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AS (2015) CR 15

SESSION ORDINAIRE DE 2015

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la quinzième séance

Mercredi 22 avril 2015 à 16 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 16 h 30 sous la présidence de Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE – La séance est ouverte.

1. La discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de Mme Schembri, au nom de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, sur «la discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe» (Doc. 13742).

Après avoir écouté la rapporteure, nous aurons le plaisir d’entendre Mme Dalli, ministre du Dialogue social, de la consommation et des libertés civiles de Malte.

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 18 h 10. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 17 h 35, afin de pouvoir entendre les réponses de Mme Dalli et la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Je vous rappelle également que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance d’hier après-midi, de limiter le temps de parole des orateurs à trois minutes pour l’ensemble des débats de cet après-midi.

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Mme SCHEMBRI (Malte), rapporteure de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* –
Madame la Présidente, mes chers collègues, j’ai le plaisir de m’adresser à vous aujourd’hui en tant que représentante d’un petit pays qui, en quelques années, est devenu un véritable champion en matière de droits de l’homme.

Le rapport que je vous présente aujourd’hui sur la discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe préconise des évolutions dans les procédures médicales et dans la législation de certains pays pour une pleine reconnaissance des personnes transgenres. Dans la maison des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit, nous nous efforçons de défendre nos valeurs et d’en faire bénéficier le plus grand nombre d’êtres humains. Elles doivent s’appliquer également aux personnes transgenres, dont les droits ont été niés pendant très longtemps. Ces personnes font l’objet de nombreuses discriminations s’agissant de leur dignité ou de leur intégrité physique, de leur droit à une vie de famille, ou de leur droit à ne pas être traité de manière dégradante ou inhumaine.

Pour que leur genre soit reconnu légalement, les personnes transgenres sont obligées de passer par le divorce, des traitements médicaux et des opérations, mais le modèle médical a échoué. Il a rendu la vie insupportable à nos concitoyens transgenres, dont le taux de suicide est l’un des plus élevés dans nos sociétés. Nous devons mettre en place des législations plus humaines et conformes au respect des droits de l’homme. Tel est le sens du projet de résolution.

Le rapport dresse la liste des batailles que doivent livrer les personnes transgenres au quotidien. Elles sont généralement mal comprises par leur entourage et font l’objet de nombreuses discriminations. On leur demande constamment d’abandonner l’un de leurs droits humains. Elles éprouvent des difficultés à trouver ou à conserver un travail du fait de pratiques discriminatoires. Nombre d’entre elles renoncent aux soins de santé parce qu’elles sont stigmatisées par le personnel médical. Elles se voient refuser le droit à une couverture médicale et se retrouvent souvent tout à fait démunies. Les enfants transgenres souffrent également beaucoup dans le système éducatif. Les procédures permettant de changer de nom et de marqueurs de genre ne sont généralement autorisées qu’à partir de 18 ans. Les enfants et les adolescents transgenres sont victimes de harcèlements au quotidien et ont souvent recours au suicide.

Il faut mettre un terme au diagnostic obligatoire pour obtenir la reconnaissance du genre, c’est-à-dire le fait d’être considéré comme mentalement malade pour bénéficier d’un autre marqueur de genre sur ses papiers d’identité. Il ne fait que renforcer la stigmatisation et la discrimination des personnes transgenres, rendues plus vulnérables encore. Un petit nombre d’Etats membres sont passés de cette approche pathologique à une approche éclairée. Il faut cesser également les stérilisations. Les personnes transgenres sont le seul groupe encore soumis, dans certains Etats, à cette pratique rendue obligatoire de par la loi. C’est inacceptable dans des pays démocratiques comme les nôtres, basés sur le respect des droits de l’homme.

Il faut par ailleurs cesser d’obliger les personnes heureuses en mariage à divorcer pour être autorisées à changer de genre sur le plan juridique. L’identité de genre est l’un des domaines les plus intimes de l’existence humaine. Il n’est de meilleur juge en la matière que la personne elle-même. Nous devons mettre fin aux préjugés et cesser de ne voir que nos différences. Regardons plutôt ce que nous avons en commun, c’est-à-dire notre humanité. Nous devons offrir une vie meilleure à tous nos concitoyens sans laisser de côté une partie d’entre eux. Nous devons être les moteurs du changement! L’île de Malte, grâce à sa législation, a permis aux personnes transgenres de retrouver une lueur d’espoir. Nous devons continuer à informer sur leur situation et sur les défis auxquelles elles font face en Europe.

Je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir soutenir ce projet de résolution, approuvé à l’unanimité par la commission sur l’égalité et la non-discrimination.

LA PRÉSIDENTE* – Je vous remercie beaucoup, Madame la rapporteure, pour le travail important que vous avez mené.

J’ai maintenant le plaisir de souhaiter la bienvenue à Mme Dalli, ministre du Dialogue social, de la consommation et des libertés civiles de Malte.

Je vous suis vraiment reconnaissante d’avoir accepté de venir. Je voudrais aussi vous féliciter, féliciter le Parlement et le Gouvernement maltais d’avoir adopté une aussi importante législation sur l’égalité des droits de tous. Les personnes transgenres sont des citoyens comme les autres et doivent avoir les mêmes droits que les autres. Dans votre pays, vous avez réussi à faire adopter une loi, à l’unanimité, par le parlement. Je vous en félicite.

Votre contribution à notre débat est tout à fait la bienvenue; elle est très importante pour nous. Merci infiniment d’avoir accepté de venir vous adresser à nous.

Mme DALLI, ministre du Dialogue social, de la consommation et des libertés civiles de Malte* –
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire, je vous remercie. Je vous remercie, Madame Brasseur, de votre invitation, des paroles très aimables que vous avez prononcées tout à l’heure et de votre hospitalité.

Je suis ravie d’être parmi vous aujourd’hui et de vous informer de ce que nous avons fait à Malte pour consacrer les droits des personnes transgenres. Comme vous le savez très certainement, le 1er avril dernier, le Parlement maltais a adopté à l’unanimité une loi qui instaure un droit à l’identité de genre pour tous les citoyens maltais. Une procédure transparente permet aux adultes et aux mineurs de changer de genre. Nous avons supprimé les exigences de stérilisation et de divorce auxquelles il fallait répondre avant de pouvoir obtenir la modification juridique de son genre. Nous avons aussi supprimé toute nécessité de prouver une intervention chirurgicale préalable et toute exigence autre que la déclaration de la personne affirmant que son identité de genre ne correspond pas au sexe constaté à la naissance.

La reconnaissance de cette identité s’étend aux résidents non maltais. La possibilité pour des réfugiés de faire rectifier leur identité sur les documents officiels est aussi garantie par la loi, de même que la possibilité pour les parents de remettre à plus tard la mention du genre sur le certificat de naissance de leurs enfants ou la possibilité de changer de genre sur tous les documents officiels – pièces d’identité, passeports, certificats ou diplômes obtenus dans le cadre du système éducatif. Il est aussi possible de faire rectifier tous les documents officiels et obligation est faite à toutes les instances gouvernementales de respecter les objectifs de cette loi.

La possibilité de recours judiciaires contre les discriminations, contre les crimes et discours de haine a également été inscrite dans la loi, ainsi qu’un droit à l’intégrité physique et à l’autonomie pour toutes les personnes. Nous avons aussi rendu passibles de poursuites pénales toutes les interventions médicales faites sans que les personnes concernées aient donné leur consentement en pleine connaissance de cause. Sont également prévus des services de soutien, psychologique et autres, pour les personnes changeant de genre.

L’adoption de cette loi a lancé un débat international et attiré l’attention des médias, qui titraient: «Chirurgie et stérilisation supprimées à Malte»; «Grand progrès pour les personnes LGBT». On a parlé de loi la plus progressiste d’Europe en ce qui concerne l’identité de genre. En Australie, on s’est intéressé à l’aspect intersexuel de cette loi – on a dit que cette protection créait un nouvel espoir en Australie. Des déclarations ont également été faites par des représentants de la société civile internationale.

Au-delà de cet intérêt international, ce qui m’emplit vraiment de satisfaction, c’est l’impact positif de cette législation sur les vies individuelles des personnes transgenres, des personnes transsexuelles qui, lorsque la législation antérieure était encore en vigueur, n’avaient pas pu changer d’identité et avaient pris contact avec moi pour m’informer des difficultés auxquelles elles se heurtaient, qu’il s’agisse de leur incapacité de trouver un emploi, de l’exclusion sociale dont elles souffraient, de leur sentiment de solitude ou de leur dépression, de la pauvreté qui était la leur ou d’autres formes de discrimination, comme le harcèlement dans la rue, voire les violences sexuelles.

Les personnes qui m’avaient contactée étaient des personnes transgenres, des personnes transsexuelles. C’étaient aussi, parfois, leurs parents, ou des groupes de ces personnes. C’étaient des histoires tragiques, des histoires extrêmement affligeantes, et il était clair que, dans tout cela, le coupable était l’Etat. Vous m’avez bien entendue: c’était l’Etat, parce que celui-ci leur refusait des pièces d’identité qui reflètent leur genre! Ces mêmes personnes, aujourd’hui, m’informent des procédures entreprises, qui leur permettent enfin de faire modifier leurs documents et de poursuivre leurs vies. Ces vies, elles ne sont plus ignorées, elles ne sont plus à la marge, elles sont maintenant pleinement reconnues. Ces personnes peuvent maintenant réintégrer la société et chercher à avoir une vie plus facile, avec un peu moins d’obstacles.

Mesdames et Messieurs, vous pouvez ici, aujourd’hui, dans cette assemblée, écrire l’Histoire! Amnesty International considère qu’il y a sans doute 1,5 million de personnes transgenres en Europe, 1,5 million de personnes qui pourraient vivre une vie bien meilleure si les gouvernements de l’Europe entière adoptaient ce projet de résolution et introduisaient des mesures législatives permettant de changer de genre dans un cadre respectueux des droits humains.

Le rapport rédigé par ma collègue et amie Deborah Schembri montre bien combien cette discrimination continue à frapper ces personnes et à nuire à leur qualité de vie, qu’il s’agisse d’emploi, de santé ou d’éducation. Tout cela à cause des clichés, des préjugés homophobes, des crimes de haine, de l’obligation de subir des traitements et de l’absence d’une législation reconnaissant la possibilité de changer de genre! Comme le dit clairement le projet de résolution, il faut que les procédures juridiques éliminent toute exigence préalable d’acte chirurgical, de divorce ou de traitements hormonaux comme condition préalable au changement de genre. Pourquoi? Parce que ces exigences sont une violation du droit à la vie privée, à la vie familiale et à l’intégrité physique. Il faut que chacun se représente les problèmes de ces personnes transgenres. Ces personnes existent bel et bien, comme vous et moi, et, dans bien des pays, elles sont un peu oubliées dans les débats publics, les débats sur les droits humains.

En 2007, une femme avait saisi les tribunaux du fait qu’on lui refusait le droit de se marier, et, comme elle avait épuisé les recours juridiques nationaux, elle a dû s’adresser à la Cour européenne des droits de l’homme. Mon parti s’est saisi de cette cause et nous avons inscrit dans notre programme électoral les droits des personnes transgenres. Comme cette femme l’a déclaré publiquement après qu’un accord amiable est intervenu, elle était toujours triste de recevoir des lettres de la Cour européenne des droits de l’homme l’informant de l’avancement de son affaire, parce qu’elle aimait son pays, mais elle devait le combattre pour obtenir le droit d’être traitée comme tous les autres.

Depuis deux ans, mon gouvernement a mis en place un conseil consultatif où siègent des représentants d’organisations de la société civile pour traiter des problèmes des personnes LGBT, transsexuelles et autres. Je suis très reconnaissante à ce conseil pour son travail qui a permis d’enrichir le projet de loi par un grand nombre de suggestions. De la même manière, je suis très reconnaissante aux organisations paneuropéennes, comme Transgender Europe et d’autres, pour leur appui, pour les échanges de vues que nous avons eues avec elles, qui ont aussi permis d’enrichir notre nouvelle loi.

Mes chers collègues, je suis convaincue de l’importance des droits humains. Je suis persuadée que toutes ces questions de personnes transgenres ou transsexuelles se ramènent à des choses très simples: les droits de l’homme sont indivisibles, nous sommes tous nés libres et égaux en dignité.

Pour le dire autrement, la société n’accorderait pas une faveur ou un droit spécial aux personnes transgenres en adoptant le projet de résolution qui vous est soumis aujourd’hui. Non, en l’adoptant, vous affirmeriez simplement que chaque personne a une identité de genre et que chacun a le droit d’être respecté par autrui. En approuvant ce projet de résolution, vous ne feriez finalement rien d’autre que d’honorer notre obligation à tous, en tant que responsables politiques, de chercher à faire en sorte que tous les membres de la société jouissent de leurs droits, prospèrent et vivent leur vie sans subir de discriminations.

Je suis heureuse que Malte ait pu agir et que nous ayons ainsi pu donner une lueur d’espoir. Si nous l’avons fait, vous pouvez le faire aussi.

LA PRÉSIDENTE* – Madame la ministre, les applaudissements nourris que vous avez suscités prouvent à quel point nous apprécions votre engagement.

Nous allons maintenant entendre les orateurs qui s’exprimeront au nom des groupes politiques.

M. GUNNARSSON (Suède), porte-parole du Groupe socialiste* – Au nom du Groupe socialiste, permettez-moi de remercier Mme la ministre du Dialogue social, de la consommation et des libertés civiles de Malte, Mme Dalli. Je la remercie de sa présence aujourd’hui dans notre hémicycle et de sa contribution à ce débat essentiel et opportun.

Permettez-moi aussi de féliciter et de remercier notre rapporteure, Mme Schembri, ainsi que la commission sur l’égalité et la non-discrimination pour l’excellence de son travail.

Je voudrais vous parler de Tina, habitant la petite ville où je vis. Tina est aujourd’hui âgée de 63 ans. Lorsqu’elle est née, ses parents l’ont appelée Tommy. Elle a été élevée comme un garçon et a vécu jusqu’à maintenant en tant qu’homme. Elle a choisi le travail le plus masculin qu’elle ait trouvé: électricien. Elle a même décidé, au cours de sa vie adulte, d’être homophobe. Tina a choisi un emploi, adopté une attitude propre à mettre la plus grande distance possible entre elle et son genre. Pour utiliser ses propres paroles, elle pensait qu’un travail dans le bâtiment pourrait l’aider à réprimer la femme en elle jusqu’à la faire disparaître.

Tina est l’une des personnes les plus courageuses que je connaisse. Elle a surmonté l’opprobre de la société, la honte, la peur de la discrimination pour vivre et devenir la personne qu’elle sentait être. Comme elle l’a raconté dans une interview parue dans un journal il y a quelques jours, soit elle choisissait de vivre comme Tina, soit elle se suicidait.

Cette histoire n’a rien d’inhabituel. Inutile d’aller chercher bien loin dans les statistiques et dans les enquêtes pour constater que les personnes transgenres en Europe sont davantage habitées par des idées suicidaires et réussissent plus souvent leur suicide que les autres groupes de la société.

En tant que responsables politiques, nous devons répondre aux besoins de ce groupe dans toute la mesure de nos moyens. C’est bel et bien une question de vie ou de mort.

Ainsi que je l’ai dit en introduction, le rapport de Mme Schembri est opportun. Jusqu’à maintenant, nous avons peu débattu de ces questions à l’échelon européen, même s’il est évident que les personnes transgenres en Europe sont confrontées à une discrimination très répandue et se voient nier leurs droits fondamentaux dans bien trop de pays sur notre continent.

La façon dont la question est abordée dans le rapport et l’objectif des réformes mises en œuvre à Malte et dans quelques autres pays sont, à mon sens, la bonne manière de procéder. Fondés sur l’autodétermination des personnes et sur la suppression des obstacles administratifs et juridiques, ils sont la voie qu’il convient d’emprunter par respect pour les personnes concernées.

J’incite donc mes collègues à voter le projet de résolution.

Mme GAMBARO (Italie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Au nom de mon groupe, permettez-moi de féliciter Mme la rapporteure pour l’excellence de son rapport.

Je remercie également Mme la ministre de sa présence dans notre hémicycle et de son intervention.

Je voudrais reprendre avec vous les mesures législatives que cette prestigieuse institution internationale qu’est le Conseil de l’Europe doit permettre à ses Etats membres de mettre en place.

Il convient d’éviter que les discriminations de type sexuel, qui ne peuvent plus avoir cours dans notre siècle, se perpétuent.

Il faut reconnaître l’identité de genre. C’est un objectif législatif fondamental qui doit concerner l’ensemble du continent européen.

Certes, au cours des dernières années, de grands pas en avant en été réalisés en ce sens dans plusieurs pays. Je pense à la République de Malte qui a introduit dans sa Constitution le droit pour les transsexuels à bénéficier d’une protection juridique adaptée portant sur l’interdiction de discrimination par rapport à l’identité de genre. Cependant, il est à mon sens nécessaire d’agir rapidement en faveur de la reconnaissance culturelle qui doit anticiper, accompagner et renforcer ce processus d’innovation législative qui reste un objectif fondamental de notre action. Les problèmes physiques et psychologiques auxquels sont soumises les personnes transgenres dans certains environnements sociaux sont inacceptables.

En ma qualité de présidente de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, je pense que nous pouvons résoudre ces difficultés par la voie de campagnes médiatiques, innovantes et fortes sur l’identité de genre. Ce serait un premier pas. Nous pourrions commencer en modifiant les programmes d’éducation sexuelle à l’école. C’est ainsi que nous parviendrons dans quelques années à éduquer culturellement nos citoyens et à balayer toute discrimination. Lorsqu’une personne décidera de son genre, elle pourra vivre en toute liberté, protégée par des garanties et des lois constitutionnelles. Un tel travail normatif doit être mis en place afin d’accélérer le processus de reconnaissance totale des personnes transgenres dans les domaines juridique, social, du travail. Il convient également de lancer un plan adapté de sensibilisation culturel et médiatique.

Le groupe que je représente soutient sans aucune hésitation le rapport qui lui est présenté sur la discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe.

