FR15CR13

AS (2015) CR 13

SESSION ORDINAIRE DE 2015

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la treizième séance

Mardi 21 avril 2015 à 15 h 30

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 35 sous la présidence de Mme Brasseur, Présidente de l'Assemblée.

LA PRÉSIDENTE – La séance est ouverte.

1. Election de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Andorre,
de l’Autriche, de la Finlande, de l’Irlande et du Liechtenstein (suite)

LA PRÉSIDENTE – Je vous rappelle que l’ordre du jour appelle l’élection de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Andorre, de l’Autriche, de la Finlande, de l’Irlande et du Liechtenstein.

Le vote a lieu dans la rotonde derrière la Présidence et sera clos à 17 heures.

J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

Le dépouillement aura lieu aussitôt après dans les conditions habituelles, sous le contrôle des deux scrutateurs que nous avons désignés par tirage au sort ce matin, Mme Marković et M. Destexhe.

Je leur rappelle qu’ils devront se trouver dans la rotonde derrière la Présidence à 17 heures.

Le résultat du scrutin sera annoncé si possible avant la levée de la séance de cet après-midi.

Le scrutin est ouvert.

Nous poursuivons nos travaux pendant ce temps.

2. Modification dans la composition des commissions

LA PRÉSIDENTE – Une proposition de modification dans la composition des commissions a été publiée dans le document Commissions (2015) 04 Addendum 4.

En l’absence d’objections, cette modification est adoptée.

3. Limitation du temps de parole

LA PRÉSIDENTE – Chers collègues, comme vous le savez, M. Reynders, ministre des Affaires étrangères et européennes de la Belgique, Président du Comité des Ministres, présentera sa communication et répondra aux questions au cours de la séance de demain matin à 12 h 15.

Afin d’entendre un maximum d’orateurs pendant le débat d’actualité et lors des questions à M. Reynders, je vous propose de limiter le temps de parole à 3 minutes tout au long de la séance de demain matin.

Il en est ainsi décidé.

4. Questions à M. le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe

LA PRÉSIDENTE* – L’ordre du jour appelle l’intervention de M. Jagland, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, qui va directement répondre aux questions des membres de l’Assemblée.

Un nombre important de collègues ont déjà exprimé le souhait de poser une question.

Je vous rappelle que les questions doivent avoir un caractère vraiment interrogatif et ne pas dépasser 30 secondes.

M. AGRAMUNT (Espagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – La situation en Ukraine reste préoccupante. Le Conseil de l'Europe a-t-il joué un rôle particulier dans les Accords de Minsk et, si oui, de quelle façon ?

M. JAGLAND, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe*– Je vous remercie de votre question.

Je ne peux pas dire que le Conseil de l'Europe ait participé aux Accords de Minsk. En revanche, il pourra jouer un rôle – directement ou indirectement – dans le cadre de leur mise en œuvre. Nous poursuivrons nos efforts avec les autorités ukrainiennes afin de consolider l’Etat ukrainien.

Nous venons à peine d’engager un nouveau plan d’action pour l’Ukraine, le plus vaste plan d’action de l’histoire du Conseil de l'Europe. Le Président Porochenko a invité le Conseil de l'Europe à avoir trois sièges au sein de la Commission constitutionnelle, prouvant ainsi la confiance que l’Ukraine met dans notre Organisation.

J’ajoute que le processus de décentralisation est déterminant dans le processus de Minsk. Vendredi, j’ai signé un accord avec le Vice-Premier ministre d’Ukraine, en visite au Conseil de l'Europe.

Nous avons signé un accord qui permettra au Conseil de l'Europe de déployer 25 experts dans 25 bureaux répartis dans les oblasts de l’Ukraine, afin d’aider le pays à réaliser sa décentralisation. Tous les efforts que nous entreprenons auront leur importance pour faire avancer le processus de Minsk et trouver une solution à la crise en Ukraine de l’est.

Mme MATEU PI (Andorre), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe –
Monsieur le Secrétaire Général, pouvez-vous nous indiquer quelles mesures vous pensez prendre à la suite de la décision de la Cour de justice du 18 décembre dernier qui complique l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL – Il appartient non pas au Conseil de l'Europe mais à l’Union européenne de réagir à cette décision. Nous entretenons d’excellents rapports avec les dirigeants de l’Union européenne, j’ai d’ailleurs vu le commissaire Timmermans il y a peu, et nous respectons bien entendu le fait que des discussions en interne soient nécessaires pour réagir à cette décision.

Je puis cependant vous indiquer que l’adhésion de l’Union européenne à la Convention reste d’actualité et que l’Union européenne reste pleinement engagée dans le processus.

M. CLAPPISON (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Nous allons fêter, le mois prochain, la fin de la Seconde Guerre mondiale : comment envisagez-vous la commémoration de cet événement ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL – Un certain nombre de manifestations seront organisées partout en Europe auxquelles de nombreux parlementaires ici présents participeront.

Je me rendrai dès dimanche prochain au camp de Struthof, l’un des pires camps de la mort, avec le Président Hollande et le président du Parlement européen, M. Schulz, pour commémorer sa libération. Par ailleurs, souvenez-vous, nous avons déjà commémoré la libération du camp d’Auschwitz, ici, devant le palais.

Cette guerre a fait de nombreuses victimes, le Conseil de l'Europe se doit donc de commémorer les 70 ans de la fin de la guerre et faire preuve d’empathie à l’égard de tous ceux qui sont morts dans les camps, de tous les civils qui ont été tués – rappelons que 27 millions de Russes sont morts au cours de ce conflit. Nous n’oublions pas ce qui s’est passé alors, pas plus que les événements de la Première Guerre mondiale.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – C’est une bonne chose que le Conseil de l’Europe s’efforce d’intervenir en Ukraine car cela répond à un besoin. Dans la mesure où nous essayons de faire prévaloir l’Etat de droit dans ce pays, que pensez-vous des mesures qui ont été prises par le Gouvernement pour interdire le parti communiste et de la récente décision de la Verkhovna Rada d’interdire une idéologie et des symboles qui pourraient être utiles ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL – Je n’ai pas de jugement à apporter en la matière, je ne puis que vous transmettre notre point de vue empreint de circonspection. Le problème s’est déjà posé en Moldova et nous avons réagi. Il faut toujours être très prudent quand il s’agit d’interdire un parti politique, mais parfois il est nécessaire d’avoir recours à ce genre de mesure.

Mme KORUN (Autriche), porte-parole du Groupe socialiste* – Des milliers de personnes meurent en mer Méditerranée depuis des années et chaque fois il est dit « Plus jamais cela ». De nombreux chefs de gouvernement et ministres se montrent choqués, mais la tragédie se poursuit. Comment pouvons-nous assumer une responsabilité commune ? Qu’envisagez-vous de faire pour ouvrir des couloirs humanitaires afin que les réfugiés puissent atteindre l’Europe en sécurité et que leur droit à demander l’asile soit une réalité ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL – Beaucoup de choses doivent être faites, et il convient notamment de traquer les auteurs de cette traite des êtres humains des deux côtés de la Méditerranée. Mais le Conseil de l'Europe n’a pas les moyens pour cela. Il est également nécessaire de renforcer les opérations de sauvetage en mer. Je me suis déjà exprimé en faveur du partage du fardeau qui pèse sur les nations européennes qui reçoivent sur leur territoire ces migrants. Nous avons parlé hier, en séance plénière, de la situation en Grèce, et il a été dit que les nations riveraines de la Méditerranée ne pouvaient pas gérer seules cette situation; le fardeau doit être partagé.

La question fondamentale est la suivante : comment aider à stabiliser les nations riveraines de la Méditerranée ? Nous y avons contribué dans une proportion qui, sans être considérable, n’est pas négligeable, par notre politique de voisinage, notamment auprès de la Tunisie, en contribuant à l’édification d’institutions démocratiques et de la nouvelle Constitution et en aidant les forces politiques à coopérer pour l’avenir du pays. De fait, aujourd’hui, il y a moins de réfugiés en provenance de Tunisie, sans doute parce que la situation sur le terrain est plus stable. La situation est bien plus dramatique en Libye, davantage encore en Syrie, et nous ne pouvons aider ces pays pour le moment. La solution clé à ces problèmes est en tout cas l’amélioration des conditions économiques et sociales et la stabilité des Etats qui nous entourent.

M. ROUQUET (France) – La situation ne cesse de se dégrader dans « L’ex-République yougoslave de Macédoine ». Un système d’écoutes téléphoniques a défrayé la chronique, l’opposition boycotte le Parlement, les tensions interethniques resurgissent. Le Parlement européen a fait une tentative de médiation, le Gouvernement américain s’en préoccupe également ; pour l’instant, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a prévu d’envoyer à Skopje des corapporteurs de la commission de suivi. Envisagez-vous, Monsieur le Secrétaire Général, d’intervenir personnellement dans ce dossier qui concerne un Etat du Conseil de l’Europe ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Nous suivons la situation de très près. Ce qui se passe dans « L’ex-République yougoslave de Macédoine » se produit en quelque sorte dans l’ombre de toutes les autres crises que nous connaissons en Europe. Ce n’en est pas moins inquiétant. Je me félicite donc que l’Assemblée parlementaire ait décidé d’y dépêcher des rapporteurs.

À court terme, il me paraît essentiel de faire en sorte que l’opposition et le gouvernement travaillent ensemble. J’appellerai donc l’opposition à reprendre son travail à l’Assemblée nationale. Je sais pourquoi ses membres ont quitté leurs sièges, mais, pour sortir le pays de la crise, il faut que les principales forces politiques coopèrent davantage.

Naturellement, nous sommes également très préoccupés par les scandales que vous avez évoqués et qui ne sont pas de très bon augure pour le pays.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – Monsieur le Secrétaire Général, il y a quelques mois, un régime séparatiste installé dans les territoires occupés d’Azerbaïdjan et qui n’a pas été reconnu par la communauté internationale a commis des actes inhumains, violant les normes et principes internationaux, envers les Azerbaïdjanais Shahbaz Guliyev et Dilham Askerov. La communauté internationale se désintéresse de leur sort. Ils sont toujours retenus en otage. Ils attendent votre soutien. Quelles mesures concrètes pourriez-vous prendre pour contribuer à leur libération ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Je suis également très attentif à cette question, en particulier aux deux cas que vous avez mentionnés. Je suis en train de voir ce que je peux faire. Si je vous en dis plus, mon action risque d’échouer. Mais je vous garantis que j’y travaille.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – Lorsque l’Espagne a connu une crise due à l’arrivée de nombreux migrants africains aux Canaries, nous avons conclu des accords économiques avec leurs pays d’origine. Ce n’est pas le Conseil de l’Europe qui l’a fait, ni l’Union européenne, mais l’Espagne. Aujourd’hui, en revanche, l’Italie ou la Grèce ne peuvent pas résoudre le problème seules.

Ne pensez-vous pas qu’au lieu de faire de grandes déclarations sur la solidarité avec les victimes de ces drames, nous devrions changer les relations entre pays riches et pays pauvres pour éviter d’appauvrir encore plus ces derniers ? L’Europe ne pourrait-elle envisager d’autres relations avec l’Afrique, pour éviter de telles situations ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Je suis tout à fait d’accord avec vous. Le Conseil de l’Europe a apporté sa contribution en la matière, par la politique que nous menons vis-à-vis des pays de notre voisinage. Nous avons des accords de coopération avec la Tunisie, le Royaume du Maroc, le Royaume de Jordanie. Je l’ai dit, nous avons aidé la Tunisie à instaurer la nouvelle Constitution. Nous aidons également les autorités marocaines et la Jordanie est très intéressée par ce que nous pourrions faire en la matière. Nous n’avons pu étendre cette coopération à d’autres pays, car il convient de cibler notre action en fonction de la demande. Mais vous avez raison : nous, Européens, devons élargir notre conception de ce qu’est l’Europe. Je ne veux pas dire que le Conseil de l’Europe ou l’Union européenne devraient accueillir de nouveaux membres, mais que ces pays sont confrontés aux mêmes défis que nous et que nous devrions donc avoir une conception plus globale de la manière dont nous pouvons résoudre ensemble ces problèmes communs.

Voilà pourquoi il est important que certains de ces pays manifestent le désir de signer certaines de nos grandes conventions, concernant par exemple le trafic d’êtres humains. De ce point de vue, nous sommes sur la bonne voie. On mesure de plus en plus que les défis sont les mêmes et que nous devons travailler ensemble.

Mme ZOHRABYAN (Arménie) – Aujourd’hui, un échange de vues sur les prisonniers politiques en Azerbaïdjan était organisé dans le cadre de notre Assemblée. Cet événement a eu lieu dans une salle presque vide. Aucun parlementaire européen de notre Assemblée n’était présent; en particulier, aucun membre de la délégation azerbaïdjanaise. Cette absence ne montre-t-elle pas l’hypocrisie de notre Organisation ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Je ne peux pas faire de commentaire sur ce point.

Voici ce que je puis dire : nous travaillons avec les autorités ; nous avons créé une commission incluant des experts envoyés par les autorités, d’autres de la société civile, et nous étudions tous les cas, toutes les demandes qui concernent les prisonniers politiques en Azerbaïdjan.

La commission de Venise s’est penchée en détail sur les lois azerbaïdjanaises, sur la situation des ONG et a émis un certain nombre de remarques critiques. Nous tâchons par conséquent de faire en sorte que les lois sur les ONG soient modifiées et nous travaillons sur des cas précis. Enfin, nous avons un plan d’action pour l’Azerbaïdjan qui met l’accent sur la nécessité de réformer le système judiciaire.

Certes, nous n’étions pas présents dans la salle, mais nous sommes actifs pour faire progresser la situation en Azerbaïdjan dans la bonne direction.

Mme SCHOU (Norvège)* – La décentralisation des pouvoirs est une réforme politique clé parmi toutes celles que doit engager l’Ukraine. Pourriez-vous nous dire où en est le plan d’action du Conseil de l’Europe pour l’Ukraine à ce sujet ? Quelles sont les mesures prochaines à prendre pour faciliter cette décentralisation ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – Voilà une très importante question. La toute première mesure à prendre est d’amender la Constitution afin que le processus de décentralisation puisse être lancé, précisément dans le respect de la Constitution. Ensuite, je l’ai déjà évoqué, nous avons mis 25 experts à disposition du bureau ad hoc qui devra faire avancer ce processus.

On compte trop de municipalités en Ukraine et il s’agit de les regrouper. Je crois du reste que vous avez engagé une telle réforme en Norvège, comme c’est le cas dans d’autres pays membres.

En outre, se pose la question de la délégation des pouvoirs : nous sommes convaincus de la nécessité d’une approche asymétrique qui implique qu’en fonction des régions les pouvoirs ne seront pas les mêmes. Un modèle unique s’appliquant à l’ensemble du territoire ne pourrait en effet répondre aux problèmes liés aux nombreuses minorités. Il revient bien sûr aux autorités ukrainiennes elles-mêmes d’en décider – je tiens à préciser que toute notre action respecte la volonté des autorités ukrainiennes : nous ne sommes là que pour leur offrir notre expertise en matière constitutionnelle, juridique, pour conseiller le parlement, l’aider à adopter chaque jour de nouvelles lois.

Certains pays européens ont du reste déjà un système de délégation asymétrique, comme le Royaume-Uni avec l’Irlande du Nord et l’Ecosse. Il est sans doute bon pour l’Ukraine de s’inspirer de l’expérience d’autres Etats membres.

Mme MAGRADZE (Géorgie)* – Les violations des droits fondamentaux sont nombreuses dans les territoires occupés en Géorgie. Cette situation dramatique nous préoccupe d’autant plus qu’aucune organisation internationale n’y a accès. Nous disposons toutefois d’informations selon lesquelles les populations y sont confrontées à d’énormes problèmes.

Quelles sont les mesures prises par le Conseil de l’Europe et en particulier par son Secrétaire Général pour faire face aux conditions de vie terribles des habitants de ces territoires ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – On ne peut pas dire que l’accès à ces territoires soit impossible pour nous. Plusieurs de nos experts se sont rendus sur place. Il est toutefois vrai que cet accès devrait nous être facilité et nous en discutons avec les autorités responsables. Nous avons pu travailler en Abkhazie plus qu’en Ossétie du Sud. Quoi qu’il en soit, j’y insiste, ces régions où l’on viole les droits de l’homme et les principes de l’Etat de droit sont pour nous une véritable préoccupation.

J’avais déjà mentionné, dans mon premier rapport annuel sur la situation des droits de l’homme et de l’Etat de droit en Europe, que le contexte des territoires évoqués était délicat, très difficile. En tant qu’organisation axée sur les droits de l’homme, nous ne pouvons accepter que certaines régions soient totalement ou partiellement fermées aux institutions chargées du suivi et de l’examen de la situation. Ces régions, en effet, sont sous la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme et la Convention s’y applique donc.

M. HONCHARENKO (Ukraine)* – Je vous remercie, Monsieur le Secrétaire Général, d’avoir participé à une libération dans une prison de Moscou.

L’annexion de la Crimée a été un véritable défi pour la paix et la sécurité dans le monde. Le Comité des Ministres l’a condamnée fermement. Puisque le pays agresseur n’applique pas les décisions contraignantes prises à son encontre, pensez-vous qu’il soit nécessaire de nommer un conseiller spécial ou un émissaire pour s’occuper du dossier de l’annexion et de l’occupation illégales de la Crimée ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – L’annexion de la Crimée est un véritable défi pour notre organisation. Nous n’avons pas suffisamment accès à cette région. A partir de quel territoire pouvons-nous être opérationnels pour envoyer nos experts chargés du suivi ? Je n’ai pas vraiment songé à nommer un émissaire particulier. Nous avons en effet déjà un commissaire aux droits de l’homme qui s’est rendu en Crimée il n’y a pas si longtemps. Nous pouvons en tout cas utiliser tous les instruments à notre disposition même s’il est très difficile d’agir sur le plan logistique. Car si la Convention n’est pas appliquée dans certaines zones, c’est parce que nous n’y avons pas accès.

Mme BİLGEHAN (Turquie) – Le lancement par vous-même, Monsieur le Secrétaire Général, de la plateforme du Conseil de l’Europe pour la protection des journalistes, à la fin de 2014, avait apporté un brin d’espoir aux journalistes sous pression dans plusieurs pays membres. Quelle a été la suite de cette initiative ?

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL* – La plateforme en question a d’ores et déjà été mise en œuvre. Elle résulte d’un accord entre le Conseil de l’Europe et plusieurs organisations de journalistes européens, lesquelles peuvent signaler des cas de menaces ciblant les journalistes ou de menaces pesant sur la liberté d’expression. C’est une grande réussite : beaucoup de choses s’y passent et, selon les termes de l’accord, je peux moi aussi utiliser ce qui y est mis afin d’instaurer un dialogue avec les autorités compétentes ou d’en parler avec le Comité des Ministres. C’est le cas, par exemple, de la télévision des Tatars de Crimée qui a été fermée et j’ai pu évoquer cette question avec ces derniers pour voir ce que nous pouvions faire.

C’est donc un outil extrêmement utile, qui s’intègre dans notre stratégie visant à être beaucoup plus réactifs pour ce qui est de faire respecter la liberté des médias – et, plus largement, la liberté d’expression – et d’aider à la protection des journalistes.

LA PRÉSIDENTE* – Monsieur le Secrétaire Général, je tiens à vous remercier au nom de toute l’Assemblée. C’était la première que nous adoptions ce format de questions-réponses et je crois que c’est une bonne formule.

Je remercie également tous les membres de l’Assemblée qui ont posé des questions et suis désolée que tout le monde n’ait pas pu s’exprimer. Je pense que nous devrions reconduire cette formule, en espérant que, la prochaine fois, nous aurons plus de temps.

Merci encore, Monsieur le Secrétaire Général. Je sais que d’autres engagements vous appellent maintenant et que vous devez nous quitter.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le scrutin pour l’élection de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Andorre, de l’Autriche, de la Finlande, de l’Irlande et du Liechtenstein est en cours. Il sera clos à 17 heures.

J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

5. Attribution du Prix de l’Europe 2015

LA PRÉSIDENTE – Chers collègues, je vous annonce que le Prix de l’Europe 2015 vient d’être attribué à deux villes : Dresde en Allemagne et Vara en Suède. Toutes mes félicitations à ces deux villes.

6. Budget et priorités du Conseil de l’Europe pour l’exercice biennal 2016-2017
Dépenses de l’Assemblée parlementaire pour l’exercice biennal 2016-2017
(Débat conjoint)

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle un débat conjoint.

Nous entendrons d’abord M. Bugnon, qui présentera les rapports de M. Salles, déposés au nom de la commission du Règlement, sur « Le budget et les priorités du Conseil de l’Europe pour l’exercice biennal 2016-2017 » (Doc. 13743) et sur « Les dépenses de l’Assemblée parlementaire pour l’exercice biennal 2016-2017 » (Doc. 13744).

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ces textes, votes inclus, à 17 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 16 h 55, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Je rappelle à M. Bugnon qu’il dispose d’un temps de parole total de 13 minutes, qu’il peut répartir à sa convenance entre la présentation des deux rapports et la réponse aux orateurs.

