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AS (2015) CR 18

SESSION ORDINAIRE DE 2015

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(Deuxième partie)

COMPTE RENDU

de la dix-huitième séance

Vendredi 24 avril 2015 à 10 heures

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 5 sous la présidence de M. Walter, Vice-Président de l'Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

1. L’égalité et la non-discrimination dans l’accès à la justice

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Badea, au nom de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, sur « L’égalité et la non-discrimination dans l’accès à la justice » (Doc. 13740).

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. BADEA (Roumanie), rapporteur de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* – Monsieur le Président, chers collègues, l’accès à la justice est une pièce essentielle de l’Etat de droit, une nécessité pour toute société démocratique. L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit ainsi le droit à un procès équitable, tandis que son article 13 garantit le droit à un recours effectif. Ces articles traitent donc de l’accès à la justice mais le concept est plus large, il comporte d’autres aspects, comme la possibilité de se voir accorder une réparation par les tribunaux lorsqu’un droit consacré par la Convention est violé, le droit à une information sur les procédures judiciaires, une assistance ou une aide juridictionnelle, le droit à un avocat, la reconnaissance de l’intérêt à agir ou l’accès aux tribunaux de manière générale.

Outre la Convention, il existe d’autres instruments juridiques internationaux, dans le champ des droits de l’homme, qui font référence à l’accès à la justice, comme la Déclaration universelle des droits de l’homme ou le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cependant, le premier instrument juridique qui fasse explicitement référence à l’accès à la justice est le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Selon le quatrième paragraphe de l’article 67, « l’Union facilite l’accès la justice, notamment par le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et extra-judiciaires en matière civile ».

Comme nous le savons, l’accès à la justice est souvent entravé par un certain nombre de facteurs : l’absence de sensibilisation, le manque de confiance dans les autorités, l’impact de la crise économique sur l’aide juridictionnelle ou même un cadre législatif inapproprié pour traiter de la complexité des situations rencontrées dans la réalité. De nombreux rapports, émanant de diverses organisations gouvernementales et non gouvernementales ont identifié des obstacles variés à l’amélioration de l’accès à la justice d’un certain nombre de groupes vulnérables, comme les femmes, les personnes appartenant à des minorités nationales, les réfugiés, les apatrides, les personnes LGBT, les personnes en situation de handicap ou celles aux revenus modestes. C’est particulièrement vrai dans les Etats membres du Conseil de l’Europe où le montant des frais juridiques est sans rapport avec le revenu de certaines catégories et où l’aide juridictionnelle a été substantiellement réduite par les coupes budgétaires consécutives à la crise économique.

Les groupes les plus susceptibles d’être victimes de discrimination n’ont pas conscience de leurs droits et des possibilités qui leur sont ouvertes d’agir en justice. En outre, l’absence d’informations accessibles – ou la présentation de ces informations dans un langage technique, difficilement compréhensible – est un des obstacles les plus fréquemment rencontrés en matière d’accès à la justice. À l’inverse, si l’on présente des situations concrètes, si l’on présente les choses dans un langage compréhensible, c’est une grande aide pour permettre d’accéder aux informations et donc pour favoriser l’accès à la justice. Il y a une autre lacune qui a été soulignée par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, c’est la tendance à la réduction du nombre des instances judiciaires. Cela peut empêcher l’accès physique aux tribunaux, surtout pour des personnes qui habitent dans des zones isolées ou d’un accès difficile pour les personnes handicapées.

En d’autres termes, l’aide judiciaire est une garantie fondamentale de l’accès à la justice pour tous. Pour garantir l’accès à des voies de recours effectifs, il est nécessaire de repenser les règles s’appliquant au choix de l’aide judiciaire afin de permettre aux personnes aux revenus modestes d’y recourir.

Pour ce qui est de la capacité juridique, la Convention européenne des droits de l’homme, dans son article 34, indique que la Cour peut être saisie par toute personne à titre individuel, par des organisations non gouvernementales ou par des groupes de personnes qui invoquent la violation de la Convention par l’une des autres parties contractantes, c’est-à-dire par les Etats membres, des divers droits stipulés par la Convention et par ses textes complémentaires.

De ce point de vue, la définition de la condition de la victime par la Convention européenne des droits de l’homme a été critiquée. Il a été estimé qu’elle était trop rigide, surtout pour ce qui est de la situation des personnes qui souffrent de handicaps mentaux et intellectuels. C’est un groupe qui, dans une grande partie des Etats membres, est considéré comme n’ayant pas la capacité juridique. La Cour a cependant reconnu que, même si elle est partielle pour ces personnes, l’absence de capacité juridique influe négativement sur l’accès à la justice.

Deux documents ont été adoptés par notre Assemblée : d’une part, la résolution 1642 de 2009 touchant à l’accès au droit pour les personnes handicapées, à leur participation pleine et entière à la vie de la société ; d’autre part, la résolution 2039 adoptée en 2015 qui concerne l’égalité et les mesures visant à éviter toute exclusion des personnes handicapées. Ce texte encourage les Etats membres à faire en sorte que les personnes handicapées puissent jouir pleinement de leurs droits et soient en mesure de mettre en pratique leurs capacités juridiques dans les mêmes conditions que les autres membres de la société.

Je me réjouis par avance, chers collègues, de vous entendre dans ce débat.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le rapporteur, vous disposerez d’un temps de parole de 6 minutes 30 pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

Mme WERNER (Allemagne), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Au nom de mon groupe, je remercie notre rapporteur pour son rapport et son analyse.

En tant que porte-parole sur les questions de handicap de mon groupe au Bundestag, je tiens à ce que toutes les personnes aient le même accès à la justice. L’article 13 « Accès à la justice » de la Convention de l’Organisation des Nations Unies sur le droit des personnes handicapées stipule que les Etats parties doivent veiller à ce que les handicapés aient, comme les autres, un accès efficace à la justice. Un accès sans entrave à la justice doit, en effet, être assuré à toutes les parties prenantes, y compris les témoins. Il faut prendre des mesures spéciales au plan de la procédure, simplifier, par exemple, les textes ou prévoir des modalités particulières, technologies de l’information à l’appui.

La Convention de l’Organisation des Nations Unies a été ratifiée par quelque 160 Etats et l’Union européenne et concerne 650 millions de personnes. C’est le droit applicable. Et pourtant, trop de barrières restent insurmontables pour bien des personnes, faute d’un accès suffisant aux procédures judiciaires ou de de la possibilité de consulter des traductions en langue simple d’informations ou de textes juridiques. Nous comptons encore trop de salles de tribunaux ou de bureaux qui restent inaccessibles à certaines personnes handicapées. Nous manquons de lois conformes aux droits de l’homme et surtout de formations de l’ensemble des personnels qui travaillent dans la justice, dans les forces de l’ordre ou dans les prisons afin que les droits des personnes défavorisées soient protégés. Les handicapés ont les mêmes droits que les autres personnes dans tous les domaines de la vie. Personne ne doit être défavorisé en raison de ses origines, de son sexe, de son orientation sexuelle ou de sa situation économique. C’est d’autant plus vrai qu’il s’agit de l’accès à la justice. Une panoplie de mécanismes d’aide de qualité favorisant l’accès à la justice s’impose. Nous avons besoin de mesures ciblées pour assurer un accès matériel et informel à la justice pour tous.

Il convient également d’abaisser les seuils d’accès à l’aide judiciaire afin de favoriser cet accès aux pauvres.

Enfin, il ne faut pas que les personnes soient privées de leur propre volonté, y compris celles qui sont sous tutelle. Les décisions ne doivent plus être prises par des tiers, ce qui suppose de mettre en place des mécanismes d’accompagnement plus accessibles. Les personnes dans cette situation doivent pouvoir se faire assister par une ou plusieurs personnes de leur choix, et non par des personnes imposées par une décision judiciaire. Il faut rétablir leur autodétermination, ce qui impose de meilleures conditions d’exercice de leur droit à agir. Aussi, les critères doivent être revus et assouplis.

Chacun doit pouvoir avoir accès à la justice, faire valoir ses droits. C’est dans ces conditions que nous aurons une société plus inclusive.