Mme KATRIVANOU (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – C’est un plaisir que de débattre de ce sujet. La législation maltaise jette, en effet, une lueur d’espoir dans l’ensemble de l’Europe. C’est notre phare! Je vous remercie, Madame la ministre.

Je remercie également Mme la rapporteure de son travail.

Il est bon que nous nous concentrions exclusivement sur ce sujet afin que le Conseil de l’Europe soutienne, dans leur lutte, sur les plans social, politique et législatif les personnes transgenres, et que nous leur donnions l’espoir de pouvoir choisir leur identité de genre et de vivre dans la dignité en Europe.

Enfant, je connaissais un enfant transgenre qui a été exclu de l’école. La police interdit aux personnes transgenres d’entrer au Parlement grec, car leur pièce d’identité ne correspond pas à leur personne physique. Il est arrivé que des parlementaires soient obligés d’intervenir pour permettre leur accès.

Troisième exemple: à l’université, la secrétaire générale est une personne transgenre qui réalise un excellent travail dans le domaine de l’éducation.

Grâce aux évolutions législatives, nous pourrons améliorer non seulement la vie de ces personnes, mais également la vie de l’ensemble de nos concitoyens car nous auront progressé sur la voie des droits de l’homme et de la démocratie.

Ainsi que cela a été suggéré par les organisations défendant le droit des personnes transgenres, des législations interdisant les discriminations fondées sur l’identité sexuelle et de genre et prévoyant une aide en matière d’emploi, de logement, d’éducation s’imposent.

Dans mon pays, la deuxième cible principale des fascistes et des néonazis sont les personnes transgenres. Il nous faut donc modifier nos législations et protéger ces personnes contre les discriminations au quotidien.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je voudrais tout d’abord remercier Mme la ministre d’être avec nous aujourd’hui. Je remercierai ensuite la rapporteure pour son document particulièrement intéressant qui pointe un sujet important et sensible. Après une longue discussion au cours de laquelle un grand nombre d’avis ont été exprimés, le Groupe PPE s’est déclaré unanimement hostile à toute forme de discrimination et de violation des droits de l’homme, collectifs et individuels.

Ce débat est essentiel, car il donne une plus grande visibilité aux personnes transgenres, qui se décrivent souvent comme invisibles. Elles ont le sentiment que leurs besoins, leur existence même, sont totalement ignorés par la société. Les personnes transgenres peuvent aussi être très visibles et devenir victimes de harcèlement et de discrimination. Doit-on leur donner davantage de visibilité ou une visibilité positive? Accroître leur visibilité permettrait de sensibiliser à cette question et de lutter contre les formes de discrimination auxquelles elles sont soumises, sur leur lieu de travail ou dans les communautés dans lesquelles elles vivent.

Aujourd’hui, nous discutons du droit des individus à l’autodétermination et à leur identification de genre. Il s’agit d’un droit inaliénable de toute personne qui peut mener à une modification positive, législative et politique, afin de protéger les droits des personnes transgenres. La discrimination sur la base de l’identité de genre est déjà interdite dans un certain nombre de pays membres du Conseil de l’Europe, mais nous pouvons aller plus loin. Il est donc nécessaire de se pencher attentivement sur ce rapport.

Il faut comprendre que l’on ne doit pas accorder des faveurs particulières aux personnes transgenres. Non, nous devons leur accorder le droit de vivre leur vie sans être l’objet de discriminations. C’est ce que nous allons décider ici, aujourd’hui.

M. LAVESSON (Suède)* – Il est inscrit sur le site web du Conseil de l’Europe que les normes et les mécanismes de l’Organisation visent au respect des droits humains de tous les individus, à l’égalité des droits et au droit à la dignité, y compris pour les LGBT. Or dans notre société, l’homophobie et la phobie des transgenres sont extrêmement répandues, beaucoup d’entre eux souffrent de discrimination et de violence. Cette discrimination sur la base de l’identité sexuelle ou de l’identification de genre n’est pas acceptable en nos murs. Je remercie la rapporteure de nous proposer d’appliquer plus largement les valeurs du Conseil de l’Europe.

La vie des personnes transgenres est extrêmement difficile. Elles sont victimes de violences physiques et psychologiques, elles font l’objet de harcèlement et de discrimination. Les mesures qui ont été prises à Malte sont un exemple à suivre et je félicite Mme la ministre Dalli. Nous devons améliorer la situation des personnes transgenres dans tous nos pays.

En Suède, il n’est plus nécessaire de divorcer pour changer de genre. Notre législation a beaucoup évolué, notamment grâce aux initiatives prises par l’ancien gouvernement de centre-droit et le gouvernement actuel. Mais même si la Suède est l’un des pays considérés comme les plus ouverts en la matière, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir.

D’aucuns prétendent que ce projet de résolution représente une ingérence dans les législations nationales et que la question devrait être résolue par les tribunaux nationaux. Je ne partage pas ce point de vue. Si, dans cette Assemblée, nous avons des avis divergents sur le phénomène des transgenres, sur leur statut médical ou sur ce que l’on considère comme «normal» ou pas, en revanche nous devons faire respecter l’égalité des droits pour tous. Les personnes transgenres ont le droit de ne pas être harcelées et elles doivent pouvoir accéder aux mêmes aides et aux mêmes services. C’est ce que consacre le projet de résolution. C’est la raison pour laquelle ce rapport est très important.

Je remercie la rapporteure et tous mes collègues qui l’ont aidée à rédiger ce projet de résolution.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Je respecte l’espoir sincère de notre rapporteure de voir ce rapport contribuer à davantage d’égalité de droits et de dignité pour tous les êtres humains sans discrimination, car je suis contre toute forme de discrimination. Cependant, je ne puis accepter la série de déclarations, de définitions et de solutions qui sont proposées dans le rapport et dans le projet de résolution.

Permettez-moi de revenir sur certains de ces points. Je commencerai par les faits et je poserai quelques questions rhétoriques.

Comment pouvons-nous inciter les médias et les institutions éducatives à fournir des informations pertinentes et précises sur ce phénomène alors que toutes les données dont nous disposons sont fondées sur des études subjectives et biaisées? Comment pouvons-nous affirmer que les personnes transgenres sont confrontées à une discrimination très répandue en Europe alors que le rapport indique, page 6, que l’on ne dispose pas de chiffres fiables sur le nombre de personnes transgenres?

Quant à la modification des classifications médicales utilisées aux plans national et international, permettez-moi de vous demander si elle relève de la science ou de la politique. On peut ne pas être d’accord avec ce que nous dit un médecin, mais qui nous donne le droit, en tant que responsables politiques, en tant que militants des droits de l’homme, de décider ce qui doit ou non être considéré comme une maladie.

Même si un Etat membre décidait d’autoriser la modification d’identité de genre, combien de fois pourrait-on changer de genre? Une fois dans la vie? Une fois par an? Si l’accès à ces procédures repose uniquement sur le principe de l’autodétermination, cette résolution ne fait plus référence aux personnes transgenres mais à toute personne qui souhaiterait changer de genre autant de fois que cela lui plaira.

Il existe un autre problème alarmant sur lequel j’aimerais appeler votre attention. Le projet de résolution laisse entendre, aux paragraphes 6-2-1 et 6-3-3, que les enfants aussi devraient avoir accès à ces procédures. Permettez-moi de vous rappeler le principe fondamental de «l’intérêt supérieur de l’enfant». Il est écrit dans le préambule de la Convention des Nations Unies relatif aux droits de l’enfant que: «ayant à l’esprit que, comme indiqué dans la Déclaration des droits de l’enfant, “l’enfant, en raison de son manque de maturité psychologique et intellectuelle, a besoin […] d’une protection juridique appropriée”». Par ailleurs, le libellé du paragraphe 6-2-3 laisse entendre qu’il faudrait reconnaître les mariages entre personnes du même sexe, ce qui va au-delà de la jurisprudence de la Cour européenne et du consensus entre les Etats membres.

Je ne pense donc pas que nous puissions voter pour ce projet de résolution sans franchir les limites de la subsidiarité, principe fondamental de cette Assemblée. Mais si nous voulons tout de même adopter ce rapport, il faudrait, au strict minimum, adopter les amendements que j’ai déposés avec d’autres collègues.

Je conclurai par une citation: «Notre culture a accepté deux mensonges flagrants: le premier est que, si vous n’êtes pas d’accord avec le mode de vie de quelqu’un, vous deviez avoir peur de lui ou le haïr; le second est que, si vous aimez quelqu’un, vous devez tout accepter de lui.» Ces deux affirmations sont erronées. Il n’est pas nécessaire de renoncer à ses convictions pour faire preuve d’empathie.

Mme RAWERT (Allemagne)* – Je remercie la rapporteure pour ce rapport excellent et fondateur. Il marque un jalon, en effet, dans le processus de reconnaissance des personnes transgenres: il contribuera à éduquer et à sensibiliser les Européens dans ce domaine. J’espère en particulier qu’il éclairera les professionnels de l’éducation, du droit, de la santé, de la psychologie et même de la politique!

Je me réjouis que la situation des Trans soit abordée du point de vue des droits de l’homme. La rigueur avec laquelle le rapport a été préparé est impressionnante. De nombreuses agences œuvrant pour les droits de l’homme et la lutte contre la discrimination ont été consultées, ainsi que des ONG comme Transgender Europe.

Malheureusement, aujourd’hui encore, les discriminations persistent, sur le marché du travail comme lors de la recherche d’un logement ou dans les services de santé. En outre, ces personnes sont particulièrement visées par des crimes haineux. D’où la nécessité de mesures tendant à lutter contre la transphobie.

Le rapport nous présente ce que certains pays ont déjà fait. Le mien, l’Allemagne, a certainement des leçons à en tirer et je me réjouis, comme présidente du groupe d’amitié avec Malte du Bundestag, que ces leçons viennent de Malte.

Il faut absolument améliorer le sort des personnes transgenres. Spécialisée dans les questions de santé – je siège au sein de la commission compétente au Bundestag –, je suis favorable à la suppression des stérilisations et des interventions médicales telles que les attestations préalablement à la reconnaissance de l’identité sexuelle.

Les personnes transgenres doivent avoir accès à des mesures de conversion sexuelle telles que l’intervention chirurgicale, les traitements hormonaux, un accompagnement psychologique, le tout dans le cadre du régime général de santé publique.

Enfin, les normes nationales et internationales régissant le diagnostic médical concernant les personnes transgenres doivent être dépathologisées. Les personnes transgenres ne doivent plus être considérées comme des malades mentaux.

Le rapport de Mme Schembri donne beaucoup d’espoir aux personnes transgenres. J’espère qu’il sera mis en œuvre et je vous invite à l’adopter.

Mme BLONDIN (France) – Notre collègue Mme Schembri présente un rapport très documenté sur une question sensible qu’elle traite avec beaucoup d’humanité et une authentique volonté de faire progresser les droits des trans. D’autres collègues parmi nous sont animés des mêmes sentiments; je songe à la Résolution 1728 adoptée sur le rapport d’Andy Gross et considérée comme une avancée dans ce domaine encore mal connu.

Il est vrai que la lutte contre les discriminations est d’autant plus difficile qu’elle se heurte à la prégnance des stéréotypes et à l’inertie des mentalités. La France a connu quelques avancées. La transsexualité n’est plus considérée comme une maladie, les soins sont pris en charge. En outre, la notion d’identité sexuelle est prise en considération par le code pénal depuis août 2012 au titre de la lutte contre les discriminations. En revanche, ce n’est pas encore le cas de l’identité de genre, présente dans plusieurs textes internationaux, mais qui reste un concept inconnu du droit français alors qu’il est plus adapté et plus protecteur pour ces personnes. Celles-ci restent confrontées aux difficultés liées au changement de la mention de sexe à l’état civil, qui constituent le plus souvent la source des discriminations dont elles sont victimes.

Malgré les tentatives de certains parlementaires, dont je fais partie, il n’existe encore aucune disposition législative ou réglementaire en la matière en droit français. Dès lors, tout dépend de l’intime conviction des juges ou de la jurisprudence de la Cour de cassation. En 2012 et 2013, celle-ci a posé deux conditions: le diagnostic de transsexualisme et l’irréversibilité de la transformation de l’apparence physique. Les expertises, coûteuses et vécues comme intrusives et humiliantes, contribuent à prolonger la durée du processus de changement de sexe à l’état civil, qui varie entre deux et neuf ans.

En 2013, la Commission nationale consultative des droits de l’homme a rendu un avis en faveur de la suppression des conditions médicales et recommandé une déjudiciarisation partielle de la procédure de changement de sexe à l’état civil.

Mes chers collègues, il y a eu, il y a et il y aura toujours des oppositions à ces évolutions, venant toujours des mêmes groupes de personnes. Mais nous sommes l’Assemblée des droits de l’homme et nous parlons ici, aujourd’hui, en 2015, de personnes qui n’y ont pas accès! Il faut donc continuer.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Je remercie Mme Schembri pour son excellent rapport. Permettez-moi également de remercier Mme la ministre des Libertés – quel beau titre! – de sa déclaration et de féliciter Malte d’être un pays pionnier dans la protection des droits humains des personnes transgenres. Nous n’avons plus qu’à suivre son exemple!

Au début de ce mois, nous avons reçu des ONG travaillant sur le terrain un message selon lequel, si le projet de résolution était adopté en l’état, il constituerait sans aucun doute la déclaration la plus importante de soutien aux droits des personnes transgenres jamais faite au niveau européen. Il est donc temps que nous l’adoptions, car les droits humains doivent s’appliquer à tous sans exception.

Dans un récent rapport d’Amnesty International sur la situation des personnes transgenres en Europe, les conditions dont le changement de genre est assorti en Norvège sont dénoncées comme violant les droits des transgenres. Le changement de genre implique en effet la castration et un diagnostic psychiatrique de transsexualisme posé à l’hôpital universitaire d’Oslo. En revanche, le divorce forcé n’est pas un problème en Norvège puisque le mariage entre personnes de même sexe y est autorisé.

Quand il est établi qu’un pays membre viole les droits de l’homme, il n’y a qu’une chose à faire: mettre la législation en conformité avec nos valeurs. Je me réjouis donc que le parti travailliste norvégien ait pris très clairement position en la matière il y a deux ans, et que le nouveau gouvernement conservateur ait entrepris des réformes législatives et nommé une commission d’experts qui recommande la suppression du diagnostic psychiatrique et de la castration forcée au profit d’une simple autodéclaration auprès des autorités.

Dans ce débat, il y va de l’intégrité de la personne, de la non-discrimination et des droits humains. L’adoption de ce projet de résolution serait une immense victoire du point de vue de l’exigence de liberté pour tous. Malheureusement, certains collègues ont déposé des amendements fondés sur l’intolérance. Je vous demande instamment de les rejeter, car ils mettraient notre Organisation dans l’embarras. Le Conseil de l’Europe doit apporter son soutien à ce petit groupe de personnes qui a suffisamment souffert, et non ajouter à ses souffrances.

Mme ANTIČEVIĆ MARINOVIĆ (Croatie)* – Si leurs droits, en Croatie, ont été renforcés ces dernières années, les personnes LGBT rencontrent toujours des difficultés juridiques auxquelles les personnes non LGBT ne sont pas confrontées. Selon l’organisation internationale Lesbian, gay, bisexual, transgender and intersex (LGBTI), en 2014, la Croatie se classait au 12e rang sur 49 pays étudiés en Europe en matière de droits accordés aux personnes LGBT. Mon pays est également membre, au sein des Nations Unies, d’un groupe de 11 pays qui cherchent à mettre un terme à la violence et à la discrimination contre ces personnes.

Depuis l’adoption de la loi sur le partenariat, en 2014, les couples composés de deux personnes du même sexe ont les mêmes droits que les couples mariés dans tous les domaines sauf en matière d’adoption; mais nous avons créé une institution similaire à l’adoption des enfants du conjoint et la Croatie interdit toute discrimination anti-homosexuelle.

Cela dit, la réalité est bien loin des lois et même des meilleures lois: quelques secondes après la naissance, le verdict du médecin qui déclare que le nouveau-né est un garçon ou une fille nous enferme dans une catégorie qui nous définira jusqu’à la fin de notre vie.

La question des personnes transgenres est toujours perçue par certains comme quelque peu superflue, une sorte de volonté superficielle de changement qui ne se révèle pas nécessaire. Souvent les services de santé raisonnent de la même manière. Les exigences des personnes transgenres ne sont pas considérées comme prioritaires. On se demande pourquoi ces personnes veulent changer de sexe, pourquoi quelqu’un veut transformer son corps. Cela montre une absence totale de compréhension.

Avec la montée des forces conservatrices partout en Europe, plus que jamais nous avons besoin d’un programme éducatif public sur l’égalité. Nous devons élargir la solidarité, renforcer nos communautés et détruire les obstacles que constituent les normes de genre. Pour moi, le droit à l’autodétermination du sexe et du genre est une valeur fondamentale mais aussi une source potentielle de libération. La différence de genre n’est pas fondée sur la réalité, la nature ou des critères biologiques mais bien plutôt sur la domination patriarcale. L’autodétermination est par conséquent une liberté qui permettrait à chacun de déclarer qu’il n’est plus régi par l’Etat ni par qui que ce soit d’autre: aucune autorité ne peut nous dire qui nous sommes; personne ne peut avoir la maîtrise de nos corps. C’est donc d’émancipation qu’il s’agit ici.

Nous voulons un monde dans lequel chaque personne est libre de pouvoir s’exprimer et de vivre en tant qu’être entier, en accord avec elle-même. Combien de fois avons-nous entendu, dans notre vie: «Comporte-toi comme un homme!» ou: «Sois une vraie femme!»? Qu’est-ce que cela signifie? Je n’en sais rien et, franchement, je n’en ai cure. Ce qui compte vraiment, c’est d’être un véritable être humain.

Mme De SUTTER (Belgique)* – En tant que femme transgenre moi-même et en tant que membre de cette Assemblée, je ne peux pas ne pas m’adresser à vous.

Le projet de résolution constitue un effort unique à plusieurs titres. Je félicite la rapporteure et toute son équipe pour les recherches approfondies qu’ils ont menées et pour leurs recommandations très réfléchies. La peur engendre la haine et la discrimination. Or le projet de résolution permet de mieux comprendre la cause transgenre et de mieux lutter contre la discrimination à l’encontre des personnes transgenres.

