de la crise économique.

Quelqu’un a parlé des dettes souveraines. Après 2008-2009, dans la zone euro, la dette publique est passée d’une moyenne de 65 à 68 % à 90 %. Cela s’explique par la nécessité de sauver les banques et le secteur financier, mais il n’est pas acceptable que cela se fasse au détriment des éléments plus vulnérables de la société. Cela se traduit par des économies, des politiques d’austérité et un affaiblissement des droits sociaux.

M. Daems, du Groupe de l’Alliance des démocrates et des libéraux, a abordé quelques points importants. Il est vrai que le droit de grève ne peut pas être illimité, il doit être exercé en responsabilité, ainsi que l’indique la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Dans certains secteurs de la société ce droit doit, à l’évidence, être assorti de restrictions.

Vous avez également parlé de la réduction de la bureaucratie. C’est certes souhaitable mais cela n’a rien à voir avec la politique d’austérité.

La Grèce a souvent été évoquée dans le débat. Le peuple grec s’est prononcé contre la politique d’austérité des dernières années. Que fait le nouveau gouvernement? Il réduit le nombre de ministères de 18 à 10. Une politique contre l’austérité ne signifie pas forcément de maintenir ce qui n’est pas nécessaire. Il ne faut pas non plus entrer dans un cercle vicieux dont il serait très difficile de sortir.

Ce rapport qui porte sur les droits des travailleurs s’adresse également aux syndicats. Mme Christoffersen a parlé de la grève générale en Norvège. Cela montre que notre débat n’est pas abstrait mais bien ancré dans la réalité. Au mois de décembre, la Belgique a connu une des plus grandes grèves de son histoire. Il y a des conflits sociaux partout.

Paul Krugman, prix Nobel d’économie, estime que tout citoyen a son mot à dire dans le processus politique. Certains sont plus égaux que d’autres. Compte tenu de cette réalité, il importe de se doter d’institutions capables d’assurer un contrepoids, comme les syndicats. Si nous disons clairement qu’un droit de grève fait partie intégrante de la Charte sociale européenne et que des droits sont à renforcer, nous rendrons un grand service au modèle social européen.

LE PRÉSIDENT* - Monsieur Ghiletchi, vous disposez de deux minutes.

M. GHILETCHI (République de Moldova), président de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Au nom de la commission, je félicite les deux rapporteurs, en particulier M. Hunko. Je remercie M. Ryder pour sa présence et sa contribution à nos travaux en commission et en séance. Comme l’ont dit la plupart des orateurs, ces deux rapports sont essentiels pour comprendre la situation en Europe aujourd’hui. Je vous encourage à les voter et je suis convaincu que vous le ferez.

Nous savons bien que les problèmes traités dans ces rapports sont complexes. Il n’existe pas des solutions simples pour les résoudre, mais il faut s’employer à en trouver. J’apprécie vraiment le travail de M. Hunko. Le rapport a été adopté à l’unanimité par la commission et il n’y a pas eu d’amendement. Nous avons abouti à un consensus qui nous semble essentiel. Il faut un dialogue pour résoudre ce problème sérieux, complexe, auquel nous sommes confrontés dans nos pays.

LE PRÉSIDENT * - Monsieur Villumsen, vous disposez de trois minutes.

M. VILLUMSEN (Danemark), rapporteur de la commission sur l’égalité et la non-discrimination * – Je vous remercie tous mes chers collègues pour cet excellent débat. Permettez-moi de remercier les délégations nationales qui nous ont fourni l’assistance nécessaire au bon déroulement des visites dans les différents pays où je suis allé.

Le directeur général de l’OIT, M. Ryder a très bien montré que le modèle social européen à aider à amortir les effets de la crise financière, dans sa première phase. Depuis, ce modèle a été démantelé pièce par pièce en Europe.

L’égalité, la justice sociale sont des valeurs et des engagements qui figurent dans la Charte sociale du Conseil de l’Europe. C’est aussi un outil efficace pour sortir de la crise par le haut. Les investissements pour l’égalité sont un moyen d’en sortir. Je l’ai vu en Islande. Le Secrétaire général de l’OCDE l’a souligné lorsqu’il est venu ici, et plusieurs orateurs l’ont rappelé.

Ces valeurs sont aussi un outil efficace pour garantir le dialogue social. Je rappelle que les instances responsables des droits de l’homme au plan national peuvent être un instrument efficace pour évaluer l’impact de la crise sur les groupes vulnérables. Malheureusement, dans de nombreux pays, ces institutions ont, elles aussi, subi des coupes budgétaires.

Il importe de souligner que l’égalité n’est pas seulement une belle parole dans nos discours, elle est une bonne partie de la solution à la crise. Mme Mulić a dit que la Charte sociale européenne est bien trop souvent violée. Je suis entièrement d’accord. M. Mota Amaral a rappelé que les recettes libérales ont souvent violé les valeurs du Conseil de l’Europe et la Charte sociale.

Permettez-moi en conclusion d’exprimer le vœu que l’adoption du projet de résolution nous aide à renforcer l’influence des valeurs d’égalité et de solidarité dans la suite de la lutte contre la crise. Ces valeurs sont indispensables sur le plan social mais aussi économique. J’espère que vous voterez tous pour ce rapport.

LE PRÉSIDENT * - Madame Bilgehan, vous disposez de deux minutes

Mme BİLGEHAN (Turquie), présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination – Ce débat nous a fourni l’occasion de discuter de l’impact de la crise économique et des mesures d’austérité sur l’égalité, aspect malheureusement trop souvent négligé mais fondamental. Je tiens à féliciter M. Villumsen pour son rapport et pour toutes les informations qu’il a recueillies ainsi que pour son travail de synthèse et de préparation de recommandations concrètes à l’attention de nos gouvernements et de nos parlements.

Depuis la désignation de M. Villumsen comme rapporteur, en septembre 2013, la commission sur l’égalité et la non-discrimination a discuté à de nombreuses reprises de ce rapport lors d’auditions et après chaque visite d’information. Les membres de la commission ont accompagné le rapporteur dans l’élaboration du rapport, apporté des informations sur la situation dans leur pays et contribué à étoffer le rapport.

Celui-ci est le résultat d’un consensus obtenu après de nombreuses discussions. Le rapporteur a tenu à prendre en considération les remarques et informations apportées par chaque membre. Je souhaite souligner cet effort de consensus sur un texte qui contient des idées très fortes: investir dans l’égalité, assurer le maintien d’un bon niveau de protection sociale, garantir la justice sociale, promouvoir une approche participative, combattre la corruption et, surtout, continuer à lutter contre les discriminations et les actes d’intolérance, de haine et de racisme, en temps de crise comme en temps de prospérité économique.

Eh bien, finalement, c’est un rapport parfait. Je félicite également les autres rapporteurs. J’espère sincèrement que vous soutiendrez tous ce projet de résolution afin de démontrer l’engagement de notre Assemblée à protéger l’égalité.

LE PRÉSIDENT* – Nous en avons terminé avec le débat.

Nous en venons au premier rapport sur «L’égalité et la crise».

La commission a présenté un projet de résolution sur lequel 5 amendements ont été déposés.

La présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination souhaite proposer à l’Assemblée de considérer les amendements 1, 2 et 3, adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Madame la présidente?

Mme BİLGEHAN (Turquie), présidente de la commission – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Puisqu’il n’y a pas d’objection, les amendements 1, 2 et 3 sont déclarés adoptés.

Je suis saisi de l’amendement 4.

M. KOLMAN (Croatie)* – La Charte sociale européenne prévoit que les personnes âgées doivent être dotées de ressources suffisantes pour mener une vie décente et prendre une part active à la vie de la société. La commission des droits de l’homme considère que le niveau de vie est suffisant lorsque le revenu mensuel n’est pas au-dessous du seuil de pauvreté, à savoir 40 à 50 % du revenu moyen. Il ne doit donc pas être seulement question d’une garantie minimum mais d’un revenu suffisant.

Mme BİLGEHAN (Turquie), présidente de la commission – Avis favorable.

L’amendement 4 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’ amendement 5.

M. KOLMAN (Croatie)* – Cet amendement vise à harmoniser la résolution avec la déclaration adoptée par la sous-commission sur la Charte sociale européenne à l’occasion de la conférence qui s’est tenue à Turin en octobre dernier.

Mme BİLGEHAN (Turquie), présidente de la commission – Avis favorable.

L’amendement 5 est adopté.

LE PRÉSIDENT* - Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13661, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (129 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions).

LE PRÉSIDENT* - Nous en venons au second rapport relatif à la «Protection du droit de négociation collective, y compris le droit de grève».

La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a présenté un projet de résolution sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13663.

Le projet de résolution est adopté (136 voix pour, 2 voix contre et 2 abstentions).

Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.

3. Election d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Serbie
(Résultats du scrutin)

LA PRÉSIDENTE – Je vais annoncer les résultats du second tour de scrutin pour l’élection du juge à la Cour européenne des droits de l’homme, au titre de la Serbie:

Nombre de votants:       167

Bulletins blancs ou nuls:       8

Suffrages exprimés:       159

Majorité absolue:       84

Les suffrages ont été exprimés comme suit:

M. LUBARDA:       90 voix

M.  RAKIĆ:       57 voix

Mme ZARIĆ:       12 voix

M. Lubarda ayant obtenu une majorité relative des suffrages exprimés, je le proclame juge à la Cour européenne des droits de l’homme, au titre de la Serbie. Son mandat est de neuf ans et commence au plus tard trois mois à compter de son élection.

4. Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés
de la délégation de la Fédération de Russie

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle maintenant la discussion du rapport sur la «Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie», présenté par M. Schennach, au nom de la commission de suivi (Doc. 13685), ainsi que de l’avis présenté par M. Franken, au nom de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles (Doc. 13689).

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, vote inclus, à 20 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 19 h 20, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de treize minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi)* – Mes chers collègues, pour la seconde fois en moins d’un an, la commission de suivi présente à l’Assemblée un rapport sur les pouvoirs de la délégation de la Fédération de Russie. Dans mon rapport du mois d’avril, j’avais recommandé de suspendre ces pouvoirs jusqu’en janvier 2015. Nous avons mis en place ensuite une commission ad hoc sur la politique de voisinage de la Russie, mais nous avons dû attendre un certain temps entre le boycott de la délégation russe et la reprise du dialogue. Vous connaissez tous la situation actuelle. Un Etat membre de notre Organisation, l’Ukraine, est en proie à la déstabilisation et au chaos. Des milliers de personnes sont mortes, les droits sont bafoués et les forces armées russes occupent une partie du territoire. La souveraineté territoriale de l’Ukraine n’est plus garantie.

Le rapport que je vous présente aujourd’hui s’inscrit dans une nouvelle approche. Nous ne souhaitons pas que le dialogue avec la délégation russe au sein du Conseil de l’Europe soit à nouveau interrompu par un boycott.

La libération de Nadiia Savchenko, mais aussi l’envoi d’une équipe de la commission de suivi en Crimée afin d’examiner la situation des droits de l’homme sur place, doivent intervenir immédiatement. Certaines personnes sont menacées de persécution en Crimée et les droits de certaines minorités ne sont pas garantis. Nous ne pouvons plus perdre du temps. C’est la raison pour laquelle la commission de suivi envoie aujourd’hui un message fort. Elle a prévu de rédiger chaque mois un rapport d’avancement sur l’évolution de la situation en Ukraine.

Le rapport que je vous présente aujourd’hui formule différentes exigences à l’égard de la Fédération de Russie. Elles sont très claires et sans doute seront-elles douloureuses, mais nous avons le droit de les formuler. Nous pourrions retirer leur droit de vote aux membres de cette délégation et passer pour des héros. Cela ne conduirait qu’à renvoyer chez eux nos collègues russes, et à les faire également passer pour des héros. Ce n’est pas la bonne voie, car notre objectif est d’aboutir à des résultats concrets.

L’Assemblée a discuté hier d’un rapport sur la catastrophe humanitaire à l’est de l’Ukraine. Il est urgent d’agir. La commission de suivi a souhaité, à la majorité, proposer aujourd’hui une solution de compromis. C’est le sens de l’amendement 28 et du sous-amendement oral de M. Fischer. Nous voulons éviter que l’Assemblée ne soit divisée. Néanmoins, je n’accepterai aucun amendement qui viserait à présenter la situation sous un meilleur jour.

Mes chers collègues, je vous demande d’adopter l’amendement 28 et son sous-amendement oral à une large majorité. Et j’en appelle à la délégation de Russie afin qu’elle comprenne que quelque chose a changé dans nos discussions depuis le mois d’avril. Etant donné la situation en Ukraine, nous avons le droit de lui demander ce que nous lui demandons.

D’ici notre prochaine partie de session, la situation doit évoluer, mais nous avons besoin de la présence de la délégation russe au sein des instances du Conseil de l’Europe pour faire avancer les choses. Il s’agit donc de choisir une voie médiane, respectueuse des valeurs du Conseil de l’Europe et attachée à dégager une position commune, approuvée par la majorité.

L’est de l’Ukraine est en butte à un conflit qui pourrait déstabiliser le continent tout entier. La Fédération de Russie doit le comprendre. Si nous faisons un pas aujourd’hui vers elle, avec un compromis, elle doit de son côté prendre les mesures qui s’imposent. Je ne crois pas que ce soit trop exiger.

Ce rapport comporte une nouveauté par rapport à celui du mois d’avril puisqu’il inclut la Transnistrie, l’Ossétie et le Haut-Karabakh.

Nous avons inclus ces régions. Ce document est donc à la fois beaucoup plus vaste et détaillé.

Il est donc éminemment important que nous menions ce dialogue. Et si nous adoptons ce compromis sur l’amendement 28, nous aurons la possibilité de lancer un message fort et d’agir rapidement, qu’il s’agisse, premièrement, de la libération immédiate de Nadiia Savchenko, ou, deuxièmement, de l’envoi immédiat d’une délégation de notre commission en Crimée. La délégation de Russie a d’ailleurs demandé que nous envoyions une délégation similaire dans l’Est de l’Ukraine. Cela ne pose pas de problème. Nous pouvons accéder à cette demande dès demain: en commission de suivi, nous prendrons la décision afin d’être prêts à partir tout de suite dans ces deux régions.

Je lance un appel à Alexei Pushkov: si nous parvenons à adopter ce compromis, il faut alors y participer et ne pas réagir sans réfléchir.