M. LE BORGN’ (France), porte-parole du Groupe socialiste* – L’accès à la justice est une question fondamentale pour nos concitoyens. C’est aussi l’une des conditions majeures de la vie démocratique. Pouvoir se défendre, savoir se défendre, tel est l’objectif. Mais de l’objectif à la réalité, il y a parfois un cruel écart et c’est malheureusement le cas de l’accès à la justice pour nombre d’Européens. Cet écart s’explique par une information défaillante, par le manque de confiance dans les institutions comme souvent en soi-même, par le manque de moyens personnels, par la faiblesse de l’aide judiciaire. Ne pas pouvoir se défendre renforce le sentiment d’injustice, de société à deux vitesses, où certains seraient plus égaux que d’autres. C’est très déstructurant individuellement et pour la société dans son ensemble. Je me félicite que notre Assemblée se penche sur ce défi, car c’en est un, pour l’Etat de droit. Il faut rappeler en effet que la Convention européenne des droits de l’homme, parce qu’elle consacre le droit à un procès équitable et le droit à un recours effectif, ouvre la voie à l’information juridique, à l’aide judiciaire, à la représentation ou bien encore à la qualité pour agir.

Je représente à l’Assemblée nationale les Français qui vivent à l’étranger. Député de terrain, je suis régulièrement saisi par de nombreux compatriotes, souvent perdus face à un droit, à un système juridique et parfois même à une langue qu’ils ne maîtrisent pas suffisamment pour pouvoir se défendre utilement. J’ai fini, à la pratique de mes années de mandat, par devenir in situ un connaisseur de l’accès à la justice dans les Etats d’Europe centrale et balkanique. Je pense notamment à la justice familiale et civile. J’essaie d’aider, de conseiller, de donner confiance, mettant parfois le pied dans la porte pour la forcer quand il le faut. Aucune affaire n’est trop compliquée, aucune cause n’est perdue au point de ne pouvoir être soutenue. Il m’arrive parfois de m’imaginer davantage en défenseur des droits qu’en député. Mais si je ne me bats pas, si je ne rends pas ce service, si nous – collectivement – les parlementaires, n’agissons pas comme les poils à gratter de l’accès à la justice, alors quelle est notre valeur ajoutée ? L’égalité dans l’accès à la justice requiert une mobilisation de tous les jours.

Que faire ? Communiquer en ligne et en plusieurs langues sur les procédures et les droits, systématiquement, en prenant appui sur le rôle irremplaçable des associations et organisations non gouvernementales dans ce domaine. Il faut aussi renforcer les mécanismes et les budgets de l’aide judiciaire, qui doit être ouverte à tous, sans aucune forme d’exception, et encourager ceux des Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à signer ou à ratifier l’accord sur la transmission des demandes d’assistance judiciaire. Ouvrir plus largement la qualité pour agir, en encourageant les Etats membres à se doter d’équivalents de « class actions », est également nécessaire. Cela peut et doit mener à accepter la tierce intervention et la capacité de représentation par des organisations dont le combat pour l’égalité des droits est la vocation. Le recours aux mécanismes de médiation ou à la justice de paix pourrait aussi être développé. Aucune personne, handicapée mentale, migrant en situation irrégulière, ne doit se voir refuser l’accès à la justice ou voir celui-ci restreint. Voilà le combat citoyen qui doit nous mobiliser tous, ici à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, chez nous dans nos parlements nationaux.

Merci en tout cas à M. Badea, notre rapporteur, pour la qualité de son travail, que le Groupe socialiste, au nom duquel je m’exprime, soutiendra avec la plus grande conviction.

M. XUCLÀ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Monsieur Badea, au nom de mon groupe, je tiens à vous féliciter pour votre rapport qui est une contribution positive et précieuse quand il s’agit de renforcer l’égalité dans l’accès à la justice. Un rapport ne peut jamais se résumer en un mot ou en un slogan, cependant « la justice pour tous » serait une très bonne façon de résumer celui-ci.

Le Conseil de l'Europe, avec ses 47 Etats membres, est la maison de la démocratie ; mais dans la réalité, les choses sont différentes. C’est pourquoi, à travers les propositions faites aux points 6 et 7, vous indiquez la voie à suivre pour faciliter la justice pour tous. Malheureusement, le manque d’éducation et de ressources économiques ne facilitent par l’accès à la justice. Et si certains pays accompagnent leurs citoyens afin qu’ils puissent en bénéficier, d’autres érigent des obstacles.

Le rapport fait mention d’une campagne de sensibilisation pour les principaux acteurs dans le secteur judiciaire ; c’est très important. S’agissant des personnes handicapées, je militais déjà, il y a quelques années, en faveur du vote secret afin qu’elles puissent prendre leur propre décision, sans qu’elles soient orientées par une personne de confiance. Grâce aux nouvelles technologies, cela est devenu possible.

Nous vivons dans deux mondes : le premier, dans lequel nous luttons pour une justice pour tous, se termine, alors que le second, celui des nouvelles technologies, s’ouvre à nous. Au sein de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, je travaille sur un rapport qui devrait être terminé au mois d’octobre et qui explique comment les nouvelles technologies peuvent être utiles pour faciliter l’accès à la justice, notamment quand il s‘agit de cas type.

Monsieur le rapporteur, je vous remercie à nouveau ; sachez que vous avez le plein soutien de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

M. GHILETCHI (République de Moldova), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je voudrais tout d’abord, au nom de mon groupe, remercier notre collègue pour cet excellent rapport. M. Badea a choisi ce thème de l’égalité d’accès à la justice, notamment parce qu’il est le député des Roumains vivant à l’étranger ; il est donc très bien informé des problèmes que peuvent rencontrer ses concitoyens en termes d’accès à la justice. Je féliciterai également la commission sur l’égalité et la non-discrimination, car si des rapports établis par cette commission peuvent donner lieu à des controverses – nous en avons eu un exemple cette semaine –, d’autres sont excellents et font l’unanimité ; tel est le cas pour ce rapport.

L’accès à la justice est très important, la justice étant la pierre angulaire de la démocratie. L’égalité dans l’accès à la justice est un idéal qu’il sera difficile d’atteindre, mais il qui mérite que l’on se batte pour lui.

Le rapport identifie clairement un certain nombre d’obstacles, dont le statut social et notamment le statut des immigrés. Il est dit au paragraphe 5.4 du projet de résolution, que le statut légal d’immigration pour la conduite des procédures judiciaires doit être sans objet. Un représentant de la Moldova, qui s’est trouvé impliqué dans un accident de la route en Grèce il y a deux ans, n’a toujours pas eu accès à la justice et l’affaire n’a toujours pas été réglée. Je ne jette pas la pierre à la Grèce, mais il important, lorsqu’il s’agit d’immigrés, qu’ils aient aussi accès à la justice.

S’agissant des obstacles financiers, le problème est différent. Une personne disposant de peu de moyens doit pouvoir bénéficier, outre l’exonération des frais de justice, d’une assistance judiciaire, de l’aide d’un conseil ou d’un avocat, et les informations doivent être disponibles dans les langues utilisées par les parties.

Je dois reconnaître que je suis un peu sceptique lorsqu’on parle du développement de mécanismes quasi judiciaires. On cherche là un raccourci, une justice low-cost ; or je ne crois pas à la justice bon marché. La justice doit être de qualité. Mais pour cela, nos Etats doivent investir davantage dans le judiciaire.

Un autre problème a été identifié, ce sont les délais. Ici même, à la Cour européenne des droits de l'homme, le temps d’attente est un obstacle grave à une bonne justice. Mais là encore, il appartient à nos gouvernements d’investir davantage pour que la justice soit accessible à tous.

En conclusion, je vous rappellerai la très belle parabole que l’on peut trouver dans la Bible : « la parabole du juge qui se fait prier longtemps ». Elle montre qu’il s’agit d’un problème très ancien. Et la morale que l’on peut en tirer est que la persévérance paye.

LE PRÉSIDENT* – Monsieur le rapporteur, vous avez la possibilité de répondre immédiatement aux porte-parole des groupes qui viennent de s’exprimer.

M. BADEA (Roumanie), rapporteur* – Les représentants des groupes politiques ont pris une position très claire concernant le rapport. Je remercierai d’abord Mme Werner de sa contribution et, bien entendu, nous tiendrons compte de toutes les observations qui sont formulées ici pour la suite de notre travail.

La manière d’intervenir dans nos différents pays sur le fondement de ce rapport et des recommandations qu’il contient est décisive. Il ne peut y avoir un seul vrai Etat de droit sans égal accès à la justice. La perfection n’est pas de ce monde ! Toutefois, en Roumanie, un professeur de droit chevronné à qui j’avais demandé quelles étaient les conditions d’un gouvernement optimal m’avait répondu : « Si tu donnes à ton peuple le pain et la justice, alors ton gouvernement sera éternel. » Il importe de garder cette idée à l’esprit.