Etre transgenre en 2015 revient à subir des discriminations et des actes de violence dans la plupart des pays du monde – j’en ai moi-même fait les frais. Mon parcours fut très douloureux avant que je ne comprenne qui j’étais vraiment. Cette crise identitaire m’a menée au seuil de la mort, mais j’ai survécu, ce qui n’est pas le cas de nombre d’entre nous. J’ai bénéficié de beaucoup d’aide et de compréhension de la part de nombreuses personnes. Il y a dix ans, quand je suis sortie de l’hôpital universitaire, j’ai pu mener une vie nouvelle, tandis que de nombreux autres transgenres ont perdu leur emploi, leur partenaire et parfois la vie parce que cibles de discriminations et de violences: dans le monde, une personne est assassinée tous les trois jours pour la seule raison qu’elle est transgenre. Souvent, c’est même la victime qui est accusée plutôt que le meurtrier. Près de 41 personnes sur 100 qui ne sont pas conformes à leur sexe sont susceptibles d’attenter à leurs jours.

Il faut par conséquent accorder l’attention qu’elle mérite au projet de résolution. Nous ne discutons ni d’une maladie ni d’un péché mais d’un exemple de la grande diversité de l’humanité. Il n’est pas juste d’être victime de discrimination à cause de sa différence. Ce point doit figurer en tête de l’ordre du jour de chacun de vos parlements – voilà qui sauverait la vie de nombreuses personnes.

Les pays où les droits des personnes LGBT sont déjà reconnus doivent suivre l’exemple de Malte où l’identité transgenre a été reconnue comme relevant de l’intimité, d’où le droit à l’autodétermination. Il faut donc supprimer les lois de catégorisation psychiatrique des transgenres et leur reconnaître la pleine jouissance de leurs droits. Je m’adresse à mes pairs, prenez à cœur ce projet de résolution et luttez contre la discrimination visant les personnes transgenres. Ainsi vous ferez la différence entre la vie et la mort!

LA PRÉSIDENTE – Madame, il n’est pas d’usage que la Présidente s’exprime après qu’un membre de l’Assemblée a pris la parole. Je souhaite néanmoins vous féliciter et vous remercier de tout cœur.

M. Don DAVIES (Canada, observateur)* – Je suis heureux de présenter le point de vue canadien. Je remercie la rapporteure pour son excellent travail sur ce sujet essentiel. C’est un véritable privilège que de prendre la parole après Mme De Sutter.

Les personnes transgenres sont confrontées à un certain nombre de défis et de normes. Elles se heurtent souvent à une véritable discrimination dans l’accès à l’emploi. D’après l’organisation Egale Canada, 74 % de jeunes transgenres sont victimes de harcèlement verbal dans les écoles et 37 % ont subi des violences physiques; 77 % d’entre elles, au Canada, ont envisagé le suicide et 43 % ont tenté de se suicider au moins une fois. Des sondages réalisés par Trans Pulse Ontario montrent que 73 % des personnes transgenres ont été l’objet de moqueries, 26 % ont été agressées, 24 % ont été harcelées par la police, 71 % ont fait des études secondaires et universitaires et gagnent 15 000 dollars par an environ.

Tous les Etats doivent mettre en place une législation pour protéger les personnes transgenres. Au Canada, 6 provinces et un territoire reconnaissent l’identité de genre, l’expression de genre parmi les motifs prohibés de discrimination dans les différentes lois.

L’opposition a présenté cinq propositions de loi depuis 2005 visant à protéger les droits des personnes transgenres. La dernière en date, la proposition C279, s’attaque aux différents types de discrimination subis par la communauté transgenre. Ces efforts sont importants. Certaines personnes s’opposent au changement de la législation. On parle de la difficulté liée au placement en détention de personnes transgenres dans les prisons ou bien des femmes placées en foyer où l’on s’assure qu’aucune femme transgenre ne les serve. Les partisans du texte soutiennent que cela ne doit pas empêcher la loi de protéger les droits des personnes transgenres. Une femme transgenre a ainsi été entendue par notre parlement: les transgenres ne réclament pas de droits supplémentaires mais exactement les mêmes droits que tous leurs frères et sœurs canadiens, quelles que soient leur race, leurs croyances et leur identité. Voilà qui rappelle étrangement l’article 1er de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui dispose que «les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits».

Il est primordial que cette protection profite à toutes les personnes transgenres.

M. Flego, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Brasseur au fauteuil présidentiel.

Mme LYMPERAKI (Grèce)* – Les personnes transgenres sont habituées au fardeau des stéréotypes. Elles font l’objet de discriminations, d’hostilité, de violence et d’humiliations au quotidien, y compris dans les services de santé, l’administration et même lorsqu’elles utilisent des toilettes publiques. Tout cela est bien connu et ceux qui considèrent que tout un chacun a le droit de choisir l’identité qui lui convient le mieux devraient se sentir concernés. Cela devrait en quelque sorte nous inviter à prolonger le mouvement féministe des années 1980.

Une étude menée aux Etats-Unis en 2011 a montré qu’un cinquième des LGBT n’avait pas accès aux soins de santé et que les refus étaient encore plus nombreux pour les personnes transgenres. Les chiffres sont tout aussi décevants en Europe. Dans ce contexte, j’aimerais tirer la sonnette d’alarme en ce qui concerne la situation particulière des personnes transgenres vieillissantes. C’est sans doute là un manque du texte au demeurant parfait de notre rapporteure.

Les transgenres vieillissent plus vite. Or une fois que l’on a vieilli, la société vous pénalise encore plus. Les personnes transgenres qui vieillissent – il y en aura de plus en plus au fil des années – risquent donc de payer un prix plus élevé que les autres, et cela d’autant plus qu’elles n’ont pas les relations sociales qui permettent aux autres de compenser un manque de protection sociale. Elles doivent s’en remettre aux services sociaux, lesquels ont des codes et des pratiques très rigides s’agissant du genre et sont précisément ceux qui ont refusé à ces personnes, par le passé, le droit de faire leur propre choix.

Les personnes transgenres âgées feront donc l’objet d’une double discrimination: parce qu’elles sont âgées et parce qu’elles sont différentes. Leur donner la possibilité de vieillir dans la dignité est un défi pour nos sociétés. J’appuie avec enthousiasme le projet de résolution et m’oppose fermement à tous les amendements.

Mme MORIN (Canada, observateur) – Je vous remercie de me donner l’occasion de prendre la parole au sujet de la discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe. Je tiens également à remercier la rapporteure, Mme Schembri, pour son rapport très détaillé sur le sujet. J’adresse également toutes mes félicitations à Mme De Sutter, qui nous a présenté un éclairage très intéressant et nous a fait voir le sujet sous un angle différent.

À l’image de la position de l’Assemblée, exprimée dans le projet de résolution contenu dans le rapport, je regrette que les personnes transgenres soient victimes de discrimination en Europe, que ce soit pour accéder à l’emploi, au logement ou aux services de santé, ou parce qu’elles sont victimes de harcèlement, de violence physique ou psychologique, ou encore de crimes de haine. Le rapport note également que la sensibilité du grand public à la situation des personnes transgenres est largement insuffisante et que les informations exactes et impartiales diffusées par les médias sur ce sujet sont rares, ce qui pourrait aussi s’appliquer à la situation canadienne, bien entendu. Au Canada, les droits des LGBT sont protégés par plusieurs lois, politiques et programmes complémentaires provenant de différents niveaux de gouvernement.

La Charte canadienne des droits et libertés, qui fait partie de notre Constitution, protège le droit à l’égalité de tous les Canadiens, à l’exclusion de toute discrimination fondée sur des motifs comme le sexe, l’âge et la religion. La Cour suprême du Canada a confirmé par le passé que l’«orientation sexuelle» était un motif de discrimination interdit, mais elle n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur le motif de l’«identité sexuelle». Par ailleurs, sept provinces et territoires protègent expressément l’«identité sexuelle» ou l’«identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle» dans leur législation en matière de droits de la personne.

Malgré les progrès réalisés en matière de garanties juridiques données aux LGBT, force est de constater qu’il existe toujours un écart important entre l’égalité juridique et l’égalité sociale des LGBT, en particulier pour les personnes transgenres. À cet égard, une étude menée par une ONG auprès des étudiants LGBT a démontré qu’un nombre élevé de personnes transgenres, gays et lesbiennes, ont déclaré avoir fait l’objet de harcèlement verbal, physique ou sexuel à l’école et que leur sécurité n’est pas assurée dans leur environnement scolaire.

J’abonde dans le sens de la rapporteure: l’émergence de lois européennes protectrices et innovantes qui consacrent le droit à l’identité de genre et qui sont fondées sur l’auto-déclaration, sans requérir de procédures complexes et humiliantes, est un développement positif. Si ces exemples représentent un modèle pour les futures lois nationales en Europe, je pense qu’elles peuvent également servir à améliorer les lois, politiques et programmes canadiens en la matière.

M. ROUQUET (France) – Je voudrais tout d’abord remercier la rapporteure pour son travail complet et précis.

Les personnes transgenres connaissent des discriminations de droit et de fait dans pratiquement tous les pays du Conseil de l’Europe. Un des problèmes essentiels réside, notamment en France, en l’obtention d’un état civil conforme au choix d’identité fait par la personne transgenre.

Cette question, qui pourrait paraître purement administrative, a des conséquences sur l’ensemble des droits fondamentaux de la personne. En effet, sans papiers d’identité conformes à votre apparence, le droit de vote, l’ouverture d’un compte bancaire et tous les droits nécessitant une vérification d’identité sont de fait restreints, parfois même inaccessibles. Sans parler de l’humiliation ou de la gêne de se faire appeler «monsieur» ou «madame» si votre apparence montre le contraire. À l’instar du juge européen et de l’arrêt Goodwin, la Commission nationale consultative des droits de l’homme française a estimé à juste raison que le refus de consacrer l’apparence sociale d’une personne transgenre la plaçait «dans une situation anormale lui inspirant des sentiments de vulnérabilité, d’humiliation et d’anxiété».

En France, la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel a interdit les discriminations directes ou indirectes fondées sur le critère du sexe et de l’identité sexuelle. La ministre de la justice, Mme Taubira, a précisé que le terme «identité sexuelle» permettait de couvrir les personnes transgenres et ainsi de mettre fin aux difficultés rencontrées au quotidien par celles-ci. Force est pourtant de reconnaître que des problèmes subsistent, même si le défenseur des droits français a, dans une décision récente de 2014, rappelé que l’application de la loi de 2012 impliquait par exemple que les banques acceptent de changer l’état civil de la personne en conformité avec son apparence sociale.

Des progrès restent à accomplir, y compris dans nos démocraties. Plusieurs propositions de loi ont été déposées par des parlementaires français afin de faciliter l’accès à l’état civil des personnes transgenres et donc de faire évoluer la procédure. Le changement de procédure demandé porte notamment sur la question de la stérilisation préalable. Le parcours sera sans doute long, car il s’agit d’une évolution de nos sociétés vers plus de droits, plus d’égalité et il n’est pas toujours facile – nous l’avons vu, en France, pour le mariage entre personnes de même sexe – de défendre l’égalité et la liberté de choix.

Une évolution est en cours en Europe: un projet de loi pour la fin de la stérilisation a été annoncé début avril en Norvège et nous ne pouvons que féliciter les parlementaires de Malte de leur vote, intervenu au début du mois d’avril, sur cette question de société. Je profite de cette occasion pour saluer la présence parmi nous de Mme Dalli, qui nous fait aujourd’hui le plaisir de sa visite. Il nous appartient aussi à nous, parlementaires et donc législateurs, de faire progresser le droit vers plus de justice pour tous.

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs est épuisée.

Madame Dalli ne souhaitant pas réagir aux propos des orateurs, j’appelle la réplique de la commission.

Madame la rapporteure, il vous reste six minutes pour répondre aux orateurs.

Mme SCHEMBRI (Malte), rapporteure* – Je remercie infiniment tous ceux qui ont contribué à ce débat. J’en ai été très heureuse et j’ai été très touchée par ce que vous avez dit. Quand j’ai commencé à travailler sur ce premier rapport, je pensais que la réplique serait la phase de la discussion la plus facile, mais en fait, elle est encore plus difficile car je suis émue!

Je vois toutes les difficultés soulevées par M. Ghiletchi, que je remercie de sa contribution. D’après lui, la discrimination contre les personnes transgenres en Europe serait sujette à caution. C’est inexact car cette discrimination, nous la constatons au quotidien. Les organisations qui défendent le droit de ces personnes avec lesquelles nous avons travaillé nous l’affirment et ce qu’elles disent de leur situation nous a touchés. Hier encore, un jeune homme est venu témoigner devant nous, qui expliquait que, quand il était à l’école, on l’obligeait à porter une robe, ce qui était humiliant pour lui et que, dans son pays, pour que l’on reconnaisse que vous êtes transgenre, il faut passer trois mois dans un hôpital psychiatrique. Ces histoires sont des histoires réelles, vécues par des êtres humains. Ce sont les droits de ces personnes que ce rapport vise à protéger.

Les exemples d’autodétermination sont très importants. Le Commissaire aux droits de l’homme a dit qu’il faudrait revoir toute exigence de diagnostic de maladie mentale pour avoir accès aux transgenres du fait que pour les personnes transgenres, c’est un obstacle au droit à l’autodétermination et à l’accès aux soins. Seules les personnes elles-mêmes peuvent dire dans quel genre elles se sentent le plus à l’aise. L’Etat ne saurait le décider pour elles.

On ne doit pas les obliger à passer par des traitements médicaux ou à divorcer. En fait, on ne devrait les forcer à rien. Pourquoi faudrait-il les obliger à faire quoi que ce soit? Nous oblige-t-on à divorcer? Nul ne devrait être contraint de divorcer pour pouvoir subir une intervention chirurgicale s’il en ressent le besoin. C’est à nous de faire en sorte que cette discrimination n’ait pas lieu.

En ce qui concerne les enfants, je suis d’accord avec M. Ghiletchi pour dire que l’intérêt supérieur des enfants est ce qu’il y a de plus important. C’est aussi pour les enfants que nous faisons tout cela.

Ce rapport et le projet de résolution visent à protéger tout un chacun, y compris les enfants. Pourquoi les enfants seraient-il éliminés de la protection consacrée par cette résolution? Ce sont les plus vulnérables et, à ce titre, ils doivent être protégés. C’est raison pour laquelle j’ai proposé un amendement qui s’inscrit dans le droit fil de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il mérite d’être appuyé par l’Assemblée, car il permet de promouvoir le droit des enfants. Mais il ne le fait pas de la façon dont M. Ghiletchi l’aborde. Si les enfants et leurs droits doivent être protégés, les enfants n’ont pas à s’ingérer dans le mariage de leurs parents.

Si l’on parle de droit à la protection, cela signifie que ces personnes peuvent se marier et qu’il puisse y avoir un mariage homosexuel. Ce n’est pas le cas partout aujourd’hui. Un mariage est un contrat, c’est sur cette base qu’une famille est composée et on ne peut forcer les gens à divorcer.

Notre résolution ne demande à personne de rester marié contre sa volonté. Elle stipule que personne ne doit être forcé à quitter un mariage dans lequel il est heureux. Pourquoi faudrait-il forcer à un divorce, après le traumatisme par lequel sont passées ces personnes qui ont fait des efforts pour être acceptées par leur conjoint et leurs enfants?

Je tiens enfin à remercier très chaleureusement le secrétariat de la commission qui a réalisé un immense travail ainsi que tous ceux qui m’ont apporté leur aide.

Je conclurai sur cette phrase: il est mieux de bien faire les choses que de bien les dire. Nous devons aider nos parlements à faire quelque chose.

LE PRÉSIDENT – Madame la présidente de la commission, désirez-vous répondre?...

Vous disposez de deux minutes.

Mme BİLGEHAN (Turquie), présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination – Mes chers collègues, pour la première fois, nous sommes amenés à considérer le thème général des discriminations fondées sur l’identité sexuelle uniquement sous l’angle des personnes transgenres.

Je tiens moi aussi à féliciter notre collègue, Mme Schembri, pour son important travail et pour les nombreuses informations qu’elle a recueillies tout au long de l’élaboration de son rapport – ainsi que le secrétariat de la commission, bien sûr.

Les auditions qui se sont déroulées au sein de la commission sur l’égalité et la non-discrimination nous ont permis de mieux comprendre la réalité quotidienne des personnes transgenres et l’ampleur des discriminations auxquelles elles ont à faire face. Nous avons d’ailleurs été tous émus par l’expérience personnelle d’une de nos collègues qui s’est exprimée tout à l’heure.

En effet, les personnes transgenres sont victimes de discriminations multiples dans tous les domaines de la vie, notamment en ce qui concerne l’accès au travail, au logement, aux soins de santé et à l’éducation.

Ces dernières années, nous assistons à une prise de conscience sur la nécessité de lutter contre la discrimination fondée sur l’identité de genre. Le rapport de Mme Schembri ainsi que la résolution qui nous est soumise soulignent toutefois le manque de sensibilisation du grand public sur ces questions. De plus, les politiques nationales mises en œuvre se révèlent souvent inadaptées à la situation concrète de ces personnes.

La résolution dont nous débattons aujourd’hui met en avant les nombreuses violations des droits fondamentaux dont sont victimes les personnes transgenres. Elle appelle les Etats à prendre les mesures adéquates permettant d’en finir avec ces discriminations et d’inscrire l’interdiction de la discrimination fondée sur l’identité de genre dans leur législation nationale.

Il est essentiel que le respect de la vie privée et de la dignité des personnes transgenres soit au cœur de toute politique les concernant. Les droits fondamentaux doivent être reconnus à tous et à toutes, quelle que soit la manière dont chacun se définit.

Chers collègues, je vous demande d’apporter tout votre soutien à ce rapport. Je vous remercie de vos contributions et de vos votes.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

Nous en venons maintenant à l’examen du projet de résolution présenté par la commission sur l’égalité et sur lequel 12 amendements ont été déposés.

Les amendements seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte, tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 1.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Nous proposons de supprimer la dernière phrase du premier paragraphe.