LA PRÉSIDENTE – Monsieur le rapporteur, il vous restera trois minutes pour répondre aux orateurs.

M. FRANKEN (Pays-Bas), rapporteur pour avis de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles* – Qu’il me soit avant tout permis de féliciter le rapporteur de la commission de suivi pour son rapport fort intéressant qui nous présente une analyse approfondie des raisons et des motifs justifiant la contestation des pouvoirs de la délégation de la Fédération de Russie.

Pour la seconde fois en moins d’une année, notre Assemblée est appelée à jouer son rôle d’arbitre et de défenseur des valeurs démocratiques et des droits de l’homme dans le contexte d’une contestation des pouvoirs d’une délégation qui y siège. La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles a ainsi été mandatée pour réfléchir au point de savoir si la proposition figurant dans le rapport de la commission de suivi concernant la contestation pour des raisons substantielles des pouvoirs de la délégation de la Fédération de Russie est conforme au Règlement de l’Assemblée, notamment à l’article 10, et au Statut du Conseil de l’Europe.

En outre, lors de sa réunion d’hier, la commission du Règlement a examiné l’une des questions évoquées dans le rapport de la commission de suivi, à savoir le cas de Mme Nadiia Savchenko. Cette dernière est membre de la Verkhovna Rada et de la délégation de l’Ukraine auprès de l’Assemblée parlementaire pour la session 2015. Mais elle se trouve en détention, en Fédération de Russie, depuis juin 2014.

Le Bureau de l’Assemblée a sollicité l’avis de la commission du Règlement quant au statut de Mme Savchenko au regard des règles d’immunité du Conseil de l’Europe et, plus précisément, aux moyens pour elle de bénéficier de la protection conférée par les termes de l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l’Europe et de son Protocole.

Le principe de l’inviolabilité parlementaire, l’immunité au sens strict du terme, tel que reconnu dans l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l’Europe, protège tout parlementaire de toute arrestation, détention ou poursuite sans l’autorisation du Parlement auquel il ou elle appartient ou l’autorisation de l’Assemblée parlementaire. Mme Savchenko jouit de l’immunité parlementaire européenne en tant que membre de notre Assemblée parlementaire.

Cette immunité est d’une nature absolue en ce sens qu’elle est fondée sur le droit international. L’immunité parlementaire d’un membre de l’Assemblée doit être levée avant que la liberté de ce membre ne puisse être restreinte, et seule l’Assemblée est en mesure de lever l’immunité d’un de ses membres. Avec effet courant à partir de la ratification de ses pouvoirs, Mme Savchenko ne peut donc plus faire l’objet de détention ou de poursuite, et toute procédure en cours doit être suspendue pour la durée de son mandat.

La commission du Règlement a donc décidé que ses conclusions devaient être reflétées dans le projet de résolution et a approuvé un amendement demandant aux autorités russes d’honorer leurs obligations et engagements en droit international, en l’occurrence ceux de l’Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l’Europe. Cet amendement a été soutenu à l’unanimité par la commission de suivi et nous lui en sommes reconnaissants.

Pour ce qui est des conclusions auxquelles est parvenue la commission de suivi dans son projet de résolution concernant la ratification ou non des pouvoirs de la délégation russe et les éventuelles sanctions, la commission du Règlement rappelle qu’en septembre 2014, elle avait approuvé un avis pour le Bureau concernant les droits de participation et de représentation dont l’exercice peut faire l’objet d’une privatisation ou d’une suspension dans le cadre d’une contestation des pouvoirs – je vous renvoie également à ce document

Madame la Présidente, le débat sur ce sujet précis est loin d’être achevé, et la commission du Règlement poursuivra sa réflexion sur cette procédure fort importante.

LA PRÉSIDENTE – Nous ouvrons la discussion générale, en commençant par les porte-parole des groupes.

M. XUCLÀ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Le 5 mai 1949, des hommes et des femmes qui avaient connu les deux guerres mondiales ont créé le Conseil de l’Europe. Depuis, celui-ci s’est élargi puisque nous comptons 47 Etats membres aujourd’hui. Or, depuis à peu près un an, nous vivons l’agression la plus dangereuse qui ait eu lieu depuis la Seconde Guerre mondiale.

Nous n’avons pas vécu les deux guerres mondiales, mais nous pouvons dire que nous avons souffert pendant la guerre en ex-Yougoslavie et que nous souffrons avec le conflit en Ukraine. Ces deux conflits vont nous marquer à tout jamais. Il nous faut, en respectant nos valeurs, prendre des décisions morales pour favoriser le dialogue.

Le groupe libéral condamne la violation du droit international et l’utilisation de la force de la part de la Fédération de Russie. Il est uni dans une solidarité confraternelle vis-à-vis du peuple ukrainien, qui est la véritable victime de ce conflit. Il est également uni dans l’idée que le Conseil de l’Europe doit jouer un rôle important en matière de protection des droits de l’homme dans le drame humanitaire que vivent des centaines de milliers de personnes en Ukraine.

Que doit-on faire? Nous devons être utiles, dans le cadre de nos possibilités et de nos compétences. Nous devons envoyer un message politique clair à la Russie. Depuis le mois d’avril nous l’avons fait. Nous le ferons aujourd’hui d’une autre façon et, j’espère, de façon consensuelle.

Le groupe libéral a des avis partagés, comme tous les groupes d’ailleurs, lorsqu’il s’agit de voir comment contester les pouvoirs de la délégation de la Fédération de Russie. La plus grande partie du groupe, ce matin, s’est exprimée pour maintenir la suspension des droits, y compris la suspension du droit de vote. Une autre partie pense que la meilleure façon d’être utile dans le cadre de nos possibilités, c’est de suivre la feuille de route que nous propose M. Schennach, à savoir jusqu’en juin 2015, et de voir ensuite quelle est la possibilité d’action à ce moment-là.

Chers collègues, il y a bien plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous séparent. Il nous faut absolument éviter la fragmentation. Il faut rester fidèle à nos principes et à nos engagements de dialogue, d’exigence et de respect du droit international.

Le 5 mai 1949, les membres fondateurs du Conseil de l’Europe ont fait de cette institution un lieu de rencontre et de création de projets communs afin de réparer les dommages qui avaient été causés, de restaurer la confiance qui avait été perdue.

Nous vivons des moments tragiques. Aujourd’hui, la paix nous semble bien lointaine, mais nous ne devons jamais oublier qu’au final, suite à la barbarie, le Conseil de l’Europe reste le lieu où les agresseurs et les victimes doivent se rencontrer, comme nous nous sommes tous rencontrés, hommes et femmes, après le conflit en ex-Yougoslavie.

La Russie doit assumer ses responsabilités et, de notre côté, nous devons faire en sorte que les dommages qui ont été commis soient réparés. Nous devons faciliter la rencontre des peuples européens, aujourd’hui comme nous l’avons fait le 5 mai 1949.

M. WALTER (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Le risque est bien réel que, ce soir, notre Assemblée donne d’elle-même une bien piètre image à cause d’un manque de courage et de discernement.

Nous respectons tous M. Schennach, membre éminent de notre Assemblée, qui préside la commission de suivi. Son rapport est aussi clair que concis. Au mois d’avril, nous avons imposé des sanctions à la délégation de la Fédération de Russie en raison de son appui enthousiaste à l’annexion de la Crimée et du fait qu’elle n’avait pas respecté l’intégrité territoriale et la souveraineté d’un autre Etat membre du Conseil. Nous n’avons jamais fermé la porte au dialogue. Nos collègues russes ont toujours été les bienvenus à nos réunions pour expliquer leur position, mais ils ont choisi, neuf mois durant, de ne pas y participer. Or le rapport est parfaitement clair: rien n’a changé. L’action militaire de la Fédération de Russie dans l’est de l’Ukraine constitue même une nouvelle violation de la souveraineté de ce pays. Pourquoi, dès lors, devrions-nous réduire les sanctions? Pourquoi devrions-nous rétablir le droit de vote de la délégation russe si elle continue à violer les principes fondamentaux de cette Organisation? Le moment n’est donc pas venu de céder. La délégation russe n’a manifesté aucun remords, elle n’a présenté aucune excuse. Bien au contraire, la Russie continue à menacer ses voisins.

Je me considère comme un bon Européen et je crois à la solidarité européenne. Je voudrais rappeler à mes collègues des 28 pays membres de l’Union européenne, mais aussi de la Norvège, de l’Islande, de l’Albanie, du Monténégro et de la Suisse, que nos gouvernements, ensemble, avec l’appui de nos parlements et de nos peuples, ont soutenu les sanctions et les ont mêmes renforcées. Il faut donc aujourd’hui que l’Europe tout entière manifeste une vraie solidarité européenne à l’égard des populations de l’Ukraine, de la Géorgie et de la République de Moldova, pour défendre la prééminence du droit et les valeurs du Conseil de l’Europe. Mes chers collègues, je vous exhorte donc à maintenir les sanctions à l’égard de la Fédération de Russie jusqu’à ce qu’elle manifeste des remords et qu’elle accepte que l’Ukraine retrouve son intégrité territoriale. Je vous demande à tous de nous apporter votre soutien. N’oubliez pas qu’à nourrir l’ours, on risque fort d’y perdre les doigts.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Contrairement à l’intervenant précédent, je ne crois pas que cette Assemblée risque d’avoir l’air stupide ce soir. J’apprécie beaucoup la plateforme qu’elle représente pour la diplomatie parlementaire. Je croyais que M. Walter était d’accord sur le fait que l’on ne peut pas utiliser notre vote pour peser sur certaines décisions. Nous pouvons seulement dire ce que nous pensons.

En l’occurrence, il est important de dire que le fait de ne pas respecter l’intégrité territoriale d’un autre Etat membre constitue une violation du droit international. Si tel est bien le sens du projet de résolution, nous le soutenons.

Par ailleurs, il est important que notre plus grand Etat membre fasse tout pour mettre fin à la guerre civile qui fait rage en Ukraine. Or notre Assemblée n’est pas convaincue que la Russie fasse de son mieux. Si tel est bien l’objectif du projet de résolution, il a notre soutien.

Il est important aussi de rappeler qu’il y a d’autres acteurs: l’Union européenne et les Etats-Unis doivent veiller à ne pas aggraver le conflit. Si tel est bien l’objectif du projet de résolution, il a notre soutien.

En outre, nous ne devons jamais oublier que notre responsabilité – et celle du gouvernement de l’Ukraine – est de ne pas entrer dans un conflit armé, mais de retourner à la table des négociations. Il est donc important de dire à M. Porochenko qu’il n’y a pas de solution militaire à ce conflit. Si tel est bien l’objectif du projet de résolution, nous le soutenons.

Ce texte est le résultat d’une longue négociation entre les groupes politiques; il est d’ailleurs soutenu par quatre ou cinq présidents de groupe. Si l’objectif est bien de parvenir à un tel compromis, c’est une bonne chose, et nous soutenons ce projet de résolution.

Toutefois, certains amendements risquent d’altérer la nature même du texte. Ceux qui les ont déposés doivent bien réfléchir avant d’apporter des modifications qui risquent de compromettre toute l’entreprise. Si certains amendements venaient modifier la nature de la résolution, ce serait un argument pour le Parlement russe qui en tirerait prétexte pour suspendre sa coopération avec cette Assemblée et les autres instances du Conseil de l’Europe, ce qui ne serait pas sage. La Cour européenne des droits de l’homme protège 130 millions de citoyens russes, ne l’oublions pas. Le Président du Comité des Ministres a expliqué dans cet hémicycle qu’aucune limite n’était imposée au rôle de la Russie au sein de cet organe statutaire. Si tous les autres organes pensent qu’il est nécessaire de maintenir une plateforme démocratique, pourquoi nous autres, parlementaires, devrions-nous priver ces instances de cette possibilité? Tant que nos gouvernements maintiennent le dialogue avec la Russie, nous devons faire de même. Vous connaissez maintenant les arguments de mon groupe. J’écouterai les vôtres.

M. GROSS (Suisse), porte-parole du Groupe socialiste* – Le Groupe socialiste remercie M. Schennach pour ce travail minutieux, voire novateur. En effet, au cours des dix derniers jours, nous avons beaucoup travaillé et rencontré de nombreuses personnes. Nous avons adopté une nouvelle logique qui tient à la manière de nous définir. Nous ne sommes pas seulement une maison de la démocratie dont on chasserait les méchants; nous ne sommes pas une école de la démocratie où l’on mettrait au coin les mauvais élèves; nous sommes un hôpital de la démocratie. Or on ne met pas les patients dehors, on les soigne, on travaille avec eux, on essaie de surmonter les crises.

C’est précisément ce que nous devons faire: si nous sommes convaincus qu’il y a une issue à ce conflit, lequel s’accompagne de nombreuses violations des droits fondamentaux, et que cette issue ne peut être d’ordre militaire, alors il n’est pas possible de parvenir à cette solution sans dialogue. Il faut pouvoir persuader la Russie qu’elle a commis des erreurs, il faut qu’elle soit confrontée aux conséquences de ses actes. Il faut voir comment on peut aider les parties au conflit, ce qui n’est possible qu’en dialoguant avec elles. Discuter avec des amis ou des personnes qui partagent notre avis, c’est facile. Nous ne sommes pas là pour punir ceux qui prennent des décisions qui ne nous plaisent pas. Nous sommes là pour discuter avec eux, pour leur montrer que leurs actes sont inacceptables.

Si nous le voulons, si nous le pouvons, il faut choisir la solution proposée par M. Schennach. Il faut que les parlements de l’Ukraine et de la Russie continuent à dialoguer ici pour trouver une issue à la situation en Crimée et dans le Donbass. Il faut les convaincre que la situation actuelle ne peut perdurer, qu’il faut changer les choses pour surmonter la guerre.

C’est la raison pour laquelle nous avons besoin des Russes dans notre Assemblée, nous ne pouvons pas les renvoyer. Ce serait certes le plus simple, mais ce ne serait pas faire preuve de courage. Ce serait comme le mauvais enseignant qui se borne juste à mettre de mauvaises notes. Notre mission est d’arriver à de bons résultats, ce n’est pas seulement de se montrer ferme pour avoir bonne conscience. Et nous n’arriverons à de bons résultats que si nous travaillons les uns avec les autres, dans l’intérêt de tous. Voilà quelle est notre mission.