Je remercie de ses remarques M. Le Borgn’, qui a parfaitement compris mon propos. Comme lui, je représente mes compatriotes vivant à l’étranger – sept millions de concitoyens sur deux continents, l’Europe et l’Asie – et, en ce qui me concerne, j’ai eu connaissance de bien des cas où ils avaient de grandes difficultés à accéder à la justice.

Je remercie également M. Ghiletchi. Je suis souvent allé en Moldova et je sais qu’il y a beaucoup à faire dans ce pays en matière d’accès à la justice. Mais je veux aussi le remercier de sa conclusion : il faut être patient, disait-il, s’agissant de ce problème très ancien, vieux de plusieurs millénaires. Cet aspect ne doit pas nous décourager d’agir pour nos concitoyens, bien au contraire. S’ils nous ont élus, c’est aussi pour que nous leur permettions d’avoir accès à la justice.

LE PRÉSIDENT* - Merci beaucoup, Monsieur le rapporteur.

Il vous restera 3 minutes 30 pour répondre aux orateurs que nous allons entendre maintenant.

M. REISS (France) – Je voudrais remercier le rapporteur pour son travail complet. J’aimerais revenir sur certains points de son rapport qui me semblent particulièrement importants.

La justice a pour mission première d’apaiser les relations sociales. J’évoquerai donc d’abord des litiges qui peuvent sembler mineurs – familiaux, commerciaux ou de voisinage, par exemple – et à propos desquels il peut être intéressant de favoriser des modes de règlement alternatifs tels que la conciliation. Bien souvent, ces procédures sont méconnues du public alors qu’elles lui offrent un moyen de faire valoir ses droits sans passer par le tribunal ni s’engager dans un procès.

Cependant, si ces procédures sont en principe d’accès facile, car gratuites et ne nécessitant pas l’assistance d’un avocat, en pratique plusieurs obstacles empêchent de les développer. D’une part, les structures qui les proposent sont disparates et peu coordonnées, ce qui crée des inégalités de fait entre les citoyens quant à l’accès à ces modes de règlement des litiges. D’autre part, des modifications pourraient être apportées à la procédure civile pour favoriser la recherche d’un règlement négocié de ces litiges avant toute saisine d’un juge.

Par ailleurs, la médiation, qui permet à un juge de proposer aux personnes en conflit de résoudre à l’amiable leurs difficultés grâce à l’intervention confidentielle d’un médiateur judiciaire, pourrait être étendue à l’ensemble des litiges où les parties doivent rester de fait en contact.

La justice doit satisfaire le principe d’équité et permettre à chaque citoyen d’être défendu et conseillé correctement. M. Stéphane Leyenberger, secrétaire de la commission européenne pour l’efficacité de la justice, a d’ailleurs rappelé l’importance de ces mécanismes d’aide judiciaire dans les pays du Conseil de l’Europe.

Si l’accès à la justice est gratuit, il est clair que toute procédure judiciaire entraîne des frais qui peuvent être importants et créer de fait des disparités entre les usagers de la justice. L’aide juridictionnelle permet à une personne à faibles revenus de bénéficier des mêmes garanties que les autres justiciables pour la défense de ses droits, sans avoir à s’acquitter des frais de justice qui sont alors pris en charge par l’Etat, en totalité ou en partie. L’aide juridique permet l’assistance d’un avocat, soit à titre gratuit, soit grâce à un subventionnement. Cependant, là encore, des difficultés existent, liées à la complexité des démarches qui incombent aux justiciables en matière d’aide juridictionnelle et au problème délicat de la somme qui devrait être versée par l’Etat aux avocats pour leur travail dans le cadre de l’assistance juridique.

Par ailleurs, le traitement des demandes d’aide financière entraîne souvent dans les juridictions un allongement des délais, y compris pour des litiges peu importants, ce qui est problématique du point de vue du respect des droits du justiciable et du fonctionnement de la justice en général.

La France a adopté en 2014 une nouvelle procédure intéressante : l’action de groupe. Elle concerne les litiges liés aux droits des consommateurs. Cette procédure novatrice permettra à des consommateurs qui, individuellement, n’auraient peut-être pas engagé les frais nécessaires à la procédure de faire valoir leurs droits. Toutefois, nous n’avons pas encore assez de recul sur cette action, dont nous devrons veiller à ce qu’elle n’entraîne pas une judiciarisation excessive de la société comme on a pu l’observer aux Etats-Unis.

Nous soutiendrons évidemment ce rapport.

Mme MAGRADZE (Géorgie)* – Je remercie notre rapporteur. Sans accès à la justice, il ne saurait y avoir de démocratie. Pour cette raison, chaque pays devrait présenter un rapport sur ce qu’il entreprend pour favoriser l’accès à la justice.

Je suis heureuse de pouvoir parler en termes positifs de la situation qui prévaut dans mon pays à cet égard. Aujourd’hui, les mesures de protection contre les inégalités en matière de justice sont inscrites dans tous les champs de la législation – du travail, civil, politique, culturel, etc. L’une des mesures importantes que le Parlement de Géorgie a prises l’an dernier était la loi sur l’élimination de la discrimination, qui a été adoptée à l’unanimité. Il convient aussi de relever que les autorités de l’Etat et les instances gouvernementales coopèrent activement avec la communauté internationale et avec le Conseil de l’Europe, ainsi qu’avec toutes les parties prenantes concernées, pour améliorer les mécanismes de lutte contre les inégalités et la discrimination. Nous avons notamment progressé s’agissant de l’accès effectif à la justice pour toutes les personnes sans distinction.

De ce point de vue, le recours aux nouvelles technologies peut être très efficace. En Géorgie, nous avons ainsi amélioré l’information du public en matière de justice en instaurant des mécanismes d’information ainsi que des outils et des stratégies novatrices de communication. Il s’agit de mettre à la disposition du public des renseignements précis sur les droits et sur les procédures, dans différentes langues et dans un langage simple, ce qui permet de diffuser des informations ciblées. Les systèmes de signalement des problèmes aux autorités ont été améliorés. Nous continuons toutefois d’œuvrer dans ce domaine, pour accroître encore la confiance du public.

L’un des objectifs visés par les autorités est de donner la possibilité à toutes les catégories de la population d’intenter des recours efficaces en cas de traitement discriminatoire. Aux termes de la Constitution géorgienne et de plusieurs textes de loi, l’accès aux tribunaux est une réalité pour tous, y compris pour les membres d’une minorité et pour les migrants. Plusieurs amendements récents ont offert la possibilité de recourir à un système d’aide juridictionnelle dans toutes les procédures judiciaires devant la plupart des juridictions civiles et autres, ce qui n’était possible auparavant qu’en matière pénale et pour certaines affaires administratives.

Les obstacles auxquels étaient confrontées les femmes pour accéder à la justice ont déjà été supprimés. Nous cherchons désormais à éliminer toutes les barrières culturelles en adoptant des politiques promouvant l’égalité entre les hommes et les femmes.

La Géorgie a signé, l’an dernier, la Convention d’Istanbul et s’est engagée à la ratifier. En outre, en décembre 2014, de nouveaux amendements à la législation nationale ont été votés pour améliorer notablement la protection des femmes contre la violence familiale.

Le gouvernement, avec l’assistance de la communauté internationale et des parties prenantes concernées, mène des études nationales pour évaluer l’ampleur des obstacles à l’accès à la justice et prendre les mesures qui s’imposent pour les lever. Nous offrons une formation aux professionnels – avocats, juges… – sur les questions touchant à la discrimination. Il faut, par exemple, supprimer tous les obstacles pratiques à l’accès à la justice pour les personnes handicapées. Nous coopérons à cette fin avec les organes nationaux tels que le Bureau du médiateur.

Nous avons également mis en place un service de médiation très important pour les cas où il n’est pas nécessaire d’aller devant un tribunal. M. Ghiletchi a déclaré ne pas beaucoup aimer la justice bon marché, mais nous pensons que, dans certains cas, les services de médiation peuvent se révéler très positifs et nous y sommes favorables.

M. ŠIRCELJ (Slovénie)* – Je rappellerai que la garantie d’un jugement équitable et la présomption d’innocence sont des droits fondamentaux. L’accès à la justice, malheureusement, est très souvent entravé à la fois par des obstacles pratiques et par des obstacles juridiques.

Depuis l’adhésion de la Slovénie à l’Union européenne, en 2004, la Cour constitutionnelle slovène et la CEDH ont annulé quelque 600 décisions de tribunaux slovènes pour violations graves des droits de l’homme. La Slovénie est le seul Etat membre de l’Union européenne à ne pas avoir adopté de loi de lustration après la chute du régime communiste.

