FR15CR07

AS (2015) CR 07

SESSION ORDINAIRE DE 2015

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(Première partie)

COMPTE RENDU

de la septième séance

Jeudi 29 janvier 2015 à 10 heures

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 10 sous la présidence de Mme Brasseur, Présidente de l'Assemblée.

LA PRÉSIDENTE* – La séance est ouverte.

Mes chers collègues, lors de la séance de lundi matin, il avait été décidé de limiter le temps de parole des orateurs de jeudi après-midi à trois minutes.

Cependant, compte tenu de l’évolution de la liste des orateurs et du nombre d’amendements, je vous propose de revenir à un temps de parole de quatre minutes pour les débats inscrits à l’ordre du jour de cet après-midi.

En l’absence d’opposition, il en est ainsi décidé.

1. Communication du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

LA PRÉSIDENTE* – Je suis particulièrement heureuse d’accueillir le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe qui, s’il a participé à un grand nombre de nos réunions, est ici aujourd’hui afin de s’exprimer face à notre Assemblée. Nous lui souhaitons la bienvenue.

Comme je l’ai dit dans mon discours d’ouverture, 2014 n’a pas été une année facile pour notre Organisation et pour les valeurs que nous défendons. La crise en Ukraine, les intimidations envers les défenseurs des droits de l’homme, les restrictions à la liberté d’expression dans un certain nombre de nos Etats membres ainsi que la situation en matière de droits de l’homme des réfugiés, des demandeurs d’asile ainsi que des personnes déplacées internes (PDI), ne sont que quelques exemples des défis auxquels nous sommes confrontés.

Pour y répondre, il nous faut, au-delà de nos divergences politiques, rester unis autour de ces valeurs qui sont à la base du Conseil de l’Europe, à savoir les droits de l’homme, la prééminence du droit et la démocratie. Nous devons nous exprimer d’une seule et même voix lorsque les droits de l’homme et la démocratie sont menacées et lorsque les obligations prises par les Etats membres ne sont pas respectées.

Comme je le disais également voilà quatre jours dans mon intervention, s’il nous faut critiquer lorsque c’est nécessaire, il nous faut également accepter les critiques. À cet égard, nous devons fournir un soutien ciblé à nos Etats membres dans la mise en place des normes de notre Organisation en tenant toujours compte des spécificités de leur situation afin de les aider au mieux. À nous d’unir nos efforts lorsqu’il s’agit de mettre en place des mécanismes novateurs efficaces pour répondre aux nouvelles menaces à la démocratie, à la stabilité et aux droits de l’homme.

Monsieur le Secrétaire Général, sur tous ces fronts vous pouvez compter sur le soutien de notre Assemblée. Nous sommes impatients de discuter ensemble : aujourd’hui, la meilleure façon pour notre Organisation de répondre à ces nombreux défis, c’est bien la discussion.

Monsieur le Secrétaire Général, il s’agit là de votre deuxième mandat. Pour entamer moi-même mon deuxième mandat, j‘apprécie la coopération qui a été la nôtre, les nombreuses réunions bilatérales que nous avons eues, mais également, au-delà de ces réunions préparées à l’avance à Strasbourg ou à Paris, j’apprécie aussi nos échanges réguliers au pied levé. Ils sont essentiels.

Je suis convaincue que notre coopération continuera de la sorte et que nous pourrons continuer à travailler étroitement au cours de l’année à venir.

M. JAGLAND, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe* – Madame la Présidente, je vous remercie pour votre introduction.

Je puis en dire autant à votre sujet. En effet, nous coopérons de façon constructive, dans la même ligne qu’avec votre prédécesseur, M. Mignon, avec lequel j’avais également une excellente coopération. Il est essentiel d’avoir ce dialogue ouvert avec vous, en tant que Présidente, mais également avec les membres de cette Assemblée, en particulier aujourd’hui dans cette période faite d’incertitudes. Tel est le cas dans vos pays, sur notre continent. Un véritable affrontement a lieu, les uns accusant les autres d’avoir tort à 100%, les autres répliquant qu’ils ont, eux, raison à 100%. Nous sommes dans une ère du compromis, de la modération, mais malheureusement tout ne fonctionne plus comme avant.

Ici, ce qui nous unit, ce sont nos valeurs communes qui nous permettent de créer une plateforme pour le dialogue. Notre travail doit être guidé par le respect des droits de l’homme et de la prééminence du droit, ce qui signifie, bien entendu, une séparation des pouvoirs dans tous les Etats membres, des tribunaux indépendants, une liberté d’expression et de réunion, des élections libres et équitables. Mais cela signifie également qu’il faut absolument régler les conflits de manière pacifique. Ainsi qu’il l’est précisé dans notre Statut, c’est une obligation formelle qui nous est faite.

Les frontières ne peuvent être changées de façon unilatérale par l’utilisation de la force. La violence dans l’Est de l’Ukraine doit cesser. Le cessez-le-feu doit être respecté, le Protocole de Minsk doit être mis en œuvre. Nous devons absolument continuer à aider l’Ukraine afin qu’elle puisse construire un Etat démocratique solide et à long terme. C’est ainsi que nous arriverons à avoir une Ukraine libre et indépendante.

Le Conseil de l’Europe doit y contribuer. J’ai eu une conversation avec le président Porochenko à Auschwitz mardi. Sachez-le, il apprécie énormément notre soutien.

Nous avons 35 experts dans nos bureaux à Kiev. J’ai un représentant spécial auprès de la Verkhovna Rada qui nous donne des conseils au quotidien. Nous pouvons aider l’Ukraine à concevoir une Constitution qui permette de garantir son intégrité territoriale, de lancer un processus de décentralisation et d’ouvrir la voie à une résolution politique du conflit.

Notre Commission de Venise, qui est fort respectée dans le monde entier, peut également apporter son soutien. N’oublions pas notre charte pour les autonomies locales et régionales qui offre aussi un cadre juridique dans ce processus.

Chers amis, l’une des leçons que l’on peut tirer de l’histoire est que les cessez-le-feu ne sont respectés que lorsqu’un horizon politique se dégage. Nous pouvons y aider.

Nous avons également des personnes sur place à Moscou. Elles travaillent en particulier dans le cadre des réformes du système judiciaire et de la lutte contre la corruption.

Il nous faut continuer à travailler en faveur des organisations indépendantes et civiles. Faire une liste des ONG agents étrangers est une pratique qui ne doit plus avoir cours au XXIsiècle. Oui, il faut une transparence totale du financement des organisations, mais il ne faut pas non plus oublier qu’il s’agit d’agents libres qui œuvrent en faveur de la démocratie.

Je continue à croire que de véritables démocraties et des sociétés civiles vivantes sont nécessaires pour construire la confiance entre les nations. Cela vaut également pour l’Ukraine et la Fédération de Russie et les rapports entre ces pays. N’abandonnons pas tout espoir. L’enjeu est important pour l’Europe.

Il nous faut également continuer à être les gardiens de la liberté d’expression, sujet qui fait beaucoup de bruit en ce moment. Mais nous devons le faire dans les limites de la loi. Je suis de plus en plus inquiet de la façon dont le débat a lieu. Il se polarise de plus en plus. Tandis que certains estiment que l’on doit pouvoir tout publier, d’autres préfèrent que l’on ne publie rien du tout. À mon sens, ces deux parties ont tort, et je souhaite que le Conseil de l’Europe soit la voix de la raison dans ce débat.

La seule façon de défendre la liberté d’expression c’est d’être ouvert à quelques limites. Laissez- moi vous poser une question : lorsque les nazis ont fait nettoyer les rues de Vienne par les juifs avec leur brosse à dent et qu’ils ont ensuite reproduit la scène dans des dessins afin que tout le monde puisse les voir, s’agissait-il de liberté d’expression ? Non, il s’agissait là d’un rituel d’humiliation, d’un processus de déshumanisation des Juifs.

Tout le monde pouvait voir ces images, y compris ceux qui, par la suite, sont devenus des bourreaux dans les camps de concentration.

Le racisme et l’incitation à la violence sont illégaux. Il faut établir des limites. Au niveau européen, la prééminence du droit est garantie, notamment par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour européenne des droits de l’homme a, quant à elle, une jurisprudence claire qui fixe les limites. Il faut demander à nos pays de répondre à la menace terroriste tout en veillant à s’inscrire dans ce cadre juridique.

Ce qui s’est passé à Paris est terrifiant, mais ce n’était pas la première fois que de tels actes étaient perpétrés : pensons à Londres, Madrid, Beslan ou encore Utøya. Ces événements nous rappellent que l’Europe est confrontée à l’extrémisme et à la violence et que la menace se fait de plus en plus forte. Les gouvernements nationaux prennent des mesures ; ils se sentent sous pression. Ayant moi-même appartenu à des gouvernements, je sais que la population veut des réponses, mais le message que nous devons envoyer est le suivant : oui, il faut agir rapidement, mais nous devons agir ensemble. Nous ne pouvons pas accepter, dans notre approche, des différences trop importantes ou des contradictions. Oui, il faut protéger la population de la violence, mais nous devons également être les gardiens de ses libertés.

Quand le monde a fait face aux attaques d’Al-Qaida – je pense en particulier à l’attentat contre les tours jumelles –, nous avons vu à quel point la liberté peut être sacrifiée lorsque la sécurité est en jeu. Nous avons besoin d’une réponse internationale et ferme qui respecte nos valeurs communes et nos engagements au titre de la Convention européenne des droits de l’homme. À cet égard, je souhaite que le Conseil de l’Europe montre la voie, comme nous l’avons fait auparavant. En effet, certains des instruments juridiques les plus importants au niveau international en matière de lutte contre le terrorisme ont vu le jour ici, ce que beaucoup ignorent.

Après le 11-Septembre, cette Assemblée a été parmi les premières à dire qu’il fallait faire davantage. Nous avons négocié la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention du terrorisme et, pour la toute première fois, des normes internationales érigeant en infraction le recrutement et la formation des terroristes ont vu le jour. Plus important encore, a été considérée comme une infraction pénale toute incitation publique au terrorisme ; à l’époque, c’était une dimension à laquelle personne ne s’était encore intéressé. Où s’arrête la liberté d’expression et où commence l’incitation à faire le mal ? Malgré les difficultés, nous sommes tombés d’accord sur une position juridique commune et, en quelques mois, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution s’inspirant de notre convention, suivi de l’OSCE puis de l’Organisation des Etats américains. Un an plus tard, l’Union européenne a repris notre définition dans sa stratégie de lutte contre le terrorisme. Face à la menace nouvelle que constituait alors le terrorisme, nous avons déclenché une réponse globale. J’encourage donc vivement ceux de nos Etats membres qui n’ont toujours pas ratifié notre convention à le faire. Il ne doit y avoir aucune lacune juridique susceptible d’être exploitée par les terroristes.

Nous devons adopter une approche commune face à d’autres menaces, par exemple les terroristes qui prennent naissance au sein même de nos populations, ou encore les individus qui partent combattre à l’étranger au prétexte de faire du tourisme. À cet égard, la Syrie a tout changé. En septembre, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté à l’unanimité la Résolution 2178 condamnant l’extrémisme violent, soulignant la nécessité d’empêcher les déplacements des combattants terroristes étrangers et de punir le fait de les aider. C’est extrêmement difficile car, selon un principe fondamental du droit, on est innocent tant que la culpabilité n’a pas été établie. Comment faire face à l’intention de commettre un attentat ? Quelles sont les normes spécifiques qui peuvent être appliquées par les gouvernements nationaux ? Afin de fournir des réponses à ces questions, le Conseil de l’Europe prépare un protocole additionnel à notre convention. Jean-Paul Laborde, un grand magistrat français, Directeur exécutif du Comité contre le terrorisme des Nations Unies, nous a lui-même demandé de le faire. Une fois de plus, on nous demande donc de l’aide.

Dans ce protocole, nous traiterons des moyens permettant aux Etats membres de coopérer pour arrêter les terroristes potentiels qui se déplacent à l’étranger. Nous sommes aussi devant un dilemme encore plus grave : que faire lorsqu’ils reviennent ? On ne peut pas faire d’un citoyen un apatride ; il est extrêmement important que, dans ce domaine, la protection soit garantie à tous. Mais il est tout aussi clair que les Etats doivent avoir la possibilité de régler le problème posé par les citoyens partis combattre dans un autre pays et qui reviennent sur leur territoire. Nous travaillons pour vous fournir le plus rapidement possible une solution juridique claire. Ce protocole additionnel sera prêt pour la réunion des ministres prévue à la mi-mai.

Nous travaillons aussi à renforcer nos instruments pour prévenir la radicalisation. Les jeunes gens partis en Syrie ne sont pas tous des soldats endurcis : bien souvent, ils sont guidés par des raisons très personnelles, après avoir été recrutés sur internet ou dans les lieux de détention. Le Conseil de l’Europe réunira les directeurs d’établissements pénitentiaires et des services de probation de tout le continent afin de les soutenir dans leur lutte contre la radicalisation.

Je souhaite également réunir les gouvernements et les acteurs d’internet afin qu’ils se mettent d’accord sur des mesures permettant de lutter contre les discours de haine, tout en défendant la liberté d’expression.

J’aimerais aussi que nous réunissions les ministres européens de l’éducation, pour lesquels nous allons définir un certain nombre de critères et de normes en matière de citoyenneté démocratique destinés à être enseignés aux jeunes, auxquels il faut apprendre quelles sont leurs responsabilités civiques. Cela inclut aussi des éléments en matière interculturelle et dans le domaine de l’enseignement des religions. Tout cela pourra naturellement être adapté aux systèmes scolaires des différents Etats membres.

Nous réunirons également des figures de proue afin d’expliquer comment la religion est exploitée par les extrémistes. À cet égard, j’applaudis les nombreux groupes confessionnels qui ont condamné du plus profond de leur cœur les attaques qui ont touché l’Europe ces dernières années. Nous devons coucher tout cela par écrit, en un seul document, de façon à ce que tout le monde sache que la terreur n’a aucune religion.

Tous, ici, nous ressentons le sentiment qu’il y a urgence à agir. Nous estimons qu’à long terme la seule réponse est de lutter contre les conditions qui permettent à l’extrémisme de s’épanouir.