J’en ai déjà expliqué les raisons: la classification des maladies relève de la science et non de la politique. Il serait dangereux dans une démocratie que des hommes politiques décident de ce qui devrait être considéré ou non comme une maladie. C’est une caractéristique des régimes autoritaires mais pas des démocraties.

Il convient donc de supprimer cette dernière phrase. Ce sont les médecins qui doivent décider, pas les politiques.

Mme SCHEMBRI (Malte), rapporteure* – Il ne s’agit pas de science dans cette dernière phrase du paragraphe 1, mais de respect de la personne humaine. Les manuels de diagnostic internationaux laissent entendre que les personnes transgenres sont malades. C’est contraire à leur dignité. Ce paragraphe se borne à décrire la réalité. Je vous rappelle d’ailleurs que l’homosexualité figurait aussi autrefois dans la classification des maladies. On l’a supprimé non pas en raison des progrès de la science, mais par volonté politique. Je suis opposée à cet amendement.

Mme BİLGEHAN (Turquie), présidente de la commission* – La commission est également défavorable à cet amendement.

L’amendement 1 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 2.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Je propose, au paragraphe 4, de remplacer les mots «certaines dispositions» par les mots «les dispositions en vigueur au Danemark, en Irlande et à Malte». En effet, c’est seulement dans ces trois pays que le principe de l’autodétermination est pleinement reconnu. Il l’est dans une moindre mesure en Suisse, en Suède et aux Pays-Bas. Cette modification vise à préciser le texte.

Mme SCHEMBRI (Malte), rapporteure* – Des réglementations ont été introduites récemment dans certains pays. Dans d’autres, des textes sont en discussion. Ce paragraphe a une portée beaucoup plus vaste que les trois pays cités par M. Ghiletchi. Il s’agit de décrire une tendance positive générale en Europe.

Mme BİLGEHAN (Turquie), présidente de la commission* – La commission est contre l’amendement.

L’amendement 2 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 3.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Cet amendement propose de supprimer le paragraphe 5. Nous ne pouvons parler de «l’émergence d’un droit à l’identité de genre» alors que seulement trois Etats membres reconnaissent le principe de l’autodétermination pour l’identité de genre. Soyons précis et appuyons-nous sur des faits.

Mme SCHEMBRI (Malte), rapporteure* – Le mot «émergence» traduit le fait qu’une nouvelle tendance apparaît en Europe. La nouvelle législation maltaise justifie à elle seule l’emploi de ce terme et nous espérons que cette résolution contribuera à renforcer le mouvement. Le paragraphe 5 insiste avant tout sur le fait que chaque individu a droit à la reconnaissance de son identité de genre. Dans une société démocratique fondée sur les droits de l’homme, personne ne doit se voir imposer un genre. Je demande donc à l’Assemblée de rejeter cet amendement.

Mme BİLGEHAN (Turquie), présidente de la commission* – Avis défavorable.

L’amendement 3 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 4.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – L’amendement 4 propose de supprimer les mots «, fondées sur l’autodétermination». Fonder le changement de genre sur l’autodétermination donnerait le droit à chacun de choisir son sexe légal. Tout deviendrait relatif. Le principe de l’autodétermination sapera la protection même des personnes transgenres.

Mme SCHEMBRI (Malte), rapporteure* – C’est l’un des points essentiels du projet de résolution. Chacun doit pouvoir déterminer son genre. Les personnes transgenres ont subi de nombreux abus dans l’histoire. Les procédures de changement de nom sont actuellement lourdes et difficiles. Des médecins et des psychologues interviennent dans une décision qui est une décision intime. La Cour européenne des droits de l’homme a défendu régulièrement le principe de l’autodétermination, y compris dans une affaire contre la Grèce le mois dernier. En outre, la législation peut aussi prévoir des mesures de sauvegarde. Je suis opposée à cet amendement.

Mme BİLGEHAN (Turquie), présidente de la commission* – La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement 4 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 5.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Cet amendement propose d’insérer le mot «adultes» après le mot «personnes» au paragraphe 6.2.1. En raison de leur manque de maturité physique et psychologique, les enfants doivent être protégés. Je suis heureux que la rapporteure ait reconnu l’importance de reconnaître l’intérêt supérieur de l’enfant. Il est donc important de préciser que les procédures qui permettent de changer de nom et de sexe ne concernent que les adultes.

Mme SCHEMBRI (Malte), rapporteure* – Limiter ces procédures aux seuls adultes serait préjudiciable aux enfants et aux adolescents transgenres. Certes, l’enfant a besoin de mesures de protection particulières, mais ce paragraphe vise précisément à protéger les jeunes sur le plan juridique. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies fait figurer l’orientation sexuelle et l’identité de genre parmi les facteurs du bien-être de l’enfant. Les enfants qui ne sont pas autorisés à se déterminer en matière de genre sont discriminés. Je demande à l’Assemblée de ne pas adopter l’amendement.

Mme BİLGEHAN (Turquie), présidente de la commission* – Avis également défavorable.

L’amendement 5 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 6.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Cet amendement découle du précédent. Je propose de supprimer, au paragraphe 6.2.1, les mots «de l’âge, de l’état de santé». Un enfant n’est pas en mesure de prendre une décision aussi complexe et difficile. Il doit attendre l’âge de la majorité pour pouvoir se prononcer sur cette question.

Mme SCHEMBRI (Malte), rapporteure* – Je rappelle que nous ne parlons pas ici de chirurgie mais de reconnaissance juridique des enfants transgenres. Les enfants souffrent beaucoup quand ils ne sont pas à l’aise avec leur genre officiel.

Mme BİLGEHAN (Turquie), présidente de la commission* – La commission est contre l’amendement.

L’amendement 6 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 7.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – L’amendement 7 se fonde sur un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme à propos de la Turquie, selon lequel les Etats membres peuvent imposer certaines conditions et bénéficient d’une large marge d’appréciation dans ce domaine. N’allons donc pas plus loin. Si un Etat prend le genre de décision dont il est question, il est dans son droit. Nous n’avons pas à dire aux Etats membres ce qu’ils doivent faire, alors que la Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée clairement.

Mme SCHEMBRI (Malte), rapporteure* – Le paragraphe que l’amendement a pour objet de supprimer doit être conservé si nous voulons mettre un terme aux violations absurdes des droits de l’homme que les personnes transgenres vivent toujours, comme l’avait fait valoir l’ancien Commissaire aux droits de l’homme, M. Hammarberg. C’est en Europe la seule catégorie de la population qui subisse des stérilisations forcées imposées par la loi. Je crois qu’il est grand temps, en 2015, que cela cesse.

Mme BİLGEHAN (Turquie), présidente de la commission* – La commission est contre l’amendement.

L’amendement 7 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 8.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – L’amendement 8 se propose de modifier le libellé du paragraphe 6.2.3, en se fondant, encore une fois, sur deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Selon celle-ci, il n’y a pas d’obligation pour les Etats membres de reconnaître autre chose que le mariage entre deux personnes de sexe différent. Nous ne pouvons donc obliger les Etats membres à reconnaître les mariages de personnes de même sexe. La Cour européenne des droits de l’homme a été très claire: les Etats ont le droit de définir ce qu’ils considèrent être le mariage.

Mme SCHEMBRI (Malte), rapporteure* – Cet amendement affaiblit inutilement le texte. Ce qu’il faut, c’est éviter que les autorités ne décident si un mariage doit se poursuivre ou prendre fin. Cette décision doit être prise par les époux directement concernés.

Ce n’est pas la même chose que la reconnaissance des mariages entre personnes de même sexe. Le projet de résolution vise une situation très spécifique, pour protéger la vie privée des personnes transgenres. Il faut donc rejeter cet amendement.

Mme BİLGEHAN (Turquie), présidente de la commission* – La commission est contre cet amendement.

L’amendement 8 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 9.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Dans le projet de résolution, je propose d’ajouter, à la fin du paragraphe 6.2.3, les mots suivants: «dans toutes les décisions impliquant des enfants, l’intérêt supérieur de ces derniers doit primer sur tout autre droit et intérêt». L’argument a été avancé à plusieurs reprises: c’est toujours l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit prévaloir. Or ce passage traite des familles des enfants et des partenaires.

LE PRÉSIDENT* – La présidence a été saisie par la commission sur l’égalité du sous-amendement oral suivant:

«Dans l’amendement 9, après “dans le projet de résolution”, supprimer le texte de l’amendement jusqu’à la fin et le remplacer par les mots: “après le paragraphe 6.2.4, insérer le paragraphe suivant: “à garantir que, dans toutes les décisions relatives aux enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale”».

En d’autres termes, le sous-amendement insérerait une version révisée de l’amendement 9 non pas à la fin du paragraphe 6.2.3, mais après le paragraphe 6.2.4.

Je considère que ce sous-amendement oral est conforme à notre Règlement. Cependant, si dix membres, ou davantage, devaient s’y opposer, il ne pourrait être pris en compte.

Tel n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

Mme BİLGEHAN (Turquie), présidente de la commission* – La commission a estimé opportun d’introduire dans le texte du projet de résolution une référence explicite à l’intérêt de l’enfant, comme le suggère l’amendement 9. Toutefois, elle propose de sous-amender cet amendement afin de suivre exactement la formulation de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – À titre de compromis, je peux accepter cette proposition de sous-amendement.

Le sous-amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous en revenons à l’amendement ainsi sous-amendé. L’avis de la commission est évidemment favorable.

L’amendement 9, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 10.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – L’amendement 10 se propose de supprimer le paragraphe 6.2.4, qui appelle les Etats membres à reconnaître une troisième option de genre. Je ne sais pas si nous avons conscience des implications d’un tel paragraphe. Avant de formuler ce type de demande auprès des Etats membres, il faudrait réfléchir sérieusement à toutes ses implications, y compris juridiques. C’est une violation de la marge d’appréciation de ces derniers et du principe de subsidiarité.

Mme SCHEMBRI (Malte), rapporteure* – Faire figurer une troisième option de genre ne veut pas dire créer un nouveau genre. Il s’agit d’offrir une alternative à toutes les personnes qui, pour différentes raisons, n’acceptent pas les genres traditionnels – homme ou femme – ou qui se déclarent comme n’appartenant à aucun des deux.

Mme BİLGEHAN (Turquie), présidente de la commission* – La commission est contre cet amendement.

L’amendement 10 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 11.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Ce que je propose ici, à propos des traitements médicaux, c’est que les procédures de remboursement ne soient pas soumises à des conditions arbitraires. Je ne veux opérer aucune discrimination contre qui que ce soit, mais je crois que l’Etat a le droit de prendre des décisions de principe en matière d’assurance maladie, qu’il a le droit de déterminer quelles dépenses sont couvertes et quelles autres ne le sont pas.

Mme SCHEMBRI (Malte), rapporteure* – Le texte vise à ce que les personnes transgenres aient accès aux procédures de conversion sexuelle lorsqu’elles en ont besoin, indépendamment de leur situation financière. Beaucoup de personnes transgenres, aujourd’hui, sont au chômage, connaissent des difficultés, notamment en raison de discriminations au travail. Il est important d’assurer l’accès à ces traitements, comme à tout autre traitement important pour la santé, à toutes les personnes qui en ont besoin. Il ne s’agit pas, en pareils cas, d’un traitement cosmétique, il s’agit d’un traitement nécessaire.

Mme BİLGEHAN (Turquie), présidente de la commission* – La commission est contre cet amendement.

L’amendement 11 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous en venons à l’amendement 12.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Mme la rapporteure explique que le Commissaire aux droits de l’homme a évoqué la classification des maladies. Mais en tant que responsables politiques et sur un plan moral, nous n’avons pas le droit de signifier aux médecins ce qu’ils doivent faire. Aussi, j’ai été étonné d’apprendre que l’homosexualité avait été supprimée de la liste des maladies en raison d’une décision politique alors que ce sont les décisions des scientifiques qui doivent influer ce type de décision.

Mme SCHEMBRI (Malte), rapporteure* – Si le Commissaire aux droits de l’homme n’est pas écouté dans la Maison des droits de l’homme, je ne vois pas où il serait entendu! Il faut amender les classifications des maladies pour éviter que les personnes transgenres, y compris les enfants, soient considérées comme des malades mentaux. C’est une question de respect de la dignité humaine, de promotion de l’égalité de lutte contre la discrimination, toutes choses qui relèvent bien de la compétence de l’Assemblée parlementaire. Qui d’autre peut défendre ces droits si ce n’est notre Assemblée?

Mme BILGEHAN (Turquie), présidente de la commission* – La commission est contre cet amendement.

L’amendement 12 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution, contenu dans le Doc. 13742, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (68 voix pour, 23 voix contre et 12 abstentions).

LE PRÉSIDENT* – Félicitations à notre rapporteure, à la commission et au secrétariat.

M. Wach, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Flego au fauteuil présidentiel.

2. Débat sur les services sociaux en Europe: législation et pratiques de retrait d’enfants
de leurs familles dans les Etats membres du Conseil de l’Europe

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport de Mme Borzova, sur «les services sociaux en Europe: législation et pratiques de retrait d’enfants de leurs familles dans les Etats membres du Conseil de l’Europe» (Doc. 13730), présenté au nom de la commission des questions sociales par le président de la commission, Valeriu Ghiletchi, ainsi que de l’avis présenté par Mme Sotnyk au nom de la commission des questions juridiques (Doc. 13760).

Je vous rappelle qu’il a été décidé de limiter le temps de parole de chaque orateur à trois minutes.

Je vous rappelle également que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 20 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 19 h 45 heures, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur Ghiletchi, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation du rapport et la réponse aux orateurs.

M. GHILETCHI (République de Moldova), suppléant Mme Borzova, rapporteure de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Mes chers collègues, vous êtes les derniers courageux à rester après un débat riche sur les discriminations à l’encontre des personnes transgenres. J’espère que certains de nos collègues qui ont quitté l’hémicycle reviendront, car le débat qui s’ouvre est lui aussi important. Il a trait à un sujet sensible: les enfants.

En ma qualité de président de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, il m’a été demandé de défendre ce rapport devant vous aujourd’hui, en l’absence de Mme Olga Borzova, notre collègue russe.

Je voudrais, tout d’abord, rendre hommage à notre collègue qui a travaillé intensément sur ce rapport depuis deux ans. Elle a notamment entrepris trois visites – en Finlande, en Roumanie, au Royaume-Uni –
pour établir les faits. Elle a, par ailleurs, analysé trente réponses à un questionnaire de recherche. Il en résulte un rapport très équilibré, adopté à l’unanimité.

Madame Borzova affiche les choses clairement: son seul but est de défendre l’intérêt supérieur de l’enfant. La décision de placement d’un enfant est, en général, prise par un service social. Il faut absolument respecter ce principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Tel est l’axe principal du rapport.

Nous sommes heureux que cette ligne directrice soit partagée par la commission des questions juridiques, selon l’excellent avis de Mme Sotnyk. Notre commission n’a toutefois pas adopté l’ensemble des amendements présentés par cette dernière au projet de résolution parce que nous voulions justement maintenir le point de vue de Mme Borzova qui voulait avant tout privilégier l’intérêt supérieur des enfants.

Madame Borzova pose dans son rapport deux grandes questions auxquelles elle a essayé de répondre. Constate-t-on, d’une part, une progression des décisions de placements injustifiés d’enfants au cours des dernières années? Note-t-on, d’autre part, certaines tendances? Par exemple, les parents sont-ils des migrants, des ressortissants de minorités nationales, de minorités religieuses ou encore les parents sont-ils pauvres? Ces parents sont-ils plus souvent privés de manière injustifiée de leurs enfants que les autres?

Malheureusement, nous ne disposons pas de réponses claires à ces deux questions car les statistiques en la matière restent insuffisantes dans la plupart des Etats membres; l’on ne peut donc connaître exactement la proportion de décisions de placements injustifiés dans les familles.

Il est tout aussi impossible de répondre à la question de savoir s’il y a une augmentation des décisions injustifiées de retrait des enfants du lieu de placement. Il est encore plus difficile de déterminer si ces décisions sont liées à l’appartenance des parents aux catégories citées précédemment et si elles seraient ainsi victimes d’une discrimination.

Sans statistiques fiables, il est difficile de répondre à toutes ces questions, et il est tout aussi difficile de mettre en place des politiques d’aide aux familles efficaces, afin d’éviter que des enfants ne soient retirés à leurs parents de façon injustifiée.

Notre rapporteure a remarqué qu’il y a parfois un malentendu en ce qui concerne la notion d’intérêt supérieur de l’enfant qui est souvent invoquée pour retirer un enfant à ses parents. Il faut que les décisions soient prises, non seulement dans le respect des lois et des règles, mais surtout dans un souci de défendre l’intérêt supérieur de l’enfant. Les services sociaux doivent toujours envisager de rendre l’enfant à ses parents, le moment venu et, trop souvent, les décisions de placement des enfants sont prises de manière précipitée. Ils ne se donnent pas la peine, avant ou même après une décision de placement temporaire, d’aider les familles afin de rétablir la vie familiale, ce qui peut constituer une véritable violation des droits des enfants et de leurs parents. Or, ces décisions peuvent avoir des conséquences dramatiques, notamment dans le cas où les enfants sont proposés à l’adoption sans l’autorisation des parents. Il est vrai que cette question est complexe et que l’on accuse parfois rapidement les services sociaux d’agir dans la précipitation ou de ne pas rendre les enfants à leurs parents pendant trop longtemps.

Alors que faire? Je mettrai en exergue cinq recommandations qui, je l’espère, pourront être adoptées à l’unanimité.

Premièrement, il convient de tordre le cou à tous les préjugés, à toutes les discriminations dans le contexte des décisions de placement. À cet effet, il convient de former de manière adéquate tous les professionnels concernés. Ces gens sont des êtres humains et peuvent parfois être influencés et se montrer trop prudents, notamment quand un cas particulièrement dramatique est médiatisé.

Deuxièmement, il convient d’aider davantage les familles pour rendre nombre de décisions de placement inutiles ou pour permettre une réunification plus fréquente des familles. Ce n’est pas parce qu’un enfant a faim qu’il faut le retirer à ses parents; donnons plutôt à la famille les moyens de le nourrir.