Je citerai un exemple marquant : l’affaire Patria, qui a duré six ans, au terme de laquelle l’ancien chef de l’opposition, M. Janša, a été condamné sans preuves à une peine de prison, juste avant les élections législatives de 2014. Hier, la Cour constitutionnelle slovène a rendu une ordonnance déclarant M. Janša innocent de toutes les condamnations prononcées contre lui, son procès ayant été entaché de vices. D’après de nombreux observateurs slovènes et internationaux, il s’agissait vraiment d’un procès politique.

Le 15 octobre 2014, s’est ajoutée à la persécution judiciaire de M. Janša la persécution politique. La majorité du Parlement slovène l’a en effet privé de son mandat. Mais justice lui a été rendue le 21 novembre 2014 car la Cour constitutionnelle a déclaré cette décision anticonstitutionnelle et M. Janša a donc pu reprendre place sur les bancs du Parlement.

En mai 2013, la Commission européenne avait souligné que l’état de la justice n’était pas satisfaisant en Slovénie et avait demandé que des mesures correctives soient prises. Le PPE (Parti Populaire Européen) avait également adopté une résolution sur la situation en Slovénie et exprimé sa préoccupation après la condamnation du chef de l’opposition. Dans ce texte, le PPE demandait aux organisations indépendantes telles que le Conseil de l’Europe et l’OSCE de suivre attentivement les procédures en cours et d’en vérifier la compatibilité avec l’Etat de droit et les normes internationales, soulignant que la justice devait vraiment être rendue de façon impartiale dans tous les Etats membres. Dans ce contexte, nous avons demandé l’adoption rapide d’une loi de lustration – qui n’a du reste toujours pas vu le jour.

L’Union internationale des démocrates s’était elle aussi préoccupée de la situation à la suite du rapport de la Commission européenne, déclarant que la situation de la justice en Slovénie n’était pas satisfaisante et appelant à de nouvelles réformes.

Bref, trop souvent les droits de l’homme sont bafoués en Slovénie, et les problèmes en matière judiciaire y demeurent particulièrement importants.

M. GOLUB (Ukraine)* – La question de la non-discrimination et de l’égalité de l’accès à la justice est de première importance. L’accès à la justice est en effet un droit fondamental dans une société démocratique et ne saurait être limité.

Pourtant, en examinant la situation dans les différents Etats membres, l’exemple de la Russie paraît le plus frappant – un pays où ce droit se trouve considérablement limité quand il n’est pas carrément bafoué. Je pense bien sûr au sort de notre collègue, membre de la délégation ukrainienne à l’Assemblée parlementaire, Nadiia Savchenko : ses médecins sont interdits de visite et ses avocats ont longtemps été tenus dans l’impossibilité de déposer leur requête. Le verdict de la justice russe est connu d’avance.

Comment pouvons-nous parler du principe de non-discrimination et de l’égalité d’accès à la justice lorsque l’on sait que Nadiia Savchenko a été illégalement arrêtée en Ukraine et déportée en Fédération de Russie ? Aujourd’hui, la justice russe prétend l’inculper de franchissement illégal de la frontière russe. Je tiens en outre à souligner que depuis l’audience préliminaire, qui s’est tenue il y a bientôt un an, son cas n’a toujours pas été examiné au fond. L’exemple de l’affaire Nadiia Savchenko illustre la violation du principe de non-discrimination et de l’égalité d’accès à la justice.

Je tiens à remercier M. Badea pour son projet de résolution et j’espère qu’ensemble, nous allons faire le maximum pour que Nadiia Savchenko revienne parmi nous dans cet hémicycle.

Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan)* – Je félicite M. Badea pour son remarquable rapport. Je suis persuadée qu’il nous permettra de contribuer à résoudre de nombreux problèmes au sein des Etats membres. Mais ne ménageons pas nos efforts pour promouvoir un accès égal à la justice qui fait partie intégrante de l’Etat de droit et fait donc partie des exigences fondamentales dans une société démocratique.

Comme le rapporteur, je suis convaincue qu’il reste trop d’obstacles pratiques et juridiques à l’accès à la justice : manque d’informations, manque de confiance dans les autorités mais aussi impact de la crise économique sur les budgets consacrés à l’aide judiciaire. Nous devons multiplier nos actions pour que les justiciables soient plus conscients de leurs droits et mettre en place à cet effet des mécanismes d’information en différentes langues, selon différents formats.

En tant que parlementaires, nous devons faire en sorte qu’une aide juridictionnelle soit fournie à toute personne, indépendamment de son statut, qu’elle soit accusée ou victime. J’insiste également sur l’utilité de mettre en place – ou de développer – des mécanismes alternatifs de résolution des litiges. Les institutions publiques doivent aussi prendre plus de mesures pour aider les gens ayant des difficultés d’accès à la justice. Il faut aussi organiser des réunions, des tables rondes, des séances de formation réunissant les organes gouvernementaux concernés, les ONG, le personnel judiciaire et les parlementaires.

L’un des paragraphes du rapport aborde la question de l’accès des femmes à la justice, même si les femmes ne sont pas une catégorie homogène. Dans certaines circonstances, des entraves particulières peuvent être opposées aux femmes. C’est particulièrement le cas lorsque, à la question du genre, s’ajoutent d’autres critères de discrimination potentielle : le handicap, l’appartenance à un groupe minoritaire, la situation de migrant en situation irrégulière. Il peut aussi y avoir des entraves physiques, par exemple pour les personnes vivant dans des zones rurales éloignées des tribunaux. Et puis, il y a bien sûr le cas particulier des femmes victimes de violences.

Dans mon pays, l’Azerbaïdjan, nous sommes très soucieux de garantir un accès égal à la justice. En particulier, des travaux sont menés par le comité national pour la famille, les femmes et l’enfant et la cour suprême, ainsi que par différentes commissions parlementaires que je représente ici. Il y a quelques jours, le 17 avril, une table ronde consacrée aux droits des femmes et des enfants en matière judiciaire était coorganisée par le comité d’Etat que j’évoquais et par la cour suprême. Elle réunissait des juges de Bakou, des parlementaires, des responsables du ministère de la justice ainsi que différents représentants de la société civile. Dans les différentes interventions, un grand nombre d’informations détaillées ont été présentées. Une grande attention a été prêtée aux principes et aux normes fixés par les conventions internationales, telle la Convention de l’Organisation des Nations Unies sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes. En Azerbaïdjan, nous multiplions ce genre d’initiatives. En tant que parlementaires, nous faisons de notre mieux pour que les gens prennent conscience du problème et pour garantir un accès égal à la justice.

Mme MORIN (Canada, observateur) – Merci de me donner l’occasion de prendre la parole au sujet de l’égalité et de la non-discrimination dans l’accès à la justice. Je tiens à remercier également le rapporteur, M. Badea, pour son rapport détaillé sur la question.

L’accès à la justice est une notion très vaste, qui englobe l’ensemble des mesures visant à améliorer l’accès aux tribunaux et aux organismes non judiciaires chargés de questions de droit civil et pénal. L’accès à la justice implique une participation et un accès égaux à tous les aspects du système juridique, des étapes préliminaires d’une affaire à la fin de la procédure de règlement.

Ainsi que l’a noté le rapporteur, le Traité de Lisbonne est le premier instrument international qui oblige les États à reconnaître cette notion. Les droits individuels dans le cadre d’une procédure judiciaire, garantis par les principaux instruments internationaux en matière de droits de la personne, favorisent l’accès effectif à la justice pour tous. Au Canada, ces droits, protégés par la Constitution, comprennent le droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat, le droit d’être présumé innocent et le droit à un procès équitable.

Le rapporteur confirme toutefois cette triste réalité : dans les systèmes juridiques du monde entier, des obstacles continuent d’entraver l’accès à la justice pour plusieurs groupes – dont les femmes, les minorités nationales et les personnes handicapées. Ces inégalités persistent malgré l’existence de garanties internationales ainsi que de lois et de politiques antidiscriminations dans de nombreux pays. Conscient de ces difficultés persistantes, le Canada a mis en place divers programmes pour favoriser l’accès à la justice, que ce soit l’aide juridique, le règlement extrajudiciaire des différends ou la vulgarisation et l’information juridiques. Le gouvernement fédéral fournit des ressources dans le cadre de programmes et d’accords financiers de longue durée afin de faciliter l’accès à la justice dans les deux langues officielles, notamment dans les communautés autochtones et dans les collectivités du Nord. Le code criminel du Canada oblige en outre les juges à tenir compte de circonstances particulières pour les délinquants autochtones lors de la détermination de la peine dans les instances pénales. Les mesures conçues pour améliorer l’accès à la justice pour les délinquants autochtones au Canada comprennent des tribunaux spécialisés et des auxiliaires parajudiciaires. Cela dit, ainsi que le comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes l’a récemment souligné, assurer l’accès à la justice pour les peuples autochtones, et plus particulièrement pour les femmes autochtones, nécessitera un effort constant et concerté.