M. BUGNON (Suisse), suppléant M. Salles, rapporteur de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles – Madame la Présidente, chers collègues, le document 13743 contient un projet d’avis sur le budget et les priorités du Conseil de l’Europe pour l’exercice bisannuel 2016-2017 et un exposé des motifs. Voici, en résumé, les principaux points de ce rapport.

Face aux défis importants auxquels le continent européen et le bassin méditerranéen sont confrontés notre Organisation – le Conseil de l’Europe – dispose d’une autorité et d’une expertise reconnues et des mécanismes appropriés pour aider nos Etats membres et Etats partenaires à faire face à ces défis. Encore faut-il que l’engagement politique et financier des Etats membres soit assuré.

Il est clair aujourd’hui que les Etats veulent, en contrepartie de leur engagement, plus d’efforts et de rigueur de la part du Conseil de l’Europe. Le Secrétaire Général, M. Jagland, a, au cours de son premier mandat, mis en œuvre tout un ensemble de mesures destinées à accroître l’efficacité du Conseil de l’Europe grâce à des ressources extrabudgétaires, tout en stabilisant ses coûts salariaux.

Ces ressources extrabudgétaires proviennent à la fois de l’Union européenne, à travers des programmes conjoints avec le Conseil de l’Europe – comme le partenariat oriental ou le programme Sud –, mais également de contributions volontaires payées par certains Etats membres ou non membres. Ces ressources sont très importantes pour permettre au Conseil de l’Europe de remplir des missions de coopération et d’assistance, mais leur caractère non permanent et ciblé sur des thèmes précis ne permet pas de les utiliser ni pour les besoins de financement des activités statutaires et traditionnelles de l’Organisation ni pour les besoins d’investissement indispensables pour maintenir, moderniser et préserver les biens et actifs du Conseil de l’Europe. En effet, seules les contributions obligatoires des Etats membres permettent de couvrir ce type de dépenses.

Aussi, le maintien d’une politique de croissance nominale zéro des contributions obligatoires des Etats membres pour le projet budget bisannuel, si elle est maintenue, posera de sérieuses difficultés à l’Organisation – des difficultés que les ressources extrabudgétaires ne peuvent combler. Le déficit à l’horizon 2021 a été estimé à 22 millions d’euros.

C’est la raison pour laquelle il conviendrait de prendre des mesures concrètes de flexibilité budgétaire, comme notre Assemblée l’avait déjà suggéré à de nombreuses reprises dans ses avis précédents : soit le report du reliquat d’une année sur l’autre dans le cadre du budget bisannuel, soit la mise en compte de réserve de tout ou partie du reliquat constaté. Actuellement, et selon le règlement financier du Conseil de l’Europe, les crédits non dépensés de l’exercice clos doivent être rendus aux Etats. Ces remboursements viennent en déduction des contributions obligatoires versées par les Etats membres aux différents budgets du Conseil de l’Europe.

De même, la révision des barèmes minimaux des contributions payées par les Etats membres au budget ordinaire devrait être abordée. En effet, encore aujourd’hui, 15 Etats membres paient une contribution moins élevée que le coût administratif d’un juge à la Cour de Strasbourg, soit environ 334 000 euros.

Le ciel est sombre mais une éclaircie se dessine, avec la perspective de l’augmentation de la contribution de la Turquie, qui souhaite intégrer le club des Etats grand contributeurs, aux côtés de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, du Royaume-Uni et de la Russie. En devenant grand contributeur, la Turquie pourrait apporter au Conseil de l’Europe près de 20 millions d’euros de crédits supplémentaires – tous budgets confondus –, donnant ainsi à l’Organisation les moyens de faire face aux différents défis, tant internes qu’externes, les autres Etats restant sur leur position de croissance nominale zéro appliquée à leur propre contribution.

Ce soutien de la part de la Turquie est très important pour le Conseil de l’Europe car cet apport de ressources financières stables permet justement de financer le type de dépenses que des ressources extrabudgétaires ne pourraient pas prendre en charge.

Enfin, à la suite des attentats de Paris, de Copenhague et tout récemment de Tunis, la lutte contre le terrorisme et le renforcement de la protection des droits de l’homme devront compter parmi les axes principaux des priorités du Conseil de l’Europe pour le projet bisannuel 2016-2017.

Pour conclure sur ce premier rapport, nous invitons le Secrétaire Général à réintroduire le financement des invitations de journalistes à l’occasion des événements majeurs organisés par le Conseil de l’Europe, y compris les parties de session de l’Assemblée. En effet, il est important que les médias puissent couvrir de manière libre et indépendante les activités du Conseil de l’Europe.

Tous les points que je viens d’évoquer figurent dans l’exposé des motifs et le projet d’avis que j’ai l’honneur, au nom du rapporteur, M. Salles, de soumettre à votre approbation.

S’agissant du projet de résolution sur les dépenses de l’Assemblée parlementaire, ces dernières, comme pour le budget du Conseil de l’Europe, sont liées aux décisions futures du Comité des Ministres concernant la proposition de la Turquie de devenir grand contributeur au budget ordinaire du Conseil de l’Europe.

Cette nouvelle importante s’inscrit cependant dans le scénario retenu pour le prochain cycle bisannuel, à savoir la poursuite de la croissance nominale zéro des contributions payées par les autres Etats membres.

Sans l’augmentation de la contribution turque, les conséquences de la politique de non croissance pourraient être, pour notre Assemblée, le gel de trois postes permanents, soit une réduction de nos crédits de 176 200 euros. Je le rappelle, au cours du cycle bisannuel précédent, 2014-2015, notre Assemblée a fait des efforts de réduction à hauteur de 275 000 euros, supprimant dès lors deux postes permanents et réduisant de 80 000 euros ses crédits opérationnels.

Aujourd’hui, la situation n’est pas encore réglée, car le Comité des Ministres ne s’est pas encore prononcé sur la demande turque. Cependant, je pense que la décision sera favorable et, comme je l’espère, sans réduction des contributions payées par les autres Etats membres. Parallèlement, et en lien avec cette décision des autorités turques, l’Assemblée devra se prononcer sur deux autres demandes qui concernent, d’une part, l’augmentation du nombre de sièges accordé à la délégation turque à l’Assemblée et, d’autre part, l’introduction du turc comme langue de travail.

Si la langue turque devient une langue de travail, l’Assemblée devra recevoir des crédits supplémentaires pour couvrir les besoins d’interprétation pendant les réunions des commissions et les séances plénières. Le Secrétariat Général a chiffré les besoins à environ 700 000 euros. Compte tenu du contexte actuel, l’introduction du turc comme langue de travail ne peut s’envisager que dans la perspective de l’augmentation de la contribution turque.

S’agissant de ses activités, l’Assemblée poursuivra en 2016 et 2017 son action dans le cadre de ses missions prioritaires, concernant notamment l’efficacité de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Charte sociale européenne ainsi que le rôle du défenseur des droits de l’homme ; le suivi de la Convention de Lanzarote sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, alors que la Campagne UN sur CINQ se termine à la fin de l’année 2015 ; le monitoring et l’observation des élections ; la gouvernance de l’internet et la cybercriminalité ; la coopération avec les parlements nationaux et partenaires. L’Assemblée procèdera également aux différentes élections statutaires et conventionnelles.

Par ailleurs, l’accent sera mis sur la communication et l’utilisation des médias sociaux pour promouvoir les travaux de l’Assemblée et l’action de ses membres ainsi que la modernisation de ses outils. Je pense en particulier à la production électronique de documents structurés au format XML, permettant de faire des recherches en utilisant les métadonnées.

L’Assemblée continuera d’apporter son soutien, avec l’aide de contributions volontaires de certains parlements et gouvernements – que je remercie pour leur soutien – à certaines campagnes de sensibilisation sur des thèmes importants. Je citerai entre autres : le réseau parlementaire pour le « droit des femmes de vivre sans violence » ; la plateforme contre la corruption ; l’alliance parlementaire contre la haine ; la campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d’enfants migrants, qui vient d’être lancée.

Enfin, l’Assemblée poursuivra son programme de coopération ciblé destiné à promouvoir auprès des parlements des Etats membres et des partenaires pour la démocratie, les principales recommandations de notre Assemblée. Ce programme est en partie financé par les programmes joints avec la Commission européenne, notamment dans le cadre du Partenariat oriental et Sud-Est, et du Programme Sud.

Dans l’attente de la décision du Comité des Ministres quant à la proposition turque, les dépenses de l’Assemblée sont maintenues au même niveau que celles prévues pour 2015. Ce montant ne tient naturellement pas compte de l’augmentation des ressources qui seront nécessaires pour couvrir les dépenses liées à l’introduction du turc parmi les langues de travail de l’Assemblée.

Pour les détails, je vous renvoie au rapport contenant le projet de résolution.

Je vous invite, mesdames et messieurs les parlementaires, à adopter ces deux rapports et vous remercie de votre attention.

LA PRÉSIDENTE – Nous vous remercions, Monsieur Bugnon, pour cette présentation. Il vous restera quatre minutes pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte.

M. Rouquet, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Brasseur au fauteuil présidentiel.

M. ELZINGA (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Chaque jour, je dis bien chaque jour, l’Union européenne dépense le budget annuel du Conseil de l’Europe.

Oui, le Conseil de l’Europe est une grande organisation, composée de 47 Etats membres, d’un bon nombre d’institutions et d’agences de suivi, de conventions et d’accords partiels. C’est une grande organisation qui défend des valeurs-clés, telles la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit. Mais, sur le plan financier, le Conseil de l’Europe est une organisation modeste, voire petite, et menacée. Il est confronté à de nombreux défis qu’il traite avec une grande efficacité, mais plutôt que de lui permettre de disposer des ressources nécessaires à son action, le budget constitue un problème supplémentaire.

Au nom du Groupe pour la gauche unitaire européenne, je remercie le rapporteur d’avoir décrit la situation très clairement : la stagnation budgétaire qui résulte de la décision prise par nos Etats membres de continuer à appliquer une croissance nominale zéro pourrait avoir des conséquences dramatiques pour le Conseil de l’Europe et l’empêcher de respecter ses obligations. Elle pourrait même mettre en danger le fonctionnement de notre Assemblée.

Je félicite le Conseil de l’Europe pour sa créativité et pour avoir trouvé des ressources supplémentaires. Celles-ci nous sont venues d’Etats membres de l’Union européenne, et d’autres aussi. C’est une bonne nouvelle pour les projets supplémentaires, mais cela n’empêche pas que nous disposions de moins en moins de ressources. Pourtant, le problème pourrait être aisément réglé par les Etats membres, puisque leurs contributions ne représentent, pour chacun d’entre eux, qu’un fardeau financier modeste, d’autant plus modeste quand on songe à tout ce que notre Organisation pourrait faire pour la démocratie, la défense des droits de l’homme et la prééminence du droit.

Si vous êtes convaincus, comme nous, que le travail du Conseil de l’Europe doit se poursuivre et si vous pensez que le budget actuel est insuffisant pour permettre le bon fonctionnement de notre Organisation, il faut agir. Ne soyons pas hypocrites ! Nos groupes et leurs responsables doivent s’efforcer de convaincre les parlements nationaux de dégager davantage de ressources pour que le Conseil de l’Europe ait les moyens budgétaires de défendre la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit.

M. MIGNON (France), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen – Monsieur le Président, mes chers collègues, ce n’est pas la première fois que j’assiste à un tel débat sur le budget du Conseil de l’Europe, notamment sur les dépenses de son Assemblée parlementaire. Malheureusement, force est de constater que, d’année en année, quoi que nous disions, les moyens mis à notre disposition vont diminuant.

Si je me tourne vers le banc réservé aux représentants du Comité des Ministres, je constate que vous n’êtes pas bien nombreux cet après-midi pour écouter ce que nous avons à dire. Considéreriez-vous que ce qui sera dit dans cet hémicycle cet après-midi ne vous intéresse pas ? Vous êtes pourtant celles et ceux qui devront faire remonter aux gouvernements que vous représentez ce que nous avons à dire, nous, représentants des parlements nationaux.

Monsieur le Président, mes chers collègues, dois-je rappeler, sans revenir sur l’excellent et complet rapport de M. Bugnon, que le seul budget de la Cour de justice de l’Union européenne est supérieur au budget global du Conseil de l’Europe ? Bien évidemment, je ne prends pas en compte les contributions volontaires, car nous ne pouvons pas vivre que de contributions volontaires, mais le budget global du Conseil de l’Europe, c’est aussi le budget de la Cour européenne des droits de l’homme, du Comité de prévention contre la torture, de la Pharmacopée européenne, bref, de l’ensemble des outils mis à notre disposition pour faire ce que nous avons à faire.

Toute la question est de savoir si, oui ou non, le Conseil de l’Europe a de l’avenir. Pour ma part, j’en suis persuadé. Il faut donc lui en donner les moyens et arrêter d’avancer je ne sais quel prétexte pour couper dans nos budgets.

Nous avons besoin de fonctionner. Des efforts considérables ont été réalisés ces dernières années pour limiter les frais de fonctionnement de cette maison. Nous ne pouvons aller au-delà sans mettre en péril la qualité du travail du personnel du Conseil de l’Europe, dont je voudrais saluer le dévouement et l’engagement au service de nos valeurs. Il arrivera malheureusement un jour où nous ne pourrons plus le payer comme il le mérite.

Mesdames et Messieurs les représentants, du moins celles et ceux qui sont présents dans l’hémicycle, je vous demande de vous faire l’écho du message de l’Assemblée, une nouvelle fois réaffirmé. Faites remonter la volonté des parlementaires, qui détiennent leur pouvoir du peuple ! Que l’on nous donne enfin les moyens dont nous avons besoin et que l’on cesse de diminuer, année après année, les moyens dont nous disposons.

Mme VUČKOVIĆ (Serbie), porte-parole du Groupe socialiste* – Je voudrais remercier le rapporteur, au nom de mon groupe, pour ses deux excellents rapports. En tant qu’ancienne présidente de la commission du Règlement, j’ai suivi son travail de très près. La commission du Règlement a discuté à plusieurs reprises des problèmes budgétaires et envisagé des solutions pour relever les défis existants, en particulier les enjeux à court et long terme de l’application du principe de la croissance nominale zéro. Si elle perdurait, elle serait susceptible de menacer la continuité opérationnelle des activités de l’Organisation, qui doit pouvoir s’appuyer sur les compétences de son personnel.

Le rapport apporte son soutien aux réformes entreprises par le Conseil de l’Europe et au sein de l’Assemblée afin de réduire les coûts. Il salue les efforts accomplis pour diversifier les sources de financement. Le financement extrabudgétaire doit en effet être renforcé comme mécanisme permettant de pallier le manque de ressources budgétaires. Toutefois, seul un financement continu et régulier des Etats membres permettra de garantir la pérennité des activités de l’Assemblée. Il est donc d’une importance cruciale que les engagements politiques et financiers des Etats membres soient préservés et garantis. Nous réitérons notre soutien à la proposition de mesures de flexibilité budgétaires soumise par l’Assemblée au Comité des Ministres. Il est important de tenir compte de la liste des priorités pour 2016 et 2017 proposée dans le projet de résolution. Elle fait référence aux choix stratégiques de notre Organisation, notamment à la nécessité de renforcer la Cour européenne des droits de l’homme afin d’améliorer son efficacité.

Pour le Groupe socialiste, le renforcement de la Charte sociale européenne est une priorité. Nous sommes favorables à l’engagement du Conseil de l’Europe dans la lutte contre le terrorisme en développant de nouveaux instruments, mais aussi en renforçant les outils déjà existants, par exemple dans les domaines des droits de l’homme, de l’éducation et de la culture, pour lutter contre les préjugés, l’exclusion et l’intolérance. Nous soutenons par ailleurs les efforts en faveur d’une meilleure interconnexion et d’une plus grande cohérence entre les différentes activités de l’Organisation.

En tant que membres de cette Assemblée, nous devons nous efforcer de faire mieux connaître notre travail au sein de nos parlements nationaux et auprès de nos gouvernements afin que les décisions budgétaires nationales ne constituent pas des menaces pour notre Organisation. C’est essentiel pour les valeurs que nous représentons.

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je voudrais féliciter le rapporteur pour son travail d’une extrême importance. Débattre du budget constitue en effet l’un des principaux pouvoirs de l’Assemblée. Au nom de mon groupe politique, j’aimerais aborder un point en particulier s’agissant des priorités du budget du Conseil de l’Europe dans le cadre du prochain biennium, à savoir la liberté des médias de décider de couvrir les activités de l’Organisation.

Il y a quelques années encore, le Conseil de l’Europe invitait régulièrement les journalistes intéressés par ses activités, notamment lors des sessions de l’Assemblée, dans le but de mieux faire connaître son rôle et ses missions dans le monde entier. Il s’agissait de rendre nos activités plus intéressantes aux yeux du grand public. En raison des restrictions budgétaires, les financements dédiés à ce poste ont été supprimés.

Je tiens en particulier à appeler votre attention sur les journalistes originaires de pays qui font l’objet d’une procédure de suivi ou de postsuivi et qui ne respectent pas pleinement la liberté d’expression. Dans ces pays, les médias critiques à l’égard du pouvoir souffrent d’un manque cruel de ressources financières.

C’est pourquoi le groupe de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe appuie le paragraphe du projet de résolution tendant à demander au Secrétaire Général d’envisager de restaurer les financements destinés aux journalistes des pays qui font l’objet d’une procédure de suivi ou de postsuivi, et de donner la possibilité aux médias qui disposent de ressources limitées et qui ne dépendent pas d’un gouvernement, de couvrir les activités de l’Organisation dans les domaines des droits de l’homme, de la primauté du droit et de la démocratie. La publicité dont bénéficieraient les débats de l’Assemblée parlementaire relatifs à ces pays serait du plus grand intérêt, et cela pour tous les citoyens des pays membres du Conseil de l’Europe.

Nous apportons donc notre soutien au projet de résolution et nous demandons au Secrétaire Général de restaurer éventuellement ces financements.

LE PRÉSIDENT – Le rapporteur ne souhaite pas répondre maintenant aux porte-parole des groupes.

Nous poursuivons donc la discussion générale.

Mme DALLOZ (France) – À l’heure où nombre de pays luttent pour réduire l’endettement public, donc les dépenses publiques, il serait quelque peu paradoxal que les organisations internationales, donc le Conseil de l’Europe, soient exclues de l’effort commun.

L’Union européenne pourrait faire des efforts supplémentaires, mais cela ne saurait constituer une excuse légitime pour ne rien faire à Strasbourg. J’approuve donc totalement, contrairement aux orateurs précédents, le principe de la croissance nominale zéro appliqué à l’Organisation et me réjouis d’apprendre dans l’excellent rapport de M. Salles qu’au cours de son premier mandat M. Jagland a pu dégager 15 millions d’euros d’économies.

Vous indiquez, Monsieur le rapporteur, que ces économies proviennent en particulier de la masse salariale. Quels sont les autres postes d’économies ?

Ce rapport nous rappelle ensuite que les contributions de certains Etats membres ne couvrent même pas le coût annuel d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme, évalué en 2011 à 333 000 euros. Ce devrait être, en effet, un minimum obligatoire pour chaque pays. Je me suis reportée au tableau sur les contributions nationales au budget du Conseil de l’Europe que vous citez, Monsieur le rapporteur, et j’ai constaté que pour 2014 les Etats-Unis contribuaient plus que certains Etats membres !

Dès 2007, l’Assemblée a émis une recommandation en la matière et rien ne s’est passé depuis. Ne pourriez-vous pas, Monsieur le rapporteur, proposer une nouvelle clé de répartition pour essayer de surmonter l’inertie des Etats ? Des situations sont d’autant moins normales qu’il existe à l’Assemblée une très faible relation entre le nombre d’habitants et le nombre de voix. Certains Etats pourraient donc consentir un effort et ce d’autant que petit pays ne veut pas forcément dire pays pauvre.

En revanche, je me réjouis de la décision de la Turquie de contribuer plus au budget de notre Organisation. Vous appelez notre attention, Monsieur le rapporteur, sur le danger que représente pour la pérennité de l’Organisation le poids croissant de ressources additionnelles, du fait notamment de leur non-participation aux dépenses d’entretien des bâtiments et d’utilisation des nouvelles technologies.

La non-maintenance constitue en effet une fausse économie, qui se paie très cher à long terme. Les contributions volontaires, en soi bienvenues, constituent aussi un facteur de fragilité, dès lors qu’elles ne sont pas pérennes.

Pourriez-vous nous indiquer quel est le montant total annuel des contributions de l’Union européenne au budget du Conseil et la part du financement des programmes de coopération que cela représente ? J’ai cru entendre que M. Soros allait cofinancer un institut sur les Roms. D’autres financements de ce type sont-ils prévus ?

En conclusion, je voudrais renouveler mes remerciements à notre rapporteur et réitérer mon soutien à une gestion budgétaire rigoureuse.

M. KORODI (Roumanie)* – Je voudrais féliciter notre collègue français pour ce rapport, qui comporte des propositions budgétaires pour le prochain exercice biennal 2016-2017 pour le Conseil de l’Europe et l’Assemblée parlementaire. Lorsqu’on établit le budget, il faut tenir davantage compte des grandes priorités, pour qu’elles soient liées aux grands enjeux européens.