Donc, profitons de cette opportunité unique qui nous est offerte. Il n’y a qu’ici, dans cette Assemblée, que nous pouvons coopérer les uns avec les autres. Nous ne devons pas y renoncer, ce n’est pas faire preuve d’une fermeté excessive ou montrer sa force que de sanctionner. La force consiste ici à chercher une solution. Si cela ne fonctionne pas, ce sera autre chose. Mais ne même pas essayer d’y parvenir, ce serait capituler, ce serait faire preuve de faiblesse!

M. AGRAMUNT (Espagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – La Résolution 1990 du mois d’avril dernier était claire concernant l’agression de la Russie et laissait une porte ouverte pour qu’elle revienne au sein de l’Assemblée. J’étais confiant. Je pensais qu’avec l’Accord de Minsk, la situation reviendrait à la normale et que nous allions pouvoir discuter.

La réalité est bien différente aujourd’hui. Depuis Minsk, il y a eu plus de 5 000 morts, 14 000 blessés, des soldats mais aussi des femmes et des enfants qui ont été blessés, des deux côtés. Le nombre de réfugiés atteint plus de 1,5 million. Les Tatars de Crimée vivent une situation lamentable. Il y a une forte atteinte à la liberté de la presse dans les territoires occupés du Donbass et en Crimée. Nous avons assisté à de nombreuses attaques terroristes, qui se sont soldées par des résultats dramatiques, que ce soit à Kharkov ou à Marioupol, où trente personnes ont été tuées et une centaine blessées. Ce sont des attaques indiscriminées contre la population civile, comme à Donetsk.

La question que je me pose est la suivante: pourquoi un pays tel que la Fédération de Russie, qui savait que, cette semaine, nous aurions un débat important sur les pouvoirs de sa délégation, n’a-t-il rien fait pour calmer le jeu? Bien au contraire, la Fédération de Russie a augmenté la tension!

La Russie est partie à l’Accord de Minsk et a la possibilité de libérer Nadiia Savchenko, détenue illégalement. La Russie ne respecte pas l’immunité parlementaire. Nous l’avons bien entendu aujourd’hui. La Russie avait la possibilité de protéger la frontière avec l’Ukraine et d’empêcher que les mercenaires, les soldats et les armes passent de l’autre côté. Elle a la possibilité d’aider l’Ukraine et de mettre un terme à ce conflit, maintenant.

C’est la raison pour laquelle le Parti populaire européen que je représente veut que l’on reconnaisse ce manque de volonté de la part de la Fédération de Russie. C’est elle qui ne respecte pas l’Accord de Minsk. Je suis un défenseur ardent du dialogue, du consensus, mais surtout de la paix, et notre Assemblée est bien le lieu où l’on peut faire en sorte que Russes et Ukrainiens puissent discuter ensemble, débattre. Pour cela, il faut qu’une condition soit remplie: comme M. Schennach l’a bien rappelé dans son excellent rapport, la proposition de notre groupe, dans sa grande majorité, est de rétablir le droit de vote de la délégation de Russie. Mais nous souhaitons que des progrès soient obtenus d’ici le mois d’avril et nous pensons que c’est au mois d’avril qu’il faudra réexaminer notre position.

Notre groupe refusera tous les amendements présentés sur le rapport, sauf les amendements 13, 29, 27, 28 si son sous-amendement oral est adopté, 23 et 22. Nous allons, en outre, écouter les propositions du rapporteur portant sur un autre sous-amendement oral avant de décider de notre position.

Mme VĖSAITĖ (Lituanie)* – Mes chers collègues, voilà neuf mois, nous avons adopté une résolution dont les termes permettaient à la Fédération de Russie de faire quelque chose de positif pour régler le conflit. Or les Russes ont préféré quitter l’Assemblée parlementaire avec arrogance et refuser tout dialogue avec nous.

D’après la résolution, l’Assemblée parlementaire se réservait le droit d’annuler les pouvoirs de la délégation de la Fédération de Russie si celle-ci ne faisait rien pour enrayer l’escalade et pour restituer la Crimée à l’Ukraine. Quelque chose a-t-il été fait en ce sens? Rien!

Au contraire, la situation s’est encore détériorée. Dans ces conditions tous les efforts consentis pour adoucir les sanctions ne font que tourner en ridicule l’Assemblée parlementaire et le Conseil de l’Europe. Y a-t-il dans cette salle quelqu’un qui considère que la Fédération de Russie n’est pour rien dans la guerre en Ukraine? Des milliers de personnes sont mortes, des dizaines de milliers sont devenues des réfugiés. Comment réagiriez-vous si, parmi eux, vous comptiez des parents et des amis? En cet instant, alors même que nous parlons, des personnes sont en train d’être tuées. Si nous adoucissons les sanctions envers la Fédération de Russie, que dira la délégation ukrainienne à ses compatriotes de retour chez elle? Que nous l’abandonnons à son sort? Que l’Europe, cette Europe de la démocratie en laquelle les Ukrainiens ont placé tant d’espoir, appuie la Russie? Si nous votons en ce sens, j’en ai bien peur.

La suspension des droits de vote de la Fédération de Russie ne revient pas à exclure la Russie ni à l’empêcher de participer et d’avoir un dialogue politique avec nous. C’est la délégation russe qui a décidé de rompre le dialogue, ce n’est pas nous. Et maintenant, elle exerce un véritable chantage à l’encontre du Conseil de l’Europe en menaçant de quitter l’Organisation si nous ne lui restituons pas son droit de vote! Aussi longtemps que nous ferons des concessions et que nous essaierons de suggérer, poliment, la voie du dialogue politique, la Fédération de Russie s’efforcera de repousser les limites.

Aujourd’hui, l’Ukraine. A qui le tour demain: la République de Moldova, la Géorgie, les Etats baltes, peut-être?

Dans son rapport, M. Schennach formule un message politique très fort à l’adresse du Kremlin. Il semblerait qu’une solution politique ait été trouvée au sein de la commission de suivi. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à ce rapport et que je vous engage à voter pour l’amendement 28.

Mme DJUROVIĆ (Serbie)* – Mesdames et Messieurs, depuis la session d’avril au cours de laquelle nous avons voté la suspension des droits de vote de la délégation russe, la Fédération de Russie a maintes fois été évoquée à propos de différents sujets, mais bien souvent en l’absence de leurs élus.

Nous nous interrogeons ici sur la contestation des pouvoirs de la délégation russe. Si j’interviens sur le sujet pour la première fois, c’est parce que je ne voudrais pas que mon silence soit interprété comme un soutien que j’apporterais à ceux qui formulent leur opinion haut et fort, mais qui n’ont pas pour autant nécessairement raison. Nous sommes tous membres de l’Assemblée parlementaire et être membre comporte des droits mais aussi des obligations, et c’est notre obligation de veiller à la réputation et à la crédibilité de cette institution.

Le Secrétaire Général, M. Jagland, a toujours dit que l’une de ses priorités était d’améliorer la visibilité de l’Organisation et de renforcer sa pertinence et sa crédibilité. C’est ce que l’on fait en obtenant des résultats dans des situations concrètes. L’une d’entre elles est certainement celle qui s’est créée entre la Fédération de Russie et l’Ukraine. À cet égard, il semblerait qu’une mission de l’OSCE ait mieux compris cela que nous: sans même discuter d’une suspension des droits de vote, elle a fait la promotion du dialogue.

Ce qui a abouti à annoncer des résultats qui ont permis à l’OSCE de renforcer sa position sur le plan international. Avons-nous fait quelque chose pour renforcer la position du Conseil de l’Europe? Je crains que non. Au lieu de tirer les enseignements des erreurs du passé, on nous propose aujourd’hui de ne pas ratifier les pouvoirs de la délégation russe – proposition contraire aux principes du Conseil de l’Europe, qui prône le dialogue.

Je ne serai pas d’accord avec toutes les positions défendues par les parlementaires russes, mais je lutterai toujours pour le droit démocratique à s’exprimer. Je ne voterai jamais pour l’exclusion d’un député ou d’une délégation, quel que soit le pays. Les délégués sont les élus du pays qu’ils représentent; en les excluant, vous excluez les citoyens de ce pays, ce qui ne correspond pas à l’esprit de l’Organisation, qui a été créée pour promouvoir la démocratie et les droits de l’homme.

Je suis favorable à la ratification des pouvoirs de la délégation russe et j’invite les députés à ne pas se laisser influencer par des sentiments et à réagir en élus responsables dans les intérêts du Conseil de l’Europe.

M. BOROWSKI (Pologne)* – Ce rapport contient une analyse très approfondie et précise, mais ses conclusions sont totalement contradictoires.

L’article 16 de la résolution du mois d’avril 2014 qui limite les pouvoirs de la délégation russe précise que «l’Assemblée se réserve le droit d’annuler les pouvoirs de la délégation russe, si la Fédération de Russie n’amorce pas une désescalade de la situation ou ne fait pas marche arrière pour ce qui est de l’annexion de la Crimée». J’insiste sur le fait que la résolution parle bien d’«annuler» et non pas de «lever» ou d’«atténuer».

Or la Crimée est toujours occupée par la Russie. Non seulement il n’y a pas eu de désescalade, mais il y a plus de violences! Immédiatement après s’être emparée de la Crimée, la Russie a encouragé et soutenu les séparatistes dans l’Ukraine de l’est en y envoyant des troupes et des armes. Les séparatistes et des soldats russes déguisés violent constamment l’Accord de Minsk et attaquent non seulement l’armée ukrainienne, mais également les civils, comme ce fut le cas récemment à Marioupol.

Une propagande chauviniste et calomnieuse se répand en Russie: c’est ainsi que le gouvernement démocratiquement élu en Ukraine est qualifié de fasciste. Cela nous convainc que la Russie ne peut accepter le fait que l’Ukraine ait fait son propre choix, celui de l’Europe.

Au mois d’avril, les délégués russes nous ont assuré que le petit peuple vert de Crimée n’avait rien à voir avec l’armée russe et qu’il avait acheté ses armes dans les magasins. Trois mois plus tard, M. Poutine a reconnu que c’était un mensonge. Hier, nos amis russes ont essayé de nous convaincre qu’il n’y avait pas de soldat russe ni d’arme russe dans le Donbass. Chers amis, n’insultez pas notre intelligence!

Par voie de conclusion, les restrictions imposées au mois d’avril devraient être maintenues, le Conseil de l’Europe devant donner un signe clair et net. Le Conseil de l’Europe attend un réel cessez-le-feu, que l’on commence à retirer l’artillerie du Donbass et que l’on laisse les autorités ukrainiennes contrôler les frontières. Ce n’est qu’à ce prix que l’on pourra limiter ou lever les sanctions. Il n’est pas nécessaire d’insérer dans le rapport 21 conditions qui sont en partie irréalistes!

La délégation russe menace de quitter le Conseil de l’Europe. Si tel est le cas, nous le regretterons. Mais les pays libres, démocratiques, défendent leurs valeurs et ne peuvent pas céder au chantage. Il faut le dire haut et fort et avec fermeté: le Conseil de l’Europe n’acceptera jamais aucune agression. Si la Russie veut être un membre du Conseil de l’Europe, elle doit respecter les règles et les valeurs communes.

M. ZINGERIS (Lituanie)* – Aujourd’hui, nous devons prendre une décision importante. Un pays membre de notre Organisation a attaqué un autre pays. M. Gross, qui est un grand démocrate et un ami très cher, a dit que notre maison était l’hôpital de la démocratie. Alors, il faut revoir les obligations que la Russie a souscrites lorsqu’elle est devenue membre de notre Organisation. En effet, parmi ces obligations, il y a celle de ratifier l’accord du mois d’octobre 1994, entre les gouvernements moldove et russe, ainsi que l’obligation de retirer la 14e armée du territoire de la Moldova dans un délai de trois ans après la signature de l’accord. Depuis, vingt années se sont écoulées. Le problème de la Transnistrie est-il résolu? La situation est-elle réglée en Géorgie? Non.

Monsieur Gross, 28 points ne sont pas respectés dans l’hôpital dont vous parlez! Dans un hôpital, on est censé soigner des patients. Mais au vu de l’histoire récente, cet hôpital ne se transforme-t-il pas en cimetière des valeurs européennes?

Je suis membre de cette Assemblée depuis 1993, et je me rappelle des grands démocrates russes tels que Serguei Kemolov et Andrea Flourio, qui étaient membres de la délégation de Russie. Où sont-ils? Ils sont maintenant considérés comme des agents étrangers travaillant pour des ONG!

Où est notre diversité d’avis? Hier, lorsque nous parlions de la situation humanitaire en Ukraine, tous les avis étaient représentés. Mais aujourd’hui, il n’y a qu’un avis; tout est possible pour nos amis russes.

Qu’en est-il des Accords d’Helsinki concernant la stabilité des frontières? Allons-nous ouvrir la boîte de Pandore? Je pense que l’Ukraine est punie simplement parce qu’elle veut devenir un membre de l’Union européenne. Pourtant, l’Ukraine a le droit de vouloir adhérer à l’Union européenne et ne devrait pas être punie pour cela.

Mes chers collègues, je pense que nous devrions voter en faveur de l’amendement 28.

Mme BECK (Allemagne)* – Aujourd’hui, nous ne parlons pas uniquement de l’Ukraine et de la Russie. Nous parlons aussi de l’autorité de notre Assemblée.

L’Assemblée a pris une décision au mois d’avril: si l’annexion de la Crimée ne prenait pas fin, si la situation ne s’améliorait pas, nous envisagerions de retirer tous les pouvoirs à la délégation russe. Or aujourd’hui, plus personne ne parle de cette possibilité. Nous nous demandons même si nous n’allons pas rendre le droit de vote à la délégation russe. Nous avons pourtant besoin d’autorité au sein de cette Assemblée.

Depuis le mois d’avril, où, tous ensemble, nous avons pris une décision à propos d’un projet de résolution, rien n’a changé! Au contraire, la situation a empiré. Outre l’annexion de la Crimée, une guerre qui ne dit pas son nom se déroule dans la région du Donbass; le Secrétaire général de l’OSCE a dit aujourd’hui même que les armes proviennent de Russie. Trois cents civils sont morts. Marioupol a été la cible de tirs de mortier il y a quelques jours seulement. C’est incroyable!