Le rapporteur conclut en faisant observer que l’accès à la justice est une condition nécessaire à la primauté du droit et à l’instauration de sociétés plus inclusives et égalitaires. Pour le Canada, comme pour les Etats membres du Conseil de l’Europe, l’accès à la justice est effectivement fondamental pour protéger les droits de la personne dans nos systèmes juridiques.

LE PRÉSIDENT* – La liste des orateurs inscrits dans le débat est épuisée.

Si d’autres membres de l’Assemblée présents dans l’hémicycle souhaitent s’exprimer sur ce sujet, je leur donnerai la parole et ils disposeront eux aussi de quatre minutes.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* – Je commencerai par remercier M. Badea et toute l’équipe de la commission pour la sensibilité avec laquelle ils ont abordé le sujet. Un article de la Constitution espagnole affirme l’égalité – l’égalité réelle – entre les individus et les groupes d’individus et interdit d’opposer des obstacles à la participation de tous à la vie politique et sociale. Cet article, importé de la Loi fondamentale allemande, oblige tous les pouvoirs publics à veiller en permanence à ce que l’égalité soit une réalité pour tous. Pourquoi obliger les pouvoirs publics à être actifs en la matière ? Tout simplement parce que la réalité est telle que les inégalités existent bel et bien dans nos sociétés. Et si l’on se contente de poser le principe selon lequel les individus sont tous égaux, on ne peut pas compenser les inégalités. Or, je le répète, il y a des inégalités dans l’accès à l’information, aux ressources publiques, ou encore à la connaissance.

De la même manière, il faut veiller à garantir une égalité réelle dans l’accès à la justice. C’est là un principe qui me semble fondamental. Non seulement les juges doivent connaître le droit, mais ils doivent, si l’avocat ne fait pas bien son travail, compenser ses insuffisances pour garantir au justiciable d’être traité avec équité. Si un individu n’a pas suffisamment d’argent pour payer un bon avocat, il faut qu’un avocat lui soit commis d’office. Il existe parfois des tentatives visant à ce que les migrants ne puissent pas y avoir accès mais, d’une façon générale, tous ceux qui travaillent dans le domaine de la justice sont d’accord pour considérer que toute personne, quelle que soit son origine ethnique ou ses ressources économiques, doit avoir accès à un avocat. En outre – j’y insiste –, il faut toujours s’assurer que le juge compense les inégalités potentielles.

Cela dit, Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre excellent travail. Merci également à M. Walter, qui veille toujours à ce que tous les parlementaires puissent participer aux débats.

M. SOBOLEV (Ukraine)* – Chers collègues, ce sujet est en effet très important, et s’il convient d’analyser les procédures actuelles, il importe également de se tourner vers le passé pour voir s’il n’y pas eu des victimes de procédures abusives.

À cet égard, je mettrai en exergue l’affaire Savchenko, qui est tout de même extraordinaire : un membre d’une délégation d’un Etat membre du Conseil de l’Europe se trouve actuellement dans une situation très difficile, en violation de son immunité parlementaire nationale et de son immunité liée à son appartenance à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Tout cela, les Russes semblent l’ignorer.

Dans ce rapport, on veut faire progresser la justice. Alors, je ne vais pas parler davantage de l’affaire Savchenko, mais revenir plutôt sur l’affaire Timochenko.

Cette dernière a passé des années en prison pour rien, puisqu’elle était innocente. Heureusement, des instances juridictionnelles internationales peuvent se pencher sur la façon dont fonctionnent nos tribunaux, mais nous devons surtout réformer nos systèmes judiciaires afin que de pareils cas ne se reproduisent pas. Ioulia Timochenko a passé plus de quatre ans derrière les barreaux avant que son affaire soit jugée à Strasbourg, par notre cour emblématique, la Cour européenne des droits de l’homme. Il faudra un jour dresser le bilan de toutes ces affaires passées et prévoir des modalités afin de protéger les responsables politiques, hommes et femmes, de détentions de ce genre. Aujourd’hui, grâce à la révision de cette affaire par des instances internationales, nous savons que ce jugement était vraiment politique et la mise en détention abusive.

Mais les juges de l’époque étant toujours en fonction aujourd’hui, comment améliorer la situation ? Il est indispensable qu’une loi de lustration permette d’évincer ce type de juges. Cela vaut pour mon pays mais aussi pour tous ceux qui ont connu des violations similaires.

Ce rapport ne constitue qu’un point de départ. Nous devons nous mobiliser pour protéger les justiciables, qu’il s’agisse de responsables politiques ou de simples citoyens. Il ne faut pas que justice soit rendue aussi tard, après des années et des années de procédure.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant entendre la réplique de la commission.

Monsieur Badea, il vous reste 3 minutes 30 de temps de parole.

M. BADEA (Roumanie), rapporteur* – Chers collègues, je vous dirai tout d’abord que le débat ne s’arrête pas là. Nous n’avons fait qu’ajouter une pierre à l’édifice que nous voulons construire ensemble. Je vous remercie de vos interventions et de ce débat. Je remercie également le secrétariat de la commission pour ce travail que nous avons effectué main dans la main.

Chers collègues, vos interventions ont souligné toute l’importance du sujet mais, après vous avoir entendu, je me dis que le plus important est sans doute qu’en sortant de cette enceinte, nous portions haut et fort les idées dont nous avons débattu aujourd’hui. Des personnes vont à la messe, écoutent le sermon du prêtre, s’inclinent et baissent les yeux, mais, dès la sortie de l’église, oublient tout ce qui s’est dit. Ne suivons pas cette voie, essayons plutôt de porter le message dans nos pays, car c’est la tâche que nous ont confiée nos citoyens. Donc, transmettons ces idées et parlons de ce débat chez nous !

De nombreux citoyens déplorent le manque de justice qui existe dans leur pays – et je me tourne particulièrement vers nos collègues de l’Ukraine, en n’oubliant ce qui est arrivé à l’une de nos collègues ukrainiennes.

Nous autres aussi, Roumains, avons connu des conditions de justice difficiles dans notre pays. Il nous faut nous inspirer de l’expérience des pays occidentaux pour ce qui est de la mise en œuvre de la justice. Ainsi, la médiation, procédure très intéressante, n’est pas encore beaucoup pratiquée dans mon pays quand il s’agit de rendre des décisions de justice.

J’espère qu’ensemble, nous arriverons à changer le monde. Je ne parle pas de le sauver car cela n’entre pas dans nos pouvoirs, mais au moins de le changer, car je pense que cela, chacun d’entre nous, par son action, peut contribuer à le faire.

Mme KOVÁCS (Serbie), vice-présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* – Le rapport qui vous est aujourd’hui présenté porte sur un aspect fondamental de l’Etat de droit, à savoir l’accès à la justice.

Permettez-moi en premier lieu de féliciter le rapporteur, M. Badea, pour avoir abordé la question de manière très globale et appelé l’attention sur tout ce qui reste à faire en la matière.

La question de l’accès à la justice est au cœur du travail du Conseil de l’Europe, mais aussi de notre commission sur l’égalité et la non-discrimination. De par sa nature horizontale, c’est une question particulièrement intéressante.

La notion d’accès à la justice est extrêmement vaste. Elle fait référence à toutes les mesures ayant pour objectif d’obtenir réparation pour la violation d’un droit. Elle couvre de nombreux concepts, tels que l’accès à l’information sur les droits de chaque individu, les recours possibles, la nécessité de limiter les obstacles, de faire savoir qu’il y a eu des violations, le droit à un recours, l’accès à des mécanismes alternatifs de résolution de conflit, le droit à une aide juridictionnelle, la qualité d’agir et le droit à un procès équitable.

Le rapport de M. Badea est extrêmement bien documenté sur tous ces aspects et nous permet d’avoir un aperçu global de ce qu’est la justice pour tous. M. Badea souligne notamment dans son rapport que certains groupes de la population rencontrent plus de difficultés d’accès à la justice que d’autres en raison des discriminations dont ils souffrent. Il en va particulièrement ainsi des femmes, des personnes handicapées, des minorités nationales, des migrants et des réfugiés.

Le projet de résolution a été adopté à l’unanimité par notre commission, à Paris, au mois de mars. En tant que membre d’une Assemblée qui défend les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit, je souhaite que nous réaffirmions notre engagement pour ces valeurs communes. Je vous invite à le faire en appuyant ce projet de résolution.