L’examen des grands sujets prioritaires – la situation en Ukraine, l’instabilité politique dans le nord de l’Afrique et au Moyen-Orient, les conflits gelés ou qui perdurent, les menaces terroristes liées à la radicalisation extrémiste – devrait être complété par la prise en compte d’une dimension ethnique. Il est essentiel d’instaurer un dialogue avec les communautés ethniques concernées. Ce n’est qu’en mettant l’accent sur la dimension ethnique que nous pourrons prévenir d’autres conflits et ramener plus de stabilité sur le continent européen.

La prévention des conflits passe aussi par la promotion des valeurs clés du Conseil de l’Europe dans son voisinage immédiat, notamment en associant l’Union européenne, et par l’engagement de sa puissance financière en faveur de programmes de coopération. Les Etats membres devraient également améliorer leur propre système juridique pour éviter, précisément, ces arriérés de paiement qui empêchent depuis de nombreuses années la Cour européenne des droits de l’homme de bien fonctionner. Ainsi les besoins de financement seraient-ils moindres.

D’une façon générale, une augmentation des contributions des Etats membres doit être étroitement liée aux sujets pertinents d’actualité à débattre et aux résultats attendus.

M. XUCLÀ (Espagne)* – Merci beaucoup, Monsieur Bugnon, d’avoir présenté ce rapport au nom de la commission du règlement et du rapporteur Rudy Salles.

Je dirai un mot, tout d’abord, de la procédure – cela me semble important. Ces dernières années, ce rapport était présenté en commission permanente et non en séance plénière. Du coup, l’intérêt qu’il suscitait était sensiblement moindre. On sait pourtant que, chaque année, nos parlements ont des débats budgétaires très importants. Au Parlement espagnol, le débat sur le budget, chaque année, au mois d’octobre, est celui qui suscite les plus fortes attentes, celui qui est l’objet de la plus grande attention.

Nous autres, membres de l’Assemblé Parlementaire du Conseil de l’Europe, passions à côté de ce débat, qui ne se tenait pas en séance plénière. Or il est important que nous connaissions parfaitement bien la réalité budgétaire de notre organisation, que nous soyons au fait de cette croissance zéro qui a prévalu au cours des dernières années. Il convient donc que cet exercice se fasse dans la plus grande transparence et que les chiffres soient connus. Il faut aussi que nous soyons en mesure de transmettre le message à nos gouvernements respectifs, de leur dire à quel point il est important d’augmenter les contributions au Conseil de l’Europe.

Il s’agit en effet de disposer d’instruments pour faire face aux crises. A l’heure où l’Europe connaît un conflit en son cœur, les valeurs et les principes du Conseil sont plus importants que jamais. Nous sommes confrontés à de considérables défis, à des situations que nous n’avions pas connues depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il est donc plus important que jamais, aujourd’hui, que le Conseil de l’Europe puisse pleinement jouer et assumer son rôle.

Je suis membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe depuis huit ans, et le débat annuel sur le budget me permet encore de découvrir certains de ses instruments que je ne connaissais pas, auxquels nous devons avoir recours pour défendre la démocratie, les droits de l’homme et les libertés.

J’en viens à un dernier point. Les contributions de certains pays augmenteront certainement. Or, ces derniers jours, j’ai entendu certaines personnes exprimer des réserves quant aux conditions auxquelles cette augmentation serait soumise, mais, dans le passé, les choses ne se sont pas passées ainsi, et, à l’avenir, cela ne se passera pas comme cela non plus. Nous travaillons indépendamment des contributions des Etats membres, en respectant toujours nos valeurs fondamentales. Nous nous réjouissons donc de l’augmentation de la contribution de la Turquie. La délégation turque et le gouvernement turc savent que nous allons continuer à travailler main dans la main avec eux. Tout cela est absolument nécessaire pour la communauté des 47 pays membres du Conseil de l’Europe.

M. DIVINA (Italie)* – Dans le rapport, on peut lire que, pour la première fois, la croissance du montant nominal du budget serait nulle. Peut-être est-ce pour partie le résultat des décisions des Etats membres, qui réduisent les dotations des organisations internationales à cause des pressions et des crises budgétaires internes, mais l’exercice proposé est difficile. En effet, certaines dépenses, notamment de personnel, sont incompressibles : le personnel a des attentes légitimes, notamment en termes de carrière, et je vois donc mal comment on pourrait réduire cette dépense.

Nous accueillons évidemment avec bienveillance les contributions volontaires. Il s’agirait en l’occurrence d’un montant de 20 millions d’euros, mais la contrepartie ne nous est pas indiquée : un poids politique plus fort, une représentation plus conforme au montant versé, l’introduction d’une sixième langue de travail ? Avec le coût de la traduction et de l’interprétation, cette dernière mesure coûterait, j’imagine, 1 million d’euros par an. Alors, permettez-moi de m’exprimer avec quelque vigueur : peut-on permettre à un Etat de faire du lobbying, autrement dit de payer plus pour jouir d’un plus grand pouvoir au sein de notre Assemblée ? Je pose la question au rapporteur et au président de la commission. Le but du Conseil de l’Europe est-il d’augmenter son budget ? Ou bien s’agit-il de répondre aux attentes des Etats membres ?

Mme ZIMMERMANN (France) – Le rapporteur général du budget a réalisé un travail précis et complet sur la situation financière du Conseil de l’Europe et de notre Assemblée, mais surtout sur les enjeux de ses choix budgétaires.

Le principe de la croissance zéro du budget est en soi louable, particulièrement en ces temps de crise. Cependant, ce principe ne doit pas conduire à une remise en cause des programmes qui sont au cœur même de l’action du Conseil de l’Europe. Sur ce point, le recentrage financier voulu par le Secrétaire Général autour des trois piliers – droits de l’homme, Etat de droit, démocratie – est à saluer.

Nous le savons, les femmes sont souvent les premières victimes des crises économiques ou politiques qui secouent notre continent. Les actions de notre Organisation ne doivent pas laisser de côté cette dimension.

Ainsi, dans le rapport concernant notre Assemblée, je me réjouis que le financement des campagnes du réseau parlementaire pour « le droit des femmes de vivre sans violence » figure parmi les priorités. Le succès de la Convention d’Istanbul, y compris au-delà de nos frontières, montre que le Conseil de l’Europe, lorsqu’on lui en donne les moyens, peut mener de grandes actions et recevoir la reconnaissance qu’il mérite.

De même, le travail dans le cadre de la Charte sociale européenne doit être développé pour permettre une meilleure prise en compte du droit des femmes dans le tissu économique et social. Je regrette d’ailleurs que notre Assemblée ne travaille sur les femmes qu’à travers le prisme de la violence.

J’espère que ce thème qui est au cœur des trois piliers de notre Organisation fera partie des priorités budgétaires car dans la plupart de nos pays l’égalité hommes-femmes reste encore un vain mot dans le domaine du travail, des salaires ou de la gouvernance.

Je suis persuadée par ailleurs que l’Assemblée parlementaire ne saurait être une victime de la rigueur budgétaire appliquée à l’Organisation. En effet, elle a plus que largement participé aux efforts d’économies ces dernières années.

Aujourd’hui, face aux nouveaux défis posés par la situation en Méditerranée et au Proche-Orient et la lutte contre le terrorisme, on ne saurait affaiblir notre instance de dialogue qui a su tisser, via le statut de Partenaire pour la démocratie créé à l’initiative du Président Jean-Claude Mignon, des relations privilégiées et concrètes avec des pays clés de la région.

Les mesures visant à renforcer l’efficacité et l’efficience de l’Organisation sont nécessaires mais l’existence du Conseil de l’Europe et de son Assemblée en réclament également.

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, il est 16 h 52, il ne vous reste plus que quelques minutes pour prendre part au scrutin pour l’élection de juges à la Cour européenne des droits de l’homme. Le scrutin sera clos à 17 heures.

J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

Nous poursuivons notre débat conjoint.

M. BÜCHEL (Liechtenstein)* – Les ressources financières préoccupent tous les Etats membres depuis plusieurs années, car elles font défaut. En raison de la crise, notre institution n’y échappe pas. C’est pourquoi nous devons gérer les ressources disponibles avec responsabilité et attention. C’est du reste ce que le Conseil de l'Europe a fait et continuera de faire à l’avenir. Depuis 2005, en effet, l’ensemble des dépenses a baissé. Notre gestion est par conséquent exemplaire, également pour d’autres institutions. Pour avoir une bonne capacité d’action, il est toutefois nécessaire d’avoir un peu plus d’oxygène. Je m’associe donc à ce titre aux orateurs précédents et remercie le rapporteur pour la qualité de son travail.

Je m’associe également à l’appel lancé à l’adresse du Comité des Ministres. Le rapport met en avant la gestion restrictive des ressources financières. Cela ne doit pas donner l’impression que le Conseil de l'Europe pourrait supporter des mesures d’austérité supplémentaires. Il convient au contraire d’avoir une politique financière adaptée à nos besoins.

On trouve de bonnes idées dans le rapport. Par exemple, au chapitre 9, outre les mesures de politique générale, est indiquée la nécessité de renforcer la communication du Conseil de l'Europe dont il faut, il est vrai, faire connaître les travaux afin de montrer l’importance que revêt notre Organisation. Mais je lance un appel à notre Assemblée afin qu’elle se concentre sur les aspects essentiels de sa politique financière. Elle disposera ainsi des marges de manœuvre suffisantes pour mettre en œuvre ses thèmes d’action prioritaires.

Mme SCHOU (Norvège)* – Permettez-moi de remercier de prime abord les deux rapporteurs pour leur rapport rigoureux et extrêmement bien rédigé.

Le rapport présenté indique clairement dans quelle situation financière difficile se trouvent l’Assemblée parlementaire et le Conseil de l'Europe et à quel point elle contraint l’Organisation à établir des choix difficiles alors que l’expertise et les avantages comparatifs du Conseil de l'Europe sont encore plus nécessaires aujourd’hui que par le passé.

Le Conseil de l'Europe est la seule organisation paneuropéenne à procéder à des coupes budgétaires et à trancher dans ses priorités. Au contraire, une plus grande énergie devrait être déployée en faveur des trois piliers du Conseil de l'Europe : les droits de l’homme, la démocratie et la primauté du droit. C’est pourquoi je partage les préoccupations de l’Assemblée quant à la décision prise par le Comité des Ministres visant à continuer à appliquer le principe de croissance nominale zéro aux contributions des Etats membres au titre du budget 2016 et 2017. Je pense que nous devrions revenir à l’avenir sur ce sujet. Malheureusement, telle est la réalité.

Dans ce contexte, le Secrétaire Général, M. Jagland, a établi des priorités pour 2016 et 2017, avec lesquelles je suis d’accord. Cependant, parmi les priorités, il est nécessaire d’intégrer plus largement la perspective « genre », de porter l’accent sur les droits des LGBT ainsi que sur les initiatives visant à renforcer la communication avec la société civile. Il s’agit de droits fondamentaux et des valeurs de toute démocratie fonctionnant dans de bonnes conditions et, à cet égard, ils devraient toujours être inclus dans les débats sur le budget et les priorités du Conseil de l'Europe.

Pour ce qui est d’une meilleure communication avec la société civile, je relève l’importance des organisations de cette dernière aux côtés du Conseil de l’Europe dans ses efforts visant à renforcer l’égalité et les droits LGBT dans ses Etats membres, mais également en matière de droits de l’homme, de démocratie et de primauté du droit en général. Dans les périodes difficiles, les bons partenaires prennent toute leur importance car avec des partenaires efficients, on peut faire encore plus avec moins de ressources.

M. DAEMS (Belgique) – Je commencerai mon intervention en reprenant le propos de M. Mignon qui demandait où étaient les représentants du Comité des ministres. Je pose quant à moi la question : où sont les membres de notre Assemblée ? Nous décrétons que le budget est le débat le plus important pour notre institution. Or, que constate-t-on, sinon que seuls 15 % de nos collègues sont présents pour débattre de ce qui est supposé être le débat sur la « survie » de notre institution ? Dès lors, comment reprocher aux autres de ne pas être présents ?

Je voudrais maintenant citer une expression française : « savoir faire, faire savoir ». Si nous ne parvenons pas à convaincre nos Etats membres de la valeur ajoutée de notre action, comment pensez-vous qu’ils réagiront à des demandes de crédits ?

(Poursuivant en anglais) Je saisis l’occasion qui m’est offerte pour dire à nos collègues que la première chose à faire est de soulever la question au sein de nos parlements nationaux, car la démocratie, l’Etat de droit, la primauté du droit sont, pour eux aussi, des thèmes essentiels.

Nous devons pouvoir convaincre nos parlements de la valeur ajoutée du Conseil de l'Europe, sinon comment arriverons-nous à les convaincre de nous donner plus d’argent ? La démocratie est sans prix mais a un coût. Personnellement, je présente à mon Parlement les travaux que nous menons ici, même les résolutions que je n’ai pas adoptées, car ce sont les décisions de l’Assemblée parlementaire. Nous devons donc, au lieu de « pleurnicher », commencer par agir dans nos pays respectifs.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – Il y a huit ans, quand j’ai commencé à siéger dans cette Assemblée, j’ai dit que j’étais amoureux du Conseil de l'Europe, notamment parce qu’ici l’individu est davantage au centre que dans les parlements nationaux ; les groupes jouent un rôle beaucoup plus important. Le Conseil de l'Europe a un prix et quand un parlementaire rapporte le travail qui y est effectué à ses électeurs, il doit également leur parler du budget.

Nous parlons ici du vivre ensemble. Or, nous ne pouvons pas parler de démocratie, de droits de l'homme et d’Etat de droit, si nous ne nous dotons pas des ressources financières nécessaires. J’appuie donc pleinement le travail effectué les rapporteurs, notamment par M. Salles.

Je soulèverai trois points.

D’abord, les problèmes territoriaux perdurent et nous devons contribuer à la prévention des conflits. Ensuite, il nécessaire de renforcer la démocratie parlementaire, l’Etat de droit et apporter un contenu pour mettre un terme au discours toxique qui va à l’encontre du système. Enfin, nous devons donner plus d’efficacité au Conseil de l'Europe en rendant public ses travaux. Nous disposons d’un personnel juridique compétent et de parlementaires qui ont une grande expérience.

Je félicite les rapporteurs, le personnel et tous ceux qui ont permis l’organisation ce débat.

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, il est maintenant 17 heures, quelqu’un souhaite-t-il encore prendre part au scrutin pour l’élection de juges à la Cour européenne des droits de l'homme ? Le scrutin est clos. J’invite les scrutateurs à aller procéder au dépouillement du scrutin au service de la séance. Le résultat sera proclamé avant la fin de la séance.

Nous en revenons à notre débat conjoint. J’appelle la réplique de la commission.

M. BUGNON (Suisse), suppléant M. Salles, rapporteur – Je répondrai d’abord aux intervenants qui ont souhaité appeler l’attention du Comité des Ministres sur les inconvénients d’une réduction trop importante des moyens de notre Assemblée. Ce n’est pas la première fois que l’on procède à des économies, Mme Dalloz a ainsi parlé des 15 millions d’euros dégagés lors du premier mandat de M. Jagland. En tant que gestionnaire, je suis d’accord pour faire attention à l’utilisation des deniers publics, mais, comme une voiture ne peut fonctionner sans moteur, notre Organisation ne peut fonctionner sans argent.

Certains d’entre vous ont dit que le Conseil de l'Europe ne communiquait pas suffisamment. C’est vrai. Comme pour toute chose, on pointe ses dysfonctionnements et on ne parle pas assez de ses réalisations sur le terrain. J’ai participé à de nombreuses missions d’observation et je puis affirmer que nous contribuons à faire progresser la démocratie. Quelle serait la situation de l’Europe aujourd’hui si le Conseil de l'Europe – avec ses commissions, notamment celle du suivi, ou encore avec ses missions d’observation des élections – n’existait pas et si elle ne savait n’utiliser qu’avec des armes avec toute la misère que cela entrainerait ? Quel serait le coût de tout cela ? Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, si l’Europe connaît une certaine stabilité, ce n’est pas par hasard, une stabilité qui permet un développement économique, malgré la crise, contrairement à ce qui peut se passer ailleurs.

Monsieur Daems a parlé de la valeur ajoutée du Conseil de l'Europe. Il a raison, nous devons en parler davantage. Cette semaine, une équipe de la télévision suisse prépare un document sur la délégation suisse et le Conseil de l'Europe. Nous devons encourager nos médias à communiquer sur la valeur ajoutée du Conseil de l'Europe.

Madame Taktakishvili a insisté sur le fait que certains médias n’avaient pas la capacité financière de suivre notre travail ; nous devons donc permettre aux journalistes de communiquer sur nos travaux. Si l’on ne communique pas, les gens ont en effet beau jeu de dire qu’il ne se passe rien alors qu’il se passe énormément de choses.

S’agissant des programmes extrabudgétaires soulevée par Mme Dalloz, le coût total est de 45 millions d’euros, dont 30 millions financés par l’Union européenne. Mais il ne faut pas oublier que cette dernière remplit des missions au travers du Conseil de l'Europe, ce qui lui permet de faire des économies.

Monsieur Divina a posé une question sur la Turquie : est-il normal qu’un pays qui devient un grand contributeur voit le nombre de ses parlementaires augmenté, sachant que l’effectif maximum est de 18 parlementaires par pays ? Si l’Allemagne, la France, l’Italie, le Royaume-Uni et la Russie ont 18 représentants, c’est parce qu’ils comptent plus de 50 millions d’habitants. La Turquie en comptant 77 millions, il ne serait donc pas logique qu’elle en reste à 12 représentants. Il ne s’agit pas de chantage de la part de la Turquie : les Turcs ont simplement analysé leur présence au Conseil de l’Europe, ils se disent prêts à devenir grands contributeurs – ce qui montre qu’ils croient au rôle que joue le Conseil –, mais ils veulent être à égalité avec ces cinq pays quant au nombre de représentants.

Je vous encourage à accepter ce budget et à communiquer avec le Comité des Ministres pour que l’on ne coupe pas systématiquement dans nos moyens. Il ne s’agit pas de mauvaise gestion financière : il faut éviter de trop dépenser, mais, sans moteur, une voiture ne peut plus avancer !

Mme Brasseur reprend place au fauteuil présidentiel.

LA PRÉSIDENTE – Monsieur le vice-président de la commission, souhaitez-vous intervenir ?

M. FRANKEN (Pays-Bas), vice-président de la commission du Règlement  – Non merci, madame. La commission est favorable au rapport.

LA PRÉSIDENTE – La commission du Règlement a présenté un projet d’avis sur lequel un amendement a été déposé et un projet de résolution sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Nous allons tout d’abord examiner le projet d’avis.

J’ai cru comprendre que le président de la commission du Règlement proposer de considérer l’amendement 1  qui a été adopté à l’unanimité par la commission, comme adopté par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas ?

M. FRANKEN (Pays-Bas), vice-président de la commission* – Oui, madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE – En l’absence d’objection, l’amendement 1 sur le projet d’avis est déclaré adopté définitivement.

Nous allons procéder au vote sur le projet d’avis contenu dans le Doc. 13743, tel qu’il a été amendé.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet d’avis, amendé, est adopté (86 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention).

LA PRÉSIDENTE – Je félicite encore une fois M. Bugnon qui a pris la relève du rapporteur.

Nous passons au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13744.

Le projet de résolution est adopté (90 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions).

7. Les conséquences humanitaires des actions menées par le groupe terroriste
connu sous le nom d’« Etat islamique »

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Bockel, au nom de la commission des migrations, sur « Les conséquences humanitaires des actions menées par le groupe terroriste connu sous le nom d’“État islamique” » (Doc. 13741).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes.

Je vous rappelle également que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 20 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 19 h 50, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez de 13 minutes que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. BOCKEL (France), rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées – Depuis le rapport que nous avons examiné l’année dernière sur la situation des réfugiés syriens en général, tous les paramètres se sont considérablement dégradés. Le présent rapport a pour objet les conséquences de l’émergence et de la montée en puissance du groupe « État islamique » sur cette dégradation de la situation.

C’est un bien triste anniversaire que nous vivons : voilà maintenant quatre ans que le conflit dure en Syrie. Et c’est un bien triste record que nous enregistrons : en conséquence de cette crise humanitaire sans précédent, 10 à 11 millions de personnes de Syrie sont réfugiées ou déplacées dans leur propre pays. D’une certaine manière, notre débat arrive à point nommé : tous les voyants sont au rouge. À la différence de ce qui arrive dans d’autres crises, il n’y a aucun signe encourageant, aucune source d’espoir.

Avant même d’aborder les conséquences sur les réfugiés, objet de notre débat, rappelons que nous sommes confrontés aujourd’hui, même si le conflit syrien causait déjà des situations terribles et des crimes abominables, à un niveau inégalé d’horreur : crimes de guerre, nettoyage ethnique, crimes contre l’humanité, crimes à motivation pseudo-religieuse visant à éradiquer notamment les chrétiens – ainsi que l’actualité s’en est encore récemment fait l’écho. D’une manière générale, la démarche est à l’opposé de toutes les valeurs que nous incarnons, alors que tout cela se déroule à nos portes et que les réfugiés nous appellent évidemment au secours.