Bien entendu, nos collègues russes doivent être respectés, traités en adultes responsables, en parlementaires responsables. Mais, à ce jour, ils ne nous ont pas montré qu’ils avaient envie de discuter avec nous. Je vous parle de mon point de vue d’Allemande. Aucun ministère des Affaires étrangères n’a eu des contacts aussi étroits que le nôtre avec la Fédération de Russie – des centaines de coups de téléphone, des dizaines et des dizaines de réunions. À Genève, dans le cadre de l’accord de Minsk, bref chaque fois que nous l’avons pu, nous avons essayé de discuter avec la Fédération de Russie. Celle-ci a fait des promesses, mais ne les a pas tenues. Voilà la situation terrible dans laquelle nous nous trouvons.

Chers collègues russes, vous êtes responsables de vos actes. Nous vous respectons, nous n’allons pas vous traiter comme des enfants. Si vous voulez rester membres de cette Organisation, premièrement, ne nous menacez pas de partir si vous n’obtenez pas ce que vous voulez. Deuxièmement, vous pourrez revenir, mais sachez que les droits de vote ne vous seront rendus que lorsque la situation aura véritablement commencé de s’améliorer.

M. ROMANOVICH (Fédération de Russie)* – J’avais préparé tout un discours, mais je vais plutôt répondre aux questions qui viennent d’être soulevées.

Notre collègue du Parlement allemand nous enjoint de nous comporter en adultes, de manière respectable. Pour notre part, nous voulons absolument dialoguer. C’est très sérieux. Quelque chose de grave est en train de se passer: on ouvre la boîte de Pandore. On a parlé aujourd’hui de Mme Savchenko, qui est malheureusement en détention. Mais nous pourrions, nous aussi, citer le cas de parlementaires qui sont dans une situation délicate du point de vue judiciaire. Je songe à un parlementaire russe que les Britanniques voulaient arrêter. Et que dire de Viktor Bout, qui a été emmené illégalement aux Etats-Unis?

En réalité, il n’y a aucune raison de nous exclure du dialogue paneuropéen. Pas de chantage! Je m’adresse donc à vous tous qui êtes présents dans cette salle: il faut évaluer avec le plus grand sérieux la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous tendons la main, nous souhaitons le dialogue, nous voulons que le conflit avec l’Ukraine soit réglé.

M. POZZO DI BORGO (France) – Pour nous prononcer sur le fond, nous devons apprécier trois éléments: le statut du parlementaire vis-à-vis du Comité des Ministres, l’efficacité des sanctions que notre Assemblée a votées en avril dernier et la situation politique et diplomatique globale.

Nous avons suspendu les droits de vote de nos collègues russes l’année dernière, mais pour quels résultats? Nous nous sommes surtout privés de la possibilité de discuter avec nos collègues, tant en séance qu’en commission, et notre Présidente a dû déployer beaucoup d’efforts pour maintenir le lien entre Strasbourg et Moscou. De surcroît, je rappelle que les Russes continuent de siéger tout à fait normalement au Comité des ministres. Pourquoi les parlementaires que nous sommes devraient-ils renoncer à toute marge de manœuvre, condamnant ainsi la diplomatie parlementaire?

Nous sommes tous parlementaires. Cela me choque que les sanctions décidées par la communauté européenne touchent des parlementaires. Cela me choque que, dans le Règlement de notre Assemblée, des parlementaires puissent demander la suspension des droits de vote d’autres parlementaires. Cela me choque parce que nous devons respecter les droits du parlementaire, dont le principal est le droit de voir son vote respecté, quel qu’il soit, qu’il plaise ou non. Cela me choque parce que la suspension des droits de vote d’un parlementaire représente une dérive qui pourrait se rapprocher d’une conception autoritaire, pour ne pas dire totalitaire, de l’exercice du pouvoir de la majorité au sein d’une assemblée parlementaire.

Je suis également membre de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, où les Russes siègent toujours. Or l’OSCE semble rencontrer plus de succès que le Conseil de l’Europe dans ses tentatives de résolution du conflit. Réfléchissez-y bien!

Par ailleurs, nos sanctions ont-elles un tant soit peu modifié la situation sur le terrain, dans un conflit terrible qui a déjà fait près de 5 000 morts? Je crains que non! Les combats dans le Donbass ont repris au cours des dernières semaines. Le report du sommet d’Astana, dans le format dit «Normandie», initialement prévu le 15 janvier dernier, n’est pas de bon augure. Les discussions sur le statut futur des régions séparatistes de l’est ukrainien, qui est l’un des volets de l’accord de Minsk, n’avancent pas.

Je reste néanmoins convaincu que l’Ukraine et la Russie ont intérêt à une désescalade. Kiev a compris l’impossibilité de reprendre le Donbass par les armes, d’autant plus que la poursuite de la guerre ruine son économie et empêche la mise en œuvre des réformes structurelles dont le pays a tant besoin. Moscou est isolée sur la scène internationale et son économie souffre des sanctions de l’Union européenne, même si la forte baisse du prix des hydrocarbures joue également un rôle non négligeable dans cette situation.

Méfiez-vous, mes chers collègues. Vous êtes parlementaires, vous avez connu la période soviétique: ne revenons pas en arrière. Le parlementaire doit jouir de la liberté de vote. Ne le condamnons pas.

Mme L’OVOCHKINA (Ukraine)* – Le sud-est de l’Ukraine, la région du Donbass et la Crimée, n’ont pas participé aux élections législatives en Ukraine. Ces régions sont sous-représentées au Parlement ukrainien et ne le sont pas du tout au Gouvernement. Je fais partie d’une force politique qui les représente. À ce titre, je tiens à souligner devant cette Assemblée que certains habitants souffrent directement de ce conflit parce qu’ils vivent sur un territoire occupé – le Donbass, Lougansk, la Crimée occupée –, tandis que les autres villes craignent que la guerre ne vienne à leurs portes. Le peuple ne veut rien d’autre que la paix.

Soyons francs: des forces politiques au sein de l’Ukraine appellent à la guerre et font la promotion du conflit armé. Notre Assemblée devrait décourager les initiatives du genre de la proposition de notre Premier ministre de créer un mur entre les deux pays. Il faut aussi refuser la proposition du ministre de la Défense qui a déclaré que seule la guerre permettrait de résoudre le conflit.

Tout cela découle de la corruption, de l’absence de réformes et des problèmes économiques. Je suis tout à fait d’accord avec le rapporteur. Il faut du dialogue d’abord au sein de l’Ukraine. Une réforme doit intervenir de fond en comble pour que naisse le dialogue entre nous et la Fédération de Russie, au niveau parlementaire comme à celui de l’Etat et du gouvernement.

Je suis d’accord avec le rapporteur. La pression doit être maintenue avec les sanctions. C’est cela qui encouragera la Russie à engager un dialogue utile avec l’Ukraine et le reste de l’Europe.

M. PUSHKOV (Fédération de Russie)* – Comme nous l’avons indiqué à plusieurs reprises, la Russie souhaite maintenir le dialogue et la coopération avec l’Assemblée parlementaire. C’est pourquoi, même après les sanctions visant notre délégation, sanctions qui sont contraires aux principes du parlementarisme, la Russie a maintenu des contacts avec l’Assemblée, même si elle ne pouvait pas participer à ses travaux comme partenaire à part entière.

Nous avons ainsi eu plusieurs réunions avec le Comité des Ministres à Paris, à Strasbourg, à Moscou. Nous avons participé aux travaux de certaines commissions et nous avons accepté des missions de suivi en Russie. Nous avons donc maintenu un dialogue. La délégation de la Fédération de Russie est prête à demander aux autorités de permettre à des représentants de l’Assemblée parlementaire, s’ils le souhaitent, de rendre visite à Mme Savchenko dans son lieu de détention pour avoir une idée claire de son état de santé et échanger avec elle.

Cela dit, Mme Savchenko n’est pas qu’un membre du Parlement ukrainien. C’est aussi une militaire accusée de crimes graves et d’avoir aidé à l’assassinat de deux journalistes russes. Malgré tout cela, nous sommes tout à fait prêts à vous aider.

Comme nous l’avons déclaré au Comité des Ministres, nous sommes également prêts à permettre à la commission de suivi de se rendre en Crimée.

Il y a un rapport sur la violation des droits humains dans l’est de l’Ukraine. Et nous venons d’entendre qu’il existe un parti pro-guerre en Ukraine. Hier, nous avons parlé des réfugiés. Pourquoi des milliers de personnes ont-elles quitté l’Ukraine? Parce qu’elles fuyaient les dévastations de l’armée ukrainienne. Elles étaient prises entre les tirs des deux parties. Il est clair qu’une bonne part de ce qui se passe en Ukraine est de la responsabilité de l’armé ukrainienne. Que l’on évite donc d’utiliser des termes offensants!

Sans la Russie, le dialogue interparlementaire européen serait-il plus ou moins productif? Est-ce qu’isoler la Russie permettrait d’arriver à une solution en Ukraine? Qui gagnera, les émotions ou la raison? C’est à vous de fournir les réponses à ces questions.

M. SUDARENKOV (Fédération de Russie)* – Je reviens quelques années en arrière lorsque nous avons examiné le même genre de sujet. L’ancien Président, un grand Président et grand parlementaire, M. de Puig, nous avait posé toute une série de questions. Qu’avions-nous fait pour régler la situation? On peut encore poser cette question aujourd’hui à tout le monde ici, moi y compris.

Il me semble que nous avons pris des positions qui ne servent pas l’objectif ultime rappelé par le Secrétaire Général: représenter toutes les parties. Ce n’est pas le cas. Une partie l’est. Mais quid de l’autre? Comment avoir un dialogue dans de telles conditions? De quel dialogue s’agit-il? S’il y a un dialogue, qu’il ne soit pas virtuel avec une évaluation virtuelle des faits, par le biais de l’internet par exemple.

Qui bafoue l’Accord de Minsk? Il faut absolument évaluer la situation. Or, l’Assemblée parlementaire n’a pas examiné la situation en Ukraine. Il y a pourtant toujours des causes à l’origine de tout conflit. Il faut les évaluer, car elles expliquent la situation aujourd’hui.

On peut voter des résolutions extrêmement strictes et dures, mais cela ne changera en rien la situation sur le terrain. Je le regrette. Et je vois avec tristesse que la grande majorité de mes concitoyens ne seraient pas contre le fait que la Russie mette un terme à sa coopération avec le Conseil de l’Europe... Cela me préoccupe beaucoup et je ne suis pas le seul.

M. MARIANI (France) – Dans trois semaines, comme un certain nombre d’entre vous, je serai à Vienne pour l’assemblée parlementaire de l’OSCE, qui a vocation à s’occuper de la sécurité. Je retrouverai des parlementaires ukrainiens, russes, américains, européens. Malgré la situation que nous connaissons, le dialogue continue à l’OSCE. Et comme l’a souligné tout à l’heure Yves Pozzo di Borgo, nos gouvernements continuent à dialoguer, ainsi que nos diplomates.

Voulons-nous aujourd’hui être la seule assemblée où ce dialogue soit totalement interrompu depuis longtemps? Regardons sincèrement le résultat de ces 9 mois. Il a été nul. Qui peut penser une seconde dans cet hémicycle que le fait de priver de droit de vote une délégation va ramener la paix? Si j’y croyais, je serais le premier à l’en priver. Mais comme vous, je connais l’Histoire. Du blocus de l’Angleterre par Napoléon au blocus de Cuba par les Etats Unis, levé il y a quelques jours, en passant par les sanctions votées par la SDN contre l’Italie, on n’a jamais abouti à rien. Quelqu’un peut-il me citer un seul exemple de sanctions ayant conduit à la paix? Chaque fois, il y a eu au contraire abandon du dialogue et perte de confiance.

Redonner une chance pendant une courte durée comme le propose le rapport Schennach peut-il ramener la paix? Je n’en sais rien. Mais au moins ça donne une chance à la paix.

On peut bien égrener la liste des massacres, certains ont cité Marioupol, on pourrait aussi citer Donetsk, Lougansk, on pourrait rappeler Odessa. Et à continuer ainsi, dans quelques mois nous en serons peut-être à ajouter d’autres villes. Est-ce une solution? Quid du rapport que nous avons adopté à la quasi-unanimité, il y a 24 heures, de M. Sheridan, qui rappelait qu’un million de personnes avaient été déplacées en Ukraine, que 500 000 s’étaient réfugiées en Russie – la solution est donc loin d’être simple puisque les réfugiés sont des deux côtés?

L’enjeu du vote, Monsieur Walter, n’est pas de savoir s’il y a des courageux d’un côté et des lâches de l’autre, il n’est pas de savoir si certains ont peur ou non. Les opinions de chacun d’entre nous sont respectables. Et chacun, tout à l’heure, se prononcera sur le rapport de M. Schennach en son âme et conscience car chacun, en son âme de parlementaire, défend des convictions. La mienne aujourd’hui est celle qu’exprimait lundi M. Reynders: l’implication de la Russie au sein du Conseil de l’Europe revêt un intérêt primordial pour la Russie, certes, mais aussi pour notre Organisation.

Je voterai le rapport de M. Schennach sans être sûr que cela servira à quelque chose; mais je suis convaincu que voter contre ce rapport est contre-productif, car c’est persister dans l’ignorance. Cette enceinte doit rester celle du dialogue, même si, par moments, nous avons du mal à nous comprendre.

M. SLUTSKY (Fédération de Russie)* – Notre Assemblée est en train de vivre un moment de vérité. Voilà 14 ans que j’en suis membre. Nous étions ensemble au moment de conflits aussi sanglants que ceux de Tchétchénie et nous avons alors pris des décisions qui, certes, n’étaient pas simples, mais nous avons bien dû les voter. Malgré les sanctions, les divisions, les contradictions, nous sommes des parlementaires et donc favorables à la diplomatie parlementaire. Nous devons unir nos peuples, nous devons, comme disent les mathématiciens, trouver le plus petit dénominateur commun qui constituera la base de toute solution.

D’ailleurs, en 2008-2009, lors des événements de Grozny, les décisions prises par l’Assemblée parlementaire étaient les bonnes. Nous devons rester ensemble aujourd’hui comme nous l’étions quand se posait la question de la Tchétchénie et de l’Ossétie du sud. Gardons à l’esprit les interventions de plusieurs délégués, tel M. Gross. Nous devons nous montrer constructifs.

C’est pourquoi nous pensons qu’il faudrait créer un groupe de contact consacré à l’Ukraine pour discuter ensemble, un groupe chargé de la rédaction d’un rapport. Il s’agit aussi de lutter contre tous les mensonges qui circulent dans l’espace médiatique. Nous devons utiliser toutes nos énergies pour combattre les forces qui s’emploient à créer un monde unipolaire.