Troisièmement, certaines pratiques devraient être évitées ou appliquées dans des circonstances tout à fait exceptionnelles. En particulier, couper tout lien entre l’enfant et ses parents; retirer un enfant dès la naissance; fonder les décisions du placement sur le passage du temps; permettre l’adoption de l’enfant sans le consentement parental.

Quatrièmement, les décisions doivent être prises par du personnel qualifié et formé, disposant de moyens suffisants pour prendre des décisions dans un laps de temps approprié.

Cinquièmement, il convient d’améliorer les collectes de statistiques afin de disposer de statistiques par âge, par sexe, par type de prise en charge, mais aussi en fonction du profil ethnique et socio-économique des parents. Il est également important de savoir si les parents sont ou non des migrants. Ainsi, l’on aurait une vision plus précise et l’on pourrait mieux protéger les droits des enfants et des familles.

Je vous demande donc tout votre soutien dans le souci de la protection des enfants.

Mme SOTNYK (Ukraine), rapporteure pour avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Mes chers collègues, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, j’aimerais remercier la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable et sa rapporteure pour leur rapport exhaustif et des recommandations importantes. Il ne fait aucun doute que cette tâche n’était pas facile compte tenu de la complexité des questions entourant le retrait des enfants de leur famille et les responsabilités des services sociaux.

La commission des questions juridiques trouve qu’il est particulièrement louable que ce travail ait été réalisé de la sorte, car le rapport part de l’unique hypothèse possible: les Etats membres doivent garantir le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, celui-ci devant être la considération première dans toute décision de retrait, de placement ou de retour. Cette exigence est l’un des quatre principes généraux de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant et nous sommes heureux de constater qu’elle trouve toute sa place dans le projet de résolution.

J’ajouterai quatre points supplémentaires qui, selon nous, méritent une attention toute particulière.

D’abord, nous sommes très heureux que le rapport de Mme Borzova souligne l’importance de l’environnement familial. Je ne puis qu’insister sur le fait que ce sont les parents biologiques qui ont la responsabilité première de l’éducation de leurs enfants. Retirer un enfant à ses parents est une violation du respect à la vie familiale et ne peut être justifié dès lors que les exigences de l’article 8, paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l’homme sont respectées.

Ensuite, la commission se félicite que le rapport souligne la nécessité de mettre en place des politiques de soutien familiales adaptées, que ce soit sur le plan social, psychologique ou financier, pour aider les parents à s’occuper de leurs enfants. Un tel soutien est indispensable pour prévenir ou réduire le nombre de cas où il s’avère nécessaire de séparer l’enfant de sa famille dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Par ailleurs, nous notons avec satisfaction que le projet de résolution contient d’importantes recommandations liées à la collecte de statistiques portant sur le statut de minorité ethnique, de minorité religieuse, d’immigré, sur la situation socio-économique, mais aussi à la nécessité d’avoir des travailleurs sociaux formés et de disposer d’un personnel et de moyens suffisants.

Enfin, Mme Borzova n’a pas eu peur de parler des questions délicates telles que l’adoption sans consentement parental ou le retrait des enfants dès la naissance. Nous souhaitons que ces pratiques soient évitées et soutenons pleinement le projet de résolution.

Quelques amendements proposés par notre commission, qui n’ont pas été acceptés à l’unanimité, visent à renforcer l’aspect lié aux droits de l’homme du projet de résolution. Certains tendent à rendre plus complète la résolution, d’autres à faire référence explicitement aux normes en matière de droits de l’homme internationaux. Plusieurs membres de notre commission, qui ont tous une expérience dans le domaine judiciaire, ont ainsi rappelé qu’il était nécessaire de mettre davantage l’accent sur des garanties juridiques et d’établir un contrôle juridictionnel de toute décision de retrait d’un enfant. J’appelle donc les membres de l’Assemblée à soutenir tout particulièrement l’amendement 6.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est ouverte.

Mme FIALA (Suisse), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Au nom de mon groupe, je remercie notre rapporteure, Mme Borzova, de la Fédération de Russie, pour ce travail essentiel. À titre personnel, je regrette qu’elle ne puisse défendre elle-même son rapport, et une fois encore, nous devons déplorer l’absence de la délégation russe dans cette enceinte. Cela montre combien il est urgent que le conflit à l’origine de cette absence trouve une solution.

Ici, nous voulons garantir l’intégrité des enfants, leur éviter d’être victimes d’abus, de négligence, de violences. Or le bien-être de l’enfant suppose aussi qu’on ne le sépare pas de ses parents contre sa volonté, à moins d’une décision contrôlée par un juge qui s’assure que cette séparation est vraiment conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant.

En cas de violences physiques, sexuelles ou psychologiques, ou de négligence grave, on a tendance à placer les enfants auprès de membres de leur famille, d’institutions, voire à les proposer à l’adoption. Mais, en cette matière comme dans d’autres, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Ce qui paraît conforme à l’intérêt de l’enfant peut en réalité constituer une nouvelle forme de violence. Il ne faut donc jamais agir avec précipitation et la pauvreté ne doit jamais être invoquée comme un motif de placement: il faut tout simplement aider les familles. À cet égard, n’oublions pas le cas très délicat des enfants roms. Une mesure qui semble aller de soi n’est pas toujours la meilleure solution pour les enfants.

Evitons donc les décisions impérieuses, à courte vue, et concentrons-nous sur le développement des meilleures pratiques, dans l’intérêt des enfants. Il faut tout faire dans vos pays pour que des normes très prudentes s’appliquent, même dans des cas difficiles. On ne devrait jamais recourir au placement sans avoir pris en considération tous les droits des enfants. Les directives européennes sont bonnes, les législations en vigueur le sont souvent aussi: c’est la pratique qui n’est pas toujours satisfaisante.

Je vous invite en tout cas à soutenir cet excellent rapport.

M. EVANS (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – La position de mon groupe est très claire: le principe essentiel en matière de protection de l’enfant est l’intérêt supérieur de l’enfant, qui prime sur tous les autres.

Il faut commencer par identifier les enfants exposés au risque de maltraitance ou de négligence, puis agir pour éviter que cela n’arrive à l’avenir. L’expérience montre qu’un meilleur partage des informations entre professionnels – de la santé, de la police, des services sociaux, entre autres – est essentiel en la matière. Elle montre également que les causes de la maltraitance et de la négligence peuvent être extrêmement complexes et ne sauraient se réduire à la pauvreté. De tels arguments sont d’ailleurs insultants pour les familles pauvres.

Bien que le Royaume-Uni soit doté d’un système très poussé de protection de l’enfant, des scandales y ont éclaté parce que des travailleurs sociaux ont pris des mesures qui se sont parfois soldées par des tragédies: Peter Connolly, Daniel Pelka, Khyra Ishaq sont ainsi décédés par suite d’une mauvaise gestion de leur cas. Mais les professionnels de la santé et les travailleurs sociaux sont soumis à une grosse pression, et le rapport en appelle à juste titre à davantage de professionnalisme en Europe. À cause des pressions quotidiennes qui s’exercent sur des travailleurs sociaux très qualifiés, les signes de maltraitance peuvent passer inaperçus.

Assurément, il ne faut retirer les enfants à leur famille qu’en cas de risque manifeste de maltraitance ou de négligence. Mais il existe d’importantes différences entre pays européens quant aux solutions alternatives pouvant être proposées aux enfants qui encourent ces risques. De même, les autorités doivent veiller à ne pas séparer les fratries, ce qui ajouterait un traumatisme à la tragédie que représente le fait d’être séparé de ses parents. Il faut enfin que les enfants puissent être rendus à leurs parents si ceux-ci sont désormais en mesure de leur offrir un environnement satisfaisant. C’est toujours l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit l’emporter, et non celui de ses parents ni de ses parents d’accueil.

Au Royaume-Uni, un cas où les autorités ont abusé de leur pouvoir a été très médiatisé: celui d’Ashya King, un enfant qui souffrait d’une forme assez rare de cancer et dont les parents étaient en désaccord avec les autorités médicales au sujet de son traitement. Craignant que leur enfant ne leur soit retiré, ils l’ont emmené en Espagne pour qu’il ait accès à un autre traitement. Les autorités ont surréagi: une ordonnance a été prise pour placer l’enfant, un mandat d’arrêt européen a été émis et les parents se sont retrouvés dans une prison espagnole, avant que le Premier ministre n’intervienne pour mettre un terme à la procédure. On voit que de telles erreurs peuvent se produire même dans un pays très expérimenté en matière de protection de l’enfant.

Mme WERNER (Allemagne), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Au nom de mon groupe, je remercie la rapporteure pour son rapport et pour son analyse, que nous rejoignons sur de très nombreux points.

On ne saurait retirer des enfants à leur famille contre leur volonté, et si on doit le faire, il faut les protéger. Les enfants et les jeunes ont des droits: le droit d’être éduqués, pris en charge, entourés, le droit de ne pas être contraints de travailler, d’être traités à égalité avec les autres s’ils sont handicapés, le droit d’avoir leur mot à dire dans la société.

En Allemagne, en 2012, trois enfants sur quatre dont le bien-être était en danger étaient négligés. Ce chiffre est effrayant, s’agissant de l’un des pays les plus riches d’Europe. Il confirme la nécessité d’une protection moderne des enfants et des jeunes dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Les lois, les décisions, les procédures doivent aller dans le sens de l’intérêt de l’enfant.

Il s’agit d’un terrain très délicat et nous connaissons le revers de la médaille. Il convient d’adopter avant tout des mesures préventives. Les causes des négligences, que celles-ci soient physiques, éducatives ou affectives, ne résident pas seulement dans la cellule familiale mais aussi dans les structures de la société.

Il faut faire la différence entre des crimes individuels contre les enfants, crimes qui doivent faire l’objet de poursuites, et le fait qu’il faille améliorer le système de protection de l’enfant dans notre société en général. On ne saurait soupçonner tout parent pauvre de maltraiter son enfant, de le négliger; au contraire, il faut, sans la moindre réserve, aider ces familles, les soutenir, leur donner des conseils.

Il faut s’assurer qu’un enfant puisse grandir en toute sécurité, indépendamment de la situation économique de sa famille. Retirer des enfants à leur famille à cause de la situation financière des parents devrait être interdit dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. C’est avant tout la société qui doit assurer une bonne prise en charge de l’éducation et de la formation de l’enfant. Or ce n’est possible que dès lors qu’un budget social est prévu, dès lors que les infrastructures nécessaires sont en place. La pauvreté des enfants est un grave problème contre lequel nous devons lutter.

Pour mieux protéger les enfants, il faut agir là où ils se trouvent: au sein de la cellule familiale, au jardin d’enfants, à la crèche, à la garderie, à l’école, dans les associations périscolaires. Il faut absolument mettre en place une politique de prévention et assurer une formation continue aux personnels pédagogiques. Il est indispensable de renforcer les mesures préventives et les possibilités dont disposent les affaires familiales, les agences sociales, les pédiatres et tous ceux qui sont au contact des jeunes.

C’est pourquoi il est particulièrement important de s’assurer de la présence de personnels suffisamment formés, en particulier sur le plan pédagogique. On ne saurait en effet retirer des enfants à leur famille sur la décision d’une seule personne; c’est une équipe pédagogique formée qui doit prendre une telle décision. Par ailleurs, aucune décision de séparation institutionnelle ne doit être prise sans décision juridictionnelle. Il est indispensable que les juges soient bien formés à cette fin.

Des mesures préventives pourraient souvent assurer le bien-être des enfants et garantir leur intérêt supérieur. Il nous faut donc un système moderne de protection des enfants et des jeunes. Les droits des enfants doivent non seulement être ancrés dans les constitutions mais ils doivent également être mis en œuvre.

Mme PALIHOVICI (République de Moldova), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Ce rapport a été fort bien préparé et soulève différentes questions concernant plusieurs régions de l’Europe, questions qui mériteraient un examen plus approfondi dans un autre rapport, notamment sur le plan quantitatif. J’apprécie que la rapporteure ait pris l’initiative d’amender le titre de son travail afin de le rendre plus impartial. J’apprécie également la qualité des informations fournies malgré la réticence de certains pays à établir des statistiques dans le domaine qui nous intéresse ici.

Je soutiens pleinement les conclusions du rapport: les Etats membres doivent se doter de normes pour collecter des statistiques et les analyser de façon à prévoir les services les plus efficaces pour soutenir les enfants et leurs familles et pour éviter tout retrait abusif. Par ailleurs, les Etats membres devraient adopter des lois, des règles et des procédures qui servent réellement l’intérêt supérieur de l’enfant en matière de retrait ou de restitution, en s’assurant que les personnels pertinents soient qualifiés, bien rémunérés et formés régulièrement.

Autre constatation du rapport, valable pour de nombreux pays en Europe de l’Est et dans les Balkans: les enfants qui risquent le plus d’être retirés à leur famille sont les enfants de familles pauvres et de familles dans lesquelles l’un des deux parents – voire les deux – est allé à l’étranger pour chercher un emploi en laissant leurs enfants sans surveillance. Dans certains cas, c’est la pauvreté extrême qui justifie le retrait des enfants à leur famille, mais ce n’est pas la meilleure solution et je suis convaincue que les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient, toujours dans l’intérêt supérieur de l’enfant, imaginer de nouvelles façons de soutenir les familles, notamment celles qui vivent dans la pauvreté.

Le rapport montre clairement que la législation ne correspond pas toujours aux normes internationales. Les textes d’application de la législation sont souvent insuffisants. Peu de pays offrent des modèles positifs. Aussi l’un des objectifs de l’Assemblée parlementaire doit-il consister à suivre la situation de ces enfants dans tous les pays. Je propose donc de recommander aux Etats membres d’investir davantage dans l’institution du médiateur pour enfant – qui est un mécanisme de protection. Je suis persuadée que cette institution permettra une meilleure protection, une meilleure promotion des droits des enfants.

J’évoquerai par ailleurs les régions en conflit parfois qualifiés de «gelés», comme celui, qui dure depuis 24 ans, entre la Moldova et la Transnistrie, comme celui qui affecte la Crimée ou d’autres régions négligées. Or ceux qui pâtissent le plus de ces conflits sont les enfants et les jeunes.

Pour conclure, je vous appelle instamment à investir dans la prévention pour éviter les abus et pour faire en sorte que les enfants ne vivent plus avec le risque d’être séparés abusivement de leurs parents. Veillons également à ce que chaque pays se dote d’un médiateur spécialisé dans l’enfance.

Mme BONET PEROT (Andorre), porte-parole du le Groupe socialiste* – Je remercie la rapporteure de son rapport et m’associe à tout ce qui a déjà été dit la concernant, et je regrette d’autant plus qu’elle ne soit pas présente qu’elle aurait pu nous préciser certains aspects de son travail.

Le retrait devrait être le dernier recours d’une procédure de suivi de familles qui, pour différentes raisons, éprouvent des difficultés à s’occuper comme il le faudrait de leurs enfants. Les membres du Groupe socialiste ont étudié le rapport et ont été frappés par la différence des procédures d’un pays à l’autre, voire au sein d’un même pays, si bien que les propositions de la résolution auraient pu aller plus loin.

Il est vrai que grâce aux contributions et aux amendements présentés par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, nous avons pu donner une meilleure assise juridique à la résolution. En effet, le sujet est particulièrement sensible: il s’agit d’enfants. Tout cela n’est donc pas à prendre à la légère et la législation qui devrait être adoptée – elle l’est déjà dans plusieurs pays – doit se fonder sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Aussi, dans le cadre d’une procédure de retrait, il sera important d’entendre l’enfant: à partir d’un certain âge, il peut être entendu pour parler de ce qui le concerne.

Je ferai quelques commentaires sur la procédure en la matière qui ne doit pas se réduire à une décision isolée. Il faut établir un véritable protocole, clair et qui respecte certains principes, instituer une procédure commune aux différentes autorités. Par ailleurs, les mesures adoptées doivent reposer sur une assise juridique solide pour éviter un mélange entre procédure administrative et décision de justice. Il faut en outre définir les responsabilités particulières des différentes autorités, comme les travailleurs sociaux, qui doivent mettre au point un plan d’action avant le retrait de l’enfant, en étroite coopération avec la famille. Le retrait doit en effet être le dernier recours.

Il faut prévoir les mesures permettant à l’enfant d’être rendu à sa famille, veiller à ce qu’une décision de retrait n’ait pas d’impact sur le reste de la famille en permettant à ses autres membres de participer au processus. Il faut prendre en compte toute une dimension psychologique et donc chercher à éviter de perturber toute la vie de l’enfant.

M. SCHENNACH (Autriche)* – Je m’associe aux propos de Mme Bonet Perot et je remercie notre rapporteure, malheureusement absente aujourd’hui.

Ce rapport représente un pas dans la bonne direction. Il doit nous inciter à faire davantage en la matière en Europe, en privilégiant le point de vue de l’enfant. Parfois, il est vrai, il faut prendre des décisions, mais l’enfant doit toujours être placé au centre des réflexions. Ayant moi-même été, par le passé, spécialiste en pédagogie sociale, j’ai constaté qu’il arrive parfois que les services sociaux ne lâchent plus les enfants. Or il est difficile d’expliquer à un enfant qu’il ne peut plus revoir sa famille, même s’il a été victime de violences terribles et que, par exemple, son dos est en sang, lacéré de coups de fouet – j’ai vu de tels cas. Il faut toujours faire preuve d’une grande prudence et de beaucoup de tact.

Je voudrais tout de même défendre un peu nos services sociaux chargés de l’enfance. Ils sont souvent critiqués quand un enfant meurt après avoir été battu, mais il faut reconnaître qu’on leur reproche tout et son contraire: de ne pas agir quand un enfant meurt, mais aussi, inversement, d’être parfois trop pressés de placer les enfants. Quoi qu’il en soit, quand un enfant doit être retiré à sa famille parce qu’il est victime d’abus sexuels ou de violences extrêmes, il ne doit pas nécessairement être placé dans une institution: il existe, fort heureusement, d’autres structures, par exemple des familles d’accueil. Où que l’enfant soit placé, et que cette mesure soit provisoire ou définitive, il faut que la structure choisie soit adaptée à ses besoins. Il est vrai qu’aujourd’hui, en Europe, il y a une crise terrible et qu’un nombre croissant d’enfants sont offerts à l’adoption, tout simplement parce que leur famille est pauvre – souvent, il s’agit de familles d’origine étrangère. Cela n’est pas acceptable. Toute une série de paramètres se combinent et font qu’il peut effectivement y avoir des dérapages.