Pour eux, en effet, et pour les personnes déplacées, la situation est absolument dramatique ; elle est aussi contrastée. Nous sommes allés sur le terrain, nous avons noué des contacts sur place, comme beaucoup de collègues – à commencer par vous, Madame la Présidente, qui avez, comme nombre de nos collègues, rencontré des réfugiés et visité des camps, qui vous êtes entretenue avec des organisations internationales. Pour notre part, nous avons observé une situation contrastée. La Turquie fait dans les camps de réfugiés un travail tout à fait remarquable, du point de vue sanitaire, social, éducatif, sécuritaire, et ce pour des coûts considérables à sa charge. Les autorités nous ont d’ailleurs fait savoir qu’elles atteignaient la limite de leurs possibilités. En revanche, d’autres pays sont moins bien organisés, moins bien dotés en moyens, malgré les efforts qu’ils font et qu’ils ont fait – le Liban, la Jordanie, l’Irak, l’Egypte, sans parler des pays européens auxquels je reviendrai tout à l’heure. Ainsi, le Liban, où nous nous sommes rendus pour le premier rapport et où plusieurs d’entre vous sont également allés, n’a pas de camp de réfugiés : ce sont des non-camps, des structures informelles, mais qui réunissent tout de même 1,1 à 1,2 millions de réfugiés, dans un pays qui compte moins de 4 millions d’habitants et qui en est donc totalement déstabilisé alors qu’il était déjà confronté à bien des difficultés. On pourrait parler aussi de la Jordanie. Dans certains camps, les femmes sont achetées, vendues, maltraitées, sans parler des enfants. On voit des situations inimaginables.

Bien sûr, des personnes se trouvent hors des camps, pour certaines grâce aux pays concernés, et aux organisations internationales, à commencer par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), la Croix-Rouge, le Croissant-Rouge et de nombreuses ONG. Ces personnes ont accès à quelques moyens financiers, à des soins, parfois même à l’éducation, ont des possibilités de travailler. Reste que la situation est très disparate car beaucoup d’entre elles n’en bénéficient pas et ne sont même pas répertoriées – nous en avons rencontrées –, ballotées entre les différentes factions et vivant des situations terribles.

Au total, le contexte est contrasté et dramatique. Je pense à cette personne, en Turquie, dans un camp que vous-même avez visité, madame la présidente, qui nous a déclaré : « Merci d’être là, nous existons donc pour quelques-uns. » Au-delà de la dimension matérielle, il faut bien prendre conscience du désespoir, de l’appel au secours des populations concernées.

Et je n’ai pas évoqué la situation des personnes déplacées dans leur propre pays, situation là aussi très contrastée mais souvent terrible. Ainsi ceux qui, près de Damas, sont encerclées par les milices de l’« Etat islamique » après avoir subi les crimes perpétrés par le régime, ne peuvent même plus recevoir l’aide humanitaire, si bien que certaines épidémies qui avaient disparu réapparaissent.

Les voyants rouge concernent également l’aide humanitaire, précisément, qui peine à suivre. Au début de l’année, le HCR était en quasi cessation de paiement, ce qui est aussi vrai pour d’autres organisations. Il y a donc un problème de solidarité non seulement européenne mais internationale.

S’agissant des réfugiés qui partent de Libye dans d’improbables embarcations et qui ne viennent pas tous de Syrie, la demande est forte vis-à-vis de la communauté internationale, en particulier de l’Europe, pour assurer la sécurité dans la mer Méditerranée, pour lutter contre les passeurs sans foi ni loi à l’origine des drames – parfois des crimes – auxquels nous avons assisté.

Certains pays – comme l’Allemagne – font de grands efforts pour accueillir un certain nombre de réfugiés qui partent refaire leur vie en l’Europe. Il faut saluer les autres pays européens qui prennent leur part également. Car c’est non seulement l’Union européenne qui est interpellée mais la Grande Europe. Nous devons tous nous sentir concernés et manifester notre solidarité avec les pays qui bordent la Méditerranée et qui sont les premiers, tels que l’Italie et la Grèce, à recevoir ces réfugiés afin de participer à l’organisation de l’accueil des réfugiés.

La mobilisation internationale nous concerne donc au premier chef. Notre assemblée est une caisse de résonance : nous pouvons faire passer des messages, parmi lesquels, bien sûr, un message d’urgence humanitaire, mais aussi un message politique car, on le voit bien, les réponses que nous devrons apporter seront aussi politiques – or ne sommes-nous pas une assemblée politique ?

M. GÜR (Turquie), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je remercie M. Bockel qui nous permet une fois de plus de débattre de cette question très importante. Les réfugiés sont souvent les oubliés. Madame la Présidente, vous vous êtes rendue dans les camps et avez vu ces gens, souvent accueillis par la Turquie. Mais il ne s’agit que d’une petite proportion des réfugiés qui est bien prise en charge, ce qui n’est malheureusement pas le cas de beaucoup d’autres. Aussi ne faut-il pas oublier tous ceux qui n’ont reçu aucune assistance.

Le problème des personnes déplacées, quant à lui, est autre. Ainsi, des millions de personnes déplacées au sein même de la Syrie sont victimes d’une crise humanitaire et, malheureusement, n’ont pas droit à l’assistance de la communauté internationale, cela à cause du conflit intérieur et à cause de l’agression brutale de l’« Etat islamique ».

Des millions de réfugiés et de personnes déplacées attendent que nous leur tendions la main – des millions de femmes et d’enfants qui de toute urgence ont besoin de notre soutien. Là où vivaient les yazidis, des populations entières ont été déplacées de force par Daech. Les Kurdes, aidés par d’autres, ont été les seuls à résister, au nom de la protection de l’humanité, contre l’« Etat islamique » à Kobané et ont ainsi sauvé de nombreuses vies. J’en appelle à tous les Etats membres afin qu’ils aident les Kurdes à reconstruire cette ville pour que les réfugiés puissent rentrer chez eux – 200 000 d’entre eux vivent actuellement en Turquie. Ils ont besoin de notre assistance.

L’« Etat islamique » s’est rendu coupable de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre ; ces barbares ont atteint notre civilisation en détruisant des musées, des monuments appartenant au patrimoine historique le plus ancien. Il faut les arrêter.

J’en appelle à tous les Etats membres afin que protégions les réfugiés de ces attaques brutales.

M. NÉMETH (Hongrie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – J’irai dans le même sens que M. Gür : nous faisons face à un terrorisme barbare de la part de l’ « EI », en Syrie ainsi qu’en Irak. Je félicite le rapporteur qui se concentre avant tout sur la Syrie même si le phénomène en question touche également l’Irak.

Nous sommes confrontés à un génocide, pour employer un terme juridique, un génocide contre des chrétiens et d’autres croyants. Nous devons donc trouver des solutions radicales et, à cet effet, harmoniser nos actions.

Il s’agit tout d’abord de gérer la catastrophe humanitaire – bien décrite dans le rapport. Quelque 200 000 meurtres ont été commis. On compte des millions de personnes déplacées à l’intérieur des frontières, des millions de réfugiés qui partent pour la Turquie, le Liban, l’Egypte également. La première conclusion du projet de résolution est qu’il faut accroître les fonds alloués au HCR. Oui, faisons-le, afin qu’il puisse gérer de manière efficace cette véritable catastrophe humanitaire.

En ce qui concerne l’aspect militaire, il faut insister sur le fait qu’il n’y a pas de solution contre l’« EI » qui n’intègre un élément militaire. Cela signifie qu’il faut restaurer la souveraineté territoriale de l’Irak, de la Syrie et de tous les autres Etats dont le territoire est occupé par l’« EI ».

Il semble qu’il y ait une véritable unité internationale : des dizaines de pays sont d’accord sur ce point, y compris l’Iran. Je voudrais vous en donner un exemple : la semaine dernière, la Hongrie a décidé d’envoyer 150 militaires pour protéger les missions de formation menées par l’Allemagne et l’Italie.

L’intervention de l’armée irakienne et les frappes aériennes semblent porter leurs fruits, mais nous devons trouver une solution politique de long terme, et c’est là qu’intervient le Conseil de l’Europe, qui œuvre dans les domaines des droits de l’homme, de la démocratie et de la prééminence du droit.

M. SCHENNACH (Autriche), porte-parole du Groupe socialiste* – Je tiens également à féliciter le rapporteur au nom de mon groupe – même si, dans ce cas précis, les félicitations ne sont peut-être pas appropriées, car nous parlons d’une catastrophe terrible. Le nom « Etat islamique » est trompeur, car il s’agit seulement d’une organisation terroriste. Il y va aussi du pétrole, avec cette question : qui en achète à l’« EI » ? Il y va également de traite des femmes, ou encore de rançons – l’an dernier, 360 millions de dollars ont été versés à ce titre. Ce groupe se livre en outre au commerce d’antiquités, car il y a des acheteurs.

C’est aussi un réseau terroriste qui cible tout le monde – chrétiens, yézidis, chiites, Kurdes. On tue les gens de manière arbitraire, en tournant des vidéos qui permettent ensuite de propager la peur. En Europe, ce groupe a recruté 10 000 personnes, et 25 000 à l’échelle mondiale. En Syrie, c’est l’horreur – si vous avez été dans le camp de Yarmouk, vous savez ce que ce mot veut dire. Des réfugiés palestiniens sont utilisés comme boucliers. Certes, les frappes aériennes ont affaibli l’« Etat islamique », mais les membres de l’organisation se cachent parmi les civils, notamment à Yarmouk. Au sol, il existe des milices peshmergas, mais aussi chiites. Or les intérêts de tous ces gens sont évidemment différents, voire contradictoires. Entre-temps, des massacres sont perpétrés, y compris contre des sunnites – on a évoqué la révolte de Kobané, avec 500 000 personnes bloquées, qui s’est terminée par une destruction complète de la ville. C’est une catastrophe sans précédent. S’il n’y avait pas eu en plus la tragédie syrienne, qui s’est traduite par 12 millions de réfugiés, les choses auraient été différentes. Pendant ce temps, en Afrique, Boko Haram sévit.

Ces événements constituent une menace pour la démocratie et pour le monde entier. Alors que l’on commémore le centenaire du génocide commis contre les Arméniens, n’oublions pas qu’un autre génocide est en cours, celui qui vise les yézidis.

M. HEER (Suisse), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je voudrais féliciter à mon tour M. Bockel pour son rapport. Nous ne pensions pas pouvoir être confrontés, au XXIe siècle, à un génocide comme celui qui a lieu aujourd’hui en Irak et en Syrie – M. Schennach vient de rappeler les actes terribles qui sont commis au nom d’une croyance ou en raison de l’origine ethnique.

La question qu’il convient de se poser est la suivante : pourquoi et comment en est-on arrivé là ? Je n’étais pas un ami de Saddam Hussein et de Kadhafi, qui étaient deux dictateurs brutaux, mais force est de constater que les Etats-Unis – et la France, dans le cas de la Syrie – ont déployé une stratégie visant à les destituer, tout en oubliant malheureusement de prévoir l’après. Ainsi, bon nombre de terroristes sont formés par d’anciens généraux qui ont servi sous Saddam Hussein et qui profitent de la situation pour propager le terrorisme. De ce point de vue, l’Occident a une part de responsabilité.

Ceux qui souffrent le plus, ce sont évidemment les civils – je pense en particulier aux réfugiés. À cet égard, la Turquie, la Jordanie et le Liban contribuent beaucoup. Certes, l’Europe aussi est confrontée à un afflux d’immigrés, mais ce sont surtout ces trois pays qui assument ce fardeau. Il faudrait donc leur apporter un soutien financier pour que les réfugiés puissent vivre dans des conditions récentes et que les enfants soient éduqués.

La situation ne peut s’améliorer que si l’on introduit une culture de la paix, notamment en faisant intervenir des représentants des différentes religions ou courants religieux – chiites, sunnites, ou encore juifs – mettant l’accent sur ce qui, dans leur religion, est susceptible de rassembler, plutôt que de diviser. On a besoin de dirigeants religieux ayant le courage de défendre ce qui est positif. Il faut aussi démocratiser, éduquer et mettre en place un certain nombre d’infrastructures. Si nous y parvenons, il y aura peut-être un avenir dans une région actuellement sans espoir.

M. DENEMEÇ (Turquie), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je remercie aussi M. Bockel pour son rapport. Il a eu l’occasion de constater sur le terrain, en Turquie, comment les choses se passent. Comme il le souligne, il faudrait répondre davantage aux besoins des personnes qui ont fui les atrocités de Daech et du régime syrien.

L’islam est une religion de paix, qui n’a rien à voir avec ces actes de terrorisme. Il est inacceptable que l’islam et le terrorisme soient associés, surtout quand il s’agit de désigner les organisations terroristes les plus brutales que nous ayons jamais connues. C’est ce que l’Assemblée devrait souligner quand elle fait référence à Daech.

Nous partageons 1 300 kilomètres de frontière. Daech constitue une menace directe pour la sécurité nationale de la Turquie, aujourd’hui encore.

Tant que le régime de Bachar el-Assad sera au pouvoir, la stabilité, la sécurité et la prospérité de la Syrie resteront des vœux pieux. La Turquie a dit clairement à de nombreuses reprises que les opérations aériennes de la coalition internationale ne suffiront pas. Ramener la stabilité en Syrie exige une action plus complète et une véritable stratégie.

Nous pensons que la Syrie et l’Irak devraient être traités comme une même menace dans la lutte contre Daech. Définir des zones d’interdiction de vol et des havres de sécurité devrait entrer dans cette stratégie. Une telle approche nous permettrait de faire plus pour soulager cette catastrophe humanitaire et répondre à l’afflux des nombreux immigrants auquel nous avons à faire face. L’action du gouvernement turc s’effectue dans trois domaines. D’abord, la politique de la frontière ouverte. Ensuite, l’accueil des réfugiés. Il faut savoir qu’à l’heure actuelle, plus de 256 000 Syriens sont enregistrés dans plusieurs lieux en Turquie, financés par le gouvernement turc, dans lesquels nous portons assistance à des Syriens qui vivaient dans différentes villes de la région. Enfin, au-delà de ces sites protégés, nous voulons aussi étendre notre aide à la partie nord de la Syrie.

Les pays limitrophes du conflit syrien, dont la Turquie, portent un fardeau disproportionné pour eux. Ils ne devraient être seuls à gérer cette crise humanitaire qui exige un véritable partenariat entre tous les membres de la communauté internationale.

LA PRÉSIDENTE – M. le rapporteur ne souhaite pas répondre tout de suite aux porte-parole des groupes.

Nous poursuivons la liste des orateurs.

M. ROUQUET (France) – Je tiens tout d’abord à saluer le travail remarquable accompli par notre rapporteur.

La question des réfugiés en Turquie, en Jordanie ou au Liban représente un défi pour ces pays et nous devons les remercier de leurs efforts et les soutenir. J’ai été rapporteur sur les personnes déplacées internes, PDI, pour notre commission des migrations, et la situation des populations civiles restées sur place en Syrie et en Irak me préoccupe particulièrement.

Nous le savons, l’avancée de Daech se traduit par des violences massives contre les populations civiles, en particulier, contre les minorités religieuses et ethniques. Ces violences à grande échelle ont entraîné des déplacements importants de populations, notamment des chrétiens et des yézidis en Irak. Comme l’a rappelé fort justement le nouveau haut-commissaire aux droits de l’homme de l’Onu, M. Zeid Ra’ad al-Hussein, ces atrocités préfigurent ce que serait le califat de Daech : « une maison sanglante, dure, abusive, qui n’offrirait aucune protection à ceux qui ne sont pas takfiris»

En Syrie également, les combats entre l’armée de Bachar el-Assad et les insurgés, puis l’avancée de Daech ont entraîné des déplacements internes importants. Ces PDI sont souvent les plus faibles, des femmes, des enfants, des vieillards. Ils ne pourront survivre qu’avec notre aide sur place.

Malgré les difficultés liées au déroulement de ces deux conflits, à l’avancée de Daesh et à la destruction de toutes les infrastructures, le soutien à ces populations ne doit pas cesser et doit être renforcé.

Je me réjouis pour ma part que la France ait mis en place, en collaboration avec les organisations internationales et des relais civils syriens, une aide humanitaire visant à soutenir les populations restées à l’intérieur du pays dans les domaines de la santé ou de l’aide alimentaire. Cette aide, de 21 millions d’euros depuis 2011, représente un espoir et un soutien indispensable pour des Syriens qui entrent dans leur cinquième année de guerre. Pour les PDI, à Alep comme à Erbil, la présence internationale, la moindre aide est essentielle à leur résilience. Il ne faut pas les oublier, malgré le drame des réfugiés dans les pays voisins du conflit.

Au-delà de la crise humanitaire, comme l’a souligné un rapport récent de l’Assemblée nationale française : « il est essentiel d’œuvrer pour le rétablissement de conditions permettant aux différentes composantes confessionnelles et ethniques de rester sur leur terre d’origine. Le départ de ces populations serait une victoire complète pour Daech ».

M. FOURNIER (France) – L’excellent, mais triste rapport de Jean-Marie Bockel me conduit à penser que les actions menées par le groupe terroriste «Etat islamique» ont des conséquences humanitaires aussi sur la jeunesse européenne. Je veux parler des candidats au djihad en Syrie et en Irak, dont le nombre – et la France en fournit malheureusement beaucoup – ne laisse pas d’interroger sur les ressorts de ce phénomène, qui n’est certes pas nouveau, mais inédit par son ampleur. Ils posent un problème de sécurité publique, en particulier au moment de leur retour, mais illustrent aussi autant de drames familiaux.

L’importance numérique, parmi eux, des convertis à la religion musulmane permet de comprendre qu’il ne s’agit pas d’une radicalisation d’une partie de la population musulmane en Europe. Ce phénomène est bien plus large et touche essentiellement des jeunes de 15 à 17 ans issus des classes moyennes. À cet égard, on peut parler d’un mouvement de génération, certains jeunes s’engageant aujourd’hui pour le djihad, comme d’autres embrassaient hier la cause révolutionnaire.

Il ne s’agit pas non plus de l’expression d’une culture traditionnelle musulmane, d’autant plus que les candidats au djihad rejettent les cadres traditionnels de l’islam, les imams et les mosquées, voire n’ont pas de culture religieuse musulmane dans le cas des conversions rapides. N’oublions d’ailleurs pas que, comme l’illustre le rapport qui nous est soumis, la grande majorité des victimes de Daech sont des musulmans.

La révolte contre le régime syrien est à l’origine du phénomène, à une époque où le djihadisme était précisément en déclin. La Syrie, en fournissant une zone de conflit, a offert une utopie. Les motivations de beaucoup de jeunes candidats au départ ne sont pas nécessairement guerrières. Certains de ces jeunes cherchent à renverser le régime, ce que de grandes puissances ont renoncé à faire… Naturellement, ces jeunes se font manipuler, soit au moment du départ, soit sur place. Avec ses vidéos de propagande, Daech a parfaitement compris la fascination pour la violence qui irrigue une partie de la culture de masse occidentale et à laquelle bien des jeunes ne sont pas insensibles.

En réalité, ces jeunes sont, pour la plupart, des amateurs, mais ils compensent leur amateurisme par des postures et une théâtralisation de leur engagement qui n’ont quasiment rien à voir avec la religion. Ces jeunes sont le produit d’une société occidentale où l’image est centrale, où l’on n’a plus besoin de mérites particuliers pour faire parler de soi.

Voilà la contribution que je souhaitais apporter à ce dossier.

LA PRÉSIDENTE - M. Iwiński, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l'hémicycle.

M. ARIEV (Ukraine)* – Chers collègues, les activités de l’« Etat islamique » constituent un défi majeur pour la communauté internationale, mais il faut se pencher sur les origines de ces formations terroristes.

Deux versions circulent actuellement.

Selon la version russe, la situation serait due à l’action des Etats-Unis dans le nord de l’Afrique, au Moyen-Orient et en Syrie. Suite aux événements du « printemps arabe », la Russie s’est trouvée placée en dehors de la région alors que l’Union soviétique y avait été présente depuis des décennies et y avait dépensé des milliards de dollars. Mais c’est une analyse primaire, qui pose la question de l’intervention américaine et de ses efforts pour lutter contre le régime d’el-Assad.

Une autre version semble plus logique : l’« EI » représente un danger considérable pour les Etats-Unis et ses alliés dans la région, à savoir l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. La création d’un califat menacerait la paix et la stabilité pas uniquement pour les Américains et les Européens. L’« EI » peut mener à un conflit véritablement global.

Comme l’a montré l’attentat contre Charlie Hebdo, cette menace est bien réelle. La France compte des millions de musulmans, tout comme l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Nous devons à tout prix éviter l’escalade de la violence religieuse. Le risque est de voir se creuser le fossé entre les chrétiens et les musulmans et les valeurs européennes mises à mal. L’objectif principal du groupe « Etat islamique » est de mettre le feu à l’Europe de l’intérieur et d’éviter la chute des prix du gaz et du pétrole, ce qui est également important pour la Russie. Le ministère des affaires étrangères du Yémen accuse d’ailleurs ce pays d’alimenter en armes les insurgés, comme en Ukraine.