J’aimerais, pour conclure, vous parler d’un travail qui est quasiment achevé. En avril, je publierai mon deuxième rapport annuel, intitulé : « La situation relative aux droits de l’homme, à la démocratie et à la primauté du droit en Europe : une responsabilité partagée pour la sécurité démocratique en Europe ». Ce rapport évalue la manière dont les nations européennes peuvent garantir la sécurité de leurs citoyens grâce à leur engagement en faveur des normes démocratiques. Il permettra à vos gouvernements de mesurer ce qu’ils font et d’adopter une approche cohérente. Je peux d’ores et déjà vous dire que nos conclusions ne sont pas exactement celles auxquelles vous pourriez vous attendre. Les menaces qui pèsent sur la sécurité et la démocratie viennent de l’ensemble du territoire européen et aucun Etat ici ne peut être content de lui.

Chers amis, renouvelons notre engagement à travailler ensemble. Les événements tragiques du début de l’année constituent un défi très clair. Les menaces sont bien réelles et de nombreuses demandes nous sont adressées pour que nous fournissions des réponses. Nous devons être rapides, efficaces, lutter pour nos valeurs et y contribuer ensemble, en travaillant avec nos partenaires.

Je vous remercie de votre attention et suis prêt, comme toujours, à répondre à vos questions.

LA PRÉSIDENTE* – Monsieur le Secrétaire Général, je vous remercie de votre communication.

De nombreux collègues souhaitent vous poser des questions. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège), porte-parole du Groupe socialiste* – Monsieur le Secrétaire Général, hier, l’Assemblée a demandé une réponse démocratique aux attentats. Par ailleurs, le Comité des Ministres a adopté récemment deux recommandations sur les jeunes des quartiers défavorisés et sur l’intégration.

Comment le Conseil de l’Europe peut-il aider ses Etats membres à appliquer ces recommandations à un niveau local, là où les gens vivent au quotidien ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – L’exclusion sociale fait partie du problème. Si elle n’est pas le seul facteur, l’exclusion fait problème et constitue parfois un terreau pour le terrorisme qui provient de pays à régime totalitaire où les jeunes ne peuvent pas s’exprimer et où la seule forme d’expression choisie par certains est la violence : ils choisissent la vie au-delà faute d’avoir une vie sur terre.

Ce sont des cheminements que nous constatons parfois aussi en Europe. Il y a quelques jours, je lisais dans le journal que, dans certains quartiers en France, la moitié de la population est musulmane et qu’il y a une majorité de musulmans en prison, comme c’est le cas des noirs dans les prisons américaines. Cherchons à comprendre ces faits. Il est vrai que lorsque l’on connaît les banlieues des grandes villes européennes, on comprend mieux ce phénomène de l’exclusion que vivent certains dans des sociétés totalement parallèles à la nôtre, qui, partant, développent une culture et une mentalité qui leur sont propres. Il m’apparaît donc essentiel d’étudier et de comprendre ces questions, et je vois que le Gouvernement français prend cela très au sérieux.

Nous disposons d’un outil, qui est la Charte sociale. Une conférence très importante s’est d’ailleurs tenue sur le sujet à Turin sous la présidence italienne de l’Union européenne et la présidence belge du Conseil de l’Europe compte faire suite à cette conférence pour inscrire ladite cette charte dans les priorités de l’ordre du jour, car il faut qu’elle trouve sa traduction jusqu’au niveau local.

Nous avons aussi des outils concernant les prisons. Nous pouvons notamment nous appuyer sur le CPT, Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Nous devons également nous appuyer sur l’éducation. Le Conseil de l’Europe est la seule organisation européenne ayant les compétences et l’expertise nécessaires pour aider ceux qui enseignent dans les écoles. Le Centre européen de la jeunesse et des réseaux de jeunes peuvent organiser des dialogues partout en Europe.

Le Conseil de l’Europe, vous le voyez, peut donc faire bien des choses.

M. AGRAMUNT (Espagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Monsieur le Secrétaire Général, permettez-moi de commencer par vous remercier pour votre intervention et ses conclusions.

Nous sommes, pour notre part, extrêmement préoccupés par la situation sanitaire de Mme Nadiia Savchenko, dont la détention est illégale. Elle vient d’être transférée de la prison à l’hôpital, où on veut la forcer à s’alimenter, car elle a déjà perdu plus de vingt kilos. Quelles mesures comptez-vous prendre pour faire respecter les droits de notre collègue ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – Je suis très satisfait que votre Assemblée se soit emparée de ce dossier. J’ai abordé la question à plusieurs reprises avec les autorités russes. Je l’ai fait dans la discrétion parce que je pense que l’important est d’obtenir des résultats, mais il est vrai que, maintenant, nous sommes arrivés à un stade où la situation devient très critique.

Il ne fait aucun doute que protéger la vie, y compris en prison, c’est défendre nos valeurs. Je vais donc continuer à déployer tous mes efforts pour essayer de remédier à la situation, la sienne et celle d’autres personnes dans bien d’autres endroits en Europe.

M. XUCLÀ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Au nom du groupe libéral, je vous remercie pour votre communication. Vous avez dit quelque chose d’essentiel : le Conseil de l’Europe défend de façon passionnée les droits fondamentaux, parmi lesquels le droit à la liberté d’expression.

Vous avez aussi dit que ce droit, comme les autres, a des limites. Mais qui pose ces limites ? De mon point de vue, c’est le droit positif, ce ne saurait être la religion, la tradition et encore moins les coutumes. Seul le droit positif peut mettre en place ces limites. Or la législation varie selon les Etats membres : dans certains pays, le blasphème est constitué en infraction pénale ; dans d’autres, la législation est différente.

Pensez-vous que nous puissions tenir un débat sur la liberté d’expression et sur ces limites et que nous puissions définir un instrument général du Conseil de l’Europe relatif à cette liberté d’expression ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – Comme je l’ai déjà dit dans mon intervention, il s’agit là d’un débat particulièrement difficile, car il est difficile de trouver une ligne. À mon avis, la Cour peut peut-être le faire. C’est pour cela que j’en ai parlé, de même que je me suis référé à la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour européenne des droits de l’homme a développé une jurisprudence importante, dont une concernant le blasphème.

Il importe que tous les tribunaux nationaux se penchent sur cette jurisprudence. La plupart des nations européennes ont des législations concernant l’incitation à la violence, l’antisémitisme, le racisme, le négationnisme, mais il est fort difficile d’avoir des arrêts dans des affaires concrètes. Il est donc primordial que les expressions extrémistes soient contenues dans la sphère publique.

C’est la raison pour laquelle nous avons lancé cette campagne contre les discours de haine. Cependant, il ne faut pas oublier la prééminence du droit, l’article 10 et la jurisprudence de la Cour.

Après les événements de Paris, j’ai été étonné d’entendre dire que l’on pouvait insulter n’importe qui et que l’on pouvait tout dire. Non, je crois que nous avons tous des responsabilités.

Un dessinateur de Charlie Hebdo, qui a survécu à l’attaque terroriste, a rappelé qu’ils avaient diffusé les caricatures du Prophète en solidarité avec le journal danois Jyllands-Posten. Mais dessiner le Prophète avec une bombe dans le turban peut vouloir dire que tous les musulmans sont des terroristes. Et à mon sens, cela est dangereux. Si la liberté d’expression existe, nous avons également tous des responsabilités. Et les personnes qui ont attaqué Charlie Hebdo avaient cette approche.

Nous ne devons pas oublier ce qui s’est passé lors de la Seconde Guerre mondiale : comment il a été possible de déshumaniser un groupe de personnes. Si bien entendu nous ne pouvons pas être favorables à la suppression de la liberté d’expression, des limites doivent cependant être posées.

M. D. DAVIES (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Monsieur Jagland, suite aux attaques terribles qui se sont déroulées à Paris, vous avez publié une déclaration très forte en faveur de la liberté d’expression et du droit des journalistes à s’exprimer. Vous avez également participé à la marche de la solidarité et une commémoration a été organisée ici. Pouvez-vous me dire pourquoi, si vous êtes favorable à la liberté d’expression, il n’est pas possible d’acheter un exemplaire de Charlie Hebdo au kiosque du Conseil de l’Europe ? J’ai repéré un exemplaire qui n’était pas en vente et j’ai dû demander le droit de l’acheter. Sommes-nous des lâches ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – Je ne sais pas pourquoi ce journal n’est pas en vente ici. Il n’y a pas en tout cas à cela de raisons politiques, puisque tout le monde, dans cette Organisation, estime que des caricatures peuvent être dessinées et diffusées. J’imagine qu’il y a des raisons techniques pour expliquer ce que vous signalez.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Monsieur le Secrétaire Général, ce n’est qu’après la guerre froide que le Conseil de l’Europe a pu devenir cette plate-forme pour les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit. Les sanctions appliquées à la délégation russe et la réaction de celle-ci me poussent à croire que nous sommes peut-être à la veille d’une nouvelle guerre froide. Je déplore ces décisions et cette évolution inéluctable dont nous sommes partiellement responsables.

Cette Assemblée a cessé pendant un an de servir de plate-forme pour la diplomatie parlementaire. Comment pensez-vous pouvoir protéger le Conseil de l’Europe d’une érosion et d’une perte de pertinence supplémentaire ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – Tout d’abord, la décision prise par l’Assemblée parlementaire est votre décision. L’Assemblée parlementaire est indépendante et nous devons respecter ses décisions.

Mais ce que je peux vous dire, c’est que la Fédération de Russie est un membre à part entière du Conseil de l’Europe, qu’elle participe à toutes les activités du Comité des Ministres et que nous sommes la seule organisation internationale à avoir des activités claires en Fédération de Russie. Nous avons pu ouvrir un bureau à Moscou après de nombreuses années de discussion et nous sommes en train de discuter de programmes de coopération concrets pour assister la Russie dans la mise en place de réformes. Il faudra par exemple examiner la loi sur les agents étrangers.

Je suis d’accord avec vous pour dire qu’il existe un risque de s’engager sur la voie d’une nouvelle guerre froide, dont il serait très difficile de sortir. Mais j’estime que nous avons notre travail à faire, comme nous le faisons en Ukraine, pour contribuer à un éventuel processus de solutions politiques fondées sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Nous avons l’expertise nécessaire et il faut l’utiliser.

La chancelière Angela Merkel a ouvert, il y a quelques jours, une négociation entre l’Union européenne et une union douanière à l’Est. Des choses peuvent donc progresser si chacun en a la volonté.

Nous avons à notre disposition des instruments juridiques importants que les parties devraient utiliser pour, d’abord, obtenir un cessez-le-feu et, ensuite, ouvrir un horizon et des perspectives politiques.

M. MIGNON (France) – Monsieur le Secrétaire Général, la France a vécu, en ce début du mois de janvier, des heures noires. Vous étiez au premier rang de la marche républicaine. Je voulais vous en remercier de manière solennelle, en mon nom personnel et au nom de la délégation française.

Par ailleurs, je n’ai pas eu l’occasion de vous féliciter pour votre réélection. Je vous souhaite plein succès dans l’accomplissement de votre nouvelle mission au cours de ces cinq prochaines années.

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – Je vous remercie pour vos paroles aimables, elles sont importantes pour moi.

Le Gouvernement et le Parlement français se félicitent que nous ayons été à leurs côtés à Paris. La manifestation était extrêmement impressionnante.

Nous avons manifesté pour nos valeurs, celles que nous défendons.

Je viens de recevoir une information en rapport avec une précédente question : la dernière édition de Charlie Hebdo a été en vente au kiosque du Palais de l’Europe pendant plusieurs jours. Peut-être ne reste-t-il plus d’exemplaires ; j’en ai reçu un mais je ne l’ai pas encore vu, car j’étais absent.

Mme BARTOS (Hongrie)* – Au cours de cette partie de session, notre Assemblée a adopté l’excellent rapport de Mme Lundgren sur la mise en œuvre du Mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Selon le texte de la résolution, l’élément clé est l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. Après l’avis rendu par la Cour de Luxembourg, comment voyez-vous la situation ? Quels sont selon vous les principaux défis à relever ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – Vous avez raison, Madame, il s’agit d’un excellent rapport. L’avis rendu par la Cour de justice de l’Union européenne a compliqué le processus, j’en conviens. Mais l’essentiel est maintenant entre les mains de l’Union européenne : c’est à elle de déterminer comment faire avancer le processus. En effet, l’adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme est une obligation stipulée par le Traité de Lisbonne. L’Union européenne est donc liée ; la question qui se pose est celle des modalités.

En ce qui nous concerne, l’Union européenne doit garder à l’esprit, dans ce processus, que 19 de nos pays membres ne font pas partie de l’Union. Il lui faut donc trouver une solution compatible avec cet état de fait. C’est délicat, car il a déjà été compliqué de satisfaire à la fois l’Union européenne et les pays qui n’en sont pas membres. Mais nous n’abandonnerons pas. Le processus est seulement retardé.

Voilà tout ce que je peux dire à ce stade.

M. SCHENNACH (Autriche)* – Merci beaucoup, Monsieur le Secrétaire Général, pour votre travail et la manière dont vous en avez rendu compte.

J’aimerais revenir sur le cas de Nadiia Savchenko. Vous avez pris part à la mission de l’OSCE et, depuis lors, nous avons œuvré pour obtenir qu’elle puisse être remise à un pays tiers. Que pensez-vous de cette éventualité, à la lumière de votre grande expérience de la politique ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – Il m’est difficile d’entrer dans les détails. Voici ce que je puis dire à ce stade. Il faut avoir une approche humanitaire de ce dossier ; dans ces conditions, il sera possible de parvenir à une solution, par différents canaux et moyens. Personne n’a intérêt à l’empêcher.

M. VILLUMSEN (Danemark)* – Sous la présidence azerbaïdjanaise, le Conseil de l’Europe a clairement fait part de son intention de lutter contre la détérioration des droits de l’homme dans le pays. Qu’est-ce qui a été fait dans ce but ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – Beaucoup de choses ! Le Conseil de l’Europe est même sans doute le seul à avoir agi très concrètement en ce sens.