Quoi qu’il en soit, je ne peux que vous conseiller, chers collègues, de continuer à construire, sur la base de ce rapport, un meilleur modèle, susceptible de s’appliquer dans tous les Etats membres. Encore une fois, l’essentiel est de privilégier les droits de l’enfant et la prévention.

M. LE BORGN’ (France) – Le retrait d’enfants de leur famille est une question d’une particulière gravité, pour les enfants et les familles que cela concerne, bien sûr, mais aussi pour nos sociétés européennes en général, qui font avec raison du respect des droits de l’enfant une exigence. La décision de retirer un enfant à sa famille est lourde de conséquences et de souffrances. Comment apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant, entre, d’un côté, la protection à laquelle il a droit contre toute forme de violence ou de maltraitance et, de l’autre, le droit tout aussi légitime qui est le sien de ne pas être séparé de ses parents? Quelle est la définition du danger immédiat qui conduit au retrait? Qui doit prendre la décision, des autorités en charge de la protection de l’enfance ou du juge?

Le droit à une famille, le droit à sa famille est fondateur. Il est important de rappeler que la séparation d’avec les parents, lorsqu’elle intervient, ne doit pas exclure pour les enfants le droit de maintenir des relations avec eux. Je veux mentionner également le droit pour les enfants d’entretenir des relations avec leurs grands-parents. Je connais, dans ma circonscription, le combat bouleversant de deux grands-parents pour leur petit garçon, que les circonstances de la vie et les destins des adultes ont balloté, au point d’occulter son droit à l’enfance, son droit à grandir, son droit d’être heureux. Je pense aussi aux populations plus vulnérables, Roms ou migrants par exemple – victimes, entre autres, de la pauvreté, du dénuement et de l’illettrisme –, ou encore aux familles monoparentales; dans ces différentes catégories, la part d’enfants placés peut être plus élevée. Je redoute que certains préjugés aient pu conduire à des décisions de placement. Je me demande également si ce n’est pas la confiance en l’Etat social que nous avons égarée en cours de route, substituant trop souvent le placement à la mise en place d’une assistance active, financière, matérielle, sociale et psychologique aux familles concernées – au final, toute cette part de travail social qui caractérise l’Europe et son modèle de société.

Pour toutes ces raisons, il est important que le rapport de Mme Borzova, loin d’être une conclusion, marque le début d’un processus. Il nous manque une vue d’ensemble, à l’échelle des 47 Etats membres, sur les placements et sur les retours dans la famille. N’est-il pas temps aussi de resserrer l’interprétation que les Etats membres, individuellement, font de l’intérêt supérieur de l’enfant? Il n’est pas juste en effet qu’un principe défini en droit international fasse l’objet d’interprétations aussi divergentes entre Etats membres de notre organisation, à la fois parce que nous partageons une communauté de destin et parce que les familles et leurs enfants passent les frontières, se composent entre nationalités différentes, se mélangent et peuvent payer en retour le prix de l’inachèvement de l’Europe sociale. C’est à cette coordination européenne renforcée que nous devons, pour les enfants, pour nos enfants, nous atteler sans attendre.

LE PRÉSIDENT* – Mme Ionova, inscrite dans le débat, n’est pas présente dans l’hémicycle.

Mme KOVÁCS (Serbie)* – Permettez-moi en premier lieu de féliciter la rapporteure et la commission des questions sociales, non seulement pour ce travail, mais aussi pour leur travail sur les droits des enfants en général. J’aimerais aussi souligner que le droit des enfants à une meilleure protection contre toutes les formes de violence, d’abus et de maltraitance doit être une priorité, et qu’il faut tenir compte de leur intérêt supérieur. D’un autre côté, il est de la plus haute importance de soutenir les familles en leur donnant les moyens de créer un meilleur environnement pour l’éducation de leurs enfants.

Je voudrais profiter de cette occasion pour vous informer de la législation en vigueur dans ce domaine en Serbie. En voici les éléments les plus importants. La loi sur la famille prévoit qu’il faut toujours tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les mesures le concernant. L’Etat est obligé de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les enfants des maltraitances physiques, sexuelles, émotionnelles et contre toute forme d’exploitation. En outre, l’Etat est obligé de respecter, de protéger et de défendre les droits de l’enfant. Un enfant né hors mariage jouit de droits égaux à ceux des enfants nés au sein d’un mariage; un enfant adopté bénéficie aussi de droits égaux vis-à-vis de ses parents adoptifs comme de ses parents biologiques. L’Etat a l’obligation d’assurer la protection, dans un environnement familial, aux enfants n’ayant pas de famille.

La loi ratifiant la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale a été adoptée en octobre 2013. Elle est destinée à mieux protéger les enfants dont les parents ne s’occupent pas, à améliorer la sécurité des enfants qui font l’objet d’une procédure d’adoption internationale et à les protéger après l’adoption.

La loi sur l’assistance financière des familles avec enfants assure un soutien financier qui permet l’amélioration des conditions pour subvenir aux besoins élémentaires des enfants, au moyen de primes à la naissance et d’un soutien apporté aux familles défavorisées avec enfants et aux familles dont les enfants ont des besoins particuliers. Outre l’assistance financière envisagée par la loi sur la protection sociale, la loi sur l’assistance financière des familles entreprend la réforme du concept de protection sociale intégrée, en créant un réseau de service communautaire de soutien aux familles.

Au sein de l’Assemblée nationale de la République de Serbie, une commission sur les droits de l’enfant comporte plusieurs groupes de travail qui se penchent sur différents domaines et dont la principale tâche consiste à surveiller l’application des dispositions des différentes lois que j’ai évoquées. L’un de ses groupes de travail se consacre au suivi de la loi sur la protection spéciale, en particulier de ses dispositions relatives au service communautaire. Un autre s’attache au suivi d’application des dispositions de la loi de la famille liées aux abus contre les enfants.

En conclusion, les mesures de prévention sont évidemment essentielles pour prévenir les retraits abusifs et mieux protéger les enfants.

M. Nikoloski, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Wach au fauteuil présidentiel.

LE PRÉSIDENT* – Je vous souhaite beaucoup de succès dans vos travaux.

Mme VĖSAITĖ (Lituanie)* – Ces derniers temps, on lit de plus en plus souvent que des enfants de migrants sont retirés à leurs parents dans les pays du Nord ou en Grande-Bretagne en disant qu’ils ne sont pas bien traités et que les mesures de soutien à la famille ont échoué. On dit que les parents ne peuvent subvenir aux besoins élémentaires des enfants.

Ce sont surtout des mères célibataires ou abandonnées qui se voient ainsi retirer leurs enfants. Malheureusement, les parents biologiques, les parents proches ne sont pas prioritaires dans ces affaires. Très souvent, ce n’est pas à eux que l’on confie les enfants. La Convention de l’Onu sur les droits des enfants exige pourtant que les intérêts de l’enfant soient protégés et que soient notamment préservés sa nationalité, son nom et ses relations familiales. Elle vise donc à tenir compte de son profil ethnique, religieux, culturel et linguistique.

Il est vrai qu’aujourd’hui, en raison du brassage des populations, de plus en plus d’individus se retrouvent placés hors du contexte religieux et culturel qui était le leur. Mais il convient d’être plus attentif à prendre en compte toutes ces dimensions et à tenir compte des conditions qui prévalaient dans l’Etat d’origine.

C’est d’ailleurs ce que prévoit la Convention de la Haye de 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants. Elle comporte notamment un principe de subsidiarité: quand on permet l’adoption d’un enfant, il conviendrait de privilégier une adoption dans son pays d’origine.

J’appelle tous les Etats membres à ratifier cette Convention de la Haye au plus vite – pour ma part, je demanderai à la Norvège de le faire – et j’invite ceux qui l’ont déjà ratifiée à veiller à sa bonne application.

Ce document n’est qu’une première étape. Nous devons aller bien au-delà pour le bien-être de nos enfants.

Mme PECKOVÁ (République tchèque)* – Les droits de l’enfant ont connu des développements considérables ces vingt-cinq dernières années, après l’adoption de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant. La protection des enfants, et en particulier la mise en œuvre du droit à vivre au sein de la cellule familiale, du droit à une vie familiale, est l’un des plus grands défis des droits de l’homme en Europe.

Bien qu’il ait été maintes fois prouvé que le placement en institution de très jeunes enfants a des conséquences désastreuses – et les chercheurs l’ont démontré depuis des décennies –, de très nombreux enfants, y compris des nouveau-nés, continuent de faire l’objet de placements de longue durée dans nombre de pays, y compris en République tchèque, pour des raisons qu’on ne saurait plus justifier aujourd’hui.

Comme l’a indiqué la commission, les Etats membres devraient avoir avant tout mettre l’accent sur le soutien et le financement de toute un série de services, y compris un soutien financier permettant aux familles de surmonter leurs difficultés, pour prévenir et empêcher le placement d’enfants loin de l’environnement familial.

Néanmoins, s’il s’avère nécessaire de retirer un enfant à sa famille, il faut s’assurer de lui trouver une solution de placement dans un contexte de type familial. Les exceptions ne devraient être autorisées que dans des situations très spécifiques, pour une durée limitée, et encadrées de garanties.

Les vastes centres sociaux d’accueil doivent, à l’inverse, faire l’objet d’une stratégie de désinstitutionalisation. Une alternative à la prise en charge doit être recherchée, qui soit pleinement compatible avec les droits de l’homme internationaux et tenant compte des besoins individuels de chaque enfant.

Les chiffres en République tchèque restent inquiétants. Un grand nombre d’enfants sont pris en charge dans des institutions. Toutefois, dès 2012, mon pays s’est clairement attaché à modifier la situation. Ces dernières années, La République tchèque a réussi à faire baisser de 20 % le nombre d’enfants pris en charge dans les institutions. Elle a réalisé un effort constant pour renforcer tant les services de prévention que les familles d’accueil, assurant un recrutement, une sélection et une formation très soigneuse des familles d’accueil, que ce soit pour des placements à long terme ou pour un accueil d’urgence.

Si nous voulons voir aboutir ce processus de défense des droits de chaque enfant et nous assurer qu’il s’agit d’une pratique répandue, nous engager politiquement ne suffit pas. Nous devons véritablement faire comprendre aux décideurs, dans un débat rationnel, quels sont ses besoins, ce qu’est la prise en charge institutionnelle, quelle est la nécessité de la désinstitutionalisation. Les bonnes pratiques de nombreux pays européens nous montrent quelle est la voie à suivre et peuvent être sources d’inspiration.

Mme ERKAL KARA (Turquie) – Je tiens à remercier le rapporteur pour son travail et j’espère que les mesures conseillées dans le rapport seront prises en compte par les gouvernements.

Conformément à la législation en vigueur dans certains pays européens, le retrait des enfants se fait en cas de problèmes ou de négligences graves. Toutefois, lorsqu’il s’agit de familles immigrantes, les services sociaux sont nettement moins tolérants. Chaque culture a ses propres nuances sur le rôle parental et ces institutions ne prennent pas en compte les différences culturelles. Des interprétations erronées – ou, dans certains cas, des décisions délibérées – ont comme conséquence des résultats bouleversants: les familles sont déchirées, les enfants éloignés de leurs parents, de leur culture et leur langue maternelle.

Les agences qui traitent de ses questions en Allemagne, en Autriche, en Belgique et aux Pays-Bas sont dotées de pouvoirs très larges et, selon les experts dans ce domaine, y compris selon des spécialistes juridiques, l’exercice de ces pouvoirs n’est pas soumis à un contrôle suffisant des autorités nationales. Dans leurs relations avec ces agences, les parents se retrouvent en position extrêmement faible, étant confrontés à d’importants problèmes linguistiques qui ne leur permettent pas d’exposer leurs difficultés.

En outre, les parents auxquels les enfants sont retirés par ces agences ne voient pas leurs enfants pendant des années. Ils n’ont pas le droit de leur parler librement dans leur propre langue et, même s’ils sont autorisés à les voir, cela se fait sous une stricte supervision. La rupture forcée des liens familiaux qui résulte d’un placement de l’enfant dans une famille d’accueil est en violation directe des droits humains et des enfants concernés.

Dans plusieurs cas, la Cour européenne des droits de l’homme a également souligné la nécessité de maintenir les liens familiaux, sauf circonstances exceptionnelles.

Enfin, afin que cesse la discrimination à l’encontre des familles immigrantes, et dans l’intérêt des enfants et des familles, le retrait de l’enfant ne doit pas être décidé par des instances administratives, mais par les tribunaux.

M. LUND (Danemark)* – Le sujet dont nous débattons ce soir est très important. Nous devons rester mobilisés pour les droits des enfants. Tous les enfants doivent être nourris, logés, protégés des différentes formes d’abus et de violence. Les enfants ont le droit à l’éducation. Ils ont aussi, tout simplement, le droit d’être des enfants. Ils doivent pouvoir profiter de leur enfance et être protégés des difficultés de notre temps.

Dans certains cas, il est nécessaire, il est vrai, de retirer les enfants à leurs parents. Les raisons sont nombreuses et les modalités multiples. L’intervention de l’Etat la plus dramatique est évidemment celle qui consiste à retirer l’enfant à ses parents. Dans certains cas, c’est le meilleur choix mais, dans la plupart des cas, la situation est difficile à trancher. La décision ne doit être prise que par des personnes qui comprennent les enfants et qui ont une vision globale de la situation. Toute décision de placement doit par ailleurs être régulièrement réévaluée. La situation peut en effet évoluer, dans un sens ou dans l’autre.

Il est très important que toutes les procédures soient transparentes et qu’en cas de litige, on puisse justifier clairement pourquoi telle autorité a pris telle décision. Des mécanismes de recours efficaces doivent également exister. L’enfant lui-même doit être associé aux décisions qui le concernent. Après tout, c’est de sa vie dont il s’agit. Il doit donc être entendu. C’est un aspect capital que les services sociaux ne doivent jamais perdre de vue, en particulier quand il est décidé de retirer un enfant à sa famille. Les décisions de placement ne doivent être prises que dans le souci de l’intérêt supérieur des enfants. J’espère que ce rapport constituera une première étape vers l’amélioration de nos dispositifs en la matière.

Mme KYRIAKIDES (Chypre)* – Je félicite la rapporteure pour son travail équilibré, qui aborde les nombreux aspects liés à la législation et aux pratiques de retrait d’enfants de leurs familles dans les Etats membres.

Il n’est jamais facile de prendre la décision de retirer un enfant à sa famille. C’est d’ailleurs une décision extrêmement sérieuse, qui change à tout jamais la vie de l’enfant et de sa famille. Nous avons tous entendu parler de situations dans lesquelles le fait de ne pas avoir pris la décision de retrait a eu des conséquences désastreuses pour l’enfant. Nous avons aussi entendu la description de situations dans lesquelles le retrait de l’enfant à sa famille, pour de mauvaises raisons, a détruit la cellule familiale. Nous devons toujours avoir à l’esprit l’intérêt supérieur de l’enfant, mais il n’est pas toujours facile à évaluer.

Le rapport souligne le manque de cohérence entre les différentes procédures appliquées dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Nous devons poursuivre une approche multidisciplinaire avant de prendre une décision aussi importante et nous assurer que les services qui traitent de cette question sont véritablement spécialisés dans les besoins des enfants. Les services sociaux, mais aussi les services de santé et les éducateurs du système judiciaire, doivent être associés au processus. L’enfant doit être entendu et, dans les cas de négligence et d’abus, des experts doivent participer à l’évaluation de la situation. Il faut aussi des programmes de soutien aux parents, de manière préventive mais également après le retrait d’un enfant à sa famille. Les programmes de réunion familiale doivent être mis en place et se voir donner la priorité.

En tant qu’Etats membres, nous devons tenir compte des conclusions et des recommandations de cet excellent rapport. N’oublions pas que notre priorité est de faire valoir l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous ne devons pas nous laisser guider par des idées préconçues en nous préoccupant essentiellement des enfants pauvres ou issus de l’immigration. Une expertise sérieuse est indispensable, car une décision de placement change à tout jamais la vie d’un enfant.

Mme KARAMANLI (France) – Je suis très heureuse de pouvoir intervenir dans ce débat sur le rapport de Mme Borzova, rapport dont je voudrais souligner l’opportunité et la position d’équilibre sur une question sensible.

L’auteur rappelle le droit des enfants de ne pas être séparés de leurs parents sauf si les dangers sont graves, réels et inévitables. Parallèlement, l’auteur prône le maintien des liens avec la famille, là encore sauf cas de danger grave et inévitable. Nous ne pouvons que nous féliciter de cette approche.

Je voudrais ajouter trois observations. Le suivi et l’accompagnement des enfants qui dans leur famille pourraient faire l’objet d’une mise en danger doit être une priorité, et ce avant d’envisager toute séparation, y compris ponctuelle. Il s’agit d’apporter aide et conseil à la famille, sans se substituer aux parents, et de permettre aux services compétents de prendre les décisions que la responsabilité, c’est-à-dire la garde, de l’enfant justifient, qu’il s’agisse de sa santé, de sa scolarité ou de ses loisirs. Autrement dit, les services sociaux doivent exercer une responsabilité éducative directe sur l’enfant, non en substitution totale des parents, mais en «coéducation».

Lorsqu’il y a une décision de protection par la justice, il est alors possible que l’enfant continue de vivre en tout ou partie avec sa famille. Les expériences menées montrent que cette assistance éducative permet le respect des familles et l’individualisation des interventions, et évite les retraits. Ce constat tiré de l’expérience de services sociaux va clairement dans le sens de la deuxième recommandation exprimée par notre rapporteure. Celle-ci fait du soutien approprié et durable aux familles – y compris un soutien financier et matériel aux familles défavorisées, et un soutien psychologique aux parents qui ont un des problèmes personnels – une priorité.