La seule conclusion possible est que nous devons adopter des décisions fortes afin d’éviter que l’Europe n’explose compte tenu des tensions à ses frontières avec la Russie et au Moyen-Orient. Les violences dont sont victimes les juifs, les musulmans et les chrétiens, mais aussi l’afflux des réfugiés, nous imposent de nous engager sans faiblir contre le groupe « Etat islamique ».

M. ZOURABIAN (Arménie)* – Tous les jours la presse se fait l’écho de nouvelles atrocités perpétrées par le groupe « Etat islamique ». Le rapport de M. Bockel met l’accent sur les conséquences humanitaires de ces atrocités, ce qui doit être salué. Toutefois, il me semble important aujourd’hui d’insister sur les causes de la catastrophe et de condamner sans équivoque ce groupe terroriste pour le génocide de plusieurs groupes religieux et ethniques en Syrie et en Irak.

En Arménie, la communauté des yézidis contribue de manière significative à la vie politique et culturelle du pays. Leurs frères et sœurs de Syrie et d’Irak sont tués, violés, torturés, mutilés, quels que soient leur âge et leur sexe, dans le cadre d’une campagne de haine qui rappelle les heures sombres de l’Empire ottoman et le génocide arménien de 1915. L’objectif de ce nouveau génocide est clair : il s’agit de décimer les minorités religieuses qui, selon les barbares du groupe « Etat islamique », sont des hérétiques. Les musulmans chiites sont tués parce qu’ils sont considérés comme des apostats, tout comme les assyriens, les chaldéens, les arméniens. Le choix est simple pour les membres de ces communautés : s’ils refusent de se convertir à l’islam ou de payer le tribut exigé par les djihadistes, ils meurent.

Le groupe « Etat islamique » doit être condamné pour ses actes génocidaires. Tous les génocides doivent être ouvertement et clairement dénoncés, quelles que soient l’époque et les communautés concernées, quelles qu’en soient les motivations politiques. C’est essentiel afin d’éviter que de telles tragédies ne se reproduisent à l’avenir.

Enfin, nous avons l’obligation morale de nous souvenir des victimes des crimes contre l’humanité. Parmi elles se trouvent les victimes du génocide arménien, dont le pape François a rappelé qu’il a été le premier génocide de l’histoire moderne.

Madame la Présidente, je vous prie de bien vouloir demander à l’Assemblée d’observer une minute de silence en hommage à toutes les victimes des génocides perpétrés au cours de l’histoire.

LA PRÉSIDENTE – Mes chers collègues, je vous propose d’observer une minute de silence en l’honneur de toutes les victimes des génocides.

L’Assemblée observe une minute de silence.

Mme SANTERINI (Italie)* – Les actions menées par le groupe « Etat islamique » doivent être replacées dans le contexte de la crise irakienne, à l’origine de la plus grande catastrophe humanitaire de notre époque. Je remercie le rapporteur d’avoir rappelé ses enjeux pour l’Europe. Le nombre de réfugiés n’a cessé d’augmenter ces dernières années et nous allons devoir faire face à une véritable urgence humanitaire. L’Union européenne doit nous aider dans cette entreprise. Nous sommes tous indignés et choqués par le dernier naufrage sur les côtes de la Sicile. Ce point fera l’objet d’un prochain débat mais nous ne pouvons pas faire comme s’il n’avait aucun rapport avec le sujet qui nous occupe à présent. Les personnes qui s’embarquent sur ces bateaux cherchent à fuir la crise du Moyen-Orient. On m’a parlé récemment d’une famille syrienne qui cherchait à fuir par bateau et dont la mère et la plus jeune enfant, âgée de trois ans, sont mortes en mer.

L’année 2015 sera une année record pour le nombre de réfugiés. L’Union européenne doit nous aider à améliorer la cohésion des pays dans la gestion de la crise. Au cours des derniers mois, l’Italie a vu le nombre de réfugiés augmenter de 150 %. Il est temps de mettre fin aux égoïsmes nationaux, aux populismes et au discours selon lequel les frontières doivent être fermées. Nous devons demander, au contraire, que les réfugiés soient reconnus comme tels dans les pays de transit.

Je voudrais souligner, par ailleurs, que le radicalisme islamique cherche à mettre un terme à la cohabitation pacifique des religions. L’heure est grave, car le nombre des chrétiens ne cesse de diminuer. La ville d’Alep, en Syrie, est le symbole de la cohabitation multireligieuse. Différentes organisations ont lancé des appels afin qu’il lui soit venu en aide. La trêve est urgente. Les combats doivent cesser à Alep !

Mme MITCHELL (Irlande)* – Il est difficile de décrire l’ampleur des conséquences humanitaires des actions menées par le groupe « Etat islamique ». En quatre ans à peine, les mouvements de protestation pacifique en Syrie ont conduit à un conflit qui a fait plus de 200 000 morts, 3,5 millions de réfugiés et 7 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays. Les succès du groupe « Etat islamique » ont encouragé les djihadistes à porter la terreur au cœur de l’Europe, à Paris, en Afrique, en Tunisie et au Yémen. Ils ne s’arrêteront pas là, c’est certain.

Malheureusement, il n’existe pas de perspectives immédiates de règlement pacifique du conflit. Les réfugiés et les personnes déplacées ne pourront pas regagner rapidement leur foyer, et leur nombre va sans doute augmenter. Si nous ne pouvons espérer une fin rapide au conflit, nous ne devons toutefois pas baisser les bras s’agissant de ses conséquences humanitaires. Le risque de déstabilisation des pays voisins serait encore plus grand.

Certains pays ont été très généreux, développant des programmes de réinstallation. D’autres pourraient faire bien plus, mais l’ampleur même du phénomène, le nombre de réfugiés font que même les pays les plus ouverts et les plus généreux ne peuvent pas faire plus que s’occuper d’une toute petite fraction de cette population déplacée. Voilà qui fait peser une obligation encore plus lourde sur chacun de nous. Il s’agit de partager le fardeau de façon plus généreuse avec les pays qui accueillent des milliers de réfugiés – des millions dans certains cas.

Les organismes d’aide des Nations Unies font face à une situation impossible, ne serait-ce que pour apporter des vivres aux réfugiés. Le HCR dit avoir constaté une baisse catastrophique de ses ressources alors même que ses services sont toujours plus demandés et que la hausse du dollar a réduit de moitié son pouvoir d’achat.

Enfin, en tant que communauté internationale, nous devons, et c’est peut-être le plus important, accroître nos efforts, redoubler d’efforts, dirai-je même, pour persuader le gouvernement de la Syrie et toutes les forces insurgées d’autoriser l’entrée de l’aide dans le pays. La situation est si catastrophique que l’espérance de vie des Syriens a baissé de 30 % en quatre ans à peine, passant de 79 ans, espérance de vie typique d’un pays occidental, à 55 ans aujourd’hui, espérance de vie plus caractéristique de pays comme le Burundi ou le Sud-Soudan. Une grande partie de cette réduction de l’espérance de vie s’explique – c’est tragique – par la mort de jeunes enfants, elle-même causée par l’absence de nourriture, de vaccins, de fournitures et de services de santé. Quant aux femmes, beaucoup d’entre elles n’ont pas quitté leur foyer depuis des mois, et les enfants ne vont plus à l’école.

Nous ne pouvons pas rester ici, confortablement assis, en prétendant être une organisation qui défend les droits de l’homme, si nous ne faisons pas tout ce qu’il est en notre pouvoir de faire, et notre pouvoir est grand. Nous pouvons au moins faire en sorte que les problèmes de financement ne fassent pas obstacle à l’aide et ne contribuent pas à accroître encore le nombre de morts.

M. Flego, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Brasseur au fauteuil présidentiel.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Permettez-moi de remercier le rapporteur pour ce rapport si important, qui tombe à point nommé.

Actuellement, l’une des plus sérieuses menaces qui pèsent sur la stabilité internationale est l’activité de destruction du groupe « Etat islamique », qui utilise le nom de l’islam pour tuer et détruire des monuments du patrimoine mondial. De tels agissements ne sauraient cependant être justifiés par la religion : c’est du terrorisme international, et ces agressions terroristes représentent en fait un danger non pas simplement pour les pays visés mais aussi pour le monde musulman. On le sait, la Résolution 1368 des Nations Unies condamne ces attaques terroristes.

Le terrorisme est aussi une menace évidente pour mon pays, l’Azerbaïdjan, pays pluriculturel, tolérant, où vivent en paix et amitié des personnes de nationalités et de confessions très différentes. Nous condamnons les actes terroristes. Ce sont d’intolérables crimes contre l’humanité, et nous en souffrons depuis bien longtemps. Cela fait maintenant plus de vingt ans que l’Arménie occupe plus de 20 % du territoire azerbaïdjanais. Les terroristes arméniens ont détruit des villes et des monuments, tué des personnes. Beaucoup d’éléments prouvent qu’un génocide, un des massacres les plus terribles du XXe siècle, a été commis à Khodjaly, le 26 février 1992 : des centaines de civils azerbaïdjanais, des femmes, des enfants, des personnes âgées, ont été tués parce qu’ils étaient azerbaïdjanais. La communauté internationale n’a pas qualifié cela de crime, ce qui est un exemple d’hypocrisie dans les relations internationales. Nous demandons aux gouvernements d’unir leurs forces pour mettre un terme à cette situation. Il faut le faire maintenant, et ne pas se contenter d’écrire ou de parler.

Malheureusement, dans la plupart des cas, des Etats instrumentalisent la menace terroriste internationale pour pousser leurs propres intérêts géopolitiques. Nous le voyons quand il est question, aujourd’hui, des activités de l’« Etat islamique », mais il est évident que l’Azerbaïdjan soutient tous les efforts de la communauté internationale pour lutter contre le terrorisme.

M. DIVINA (Italie)* – Il est inutile de répéter à chaque fois ce qu’est l’« Etat islamique » et quels sont ses crimes horribles. Nous le savons, mais nous devons également nous rappeler comment nous en sommes arrivés à une telle situation.

La communauté internationale a commis une série d’erreurs. Nous avons quasiment répété l’histoire de l’Afghanistan. En Afghanistan, les Américains ont aidé les talibans simplement pour faire partir les Russes. Cela a ensuite obligé la communauté internationale à intervenir, et il a fallu quasiment treize ans pour que la paix revienne dans le pays. Toujours à cause des intérêts américains, la destitution d’Assad passait pour si importante qu’il aurait fallu que nous intervenions tous pour lutter aux côtés des combattants de la liberté. Heureusement, la Russie a mis les deux pieds sur le frein. À l’époque, cela avait semblé exagéré, mais cela nous a permis d’éviter de commettre une énième erreur. La Russie connaît relativement bien la situation dans cette zone.

Toujours pour suivre les Américains, nous avons déstabilisé toute l’Afrique du Nord. Y avons-nous amené la démocratie ? Las, les dictateurs sont partis, mais la population n’en tire aucun bénéfice. La Libye de Kadhafi, pour ne citer que ce pays, avait un revenu annuel de 14 000 euros par habitant. Aujourd’hui, les Libyens meurent de faim, le pays est déchiré par la guerre civile et, là aussi, le fondamentalisme s’enracine, avec l’action de l’« Etat islamique ». Ce foyer nous inquiète particulièrement, puisqu’il est particulièrement proche de l’Italie et de l’Europe.

Une autre erreur commise a été celle des sanctions économiques prises contre la Russie. Nous en faisons les frais sans même savoir pourquoi ! L’Italie, comme tous les autres pays européens, a ainsi souffert d’une baisse de la consommation, d’une baisse des exportations dans certains domaines. Nous avons pour ainsi dire scié la branche sur laquelle nous étions assis.

Il faut que nous luttions ensemble contre l’« Etat islamique » et le concours de la Russie est nécessaire. En effet, pour lutter contre l’« Etat islamique », il faut des qualités que nous n’avons pas. Or la Russie dispose, elle, de capacités militaires opérationnelles. En outre, elle connaît particulièrement bien le fondamentalisme islamique, puisqu’elle l’a tout de suite combattu en Tchétchénie.

Nous allons donc devoir révoquer nous-mêmes les sanctions prises par l’Union européenne et celles prises par le Conseil de l’Europe. Ces dernières n’ont effectivement fait qu’éloigner la Russie de notre assemblée. C’est toute une série d’erreurs qu’il faut reconnaître et essayer de réparer.

M. CHITI (Italie)* – Je voudrais remercier notre rapporteur, M. Bockel. Je suis entièrement d’accord avec les éléments-clés du projet de résolution. Cependant, il faut non seulement approuver ce texte mais aussi faire en sorte que chacun de nos pays réaffirme sa solidarité, sa volonté d’accueil et son engagement pour renforcer l’aide humanitaire.

La situation s’est complexifiée, le problème s’est étendu.

Face à une tragédie humaine aussi considérable, l’Europe tout entière, et pas uniquement les 28 membres de l’Union européenne, doit se charger de cette tâche. D’où l’importance du débat d’aujourd’hui. J’espère d’ailleurs que jeudi, à l’occasion de la réunion extraordinaire du Conseil européen, de nouvelles mesures plus efficaces seront mises en œuvre. Pour prendre des mesures à l’encontre de ces nouveaux esclavagistes que sont les passeurs, il nous faut être unis, appliquer les mêmes règles, sans quoi nous n’atteindrons pas notre objectif.

Autre point essentiel : la nécessité d’une politique commune, faute de quoi l’engagement humanitaire restera insuffisant et nous serons vaincus, y compris sur le plan politique. Il ne s’agit pas d’un choc des civilisations, d’un affrontement entre l’islam et le christianisme, mené avec les armes et les techniques du XXIsiècle. Il s’agit de forces extrémistes qui aimeraient faire croire à ce scénario.

En réalité, nous sommes confrontés à une attaque du terrorisme qu’il ne convient pas de sous-estimer contre les libertés, les droits fondamentaux, la dignité des êtres humains. Les victimes sont des civils, des minorités religieuses, des chrétiens, des musulmans. Face à ce défi, nous devons faire preuve d’unité.

Si nous sommes pour la démocratie, pour la Déclaration universelle des droits de l’homme, nous devons nous unir. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons vaincre ce terrorisme barbare, lutter contre les persécutions des chrétiens au Moyen-Orient. Il ne s’agit pas uniquement de violations de droits individuels, mais une façon de compromettre toutes perspectives de paix et de stabilité dans cette partie du monde. C’est ensemble que nous devons soutenir la Tunisie, le Maroc et la Jordanie pour leur permettre de mener à bien leurs réformes démocratiques.

C’est ensemble que nous devons faire cesser les conflits civils en Syrie, en Libye et au Yémen, car lorsqu’il y a carence de l’Etat, d’un Etat fort et prospère, le prétendu « Etat islamique » et les phénomènes terroristes prospèrent.

Enfin, c’est ensemble que nous devons continuer à agir pour construire une paix durable entre Israël et les Palestiniens, avec deux Etats pour deux peuples, car ce conflit est instrumentalisé pour alimenter des tensions.

Il nous faut placer ces thèmes au centre de notre action, car si l’action humanitaire est méritoire, à elle seule, elle ne suffira pas et sera vaincue par la politique.

Mme HOVHANNISYAN (Arménie)* – Je remercie le rapporteur qui a évoqué la situation des réfugiés syriens.

J’appellerai quant à moi votre attention sur des aspects plus délicats de la question des réfugiés. Nous le voyons particulièrement ces derniers jours après le naufrage de plusieurs embarcations venant de la Libye vers l’Italie.

La question des réfugiés et des migrants du Moyen-Orient et d’Afrique du nord suscite des débats très houleux. Certains appellent à accueillir plus de migrants, alors que d’autres, à l’instar de l’Australie, veulent renforcer les mesures préventives. Les deux approches sont controversées. Je souhaiterais que nous nous attardions sur la seconde.

En Occident, nous avons appris à répondre aux crises humanitaires de façon plus humaine, oubliant un aspect larvé de la problématique. En effet, tous les réfugiés ne sont pas de vraies victimes des atrocités commises. Ils n’ont pas tous l’intention de s’intégrer ni d’adopter nos valeurs.

Tout d’abord, il ne faut pas partir du principe que toutes les personnes provenant d’une zone de conflit et qui recherchent l’asile en Europe sont des victimes innocentes. À cet égard, un de nos magazines de politique étrangère a publié cette semaine un article présentant des faits. Les autorités italiennes agissent de façon imprudente et négligente en permettant à tous les réfugiés provenant de Libye de s’installer sans vérification, sans quarantaine, sans recensement ni aucune mesure de précaution. Selon les témoignages publiés dans ce magazine, de nombreux intégristes religieux viennent s’installer en Europe pour créer de nouvelles cellules. Parmi eux, on trouve de nombreux djihadistes qui traversent les mers pour profiter de la situation chaotique.

Par contraste, l’Arménie, un tout petit pays, en difficulté économique, a accueilli des dizaines de milliers de réfugiés syriens, appartenant pour partie à des minorités ethniques ou confessionnelles de Syrie. Ils viennent d’Alep, d’Idlib, de Kassab, de Deir Zour. Les yézidis ont fait l’objet d’un génocide perpétré en Irak. Ce sont les vraies victimes de cette guerre génocidaire dans le cadre de laquelle la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar se livrent bataille contre les autochtones de Mésopotamie. L’Arménie réalise un travail formidable pour accueillir ces Syriens, mais l’aide de la communauté internationale est quasi inexistante. C’est en fait une tâche impossible. Nous ne pouvons contrôler l’arrivée de tous ces réfugiés qui fait peser une menace sur les valeurs de l’Arménie.

Mme DURRIEU (France) – Monsieur le rapporteur, merci pour votre excellent rapport.

Vous avez eu raison de dire que la situation est dramatique et d’insister sur le fait que l’urgence est non seulement humanitaire, mais également politique.

Je ne reviens pas sur les chiffres que vous avez présentés quant au nombre de morts et de réfugiés. J’insisterai sur l’élargissement géographique, dramatique lui aussi, lié à l’avancée des djihadistes contre laquelle les Kurdes résistent vaillamment. En Syrie, l’objectif est Damas ; en Irak, l’objectif est Bagdad.

Les réfugiés arrivent massivement au Liban et en Jordanie. Le camp de Zaatari, où certains d’entre nous se sont rendus, est devenu une ville. La Turquie a reçu plus de 2 millions de réfugiés. Bref, l’extension dans un temps relativement court de ces mouvements est impressionnante.

Il convient également d’insister sur l’évolution, extrêmement complexe, du mouvement djihadiste lui-même. Bien sûr, Daech représente la supériorité. C’est un Etat, un territoire, un califat, des revenus, des richesses sans compter qu’il maîtrise l’internet. En face, ses rivaux, Al-Qaida, Al-Nosra, représentent la référence idéologique et religieuse. La confusion extrême de ce mouvement djihadiste est illustrée par un exemple. Le camp de réfugiés palestinien de Yarmouk en Syrie est situé à huit kilomètres de Damas. Il accueillait un temps 150 000 réfugiés, il en accueille aujourd’hui 18 000 aujourd’hui. Les djihadistes ont fait leur arrivée, s’opposant à l’offensive de l’armée au pouvoir. Les rivaux d’aujourd’hui sont les alliés d’hier. Dans ce camp, les complexités sont extrêmes et les deux branches de Daech et de Al-Nostra s’allient contre le Hamas qui oppose une résistance. Une telle confusion est l’expression d’une véritable guerre religieuse qui oppose les différents courants de l’islam.

Mais le plus grave reste sans doute l’affrontement politique entre l’Arabie saoudite et l’Iran. L’Arabie détient 150 chars et conduit une armée de 150 000 soldats pour faire reculer les rebelles houthis, les rebelles chiites soutenus par l’Iran. Par ailleurs, dix Etats sont engagés dans une coalition avec le soutien logistique des USA qui ne participent pas à la coalition. Incontestablement, cette région est aujourd’hui une poudrière et l’urgence politique est une réalité absolue.

M. DESTEXHE (Belgique) – Je voudrais attirer l’attention de notre Assemblée sur la situation du Liban, un pays dont on ne parle pas assez et qui est menacé de déstabilisation, de crise voire de guerre. Le Liban compte 1,3 million de réfugiés pour une population de 4 millions d’habitants. Imaginez si dans votre pays, mes chers collègues, 25 % de la population arrivaient en quelques mois ?

Si la situation humanitaire est extrêmement préoccupante, il en est de même de la situation politique, puisque Daech infiltre les camps de réfugiés et le manque d’aide humanitaire est une cause de recrutement des combattants. Le drapeau de ce soi-disant Etat flotte déjà sur de nombreux camps de réfugiés au Liban et les incidents militaires se multiplient.

S’ajoute à cette crise une paralysie totale du Liban, avec un non-renouvellement de l’Assemblée qui a prolongé d’elle-même son mandat ainsi que celui du président.