Prenons l’exemple de l’affaire Ilgar Mammadov qui a été portée devant la Cour européenne des droits de l’homme. La Cour a estimé que les accusations qui visaient M. Mammadov n’étaient pas fondées, qu’elles reposaient sur des motivations politiques, et qu’il devait être libéré. Le Comité des Ministres, responsable de l’exécution des arrêts de la Cour, insiste sur le fait que cet arrêt doit maintenant être exécuté : Ilgar Mammadov doit être libéré.

L’arrêt éclaire plus généralement la nature du système judiciaire en Azerbaïdjan. À cet égard, nous nous sommes mis d’accord avec ce pays sur un plan d’action incluant des programmes de coopération, en particulier dans le domaine judiciaire. Nous avons créé un comité mixte réunissant des représentants de l’administration présidentielle, des ONG et un expert de l’Organisation, pour travailler sur différents dossiers, ce qui a contribué à permettre la libération de dix personnes.

Plus généralement – car c’est un problème qui ne concerne pas seulement l’Azerbaïdjan –, c’est essentiellement en contribuant à la réforme du pouvoir judiciaire que nous pouvons agir pour les Etats membres. Sans indépendance des tribunaux, du pouvoir judiciaire, rien ne peut fonctionner. C’est le mandat clé du Conseil de l’Europe. C’est cette indépendance qui fait défaut en Azerbaïdjan et nous devons y travailler avec ce pays. C’est extrêmement difficile et long, je le sais, mais personne d’autre que nous n’agit concrètement en ce sens. La situation est mauvaise, j’en suis conscient. Mais que pouvons-nous faire d’autre ?

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – Chahbaz Gouliyev et Dilgam Askerov ont été pris en otages il y a quelques mois par le régime séparatiste, non reconnu par la communauté internationale, qui règne sur les territoires occupés par l’Arménie. Leurs familles attendent votre soutien. Comme Secrétaire Général, que pourriez-vous faire pour contribuer à leur libération ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – Votre question a trait au conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie dans le Haut-Karabakh. Jusqu’à présent, le Conseil de l’Europe n’a joué aucun rôle dans la résolution de ce problème, qui relève surtout de l’OSCE et du Groupe de Minsk.

J’ai soulevé le problème dans mon premier rapport annuel sur la situation des droits de l’homme et de l’Etat de droit en Europe : nous ne pouvons pas utiliser nos instruments et défendre nos valeurs dans ces « conflits gelés », autant de trous noirs du point de vue des droits de l’homme en Europe.

Nous devons voir comment apporter notre contribution. Je ne peux malheureusement pas entrer dans le détail ici. Il est très difficile de défendre les droits de l’homme dans les zones de conflits gelés.

Mais j’indique sans équivoque qu’il n’est pas acceptable que la Convention européenne des droits de l’homme ne s’applique pas dans ces régions. Tous les Européens, y compris ceux qui vivent dans le Haut Karabakh, en Transnistrie et ailleurs, ont droit à la protection de la Convention européenne des droits de l’homme et des autres instruments.

M. SABELLA (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – Concernant le soutien fourni aux groupes révolutionnaires dans les pays arabes comme la Syrie et la menace que l’extrémisme constitue pour la jeunesse européenne, quel est le rôle du Conseil de l’Europe ? Peut-il jouer un rôle plus important pour mettre un terme au conflit en Syrie ? Sans parler des négociations entre la Palestine et Israël…

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE* – On pourrait longuement parler de cela.

Nous essayons de jeter les bases pour lutter contre le départ de combattants étrangers en Syrie et leur retour sur notre continent. Que peut-on faire dans notre voisinage ? Nous pouvons poursuivre ce qui a été commencé. Nous avons des accords de coopération avec le Maroc et la Tunisie. Dans ce cadre nous essayons de voir comment construire des institutions démocratiques.

En Tunisie, ce qui s’est passé est exceptionnel. Des forces contraires ont en effet pu se mettre d’accord sur une Constitution. C’est un bon point de départ. La Tunisie est une histoire couronnée de succès, pour le moment la seule du « printemps arabe ». Nous devons absolument continuer à travailler de manière constructive dans ce domaine.

Nous avons bien entendu des rapports avec l’Autorité palestinienne et Israël. Mais nous ne jouons pas de rôle dans le processus de paix.

A cause de la guerre en Syrie, on compte 2 millions de réfugiés et 200 000 tués. Comment est-ce possible dans un monde civilisé ? Pourquoi ne pouvons-nous pas agir ? Comment faire pour que cela ne continue pas ? Voilà les questions auxquelles il faut répondre.

La Charte des Nations Unies précise que les membres du Conseil de Sécurité ont la responsabilité de la paix et de la sécurité pour nous tous. Pourtant, rien ne se passe. Cela prouve à quel point fonctionne le système international… ou pas. Nous sommes les témoins d’une période dramatique dans l’histoire du monde. Je pense aussi à ce qui se passe en Ukraine, où les combats continuent malgré la Charte des Nations Unies et malgré la responsabilité qui est la leur s’agissant de la sécurité dans le monde.

Avant, le monde était bipolaire. Aujourd’hui, il n’y a pas de véritables pôles. Personne ne prend la responsabilité ou la décision d’agir. Chacun ne pense qu’à l’intérêt national. C’est bien de là qu’est née la crise.

La Turquie a accueilli un grand nombre de réfugiés. J’ai visité une ville où maintenant on compte plus de réfugiés que d’habitants ! Je préfère m’arrêter là, car ce qui se passe est vraiment très, très négatif.

LA PRÉSIDENTE* – Malheureusement, nous allons devoir arrêter là les questions, mais en avril et à chaque partie de session, nous pourrons de nouveau vous questionner, Monsieur le Secrétaire Général, puisque vous nous l’avez proposé, ce dont je vous remercie. Merci beaucoup pour votre rapport et vos réponses. Tous les organes du Conseil de l’Europe travaillent ensemble, ainsi qu’il est nécessaire.

2. La protection de la liberté des médias en Europe

LA PRÉSIDENTE* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Flego, au nom de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias sur « la protection de la liberté des médias en Europe » (Doc. 13664).

Les votes sur les amendements, les projets de résolution et de recommandation auront lieu cet après-midi en début de séance.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. FLEGO (Croatie), rapporteur de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias* – Chers collègues, les médias sont bien plus que ce qu’ils semblent être au premier abord. La démocratie fonctionne principalement dans l’espace public que les médias occupent. Ils sont donc devenus une condition sine qua non de la démocratie représentative. Ils contribuent à la liberté et même au bonheur.

Cela montre très bien que les médias ne sont pas seulement des diffuseurs mécaniques d’information. N’oubliez pas que ce sont les journalistes qui choisissent leurs sujets et qui décident de quelle manière les hiérarchiser. Ce faisant, ils deviennent co-créateurs de l’information, co-créateurs de l’espace public et, par conséquent, co-créateurs de l’opinion publique. C’est pourquoi, notamment, les journalistes et leur travail sont essentiels pour cet espace public mais aussi pour nous en tant que personnes.

Les médias et les journalistes sont omniprésents dans notre quotidien, si bien que de nombreux intellectuels discutent d’un nouveau phénomène : la médiatisation de la société. Les médias et les journalistes jouent un rôle tellement important qu’ils méritent certes notre attention ; mais ils doivent aussi bénéficier d’une réglementation particulière et surtout d’une protection de l’Etat.

En raison de l’importance de l’espace public, nous préparons régulièrement des rapports aussi bien au sein de l’Assemblée parlementaire qu’au sein de nos Etats membres. Nous nous rendons compte alors à quel point la liberté des médias est conditionnée par la liberté des journalistes. Il est clair que cette liberté ne saurait exister si l’on n’assure pas leur sécurité. Ils sont en effet exposés à toutes sortes de pressions, qu’elles soient externes – monde de la politique et de l’entreprise – ou, dans le prolongement de ces dernières, internes – groupes d’intérêts, propriétaires des médias, rédacteurs en chef, qui tous essaient d’imposer aux journalistes une certaine manière de traiter leurs sujets. Ces pressions exercent un effet dissuasif et poussent à l’autocensure, à la crainte, voire à la soumission. Si le choix du sujet et son commentaire peuvent ainsi être imposés, la liberté des médias s’en trouve sapée et l’espace public déformé, dénaturé.

Le rôle de l’Etat est de protéger les principes démocratiques et leurs promoteurs, il est par conséquent de protéger les journalistes. Cela doit être clair pour tous, surtout après le cruel attentat dont ont été victimes les journalistes de Charlie Hebdo. Tous ceux qui veulent du bien à leur communauté politique doivent vraiment défendre la sécurité des journalistes.

Le pluralisme, la diversité, sont des éléments constitutifs de la démocratie représentative. Au contraire de certaines considérations selon lesquelles le pluralisme détruirait l’unité et serait source de cacophonie, nous pensons que la libre expression est le reflet de la diversité et le dénominateur commun qui permet de défendre l’intérêt public. La tentative de définir ce dénominateur commun exige que les médias soient libres et ouverts.

Depuis que l’on peut réfléchir, le fondement des relations entre les hommes est et demeurera le mot. De fait, la longue histoire de l’humanité montre les tentatives des puissants pour monopoliser le verbe.

La liberté a été un progrès pour l’Europe moderne et est devenue une valeur universelle. La liberté d’expression fait partie de cette évolution historique et constitue un élément essentiel de notre mode de vie contemporain. Nous avons l’obligation envers nous-mêmes mais aussi envers les générations futures de garder, de développer et de conserver cette liberté, la liberté des médias et des journalistes.

Il y a trois semaines, nous avons été témoins d’un événement horrible : la mort d’une douzaine de journalistes de Charlie Hebdo, tués uniquement parce qu’ils avaient publié un contenu qui n’était pas du goût de certains. Cette tragédie a donné lieu à une manifestation dont on ne peut que se féliciter : des millions de personnes, en France et ailleurs, sont descendues dans la rue pour protester contre le terrorisme et défendre la liberté d’expression.

Le rapport conclut que la situation des médias se détériore. Je citerai à cet égard un seul fait : au cours de ces deux dernières années, plus de trente journalistes ont trouvé la mort ! Ces victimes nous obligent – elles ont payé de leur vie leur lutte pour la liberté d’expression, pour la liberté des médias, une liberté que nous devons soutenir pour avoir un avenir meilleur.

En même temps, nous ne devons pas nous contenter de promouvoir la liberté des médias et pour cela d’exiger la sécurité des journalistes sur le papier ou, dans cette enceinte, en levant la main – il nous faut agir partout, dans nos pays, dans nos parlements.

Je terminerai par une remarque technique : le rapport est factuel parce que nous n’avons pas voulu reprendre certaines idées politiques. Il énumère toutes les violations de la liberté d’expression et de la liberté des médias que nous avons relevées. Il fait un certain nombre de propositions et les représentants des pays mentionnés ne les ont pas perçues comme une critique mais plutôt comme une possibilité d’aller de l’avant. Il s’agit de conseils amicaux pour les aider à faire mieux. C’est pourquoi je vous invite à adopter le rapport qui a fait l’objet de nombreux amendements et de sous-amendements puisque la discussion fut longue. J’espère que le résultat sera satisfaisant et que le rapport sera voté à une grande majorité sinon à l’unanimité.

LA PRÉSIDENTE* – Merci pour cette excellente présentation d’un non moins excellent rapport. Nous commençons la discussion générale avec les porte-parole des groupes.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – C’est un cliché que de dire que la démocratie a besoin d’une presse libre ; mais, comme de nombreux clichés, celui-ci est tellement vrai. Je félicite mon ami Flego pour avoir souligné les risques qu’encourent les médias et les journalistes en Ukraine et en Russie, en particulier, pour ce qui est de l’Europe. Le rapport, impressionnant, est d’une lecture déprimante. J’appelle votre attention sur le paragraphe 2.2 de l’exposé des motifs.

Il énumère tristement les noms des journalistes morts en Europe au cours des deux dernières années, auxquels il faut malheureusement ajouter ceux de Charlie Hebdo.

On a l’habitude de dire que le travail de journaliste est dangereux, mais c’est encore plus vrai dans certaines régions de l’Europe. Les journalistes subissent de fortes pressions. Dans certains pays, critiquer le gouvernement est un délit.

Nous avons tous ici été, un jour ou l’autre, critiqués par des journalistes. Moi qui ai exercé dans ma vie tour à tour les métiers de journaliste et de député, je connais bien les deux positions. Le travail du journaliste est de critiquer, le nôtre de protéger leur liberté, même si nous en subissons parfois les conséquences désagréables.

Nous devons être prêts, au Conseil de l’Europe, à venir en aide à ceux qui font un travail dangereux, avec courage. Le rapport de M. Flego décrit tout cela fort bien. Je ne doute pas qu’il recevra un soutien plein et entier de l’Assemblée.

M. Walter, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Brasseur au fauteuil présidentiel.

M. VILLUMSEN (Danemark), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – La menace contre la liberté des médias et la liberté d’expression n’émane pas seulement des terroristes, mais aussi des gouvernements de nos Etats membres. Le débat hier sur les attentats de Charlie Hebdo nous l’a bien montré.

Le rapport de M. Flego alerte sur la situation difficile des médias en Russie, en Ukraine, en Azerbaïdjan et en Turquie. À titre personnel, je m’étonne de la gravité du problème actuellement en Azerbaïdjan. Mmes Khadija Ismayilova et Leyla Yunus, ainsi que d’autres journalistes de ce pays, ont subi des traitements inacceptables, en complète violation des droits les plus fondamentaux. La liberté d’expression est un bien inaliénable. Sans débat libre, il ne peut y avoir de confiance ni de démocratie.

La liberté des médias est également mise à mal en Turquie. Les droits des journalistes kurdes, entre autres, ne sont pas respectés ; certains d’entre eux sont emprisonnés. La pression gouvernementale exercée sur les médias est inacceptable et mène bien souvent à l’autocensure. Il est essentiel que le financement des médias soit transparent. C’est vrai pour la Turquie comme pour l’Europe. Les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne respectent pas leurs obligations en matière de protection de la liberté des médias doivent prendre au sérieux notre appel. Les journalistes emprisonnées doivent être libérés et la liberté d’expression rétablie. L’attaque de Charlie Hebdo nous a cruellement rappelé à quel point la liberté de la presse est précieuse. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour qu’elle soit respectée.