À l’heure actuelle, le sang coule déjà dans le monde russophone. La Russie est un grand pays qui ne permettra pas cela. La Russie ne cédera jamais au chantage. La Russie veut faire partie de la communauté internationale, veut participer au dialogue au sein de l’Assemblée parlementaire. Plus que jamais, nous avons l’obligation de trouver une solution.

Soit nous décidons de nous unir, soit nous décidons de nous diviser – ce que souhaitent d’ailleurs les opposants à l’Europe. Ensemble, nous devons construire l’avenir de notre continent en respectant les grands principes du Conseil de l’Europe. Je vous demanderai, à cette fin, d’apporter votre soutien au rapport et ainsi de lutter contre la destruction de notre Organisation.

Mme ZELIENKOVÁ (République tchèque)* – En réaction à l’occupation de la Crimée, nous avons suspendu les droits de vote de la délégation russe et l’avons privée de tout poste à responsabilité au sein de l’Assemblée depuis le mois d’avril. Nous nous sommes réservé le droit d’annuler les pouvoirs de cette délégation si la Russie ne revenait pas sur l’annexion de la Crimée. Comment la situation a-t-elle évolué depuis? Eh bien, illégalement, la Russie a intégré la Crimée dans son territoire.

Un climat de peur s’y est installé. Les violations des droits de l’homme, les meurtres, les enlèvements, les emprisonnements, les actes d’intimidation vis-à-vis des opposants à l’occupation – pas seulement les Tatars, mais aussi les Ukrainiens – font désormais partie de la vie quotidienne en Crimée. Des dizaines de milliers de personnes ont fui après avoir été privées de leurs terres, de leurs biens et de leur dignité.

Nous savons ce qui s’est passé et la Russie a essayé d’appliquer le même scénario au Donbass. Comme lors de la crise en Crimée, Moscou prétend n’avoir rien à voir avec l’annexion de ces territoires alors que nous savons tous que c’est bel et bien la Russie qui est l’instigatrice de la rébellion armée contre l’Etat ukrainien. Tous les jours, les observateurs, les journalistes, les services secrets nous informent de déplacements de convois de véhicules armés et transportant de nombreux soldats russes depuis la Russie vers les territoires ukrainiens. Nous savons que cette guerre a fait fuir des centaines de milliers de personnes. Nous savons que cela a suscité beaucoup de haine et qu’il faudra longtemps avant que la cohabitation en bonne intelligence soit de nouveau possible.

Personne n’a davantage fait souffrir les russophones d’Ukraine que Poutine. Sans tout cela, la guerre serait finie depuis longtemps. C’est pourquoi nous devons renouveler les restrictions votées précédemment et annuler les pouvoirs de la délégation russe. La Russie doit en effet comprendre qu’à poursuivre cette politique d’expansion, elle ne sera plus du tout la bienvenue au Conseil de l’Europe.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Je remercie le rapporteur pour le caractère équilibré de son travail. Nous nous trouvons face à une situation particulièrement difficile. Si seulement j’avais une idée des actions à entreprendre! Quoi qu’il en soit, nous avons des obligations vis-à-vis de l’Ukraine et nous devons condamner le non-respect du droit international par la Russie. Ses actions ont fait souffrir un peuple innocent. La guerre est inacceptable, l’annexion d’un territoire d’un autre pays est tout aussi inacceptable.

Nous nous trouvons dans une situation tragique. De nombreux orateurs ont demandé au Conseil de l’Europe de montrer sa force. Nous sommes tous d’accord mais qu’est-ce que la force alors que nous sommes face à la crise européenne la plus dangereuse depuis la Seconde Guerre mondiale? Etre fort signifie contribuer à la recherche d’une solution pacifique que personne, malheureusement, n’est jusqu’à présent parvenu à trouver. En d’autres mots, pour pouvoir être fort, il faut être en mesure de faire la différence.

Nous avons un objectif commun: la paix en Ukraine; mais nous ne sommes pas d’accord quant aux moyens pour y parvenir. L’année dernière, nous avons essayé de trouver une solution en limitant les pouvoirs de la délégation de la Fédération de Russie mais cela n’a pas fonctionné: le peuple ukrainien continue à souffrir et la guerre n’a pas cessé.

Le rapport suggère une autre solution fondée sur le travail réalisé par la sous-commission sur la politique de voisinage de la Russie. Des délégués russes ont participé à ces discussions. Même s’ils n’étaient pas nombreux, ils ont fait preuve de bonne volonté pour prendre part au dialogue au sein d’un groupe de travail spécifique, avec des hauts représentants de la Douma et de la Verkhovna Rada et avec des experts internationaux indépendants. Nous avons au moins fait une tentative avec cette feuille de route.

On ne doit cependant pas limiter les pouvoir de la délégation russe. D’aucuns demandent qu’on ne cède pas au chantage russe; mais il faut tenter de maintenir le dialogue dans l’espoir de trouver une solution pour la paix. Regrouper des experts indépendants permettra peut-être d’étudier plus à fond ce conflit que nous ne l’avons fait jusqu’à présent.

Pour la Russie, l’accès aux bases navales de la Crimée et à la Mer noire est le véritable enjeu. Si des experts indépendants pouvaient contribuer à trouver des solutions à ce conflit, peut-être pourrions-nous, de façon graduelle, avancer vers une issue. En tout état de cause, ce projet de résolution offre un bon équilibre entre la raison et le cœur.

M. ARIEV (Ukraine)* – Mes chers collègues, vous ne vous êtes pas rendus dans le Donbass, vous n’avez pas parlé aux parents de ceux qui ont été tués par les armes russes. Pour comprendre la réalité de la situation dans cette région, je vous invite à regarder les photos de Marioupol et des soldats russes à Donetsk. Les preuves des agissements russes en Ukraine sont nombreuses.

Certains d’entre vous m’ont demandé pourquoi il fallait imposer des sanctions aux parlementaires russes de l’Assemblée. Selon eux, ce ne serait pas juste. Mais permettez-moi de rappeler qu’ils ont voté en faveur de l’annexion de la Crimée! Ils ont aussi voté l’envoi de troupes en Ukraine! Avons-nous entendu des regrets de leur part? Ont-ils fait machine arrière depuis l’adoption de la Résolution 1990, au mois d’avril 2014? Les discussions ont-elles repris sur de bonnes bases? Le dialogue tel qu’on l’entend aujourd’hui au sein de l’Assemblée constitue un affront pour les Ukrainiens.

Le paragraphe 16 du projet de résolution propose à l’Assemblée d’annuler les pouvoirs de la délégation russe lors sa partie de session de juin 2015 si aucune avancée n’est constatée dans la mise en œuvre des protocoles et du mémorandum de Minsk. Les sanctions doivent être maintenues tant qu’aucun retrait effectif n’aura eu lieu.

Les mesures proposées aujourd’hui par l’Assemblée sont sans commune mesure avec la gravité des faits. La peine est bien légère!

Je vous appelle, mes chers collègues, à soutenir l’amendement 14.

M. BELYAKOV (Fédération de Russie)* – La Fédération de Russie est aujourd’hui au centre de nombreuses critiques, mais la délégation russe n’est pas homogène et je suis membre d’un parti de l’opposition. J’ai personnellement beaucoup travaillé avec les structures européennes sur le droit électoral et la lutte contre la corruption. Au cours des cinq dernières années, deux de mes collègues ont subi les conséquences de cet engagement: l’un a été abattu, l’autre emprisonné. Lorsque les médias européens ont diffusé des informations sur la prétendue présence de l’armée russe sur le territoire ukrainien, je m’y suis intéressé de près et j’ai cherché des preuves, que je n’ai jamais trouvées.

On entend que des milliers de soldats russes ont traversé la frontière de l’Ukraine avec des chars et des armes lourdes. Où sont ces armes? Où sont les blessés? Où sont les prisonniers? J’ai bien cherché, mais je n’ai rien trouvé, ce qui m’a rendu très amer. Il n’existe ni documents, ni photographies qui puissent attester de la présence russe en Ukraine. Les faits avancés par les médias européens ne sont confirmés par aucun fait. Nous sommes aujourd’hui dans la même situation que celle que nous avons connue en Irak il y a quelques années, quand on nous disait qu’il y avait dans ce pays des armes nucléaires. Une fois sur place, il a bien fallu constater qu’il n’en était rien.

La Fédération de Russie a participé à de nombreuses réunions du Conseil de l’Europe. Le président de la Douma, Sergueï Narychkine, est venu en personne à Strasbourg. Quelle preuve supplémentaire voulez-vous de la bonne volonté de la Russie pour engager un véritable dialogue? De nombreuses personnes, dans cet hémicycle, ne comprennent pas qu’elles sont la proie d’une propagande mensongère!

M. SOBOLEV (Ukraine)* – Le principal argument aujourd’hui avancé dans cette discussion est la nécessité du dialogue. Je dois dire que, pour ce qui nous concerne, nous, les Ukrainiens, nous attendons ce dialogue depuis des mois! La situation aurait donc changé en trois jours? Avons-nous participé à une table ronde pour entendre parler de la «junte ukrainienne» et de l’illégitimité du président de l’Ukraine? Que sommes-nous en droit d’attendre?

Ce que nous attendons, pour commencer, ce sont les excuses de nos collègues russes pour avoir autorisé l’annexion de la Crimée. Pouvez-vous imaginer notre sentiment lorsque les troupes russes sont entrées sur notre territoire? Ai-je entendu des excuses? Non. Les Russes s’obstinent à nier les faits. Il suffit de se rendre en Crimée, pourtant, pour les constater. La Russie contrôle plus de 200 km de notre frontière. Après qu’elle eut envoyé des convois humanitaires en Ukraine, de nouvelles armes sont apparues et les morts se sont multipliés. Pourquoi? Nous n’avons pas de réponse.

L’Assemblée souhaite-t-elle réellement que ce type de dialogue reprenne? Mais ce n’est pas un dialogue!

Je vous le dis, si un compromis doit être possible – et nous remercions le rapporteur pour son rapport qui contient certaines conditions –, c’est bien celui contenu dans l’amendement 28. Ainsi, pendant trois mois, des preuves d’avancées pourront être apportées et nous pourrons en dresser le bilan: s’il est positif, nous avancerons, sinon nous nous tiendrons à nos principes. Nous ne les changerons pas parce que quelqu’un a décidé de tuer quelqu’un d’autre.

M. KVATCHANTIRADZE (Géorgie)* – Voilà une semaine de cela, j’ai eu la possibilité de me rendre en Ukraine. Je peux vous dire que la situation dans le pays est plus que préoccupante. Je l’ai vu de mes propres yeux. Elle a empiré depuis la dernière session de notre Assemblée. La Russie continue à défier de façon cynique la société internationale et à violer tous les principes de base du Conseil de l’Europe et de son Assemblée.

Il n’y a donc aucune raison de ne pas maintenir le statu quo à l’encontre de la Russie, en tout cas au moins jusqu’à la prochaine partie de session de notre Assemblée.

Malheureusement, dans le monde politique actuel en Russie, il n’y a personne qui comprenne totalement l’importance de la démocratie – nous sommes bien tristes de devoir le dire dans cet hémicycle. La politique russe à l’encontre de l’Ukraine, par exemple, a toujours été comparable au rapport qui peut exister entre un souverain et ses sujets. La Russie continue à attiser les tensions séparatistes.

Après un autre orateur hier, j’ai entendu M. Slutsky dire aujourd’hui qu’il n’y avait pas de preuves de la présence de militaires russes sur le territoire ukrainien. Nous avons pourtant bien vu certains militaires agir très loin de l’endroit où ils devraient être!

Je suis convaincu que si l’Assemblée ne maintient pas le statu quo vis-à-vis de la délégation de Russie, celle-ci fera en sorte que l’Ukraine retourne dans la sphère d’influence de la Russie. Il n’y a donc aucune résolution ou recommandation adoptée par l’Assemblée qui ait une aussi forte valeur historique que celle dont nous discutons.

Une part grandissante de la population ukrainienne est mécontente, irritée par les hésitations des institutions européennes et de leurs pays membres par rapport à la politique militaire de la Russie. Nous devons être fermes lorsqu’il s’agit de soutenir la résolution pacifique de tous les conflits.

Si la Russie redevenait membre à plein titre de notre Organisation aujourd’hui, nous violerions nos principes sous la pression de la machine militaire russe. Rien n’a changé depuis la dernière session. Au contraire, la situation en Ukraine a, je le répète, empiré. Je comprends qu’il ne soit pas facile de trouver une solution. Ce sera même très difficile. Mais la vie comme la liberté ne sont jamais faciles. Il est bien plus aisé d’accepter de devenir esclave.

Je demande donc que l’on maintienne le statu quo et que l’on reconnaisse qui sont les victimes de la situation. Je vous demande à tous de ne pas faire une erreur historique.

M. JAPARIDZE (Géorgie)* – Etre un membre de l’Assemblée parlementaire, c’est un privilège, ce n’est pas un droit. Les Etats membres doivent se soumettre à ses décisions. Si l’Assemblée parlementaire a un sens, ses membres doivent respecter ses règles. Malheureusement, la Fédération de Russie, de par ses actes en Ukraine, en Géorgie et ailleurs, a bien montré qu’elle n’avait nullement l’intention de les respecter. Elle a annexé illégalement la Crimée, elle a encouragé et soutenu les séparatistes dans l’est de l’Ukraine et elle occupe le territoire géorgien depuis 2008.

Certains parlementaires aujourd’hui soutiennent que les délégués russes devraient avoir la possibilité de participer à nouveau à cette Assemblée alors même qu’ironiquement la pression militaire russe en Ukraine gagne du terrain! Elle est bien plus importante en effet qu’elle ne l’était il y a un an lorsque la délégation russe a été privée pour la première fois de certains droits. Presque 5 000 Ukrainiens ont trouvé la mort suite à cette agression!

Tout récemment, la Russie a signé de prétendus traités avec l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Cela montre très clairement que partout où la Russie intervient, la démocratie et les droits de l’homme ne sont pas respectés.

Notre Assemblée défend des valeurs communes. Les violations de la souveraineté nationale en Géorgie, en Moldavie, en Ukraine, et le recours illicite à la force montrent bien que la Russie n’a pas l’intention de respecter ces valeurs communes. Aussi, lui donner à nouveau le droit de vote reviendrait à légitimer le recours à la force, signifierait que la situation est acceptable et saperait notre statut politique et moral.