Je souhaiterais donc, mes chers collègues, que notre Assemblée parlementaire reste saisie de cette question libanaise, qui pourrait bien devenir la prochaine crise. Les pays de l’Union européenne et du Conseil de l'Europe doivent soutenir le Liban. Un soutien financier d’abord. La Banque mondiale a estimé l’impact de la crise sur le Liban à environ 7 milliards de dollars. Un soutien en matière humanitaire ensuite. Nous devons également tout faire pour les aider à sortir de cette crise politique qui paralyse le pays. Selon mes informations, l’armée libanaise est le garant de la stabilité et de l’unité nationale. Il conviendrait donc d’envisager également un soutien à cette armée libanaise.

S’agissant de Daech, ce qui m’inquiète le plus, c’est l’absence de perspectives de solutions, à la fois militaires et politiques. Tout le monde condamne Daech, mais personne n’a de solution, soit pour le défaire militairement, soit pour trouver une solution politique durable.

Mme KYRIAKIDES (Chypre)* – Permettez-moi d’abord de féliciter le rapporteur pour son excellent travail.

Hier, le Conseil de l'Europe, à travers sa campagne « Un sur Cinq », a commenté la tragédie engendrée par l’« Etat islamique ». Une jeune fille de 12 ans a raconté son calvaire d’esclave sexuelle. Aujourd’hui, nous discutons des conséquences humanitaires et des actions de ce groupe terroriste, notamment à l’encontre des milliers d’enfants qui vivent dans les pays détruits par l’« Etat islamique » – 51 % des réfugiés sont des enfants.

En tant que rapporteur pour les enfants de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, je ne peux que souligner la nécessité d’une prise de conscience. Nous devons absolument exercer des pressions pour que l’on fasse face aux aspects dévastateurs de ce groupe sur les enfants. Des enfants qui sont séparés de leur famille, des enfants qui sont transformés en soldats, des enfants qui n’ont pas accès à l’éducation, à la santé ou à la sécurité.

Il convient de souligner l’importance du travail de l’Unicef et de toutes les ONG qui travaillent sur le terrain pour alléger les souffrances de ces enfants. Il est indispensable de trouver des solutions afin d’augmenter l’aide fournie ; il est indispensable de soigner ces enfants, de tenir compte de leurs besoins – certains ont été violés –, de les éduquer et de tout faire pour regrouper les familles. Il est également nécessaire de mieux s’occuper des enfants survivants, en essayant de les intégrer et en soutenant leurs familles et leurs communautés.

Mes chers collègues, le Conseil de l'Europe se doit de parler des violations des droits des enfants qui augmentent sans cesse. Cela se passe devant notre porte et bouleverse la vie de générations entières. Nous devons nous faire entendre, car les enfants, eux, sont souvent réduits au silence.

Mme KANELLI (Grèce)* – Depuis 50 ans, ici même, nous parlons de réfugiés, de personnes déplacées, de traite d’êtres humains, des phénomènes qui se déroulent dans différentes régions du monde. Mais à qui profite le crime ? Nous payons le prix d’une attitude humanitaire, de celui qui tend la main.

Nous savons que les gouvernements font de l’argent avec les conflits. Le sang sent le pétrole, il sent les armes. Nous voulons exporter la démocratie, mais qu’exportons-nous vraiment ? Les guerres de religions font partie de l’histoire européenne. Avons-nous oublié les conséquences du colonialisme ? Nous avons toujours eu un comportement colonialiste dans certaines régions du monde ! Nous constatons aujourd’hui les résultats d’une politique impérialiste.

Les femmes se voient refuser leurs droits les plus élémentaires en Arabie saoudite, mais dit-on, la coalition a été utile. Nous avons été à l’encontre de la volonté des peuples en voulant changer leur société. En réalité, nous exportons la guerre ainsi qu’une démocratie malade. En retour, nous devons faire face à un grand nombre de réfugiés. Nous payons pour les crimes que nous avons commis, nous, les Européens.

Pour faire cesser la terreur, il faut cesser les guerres. Nous devons dépenser notre argent pour mettre un terme à toutes les guerres, aux divisions, comme en ex-Yougoslavie. Il faut cesser de vouloir créer des sociétés monoculturelles. Nous devons retrouver notre identité européenne.

8. Election de cinq juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Andorre,
de l’Autriche, de la Finlande, de l’Irlande et du Liechtenstein
(Résultats du scrutin)

LE PRÉSIDENT* – J’ai le plaisir et l’honneur d’interrompre brièvement notre débat pour vous donner les résultats des scrutins pour l’élection de juges à la Cour européenne des droits de l’homme.

LE PRÉSIDENT* – Voici les résultats du premier tour de scrutin pour l’élection du juge au titre d’Andorre :

Nombre de votants :       180

Bulletins blancs ou nuls :       12

Suffrages exprimés :       168

Majorité absolue :       85

Les suffrages ont été exprimés comme suit :

– M. Francesc Badia :       28 voix

– M. Pere Pastor Vilanova :       108 voix

– Mme Patricia Quillacq Albajes :       32 voix

M. Pastor Vilanova, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, est élu juge à la Cour européenne des droits de l’homme ; son mandat de neuf ans commence à compter du 1er novembre 2015.

Voici maintenant les résultats du premier tour de scrutin pour l’élection du juge au titre de l’Autriche :

Nombre de votants :       180

Bulletins blancs ou nuls :       8

Suffrages exprimés :       172

Majorité absolue :       87

Les suffrages ont été exprimés comme suit :

– Mme Gabriele Kucsko-Stadlmayer :       102 voix

– M. Peter Lewisch :       8 voix

– Mme Katharina Pabel :       62 voix

Mme Kucsko-Stadlmayer, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, est élue juge à la Cour européenne des droits de l’homme ; son mandat de neuf ans commence à compter du 1er novembre 2015.

Voici les résultats du premier tour de scrutin pour l’élection du juge au titre de la Finlande :

Nombre de votants :       180

Bulletins blancs ou nuls :       14

Suffrages exprimés :       166

Majorité absolue :       84

Les suffrages ont été exprimés comme suit :

– Mme Pauliine Koskelo :       139 voix

– M. Jukka Lindstedt :       7 voix

– Mme Anne Elina Niemi :       20 voix

Mme Koskelo, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, est élue juge à la Cour européenne des droits de l’homme ; son mandat de neuf ans commence à compter du 1er novembre 2016.

Voici les résultats du premier tour de scrutin pour l’élection du juge au titre de l’Irlande :

Nombre de votants :       180

Bulletins blancs ou nuls :       14

Suffrages exprimés :       166

Majorité absolue :       84

Les suffrages ont été exprimés comme suit :

– Mme Siobhán Mullally :       32 voix

– Mme Síofra O’Leary :       123 voix

– M. Gerard Quinn :       11 voix

Mme O’Leary, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, est élue juge à la Cour européenne des droits de l’homme ; son mandat de neuf ans commence au plus tard trois mois à compter de son élection.

Voici enfin les résultats du premier tour de scrutin pour l’élection du juge au titre du Liechtenstein :

Nombre de votants :       180

Bulletins blancs ou nuls :       15

Suffrages exprimés :       165

Majorité absolue :       83

Les suffrages ont été exprimés comme suit :

– M. Stephan Breitenmoser :       34 voix

– Mme Brigitte Liselotte Ohms :       27 voix

– M. Carlo Ranzoni :       104 voix

M. Ranzoni, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, est élu juge à la Cour européenne des droits de l’homme ; son mandat de neuf ans commence à compter du 1er septembre 2015.

Félicitations aux juges élus ! Je leur souhaite tout le succès possible dans leurs fonctions.

9. Les conséquences humanitaires des actions menées par le groupe terroriste
connu sous le nom d’« Etat islamique » (suite)

LE PRÉSIDENT* – Nous reprenons notre débat.

M. CHISU (Canada, observateur)* – Merci, Monsieur le Président, de me permettre de prendre la parole dans ce débat. Je remercie également le rapporteur pour son rapport sur cette importante question.

Comme le dit le rapport, un an après avoir adopté son précédent rapport sur les réfugiés syriens, l’Assemblée doit constater une détérioration constante de la situation qui résulte essentiellement de l’émergence du groupe terroriste connu sous le nom « Etat islamique ».

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés, quatre millions de réfugiés ont fui la Syrie et la situation des quelque 7,5 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays se dégrade. En 2014, 76 000 personnes ont péri dans ce conflit, dont 3 500 enfants.

À la suite de l’expansion du groupe terroriste en Irak en juin 2014, le Canada a été en première ligne des efforts internationaux pour remédier à la situation en Irak et en Syrie. Il continuera de coopérer avec ses partenaires et alliés afin de réagir à cette crise humanitaire.

Le Canada fait partie de la coalition mondiale contre l’« Etat islamique », qui réunit plus de 60 pays. Comme nombre de ses partenaires, il contribue à cette coalition par la fourniture de matériels militaires et de ressources humanitaires. Mais le Canada fait aussi partie d’un noyau de partenaires qui apportent un soutien militaire aux forces combattant le groupe terroriste.

L’action du Canada pour vaincre l’« Etat islamique » est conforme aux cinq axes d’action de la coalition mondiale : apporter un soutien militaire à nos partenaires ; tenter d’endiguer l’afflux de combattants étrangers ; couper les financements de l’« Etat islamique » ; réagir à la crise humanitaire dans la région, et saper le discours de l’« Etat islamique ».

Un sixième axe non officiel, reconnu par les membres de la coalition, consiste à stabiliser l’Irak. Il importe de noter que la partie humanitaire continuera d’être coordonnée par les Nations Unies, avec le soutien total de la coalition mondiale. J’aimerais souligner que le Canada est l’un des plus importants donateurs en Irak : il a fourni 67,4 millions de dollars d’aide humanitaire aux déplacés irakiens, auxquels s’ajoutent 9,5 millions destinés aux réfugiés syriens en Irak. En outre, toujours pour stabiliser l’Irak, le Canada a monté un programme visant à assurer la liberté de religion et à combattre les violences sexuelles, ainsi qu’un programme concernant la sécurité.

Dans son rapport, M. Bockel appelle les Etats à faire preuve de solidarité et de responsabilité pour réagir à la situation en Irak et en Syrie ainsi que dans d’autres pays affectés par la crise ; c’est ce que fait le Canada.

M. FLOREA (Roumanie)* – Pour ma part, j’aimerais d’abord souligner que la coopération est absolument indispensable pour lutter contre le terrorisme. Nous devons faire davantage d’efforts pour remédier à l’instabilité et anticiper ses répercussions régionales et mondiales. Le renforcement du dialogue devrait nous y aider.

Le défi qu’il nous faut relever à nos frontières sud est sérieux. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, l’idéologie violente de l’« Etat islamique » a jeté de l’huile sur le feu de l’extrémisme et du sectarisme, déjà allumé par les promesses non tenues des « printemps arabes ». La situation s’est particulièrement tendue avec la récente explosion de violence qu’a connue la Libye.

Le besoin d’une transition se fait de plus en plus sentir en Syrie. Nous devons nous concentrer sur la recherche d’une solution politique, tout en soutenant davantage les acteurs régionaux, sans lesquels aucune solution politique durable n’est possible.

L’augmentation continue du nombre de personnes qui ont besoin d’aide en Syrie et dans la région est dramatique. Les membres des organisations humanitaires internationales et leurs partenaires en Syrie risquent leur vie pour tenter de les aider. Mais leur courage et leur capacité d’innovation ne suffisent pas.

Nous faisons face à de nombreux défis et nous ne devons pas nous habituer à la souffrance de la population syrienne. Alléger ses peines doit être notre priorité. Les voisins de la Syrie, en accueillant des réfugiés, ont montré qu’ils étaient particulièrement généreux.

Il est nécessaire que les frontières restent ouvertes. Certes, chaque pays a un intérêt légitime à contrôler les personnes qui entrent sur son territoire, mais il faut également essayer d’aider les plus vulnérables à trouver un refuge.

Il est nécessaire de poursuivre nos efforts, de soutenir les pays voisins de la Syrie qui accueillent ses réfugiés. Pour les soulager, les autres pays doivent eux-mêmes accueillir les déplacés syriens en plus grand nombre. Le régime syrien et l’« Etat islamique » ne vont pas disparaître soudainement. Il faut éviter la chute des institutions syriennes en définissant des objectifs à moyen et long terme et en continuant d’aider à la reprise dans ce pays.

LE PRÉSIDENT – Mme Kronlid, inscrite dans le débat, n'est pas présente dans l’hémicycle.

M. ARDELEAN (Roumanie)* – Je félicite le rapporteur pour son travail perspicace, judicieux et complet. La violence du mouvement djihadiste représente une menace claire pour les fondements de nos démocraties.

Au cours de la première réunion de hauts responsables et d’experts organisée en Allemagne, le 18 mars dernier, nous avons réitéré notre ferme engagement de démanteler cette entité terroriste. Bien sûr, l’intervention militaire doit faire partie de l’approche politique au sens large pour répondre à l’avancée de l’« EI ». Tant en Syrie qu’en Irak, il faut absolument endiguer toute forme de marginalisation ethnique ou confessionnelle. La lutte contre l’« Etat islamique » exige une implication bien plus importante de notre part, notamment auprès des acteurs régionaux. Parmi ces derniers, les populations musulmanes paraissent particulièrement bien placées, du point de vue de l’opinion publique, pour lutter contre l’« EI ».

La Roumanie concentre son action sur la stabilisation et sur l’humanitaire. Cette année, nous avons consacré 150 000 dollars à soulager le sort des Irakiens et des réfugiés syriens dans la région. Nous avons également décidé d’accueillir 40 réfugiés syriens en 2015 qui seront transférés depuis la Turquie en deux groupes de 20 personnes. Par ailleurs, nous allons accorder 280 000 dollars de bourses à de jeunes étudiants syriens. Jusqu’à présent, nous avons apporté une aide de 500 000 dollars aux réfugiés syriens.

Les attaques à Paris et à Copenhague montrent que nos évaluations concernant les combattants étrangers se sont révélées malheureusement exactes. L’ampleur de ce phénomène exige une coopération croissante en matière de sécurité. Un certain nombre de citoyens se sont radicalisés et se rendent en Syrie et en Irak, devenant des catalyseurs d’extrémisme et de terrorisme quand ils rentrent chez eux. C’est pourquoi il faut s’intéresser à eux et à leur intégration dans leur société d’origine.

Il faut par ailleurs comprendre que la sécurité se dégrade de jour en jour. Aussi devons-nous renforcer les chances d’avoir une vie meilleure.

Mme FATALIYEVA (Azerbaïdjan)* – Nous discutons très certainement des événements les plus terribles de notre époque. Les terroristes ne forment pas seulement un groupe de criminels mais déclarent désormais constituer un Etat. Où va le monde si le terrorisme se diffuse partout comme un virus immaîtrisable ? Il ne fait aucun doute que l’instabilité et l’escalade des conflits au Moyen-Orient perdureront pour la raison que l’« Etat islamique » est composé de fanatiques religieux qui ne prônent pas le véritable islam : ils gagnent leur vie grâce au terrorisme.

Le rapport brosse un tableau complet des besoins des réfugiés. Il faut créer une atmosphère d’accueil. Il s’agit de prendre une décision de nature à éviter la diffusion du terrorisme dans le monde.

Les racines du terrorisme sont lointaines. L’Azerbaïdjan a pour sa part souffert de la création d’un Etat terroriste sur son propre territoire. La situation s’est aggravée du fait de l’utilisation de ces territoires occupés par l’Arménie dans le but de favoriser le trafic de drogue, de migrants, bref, de les transformer en paradis pour le terrorisme. Il y a 20 ans, notre Organisation ainsi que d’autres organisations internationales auraient sans doute dû s’impliquer bien davantage dans la question de l’occupation de l’Azerbaïdjan par les terroristes arméniens. Si, en 1992, lorsque des Azerbaïdjanais innocents étaient massacrés à Khodjaly à cause de leur appartenance ethnique, nos collègues avaient alors exprimé leur inquiétude, peut-être les attentats terroristes de ces derniers mois n’auraient-ils pas eu lieu. Lorsque l’on ferme les yeux sur un précédent, on en permet la répétition.

Ce ne sont pas seulement les territoires du Moyen-Orient qui sont agressés, mais également leur histoire et leur culture. Le terrorisme qui nous occupe est donc également culturel. Nous pouvons ainsi voir des vidéos montrant la démolition de monuments historiques, d’œuvres d’art – en violation de la Convention de La Haye de 1954, mais aussi de la Convention de l’Unesco concernant le patrimoine mondial naturel et culturel.

Nous voyons bien que les lois, les conventions et jusqu’aux valeurs humaines ne signifient rien pour les terroristes. Comment cela est-il possible ? Parce qu’il n’y a pas de justice. Or il faut rendre justice à toutes les victimes du terrorisme. Où qu’il sévisse, le terrorisme n’est acceptable sous aucune forme. L’islam ou toute autre religion ne peut être utilisée pour justifier la violence. La menace du terrorisme augmente et l’instabilité s’accroît, mais les intérêts des Etats, malheureusement, ont parfois tendance à prévaloir sur la lutte contre la menace commune. Il est donc nécessaire d’engager un processus de coopération efficace à un niveau plus élevé et qui inclue des mesures fortes tenant compte de la gravité des événements. La réaction doit être immédiate.

LE PRÉSIDENT – M. Bereza, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. STROE (Roumanie)* – L’heure est grave pour la sécurité de toutes nos nations. Nous sommes confrontés à des défis nouveaux, complexes, tant à l’est qu’au sud de nos frontières. Dans les deux cas, le contexte sécuritaire est devenu très instable, le fondement de l’ordre du monde s’en trouvant ébranlé. Outre la considérable crise humanitaire, nous faisons face au terrorisme, à l’extrémisme et à un conflit qui menace directement les Etats membres.

Nous n’avons pas trouvé de solution politique au conflit syrien. Or il nous faut démontrer notre solidarité envers le peuple de Syrie, mais aussi vis-à-vis des travailleurs humanitaires et des volontaires. Ils ont besoin de notre aide d’urgence. Il est difficile d’imaginer l’impact économique, social et démographique de la situation sur les économies et les sociétés libanaises, jordaniennes, nord-irakiennes, turques et égyptiennes. Le nombre de réfugiés syriens recensés augmente très vite dans ces pays, confrontés à des risques de sécurité en raison de la propagation régionale du conflit. De plus, ils ne reçoivent pas d’aide pour venir à bout de cet afflux de réfugiés.

Aussi les Syriens éprouvent-ils de plus en plus de difficultés à trouver un lieu où se réfugier. Deux millions d’enfants, en Syrie, ne vont plus à l’école et le nombre de jeunes gens « à risque » est effrayant.

Ils ont déjà perdu leur enfance en raison de cette guerre horrible et maintenant ils risquent de ne plus avoir d’avenir non plus. Même si les agences humanitaires progressent, au niveau national et communautaire, en renforçant les dispositifs et infrastructures destinés à donner aux enfants réfugiés un meilleur accès à l’éducation et à leur assurer une protection, la pauvreté risque tout de même d’empêcher leurs parents de les envoyer à l’école. En 2014, seuls 40 % des besoins identifiés ont été financés. Il faut donc absolument soutenir l’initiative « Non à une génération perdue ! ».

M. RUSTAMYAN (Arménie) – Monsieur le Président, chers collègues, l’année dernière, la situation humanitaire dans toutes les régions du Proche et du Moyen-Orient n’a cessé de s’aggraver. Cela est dû à la montée en puissance du groupe terroriste connu sous le nom d’« Etat islamique », qui a proclamé l’instauration d’un califat sur les parties des territoires iranien et syrien qu’il contrôle. Il est considéré comme le mouvement djihadiste le plus violent du monde et ses actions sont dénoncées par presque toutes les organisations internationales. De plus, une coalition internationale intervient militairement contre lui.

La question qui se pose est très simple : si tout le monde est contre lui, d’où vient la puissance financière et militaire de l’« Etat islamique » ? Certains jouent-ils donc un double jeu ? Certes, il y a des hypocrites qui disent une chose et en font une autre, et il faut les démasquer, mais pendant ce temps-là, les exécutions sont quotidiennes et l’offensive des djihadistes se poursuit. Le bilan est terrifiant, avec des crimes de guerre, un nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité qui s’apparentent à des génocides. En effet, mes chers collègues, en Syrie, en Irak, en Libye et ailleurs, des génocides perpétrés par l’islamisme radical sont en cours. On constate d’ores et déjà la disparition de communautés entières, comme c’est le cas du peuple yézidi.

Les Arméniens de la région sont devenus la cible d’attaques permanentes des djihadistes, que ce soit à Kessab, à Alep ou ailleurs. Les victimes potentielles de l’« Etat islamique » sont des chrétiens et, plus largement, tous ceux qui ne sont pas leurs adeptes. Voilà pourquoi les méthodes de ce groupe sont exactement les mêmes que celles des Jeunes Turcs, lesquels ont organisé le génocide arménien dans la Turquie ottomane – les djihadistes ont d’ailleurs fait sauter l’église des Saints-Martyrs, où se trouvaient des restes des victimes de ce génocide. En Libye, cette organisation est apparue officiellement lorsque le Conseil consultatif de la jeunesse islamique, un groupe armé, a prêté allégeance à l’émir de cette organisation terroriste. Mais les similitudes ne s’arrêtent pas là : les chrétiens qui ne se soumettent pas à l’islam ou ne règlent pas l’impôt de protection, la jizya, doivent mourir, tout comme les Arméniens chrétiens étaient stigmatisés par les Jeunes Turcs comme guyavour, c’est-à-dire « mécréants », et ont été « décapités, crucifiés, brûlés vifs, pour leur foi », comme l’a déclaré très justement le pape François.