Sir Alan MEALE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe socialiste* – Je suis honoré d’intervenir aujourd’hui devant l’Assemblée au nom du Groupe socialiste et de succéder aux deux précédents orateurs. Mon collègue britannique appartient certes à un autre groupe politique que le mien, mais sa réputation comme défenseur des médias et de la liberté d’expression n’est plus à faire.

L’attaque qui a visé les journalistes de Charlie Hebdo nous a rappelé, il y a peu de temps, que les journalistes sont toujours menacés. En Ukraine, au Moyen-Orient et en Afrique, leur situation reste très difficile. Depuis 2013, quand l’Assemblée s’est penchée sur la situation des médias en Europe, le nombre de journalistes assassinés, emprisonnés ou harcelés, n’a fait que croître. Ce nouveau rapport arrive donc à point nommé.

En tant que responsables politiques, nous avons tous l’expérience des excès de la presse. Les informations qui sont rapportées sont parfois tronquées ou désobligeantes. Les médias ne travaillent pas toujours avec une grande exigence. Au Royaume-Uni, le scandale de l’affaire Murdoch a révélé des écoutes illégales, du hacking sur internet et le harcèlement de personnalités officielles. Ainsi, alors qu’une petite fille avait été kidnappée et assassinée, ses parents, abusés par les journalistes, ont cru pendant plusieurs jours qu’elle était encore vivante. Ils ont ensuite été dédommagés. Les agissements de la presse dans nos sociétés démocratiques sont parfois particulièrement choquants.

Il y a quelques minutes, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a identifié des priorités pour notre Organisation, parmi lesquelles la liberté des médias et la sécurité des journalistes. Il ne s’agit pas d’un nouvel engagement. Mon ami Andrew McIntosh, autrefois membre de cette Assemblée et qui nous manque aujourd’hui, avait demandé qu’une plateforme internet soit créée pour informer sur les violations de la liberté de la presse. Nous avons signé un mémorandum d’accord sur le sujet l’année dernière, à Paris.

Le fait que certains journalistes se comportent de manière irresponsable ne doit pas être utilisé comme une arme contre la liberté de la presse. Il s’agit d’une atteinte au journalisme lui-même. Si l’on ne protège pas les journalistes quels qu’ils soient, l’impunité règnera dans nos pays.

Une presse libre a le droit de traiter de ce qui est fait par des individus, par différents mouvements ou par un gouvernement. Nous devons tout faire pour maintenir libres nos sociétés. Au nom du groupe socialiste, je me félicite vivement de l’excellent rapport rédigé par M. Flego. Il contient des recommandations extrêmement utiles et mérite tout notre soutien.

LE PRÉSIDENT – Heureusement, Sir Alan Meale, que vous ne parliez pas à la Chambre des communes avec une limite de temps !

M. FRANKEN (Pays-Bas), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Nous sommes confrontés à un paradoxe : si le rapport est excellent, son contenu est choquant !

Nous tous, membres de cette Assemblée, savons que la liberté d’expression est le fondement même de la démocratie. D’autres droits fondamentaux ne peuvent être effectifs que si l’information est diffusée par les médias publics. C’est la garantie de la liberté politique et de l’Etat de droit. Or, quand on lit le rapport de M. Flego, on découvre un catalogue d’infractions à cette liberté, consistant notamment à bloquer des canaux d’information ou à empêcher des journalistes ou des blogueurs d’informer le grand public. Très souvent, et c’est le plus grave, ce blocage va jusqu’à l’élimination des personnes qui produisent un contenu qui n’est pas considéré comme positif. J’en veux pour exemple ce qui s’est passé à Paris, il y a quelques semaines. Certains gouvernements réagissent également de manière très négative.

Le rapport établit une liste d’au moins 15 professionnels des médias qui sont morts en raison même de leur activité professionnelle. C’est toujours la même histoire : c’est le messager qui est puni si le message n’est pas le bienvenu. Cette liste de 15 professionnels est choquante. Monsieur le Président, au nom du Groupe PPE, je souhaite que toutes ces affaires fassent l’objet d’une enquête pénale et que les auteurs soient traduits en justice. L’impunité n’est tout simplement pas acceptable.

Le rapport Flego est le résultat d’un travail impressionnant. Le rapporteur a entrepris de vastes recherches, a entendu nombre d’experts et de témoins pendant plus de deux ans. Je tiens à le remercier pour tout le travail accompli. Il est très important que l’on nous force à nous regarder dans ce miroir, nous ainsi que les gouvernements. Nous demandons à ces derniers de mettre en œuvre les propositions qui figurent dans la proposition de résolution et dans la proposition de recommandation.

Ce document indique que deux Etats membres font l’objet d’une attention particulière de la part de la Commission de Venise. Je dois avouer que des améliorations ont été réalisées, en tout cas par la Hongrie. Depuis 2011, bon nombre d’améliorations ont été intégrées dans le droit des médias.

J’espère que la législation, non seulement en Hongrie et en Turquie, mais aussi dans d’autres pays européens, respectera l’avis rendu par la Commission de Venise et que les recommandations de notre Commissaire aux droits de l’homme et du représentant de l’OSCE dans le domaine des médias seront également respectées.

Bien sûr, il faut poursuivre le travail initié par le rapporteur. Il nous faut rester éveillés. Nous venons précisément de recevoir un rappel qui nous réveille, nous oblige tous à prendre des mesures et à suivre cela de près !

M. GARÐARSSON (Islande), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Au nom de mon groupe, j’aimerais tout d’abord remercier le rapporteur pour son très important rapport.

La liberté des médias est une des pierres angulaires du Conseil de l’Europe dont la mission est de renforcer la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit. Sans liberté des médias, le public ne peut se forger une opinion, ce qui est à la base d’une démocratie efficace.

La liberté des médias est plus que jamais limitée par la volonté de certains d’influencer l’opinion publique. La stabilité financière de la radiodiffusion publique est mise à mal dans certains Etats membres, ce qui menace leur indépendance, met en danger un débat public véritablement libre et peut avoir des conséquences sur la politique d’une rédaction. La transparence de la propriété des médias manque trop souvent, réduisant la probabilité d’un véritable pluralisme. Or c’est une condition sine qua non pour une société et pour un système politique pluralistes, comme le souligne le rapport.

Les journalistes en Europe sont menacés, agressés, enfermés, torturés et tués. Cette situation épouvantable existe dans des Etats membres du Conseil de l’Europe. Nous devons faire tout ce qui est nécessaire pour empêcher ces atrocités et pour sauvegarder la liberté d’expression et la liberté des médias, ici et ailleurs.

Reporters sans frontières, dans son rapport 2014, évoque l’augmentation du nombre des cas de pression sur des journalistes. Les médias deviennent des objectifs stratégiques, alors que les tentatives de contrôle de l’information sont des infractions au droit international.

Le classement de certains pays réalisé par Reporters sans frontières révèle la tendance de certains d’entre eux à interpréter la nécessité de sécurité par la protection des intérêts de l’Etat de manière restrictive. Cela fait peser dans le monde entier une menace croissante sur la liberté des médias, qu’il s’agisse de démocraties ou non.

La Finlande est tout en haut de l’indice de Reporters sans frontières, suivie des Pays-Bas et de la Norvège. Tout en bas de l’échelle, nous trouvons le Turkménistan, la Corée du Nord et l’Erythrée, trois pays où la liberté d’information n’existe tout simplement pas.

En dépit d’une sensibilisation croissante à la nécessité de la liberté des médias, la situation s’est aggravée en Europe. Cela signifie qu’il faut faire plus, que nous devons faire plus.

LE PRÉSIDENT* - La liste des orateurs s’exprimant au nom des groupes politiques est épuisée.

M. le rapporteur interviendra à la fin du débat.

Ayant été généreux avec les membres s’exprimant au nom des groupes en leur laissant dépasser leur temps de parole, je demanderai aux orateurs à venir de s’en tenir aux 3 minutes dont ils disposent.

Mme BİLGEHAN (Turquie) – Chers collègues, le rapport de M. Flego agitait déjà la sonnette d’alarme sur la sécurité des journalistes avant même que les attentats de Charlie Hebdo surviennent le 7 janvier. L’état de la liberté des médias est préoccupant selon plusieurs rapports d’ONG internationales. Freedom House a classé cinq pays du Conseil de l’Europe dans la catégorie « non libre », et dix-neuf pays dans la catégorie « en partie libre ». Ce n’est pas un bilan très flatteur pour nous tous.

Assassinats, arrestations, violences physiques, intimidations, renvois arbitraires, ingérence des autorités gouvernementales dans l’indépendance éditoriale, autocensure... Très peu de pays sont épargnés. Selon le rapport de M. Flego, beaucoup d’Etats européens appliquent des lois inefficaces ou trop restrictives sur la liberté d’accès à l’information ainsi que des lois trop contraignantes sur le secret d’Etat, la sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme.

Dans ces conditions, les journalistes de certains pays sont particulièrement exposés à l’hostilité du pouvoir en place, voire à des poursuites, lorsqu’ils cherchent à rendre compte de sujets sensibles relevant de l’intérêt public. Les journalistes d’investigation, dont le rôle dans la révélation des pratiques de corruption est important, sont menacés dans plusieurs Etats membres dès lors qu’ils touchent à certains intérêts majeurs ou à de grandes figures de l’Etat.

Mais, et c’est bien plus grave, selon le rapport, des preuves solides démontrent que l’impunité pour des crimes graves commis à l’encontre des journalistes, y compris le meurtre, reste endémique en Europe. Le message lancé par le Secrétaire général des Nations Unis reflète bien cette inquiétude : « Dans neuf cas sur dix, ces actes demeurent impunis, ce qui encourage leurs auteurs. Les gens ont peur de dénoncer la corruption, la répression politique ou d’autres violations des droits de l’homme. Il faut que cela cesse. »

Il existe des formes d’intimidation plus légères. De nombreux journalistes de la presse et des médias audiovisuels pratiquent l’autocensure parce qu’ils craignent de perdre leur emploi, d’être licenciés sommairement par leurs employeurs à la suite d’une intervention directe ou sous la pression de hauts fonctionnaires du gouvernement. L’amélioration de la transparence en ce qui concerne les propriétaires des médias sera d’ailleurs le sujet d’un autre rapport qui sera soumis prochainement à l’approbation de notre Assemblée. Je suis sûre qu’il y en aura d’autres. Quoi qu’il en soit, nous étudierons attentivement les effets du rapport de M. Flego.

Mon pays, la Turquie, compte parmi les pays les plus critiqués, mais quelques améliorations sont à noter. Par exemple, le nombre de journalistes emprisonnés, bien que toujours élevé, est passé de 100 à une dizaine. La coopération étroite avec le Conseil y est pour beaucoup.

Je sais l’attention et le souci d’impartialité avec lesquels M. Flego et le secrétariat de la commission ont préparé ce rapport. Ils ont contacté non seulement des associations de journalistes, mais aussi les autorités des différents pays. Je vous remercie, Monsieur Flego, et j’invite nos collègues à approuver votre rapport.

Mme SCHNEIDER-SCHNEITER (Suisse)* – La liberté des médias est de plus en plus sous pression. C’est la raison pour laquelle il est bon que l’Assemblée s’intéresse à ce sujet. Si le premier paragraphe de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit la liberté de la presse, celle-ci peut également être supprimée en vertu du second.

D’un côté, il est normal que la liberté des médias puisse être restreinte en vue de protéger la démocratie et la sécurité nationale, ou encore dans le cadre de la lutte contre la criminalité. De l’autre, c’est parfois un chèque en blanc signé à l’Etat, qui lui permet de limiter la liberté : au nom de la sécurité, il peut réprimer ce qui lui déplaît et condamner des journalistes au silence. Il est consternant de voir à quel point, dans bon nombre d’Etats membres, c’est-à-dire des pays qui sont soumis à la Convention européenne des droits de l’homme, les professionnels des médias sont menacés, méprisés, physiquement agressés. Certains font même l’objet de sévices pour la seule raison qu’ils diffusent des informations que l’on ne souhaite pas voir rendues publiques, parce qu’ils remettent en cause des régimes ou mettent au jour des pratiques de corruption. La liberté des médias n’est pas simplement un droit, c’est aussi un devoir de présenter les faits et les différents avis pour que les gens puissent se faire une opinion. Toutefois, il convient bien sûr de respecter des valeurs communes essentielles au vivre ensemble. Ainsi, selon moi, la satire doit avoir des limites.

Dans un pays libéral comme la Suisse, les médias ne sont pas menacés par l’Etat de voir leur liberté restreinte. D’autres facteurs les mettent sous pression et, de ce fait, menacent leur liberté. Je songe par exemple à un environnement médiatique peu diversifié ou à la présentation orientée des faits liés à la défense de certains intérêts. Je pense aussi aux pressions financières exercée par l’industrie des médias, qui peut conduire à une presse bon marché et superficielle. La liberté des médias nous concerne tous et c’est pour nous un immense défi. Je remercie l’auteur de ce rapport qui mérite tout notre soutien.

M. ROUQUET (France) – Ce débat, programmé depuis longtemps, arrive à un moment particulièrement opportun, après les tragiques événements survenus en France. L’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo illustre un refus viscéral chez certains de la liberté d’expression et, au-delà des cercles terroristes, la volonté, notamment aux Etats-Unis, de la subordonner à l’interdiction d’offenser quelque croyance que ce soit.

Pour citer un grand journaliste danois, M. Flemming Rose, il est très dangereux d’affirmer que « dire quelque chose d’offensant est aussi grave que commettre un crime violent. Alors qu’une caricature, c’est ce qu’il y a de plus civilisé et pacifique. Cette érosion de la distinction entre mots et actes sape la liberté de parole. Elle nous rapproche des dictatures ».

Le Traité sur la tolérance de Voltaire, publié en 1767, a connu ces derniers jours un succès foudroyant en France. Force est de reconnaître qu’il est toujours d’actualité : il existe encore des fanatiques qui veulent tuer les apostats et brûler les auteurs de blasphèmes. Le combat pour la liberté est permanent.