Si effectivement les autorités russes acceptent de respecter les règles définies par l’Assemblée, à ce moment-là et à ce moment-là seulement, on pourra réexaminer la situation. C’est cela qui devrait constituer le compromis, Monsieur Schennach.

M. LOGVYNSKYI (Ukraine)* – La question des pouvoirs de la délégation russe à l’Assemblée parlementaire est une question de respect de soi, de l’Organisation et des principes de base sur lesquels nous nous fondons.

Lors de son adhésion au Conseil de l’Europe, la Russie s’est engagée à remplir ses obligations découlant de son statut de membre du Conseil de l’Europe. Je veux donc que la justice soit respectée.

Ces vingt dernières années, l’Assemblée a adressé de nombreux reproches à la Fédération de Russie s’agissant de ses relations avec ses voisins – je veux parler des conflits en Géorgie, en Moldavie, en Ukraine maintenant. Et voilà qu’aujourd’hui la Russie tente de nous montrer que la force prévaut sur le droit! C’est de la viabilité même du Conseil de l’Europe qu’il s’agit ici!

Après leur avoir pardonné les hostilités en Transnistrie, comme celles en Ossétie du Sud et en Abkhazie suite à la guerre en Géorgie, nous leur pardonnerions l’annexion de la Crimée? Si vous faites cela, soyez prêt à être le prochain sur la liste! La Russie ignore les principes clés du Conseil de l’Europe.

Elle fait maintenant l’objet de sanctions, ce qui n’équivaut pas à un soutien de l’Ukraine mais plutôt à un soutien des fondements de l’ordre mondial. Tous les membres de la communauté internationale devraient demander à l’agresseur de faire face à ses responsabilités. C’est ce qu’ont fait les Etats-Unis d’Amérique, le Canada, le Japon et beaucoup d’autres. Le Conseil de l’Europe doit s’associer à cette demande afin que la communauté internationale parle d’une seule voix.

Je rappellerai à cet égard ce qu’a dit dernièrement Angela Merkel: «Il ne fait aucun doute que la sécurité n’est possible qu’avec la Russie et non pas contre la Russie. Mais on ne peut accepter la loi de la jungle où le plus fort bafoue le droit international. Nous ne l’acceptons pas et nous ne l’accepterons pas.»

Gardez bien cela à l’esprit: il ne faut pas que la loi de la jungle prévale ici au Conseil de l’Europe.

Mme GERASHCHENKO (Ukraine) – Voilà un an que le Conseil d’Etat de la Fédération de Russie a autorisé l’entrée de ses troupes sur le territoire de l’Ukraine. Les hommes politiques russes qui se trouvent aujourd’hui dans cet hémicycle ont donc approuvé la guerre contre l’Ukraine. Ils ont laissé tuer les femmes et les enfants ukrainiens. Certaines personnalités politiques russes se sont vu refuser des visas, ce qui veut dire qu’on leur a refusé le droit d’entrée dans les pays de l’Union européenne. Or aujourd’hui ils sont à Strasbourg, comme si rien ne s’était passé, car, en tant que membres de l’Assemblée, ils bénéficient de l’immunité diplomatique. Dans le même temps, Nadiia Savchenko, députée ukrainienne, qui jouit elle aussi de l’immunité diplomatique, se trouve toujours dans une prison russe.

Nous voyons qu’aujourd’hui la politique russe est fondée sur le non-respect de toutes les normes et de toutes les règles. Il y a un an, le président russe, M. Poutine, a déclaré au monde entier qu’il n’y avait pas de troupes russes en Crimée. Plus tard, il a reconnu la présence de l’armée russe sur le territoire de cette péninsule. Chaque jour, nous recevons des informations faisant état de la répression contre les Tatars de Crimée. Notre collègue Mustafa Djemilev, leur leader, n’a pas le droit d’entrer sur le territoire de la Crimée occupée. Le Président de la Fédération russe a aussi déclaré que, s’il le fallait, il mettrait des femmes et des enfants devant les troupes russes. Actuellement, les terroristes prorusses installent des armes sur les toits dans des quartiers peuplés de civils et jusque dans les cours des écoles et des hôpitaux.

Je tiens à souligner que, dans la guerre qui a lieu au Donbass, ce sont les femmes et les enfants ukrainiens qui souffrent le plus. Les terroristes ont tiré des roquettes Grad sur le Boeing et sur le bus à proximité de Volnovakha, quartier de Marioupol peuplé de civils.

Les autorités russes font du chantage à l’Ukraine et au reste de monde en exigeant que l’on se mette à la table des négociations avec les terroristes des prétendues «républiques nationales» de Lougansk et de Donetsk et en se servant de femmes et d’enfants comme de boucliers humains.

C’est pourquoi, aujourd’hui, nous demandons au monde entier aussi bien qu’à l’Assemblée parlementaire d’être solidaire avec l’Ukraine. Nous sommes très reconnaissants à tous ceux qui disent: «Je suis Marioupol, je suis l’Ukraine, je m’oppose aux terroristes et aux pays qui les soutiennent».

L’Ukraine, le président de l’Ukraine, les autorités ukrainiennes et le peuple ukrainien se prononcent pour le règlement pacifique du conflit dans le Donbass, mais le dialogue est-il possible sous les tirs et les roquettes Grad?

Nous appelons au retour immédiat aux accords de Minsk. Nous demandons que les clauses de ces accords soient respectées. Il faut établir un vrai cessez-le-feu. La Fédération de Russie et les terroristes doivent libérer tous les prisonniers et tous les otages. L’Ukraine doit avoir le contrôle de ses frontières. Notre armée se trouve sur le territoire de l’Ukraine et elle accomplit son devoir. Que font les soldats et les armes russes en Ukraine? Nous exigeons avant toute chose le respect des accords signés à Minsk. Après seulement, nous pourrons parler du retour de la délégation russe dans cet hémicycle.

Mme KHIDASHELI (Géorgie)* – Monsieur Slutsky, vous avez dit que l’heure de vérité était arrivée pour l’Assemblée parlementaire. C’est vrai. Mme Beck a eu raison elle aussi de dire que c’est l’avenir même du Conseil de l’Europe qui est en jeu, car ce qui va se passer ici est important.

Notre travail est de prendre la parole pour défendre nos valeurs. Aujourd’hui, nous allons voter et, ce faisant, nous allons soit prouver que nos valeurs tiennent toujours, soit montrer que nous nous contentons de mots. Au cours des trois derniers jours, j’ai entendu de grandes phrases visant à marquer la solidarité à l’égard des Géorgiens et des Ukrainiens. Mais, mes chers collègues, je suis désolée de vous dire qu’il s’agit bien de l’Europe tout entière; il s’agit de chaque pays européen représenté dans cet hémicycle. Nous parlons d’une agression – et même d’une guerre – qui a lieu en plein cœur de l’Europe. Chaque Européen est concerné.

Malheureusement, nous entendons encore certains membres évoquer la possibilité d’un dialogue. Mais, mes chers collègues, la porte du dialogue a été ouverte pendant neuf mois. Il faut le répéter et le souligner: le dialogue a été offert à la Russie chaque jour depuis le mois d’avril dernier, moment où la décision de suspendre leurs droits de vote a été prise. Or les Russes ont décidé de partir et de ne pas participer au dialogue. Aujourd’hui, j’entends dire qu’il faut continuer. N’oubliez pas ce qui se passe dans les différents pays concernés. N’oubliez pas les mots qui ont été prononcés. Tenez compte de tous les arguments. Veut-on que toute personne présente dans cet hémicycle reste à bord du bateau de la démocratie et que l’on puisse discuter avec elle? C’est quelque chose de très sérieux.

Hier, il était question de l’Ukraine et de la Géorgie, c’est vrai, mais demain, il s’agira peut-être de la Lituanie, de la Lettonie, de l’Estonie, peut-être après de la Pologne. Nous savons tous ce qu’a été le rideau de fer. Laissez-moi vous dire encore une fois qu’aujourd’hui, dire non à ces sanctions reviendrait à nous excuser auprès des Russes pour l’erreur que nous aurions commise au mois d’avril. Je vous conseille fermement de ne pas le faire et de ne pas accepter la possibilité d’une autre occupation.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Comment parler après un discours aussi brillant?

Notre rapporteur a essayé de trouver une issue, mais je crois que son travail repose sur une illusion. Ainsi, au paragraphe 13, on lit que la Douma est à présent prête à entamer un dialogue constructif avec l’Assemblée, mais où en sont les preuves? On nous a dit que nous pouvions rendre visite à la parlementaire emprisonnée. S’agit-il pour les Russes d’une monnaie d’échange, alors même qu’elle n’aurait jamais dû se trouver en prison, étant protégée par l’immunité? On nous a dit aussi que nous pouvions nous rendre en Crimée, mais qu’y trouverions-nous? Le fait est que la Crimée a bel et bien été annexée par la Russie, ce qui est contraire à toutes les règles du droit international. Une délégation peut-elle y changer quoi que ce soit, dès lors que les Russes contrôlent entièrement la Crimée?

La suspension des droits de vote a une importance particulière: si nous renoncions à cette sanction, cela voudrait dire que tout est permis. Le Président Poutine, fort de ce vote, pourrait ensuite imposer des compromis. Tout le monde croit au dialogue; c’est même la raison d’être de notre Assemblée. Mais cela suppose qu’il y ait une réelle volonté de dialoguer. Si nos collègues russes veulent dialoguer, c’est le moment: qu’ils le fassent maintenant. Ce sont eux qui ont choisi de boycotter notre Assemblée. S’ils veulent le dialogue, c’est très bien.

Je pose la question: pourquoi avons-nous imposé des sanctions? Tout simplement à cause de l’annexion de la Crimée et des manœuvres de déstabilisation engagées par la Russie.

Ces chars n’ont pas été achetés dans des magasins, mais importés de Russie. La violence a-t-elle diminué depuis ces sanctions? Pas du tout! Je vous invite à lire le discours de M. Poutine prononcé en décembre devant la Douma d’Etat. Pourquoi devrions-nous bouger alors que c’est la Russie qui doit le faire?

Bien sûr, nous attendons également des concessions de la part du gouvernement ukrainien. Mais quel message donnerions-nous si ces sanctions étaient diluées et que nous disions à nos collègues qu’ils peuvent à nouveau voter? Ce serait tout à fait contraire à ce qui a été décidé dans d’autres enceintes internationales. Cela encouragerait la Russie et minerait la crédibilité de notre Organisation. Ce ne serait pas le bon message à envoyer. Il faut donc maintenir le statu quo.

LA PRÉSIDENTE – J’ai le regret de vous dire qu’il nous faut maintenant interrompre l’audition des orateurs. Nous étions convenus de l’interrompre à 19 h 20, il est 19 h 30, et nous devons encore nous prononcer sur les amendements.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les quatre heures, leur intervention dactylographiée au service de la Séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

J’appelle la réplique de la commission.

Monsieur le rapporteur, il vous reste trois minutes.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur* – Je remercie tous ceux qui ont pris la parole dans le cadre de ce débat, décisif pour l’Assemblée. Quelque chose a changé: en avril, j’étais déjà là, nous avons discuté et personne n’avait parlé de la Fédération de Russie. Je le reconnais.

Nous avons, c’est vrai, besoin d’un dialogue, mais nous constatons également que la méfiance est forte. C’est la raison pour laquelle la commission de suivi a décidé, si la proposition de M. Fischer est adopté, d’avancer l’échéance au mois d’avril, sans attendre le mois de juin. D’ici là, des conditions sont posées: une visite à Nadiia Savchenko; un groupe de travail portant sur la Crimée; puis un groupe de travail avec la Douma et, le 16 mars, est déjà prévue une réunion avec la commission de suivi.

D’ici le mois d’avril, nous aurons la possibilité de vérifier si la situation a évolué. Je proposerai alors peut-être que l’on puisse en discuter en Commission permanente.

Je lance donc un appel au Groupe de la gauche unitaire et à mon groupe, le Groupe socialiste, ainsi qu’aux délégations nationales, et à Mme Djurović afin que tous saisissent cette chance de compromis. C’est un signal fort que nous envoyons et la quasi-majorité d’entre nous, portés par nos valeurs, nous sommes favorables au dialogue, dans l’objectif de mettre un terme à l’un des conflits les plus meurtriers que nous connaissions actuellement sur le continent européen.

Je lance donc un appel à tous les membres de l’Assemblée pour que, tous, nous défendions ce compromis et que nous soyons unis et forts pour aller de l’avant.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission de suivi* – Nous sommes tous des hommes politiques. Il ne suffit pas simplement de montrer du doigt car nous savons bien que, bien souvent, s’il n’est pas trop difficile de désigner le coupable, il l’est bien plus de trouver une issue, une solution en vue d’améliorer la situation.

Nous sommes tous unis et nous voulons tous faire de notre mieux pour mettre un terme à la violence, aux souffrances et à cette guerre qui sévit au cœur de l’Europe, mais nos points de vue diffèrent sur ce que notre Assemblée doit faire pour améliorer la situation de milliers de personnes.

Notre rapporteur, M. Schennach, a travaillé très dur pour nous présenter un excellent rapport. De nombreux orateurs l’ont loué, même s’ils n’étaient pas toujours d’accord avec sa conclusion. Nous avons eu en commission un débat très houleux, émotionnel mais tout de même constructif. La décision est maintenant entre vos mains. L’avenir nous dira si nous avons pris la bonne décision, si cela permettra de contribuer à la solution, ou si nous n’avons été guidés que par les émotions. Il faut voter en partie avec notre cœur, en partie avec notre cerveau; et trouver la voie médiane entre les deux.

LA PRÉSIDENTE – La discussion générale est close.

Nous allons examiner le projet de résolution (Doc. 13685 révisé) présenté par la commission de suivi sur lequel 29 amendements ont été déposés.

Néanmoins, je tiens à attirer votre attention sur le fait que les amendements 14 et 2 ont été déclarés irrecevables. Ils ne seront donc pas discutés.

J’ai cru comprendre que le président de la commission de suivi souhaite proposer à l’Assemblée de considérer les amendements 29, 27 et 22, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le vice-président?

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission* – Effectivement, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE – Il n’y a pas d’objection. Les amendements 29, 27 et 22 sont déclarés définitivement adoptés.

Nous allons maintenant examiner les autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements révisé.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisie de l’amendement 3.