LE PRÉSIDENT* - La discussion générale est close.

La commission a présenté un projet de résolution sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Nous allons procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13740.

Le projet de résolution est adopté (59 voix pour, 1 voix contre et 0 abstention).

2. L’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme :
la Déclaration de Brighton et au-delà

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Pozzo di Borgo, au nom de la commission des questions juridiques, sur « L’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme : la Déclaration de Brighton et au-delà » (Doc. 13719, Doc. 13719 + Addendum).

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de treize minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. POZZO DI BORGO (France), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme – Chers collègues, c’est avec un grand plaisir que je vous présente ce matin, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, notre rapport sur « L’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme : la Déclaration de Brighton et au-delà ».

Permettez-moi tout d’abord de noter que, vu l’importance que l’Assemblée accorde depuis plusieurs années au bon fonctionnement du système de la Convention européenne des droits de l’homme, il serait peut-être souhaitable de consacrer, lors d’une future partie de session, une discussion sur plusieurs rapports liés à l’avenir du système de la Convention et non pas sur un seul de ces rapports, comme c’est trop souvent le cas.

Comme vous le savez, le système de la Convention européenne se trouve, depuis plusieurs années, dans un processus de réforme. Tout récemment, une conférence de haut niveau intitulée « La mise en œuvre de la Convention européenne des droits de l’homme, notre responsabilité partagée », organisée dans le cadre de la présidence du Comité des Ministres actuellement assumée par la Belgique, a abouti à l’adoption de la Déclaration de Bruxelles le 27 mars. C’était la quatrième conférence de haut niveau consacrée à la réforme du système de la Convention, faisant suite à celles d’Interlaken (2010), d’Izmir (2011) et de Brighton (2012). 

Mon rapport couvre une série de sujets se rapportant spécifiquement à la suite donnée à la Déclaration de Brighton du 20 avril 2012. Il identifie également des domaines qui exigent, selon l’avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, que des mesures supplémentaires soient prises.

Le message fondamental de mon rapport est le suivant : diverses mesures ont été prises suite à la Déclaration de Brighton – notamment par la Cour de Strasbourg– afin de sauvegarder l’efficacité du système de la Convention. Malheureusement, les progrès réalisés au niveau de la Cour n’ont pas été suivis par des améliorations correspondantes au sein des parties contractantes à la Convention. Par conséquent, mon rapport conclut en soulignant la responsabilité des Etats parties de veiller à ce que la Convention soit effectivement appliquée à l’échelon national, dans le respect du principe de subsidiarité sur lequel repose le système de la Convention.

Dans le cadre de la préparation de mon rapport, j’ai organisé deux auditions devant la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, qui nous ont permis d’avoir un bon aperçu des divers sujets liés aux réformes en cours. Ainsi, j’ai suivi de près les travaux en cours au niveau intergouvernemental. Sur cette base, j’ai obtenu une image précise, tout du moins je l’espère, de la situation actuelle.

Tour d’abord, j’ai pu constater que les réformes mises en place au niveau de la Cour de Strasbourg, par exemple la politique de priorisation et le mécanisme du juge unique, produisent des effets positifs forts. Je me limiterai à mentionner que la Cour a su substantiellement réduire son arriéré d’affaires pendantes – de plus de moitié par rapport au début de janvier 2012, et tout en maintenant une grande qualité de raisonnement juridique. En outre, la Cour a fait des progrès remarquables dans la diffusion de sa jurisprudence et dans sa politique d’information. Je ne peux que féliciter la Cour pour ses réalisations en vue de garantir à long terme l’efficacité du système européen de protection des droits de l’homme.

C’est vrai que quelques défis subsistent – notamment celui de diminuer l’arriéré considérable des requêtes qui ne sont ni manifestement irrecevables, ni manifestement bien fondées – mais je suis convaincu que la Cour est sur la bonne voie pour les résoudre.

Ce qui m’inquiète plus profondément, c’est qu’il y a eu peu de progrès jusqu’ici au niveau des Etats parties. Je trouve cela déplorable, pour ne pas dire fondamentalement inacceptable – je vous demande d’excuser la force de mes mots –, parce que c’est à l’échelon domestique où se situent les lacunes principales et la cause des difficultés auxquelles la Cour doit faire face. Je voudrais en mentionner trois.

Premièrement, certains Etats parties n’ont pas résolu les problèmes systémiques et endémiques qui produisent un grand nombre de requêtes répétitives devant la Cour de Strasbourg. Ces Etats parties, principalement l’Italie, l’Ukraine, la Turquie, la Fédération de Russie, la Serbie, la Roumanie et le Royaume-Uni – qui ont tous plus de 1 000 affaires répétitives pendantes devant la Cour –, sont les principaux responsables de cette situation inadmissible.

Deuxièmement, les violations des droits de l’homme non résolues d’une nature particulièrement grave. Il est frappant que, sur une période d’un an, entre octobre 2013 et octobre 2014, la Cour a constaté des violations au regard des articles 2 (droit à la vie) et 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants) de la Convention européenne des droits de l’homme au titre de 23 Etats contractants, principalement la Fédération de Russie (130), la Turquie (82), la Roumanie (68), l’Ukraine (43), la République de Moldova (42), la Bulgarie (35) et la Grèce (30).

Troisièmement, la non-exécution des arrêts de la Cour, qui révèle un non-respect par certaines hautes parties contractantes de leurs obligations nées de la Convention. Cela pose un sérieux problème, qui sera examiné en détail dans le rapport de notre collègue, M. Klaas de Vries, sur la « Mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme », qui devrait être adopté par la commission des questions juridiques en juin prochain et qui sera débattu en plénière lors de la partie de session d’automne de l’Assemblée.

Je serai franc avec vous : les problèmes que j’identifie dans mon rapport et les conclusions que la commission en tire ne sont, pour la plupart, pas nouveaux dans nos débats. En fait, et pardonnez-moi une nouvelle fois pour les mots forts que j’emploie, il est lamentable de voir que si peu de progrès ont été accomplis à l’égard de certaines questions que notre Assemblée a identifiées comme méritant l’attention des Etats membres depuis longtemps. Bien que mon rapport examine en détail les rôles et responsabilités respectifs des institutions de Strasbourg dans le processus de réforme, il faut réaffirmer fortement, à mon avis, la responsabilité, en premier lieu, des Etats parties de remédier aux problèmes persistants.

II est donc d’une importance cruciale de s’assurer que les normes de la Convention sont fermement ancrées dans le droit interne des Etats membres. La mise en œuvre appropriée de la Convention au niveau national, ainsi que la mise en œuvre rapide et efficace des arrêts de la Cour, sont indispensables pour le bon fonctionnement du système. Dans le projet de résolution, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme souligne notamment le rôle des parlements nationaux dans ce contexte. Il est important d’offrir des formations appropriées aux professionnels du droit pour assurer la mise en œuvre effective de la Convention et de la jurisprudence de la Cour.

Finalement, mon rapport comporte aussi une section spécifique consacrée aux éventuels modèles alternatifs pour garantir la viabilité à plus long terme du système conventionnel. Certains ont avancé, à cet égard, que la Cour de Strasbourg devrait jouer un rôle plus constitutionnel, mais vous savez bien que l’Assemblée a toujours insisté sur l’importance du recours individuel – et je pense qu’il est important de la souligner une nouvelle fois. Dans mon rapport, j’ai donc mis l’accent sur la nécessité d’examiner la question de la manière de concilier les deux missions de la Cour : statuer sur les requêtes individuelles et assurer que la Convention continue à servir comme un instrument constitutionnel de l’ordre public européen.

À la lumière de ce bilan, le projet de résolution, que notre commission a adopté à l’unanimité au mois de décembre dernier, invite notamment les Etats membres à incorporer plus efficacement les normes de la Convention dans leur ordre juridique interne. De plus, il invite les parlements nationaux à s’engager plus en amont dans cette tâche, en particulier dans un contrôle quotidien de la compatibilité de leurs projets de loi avec la Convention, et à surveiller l’exécution des arrêts de la Cour par leur gouvernement.

En outre, la commission est convaincue qu’il serait utile que le Comité des Ministres adresse une recommandation aux Etats membres, afin qu’ils renforcent l’autorité de chose interprétée des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Cela est souligné par le projet de recommandation.