Au-delà de ce cas extrême, l’excellent rapport de M. Flego montre bien que les menaces pesant sur la liberté de la presse sont légion. Les atteintes sont parfois directes : menaces physiques, législations restrictives, instances de régulation aux ordres du gouvernement – les exemples cités dans le rapport sont accablants. Elles sont parfois économiques : la situation des médias, en particulier dans la presse écrite, est aujourd’hui difficile ; ils ont besoin de capitaux. Le modèle économique de la presse est à l’évidence en train de changer, notamment en raison de l’importance croissante des réseaux sociaux. La transition risque d’être difficile. Je crois que nous devrions y prêter une grande attention.

Les médias de service public éprouvent des difficultés spécifiques, au moment où les Etats sont soumis à de sévères contraintes budgétaires. Cette vulnérabilité économique donne tout son sens à la très opportune proposition de M. Flego de créer une carte d’identité des médias sur laquelle figureraient notamment les informations relatives au propriétaire du média concerné, ainsi que ceux qui contribuent dans une large mesure à ses revenus, à l’instar des gros annonceurs et des donateurs.

Monsieur Flego, je veux vous remercier, pour conclure, d’avoir accepté de cosigner un amendement, déposé par la délégation française, visant à faire référence, au début du projet de résolution, aux odieux attentats qui ont eu à Paris.

Mme DJUROVIĆ (Serbie)* – La garantie de la liberté d’expression et la protection de la liberté des médias sont des obligations fondamentales pour tout Etat membre du Conseil de l’Europe, conformément à la Convention européenne des droits de l’homme. Cela constitue même le fondement de tout gouvernement démocratique. Le rapport dont nous sommes saisis aujourd’hui, assorti d’un certain nombre de recommandations, est essentiel. J’aimerais donc féliciter le rapporteur pour son travail.

Toutefois, je voudrais rectifier certaines erreurs qui figurent dans l’exposé des motifs. Au paragraphe 36, vous parlez d’un journaliste assassiné en Serbie. La vérité est que M. Jovanovic est citoyen du Monténégro, que l’assassinat a eu lieu à Podgorica et que c’est le Monténégro qui mène l’enquête. La Serbie n’a rien à voir dans cette affaire.

Au paragraphe 35, vous dites que Bardhyl Ajeti a été assassiné en Serbie. Ce journaliste albanais, qui relatait les crimes de l’armée de libération du Kosovo, a été assassiné en 2005 alors qu’il était en route pour Priština.

La Serbie est très préoccupée des crimes commis par les Albanais du Kosovo mais, encore aujourd’hui, elle n’exerce aucune juridiction sur cette partie de son territoire. C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas en mesure d’y mener une enquête. Toutefois, Monsieur Flego, j’apprécie que vous respectiez l’intégrité territoriale de la Serbie et que vous considériez la Métochie et le Kosovo comme faisant partie intégrante de la Serbie.

Des enquêtes ont été menées sur les assassinats de journalistes en Serbie et sur l’obstruction des fonctionnaires de l’Etat, à laquelle il a été remédié. Des mesures ont notamment été prises concernant les procédures engagées sur le meurtre de Slavko Curuvija. C’est le même groupe de travail qui conduit l’enquête liée au meurtre de Milan Pantić, durant laquelle quelques problèmes se sont posés, dans la communication internationale, lors d’auditions réalisées hors Serbie.

La sécurité des journalistes et la liberté d’expression seront toujours pour nous une priorité. L’année dernière, conformément aux recommandations de Bruxelles, la Serbie a adopté des lois visant à apporter une plus grande transparence des médias. C’est une question cruciale pour nous, surtout quand on se rappelle combien les médias ont souffert en Serbie.

Je vous remercie, monsieur Flego, et je compte bien soutenir votre rapport.

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie)* – Je félicite l’auteur du rapport pour nous avoir présenté un document d’une telle qualité, mais je tiens à ce que vous soyez bien informés de la situation en Géorgie, en particulier deux ans après la première alternance.

À la suite des élections, nous avons un nouveau Premier ministre et nous constatons que la situation a empiré en ce qui concerne la critique des médias et des chaînes de télévision. Dès son arrivée, le Premier ministre a contesté le statut de notre plus grande chaîne de télévision, réfutant le fait qu’elle appartienne véritablement à ses propriétaires. Les bureaux du directeur général et du producteur exécutif ainsi que les bâtiments de la chaîne ont été visités. le Premier ministre met constamment en cause le propriétaire, accusé de ne diffuser que l’opinion de l’opposition et de travestir la réalité. Il a été impossible de prouver l’installation de caméras dans les locaux de la chaîne de télévision Rustavi 2, car celle-ci a refusé de révéler les noms de ceux qui l’ont informée de la présence de ces caméras.

Il importe également de noter que le gouvernement a contesté l’institut qui mesure l’audience et que les services fiscaux ont fait une pression sur celui-ci afin qu’il révèle des données personnelles. Un nouvel institut a été créé pour mesurer l’audimat en Géorgie et a déjà commencé à œuvrer. Cela répondait à une attente car le système détermine la publicité privée, source unique de financement de ces grandes sociétés de télévision critiques à l’égard du gouvernement. Mais, comme par hasard, une nouvelle législation vient d’être adoptée, limitant la durée allouée aux publicités. Il s’agissait, nous dit-on, de répondre à une directive de l’Union européenne, ce qui est faux, car nous avions plusieurs années devant nous pour mettre en œuvre ces dispositions.

Voilà pourquoi je vous invite à soutenir l’amendement 19 présenté à ce sujet.

Mme MAGRADZE (Géorgie)* – Permettez-moi tout d’abord de remercier le rapporteur, car toutes les informations présentées dans son rapport se fondent sur des faits.

Je pensais m’exprimer sur la grande liberté des médias en Géorgie mais, après avoir entendu ma collègue géorgienne du parti d’opposition, je ne peux pas lui répondre.

Tout d’abord, je pense qu’aucun opposant, actuel ou passé, à notre gouvernement n’est privé d’accès aux médias dans notre pays. Certaines chaînes telles que Rustavi 2 et d’autres sont pratiquement des chaînes d’opposition et peuvent tout à fait s’exprimer. Je suis donc très surprise d’entendre dire qu’il n’y a pas d’accès libre aux médias.

Pour ce qui est de la propriété des médias, le rapport propose d’établir des cartes d’identité. Ce serait un bon moyen pour mesurer la situation des médias en Géorgie. Ainsi, tout serait extrêmement transparent ; il n’y aurait plus de problème d’accès à l’information. Car si nos journalistes ont tout à fait accès à l’information, il arrive que, nous, membres du parti au pouvoir, ne bénéficiions pas de la même facilité d’accès.

Quant à la législation, nous avons élaboré une loi sur la publicité. Cette loi, dont on retrouve l’équivalent dans tous les pays démocratiques, définit les créneaux spécifiquement alloués à la publicité.

En conclusion, je tiens à souligner que de nombreuses organisations internationales estiment que la Géorgie est l’un des pays les plus avancés parmi les pays post-soviétiques d’Europe de l’Est en termes de liberté des médias. Certes, tout le monde peut émettre des critiques, mais je vous invite à vous référer aux faits et à la législation. Etudiez la législation en vigueur et voyez si elle empêche les chaînes télévisées ou les radios de travailler ! Il faut toujours se fonder sur les faits. Ne vous fiez pas aux rumeurs et prenez position sur la base d’éléments concrets !

Mme HOFFMANN (Hongrie)* – La liberté des médias est une valeur fondamentale depuis des siècles. Là où elle n’existe que sous contrôle et haute surveillance, les autres droits de l’homme n’existent pas non plus.

Au début de la révolution en Hongrie, en mars 1848, au XIXe siècle, l’une des premières actions des jeunes révolutionnaires a été de libérer les journalistes emprisonnés et d’occuper les ateliers de la plus grande imprimerie de presse et de déclarer la liberté de la presse. À l’inverse, après la Seconde Guerre mondiale, dès le déploiement de la dictature soviétique, le pouvoir communiste a poursuivi et emprisonné les journalistes et les écrivains hostiles qui refusaient de célébrer l’idéologie communiste.

Plusieurs d’entre eux ont même été exécutés. C’est pourquoi un des appels lancés lors de la révolution hongroise de 1956 concernait l’exigence des libertés de la presse et d’expression.

Il est aujourd’hui inacceptable de condamner des journalistes et des collaborateurs des médias pour leur façon de s’exprimer ou pour la manière dont ils exercent leur métier et, pire encore, de les exécuter, comme cela s’est produit à Paris au début du mois.

Tous les Hongrois condamnent ces attaques et ces agressions. Il est inacceptable qu’un terroriste poursuive ou menace des journalistes. La liberté d’expression ne peut avoir qu’une exigence : la dignité de chaque être humain et le respect des convictions, qui prennent naturellement un sens différent dans des sociétés démocratiques.

Il est un enseignement moral, connu depuis l’antiquité, ainsi formulé par Sénèque, le philosophe romain : « Ne fais jamais à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse ».

Nous soutenons le rapport de M. Flego, sous réserve de quelques commentaires.

Dans de nombreux pays, des journalistes sont menacés ou assassinés, ce qui n’est pas le cas en Hongrie. Quelle que soit leurs convictions politiques, les journalistes peuvent y exercer sans peur leur métier.

Les paragraphes 9 et 14-3-2 du projet de résolution concernent les obligations du Parlement hongrois. Or le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, M. Jagland, a déclaré sans ambiguïté que la réglementation de notre pays lui semblait acceptable et considéré la réponse de notre gouvernement comme satisfaisante. Pour mettre fin aux critiques, l’Autorité nationale hongroise des médias et des communications et le Conseil de l'Europe ont tenu, en décembre 2013, une conférence dont une des conclusions était la suivante : « Le Conseil de l'Europe ne considère pas nécessaire d’apporter de nouveaux amendements de ces lois ».

Je tiens un texte explicatif à la disposition de ceux que cela intéresse. Je vous demande par ailleurs de soutenir nos amendements relatifs aux paragraphes 9 et 14-3-2.

LE PRÉSIDENT – M. David Davies, inscrit dans le débat, n'est pas présent dans l'hémicycle.

M. REISS (France) – Albert Londres résumait son métier de journaliste engagé avec la formule « il faut s’efforcer de porter la plume dans la plaie ». Ce courage, des hommes et des femmes l’ont payé de leur vie.

Le massacre des journalistes de Charlie Hebdo est venu encore nous le rappeler : les journalistes constituent une cible privilégiée des terroristes comme des dictatures parce qu’ils ont bien compris que la liberté des medias était vitale pour l’existence même du système démocratique. Un citoyen bien informé est un citoyen libre.

En lisant votre excellent rapport, Monsieur Flego, on ne peut que constater que dans bien des pays de notre Organisation, la liberté des medias n’est encore qu’un vain mot. La pression exercée sur les journalistes prend diverses formes, de la violence, voire de l’assassinat à des actes d’intimidation plus discrets mais tout autant condamnables.

Si les journalistes professionnels sont les premières victimes, ceux que Reporters sans frontières appelle les « Net-citoyens », sont depuis quelques années particulièrement persécutés dans certains pays. Je pense notamment à M. Sergueï Reznik en Russie. En Azerbaïdjan les arrestations de journalistes et de blogueurs se multiplient, c’est l’existence même du pluralisme médiatique dans ce pays qui est en danger.

Mais nous devons être honnêtes, ces atteintes à la liberté ne touchent pas seulement la partie orientale de notre continent. Dans l’Union européenne, je pense en particulier à la Hongrie, la liberté de la presse est également en danger. Ainsi, à Budapest, la station Klubradio est devenue à elle seule le symbole de la lutte pour le droit à être informé.

Cependant nous ne devons pas oublier, comme l’a rappelé le lauréat du prix Albert Londres 2014, M. Philippe Pujol, le 21 janvier dernier, que « le journaliste, par la transversalité de ses relations avec la société, ceux qu’il côtoie comme ceux qu’il informe, est porteur d’une grande responsabilité ». La liberté n’est rien sans cette prise de conscience des journalistes.

La couverture hors normes des attentats de Paris a de nouveau montré les dangers de l’information à haute vitesse, notamment la collision possible avec le travail des policiers et une tendance à oublier la notion de responsabilité.

Le célèbre journaliste polonais Adam Michnik a souligné que l’éthique du journaliste avait deux composantes : la liberté et la vérité. Ce besoin d’investigation et de vérification des informations avant diffusion doit donc être au cœur de cette recherche de vérité, dans tous les medias y compris ceux sur internet ou les chaines d’information. Il en va de la santé de la démocratie mais aussi de la liberté des medias.

M. COZMANCIUC (Roumanie)* – J’aimerais exprimer mes condoléances au peuple français et surtout aux familles et proches des victimes de ces actes de violence. On ne peut empêcher les gens de s’exprimer librement ni empêcher les sociétés et les citoyens de s’informer et d’échanger des idées.

Le plan d’action sur la démocratie et les droits de l’homme indique que l’Union européenne est déterminée à promouvoir la paix et la stabilité, à créer un monde fondé sur le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit. Le droit à la liberté d’expression est garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Nous ne pouvons pas parler de démocratie si les médias ne sont pas libres.

La liberté des médias exige aussi la reconnaissance du droit des journalistes à chercher l’information et à exprimer leurs points de vue sans aucune restriction, sans être censurés par une autorité pour des raisons économiques, administratives ou autres.

L’histoire des médias est faite de luttes et de promotion de la liberté d’expression. Les journalistes sont très sensibles à toute tentative de restreindre leur liberté.

La lutte pour la protection de la liberté des médias existe depuis toujours. Elle s’oppose à toute tentative de restriction à la liberté d’expression. Les tentatives de manipulation des médias ne sont pas acceptables.

La liberté des médias est menacée de différentes manières, y compris par le biais de prises d’influence ou de tentatives de corruption.

Les journalistes sont aussi visés par des actes d’intimidation, du chantage, des menaces physiques et des attaques qui peuvent être meurtrières.

Nous devons lutter pour la liberté d’expression et la sécurité des journalistes. Aucune impunité ne peut être tolérée pour les auteurs de ces crimes. La responsabilité des parlementaires est en jeu. Les gouvernements ont aussi la responsabilité de protéger les journalistes et tous les acteurs des médias.