Ma deuxième observation concerne la nécessité de préserver autant que possible un lien entre les enfants séparés et retirés, voire adoptés, et leur famille d’origine. Là encore, les systèmes qui permettent aux enfants de garder un lien possible et voulu s’avèrent à terme plus efficaces. Les adolescents et les jeunes adultes sont, selon les recherches qui ont été menées, mieux équilibrés. Ils comprennent mieux qui ils sont et construisent mieux leur identité personnelle quand l’information et la communication sont possibles avec leur famille d’origine. Il s’agit d’accepter le principe d’un réseau de parentalité et d’éducation. Certes, les relations peuvent être complexes, mais elles s’avèrent aussi plus gratifiantes.

Des qualités interpersonnelles solides et d’engagement sont nécessaires de la part de ceux qui accueillent ou voient partir, si j’ose dire, et ne sont pas acquises forcément. Mais là encore, les meilleures expériences montrent que ce sont des techniques qui s’apprennent. Et le soutien aux familles s’avère positif.

Je terminerai en suggérant que cette question importante fasse l’objet d’un suivi attentif, objectivé, en particulier dans les Etats où le problème apparaît régulièrement et de façon aigüe, afin que les parlementaires puissent suivre les progrès réalisés et proposer de nouvelles mesures.

Mme SCHOU (Norvège)* – Je voudrais d’abord remercier notre rapporteure pour le travail très équilibré, et de bonne qualité, qu’elle nous a fourni. Ce rapport montre de manière tout à fait éloquente les nombreux dilemmes et défis auxquels nous sommes confrontés chaque fois que nous voulons faire en sorte que nos enfants grandissent dans un environnement sûr et aimant.

Ce rapport le souligne: le principe à mettre en œuvre avant tout est l’intérêt supérieur de l’enfant. Ce devrait effectivement être notre boussole, mais il n’est pas toujours facile de savoir ce qui constitue l’intérêt supérieur de l’enfant. La plupart des affaires à traiter sont des affaires délicates, où les passions l’emportent, et il est rare qu’une réponse claire et évidente s’impose. Cela dit, je pense que la plupart d’entre nous en conviendront: l’intérêt supérieur de l’enfant est de pouvoir grandir avec sa famille. Les services sociaux devraient donc veiller avant tout à fournir une aide aux enfants et à leurs familles afin que la vie familiale soit plus harmonieuse.

C’est ce que nous faisons en Norvège. Le système de protection de l’enfance met surtout l’accent sur une aide volontaire aux familles. C’est ainsi que nous procédons dans huit cas sur dix. Cette aide peut prendre plusieurs formes: des conseils aux parents, une orientation, mais aussi une aide économique, ou la fourniture de places dans des crèches. Le placement doit vraiment être le dernier recours, il ne doit être envisagé qu’en l’absence d’autre solution, quand toutes les mesures d’assistance aux familles ont échoué et lorsque l’enfant risque vraiment, par exemple, d’être battu.

Disons-le encore une fois, notre obligation est de veiller à l’intérêt supérieur de l’enfant. Pour cela, il faut assurer la stabilité de son environnement et de ses liens. Je pense donc que nous pouvons soutenir ce projet de résolution visant à ce que soient prises des orientations politiques pour mieux défendre cet intérêt supérieur de l’enfant dans la pratique – pour ma part, je le soutiendrai. Je crois en effet que des orientations politiques pourraient être utiles à bien des égards, notamment pour éviter des discriminations injustifiées. Ainsi, la décision de retirer un enfant à ses parents ne devrait jamais être influencée par la nationalité, l’ethnie, la religion ou le contexte socio-économique.

M. RIVARD (Canada, observateur) – Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je suis très heureux d’être ici aujourd’hui pour m’adresser à l’Assemblée parlementaire. Je remercie la rapporteure, malheureusement absente, pour son rapport sur ce sujet important. Le Canada salue les efforts que la commission a déployés pour que les services de protection de l’enfance servent l’intérêt supérieur de l’enfant et soient conformes à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.

En tant que membre de la délégation parlementaire canadienne, je profite de l’occasion pour vous faire part de l’expérience du Canada en matière de protection de l’enfance. Au Canada, bien que la protection de l’enfance relève principalement de la compétence des provinces et territoires, le Gouvernement fédéral joue un rôle de plus en plus important dans l’élaboration de programmes nationaux visant à éviter le retrait d’enfants de leur famille. Ce rôle respecte les obligations du Canada aux termes de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, qu’il a ratifiée en 1991, ainsi que le principe de Jordan ou principe de l’enfant d’abord, adopté à l’unanimité par la Chambre des communes du Canada en 2007.

Ces trente dernières années, le Gouvernement fédéral a pris de nombreuses initiatives pour informer les groupes particulièrement vulnérables et leur fournir les ressources nécessaires afin de prévenir la violence domestique ou d’intervenir dans de tels cas. Ces initiatives ont contribué à améliorer la sécurité des enfants, en faisant en sorte que le plus grand nombre possible d’entre eux demeurent dans leur famille.

Plus particulièrement, l’initiative de lutte contre la violence familiale, en place depuis 1988, réunit quinze ministères et organismes fédéraux afin de sensibiliser davantage la population à la violence familiale et de renforcer la capacité des communautés et des systèmes de justice, de logement et de santé à prévenir la violence domestique et à intervenir dans de tels cas. Parmi les programmes regroupés sous cette initiative figurent notamment le programme pour la prévention de la violence familiale et le programme pour éliminer la violence faite aux femmes et aux filles.

Le Gouvernement fédéral a aussi pris des mesures importantes en vue d’adopter une approche préventive en matière de bien-être des enfants autochtones. L’approche améliorée axée sur la prévention, en place depuis 2007, regroupe des représentants fédéraux, provinciaux et des Premières Nations afin de fournir des services de prévention comme les soins de relève, les programmes de garde parascolaire, les services de consultation parents-adolescents, les services de médiation, les services de soutien à domicile, de même que les services de mentorat et d’éducation familiale.

Grâce à ces initiatives et à bien d’autres, le Canada poursuit son engagement à promouvoir l’intérêt supérieur de l’enfant. Le Canada reconnaît que, bien qu’il soit possible de prendre des mesures à l’échelle nationale pour régler les difficultés en matière de protection de l’enfance, les progrès réalisés à cet égard en Europe auront, sans aucun doute, un effet positif dans le monde entier.

Le Canada se réjouit à l’idée de collaborer avec la communauté internationale afin de partager de meilleures pratiques dans ce domaine.

M. RECORDON (Suisse) – Chers collègues, nous avons tous à l’esprit, je pense, quelques exemples de personnes qui ont souffert d’être des enfants placés. Je crois que l’excellent rapport qui nous est soumis aujourd’hui montre bien, d’ailleurs, que les problèmes, les excès ont pu parfois résulter de placements, ou d’une absence de placement – c’est dans les deux sens qu’il peut en exister. C’est une tâche délicate que celle de placer les enfants.

Je voudrais cependant aborder le débat sous un autre angle, celui de la réparation, qui peut être due, un angle qui n’a peut-être pas été très développé dans le cadre du rapport – ce n’est pas un reproche. Je voudrais vous faire part de l’expérience menée dans mon pays, la Suisse. Une initiative devrait être soumise à une votation populaire, visant à ce qu’une véritable réparation, morale et en argent, soit accordée aux enfants qui ont été placés, souvent, dans des conditions insoutenables, et ce il y a longtemps, puisque l’âge moyen de ceux dont il est question est de soixante-dix-sept ans et qu’ils ont été placés à six ans en moyenne. Voilà qui nous renvoie, voyez-vous, à l’époque de la Seconde Guerre mondiale. Il y a beaucoup à faire. Le montant dont il est question, pour un pays peuplé de 8 millions d’habitants, est compris entre 300 et 500 millions d’euros, et nous devons encore lancer de vastes enquêtes pour que justice soit rendue et que l’on comprenne les processus par lesquels nous avons pu aboutir à certaines abominations.

Je citerai l’exemple d’une personne contrainte de rembourser dans les années 1950 les frais que son canton avait déboursés pour le placer en orphelinat et le mettre en apprentissage chez un paysan qui le traitait d’ailleurs fort durement.

Aujourd’hui encore, dans le journal zurichois Tages-Anzeiger, on peut lire un article fort intéressant qui montre à quel point les enfants placés dans des conditions inacceptables connaissent les mêmes souffrances que les traumatisés de guerre. C’est un acquis essentiel de la recherche, qui justifie davantage encore notre attention et l’exigence de réparation.

Mme MAGRADZE (Géorgie)* – Le sujet dont traite ce rapport est grave et délicat et chaque pays essaye de le résoudre selon ses possibilités. Le véritable problème c’est que les enfants ont besoin d’une famille ou du moins d’une atmosphère familiale.

La Géorgie a réalisé de véritables progrès en ce domaine, car nous avons hérité du système soviétique: 5 200 enfants étaient placés dans 47 immenses foyers sur une population de seulement 5 millions d’habitants. Or, la recherche a montré que les enfants élevés dans d’immenses foyers d’accueil sociaux connaissent un retard de développement émotionnel et mental, ont moins de chance dans la vie et moins de contacts sociaux. C’est pourquoi désinstitutionnaliser a été au cœur de la réforme que nous avons instaurée dès 2012, en remplaçant les grands centres d’accueil par une forme alternative d’accueil pour nous assurer que les enfants grandissent dans un environnement familial.

Le processus permanent de réformes en Géorgie vise à fermer les grands centres d’accueil, à instaurer des mécanismes de prévention contre la négligence des enfants et des systèmes alternatifs.

Cette réforme s’appuie par ailleurs sur un cadre juridique. Des systèmes alternatifs d’accueil ont été mis en place, le nombre de centres d’accueil à vaste échelle a été réduit. Nous avons ainsi ouvert 47 petits centres d’accueil.

Le rapport rappelle la nécessité d’assurer une meilleure formation des travailleurs sociaux. En Géorgie, nous plaçons la barre très haut, puisque nous demandons un diplôme universitaire pour devenir travailleur social. Et nous avons augmenté le nombre des travailleurs sociaux, qui est passé de 139 à 239.

Le processus de désinstitutionnalisation est donc en cours.

Un soutien est accordé aux familles recevant les enfants. Un renforcement des formations et des moyens sont à disposition des services sociaux. Nous ne comptons plus que deux grands centres d’accueil et nous avons instauré une forme alternative de prise en charge des enfants âgés de 0 à 6 ans et ceux présentant des handicaps, ce qui aidera à fermer le centre d’accueil de Kojori recevant des enfants handicapés et celui de Tbilissi accueillant des bébés.

Nous ne voulons plus de grands centres d’accueil en Géorgie, nous voulons plus de services de soutien familial, des services ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, nous voulons des travailleurs sociaux plus qualifiés qui soient en mesure de travailler sur le terrain, y compris en région rurale éloignée. Il est nécessaire, je l’ai dit et répété, de soutenir la famille. Lorsque les circonstances conduisent à la nécessité d’enlever un enfant d’une famille, alors, l’Etat doit trouver des services alternatifs ou reproduire des structures à l’image de la cellule familiale, c’est-à-dire de petits centres d’accueil, avec des pères, des mères, des frères et sœurs.

Mme HOFFMAN (Hongrie) – Je félicite tout d’abord Mme Olga Borzova qui a appelé notre attention sur une question extrêmement délicate et importante, tant il est vrai que les enfants constituent notre trésor. Dès leur naissance jusqu’à l’âge de leur majorité, ils ne sont pas responsables ni en mesure de régler leurs problèmes. Ils nécessitent donc l’attention et la protection des adultes et de la société. Tous les enfants ont le droit d’atteindre l’âge adulte dans des conditions de croissance convenables, et cela même si les conditions de leur naissance sont défavorables, même s’ils sont nés dans une famille dont la situation matérielle, sociale, culturelle est difficile ou misérable.

Chaque enfant représente une vraie valeur. On ne peut déterminer par avance sa personnalité ni sa valeur future. Deviendra-t-il artisan, ouvrier, agriculteur, savant, artiste, soldat, économiste, prêtre…?

Les enfants d’aujourd’hui feront fonctionner les sociétés futures. C’est pourquoi nous devons nous occuper soigneusement de leur sort.

De nos jours, tout le monde s’accorde à dire que l’enfant doit être élevé dans sa famille. Hélas! les cas sont toujours plus nombreux où la famille, au sens traditionnel du mot, n’existe plus. La famille ne fonctionne plus normalement comme une cellule adéquate.

Aussi les responsables politiques ont-ils une forte responsabilité dans la création de cadres législatifs adéquats afin de déterminer quand et comment retirer ces enfants de leur famille et quand les y replacer si la situation le permet.

Dans son rapport, Mme Borzova traite précisément tous les aspects importants de cette problématique. Je suis entièrement d’accord avec ses recommandations, parmi lesquelles je citerai: la législation doit donner véritablement la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant. Les enfants ont le droit d’être protégés de toutes formes de violence. Ils ne doivent pas être séparés de leurs parents contre leur gré. La pauvreté financière ne devrait jamais être l’unique motif d’un placement.

À cet égard, la législation hongroise et ses pratiques sont conformes aux règlements européens. Nous appliquons les mêmes normes et règles que ceux que le rapport cite en détail.

J’ajoute que la Hongrie a inauguré plusieurs mesures en faveur des familles qui peuvent servir de modèle. Par exemple, les familles bénéficient d’un avantage fiscal ou peuvent demander à bénéficier d’une protection en cas de faillite financière.

Nous estimons que la protection des enfants est mieux assurée si les familles sont protégées. Le rapport, que j’approuve, souligne parfaitement cette cohérence.

M. CILEVIČS (Lettonie)* – Je soutiens le rapport et le projet de résolution ainsi que des amendements présentés par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.

Retirer des enfants de leur famille doit être la mesure de dernier recours, indispensable lorsque laisser l’enfant auprès des parents se révèle une menace à sa sécurité ou à sa santé.

Il faut tenir compte des situations particulières. Lorsque je prête l’oreille aux personnes qui viennent me voir, j’ai l’impression qu’une telle vision n’est pas partagée par les autorités compétentes de certains Etats membres. Je pense à certaines populations: les citoyens des pays d’Europe centrale et orientale qui ont récemment rejoint les rangs de l’Union européenne doivent travailler très durement pour s’établir dans un nouveau pays. Ainsi que l’a indiqué le rapporteur, le niveau d’harmonisation des législations en matière de protection de l’enfance est très bas. Et souvent les nouveaux arrivants ne sont pas au courant des spécificités ou des us et coutumes de leur pays d’arrivée. Ils n’ont pas accès à des conseils juridiques, ils ne maîtrisent pas la langue officielle et ne sont pas toujours informés de leurs obligations, de leurs droits ou des garanties dont ils peuvent bénéficier. On les oblige même parfois à signer des documents dont ils ne comprennent pas totalement la teneur ni les conséquences.

Des mères élevant seules leurs enfants sont particulièrement vulnérables et se voient privées de leurs droits parentaux sans aucune raison. Je ne citerai pas le nom des Etats qui procèdent ainsi, mais je pourrais le faire. Quand un enfant letton, par exemple, est retiré à sa famille et donné à une famille dont les traditions, la culture et la langue sont différentes, il n’est pas normal que les institutions compétentes du pays d’origine n’aient par leur mot à dire. Je soutiens donc le projet de résolution, mais nous devons poursuivre ce travail de manière à améliorer encore la protection des droits de l’enfant et pour trouver des solutions là où il existe toujours de graves lacunes.

Mme ZIMMERMANN (France) – Permettez-moi d’abord de regretter l’absence de Mme la rapporteure et de la remercier pour son travail complet sur une question souvent délicate, toujours douloureuse. J’aimerais cependant revenir sur certains points.

Le dispositif français tente de trouver un équilibre entre la protection due à l’enfant et le respect des droits des parents biologiques. Mais comme le rappelait Daniel Rousseau, pédopsychiatre auditionné par la mission d’information sur la protection de l’enfance au Parlement français: «en protection de l’enfance, le principe de précaution devrait toujours bénéficier en priorité à l’enfant et non aux parents comme cela est encore trop souvent le cas». C’est un élément qui me semble important pour permettre une évaluation correcte de la situation et pour savoir si l’enfant peut ou doit faire l’objet d’un retrait total et donc pouvoir être adopté.

Tout enfant devrait avoir droit à un projet de vie. L’absence de perspectives quant à une possible évolution de son statut juridique, bloque parfois toute possibilité de bénéficier d’une «seconde chance familiale» à travers une adoption par exemple. Ainsi, il faut analyser la situation et rapidement repérer les enfants se retrouvant sans contacts véritables avec leurs parents, qui disparaissent de leur quotidien, malgré l’aide apportée par les services sociaux, ces enfants victimes de délaissement parental.

Pour un certain nombre d’enfants placés, il apparaît que le retour dans leur famille est difficilement envisageable. Le rapport aborde peu la place de la justice et plus précisément de la justice spécialisée qui joue pourtant un rôle important. Ainsi le juge décide des processus de contrôle réguliers qui sont mis en place pour suivre l’évolution de solutions souvent complexes. Ce suivi de la relation possible entre les parents biologiques et l’enfant en danger est indispensable pour décider en amont du statut juridique applicable à l’enfant.

Ainsi, les règles applicables au droit de visite et d’hébergement ainsi qu’aux modalités d’exercice de l’autorité parentale sont aménagées en fonction de la teneur de cette relation parents/enfants. Ainsi en France, le juge peut autoriser les visites en présence d’un tiers, mais il peut aussi décider que le danger est trop important et que le lieu d’hébergement de l’enfant doit rester anonyme. Les conditions dans lesquelles se déroulent ces moments avec la famille biologique permettront d’évaluer si l’enfant peut espérer à terme y retourner ou pas.

Le rapport du groupe de travail «Protection de l’enfance et adoption» paru en 2014 a souligné que les décisions portant sur un retrait total de l’autorité parentale ou le constat de délaissement familial sont souvent tardives, empêchant de facto une adoption dans de bonnes conditions. Alors que de nombreuses familles attendent des années pour pouvoir adopter un enfant, est-il logique que des enfants, délaissés par leurs parents ne puissent avoir droit au bonheur d’une famille aimante et attentive?

Une autre solution pourrait résider dans le développement de l’adoption simple pour permettre à l’enfant de bénéficier d’une nouvelle vie familiale, tout en gardant des liens avec la famille d’origine, même si dans la pratique cela est parfois compliqué.