Chers collègues, nous vivons une époque marquée par de nouveaux génocides. Plus nous ignorerons ou nierons la réalité du génocide arménien – ou d’autres –, plus le prochain sera violent et terrifiant.

M. SCHNEIDER (France) – Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à féliciter notre rapporteur et à l’assurer de mon soutien à sa proposition de résolution.

Permettez-moi de citer quelques chiffres : 3 millions de Syriens ont quitté leur pays – c’est la plus importante population de réfugiés au monde après les Palestiniens - 130 000 auraient été accueillis en Europe. Je voudrais saluer l’effort important fait par les pays voisins, souvent confrontés eux-mêmes aux tentatives de déstabilisation de l’« EI ». En Syrie, l’année 2014 a été des plus sombres : 76 000 morts, dont 3 500 enfants, soit plus de 220 000 morts en quatre ans – c’est la population d’une ville comme Strasbourg !

Daech continue d’avancer, malgré les actions de la coalition internationale ; il continue à commettre des crimes atroces, des crimes contre l’humanité. Une véritable épuration ethnique et culturelle est en train de détruire ce qui faisait la richesse de la Syrie et de l’Irak : leur diversité culturelle et religieuse. Aux massacres atroces s’ajoutent la mise en esclavage, y compris sexuel, des filles et des femmes. Cela nous renvoie à d’autres idéologies fanatiques qui classaient les êtres humains en distinguant une race pure et des sous-hommes.

Pour avoir travaillé longtemps dans cette Assemblée sur le dialogue interculturel, je sais combien la culture porte en elle les valeurs et les droits que nous défendons au sein du Conseil de l’Europe. Quand les fanatiques détruisent des trésors millénaires et assassinent les chrétiens, les yézidis ou les autres minorités, y compris musulmanes – comme les chiites –, ils s’attaquent à nos valeurs, à notre mémoire et à notre histoire commune. La Syrie et l’Irak sont au cœur du monde musulman, contrairement à l’Afghanistan. Ces deux pays sont surtout le symbole d’un Orient riche de ses différences. C’est pourquoi je me réjouis que la France ait pris l’initiative, le 27 mars dernier, de demander la convocation du Conseil de sécurité de l’Onu pour une réunion consacrée à la persécution des minorités.

Amin Maalouf, dans Les Désorientés, écrivait qu’un chrétien d’Orient meurt deux fois : la première en tant qu’être humain, la seconde en tant que membre d’une communauté en voie de disparition. Nous pourrions appliquer cela à toutes les autres minorités de cette région. Sans chrétiens et sans yézidis, cette partie de l’Orient aura perdu son âme et sa mémoire. Les extrémistes auront gagné. C’est un défi difficile qui se dresse devant nous, car il implique non seulement de gagner la guerre militaire, de préserver les populations civiles encore sur place, de gérer le mieux possible le drame des réfugiés qui fuient les atrocités, mais surtout de le faire vite : il faut arrêter Daech avant qu’il ne soit trop tard.

Mme ZOHRABYAN (Arménie) – Monsieur le Président, chers collègues, c’est la énième partie de session où nous parlons des conséquences des actions inhumaines menées par le groupe terroriste « Etat islamique ». Il est évident que ce mouvement constitue une menace pour la sécurité, non seulement régionale, mais aussi internationale. Notre collègue Jean-Marie Bockel parle d’une des conséquences des atrocités de ce groupe terroriste, à savoir les réfugiés – c’est un problème compliqué et sensible. M. Bockel traite surtout du cas syrien puisque, au cours des précédentes parties de session, nous avons parlé plusieurs fois des actions menées par ce groupe terroriste au nord de l’Irak. Oui, d’après les données de l’Onu, plus de 215 000 personnes sont mortes en quatre ans de guerre en Syrie, dont 11 000 enfants. Depuis le début du conflit syrien, en mars 2011, environ 6,8 millions de personnes ont été obligées de quitter leur foyer. Parler de « désastre humanitaire » est donc en réalité une expression assez faible pour décrire la situation actuelle des réfugiés syriens. Le conflit syrien a entraîné la séparation de nombreux enfants de leur famille. Environ 2 millions d’enfants ont besoin d’aide en Syrie et plus d’un demi-million dans les pays voisins, dont une grande partie vivent dans des camps. La souffrance de ces enfants est le prix inhumain de ce conflit.

Chers collègues, la communauté arménienne en Syrie – l’une des plus stables et des plus influentes – a elle aussi beaucoup souffert du conflit syrien. Les Arméniens de Syrie, comme tous les autres citoyens de ce pays, ont subi les conséquences de la situation socio-économique difficile – en particulier les privations. L’année passée, les Arméniens de Kessab ont été en butte à des attaques inhumaines, et au mois de septembre les terroristes ont fait sauter l’église des Saints-Martyrs à Deir ez-Zor. Compte tenu de la liquidation des chrétiens par les combattants de l’« Etat islamique », il est évident que mes compatriotes sont en danger du fait de leur nationalité et de leur religion. L’Arménie a déjà accueilli plus de 10 000 réfugiés de Syrie et elle est bien sûr prête à continuer à accueillir nos compatriotes.

On ne voit pas la fin du chaos issu de la guerre civile en Syrie.

Dans la dernière partie de son rapport intitulée : « La réinstallation en tant qu’outil de solidarité », notre collègue propose des pas concrets pour coordonner et trouver une solution aux problèmes des réfugiés syriens. Mais tant que le mal principal ne sera pas déraciné, la lutte contre ses conséquences demandera des efforts inédits chaque jour et chaque heure.

M. ZECH (Allemagne)* – Monsieur le Président, chers collègues, je suis plein de gratitude pour le rapporteur car son rapport, vraiment intéressant, met l’accent sur ce conflit.

Bien sûr, nous sommes tous des hommes politiques, nous vivons de la discussion et des débats publics. Nous vivons avec le public et, comme Bertolt Brecht l’a écrit, certains sont dans l’ombre et les autres dans la lumière et l’on voit surtout ceux qui sont dans la lumière mais pas ceux qui sont dans l’ombre. Malheureusement, dans de tels conflits, il en va pareillement : certains se sont fait évincer du domaine public. Nous avons donc besoin d’urgence du débat politique pour remettre l’accent sur la plus grande catastrophe humanitaire que nous avons connu sur cette planète.

Monsieur Bockel, je vous tire mon chapeau pour nous avoir soumis un rapport très objectif, mais je ferai quelques remarques. Dans votre introduction, vous dites que la situation s’aggravait, mais je soulignerai qu’il est ici question de nos voisins. Strasbourg n’est qu’à trois heures de Beyrouth et le Liban, pays de quatre millions d’habitants, a accepté d’accueillir deux millions de réfugiés sur son territoire. Nous devons améliorer cette situation car si nous n’aidons pas nos voisins, l’Europe devra le payer très cher.

Il y a quelques semaines, la Conférence des donateurs pour l’aide humanitaire à la Syrie qui s’est tenue au Koweit, n’ayant malheureusement pas permis de rassembler la moitié du budget qui aurait été nécessaire pour alimenter l’aide humanitaire des Nations Unies, nous sommes contraints de nous en remettre à des initiatives privées. Ainsi, dans ma région de Bavière, des ONG, des artistes de cabaret et des acteurs connus se sont mobilisés pour recueillir des fonds. En Turquie également, des efforts sont déployés pour aider les personnes.

Les hommes politiques doivent aussi agir pour surmonter les obstacles diplomatiques qui peuvent apparaître avec des pays qui accueillent de nombreux réfugiés, comme la Jordanie, la Turquie ou le Liban. Nous devons nous ranger à leurs côtés et dire haut et fort que nous allons résoudre les problèmes ensemble, avec eux, pas ici évidemment, mais dans ces régions où sont perpétrés des actes totalement inhumains. Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons reconstruire ces pays.

D’autres groupes sont responsables de ces flux de réfugiés. L’« EI » n’est pas seul en cause. Il faut aussi s’intéresser aux autres groupes extrémistes de la région.

Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée, reprend place au fauteuil présidentiel.

M. LOUKAIDES (Chypre)* – Madame la Présidente, chers collègues, la guerre civile en Syrie et les meurtres commis par l’« Etat islamique » ont causé le plus grand désastre humanitaire depuis la Deuxième Guerre mondiale. La tragédie continue. On n’en voit pas la fin. La paix est encore loin, et la crise se diffuse partout.

La Syrie a souffert et perdu 40 ans de son développement humain. L’espérance de vie a baissé de vingt ans dans le pays. Sur les 12,2 millions de personnes ayant besoin d’aide humanitaire, près de la moitié sont des enfants. Deux millions de réfugiés ont moins de dix-huit ans et risquent de devenir une génération perdue.

Les réfugiés sont de plus en plus exposés au trafic et à l’exploitation par les organisations criminelles. Comme l’a dit le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, le niveau de désespoir augmente quand le niveau de protection baisse et nous approchons d’un virage dangereux.

Aujourd’hui, alors que l’on en est à compter le nombre de morts, de réfugiés et de Syriens de plus en plus pauvres qui n’ont pas accès aux ressources les plus élémentaires, nous ne devons pas oublier que cette tragédie est due à des coupables. Aujourd’hui, l’humanité vit les conséquences de l’invasion des Etats-Unis en Irak en 2003, de l’intervention étrangère occidentale et des monarchies du Golfe dans les affaires intérieures de la Syrie, qui ont financé et armé l’opposition syrienne dont une partie est étroitement liée à l’« Etat islamique ». La responsabilité de la Turquie n’est pas négligeable non plus dans la guerre civile et la situation en Syrie.

Ces faits doivent apparaître clairement à toutes ces forces qui pensent pouvoir effacer par de nouveaux conflits les erreurs des conflits du passé. Mais la tâche la plus urgente pour la communauté internationale est d’apporter une réponse aux énormes besoins d’aide humanitaire de ces populations.

Le rapport affirme clairement que le soutien international à l’aide humanitaire est insuffisant au regard de l’ampleur des besoins sur place. Il faut tenir compte également des mécanismes disponibles qui ont malheureusement atteint leurs limites.

Représentant Chypre, un pays situé à 200 kilomètres à l’ouest de la Syrie, je voudrais souligner que les Etats qui accueillent les vagues de réfugiés et de demandeurs d’asile sur leurs rivages ont un réel besoin d’aide. Il faut partager le fardeau. L’Europe et le Golfe ont une responsabilité : il faut créer des corridors d’entrée légaux pour les réfugiés afin qu’ils puissent chercher protection et foyers. Faute de quoi, de plus en plus de Syriens s’entasseront dans de vieilles embarcations pour échapper au conflit et seront de plus en plus nombreux à se perdre en Méditerranée dont les fonds marins se transforment en cimetière du monde moderne.

M. DOWNE (Canada, observateur)* – Madame la Présidente, je vous remercie de l’occasion qui m’est fournie de dire quelques mots. Je suis très heureux de vous revoir après vous avoir rencontrée au Luxembourg.

Je ne vais pas répéter ce qu’ont dit mes collègues mais je m’associe à un grand nombre des remarques qu’ils ont faites. La situation en Syrie nous préoccupe tous. Comme mon collègue belge, j’aimerais appeler tout particulièrement l’attention de mes collègues sur la situation au Liban.

L’été dernier, les Etats-Unis ont noté que 12 000 réfugiés nouveaux passaient la frontière libanaise chaque semaine. Au mois de mars, plus d’un million de réfugiés syriens étaient enregistrés par le HCR au Liban. Ce pays est maintenant celui qui compte le plus de réfugiés par habitant. Ces chiffres laissent sans voix. Rendons-nous compte : les réfugiés représentent plus du tiers de la population libanaise !

Nous sommes de plus en plus conscients des pressions qui pèsent sur les communautés et les autorités libanaises et de l’impact que cela représente sur les services publics, le logement et l’emploi. Des signes montrent également que des tensions pourraient croître entre certaines communautés d’accueil et des réfugiés.

Mais la situation est grave dans d’autres pays aussi. L’ambassade de Turquie au Canada m’a informé du fait que la Turquie accueille aujourd’hui plus de 1,7 million de réfugiés syriens. Depuis l’arrivée des premiers réfugiés, quelque 35 000 enfants sont nés dans les camps en Turquie. Le nombre d’écoliers syriens dépasse 500 000, et l’on dénombre près de 600 000 patients qui ont été traités dans les établissements de santé turcs.

Avec la poursuite du conflit au Moyen-Orient, il faut s’attendre à une augmentation du nombre de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, à une augmentation des populations de réfugiés et à des besoins encore supérieurs en matière d’assistance.

Le Canada est conscient de la gravité de la situation. Nous avons joué notre rôle en apportant plus de 67 millions de dollars d’assistance à l’Irak depuis le début de 2014. Cet argent vise à soutenir toute une série d’initiatives : livraison de nourriture, aides et services d’éducation aux enfants ainsi que des mesures destinées à réagir à la violence de nature sexuelle.

En tant que parlementaires, nous devons continuer à œuvrer aux côtés de nos gouvernements, des ONG et des organisations internationales pour apporter une protection aux civils menacés par les conflits au Moyen-Orient.

Nous devons garantir la sécurité des personnes déplacées, des populations et des réfugiés, et aider les pays d’accueil les plus durement touchés par ces conflits. Je voudrais saluer, pour finir, les efforts importants réalisés par nos partenaires méditerranéens pour apporter une protection aux personnes qui ont fui les violences en Syrie.

LA PRÉSIDENTE* – M. Nikoloski, inscrit dans le débat, n'est pas présent dans l'hémicycle.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – La crise en Syrie engendre de sérieuses menaces pour la région et pour le monde. Quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse, ce sont toutes les populations qui souffrent. Nous devons concentrer nos efforts sur la dimension humanitaire de la crise. Plus de trois millions de personnes, majoritairement des femmes et des enfants, ont obtenu l’asile en Turquie. Nous devons saluer les efforts de ce pays pour les accueillir.

Les millions de Turkmènes d’Irak et de Syrie sont dans une situation très grave. Certains m’ont décrit les horreurs auxquelles ils assistent quotidiennement et m’ont demandé de faire entendre leur voix au sein de notre Assemblée. Nous devons renforcer l’aide humanitaire pour les réfugiés et lutter contre les méthodes de propagande des djihadistes qui utilisent les territoires des pays voisins comme territoires de transit.

Certains membres de la délégation arménienne de notre Assemblée ont une nouvelle fois proféré des mensonges au sujet de l’Azerbaïdjan, de la Turquie et de l’islam. Pourquoi n’ont-ils pas évoqué les actes terroristes commis dans les bus, dans le métro et dans les trains en Azerbaïdjan dans les années 1990, sans parler de l’agression armée contre mon pays ? Soyons honnêtes, mes chers collègues ! Mon pays connaît bien les ravages du terrorisme. Les groupes terroristes sous influence arménienne ont causé des centaines de morts, y compris des enfants, en Azerbaïdjan. Je peux vous montrer des photographies terribles qui en témoignent ! Lorsque ces attentats ont eu lieu, nous n’avons reçu aucun soutien de nos amis européens.

Peu importe ses auteurs ou ses victimes, nous devons nous ériger contre le terrorisme quel qu’il soit. On ne peut accepter le deux poids deux mesures. L’islam est une religion de paix et de réconciliation. L’islamophobie croissante en Europe est plus qu’inquiétante. Nous devons tous nous en préoccuper car elle constitue un terreau fertile pour le développement de nouveaux groupes terroristes. Il est donc très important de lutter contre l’islamophobie en Europe.

M. MUNYAMA (Pologne)* – Je voudrais commencer par remercier le rapporteur pour son excellente analyse des conséquences humanitaires des actions menées par le groupe « Etat islamique ». En Syrie, ce groupe réunit des milliers de combattants, syriens et étrangers. Un grand nombre des chefs djihadistes sont des ressortissants irakiens, qui franchissent sans difficulté la frontière entre les deux pays.

Le rapporteur demande à l’Assemblée de condamner tous les actes de violence et d’appeler les gouvernements à s’unir pour mettre un terme aux massacres. Il me paraît également important que des pays non européens soient associés au processus.

Pour de nombreuses personnes, l’Europe offre la promesse d’une terre d’accueil aux conditions de vie meilleures. Pourquoi sa voix porte-t-elle donc si peu ? Quel impact pouvons-nous avoir pour réduire les tensions ? Jusqu’à présent, nous n’avons fait qu’empirer la situation dans cette région du monde. Nous pouvons certes renforcer notre aide humanitaire, mais ne serait-il pas souhaitable d’identifier des personnalités non européennes et charismatiques qui pourraient engager le dialogue avec le groupe « Etat islamique » ? Il s’agit de réduire l’afflux de personnes déplacées en Europe. Nous offrons en effet des conditions de vie meilleures mais nous devons cesser de manifester un complexe de supériorité !

Lord BALFE (Royaume-Uni)* – Notre surprise est étonnante ! La crise dont nous parlons aujourd’hui a été créée de toute pièce par l’Occident, les Etats-Unis et le Gouvernement britannique notamment. En s’ingérant constamment dans les affaires du Proche-Orient et du Moyen-Orient, en lançant une guerre en Irak, en déstabilisant la Syrie, en diabolisant l’Iran, en bombardant la Libye, nous avons complètement déstabilisé la région et nous feignons aujourd’hui d’en être étonnés. Il faut ajouter à cela que nous avons traité l’Arabie saoudite et Israël avec des gants de velours alors que le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’ont pas agi dans l’intérêt de la région.

La première leçon à tirer de la situation au Moyen-Orient est donc que nous ne devons pas nous en mêler. La seconde est que la solution viendra des propres Etats de la région.

La plupart des cerveaux du groupe « Etat islamique » arrivent par avion des pays occidentaux. Ils doivent beaucoup au Gouvernement turc, qui a refoulé leurs opposants de l’autre côté de la frontière. Quant aux réfugiés, ils ont fui les milices armées par des approvisionnements en partie américains et britanniques.

Nous devons cesser la guerre contre Bachar al-Assad et négocier avec le régime syrien et toutes les forces en place dans la région. Comme le disait Albert Einstein, « la folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ».

Mme ANAGNOSTOPOULOU (Grèce)* – Chers collègues, Daech n’est pas une organisation terroriste, c’est une organisation criminelle qui utilise la religion pour justifier son action. Son action est ciblée, au Moyen-Orient, visant les pays fragilisés en raison des problèmes et des tensions suscités par les interventions américaines. Et Daech utilise la religion et les dogmes pour étendre son champ d’action dans une région marquée par un problème insoluble, le problème palestinien, dont cette entité tire sa force.

L’« Etat islamique » détruit tout sur son passage. Il essaie de cultiver le sentiment religieux pour en faire une arme de bataille et de haine, car il tient un discours de haine. L’« Etat islamique » détruit la mémoire de la société multiculturelle, provoquant une immense vague de migrations et des déplacements de réfugiés dans tout le Moyen-Orient. Au-delà de l’aide humanitaire, nous devons soutenir les sociétés qui existent depuis toujours dans ces pays et qui résistent à cette barbarie. Dans des régions comme celle de Kobané régnaient égalité entre les sexes et multiculturalisme. Ce sont là des foyers de résistance contre la barbarie que nous devons soutenir, à qui nous devons témoigner notre solidarité, et nous devons aussi accueillir un grand nombre de ces réfugiés que l’on trouve sur les côtes de toute la Méditerranée.

Dans un deuxième temps, il faut donc s’occuper de ces réfugiés. Le problème n’est pas italien, il n’est pas grec, il n’est pas européen, il est paneuropéen. Pour la première fois, l’Union européenne doit s’en saisir au niveau politique pour agir sur le plan humanitaire. Cela ne veut pas dire que nous avons besoin d’une politique d’aide : nous n’avons pas besoin d’argent, mais il faut absolument décider de donner une solution à ce problème des réfugiés. Il s’agit de lutter contre le trafic des réfugiés, bien sûr, mais, plus largement, le fait que la Méditerranée devienne un immense cimetière des âmes est une menace pour l’humanité entière.

M. SABELLA (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – Lorsque l’on y réfléchit, on se rend compte que le phénomène Daech est particulièrement complexe. On ne peut le réduire à un seul et unique facteur. Différents facteurs sociétaux internes et des facteurs régionaux, sans oublier des facteurs internationaux, ont concouru à sa naissance. Il ne s’agit cependant pas tant de déterminer les causes du problème que de chercher comment nous allons pouvoir le résoudre.