Nous avons lancé une plateforme en ligne pour la liberté des médias, qui vise aussi à garantir la sécurité des journalistes et leur liberté de travailler. Nous espérons ainsi lutter plus efficacement contre la violence.

M. DOWNE (Canada, observateur)* – Comme le souligne le rapport, la liberté des médias est importante pour la démocratie, les libertés politiques et l’Etat de droit ; on y lit même que « de la liberté des médias dépendent la démocratie et la protection des droits de l’homme ».

Au Canada, les différents niveaux de gouvernement protègent les droits fondamentaux et la liberté des individus. La Charte canadienne des droits et libertés garantit à tous la protection constitutionnelle de la « liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication ». Cette protection se fonde sur le principe suivant : dans toute démocratie, on doit être libre de discuter des questions de politique publique, de critiquer les gouvernements et de proposer ses propres solutions.

Le rapporteur pointe une détérioration préoccupante de la sécurité des journalistes et de la liberté des médias. J’appuie son appel à « renforcer la protection de la liberté des médias, tant au niveau national, à travers la législation et la pratique, qu’au niveau international, à travers le Conseil de l’Europe ».

Il est important de souligner, comme le fait le rapport, que, depuis 2012, les Nations Unies ont travaillé avec de nombreux acteurs – institutions de l’ONU, Etats, ONG et organisations de médias – pour mettre en œuvre leur Plan d’action sur la sécurité des journalistes. Dans ce cadre, elles en appellent à des contributions positives de différentes organisations, dont le Conseil de l’Europe. Je soutiens donc la recommandation adressée au Comité des Ministres afin qu’il « prom[euve] le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité au-delà de 2014 et […] intensifi[e] l’action […] dans ce domaine conformément à la Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la sécurité des journalistes ».

Il est également important d’encourager les évolutions positives en la matière, dont la nouvelle plateforme en ligne destinée à recenser et dénoncer les éventuelles violations des droits garantis par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Comme le dit le rapport, cette plateforme pourrait devenir un important moyen de coopération avec les ONG de défense de la liberté des médias. J’approuve la conclusion selon laquelle « l’Assemblée se devra de suivre de près la mise en œuvre de cette initiative et d’y contribuer activement ».

M. JENSSEN (Norvège)* – Nous avons tous été horrifiés par les récents attentats terroristes de Paris. Notre Assemblée les a condamnés, ainsi que d’autres attentats contre des journalistes, lors du débat d’hier. Mais nous devrions être tout aussi horrifiés face aux nombreuses attaques, menaces, tentatives d’intimidation et même assassinats qui ont visé des journalistes ces dernières années et qui perdurent dans plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe.

La liberté d’expression, c’est aussi la condition du débat libre, la possibilité pour les médias de proposer un éclairage critique sur les autorités, les entreprises, les organisations et les lieux de pouvoir au sein d’une société, sans oublier les religions, l’Eglise et les groupes religieux. Il s’agit non seulement d’un droit pour la presse et les médias, mais de l’un des fondements de toute société libre et vraiment démocratique.

La condition d’une société libre est l’existence d’un secteur des médias puissant, diversifié et indépendant. C’est ce qui permet de corriger les abus de pouvoir et de lutter contre la corruption et le manque de transparence. Cela suppose un cadre réglementaire qui permette aux médias d’accomplir cette mission : en particulier, les lois doivent protéger les sources des journalistes et proscrire la censure.

Comme le souligne le rapport de M. Flego, et comme le montrent le Commissaire aux droits de l’homme, Reporters sans frontières et d’autres ONG, on a constaté au cours des dix dernières années une hausse de la violence dont les journalistes sont victimes à cause de leur travail, notamment, mais pas seulement, les journalistes femmes. Les journalistes sont harcelés, attaqués, arrêtés, tués. Dans les zones de conflit, comme en Ukraine, la situation est particulièrement dure.

Je ne dis pas que ces actes recueillent nécessairement l’approbation des autorités du pays, ni que l’on peut empêcher tous les actes criminels. Mais l’absence d’enquête, l’impunité des auteurs sont un consentement tacite. Nous, pays membres, nous, parlementaires nationaux, devrions donc tout faire pour prévenir ces agressions et y mettre un terme. Et, si elles perdurent, nous devons nous assurer que l’enquête a lieu et que les auteurs sont punis. Car l’impunité n’est pas envisageable dans une société démocratique.

Pour chaque journaliste tué, bon nombre d’autres sont soumis à des pressions visant à les faire taire. Le Conseil de l’Europe défend les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit. Nous, membres de l’Organisation, devons respecter ces valeurs. Pour cela, il faut que les médias et les journalistes soient libres et indépendants.

Mme KYRIAKIDES (Chypre)* – Ces dernières semaines, depuis les horribles attentats terroristes de Paris, nous disons tous « Je suis Charlie ». Le terrorisme ne peut nous faire taire. De tels attentats ne réduiront pas au silence les médias ni les idées, les croyances, les convictions. Le mouvement immédiat de solidarité, dans le monde entier, a rappelé que la liberté des médias est un droit fondamental. Elle est indispensable au fonctionnement démocratique des sociétés civilisées.

De nombreux Etats membres ont atteint un haut niveau de tolérance et de respect, qui inclut la protection de la liberté des médias. Beaucoup ont créé des autorités indépendantes, comme dans mon pays. C’est ainsi que l’on protège la liberté des médias, que l’on améliore les exigences et que l’on donne la parole à ceux qu’il convient d’écouter : la presse et l’opinion publique.

Toutefois, nous le savons tous ici, l’indépendance de l’industrie des médias pâtit de cas de corruption ; le journalisme est souvent politisé, soumis à des intérêts financiers et économiques. Les journalistes n’ont pas toujours accès à l’information ; ils peuvent être emprisonnés, voire tués, parce qu’ils tentent de la diffuser.

La liberté des médias doit être protégée à tout prix. L’acceptation des voix divergentes n’est pas négociable. Ensemble, avec nos pays, nous devons aider tous les Etats membres à prendre les mesures nécessaires à cette fin.

Je félicite M. Flego pour son excellent rapport qui souligne la gravité de la situation qui met à mal la liberté des médias mais aussi les bonnes pratiques.

Je forme le vœu que la phrase « Je suis Charlie » ne reste pas un simple slogan mais entraîne de véritables changements dans la protection de la liberté des médias. Chaque fois que nous l’entendrons, nous nous souviendrons de ceux qui ont perdu la vie et que d’autres sont emprisonnés.

LE PRÉSIDENT* – Lord Balfe et M. Zheleznyak, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l'hémicycle.

Mme KORENJAK KRAMAR (Slovénie)* – Les journalistes ont généralement accès à bien plus d’informations que l’homme de la rue. Ils sont nos yeux, nos oreilles et la voix du public. Il est donc essentiel qu’ils puissent travailler dans de bonnes conditions. Il est inacceptable pour nous, qui défendons la liberté des médias, de constater les restrictions qui limitent leur liberté mais aussi leur sécurité physique, financière, voire leur existence même.

Je suis d’accord avec ceux qui disent que les libertés de la presse et de parole ne sont pas absolues. Aujourd’hui, grâce à Internet, le public peut établir la distinction entre le travail professionnel et l’activité non professionnelle. Lorsque les journalistes outrepassent leurs pouvoirs, ce qui est l’exception, dans les démocraties normales, les institutions compétentes se chargent de le leur rappeler et non un groupe de personnes, proche de l’establishment ou organisé, comme indiqué dans le rapport. Je félicite le rapporteur pour son travail et pour son courage.

Les chiffres présentés dans le rapport montrent que dans neuf cas sur dix de crimes à l’encontre de journalistes, il y a impunité. C’est terrifiant. Ces agressions visent notre droit à l’information, essentiel pour l’exercice de nos droits civiques.

Il est donc de notre devoir de faire de notre mieux pour améliorer la situation, non seulement en faisant des déclarations mais surtout en participant activement à toutes les solutions et méthodes capables de prévenir ces actes criminels. Je ne parle pas simplement des attentats mais de toutes les menaces visant les journalistes, notamment celles qui cachent leur intention, c’est-à-dire les restrictions financières. Compte tenu de la crise financière, cela doit être examiné avec soin puisque, dans la plupart des pays, les budgets d’Etat sont approuvés par le parlement. Nous sommes donc directement responsables. Nous devons y être particulièrement attentifs.

Mme KARAPETYAN (Arménie)* – La liberté d’expression est la pierre angulaire des droits démocratiques et de tous les droits à protection auxquels se consacre le Conseil de l’Europe. Il existe un lien étroit entre le niveau de liberté d’expression des médias dans un pays et son niveau de démocratie, d’Etat de droit et sa forme de gouvernance.

À ce propos, nous sommes très préoccupés par la détérioration de la sécurité des journalistes et la liberté des médias en Europe et dans son voisinage immédiat. Nous sommes particulièrement concernés par les agressions physiques que subissent les journalistes en Turquie. Nous en appelons à des enquêtes judiciaires effectives dans de nombreux cas d’agression contre des représentants de la société civile et des médias.

Vous le savez, YouTube et Twitter ont longtemps été interdits en Turquie. Pendant les manifestations du Gezi Parc en 2013, la police a agressé au moins 105 journalistes qui couvraient les événements.

Aujourd’hui en Turquie, la sécurité et l’indépendance professionnelle restent menacées par des lois restrictives, des centaines d’enquêtes pénales douteuses, des poursuites pénales, des limitations d’accès à internet, des cas d’intolérance face aux critiques du gouvernement. Pire, selon le rapport, l’ancien Premier ministre et président actuel de la Turquie, Recep Erdogan, a ouvertement et directement exercé des pressions sur les directeurs des sociétés de radiodiffusion et fait chanter des journalistes.

Nous appelons aussi l’attention du Conseil de l’Europe sur des cas de violence de plus en plus nombreux et des cas d’intimidation de journalistes en Azerbaïdjan. La situation a été pire en Turquie surtout en 2014, avec de nombreux cas d’agression physique, de détention, d’emprisonnement sur la base de chefs d’inculpation fabriqués, de harcèlements judiciaires et de tentatives de chantage par des personnes associées au gouvernement.

Les assassinats des journalistes Elmar Huseynov en 2005 et Rafiq Tagi en 2011 ne sont toujours pas sanctionnés aujourd’hui, ce qui révèle une aggravation de l’impunité dans le pays. Des douzaines de journalistes sont détenus, condamnés à des peines de prison pour des raisons politiques puisque le régime de Bakou détruit systématiquement toute institution indépendante dans les médias, les partis politiques ou les ONG. Une campagne diffamatoire a été conduite contre Khadija Ismayilova, journaliste d’investigation qui travaille pour Radio Azadli et Radio Libre Europe.

Malheureusement, les droits de l’homme et l’état des médias ne se portent pas bien dans d’autres pays non plus. Nous soutenons l’initiative du Conseil de l’Europe et les efforts de la communauté internationale dans leur lutte contre l’impunité qui doit être prioritaire pour protéger nos démocraties. Ce rapport attire notre attention sur ces nombreux cas.

M. ARIEV (Ukraine)* – Les deux dernières années ont été particulièrement difficiles pour les journalistes. Dans le monde entier, il y a eu des événements tragiques, que ce soit à Kiev, en Crimée, à Lougansk ou à Paris avec le carnage de Charlie Hebdo qui a choqué le monde entier. De nombreux journalistes ont été tués en Russie. Malheureusement des amendements à ce sujet au projet de résolution ont été rejetés par la commission. J’espère que l’Assemblée les adoptera.

Mon pays est un des plus dangereux pour les journalistes. Cela est dû à l’invasion en Crimée et aux attentats commis dans l’est de l’Ukraine. Il y a eu de nombreux faits horribles dont on pourrait parler. Je pense en particulier à l’occupation récente du siège de la télévision par la police russe à Simferopol, qui doit être condamnée.

Le nouveau gouvernement élu à Kiev a pris de nombreuses mesures pour améliorer la liberté de la presse depuis la fuite de notre ancien président en Russie. Nous avons une législation sur la liberté des médias. Nous avons mis un terme aux interventions des hommes politiques. Il faut également limiter la radiodiffusion de certains médias russes. La propagande d’un pays contre un autre a eu des effets dangereux. Les médias russes utilisent la provocation pour justifier l’annexion de la Crimée et le recours à la force dans l’est de l’Ukraine.

Nous avons des preuves que ces faits ont eu lieu. Aussi la limitation de la radiodiffusion de la propagande russe s’imposait-elle – une limitation du reste conforme à l’article 10, paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Nous devons également nous interroger sur la constante violation de la liberté des médias en Azerbaïdjan. Le Gouvernement de cette République doit s’en préoccuper. Et je n’oublierai pas non plus le gouvernement turc. En effet, le gouvernement d’un Etat souhaitant adhérer à l’Union européenne ne peut pas ne pas respecter la liberté des médias.

Enfin, compte tenu de la situation telle que décrite par le rapport, il est nécessaire de continuer de veiller à la liberté des médias en Europe.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – On sait bien que les médias créent l’espace public à travers la diffusion de l’information et en permettant l’expression des opinions. La liberté des médias constitue donc un bon indice du degré de démocratie, du niveau des libertés politiques et de l’Etat de droit dans un pays donné.

Mon pays est mentionné dans le rapport et je souhaite vous livrer d’autres informations. Aujourd’hui, toutes les conditions permettant l’existence de médias libres et indépendants sont réunies en Azerbaïdjan. La liberté d’expression et d’information est garantie par la Constitution. À l’heure actuelle, 1 830 agences médiatiques sont enregistrées dont plus de 1 750 sont des journaux et 80 sont des chaînes de télévision et de radio. Seuls 15 % des journaux et magazines ont été créés par les structures gouvernementales. Plus de 65 % des journaux appartiennent à différentes organisations politiques et publiques, à différentes personnes privées et morales.

En ce qui concerne les informations, aucune limite n’est imposée par les structures gouvernementales. Les départements presse des différents ministères et les autres organes de l’administration sont responsables et doivent fournir à la communauté les informations officielles. Aucune limite n’est imposée aux minorités ethniques et religieuses sur le plan médiatique. Tous les journaux sont librement diffusés dans le pays et la censure est interdite.