M. ZHELEZNYAK (Fédération de Russie)* – Nous proposons de compléter le paragraphe 2 par la création d’une sous-commission d’enquête chargée d’examiner les développements intervenus depuis août 2013. Le travail d’une telle commission pourrait aider l’Assemblée a mieux comprendre les événements en Ukraine et favoriser la recherche d’une solution, puisque c’est ce que nous devons faire, comme cela a été dit à plusieurs reprises aujourd’hui.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur* – Je suis opposé à cet amendement parce que nous n’avons pas besoin maintenant. Nous avons déjà fort à faire. C’était une proposition que nous avions faite en 2014, mais aujourd’hui, nous avons d’autres actions politiques à entreprendre.

Le moment viendra où il faudra mener ces enquêtes mais nous n’en avons pas besoin maintenant. Cela ne fait pas sens.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission* – L’avis de la commission est défavorable.

L’amendement 3 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 4.

M. ZHELEZNYAK (Fédération de Russie)* – Il y a beaucoup d’informations qui circulent dans le monde, et certaines d’entre elles ne sont pas confirmées par des faits. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’ajouter le terme «présumées» dans le paragraphe.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur* – Je suis contre cet amendement, car je me suis fondé sur des faits contenus dans le rapport du Commissaire aux droits de l’homme.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission* – La commission a rejeté cet amendement.

L’amendement 4 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – L’amendement 4 n’étant pas adopté, l’amendement 5 n’a plus d’objet.

Je suis saisie de l’amendement 6.

M. ZHELEZNYAK (Fédération de Russie)* – Nous souhaitons compléter le libellé en ajoutant le terme «apparemment». Nous sommes en effet convaincus que de nombreuses informations présentées dans ce projet n’ont pas été vérifiées ni confirmées.

M. ARIEV (Ukraine)* – L’année dernière, nous avons entendu l’intervention du chef des Tatars de Crimée qui nous a donné la preuve qu’il y avait bien eu enlèvements et disparitions. Ce sont des faits avérés, ajouter le mot «apparemment» n’est donc pas acceptable.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission* – La commission a rejeté cet amendement.

L’amendement 6 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 7.

M. ZHELEZNYAK (Fédération de Russie)* – Des demandes ont été adressées à la Fédération de Russie, or nous souhaitons qu’elles soient également adressées aux autres Etats membres du Conseil de l’Europe ainsi qu’aux pays observateurs. En effet, de nombreux faits confirmés montrent que des ressortissants de différents pays membres du Conseil de l’Europe sont présents sur le territoire ukrainien et non pas uniquement des ressortissants russes.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur* – Je suis contre cet amendement, car il n’y a pas d’autres Etats impliqués. Peut-être y a-t-il quelques volontaires illégaux venant d’autres pays, mais nous parlons bien de responsabilité et il n’y a pas d’autres Etats impliqués.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission* – La commission a rejeté cet amendement.

L’amendement 7 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 8.

M. ZHELEZNYAK (Fédération de Russie)* – Nous proposons d’élargir le libellé en mettant «forces d’opposition». Il s’agit de s’abstenir de fournir des armes à l’ensemble des forces en conflit si l’on veut trouver une véritable solution.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur* – Cet amendement affaiblit mon rapport, or je pense avoir été très clair. Je suis donc contre cet amendement.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission* – La commission a rejeté cet amendement.

L’amendement 8 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 9.

M. ZHELEZNYAK (Fédération de Russie)* – Nous insistons sur le fait que les volontaires sont des ressortissants de différents pays. Les demandes adressées à la Fédération de Russie doivent donc être également adressées à ces volontaires.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur* – Il se peut qu’il y ait quelques douzaines de volontaires illégaux d’autres pays, mais j’utilise les termes employés par l’OSCE qui dit qu’il y a 98 % de volontaires russes – il faut le dire clairement. Je suis donc contre cet amendement.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission* – La commission a rejeté cet amendement.

L’amendement 9 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 10.

M. ZHELEZNYAK (Fédération de Russie)* – Cet amendement concerne la participation de civils à des conflits armés; là encore, il ne s’agit pas uniquement de civils russes, mais de ressortissants d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe. Nous souhaitons donc que les demandes soient les mêmes pour tous.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur* – Si au paragraphe 7-3 nous disons très clairement qu’il s’agit de volontaires russes, alors il est tout à fait logique de dire au paragraphe 7-4 qu’il s’agit de la participation de civils russes. Il convient donc de rejeter cet amendement.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission* – La commission a rejeté cet amendement.

L’amendement 10 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 11.

M. ZHELEZNYAK (Fédération de Russie)* – Là encore, nous proposons que le droit, dans sa fermeté, touche tous les pays, et non la seule Fédération de Russie. N’oublions pas que des ressortissants d’autres pays peuvent tout à fait se présenter comme volontaires.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur* – Nous parlons toujours de la même chose. Mon rapport dit très clairement qui est responsable, qui doit faire quoi. Trêve d’arguties!

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission* – La commission est contre l’amendement.

L’amendement 11 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Nous en venons à l’amendement 1.

M. CHOPE (Royaume-Uni)* – Cet amendement exprime notre vive préoccupation face à la manière dont la Fédération de Russie nie être partie à l’Accord de Minsk et à ses protocoles. M. Narychkine et M. Slutsky assurent ainsi que la Russie n’est qu’observateur, de sorte que rien ne l’oblige à respecter ces textes. C’est un scandale!

M. KOX (Pays-Bas)* – Je suis opposé à l’amendement. Comme le disait le rapporteur, nous devons être attentifs aux faits. Fort de ce principe, je doute que nous ayons là la position officielle des autorités russes. Notre collègue Chope est d’avis que c’est ce que certains ont dit, mais M. Poutine ne se considère certainement pas comme un simple observateur de ces discussions.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission* – La commission est pour l’amendement.

L’amendement 1 est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 21.

Mme GERASHCHENKO (Ukraine) – Bien des faits attestent de la présence des forces militaires russes dans le Donbass. Nous demandons à l’Assemblée de reconnaître que les prétendues républiques nationales de Lougansk et de Donetsk sont des organisations terroristes et que la Russie soutient le terrorisme.

M. KOX (Pays-Bas)* – Contre l’amendement. Une fois de plus, soyons prudents et gardons-nous d’utiliser ces termes à la légère. Nous avons ici, au Conseil de l’Europe, nos propres conventions sur le terrorisme qui définissent clairement les choses. Cet amendement n’est pas utile au rapport. La situation est déjà suffisamment compliquée. Nous ne voyons d’ailleurs pas que ces organisations soient sur les listes officielles des organisations terroristes. Restons-en au texte de M. Schennach.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission* – La commission est contre l’amendement.

L’amendement 21 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE - Je suis saisie de l’amendement 13 qui fait l’objet d’un sous-amendement oral.

M. SOBOLEV (Ukraine)* – Madame Savchenko attend depuis six mois, en détention, la décision d’un tribunal russe. Ce que nous demandons peut être fait en 24 heures. Si ensuite les autorités russes souhaitent engager des poursuites contre elle, libre à elles, mais elles devront prouver sa culpabilité. Tel est le sens de l’amendement 13.

LA PRÉSIDENTE – La présidence a été saisie par M. Schennach du sous-amendement oral suivant: «Compléter l’alinéa 2 par les mots: “ou à la remettre à un pays tiers”.»

L’alinéa 2 serait ainsi rédigé: «L’Assemblée appelle les autorités russes à libérer Mme Savchenko dans les 24 heures et à garantir son retour en Ukraine ou à la remettre à un pays tiers.»

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en considération si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur* – Nous avons besoin d’une solution très rapide pour Mme Savchenko: nous ne pouvons attendre des discussions entre l’Ukraine et la Fédération de Russie. Des mécanismes internationaux existent – de La Haye, de Strasbourg – et nous pouvons compter sur les bons offices de la présidence du Conseil de l’Europe. D’où la mention d’un «pays tiers».

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Nous demandons que Mme Savchenko puisse rentrer dans son pays, directement ou indirectement: tout pays tiers raisonnable la laisserait rentrer en Ukraine. Je ne vois donc pas ce que ce sous-amendement changerait au sort de la prisonnière.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission* – La commission est pour le sous-amendement.

Le sous-amendement oral est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Nous en revenons à l’amendement sous-amendé.

M. KOX (Pays-Bas)* – Je le répète, les faits, rien que les faits. Voilà trois semaines que vous-même, Madame la Présidente, avec le Comité des Présidents, avez été informés par les Ukrainiens de ce grave problème touchant l’immunité de cette membre de l’Assemblée. Depuis, vous avez beaucoup œuvré et il semble y avoir un début d’accord avec la Russie sur la nécessité de faire quelque chose. En ajoutant que tout cela doit se faire dans les 24 heures, on n’améliore pas les chances de libération de Mme Savchenko à court terme.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission* – La commission est favorable à l’amendement sous-amendé.

L’amendement 13, sous-amendé, est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 12.

M. ZHELEZNYAK (Fédération de Russie)* – Madame la Présidente, cela fait longtemps que la 14e armée n’est plus en Transnistrie. Le contingent maintenu sur place fait simplement obstacle à la prolifération des armes en Europe. La Convention d’Istanbul est aussi très importante. C’est pour cela que nous proposons de supprimer le paragraphe 12.3

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – En 1995, à Istanbul, la Fédération de Russie a accepté cette obligation de retirer les troupes et équipements du territoire de la République de Moldova. Aujourd’hui, on propose d’annuler cette obligation. Vous voyez l’étendue du dialogue. Malheureusement il y a un problème technique. Nous devons demander que soient retirées les troupes «militaires» du territoire de la République de Moldova comme cela a été écrit plusieurs fois dans les résolutions de l’Assemblée parlementaire.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission * – Contre.

L’amendement 12 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 24.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Cet amendement vise à supprimer une partie du paragraphe d’origine qui parle de signes positifs émanant de la Fédération de Russie. Des gens trouvent la mort au quotidien. Cela ne peut être perçu comme positif. Il ne faut pas faire l’apologie de prétendus signes clairs.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur* – Avec cette phrase nous résumons l’expérience et les résultats de la commission ad hoc où nous avons reçu ces signes clairs. La commission de suivi s’occupe de cette question. Je suis contre l’amendement.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission * – Contre.

L’amendement 24 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 26. S’il est adopté, les amendements 25, 18, 16, 28 et 20 n’ont plus d’objet. S’il n’est pas adopté, l’amendement 15 n’a plus d’objet.

M. BAKRADZE (Géorgie)* – Lorsque nous avons adopté notre résolution en avril, le paragraphe 16 indiquait que «l’Assemblée se réserve le droit de renouveler les droits de la délégation de la Fédération de Russie à moins que l’annexion de la Crimée soit annulée et que la situation s’améliore en Ukraine». Actuellement nous ne voyons pas cela. En Ukraine la situation a empiré. Je demande aux collègues de faire preuve de crédibilité et je souhaite que nous tenions nos promesses.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur* – La majorité de la commission a voté en faveur de l’amendement 28 et non de l’amendement 26 qui est totalement contraire à l’esprit du rapport.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission * – Contre.

L’amendement 26 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Compte tenu de ce vote, l’amendement 15 n’a plus d’objet.

Je suis saisie de l’amendement 25. S’il est adopté, les amendements 18, 16, 28 et 20 n’ont plus d’objet.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Je retire cet amendement.

LA PRÉSIDENTE – L’amendement 25 est retiré.

Je suis saisie de l’amendement 18. S’il est adopté, les amendements 16, 28 et 20 n’ont plus d’objet. S’il n’est pas adopté ou si l’amendement 16 n’est pas adopté, les amendements identiques 17 et 19 n’ont plus d’objet.

Mme SOTNYK (Ukraine)* – Je souhaite souligner deux points saillants de cet amendement. D’après plusieurs paragraphes du rapport, la Fédération de Russie est responsable de violations flagrantes du droit international. Il n’y a aucun progrès depuis avril dernier. Le rapport reconnaît que la situation se dégrade en Ukraine. Pourquoi lever des restrictions imposées aux membres de la délégation russe précédemment? C’est pour cela que je propose d’ajouter deux restrictions, les droits de vote et le droit d’être représenté au sein du Bureau de l’Assemblée, du Comité des Présidents et de la Commission permanente.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur* – La commission a voté en grande majorité contre cet amendement. Comme le précédent, c’est contraire à l’esprit du rapport. On ne peut accepter ce compromis.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission * – Contre.

L’amendement 18 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – En conséquence de ce vote, les amendements identiques 17 et 19 n’ont plus d’objet.

Je suis saisie de l’amendement 16. S’il est adopté les amendements 20 et 28 n’ont plus d’objet. S’il n’est pas adopté, les amendements identiques 17 et 19 n’ont plus d’objet.

Mme ZELIENKOVÁ (République tchèque)* – L’amendement est défendu.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur* – La même majorité a rejeté cet amendement en commission pour les mêmes raisons que précédemment.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission * – Contre.

L’amendement 16 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – En conséquence de ce vote, les amendements identiques 17 et 19 n’ont plus d’objet.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 28 qui fait l’objet de deux sous-amendements oraux.

M. OMTZIGT (Pays-Bas)* – Il s’agit de l’amendement de compromis dont il était question l’année dernière. La suspension des droits de vote à la délégation russe devait prendre fin en cas d’amélioration de la situation – ce qui n’est pas advenu. Il est donc proposé de maintenir cette suspension sur laquelle il sera possible de revenir plus tard si la Fédération de Russie retire ses troupes et respecte l’Accord de Minsk. L’amendement vise également à suspendre les droits de vote et de représentation de la délégation russe au Bureau de l’Assemblée, au Comité des Président ainsi qu’à la Commission permanente.

LA PRÉSIDENTE – Le sous-amendement oral présenté par M. Agramunt vise, à la seconde phrase de l’alinéa 2, à substituer aux mots «de juin», les mots «d’avril». Il faudrait ainsi lire: «Elle décide toutefois de réexaminer cette question en vue de rétablir ces deux droits lors de la partie de session d’avril 2015 […]».

J’estime que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent en se levant.

Je constate qu’il n’y a pas d’objection à l’examen de ce sous-amendement.

M. AGRAMUNT (Espagne)* – Il s’agit tout simplement de réexaminer plus rapidement la situation, ce qui donne plus de possibilités au dialogue. C’est peu mais tout de même pas négligeable – du reste, presque tous les membres de la commission étaient d’accord sur ce point.

M. CILEVIČS (Lettonie)*, vice-président de la commission. La commission émet un avis favorable à ce sous-amendement oral.