Une dernière question-clé – comme il est indiqué dans le projet de résolution – sera de remédier à la situation budgétaire difficile du Conseil de l’Europe. Nous avons eu une opportunité de discuter de cette question lors du débat conjoint sur le « Budget et priorités du Conseil de l’Europe pour l’exercice biennal 2016-2017 » et sur les «Dépenses de l’Assemblée parlementaire pour l’exercice biennal 2016- 2017 », mardi après-midi dernier. Le greffier de la Cour a expliqué, de manière convaincante, que l’allocation à la Cour d’un budget extraordinaire temporaire d’un montant total de 30 millions d’euros à partir de 2015-2016 permettrait de liquider une part substantielle de son arriéré de requêtes fondées. Le projet de recommandation invite donc le Comité des Ministres à réfléchir à l’octroi à la Cour d’un tel budget extraordinaire de façon temporaire.

C’est dans cet esprit que je sollicite votre soutien, mes chers collègues, pour l’adoption de notre projet de résolution et de notre projet de recommandation.

LE PRÉSIDENT – Monsieur le rapporteur. Il vous restera trois minutes pour répondre tout à l’heure aux orateurs.

(Poursuivant en anglais) Dans la discussion générale, la parole est d’abord aux orateurs s’exprimant au nom des groupes politiques.

M. HANŽEK (Slovénie), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – C’est un honneur que de pouvoir, au nom de la Gauche unitaire européenne, soutenir ce rapport. C’est un excellent document qui mérite de donner lieu à d’autres développements encore, notamment lorsqu’il s’agira de transposer ses recommandations par des mesures concrètes. La Cour européenne des droits de l’homme est l’une des institutions les plus importantes du Conseil de l’Europe, elle a un rôle essentiel de protection des droits de l’homme. La gamme des requêtes dont elle est saisie prouve l’importance que lui accorde la population européenne : beaucoup voient dans cette institution la dernière chance d’obtenir justice. Réduire son rôle décevrait considérablement un très grand nombre de personnes.

Ayant moi-même été médiateur des droits de l’homme en Slovénie, je connais parfaitement bien l’importance de ce mécanisme. Je connais bien aussi les difficultés auxquelles se heurte la Cour, notamment en raison du très grand nombre de requêtes dont elle est saisie. Je sais aussi quels progrès la Cour a réalisés au cours des cinquante dernières années. Malheureusement, les Etats membres n’ont pas toujours suivi, et cela explique un grand nombre des problèmes de la Cour. Il faut donc éviter toute mesure qui viserait à réduire les compétences de la Cour. Il faut, au contraire, mettre en œuvre des mesures qui permettront des procédures plus rapides. Cela rendra la justice plus juste encore, car une justice rendue avec retard est injuste. En outre, tous les arrêts de la Cour doivent avoir force obligatoire pour tous les membres du Conseil de l’Europe. C’est la raison pour laquelle la Gauche unitaire européenne est favorable à ce rapport.

Les ressources financières et les moyens humains de la Cour européenne des droits de l’homme doivent être renforcés, et des changements de structure doivent permettre aux juges de faire un travail plus efficace. Les Etats membres eux-mêmes doivent mieux protéger les droits de l’homme et leur système judiciaire.

Cependant, la tâche la plus difficile sera de persuader les décideurs politiques, dans les pays où les droits de l’homme sont violés, d’améliorer leur législation et de permettre un bon fonctionnement du système judiciaire, sans pression de la part des élites politiques. Dans bien des lieux, des hommes politiques condamnés, pour corruption ou pour d’autres crimes, sapent la réputation du pouvoir judiciaire. Ce faisant, ils compromettent l’efficacité de son action et affaiblissent son autorité, ce qui crée une défiance de la part des citoyens. Par exemple, l’ancien Premier ministre de la Slovénie, condamné pour corruption, a lancé avec son parti, avant que le verdict final ne soit confirmé, une campagne contre les juges, contre le pouvoir judiciaire. Il avait des partisans qui manifestaient tous les jours devant le tribunal. Ce type d’attaque politique contre les tribunaux compromet la confiance à l’égard du système judiciaire et accroît à terme le fardeau qui pèse sur la Cour européenne des droits de l’homme.

M. PALACIOS (Espagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Le Groupe du Parti populaire européen souhaite féliciter le rapporteur, M. Pozzo di Borgo, pour son excellent travail dans lequel il analyse l’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme et celle de la Déclaration de Brighton. Il va même au-delà en décrivant ce que doit être la Cour européenne des droits de l’homme.

Nous allons bientôt fêter le 65e anniversaire de la Cour européenne des droits de l’homme. C’est le moment idoine pour améliorer cette Cour qui est le joyau de la couronne de ce Conseil de l’Europe, qui examine les requêtes formulées par les individus contre leurs Etats. Il faut le faire pour qu’elle puisse mieux remplir son rôle, qui est de protéger les droits humains. En 2012, lorsque cette déclaration de Brighton a été approuvée, cette juridiction avait un arriéré de plus de 150 000 affaires, chiffre incroyable quand on songe que, chaque année, la Cour rend 1 157 arrêts et a déclaré irrecevables plus de 90 % des requêtes, soit plus de 50 000.

Depuis sa création, la Cour a montré son efficacité. Néanmoins, elle risque, en quelque sorte, de mourir de son succès si des mesures ne sont pas prises pour la rendre plus efficace. Tel est l’objectif de la Déclaration de Brighton, document qui a fait l’objet de consensus. Aucun changement substantiel n’affecte les critères de recevabilité, mais cette déclaration marque quand même un progrès important en ce qu’elle jette les bases de la réforme de la Cour. Elle permettra à celle-ci de mieux choisir les requêtes recevables, pour rejeter les requêtes considérées comme banales ou triviales.

L’objectif de cette déclaration est aussi de renforcer le dialogue entre le Conseil de l’Europe et les Etats membres, de façon à veiller que tout le monde mette bien en œuvre la Convention européenne des droits de l’homme. Cela permettra de réduire le nombre des affaires qui sera porté devant la Cour, d’autant que le nombre de requêtes répétitives présentées à la Cour est élevé. Elles sont le fait de pays qui n’ont pas encore introduit dans leur législation les réformes nécessaires pour adapter la Convention européenne des droits de l’homme ou qui n’ont pas mis en œuvre les arrêts rendus par la Cour. N’oublions pas que 27 % des requêtes proviennent d’un seul Etat et que la plupart des requêtes proviennent de dix des 47 Etats membres du Conseil de l'Europe.

Le projet de résolution insiste donc sur la nécessité pour la Cour de pouvoir se concentrer sur les affaires qui n’ont pas bien été considérées à l’échelle nationale. Au moment de rendre un arrêt, il faut tenir compte de la marge d’interprétation des tribunaux nationaux, mieux au fait des particularités nationales pour aborder certains problèmes, et appliquer le principe de subsidiarité. Ainsi, ces problèmes une fois résolus à l’échelle locale, la Cour européenne des droits de l’homme pourra se concentrer sur les cas des violations des droits de l’homme les plus graves.

Ce rapport rappelle l’existence de la Déclaration de Brighton et doit tous nous encourager, la Cour et les Etats membres, à mettre en œuvre tout ce qui est nécessaire à sa bonne application. Il s’agit de mettre en place un groupe de réflexion, largement représentatif, qui débattra de l’avenir à long terme de la Cour, dont les citoyens européens ont besoin pour que leurs droits soient protégés.

Monsieur Pozzo di Borgo, toutes nos félicitations encore une fois pour votre rapport que nous allons pleinement soutenir.

Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée, prend place au fauteuil présidentiel.

M. GROSS (Suisse), porte-parole du Groupe socialiste* – Monsieur Pozzo di Borgo, au nom de mon groupe, je vous remercie de votre rapport. Vous constatez très justement que les conférences consacrées au processus de réforme ont permis une plus grande efficacité de la Cour. C’est indéniable. Vous avez également raison de relever que ce sont les Etats membres avant tout qui doivent mieux faire leur travail. Mais, à l’occasion du présent débat, nous pouvons songer à d’autres aspects susceptibles d’améliorer l’efficacité.

Lorsqu’une personne doit attendre dix ou quinze ans pour obtenir gain de cause, peut-on encore parler d’efficacité de la justice ? C’est une question qui me préoccupe.

Par ailleurs, d’anciennes démocraties, compte tenu de la résurgence des nationalismes, commencent à remettre en cause le principe même de l’existence de la Cour. C’est le cas du Royaume-Uni ou de la Suisse, où des personnes contestent l’existence d’une instance judiciaire supranationale ; nombreux sont ceux qui affirment que le droit national devrait être l’instance de dernier recours, car celui-ci reflète l’expression des citoyens du pays. Or, le XXe siècle nous a appris que les majorités, parlementaires notamment, sont susceptibles de se tromper, et que le dernier mot ne doit par conséquent pas être laissé à des instances nationales. Le fait que ces Etats soient des îles – l’une une île géographiquement parlant, l’autre de par ses options politiques – n’est sans doute pas étranger à leur position. En tout cas, si ce raisonnement devait l’emporter, ce serait catastrophique car il ne faudrait pas que d’autres pays soient contaminés par cette vision erronée.