J’appelle votre attention sur le paragraphe 147 du rapport qui mentionne les noms de plusieurs journalistes azerbaïdjanais. Ils ont été, vous le savez, accusés de différents crimes mais pas en tant que journalistes. Sachez que l’une de ces personnes, Avaz Zeynalli, a été libérée au mois de décembre dernier par décret présidentiel. Je vous remercie par conséquent de bien vouloir ne vous fier qu’aux informations exactes, officielles.

Il est difficile d’imaginer le XXIe siècle sans internet, outil parmi les plus puissants et grâce auquel nous avons accès aux informations. L’internet a connu un fort développement en Azerbaïdjan au cours de ces dernières années : la plupart des institutions disposent désormais de leur site et environ 75 % de la population utilisent ce moyen. Un projet est en cours pour le développement de l’internet à larges bandes ; son objectif est de permettre à l’ensemble du pays – y compris aux zones rurales éloignées – d’avoir accès au haut débit – de 10 à 100 mégabits par seconde – et d’accroître le nombre d’utilisateurs.

LE PRÉSIDENT* – M. Destexhe, inscrit dans le débat est absent de l’hémicycle.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Je remercie le rapporteur pour son très important travail. Comme l’Assemblée l’a souligné dans sa résolution sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Géorgie, au mois de septembre dernier, la perte de vitesse, dans mon pays, concerne tous les domaines et les médias ne font pas exception.

Le 15 juillet 2014, un développeur de médias, qui avait créé une chaîne de télévision pour en faire le canal le plus populaire du pays, et qui avait créé une autre chaîne critique à l’encontre du gouvernement auquel j’appartenais alors, a été tué par balles, son corps ayant été retrouvé dans sa voiture. Une enquête a été ouverte pour suicide. Sauf que cette personne avait attaché sa ceinture de sécurité et allumé les phares de sa voiture. Or, lorsque vous avez l’intention de mettre fin à vos jours, attacher votre ceinture n’est sans doute pas le premier geste qui vous vient à l’esprit. Peut-être faut-il davantage chercher les causes de sa mort du côté du vrai homme fort de la Géorgie, lequel a gagné sa fortune en Russie.

Toute une rédaction de la chaîne de télévision privée Maestro – très populaire en Géorgie – a démissionné, les autorités tentant d’en influencer la politique éditoriale, voire de prendre le contrôle de ce média. On a par ailleurs demandé le changement de propriété de la chaîne de télévision Rustavi. En outre, des amendements ont été déposés à la loi géorgienne qui visent à limiter gravement les possibilités des radiodiffuseurs privés de faire de la publicité ; leur adoption modifierait considérablement le paysage médiatique qui n’appartient pas encore complètement aux oligarques.

La résolution que j’ai mentionnée indiquait clairement que les dirigeants de l’opposition étaient tous en prison ou sous le coup d’une information judiciaire, mais, à l’époque, les médias n’étaient pas encore sous le contrôle total des autorités. C’est pourquoi je vous invite à demeurer attentifs.

Mme EL OUAFI (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Je félicite le rapporteur pour son excellent travail. Je saisis cette occasion pour condamner l’attaque contre les journalistes de Charlie Hebdo : rien ne peut justifier une telle action terroriste.

C’est un grand honneur pour moi de prendre la parole dans le cadre du partenariat pour la démocratie – une école où l’on apprend beaucoup.

Dans une démocratie, des médias libres et indépendants sont essentiels. Je l’affirme en tant que parlementaire d’une jeune démocratie dynamique. Malgré les nombreuses contraintes auxquelles nous sommes confrontés, une volonté ferme préside à notre transition démocratique car nous savons que les médias libres jouent un rôle primordial de transparence dans la lutte contre la corruption. Ainsi l’Europe a-t-elle offert un cadre au sein duquel sont supposés s’équilibrer liberté, pluralisme et médias responsables.

Je reviendrai sur l’immigration, une question complexe. Les immigrés ont la responsabilité de penser leur intégration à différents niveaux. La responsabilité doit toutefois être partagée et les médias, précisément, ont un rôle important à jouer non seulement pour analyser les enjeux économiques internationaux, mais aussi pour contribuer à éviter la stigmatisation des communautés étrangères dont le parcours est souvent si difficile.

Les médias permettent de mettre en avant les points communs entre les peuples. Malheureusement, ils ont tendance à exclure, en stigmatisant les communautés en fonction de leur appartenance religieuse et en mettant en avant la prétendue incompatibilité entre les citoyens européens musulmans et les autres. L’idéologie politique de l’islam, incarnée par une minorité, justifie les comportements extrémistes, fondamentalistes et patriarcaux contre la démocratie. Les médias ont un rôle essentiel à jouer pour mettre en valeur la diversité que nous vivons au quotidien.

Mme VIROLAINEN (Finlande)* – L’attaque contre Charlie hebdo nous a rappelé l’importance de la liberté d’expression. Nous devons respecter les opinions des autres et lutter pour les droits humains fondamentaux. Nous sommes tous d’accord pour condamner les attentats terroristes quelles que soient leurs cibles. Au cours des dix dernières années, de trop nombreux journalistes ont été assassinés dans nos Etats membres. Comment avons-nous pu laisser cela advenir ? Je voudrais lancer un appel à tous les pays européens afin qu’ils protègent la sécurité des journalistes. Nous ne devons jamais fermer les yeux. Au contraire, des enquêtes systématiques et scrupuleuses sont indispensables.

Reporters sans frontières publie chaque année un classement mondial de la liberté de la presse. La Finlande, les Pays-Bas et la Norvège se placent, depuis deux ans, aux trois premiers rangs de ce classement et seize membres de l’Union européenne figurent encore parmi les trente premiers pays. Toutefois, le modèle européen se défait. Des législations inadaptées et des violations de la liberté des médias dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe, sont constatées. L’instabilité politique divise les médias, ce qui rend difficile la production d’informations indépendantes. L’existence de médias pluralistes est, à ce titre, particulièrement importante, tout comme la transparence quant à leur propriété.

« Je suis Charlie » : souhaitons que ce mouvement dure aussi longtemps que possible. Il est important que les gouvernements renforcent leurs efforts afin de garantir la liberté de la presse.

Mme ANDERSEN (Danemark)* – Le sujet que nous abordons ce matin est essentiel pour notre Organisation. Il est difficile d’imaginer comment une société démocratique pourrait fonctionner sans médias libres. Les droits de l’homme ne sont pas respectés dans bon nombre de nos Etats membres. Mais je suis très inquiète de la situation en Azerbaïdjan, où une radio a été récemment fermée et où des journalistes sont systématiquement arrêtés. Certes, de bonnes raisons sont toujours avancées pour justifier ces arrestations, mais peut-on vraiment croire que tous les journalistes azéris soient des délinquants ou des criminels ?

Il n’est pas acceptable que des journalistes soient arrêtés parce qu’ils sont journalistes. Mardi dernier, j’ai participé à une réunion sur la liberté d’expression en Azerbaïdjan. Je voudrais remercier ses organisateurs, qui nous ont informés sur la réalité de la situation dans ce pays, dans lequel il n’existe plus aucun média qui ne soit pas contrôlé par le gouvernement. D’autres Etats membres suivent la même pente. Ils ne méritent pas d’être membres de notre Organisation, qui défend haut et fort le principe de la liberté des médias.

Mme FATALIYEVA (Azerbaïdjan)* – Le monde change rapidement à notre époque et, avec lui, le sens de certaines notions. Celle de liberté, en particulier, a évolué. Il existe actuellement des contradictions entre la liberté d’expression, la liberté des médias et la liberté de religion. La liberté des médias est évidemment nécessaire, mais chaque Etat doit déterminer ses propres critères et s’interroger. Qu’est-ce que la liberté ? Qu’est-ce que la tolérance ? Qu’est-ce que le crime ? Ces notions appellent aujourd’hui de nouvelles définitions. En Azerbaïdjan, nous avons mené ce travail de réflexion et choisi des définitions.

Le gouvernement azéri reconnait l’importance des médias dans les sociétés modernes. D’ailleurs, en 1998, un décret présidentiel a conduit à abolir la censure. En 2000, dans le cadre des réformes démocratiques engagées par le pays, la loi sur la répression de l’information a été supprimée et la liberté des médias établie. Je regrette donc que mon pays soit mentionné dans le rapport de M. Flego.

Il vaudrait mieux mener une enquête, approfondir le sujet, se faire une idée précise de la situation avant de s’exprimer.

Malheureusement, en dépit de toutes ces avancées, certains cas sont politisés. Les activités politiques ou journalistiques n’exonèrent personne d’une certaine responsabilité.

La démocratie, ce n’est pas l’impunité. Les journalistes doivent œuvrer pour la paix et permettre à la société de se forger une opinion. La liberté des médias est un indicateur de la démocratie. Il est inacceptable de la concevoir comme un outil de manipulation, de pression.

Mme ANTTILA (Finlande)* – Je tiens à remercier notre rapporteur, M. Flego, pour cet excellent rapport sur la protection de la liberté des médias en Europe. Cette liberté est essentielle pour la démocratie. Elle crée un espace public pour la diffusion de l’information et pour l’expression d’avis. Elle est la base de la démocratie, des libertés politiques et de l’Etat de droit dans tous les pays.

Les événements qui ont eu lieu à Paris au mois de janvier de cette année nous ont permis d’ouvrir les yeux sur les menaces qui pèsent sur nous. Il faut garantir l’indépendance des journalistes.

Mais lorsque l’on parle de la liberté des médias, il ne faut pas oublier également quelles sont leurs responsabilités, en particulier lorsqu’il s’agit de traiter des questions religieuses, qui sont très sensibles. Il nous faut respecter les convictions religieuses. Nous avons la liberté de confession. Chacun peut choisir sa religion.

Pour d’aucuns ce qui a été fait relevait du blasphème. Ces questions sont tout à fait personnelles, sensibles. C’est pourquoi il est nécessaire d’y être particulièrement attentifs. Les journalistes, les caricaturistes ne doivent pas l’oublier. Les médias également doivent être responsables. Il faut respecter les convictions de tout un chacun.

Je voudrais avoir des propositions plus concrètes pour promouvoir la liberté des médias mais aussi pour les responsabiliser encore plus. En tout cas, il nous faut promouvoir la liberté mais également la responsabilité.

Le rapport nous décrit très bien les diverses violations de la liberté des médias dans différents Etats. Nous avons suffisamment d’informations concernant ce qui se passe. Ce sont de meilleurs instruments pour éviter d’autres violences de ce genre que nous avons maintenant besoin.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – Je ne répèterai pas ce qui a déjà été dit par ma collègue azerbaïdjanaise. J’appellerai plutôt votre attention sur le document qui nous est soumis.

Dans le projet de résolution il nous est dit que la liberté d’expression est une des conditions de base de la démocratie, et que tous les Etats membres devraient renforcer leurs efforts à cet égard. J’ai été journaliste pendant de nombreuses années, notamment dans des zones de conflit avant de rejoindre l’Assemblée. Aussi suis-je d’accord avec les préoccupations du rapporteur quant aux attaques ciblant les journalistes travaillant dans ces zones.

Nous devons accorder une attention toute particulière à cette question. J’ai moi-même perdu beaucoup d’amis journalistes lors de l’occupation de territoires azerbaïdjanais par l’Arménie. Je souhaite donc souligner ici l’importance de ce problème. Plusieurs journalistes ont en effet été tués par les forces armées arméniennes alors qu’ils exerçaient leur profession, et les auteurs de ces crimes n’ont pas été condamnés. Ces journalistes ont été tués par les forces armées arméniennes alors qu’ils essayaient d’informer la communauté internationale des crimes perpétrés par l’armée arménienne qui s’attaquait aux civils dans les territoires occupés. Je demande donc à l’Assemblée et au rapporteur de s’intéresser également à cette question.

Chers collègues, l’Azerbaïdjan est un pays qui est indépendant depuis maintenant 24 ans. C’est un pays démocratique depuis une vingtaine d’années, mais la question de l’occupation de territoires azerbaidjanais par l’Arménie avec ses millions de réfugiés et de personnes déplacées dès les début de cette indépendance fait qu’il est extrêmement difficile de se lancer dans des réformes démocratiques.

Pour autant, la liberté des médias est extrêmement importante en Azerbaïdjan. Beaucoup de choses, il faut le souligner, ont été faites dans cette direction, des réformes sont mises en œuvre. Nous disposons d’un conseil pour les médias qui apporte un soutien à ces derniers ainsi qu’aux journaux qui sont en très grande difficulté car ils font face à la concurrence des journaux en ligne.

Chers collègues, j’aimerais remercier tous ceux qui ont adressé des critiques constructives. Elles nous sont utiles afin d’œuvrer pour la liberté de la presse et des médias. Mais, une fois de plus, il est regrettable d’entendre ici des critiques radicales. Certaines informations dans le rapport ne se fondent pas sur des faits. Loin d’approfondir la coopération, cela ne peut au contraire que la saper. Espérons qu’à l’avenir nous pourrons coopérer avec l’Assemblée pour la liberté de la presse et des autres médias.

M. SIMMS (Canada, observateur)* – Je vous remercie, Monsieur le Président, pour l’honneur qu’il m’est fait de pouvoir parler, même si je ne peux pas voter.

Je tiens, comme beaucoup d’autres à féliciter M. Flego pour ce rapport qui est l’un des meilleurs qu’il m’ait été donné de lire depuis que je viens ici. Je ne peux donc voter, malheureusement, mais à titre de consolation qu’il me soit permis de dire que j’appuie pleinement ce rapport. Je souligne en particulier le fait qu’il demande aux Etats membres de faire plus d’efforts sur le plan multilatéral pour que les droits de l’homme, le droit d’information et la sécurité de tous ceux qui travaillent pour les médias soient assurés.

Hier, nous avons abordé les amendements, dont l’un précise plus particulièrement que tout attentat contre les médias et les journalistes est une atteinte à toute société démocratique. Je suis reconnaissant à ses auteurs de l’avoir déposé.