Le sous-amendement oral est adopté.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur *– Mon sous-amendement oral est le résultat d’un compromis. M. Agramunt a précisé qu’il s’agissait de forcer quelque peu le dialogue. C’est pourquoi je souhaite biffer les mots «Commission permanente» afin de pouvoir poursuivre le dialogue au sein de cette commission.

LA PRÉSIDENTE – Je considère que ce second sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent en se levant.

Je constate que plus de 10 représentants s’opposent à la prise en compte de cet amendement. Il ne sera donc pas pris en compte.

LA PRÉSIDENTE – Nous en venons donc à l’amendement 28 tel qu’il a été sous-amendé précédemment.

M. KOX (Pays-Bas)* – La situation est très difficile pour nous tous. Si nous parvenons à trouver une solution de compromis, je ne comprends pas pourquoi certains collègues sapent les efforts consentis. Laisser les délégués russes en dehors de la Commission permanente – qui est une sorte de mini-Assemblée – n’a pas de sens. Je ne comprends pas qu’on veuille boycotter cette partie du dialogue. Je vous invite donc à voter contre cet amendement.

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission* – La commission est favorable à l’amendement sous-amendé.

L’amendement 28, sous-amendé, est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Les amendements 15, 17, 19 et 20 sont devenus sans objet.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 23.

M. GROSS (Suisse)* – Cet amendement précise que le groupe de travail spécial doit essayer «de contribuer à la mise en œuvre de toutes les propositions figurant dans la présente résolution».

M. CILEVIČS (Lettonie), vice-président de la commission* – La commission émet un avis favorable.

L’amendement 23 est adopté.

LA PRÉSIDENTE - Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13685 révisé, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (160 voix pour, 42 voix contre et 11 abstentions).

LA PRÉSIDENTE – Je remercie les membres de la commission et le rapporteur pour ce travail difficile. Je remercie également tous les intervenants pour la sérénité d’un débat délicat.

5. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu demain matin à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment.

La séance est levée.

La séance est levée à 20 h 20.

S O M M A I R E

1. Organisation des débats

2. L’égalité et la crise

Protection du droit de négociation collective, y compris le droit de grève

(Débat conjoint)

Présentation par M. Villumsen du rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination relatif à «L’égalité et la crise» (Doc. 13661)

Présentation par M. Kolman du rapport de la commission des questions sociales de la santé et du développement durable, saisie pour avis (Doc. 13683)

Présentation par M. Hunko du rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable sur la «Protection du droit de négociation collectif, y compris le droit de grève» (Doc. 13663)

Intervention de M. Ryder, directeur général de l’Organisation internationale du travail

Orateurs: Mme Kovács, MM. Daems, Lord Balfe, Elzinga, Mmes Wurm, Maury Pasquier, MM. Voruz, O’Reilly, Mmes Korenjak Kramar, Mulić, Christoffersen, Quintanilla, Gafarova, Mattila, MM. Mota Amaral, Díaz Tejera, Destexhe, Hanžek

Réponses de M. le directeur général, de M. Villumsen et de M. le président de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, puis de M. Hunko et de Mme la présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination

Votes sur un projet de résolution amendé et sur un projet de résolution

3. Election d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Serbie (Résultats du scrutin)

4. Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie

Présentation par M. Schennach du rapport de la commission de suivi (Doc. 13685)

Présentation par M. Franken de l’avis de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles (Doc. 13689)

Orateurs: MM. Xuclà, Walter, Kox, Gross, Agramunt, Mmes Vésaité, Djurović, MM. Borowski, Zingeris, Mme Beck, MM. Romanovich, Pozzo Di Borgo, Mme L’Ovochkina, MM. Pushkov, Sudarenkov, Mariani, Slutsky, Mmes Zelienková, Christoffersen, MM. Ariev, Belyakov, Sobolev, Kvatchantiradze, Japaridze, Logvynskyi, Mmes Gerashchenko, Khidasheli, Lord Anderson

Réponses de M. le rapporteur et de M. Cilevičs, vice-président de la commission de suivi

Vote sur un projet de résolution amendé

5. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d’un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV

Brigitte ALLAIN*

Jean-Charles ALLAVENA

Werner AMON/ Christine Muttonen

Luise AMTSBERG*

Liv Holm ANDERSEN

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Khadija ARIB/Tuur Elzinga

Volodymyr ARIEV

Egemen BAĞIŞ*

Theodora BAKOYANNIS*

David BAKRADZE

Taulant BALLA*

Gérard BAPT*

Gerard BARCIA DUEDRA/Josep Anton Bardina Pau

Doris BARNETT/Annette Groth

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK

Ondřej BENEŠIK/ Gabriela Pecková

José María BENEYTO/Carmen Quintanilla

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA/Oerd Bylykbashi

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ

Gülsün BİLGEHAN*

Brian BINLEY*

Ľuboš BLAHA*

Philippe BLANCHART*

Jean-Marie BOCKEL*

Olga BORZOVA*

Mladen BOSIĆ*

António BRAGA*

Anne BRASSEUR/Claude Adam

Alessandro BRATTI*

Piet De BRUYN/Hendrik Daems

Beata BUBLEWICZ

Gerold BÜCHEL

André BUGNON

Natalia BURYKINA/Robert Shlegel

Nunzia CATALFO*

Elena CENTEMERO*

Irakli CHIKOVANI

Vannino CHITI*

Tudor-Alexandru CHIUARIU/Viorel Riceard Badea

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH

James CLAPPISON*

Agustín CONDE

Telmo CORREIA*

Paolo CORSINI

Carlos COSTA NEVES

Celeste COSTANTINO*

Jonny CROSIO*

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN

Katalin CSÖBÖR

Joseph DEBONO GRECH

Reha DENEMEÇ

Alain DESTEXHE

Manlio DI STEFANO*

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK

Şaban DİŞLİ

Aleksandra DJUROVIĆ

Ioannis DRAGASAKIS*

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY

Alexander [The Earl of] DUNDEE

Nicole DURANTON

Josette DURRIEU

Mustafa DZHEMILIEV/Mariia Ionova

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL*

Bernd FABRITIUS

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA

Daniela FILIPIOVÁ/Miroslav Antl

Ute FINCKH-KRÄMER*

Axel E. FISCHER

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER

Hans FRANKEN

Béatrice FRESKO-ROLFO

Martin FRONC*

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO

Tina GHASEMI

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO*

Pavol GOGA*

Carlos Alberto GONÇALVES

Alina Ştefania GORGHIU*

Svetlana GORYACHEVA*

Sandro GOZI*

Fred de GRAAF/Pieter Omtzigt

François GROSDIDIER*

Andreas GROSS

Dzhema GROZDANOVA

Mehmet Kasim GÜLPINAR/Ahmet Berat Çonkar

Gergely GULYÁS*

Jonas GUNNARSSON

Nazmi GÜR

Antonio GUTIÉRREZ/Jordi Xuclà

Maria GUZENINA*

Márton GYÖNGYÖSI*

Sabir HAJIYEV

Margus HANSON

Alfred HEER/Maximilian Reimann

Michael HENNRICH*

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH

Oleksii HONCHARENKO/Svitlana Zalishchuk

Jim HOOD/David Crausby

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER*

Andrej HUNKO

Ali HUSEYNLI

Rafael HUSEYNOV

Vitaly IGNATENKO*

Florin IORDACHE/Daniel Florea

Tadeusz IWIŃSKI

Denis JACQUAT*

Gediminas JAKAVONIS/Dalia Kuodytė

Gordan JANDROKOVIĆ*

Tedo JAPARIDZE

Michael Aastrup JENSEN

Frank J. JENSSEN

Florina-Ruxandra JIPA*

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ*

Josip JURATOVIC

Antti KAIKKONEN/Sirkka-Liisa Anttila

Mustafa KARADAYI/Hamid Hamid

Marietta KARAMANLI

Niklas KARLSSON/Lotta Johnsson Fornarve

Andreja KATIČ/Matjaž Hanžek

Charles KENNEDY*

Tinatin KHIDASHELI

Danail KIRILOV*

Bogdan KLICH*

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR/Brynjar Níelsson

Ksenija KORENJAK KRAMAR

Attila KORODI

Alev KORUN

Rom KOSTŘICA

Elena KOUNTOURA*

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO*

Julia KRONLID*

Marek KRZĄKAŁA/Iwona Guzowska

Zviad KVATCHANTIRADZE

Athina KYRIAKIDOU

Serhiy LABAZIUK

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON

Pierre-Yves LE BORGN’

Jean-Yves LE DÉAUT*

Igor LEBEDEV*

Valentina LESKAJ*

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Georgii LOGVYNSKYI

François LONCLE*

George LOUKAIDES

Yuliya L’OVOCHKINA

Jacob LUND

Trine Pertou MACH/Nikolaj Villumsen

Saša MAGAZINOVIĆ*

Philippe MAHOUX

Thierry MARIANI

Soňa MARKOVÁ

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI

Ana MATO

Pirkko MATTILA

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA/John Halligan

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Ivan MELNIKOV*

Ana Catarina MENDONÇA

Attila MESTERHÁZY*

Jean-Claude MIGNON

Philipp MIßFELDER

Olivia MITCHELL

Igor MOROZOV*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK

Melita MULIĆ

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Hermine NAGHDALYAN*

Piotr NAIMSKI

Sergey NARYSHKIN*

Marian NEACŞU*

Zsolt NÉMETH

Miroslav NENUTIL

Baroness Emma NICHOLSON/Ian Liddell-Grainger

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Joseph O’REILLY

Maciej ORZECHOWSKI/Killion Munyama

Sandra OSBORNE/Michael Connarty

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI*

Ganira PASHAYEVA

Waldemar PAWLAK/Marek Borowski

Foteini PIPILI*

Vladimir PLIGIN*

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT*

Gabino PUCHE

Alexey PUSHKOV

Mailis REPS/Rait Maruste

Andrea RIGONI

François ROCHEBLOINE/Yves Pozzo Di Borgo

Soraya RODRÍGUEZ*

Alexander ROMANOVICH

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Rovshan RZAYEV

Indrek SAAR*

Àlex SÁEZ

Vincenzo SANTANGELO*

Milena SANTERINI*

Kimmo SASI

Nadiia SAVCHENKO*

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE

Urs SCHWALLER/Eric Voruz

Salvador SEDÓ

Predrag SEKULIĆ*

Ömer SELVİ

Aleksandar SENIĆ

Senad ŠEPIĆ*

Samad SEYIDOV/Sahiba Gafarova

Jim SHERIDAN/Jeffrey Donaldson

Bernd SIEBERT*

Valeri SIMEONOV

Andrej ŠIRCELJ

Arturas SKARDŽIUS

Leonid SLUTSKY

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI

Yanaki STOILOV*

Karin STRENZ

Ionuţ-Marian STROE*

Valeriy SUDARENKOV

Krzysztof SZCZERSKI

Damien THIÉRY/Cindy Franssen

Lord John E. TOMLINSON

Antoni TRENCHEV*

Konstantinos TRIANTAFYLLOS*

Mihai TUDOSE/Corneliu Mugurel Cozmanciuc

Goran TUPONJA/Snežana Jonica

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ

Konstantinos TZAVARAS*

Ilyas UMAKHANOV/Anton Belyakov

Dana VÁHALOVÁ

Olga-Nantia VALAVANI*

Snorre Serigstad VALEN*

Petrit VASILI*

Imre VEJKEY/Rózsa Hoffmann

Stefaan VERCAMER

Mark VERHEIJEN*

Birutė VĖSAITĖ

Anne-Mari VIROLAINEN

Vladimir VORONIN*

Viktor VOVK

Klaas de VRIES

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ*

Piotr WACH*

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON*

Tom WATSON/Geraint Davies

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER

Morten WOLD/Tore Hagebakken

Gisela WURM

Maciej WYDRZYŃSKI

Leonid YEMETS/Pavlo Unguryan

Tobias ZECH

Kristýna ZELIENKOVÁ

Sergey ZHELEZNYAK

Marie-Jo ZIMMERMANN/Marie-Christine Dalloz

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN/Naira Karapetyan

Levon ZOURABIAN/Mher Shahgeldyan

Siège vacant, Cyprus*

Siège vacant, France*

Siège vacant, République de Moldova*

Siège vacant, République de Moldova*

Siège vacant, ‘‘L’ex-République yougoslave de Macédoine’’*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Lord Richard BALFE

Andrzej JAWORSKI

Ryszard TERLECKI

Carmen QUINTANILLA

Jan RZYMEŁKA

Helena HATKA

Jean-Claude FRECON

Observateurs

Eloy CANTU SEGOVIA

Corneliu CHISU

Partenaires pour la démocratie

Hanane ABOULFATH

Nurbek ALIMBEKOV

Mohammed AMEUR

El Mokhtar GHAMBOU

Elmira IMANALIEVA

Asiya SASYKBAEVA

Mohamed YATIM

Annexe II

Liste des représentants ou suppléants qui ont participé au vote pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la Serbie

Egemen BAĞIŞ

José María BENEYTO/Carmen Quintanilla

Sali BERISHA/Oerd Bylykbashi

António BRAGA

Anne BRASSEUR/Claude Adam

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN

Reha DENEMEÇ

Alain DESTEXHE

Arcadio DÍAZ TEJERA

Şaban DİŞLİ

Nicole DURANTON

Tülin ERKAL KARA

Daniela FILIPIOVÁ/Miroslav Antl

Hans FRANKEN

Adele GAMBARO

Sandro GOZI

Mehmet Kasim GÜLPINAR/Ahmet Berat Çonkar

Jim HOOD/David Crausby

Ali HUSEYNLI

Tadeusz IWIŃSKI

Josip JURATOVIC

Marietta KARAMANLI

Andreja KATIČ/Matjaž Hanžek

Haluk KOÇ

Attila KORODI

Alev KORUN

George LOUKAIDES

Jacob LUND

Sir Alan MEALE

Olivia MITCHELL

João Bosco MOTA AMARAL

Miroslav NENUTIL

Michele NICOLETTI

Joseph O’REILLY

Soraya RODRÍGUEZ

Alexander ROMANOVICH

Rovshan RZAYEV

Àlex SÁEZ

Urs SCHWALLER/Eric Voruz

Ömer SELVİ

Yanaki STOILOV

Karin STRENZ

Mark VERHEIJEN

Anne-Mari VIROLAINEN

Sergey ZHELEZNYAK