Enfin pour conclure, je voudrais exprimer mon désaccord avec la nécessité selon le rapport de produire des statistiques incluant l’appartenance ethnique raciale ou religieuse. Outre le fait que la législation française ne permet ni la collecte ni a fortiori la diffusion de tels recensements, on peut s’interroger sur l’utilité de telles statistiques pour la pratique des services sociaux et juridiques dans un domaine aussi complexe et douloureux.

LE PRÉSIDENT* – Il nous faut maintenant interrompre l’audition des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les quatre heures, leur intervention dactylographiée au service de la séance, pour publication au compte rendu.

J’appelle la réplique des commissions. Monsieur Ghiletchi, il vous reste 3 minutes 50.

M. GHILETCHI (République de Moldova), rapporteur suppléant* – Je remercie tous les collègues qui ont choisi de participer à ce débat, malgré la douceur de la soirée.

Nous sommes tous d’accord, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être notre boussole. Mais comme l’ont dit M. Le Borgn’ et d’autres, nous ne sommes pas toujours d’accord sur la définition de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il me semble qu’il faut mettre la priorité sur la prévention en aidant socialement les familles, en particulier les plus pauvres, pour ne pas en arriver à des décisions de placement. Mais s’il faut avoir recours au placement, alors il convient de le faire en respectant les intérêts de l’enfant, en faisant en sorte que ce placement soit aussi court que possible et en prévoyant que la famille sera un jour réunie. Et bien sûr, en évitant de cibler certaines familles en fonction d’un certain profil.

Madame Borzova accorde la plus grande attention à ces questions et a dénoncé certaines pratiques. Elle insiste, par exemple, pour que certaines situations restent exceptionnelles: une rupture totale des liens familiaux ou l’adoption sans consentement parental. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je suis contre l’amendement 6 adopté de justesse d’ailleurs par la commission des questions juridiques. Les exceptions doivent restées des exceptions, sinon nous risquons de perdre des enfants. Une loi est une norme et non plus une exception, nous devons donc être très vigilants. Mme Borzova tient à ce que les liens familiaux ne soient pas rompus, sauf dans des circonstances exceptionnelles.

Je voudrais rendre hommage à Mme Borzova et je regrette également son absence. J’espère qu’elle nous écoute et qu’elle va bien. Je la remercie une fois encore, ainsi que le secrétariat qui a beaucoup travaillé sur ce dossier.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales a présenté un projet de résolution sur lequel 9 amendements ont été déposés et un projet de recommandation sur lequel aucun amendement n’a été déposé. Nous allons tout d’abord examiner le projet de résolution.

J’ai cru comprendre que le président de la commission des questions sociales proposait de considérer les amendements 1, 8, 7 et 9, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le président?

M. GHILETCHI (République de Moldova), président de la commission des questions sociales* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés adoptés définitivement.

Nous en venons à la discussion des autres amendements.

Je suis saisi de l’amendement 2.

M. DİŞLİ (Turquie), vice-président de la commission saisie pour avis* – Il s’agit d’un amendement de clarification juridique: il peut être nécessaire non seulement que les Etats membres mettent en place de nouvelles lois, réglementations et procédures, mais aussi qu’ils revoient celles qui existent.

M. GHILETCHI (République de Moldova), président de la commission* – L’avis de la commission est défavorable.

L’amendement 2 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous en venons à l’amendement 3.

M. DİŞLİ (Turquie), vice-président de la commission saisie pour avis* – Trop souvent, les enfants sont considérés comme de simples objets, les objets des décisions prises par les autorités, alors qu’ils ont des droits. Compte tenu des conséquences de ces décisions sur leurs vies, ils devraient être entendus en vue du placement comme du retour, en fonction de leur âge et de leur degré de maturité.

M. GHILETCHI (République de Moldova), président de la commission* – La commission est favorable à cet amendement.

L’amendement 3 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 4.

M. DİŞLİ (Turquie), vice-président de la commission saisie pour avis* – Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies comme la Cour de Strasbourg ont souligné que les Etats doivent aider les parents à résoudre leurs problèmes. Il nous paraît donc nécessaire d’ajouter des références à ces instruments qui fixent les obligations étatiques en la matière.

M. GHILETCHI (République de Moldova), président de la commission* – L’avis de la commission est défavorable.

L’amendement 4 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 5.

M. DİŞLİ (Turquie), vice-président de la commission saisie pour avis* – Cet amendement tend à compléter le projet de résolution en rappelant les obligations qui s’imposent aux Etats lorsqu’il est nécessaire de retirer un enfant à sa famille. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en la matière est très claire: le placement d’un enfant en soins alternatifs ne doit être que temporaire, et les services sociaux doivent faciliter des contacts réguliers entre l’enfant et ses parents en vue de réunifier la famille.

M. GHILETCHI (République de Moldova), président de la commission* – L’avis de la commission est favorable.

L’amendement 5 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 6.

M. DİŞLİ (Turquie), vice-président de la commission saisie pour avis* – Lors de l’examen du texte, plusieurs membres de la commission des questions juridiques, dont plusieurs experts en matière juridique – l’un d’eux est même un ancien juge – ont rappelé l’importance d’un contrôle juridictionnel, particulièrement dans le cas de mesures aussi draconiennes que celles qui sont citées au paragraphe 8.4 du projet de résolution. Il est essentiel que le texte soit le plus clair possible.

Mme PALIHOVICI (République de Moldova)* – Cet amendement n’a aucun sens. Le texte parle ici d’éviter de soustraire les enfants à leur famille dès la naissance, sauf circonstances exceptionnelles. Aux termes de l’amendement, ces circonstances seraient «prévues par la loi». Mais est-on sûr de pouvoir être exhaustif en énumérant ainsi les exceptions? Du reste, si celles-ci figurent dans la loi, ce ne sont plus des exceptions! Restons-en à la rédaction initiale, pour sauver des vies d’enfants!

M. GHILETCHI (République de Moldova), président de la commission* – Comme président de la commission, je dois dire que celle-ci était favorable à l’amendement.

L’amendement 6 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13730, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté à l’unanimité des 60 votants.

LE PRÉSIDENT* – Félicitations!

Nous en venons au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 13730.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté à l’unanimité des 58 votants.

LE PRÉSIDENT* – Félicitations à nouveau!

Monsieur Zingeris, conformément au Règlement, souhaite expliquer son vote.

M. ZINGERIS (Lituanie)* – Je vous prie de bien vouloir m’excuser de prendre la parole pour expliquer mon vote sur le projet de résolution relatif à la discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe; en effet, je ne souhaite pas prolonger notre séance. Mais je siège depuis 1993 au sein de cette Assemblée et c’est la première fois que j’invoque ce droit. Je félicite bien sûr la rapporteure et l’Assemblée et si j’ai demandé la parole, c’est que l’égalité entre les genres est un sujet sensible.

Je pense à ma mère qui a été enfermée pendant des années dans un camp de concentration nazi et qui m’a raconté des histoires horribles sur le sort réservé aux homosexuels. J’ai grandi avec ces récits. Reste que, et je suis désolé, encore une fois, de prendre un peu de votre temps, certains passages du texte me semblent aller au-delà de ce que je peux accepter. Il va de soi que je veux que les gens soient égaux, reconnus au sein de nos sociétés, à l’abri des humiliations, mais si j’aurais aimé voter pour le projet de résolution, j’ai dû voter contre certains amendements.

Je dois en effet prendre des distances avec certaines affirmations et certaines décisions. Evidemment les droits de l’homme sont primordiaux, il faut que les gens soient égaux. Vous avez voté en conscience, je n’en doute pas, et je respecte votre position, toutefois, en tant que membre du parti chrétien-démocrate, je ne peux partager certains points qui ont été développés au cours du débat.

3. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT – La prochaine séance publique aura lieu demain matin à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 20 heures.

SOMMAIRE

1. La discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe

Présentation par Mme Schembri du rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination (Doc. 13742)

Intervention de Mme Dalli, ministre du Dialogue social, de la consommation et des libertés civiles de Malte

Orateurs: M. Gunnarsson, Mmes Gambaro, Katrivanou, Kyriakides, MM. Lavesson, Ghiletchi, Mmes Rawert, Blondin, Christoffersen, Antičević Marinović, De Sutter, M. Davies, Mmes Lymperaki, Morin, M. Rouquet

Réponse de Mme la rapporteure et de Mme la présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination

Vote sur un projet de résolution amendé

2. Débat sur les services sociaux en Europe: législation et pratiques de retrait d’enfants de leurs familles dans les Etats membres du Conseil de l’Europe

Présentation par M. Ghiletchi, suppléant Mme Borzova, du rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable (Doc. 13730)

Présentation par Mme Sotnyk du rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, saisie pour avis (Doc. 13760)

Orateurs: Mme Fiala, M. Evans, Mmes Werner, Palihovici, Bonet Perot, MM. Schennach, Le Borgn’, Mmes Kovács, Vėsaitė, Pecková, Erkal Kara, M. Lund, Mmes Kyriakides, Karamanli, Schou, MM. Rivard, Recordon, Mmes Magradze, Hoffman, M. Cilevičs, Mme Zimmermann

Réponse de M. le rapporteur suppléant

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de recommandation

M. Zingeris

3. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d’un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Brigitte ALLAIN*

Jean-Charles ALLAVENA*

Werner AMON*

Luise AMTSBERG*

Athanasia ANAGNOSTOPOULOU

Liv Holm ANDERSEN*

Lord Donald ANDERSON*

Paride ANDREOLI

Ben-Oni ARDELEAN

Khadija ARIB*

Volodymyr ARIEV

Egemen BAĞIŞ*

Theodora BAKOYANNIS/Antigoni Lymperaki

David BAKRADZE*

Gérard BAPT/Jacques Bigot

Doris BARNETT/Mechthild Rawert

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK/Gabriela Pecková

José María BENEYTO*

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI*

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ/Nellija Kleinberga

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY*

Ľuboš BLAHA*

Philippe BLANCHART/Dirk Van Der Maelen

Maryvonne BLONDIN

Jean-Marie BOCKEL/Yves Pozzo Di Borgo

Olga BORZOVA*

Mladen BOSIĆ*

António BRAGA*

Anne BRASSEUR/Marc Spautz

Alessandro BRATTI*

Piet De BRUYN

Beata BUBLEWICZ/Michał Stuligrosz

Gerold BÜCHEL

André BUGNON/Elisabeth Schneider-Schneiter

Natalia BURYKINA*

Nunzia CATALFO

Elena CENTEMERO*

Irakli CHIKOVANI*

Vannino CHITI*

Christopher CHOPE*

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH

James CLAPPISON*

Igor CORMAN

Telmo CORREIA

Paolo CORSINI

Carlos COSTA NEVES*

Celeste COSTANTINO*

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN*

Katalin CSÖBÖR/Rózsa Hoffmann

Joseph DEBONO GRECH

Reha DENEMEÇ

Alain DESTEXHE*

Manlio DI STEFANO

Arcadio DÍAZ TEJERA*

Peter van DIJK*

Şaban DİŞLİ

Sergio DIVINA

Aleksandra DJUROVIĆ

Namik DOKLE*

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON/Marie-Christine Dalloz

Josette DURRIEU*

Mustafa DZHEMILIEV*

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL*

Bernd FABRITIUS*

Joseph FENECH ADAMI

Cătălin Daniel FENECHIU*

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA

Daniela FILIPIOVÁ/Ivana Dobešová

Ute FINCKH-KRÄMER*

Axel E. FISCHER*

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER

Hans FRANKEN

Béatrice FRESKO-ROLFO*

Martin FRONC*

Sir Roger GALE/Lord Richard Balfe

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO/Mariia Ionova

Tina GHASEMI/Boriana Åberg

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO*

Pavol GOGA*

Carlos Alberto GONÇALVES

Alina Ştefania GORGHIU*

Svetlana GORYACHEVA*

Sandro GOZI*

Fred de GRAAF*

François GROSDIDIER/Jacques Legendre

Andreas GROSS

Dzhema GROZDANOVA*

Mehmet Kasim GÜLPINAR*

Gergely GULYÁS*

Jonas GUNNARSSON

Nazmi GÜR*

Antonio GUTIÉRREZ/Jordi Xuclà

Maria GUZENINA*

Márton GYÖNGYÖSI*

Sabir HAJIYEV*

Margus HANSON*

Alfred HEER/Luc Recordon

Michael HENNRICH*

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH/Marcel Oberweis

Oleksii HONCHARENKO

Jim HOOD*

Arpine HOVHANNISYAN*

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER*

Andrej HUNKO*

Ali HUSEYNLI*

Rafael HUSEYNOV*

Vitaly IGNATENKO*

Florin IORDACHE/

Tadeusz IWIŃSKI*

Denis JACQUAT/Damien Abad

Gediminas JAKAVONIS/Dalia Kuodytė

Gordan JANDROKOVIĆ/Ingrid Antičević Marinović

Tedo JAPARIDZE/Guguli Magradze

Michael Aastrup JENSEN*

Frank J. JENSSEN/Hans Fredrik Grøvan

Florina-Ruxandra JIPA*

Ögmundur JÓNASSON*

Aleksandar JOVIČIĆ/Stefana Miladinović

Josip JURATOVIC*

Antti KAIKKONEN*

Mustafa KARADAYI*

Marietta KARAMANLI

Niklas KARLSSON

Andreja KATIČ/Matjaž Hanžek

Vasiliki KATRIVANOU

Ioanneta KAVVADIA

Charles KENNEDY*

Tinatin KHIDASHELI*

Danail KIRILOV*

Bogdan KLICH/Helena Hatka

Haluk KOÇ*

Igor KOLMAN

Željko KOMŠIĆ*

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR*

Ksenija KORENJAK KRAMAR*

Attila KORODI

Alev KORUN*

Rom KOSTŘICA*

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX*

Borjana KRIŠTO*

Julia KRONLID*

Marek KRZĄKAŁA*

Zviad KVATCHANTIRADZE*

Athina KYRIAKIDOU*

Serhiy LABAZIUK/ Sergiy Vlasenko

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON

Pierre-Yves LE BORGN

Jean-Yves LE DÉAUT*

Igor LEBEDEV*

Valentina LESKAJ*

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE/Boriss Cilevičs

Georgii LOGVYNSKYI

François LONCLE/Catherine Quéré

George LOUKAIDES/Stella Kyriakides

Yuliya L’OVOCHKINA*

Jacob LUND

Trine Pertou MACH*

Philippe MAHOUX*

Thierry MARIANI*

Soňa MARKOVÁ/Pavel Holík

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI

Ana MATO*

Pirkko MATTILA/Mika Raatikainen

Frano MATUŠIĆ*

Liliane MAURY PASQUIER/Eric Voruz

Michael McNAMARA*/Jim D’arcy

Sir Alan MEALE*

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Evangelos MEIMARAKIS*

Ivan MELNIKOV*

Ana Catarina MENDES*

Attila MESTERHÁZY*

Jean-Claude MIGNON

Philipp MIßFELDER*

Olivia MITCHELL*

Igor MOROZOV*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK*

Melita MULIĆ

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Hermine NAGHDALYAN*

Piotr NAIMSKI*

Sergey NARYSHKIN*

Marian NEACŞU*

Andrei NEGUTA

Zsolt NÉMETH

Miroslav NENUTIL

Baroness Emma NICHOLSON*

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI*

Carina OHLSSON/Eva-Lena Jansson

Joseph O’REILLY*

Maciej ORZECHOWSKI*

Sandra OSBORNE*

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI

Judith PALLARÉS CORTÉS

Ganira PASHAYEVA*

Florin Costin PÂSLARU*

Waldemar PAWLAK*

Vladimir PLIGIN*

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT*

Gabino PUCHE*

Alexey PUSHKOV*

Carmen QUINTANILLA*

Mailis REPS*

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE*

Soraya RODRÍGUEZ

Alexander ROMANOVICH*

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Rovshan RZAYEV*

Indrek SAAR*

Àlex SÁEZ*

Vincenzo SANTANGELO/Maria Edera Spadoni

Milena SANTERINI*

Kimmo SASI*

Nadiia SAVCHENKO/Boryslav Bereza

Deborah SCHEMBRI

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE

Urs SCHWALLER*

Salvador SEDÓ*

Predrag SEKULIĆ

Ömer SELVİ*

Aleksandar SENIĆ

Senad ŠEPIĆ*

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN

Bernd SIEBERT*

Valeri SIMEONOV*

Andrej ŠIRCELJ

Arturas SKARDŽIUS

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI/Gerardo Giovagnoli

Yanaki STOILOV*

Karin STRENZ*

Ionuţ-Marian STROE*

Valeriy SUDARENKOV*

Krzysztof SZCZERSKI/Andrzej Jaworski

Damien THIÉRY

Lord John E. TOMLINSON

Antoni TRENCHEV*

Goran TUPONJA*

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ

Tuğrul TÜRKEŞ

Theodora TZAKRI*

Ilyas UMAKHANOV*

Dana VÁHALOVÁ*

Snorre Serigstad VALEN*

Petrit VASILI*

Imre VEJKEY

Stefaan VERCAMER/Petra De Sutter

Mark VERHEIJEN*

Birutė VĖSAITĖ

Anne-Mari VIROLAINEN*

Dimitris VITSAS

Vladimir VORONIN*

Viktor VOVK

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ*

Piotr WACH

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON/Jonathan Evans

Tom WATSON*

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER/Annette Groth

Morten WOLD/Ingebjørg Godskesen

Gisela WURM*

Maciej WYDRZYŃSKI

Leonid YEMETS/ Vladyslav Golub

Tobias ZECH*

Kristýna ZELIENKOVÁ*

Sergey ZHELEZNYAK*

Marie-Jo ZIMMERMANN

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN*

Levon ZOURABIAN*

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, ‘‘L’ex-République yougoslave de Macédoine’’*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Sílvia Eloïsa BONET PEROT

Charlò BONNICI

Kerstin LUNDGREN

Katrin WERNER

Observateurs

Corneliu CHISU

Don DAVIES

Percy DOWNE

Michel RIVARD

David TILSON

Partenaires pour la démocratie

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