Je pourrais vous parler plus précisément de mon pays où de bonnes pratiques ont été mises en place pour protéger les journalistes. Nous parlons tous en effet de liberté d’expression, et étant moi-même un ancien journaliste, j’y crois bien sûr. Le rapport met ainsi l’éclairage sur nos institutions qui défendent un journalisme de qualité, fondé sur l’équité. C’est ce qui permet aussi de contribuer aux sociétés pluralistes. Bon nombre de pays devraient suivre toutes ces pratiques que cite le rapport, sachant que le Comité des Ministres a également mis en place une plateforme pour la protection des journalistes.

Toujours s’agissant de protection des journalistes, si les attentats de Charlie Hebdo à Paris, ont été couverts par les médias de tous les pays, les Français ont décidé de montrer les caricatures alors que le monde anglo-saxon ne l’a pas fait. Mais ce n’était que là qu’un choix éditorial. Ni les gouvernements, ni des entreprises quelles qu’elles soient n’ont exercé de pression.

Je voudrais en tout cas féliciter l’Ukraine qui est passée justement à un système de radiodiffusion publique.

Deux éléments me paraissent importants dans ce rapport : faire en sorte que les journalistes puissent travailler sans être soumis à la violence, comme on l’a vu en Ukraine, et demander aux nations telles que la Turquie d’en finir avec des pratiques telles que l’article 301 de son Code pénal qui conduit à des décisions arbitraires à l’encontre des journalistes.

LE PRÉSIDENT* – M. Jakavonis, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. DENEMEÇ (Turquie)* – Je voudrais remercier le rapporteur pour le travail qu’il a effectué et pour le dialogue qui s’est engagé à cette occasion. J’en profite aussi pour condamner de nouveau l’attentat horrible qui été commis contre Charlie Hebdo et exprimer notre solidarité à l’égard du peuple français. Cet attentat visait le cœur de la liberté d’expression. Il avait pour objectif de créer une atmosphère de peur et d’hostilité, de détruire la cohésion sociale et d’aliéner certaines parties de la société.

Tout cela nous rappelle combien la liberté et le bon fonctionnement des médias, de même que la sécurité des journalistes, sont nécessaires. À cet égard, je voudrais revenir sur certaines critiques formulées à l’encontre de la situation en Turquie. On a dit que, le 14 décembre, les bureaux de certains médias d’Istanbul avaient fait l’objet de descentes de police et qu’un grand nombre de journalistes avaient été arrêtés. Les opérations de police ont été décrites comme une véritable répression menée contre les médias.

Cela n’est pas vrai. Les personnes impliquées ont été placées en garde à vue car elles sont soupçonnées d’avoir falsifié des preuves et d’appartenir à des organisations terroristes. Sur les 31 suspects, la plupart étaient des officiers de police ; seuls deux avaient la responsabilité de médias et, à l’heure actuelle, seul un directeur est encore en garde à vue. Aucun bureau de journaliste n’a fait l’objet d’une descente de police et à aucun moment la force n’a été employée. Un seul suspect, qui n’est pas venu de sa propre volonté pour être interrogé, a dû être interpellé.

On a prétendu que 94 journalistes s’étaient vu retirer leur carte de presse en Turquie. Je puis vous assurer que ce n’est pas le cas : aucun journaliste n’a été empêché d’exercer son métier par quelque autorité que ce soit.

En dépit de l’importance de garantir la liberté des médias et du caractère particulièrement sensible de ce sujet, on ne doit pas en arriver à accorder de fait une immunité totale à ceux qui cherchent à utiliser à des fins illicites les privilèges dont jouissent les journalistes.

LE PRÉSIDENT* – Nous avons dépassé 13 heures. Il nous faut maintenant interrompre la liste des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre dans les quatre heures leur intervention dactylographiée au service de la séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

Nous entendrons la réplique de la commission au début de la séance de cet après-midi, à 15 h 30, avant de passer aux votes sur les amendements et les projets de résolution et de recommandation.

Je vous rappelle également que nous nous sommes mis d’accord, au début de la séance, pour modifier le temps de parole dans les débats de cet après-midi : nous en reviendrons à un temps de parole de quatre minutes.

3. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT* – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 h 5.

S O M M A I R E

1. Communication du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe

Questions : Mme Christoffersen, MM. Agramunt, Xuclà, D. Davies, Kox, Mignon, Mme Bartos, MM. Schennach, Villumsen, Mme Pashayeva, M. Sabella

2. La protection de la liberté des médias en Europe

Présentation par M. Flego du rapport de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias (Doc. 13664)

Orateurs : Sir Roger Gale, M. Villumsen, Sir Alan Meale, MM. Franken, Gardarsson, Mmes Bilgehan, Schneider-Schneiter, M. Rouquet, Mmes Djurović, Taktakishvili, Magradze, Hoffmann, MM. Reiss, Cozmanciuc, Downe, Jenssen, Mmes Kyriakides, Korenjak Kramar, Karapetyan, M. Ariev, Mme Gafarova, M. Kandelaki, Mmes El Ouafi, Virolainen, Andersen, Fataliyeva, Anttila, Pashayeva, MM. Simms, Denemeç.

3. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Brigitte ALLAIN*

Jean-Charles ALLAVENA*

Werner AMON*

Luise AMTSBERG*

Liv Holm ANDERSEN

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Khadija ARIB*

Volodymyr ARIEV

Egemen BAĞIŞ

Theodora BAKOYANNIS*

David BAKRADZE/Chiora Taktakishvili

Taulant BALLA*

Gérard BAPT/Philippe Bies

Gerard BARCIA DUEDRA*

Doris BARNETT/Gabriela Heinrich

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK

Ondřej BENEŠIK*

José María BENEYTO/Carmen Quintanilla

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA/Oerd Bylykbashi

Anna Maria BERNINI*

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ/Nellija Kleinberga

Gülsün BİLGEHAN*

Brian BINLEY*

Ľuboš BLAHA*

Philippe BLANCHART*

Jean-Marie BOCKEL

Olga BORZOVA*

Mladen BOSIĆ*

António BRAGA

Anne BRASSEUR/Claude Adam

Alessandro BRATTI*

Piet De BRUYN/Petra De Sutter

Beata BUBLEWICZ/Ryszard Terlecki

Gerold BÜCHEL

André BUGNON

Natalia BURYKINA*

Nunzia CATALFO*

Elena CENTEMERO*

Irakli CHIKOVANI/Giorgi Kandelaki

Vannino CHITI*

Tudor-Alexandru CHIUARIU/Viorel Riceard Badea

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH

James CLAPPISON

Agustín CONDE

Telmo CORREIA*

Paolo CORSINI*

Carlos COSTA NEVES

Celeste COSTANTINO*

Jonny CROSIO*

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN

Katalin CSÖBÖR/Mónika Bartos

Joseph DEBONO GRECH*

Reha DENEMEÇ

Alain DESTEXHE*

Manlio DI STEFANO*

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK

Şaban DİŞLİ

Aleksandra DJUROVIĆ

Ioannis DRAGASAKIS*

Elvira DROBINSKI-WEIß/Annette Groth

Daphné DUMERY

Alexander [The Earl of] DUNDEE

Nicole DURANTON

Josette DURRIEU/Jean-Claude Frécon

Mustafa DZHEMILIEV/Andrii Lopushanskyi

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL*

Bernd FABRITIUS

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA

Daniela FILIPIOVÁ/Miroslav Antl

Ute FINCKH-KRÄMER*

Axel E. FISCHER

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER

Hans FRANKEN

Béatrice FRESKO-ROLFO*

Martin FRONC*

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO*

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO*

Tina GHASEMI*

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO*

Pavol GOGA*

Carlos Alberto GONÇALVES

Alina Ştefania GORGHIU*

Svetlana GORYACHEVA*

Sandro GOZI*

Fred de GRAAF*

François GROSDIDIER*

Andreas GROSS*

Dzhema GROZDANOVA

Mehmet Kasim GÜLPINAR/Ahmet Berat Çonkar

Gergely GULYÁS/Attila Tilki

Jonas GUNNARSSON*

Nazmi GÜR

Antonio GUTIÉRREZ/Jordi Xuclà

Maria GUZENINA

Márton GYÖNGYÖSI

Sabir HAJIYEV

Margus HANSON*

Alfred HEER/Maximilian Reimann

Michael HENNRICH*

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH

Oleksii HONCHARENKO/Svitlana Zalishchuk

Jim HOOD/David Crausby

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER*

Andrej HUNKO*

Ali HUSEYNLI/Sahiba Gafarova

Rafael HUSEYNOV*

Vitaly IGNATENKO*

Florin IORDACHE*

Tadeusz IWIŃSKI*

Denis JACQUAT/Frédéric Reiss

Gediminas JAKAVONIS

Gordan JANDROKOVIĆ

Tedo JAPARIDZE/Guguli Magradze

Michael Aastrup JENSEN*

Frank J. JENSSEN

Florina-Ruxandra JIPA*

Ögmundur JÓNASSON*

Aleksandar JOVIČIĆ*

Josip JURATOVIC*

Antti KAIKKONEN/Sirkka-Liisa Anttila

Mustafa KARADAYI*

Marietta KARAMANLI*

Niklas KARLSSON*

Andreja KATIČ/Matjaž Hanžek

Charles KENNEDY*

Tinatin KHIDASHELI*

Danail KIRILOV*

Bogdan KLICH

Haluk KOÇ

Igor KOLMAN

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR/Brynjar Níelsson

Ksenija KORENJAK KRAMAR

Attila KORODI

Alev KORUN*

Rom KOSTŘICA

Elena KOUNTOURA*

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO*

Julia KRONLID

Marek KRZĄKAŁA/Michał Stuligrosz

Zviad KVATCHANTIRADZE

Athina KYRIAKIDOU

Serhiy LABAZIUK*

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON*

Pierre-Yves LE BORGN'

Jean-Yves LE DÉAUT*

Igor LEBEDEV*

Valentina LESKAJ*

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Georgii LOGVYNSKYI

François LONCLE

George LOUKAIDES/Stella Kyriakides

Yuliya L'OVOCHKINA*

Jacob LUND

Trine Pertou MACH/Nikolaj Villumsen

Saša MAGAZINOVIĆ*

Philippe MAHOUX*

Thierry MARIANI*

Soňa MARKOVÁ

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI*

Ana MATO

Pirkko MATTILA

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Ivan MELNIKOV*

Ana Catarina MENDONÇA

Attila MESTERHÁZY*

Jean-Claude MIGNON

Philipp MIßFELDER*

Olivia MITCHELL

Igor MOROZOV*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK

Melita MULIĆ

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Hermine NAGHDALYAN

Piotr NAIMSKI/Andrzej Jaworski

Sergey NARYSHKIN*

Marian NEACŞU*

Zsolt NÉMETH*

Miroslav NENUTIL

Baroness Emma NICHOLSON/Ian Liddell-Grainger

Michele NICOLETTI*

Aleksandar NIKOLOSKI

Marija OBRADOVIĆ*

Žarko OBRADOVIĆ*

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Joseph O'REILLY

Maciej ORZECHOWSKI/Helena Hatka

Sandra OSBORNE/Michael Connarty

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI*

Ganira PASHAYEVA

Waldemar PAWLAK/Marek Borowski

Foteini PIPILI*

Vladimir PLIGIN*

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT*

Gabino PUCHE

Alexey PUSHKOV*

Mailis REPS/Rait Maruste

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE/Yves Pozzo Di Borgo

Soraya RODRÍGUEZ*

Alexander ROMANOVICH*

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Rovshan RZAYEV

Indrek SAAR*

Àlex SÁEZ*

Vincenzo SANTANGELO*

Milena SANTERINI*

Kimmo SASI

Nadiia SAVCHENKO*

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE

Urs SCHWALLER/Elisabeth Schneider-Schneiter

Salvador SEDÓ

Predrag SEKULIĆ

Ömer SELVİ

Aleksandar SENIĆ

Senad ŠEPIĆ*

Samad SEYIDOV/Sevinj Fataliyeva

Jim SHERIDAN/Jeffrey Donaldson

Bernd SIEBERT*

Valeri SIMEONOV*

Andrej ŠIRCELJ

Arturas SKARDŽIUS

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI

Yanaki STOILOV*

Karin STRENZ

Ionuţ-Marian STROE

Valeriy SUDARENKOV*

Krzysztof SZCZERSKI

Damien THIÉRY

Lord John E. TOMLINSON

Antoni TRENCHEV*

Konstantinos TRIANTAFYLLOS*

Mihai TUDOSE/Corneliu Mugurel Cozmanciuc

Goran TUPONJA

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ

Konstantinos TZAVARAS*

Ilyas UMAKHANOV*

Dana VÁHALOVÁ/Ivana Dobešová

Olga-Nantia VALAVANI*

Snorre Serigstad VALEN

Petrit VASILI*

Imre VEJKEY/Rózsa Hoffmann

Stefaan VERCAMER*

Mark VERHEIJEN*

Birutė VĖSAITĖ

Anne-Mari VIROLAINEN

Vladimir VORONIN/Maria Postoico

Viktor VOVK

Klaas de VRIES

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ

Piotr WACH

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON/David Davies

Tom WATSON*

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER*

Morten WOLD

Gisela WURM

Maciej WYDRZYŃSKI

Leonid YEMETS/Pavlo Unguryan

Tobias ZECH*

Kristýna ZELIENKOVÁ

Sergey ZHELEZNYAK*

Marie-Jo ZIMMERMANN/Marie-Christine Dalloz

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN/Naira Karapetyan

Levon ZOURABIAN/Mher Shahgeldyan

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, France*

Siège vacant, République de Moldova*

Siège vacant, République de Moldova*

Siège vacant, ''L'ex-République yougoslave de Macédoine''*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Lotta JOHNSSON FORNARVE

Sabien LAHAYE-BATTHEU

Pieter OMTZIGT

Jan RZYMEŁKA

Observateurs

Eloy CANTU SEGOVIA

Corneliu CHISU

Percy DOWNE

Scott SIMMS

Partenaires pour la démocratie

Hanane ABOULFATH

Najat AL-ASTAL

Nurbek ALIMBEKOV

Mohammed AMEUR

Nezha EL OUAFI

El Mokhtar GHAMBOU

Elmira IMANALIEVA

Bernard SABELLA

Asiya SASYKBAEVA

Mohamed YATIM