Alors, oui, l’Europe devrait éviter d’interférer, tout comme les Etats-Unis devraient éviter de s’ingérer dans les affaires de la région. La réalité du monde actuel est la suivante, qu’on le veuille ou pas : nous sommes tous liés les uns aux autres, et la solution au problème que représente Daech ne réside pas uniquement, à mon sens, dans une action militaire. Il est nécessaire de développer un véritable système de réponses, qui traite par exemple de la désintégration des Etats dans la région, mais il faut également s’intéresser aux systèmes éducatifs de certains pays de la région, qui ne visent pas à promouvoir la compréhension réciproque. Il nous faut en effet absolument nous éloigner de cette idée selon laquelle on ne saurait appartenir à une société que parce que l’on fait partie d’une communauté religieuse ou ethnique. Il faut absolument développer la notion de citoyenneté équitable : les systèmes et les institutions étatiques doivent permettre au citoyen de se développer librement, pleinement. Malheureusement, ce n’est pas ce que nous connaissons. Tel est notre échec : nous n’avons pas pu fournir la sécurité nécessaire à des millions d’Arabes, de musulmans et d’autres dans la région.

Alors, la tâche, bien entendu, n’est pas simple, et elle ne concerne pas que l’Europe. J’en appelle à l’Europe, bien sûr, mais nous tous également, en tant qu’Arabes, en tant que musulmans, en tant que chrétiens, en tant que membres d’autres groupes religieux vivant dans la région, nous devons ensemble travailler afin de retrouver cet âge d’or de l’islam, dans lequel nous avons grandi, et qui, à un certain moment, faisait notre fierté. J’espère sincèrement que ce rêve deviendra réalité.

LA PRÉSIDENTE* – Merci beaucoup, Monsieur Sabella, pour ce message très fort.

Mme TZAKRI (Grèce)* – Aujourd’hui, chers collègues, nous parlons des conséquences des actions de l’« Etat islamique ». C’est un grave problème. Il y a 4 millions de réfugiés en Turquie, et 3 millions de personnes en Irak ont besoin d’une aide humanitaire. À cause de l’« Etat islamique », environ 6,8 millions de personnes ont été obligées de quitter leur foyer. Il y a, aussi, le nettoyage ethnique. Le temps passe et la crise s’aggrave, qui déferlera jusque sur l’Europe. Autant de victimes en une période aussi courte, cela ne s’est jamais vu !

Je viens d’un pays qui se trouve à l’extrémité de l’Europe, au sud-est de l’Europe. Ce petit pays offrait un petit espace où étaient respectés les droits de l’homme, l’égalité, la démocratie. Or toutes ces vagues de réfugiés arrivent par la Grèce et par l’Italie. Pendant les trois premiers mois de l’année 2015, 11 000 personnes ont été arrêtées. Le problème devient tragique. Chaque jour, on compte 700 arrestations dans nos ports. Cela devient de plus en plus insoluble. Comme nous sommes très proches des côtes turques, des gens veulent traverser là, et des accidents surviennent dans nos eaux territoriales.

Aucun pays dans le monde, aussi puissant soit-il, ne peut faire face tous les jours à un tel problème. Il faut absolument que l’Europe nous aide. L’Europe entière court un grand danger si nous n’arrivons pas à faire face à cette situation. Le problème n’est pas que celui de certains pays. Il faut absolument essayer d’organiser un accueil, de s’organiser en partageant les responsabilités entre Européens. Tout cela a un coût social, qui ne se résume pas à des montants d’argent. L’Union européenne porte une responsabilité, elle doit agir, non pas seulement parler et proférer de beaux discours.

Il faut essayer de lutter contre les circuits de la traite et du trafic des êtres humains. La politique européenne doit pouvoir contrôler ses voies maritimes et terrestres, voies de passage des migrants et des réfugiés. On ne peut tolérer davantage la situation actuelle, car des personnes s’enrichissent au détriment de ces immigrés et réfugiés. Il y a des cris de désespoir. Il faut qu’ils soient entendus.

Mme AL-ASTAL (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – Je remercie M. Bockel pour son rapport exhaustif sur une question fort urgente.

La crise humanitaire qui sévit au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, particulièrement en Syrie et en Irak, atteint un degré inacceptable. La situation est le fait d’un groupe terroriste, l’EI Daech qui envahit une grande partie du territoire irakien et syrien et qui se considère comme étant un état. Il s’est engagé dans une lutte violente pour soumettre les populations, perpétrer des discriminations et mener des exécutions génocidaires. Ses membres utilisent l’internet et les médias sociaux pour propager leur idéologie, présenter les exécutions de leurs victimes et sont les auteurs de terribles atrocités dans la région. Ils forment également des enfants à tuer et à perpétrer des actes violents. C’est pourquoi plus de six millions de personnes sont déplacées, deviennent des réfugiés dans des régions des pays voisins, tels que la Jordanie, le Liban ou d’autres pays du Moyen-Orient, ainsi qu’en Europe.

Récemment, Daech a attaqué le camp palestinien de Yarmouk en Syrie. Ils ont tué de nombreux civils, forçant les autres à fuir. C’est ainsi que des enfants sont séparés de leur famille, sont exposés à toutes sortes de violences et d’abus sexuels et font l’objet de traites. Les jeunes filles et les jeunes femmes également sont exposées à la violence, forcées à se marier très jeunes.

Selon les rapports récents des organisations humanitaires internationales, plus de 2,5 millions d’enfants réfugiés syriens et irakiens ont besoin d’une protection et d’une assistance urgente. Ainsi, je soutiens toutes les recommandations du rapport et je demande à tous les gouvernements de promouvoir une solution d’urgence afin de mettre un terme aux souffrances des populations réfugiées qui ont besoin d’une aide humanitaire. Cette violence infligée par les groupes terroristes ou d’autres milices armées doit cesser. Nous avons besoin de paix et de justice et devons résoudre ces conflits, notamment le conflit palestino-israélien.

M. GHAMBOU (Maroc, partenaire pour la démocratie)* – Si vous le permettez, je dirai quelques mots de mon pays, le Maroc, qui n’est pas mentionné dans le rapport présenté.

Nous sommes l’un des premiers, voire le seul pays dans la région, à avoir tiré la sonnette d’alarme auprès de la communauté internationale sur les réfugiés et les personnes déplacées.

Une fois que Daech a commencé à occuper une grande province syrienne, nous avons ouvert les frontières aux réfugiés et nous leur avons accordé l’aide humanitaire nécessaire. La situation de 18 000 migrants sera régularisée d’ici à la fin du mois de décembre. Nous comprenons notre statut de partenaire de la démocratie auprès du Conseil de l'Europe non seulement comme un véritable privilège, mais également comme un devoir. Certes, nous devons traiter nos problèmes nationaux, mais également relever les défis régionaux qui se présentent à nous.

Il faut s’entraider. Or, ce n’est pas malheureusement toujours le cas. Le Maroc ne peut continuer seul à relever ce défi. Nous saluons les recommandations positives présentées par le Conseil de l'Europe qui se fonde sur une approche générale, ainsi que cela a déjà été souligné. Il faut non seulement réagir aux conséquences du terrorisme pour les réfugiés et les personnes déplacées, mais également prévenir les actes de terrorisme.

Outre la Syrie, nous devons essayer de voir comment ensemble nous pouvons mettre un terme à cette même crise que connaissent la Libye, l’Irak, le Yémen, l’Afghanistan, le Mali et tous les pays où les notions de souveraineté et de pouvoir central sont minés, sapés. N’oublions pas les principes fondateurs du Conseil de l'Europe.

En tant que pays leader de la région, le Maroc a pour nouvelle mission de diffuser les valeurs démocratiques et de réduire les zones de violence et de terrorisme. Nous devons travailler ensemble, car Daech ou tout autre groupe terroriste, quel qu’il soit, ne constitue pas uniquement une menace pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, mais une menace pour l’Europe. L’attentat contre Charlie Hebdo en est une preuve éclatante.

Certaines questions sont liées au thème d’aujourd’hui. Pourquoi les groupes terroristes commencent-ils à regrouper leurs membres en Europe ? Question encore plus cruciale : pourquoi les jeunes Européens musulmans sont-ils attirés par la violence d’Al-Qaida et de l’« Etat islamique » ? Pour répondre à ces questions qui se posent, nous avons besoin d’instaurer une collaboration plus étroite entre tous les pays pour traiter les problèmes de migration et d’intégration car les groupes terroristes essayent de nous saper de l’intérieur.

M. YATIM (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Je tiens tout d’abord à féliciter M. Bockel pour la qualité de son rapport et la pertinence du projet de résolution.

« La tragédie syrienne » c’est l’expression appropriée pour décrire la situation humanitaire en Syrie. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, dont M. Bockel a repris les chiffres dans son rapport, le nombre de tués avoisine les 200 000 personnes. Ne serait-ce qu’au cours de l’année 2014, on dénombre 76 000 morts, dont 3 500 enfants, 7,5 millions de personnes déplacées, plaçant les réfugiés syriens au premier rang des réfugiés sous mandat du Haut-Commissariat aux réfugiés.

Séparation des enfants de leurs familles, augmentation du nombre des mineurs non accompagnés, femmes et jeunes filles en situation de précarité, cibles de toutes les formes d’exploitation, de violences, contraintes à la mendicité. Exposition des réfugiés aux maladies et à l’exploitation des trafiquants. La liste des malheurs est longue.

Pour faire face à cette situation dramatique, le rapport de M. Bockel lance un appel pour la mise en place d’une politique de réinstallation ainsi que pour un plan d’admission humanitaire, un plan d’accueil et de réinstallation d’un grand nombre de réfugiés syriens.

Ainsi que l’a fait M. Bockel, il convient de rendre hommage aux Etats de la région, à leur générosité, aux efforts qu’ils ont déployés pour venir en aide aux réfugiés.

J’adhère aussi à son appel aux Etats du Conseil de l'Europe de faire preuve de solidarité et de responsabilité en augmentant les fonds alloués aux organisations humanitaires.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que cette tragédie est le résultat d’une crise politique. Un régime totalitaire qui a choisi comme réponse aux aspirations populaires réclamant un Etat de droit et de la justice sociale la répression sanglante. C’est-à-dire de pousser quelques franges de l’opposition vers le radicalisme extrême. Un régime qui a choisi l’instrumentalisation des différences ethnies et confessionnelles et de créer ainsi toutes les conditions favorables pour le développement des groupes extrémistes et criminels comme celui de Daech.

La crise humanitaire est aussi le résultat logique d’un échec politique de la communauté internationale, de son laxisme et de son manque de détermination envers les crimes commis par le régime en place et par les groupes extrémistes.

Sans s’attaquer à cet arrière-plan politique de la crise, le drame syrien continuera. Il faut s’attendre aussi à d’autres drames humanitaires, comme celui qui s’est déroulé avant-hier au large des côtes italiennes. Espérons que cela ne se répète pas.

Mme EL OUAFI (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Je remercie à mon tour M. Bockel pour son excellent travail sur un sujet qui nous touche tous : la sécurité publique, au Nord comme au Sud.

Nous l’avons dit, mais nous devons le répéter : ces groupes terroristes ne représentent pas les valeurs de l’islam et leurs actions sont clairement anti-islamiques. Tuer des innocents, s’attaquer à des civils et à des institutions publiques, ne peut pas être justifié, en aucun cas. Les savants musulmans reconnus et les fidèles condamnent la violence des extrémistes et les actions des terroristes. Il convient d’ailleurs de parler non d’« Etat islamique », mais de Daech, car ces terroristes n’ont rien à voir avec l’islam.

Combattre Daech, c’est éviter de prendre le risque de casser la confiance entre musulmans, chrétiens et juifs ; je parle en tant que Marocaine cohabitant depuis toujours avec nos concitoyens chrétiens et juifs dans un Maroc moderne et modéré. Il importe d’être clair sur nos responsabilités en refusant l’amalgame et en trouvant des cadres pour les discours xénophobes et islamophobes. Dans les démocraties européennes qui se respectent, il convient également de parler clairement et de refuser l’amalgame entre les terroristes et les musulmans.

Combattre Daech, c’est apporter des réponses politiques. C’est donner la meilleure des réponses : maintenir le soutien de l’Union européenne pour la transition économique et démocratiques des jeunes démocraties dans le monde arabe.

Face au terrorisme, le Maroc est l’un des rares pays à avoir mis en place un dispositif juridique étoffé en vue de le prévenir et de le combattre. Le Maroc a commencé à ratifier la plupart des instruments internationaux anti-terroristes, notamment en harmonisant dernièrement son arsenal juridique national – en particulier son Code pénal et son Code de procédure pénale.

Combattre Daech, c’est protéger les jeunes contre une manipulation en matière culturelle et religieuse. Je citerai l’exemple de la restructuration de l’espace religieux dans la réorganisation des structures, la redéfinition de rôle des imams ainsi que la place importante de la femme dans ces réformes. Avec la mise en place du nouveau corps des Mourchidates, les femmes imams, qui œuvrent, auprès de leurs homologues masculins, pour promouvoir un islam modéré et tolérant. Plusieurs pays africains et européens ont exprimé le souhait de bénéficier des programmes du Maroc en matière de lutte contre l’extrémisme.

M. AMEUR (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Je voudrais féliciter le rapporteur pour son excellent rapport sur la situation des réfugiés syriens et ses recommandations.

La crise syrienne dure et le flot des réfugiés continue d’augmenter. Des centaines de milliers de réfugiés sont bloqués dans les pays voisins et dépendent de l’aide internationale pour leur survie, car les possibilités d’intégration, sur un marché du travail saturé ou protégé, sont minimes. La multiplication des crises humanitaires dans la région et dans le monde, ainsi qu’une certaine lassitude à l’égard de la crise syrienne réduit l’aide financière alors que les besoins sont croissants.

En l’absence de solutions diplomatiques ou militaires, la crise syrienne continuera et le nombre de réfugiés augmentera. Dans les pays d’accueil, la situation sécuritaire va se détériorer. Le désespoir croissant pousse de plus en plus de réfugiés syriens à se déplacer encore plus loin. Ils sont de plus en plus nombreux à s’embarquer sur des bateaux de fortune qui, pour beaucoup d’entre eux, finissent leur périple au fond de la Méditerranée, transformant le Mare Nostrum des anciens en une vaste fosse commune, comme l’a dénoncé aujourd’hui l’écrivain anti-mafia Roberto Saviano.

Alors que les ressources humanitaires diminuent, abandonner les réfugiés à leur titre sort revient à les rendre encore plus vulnérables à une grande souffrance, à l’exploitation et aux abus dangereux. Laisser leurs hôtes gérer la situation pourrait conduire à une déstabilisation régionale sérieuse et à des préoccupations sécuritaires supplémentaires, ailleurs dans le monde.

C’est pourquoi, j’appuie de la manière la plus forte, toutes les recommandations formulées par le rapporteur. Je plaide pour une solidarité plus intense de la communauté internationale et j’en appelle à tous les Etats membres de l’Assemblée pour plus de soutien aux organisations humanitaires.

Je demeure convaincu que sans perspectives politiques claires pour la crise syrienne, le drame humanitaire risque de prendre des dimensions sans précédents. D’où l’urgence d’une solution politique pour le conflit. L’Europe doit œuvrer pour une gestion plus efficiente du dossier syrien et une solidarité internationale sans faille. La communauté internationale est sommée de rompre avec l’ère de l’incohérence, de l’hésitation et des divergences inutiles qui ont largement contribué à enfanter le monstre Daech.

LA PRÉSIDENTE – J’appelle la réplique de la commission.

M. BOCKEL (France), rapporteur – Mes chers collègues, je vous remercie pour ces échanges riches, intéressants et divers. Chacun avec sa sensibilité et son vécu a approfondi certains aspects de la démarche qui est la nôtre, qui est à la fois humanitaire et politique – voire géopolitique. Il est de notre responsabilité de réfléchir aux tenants et aux aboutissants de cette crise et il normal que dans cette enceinte de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, nous essayons d’avoir, en tirant les enseignements de ce qui s’est passé, un regard tourné vers l’avenir. Cela se retrouve dans les recommandations qui sont axées sur notre mission première, la situation des réfugiés, mais qui par voie de conséquence sont politiques à bien des égards.

Parmi toutes les interventions que je pourrais citer, je retiens particulièrement celle de Mme El Ouafi, qui a fort bien repris, y compris du point de vue de l’islam, plusieurs remarques, critiques et propositions, et dont je suivrai le conseil : tout mettre en œuvre pour faire reculer Daech et rester aux côtés des réfugiés.

LA PRÉSIDENTE – La discussion générale est close.

La commission des migrations a présenté un projet de résolution sur lequel sept amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que le président de la commission des migrations souhaite proposer à l’Assemblée de considérer les amendements 2, 6, 3, 1 et 5, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien cela, Monsieur le rapporteur ?

M. BOCKEL (France), rapporteur – Oui, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE - En l’absence d’objection, ces amendements sont déclarés adoptés définitivement.

Nous en venons à la discussion des autres amendements.

Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisie de l’amendement 4.

M. GÜR (Turquie)* – Le Bureau du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux a récemment adopté une déclaration concernant Kobané. Pour aider vraiment les réfugiés, il faut un corridor humanitaire. Tel est le sens de cet amendement.

M. SELVİ (Turquie)* – Nous sommes totalement opposés à cet amendement qui ne reflète pas la réalité du terrain et contient des éléments qui contredisent le rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies.

Nous remercions de nouveau notre rapporteur pour son travail. Ne prenons pas le risque d’en atténuer la portée en nous écartant du sujet.

M. BOCKEL (France), rapporteur – La commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement 4 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 7.

Mme KATRIVANOU (Grèce)* – Cet amendement adopté en commission est conforme aux recommandations du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et du haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, ainsi qu’aux suggestions de l’Organisation internationale pour les migrations.

M. BOCKEL (France), rapporteur – L’avis de la commission est favorable.

L’amendement est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13741, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution contenu dans le Doc. 13741, amendé, est adopté (67 voix pour, 0 voix contre et 2 abstentions).

LA PRÉSIDENTE – Félicitations !

10. Limitation du temps de parole

LA PRÉSIDENTE – Je vous rappelle que M. Didier Reynders, ministre des Affaires étrangères et européennes de la Belgique, Président du Comité des Ministres, présentera sa communication et répondra aux questions demain matin à 12 h 15.

Afin d’entendre un maximum d’orateurs lors de notre débat d’actualité et lors des questions à M. Reynders, je vous rappelle également qu’il a été décidé de limiter le temps de parole pour toute la séance de demain matin à trois minutes.

Afin d’entendre également un maximum d’orateurs dans les débats de demain après-midi, je vous propose de limiter le temps de parole à 3 minutes pour la séance de demain après-midi.

En l’absence d’opposition, il en est ainsi décidé.

Le temps de parole des orateurs inscrits aux débats de demain sera donc limité à trois minutes pour toute la journée.

11. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu demain matin, à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 19 h 55.

S O M M A I R E

1. Election de cinq juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Andorre, de l’Autriche, de la Finlande, de l’Irlande et du Liechtenstein (suite)

2. Modification dans la composition des commissions

3. Limitation du temps de parole

4. Questions à M. le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe

M. Agramunt, Mme Mateu Pi, MM. Clappison, Kox, Mme Korun, M. Rouquet, Mme Pashayeva, M. Díaz Tejera, Mmes Zohrabyan, Schou, Magradze, M. Honcharenko, Mme Bilgehan

5. Attribution du Prix de l’Europe 2015

6. Budget et priorités du Conseil de l’Europe pour l’exercice biennal 2016-2017

Dépenses de l’Assemblée parlementaire pour l’exercice biennal 2016-2017

(Débat conjoint)

Présentation par M. Bugnon, suppléant M. Salles, des rapports de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles (Doc. 13743 et Doc. 13744)

Orateurs : MM. Elzinga, Mignon, Mmes Vučković, Taktakishvili, Dalloz, MM. Korodi, Xuclà, Divina, Mme Zimmermann, M. Büchel, Mme Schou, MM. Daems, Díaz Tejera

Réponse de M. Bugnon

Vote sur un projet d’avis amendé

Vote sur un projet de résolution

7. Les conséquences humanitaires des actions menées par le groupe terroriste connu sous le nom d’« Etat islamique »

Présentation par M. Bockel du rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées (Doc. 13741).

Orateurs : MM. Gür, Németh, Schennach, Heer, Denemeç, Rouquet, Fournier, Ariev, Zourabian, Mmes Santerini, Mitchell, Gafarova, MM. Divina, Chiti, Mmes Hovhannisyan, Durrieu, M. Destexhe, Mmes Kyriakides, Kanelli

8. Election de cinq juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’Andorre, de l’Autriche, de la Finlande, de l’Irlande et du Liechtenstein (Résultats du scrutin)

9. Les conséquences humanitaires des actions menées par le groupe terroriste connu sous le nom d’« Etat islamique » (suite)

Orateurs : MM. Chisu, Florea, Ardelean, Mme Fataliyeva, MM. Stroe, Rustamyan, Schneider, Mme Zohrabyan, MM. Zech, Loukaides, Downe, Mme Pashayeva, MM. Munyama, Balfe, Mme Anagnostopoulou, M. Sabella, Mmes Tzakri, Al-Astal, MM. Ghambou, Yatim, Mme El Ouafi, M. Ameur

Réponse de M. le rapporteur

Vote sur un projet de résolution amendé

10. Limitation du temps de parole

11. Prochaine séance publique