S’agissant de l’addendum, vous avez raison, Monsieur le rapporteur, de souligner qu’il est préoccupant que la Cour de Luxembourg ne veuille pas que l’Union européenne adhère à la Convention. Si un problème de préséance se pose, la Cour de justice pèse surtout, dans le cadre de l’Union européenne, d’un poids disproportionné, en l’absence de contrepoids à la Commission ou au Parlement. Actuellement, la Cour de Luxembourg défend une option qui est inacceptable, à savoir que le capital décide, et elle refuse de se placer éventuellement sous le contrôle d’une autre instance, car elle estime qu’une telle vision des choses bafoue les droits de l’homme. Il faudra faire preuve de beaucoup de détermination et être très persuasifs, y compris auprès des juges de Luxembourg. À ce sujet, d’ailleurs, je m’interroge sur la nécessité de rédiger un autre rapport !

Mme MATEU PI (Andorre), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – Mon groupe félicite vivement M. Pozzo di Borgo pour son excellent rapport et pour l’excellente idée de l’addendum.

Tout a été dit sur ce que le rapport met en exergue.

Monsieur Palacios et Monsieur Gross, évoquant la Déclaration de Brighton, vous avez rappelé qu’elle avait été précédée par la mise en cause de la Cour elle-même. C’est ainsi que la Déclaration de Brighton a introduit de nombreux éléments pour donner davantage de crédibilité à la Cour et pour contrecarrer des pays comme la Suisse ou le Royaume-Uni qui ne comprennent pas que des juges d’une Cour supranationale puissent contester les décisions de justice des Etats membres. J’irai même un peu plus loin en disant que l’avis de la Cour européenne de justice de Luxembourg du 18 décembre va dans ce sens. Elle se sent lésée à l’idée qu’une Cour supérieure pourrait contester ses arrêts et ses décisions. À ce titre, il convient d’être extrêmement vigilant. J’adhère donc à l’appréciation que fait le rapporteur dans l’addendum – je me félicite d’ailleurs de la Déclaration de Bruxelles qui fait suite à la Déclaration de Brighton.

Nous sommes satisfaits de constater que la Cour a mis en œuvre une partie des recommandations préconisées par la Déclaration de Brighton, à savoir un désengorgement de l’arriéré des recours ou une simplification des procédures internes. Mais je suis d’accord avec M. le rapporteur : nous constatons un déficit dans nos Etats membres. Si une partie a répondu à ses obligations, l’autre partie traîne les pieds à mettre en œuvre certaines décisions et certains protocoles, ce qui pourrait, comme l’a relevé M. Gross, conduire à un discrédit de la Cour s’agissant du recours individuel, qu’il convient de maintenir, tant il est vrai que la Cour est la seule organisation internationale au monde où l’on peut user du recours individuel. C’est notre joyau. M. Palacio a d’ailleurs parlé « du joyau de la couronne » et M. Pozzo di Borgo « du cœur de nos institutions ». Il faut donc protéger la Cour.

Enfin, l’application et l’exécution des arrêts doivent être suivies de près par les parlements nationaux.

Nous soutenons pleinement le rapport, la résolution et la recommandation.

M. RECORDON (Suisse) – On peut mesurer la valeur d’une Cour, telle que la Cour européenne des droits de l'homme, au degré auquel elle dérange les Etats membres. C’est dans la nature des choses et de l’équilibre des pouvoirs qu’une telle Cour soit mal vue. Il conviendrait cependant d’éviter que cela aille jusqu’au point que ces Etats perdent de vue leurs fondamentaux, et en particulier ceux que nous devons défendre ici, à savoir la primauté du droit, la démocratie et les droits de l'homme. Or le danger existe, non seulement à travers la tentative suisse qui, je l’espère, sera bloquée par le peuple, et par certaines velléités britanniques, mais également par un corporatisme fort mal venu de juges de la Cour de Luxembourg qui ne semblent s’apercevoir que la primauté du droit, c’est d’abord la primauté des droits de l'homme sur d’autres formes juridiques. L’avis qui bloque l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme traduit cette grave petitesse d’esprit. Le Conseil de l'Europe se doit là accomplir un effort important.

Le problème, c’est aussi le manque de sérieux – pour ne pas dire la désinvolture ou le mépris – dont font preuve un certain nombre d’Etats membres dans l’application des arrêts de la Cour et, de manière générale, dans le respect des droits humains. Je ne citerai aucun cas particulier, afin de ne pas rallumer la flamme des sempiternels débats nationalistes, mais vous comprendrez tous à quoi je fais allusion. D’ailleurs, même le très modéré Comité européen pour la prévention de la torture a dû nous alerter sur le manque de respect de ses propres recommandations et sur le manque de réponses à ses questions. J’en appelle là aussi à moins de tiédeur de la part de notre Assemblée et du Comité des Ministres à l’égard de ces manquements. Car l’érosion de l’esprit des droits de l'homme et de la démocratie commence à devenir un grave problème. Cela se manifeste notamment par des résultats électoraux particulièrement inquiétants dans différents pays – et dans le mien, occasionnellement.

Enfin, il faut que cette Cour soit dotée convenablement, afin qu’elle dispose des moyens de faire face aux requêtes qui sont justes ; en aucune façon, la résolution des problèmes d’intendance ne doit passer par la restriction des droits d’accès à la justice.

Mme KARAMANLI (France) – Je voudrais remercier Yves Pozzo di Borgo, pour son rapport à la fois complet quant aux enjeux identifiés et pratiques et aux solutions à apporter.

Il rappelle les enjeux suivants : au-delà d’une amélioration interne et limitée du fonctionnement de la Cour, les problèmes d’efficacité viennent d’affaires répétitives nées de la mauvaise protection des droits par les Etats eux-mêmes à raison de la non-prise en compte du sens des arrêts et de l’absence de modifications des législations nationales, d’une insuffisance de moyens et d’une nécessité de mieux articuler la protection apportée par la Cour avec les autres mécanismes juridictionnels existants. Nous ne pouvons que nous féliciter de cette approche.

Je voudrais aussi ajouter trois observations.

Depuis plusieurs années, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, s’efforce de contribuer à l’exécution effective des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. La comparaison avec ce que font d’autres Etats et le retard pris par l’Etat condamné par les décisions d’une juridiction à vocation internationale, peuvent et doivent aussi être des éléments de ce débat public. C’est ce que font plusieurs Etats.

Qu’en est-il par exemple en France aujourd’hui ? Les choses bougent. Après que j’ai proposé l’institution d’un rapport par l’Assemblée nationale, la commission des lois a accepté de pouvoir débattre d’un rapport fait par deux collègues – l’un de la majorité, l’autre de l’opposition – qu’elle a chargés de la veille européenne en son sein. Ce petit exemple tend à montrer que la démarche initiée par notre Assemblée progresse, peut être encore lentement mais sûrement.

Ma deuxième observation porte sur les moyens budgétaires en adéquation avec la charge de travail de la Cour. Je pense que les Etats peuvent et doivent faire un effort budgétaire significatif. Je note que l’Agence européenne des droits fondamentaux de l’Union européenne, dont le champ de couverture en termes d’Etats est quasi moitié moins grand que celui de la Cour européenne des droits de l'homme et dont l’apport à l’application est moins évident – seulement un tiers de ses dépenses sont des dépenses opérationnelles –, a un budget annuel du tiers de celui de la Cour. Un effort équivalent à celui des dépenses des seules fonctions support et soutien de cette Agence reviendrait à augmenter le budget de la Cour de près de 25 % !

Enfin ma troisième observation porte sur l’adhésion de l’Union européenne à la convention. La Cour de Justice de l’Union européenne a émis un avis négatif alors même que les 28 Etats de l’Union sont favorables à cette adhésion. Si la Cour de Justice se veut la gardienne fidèle des spécificités de l’Union, de nombreuses voix expertes se sont émues d’une vision défensive de celles-ci. Sont notamment visées une forme de défiance à l’égard des juridictions nationales et de la Cour Européenne à respecter un partage des compétences somme tout clair et un refus de voir la Cour européenne agir possiblement dans des domaines où la Cour de justice ne peut rien faire.

À l’aune de ces deux considérations, l’avis négatif apparaît établir une balance davantage favorable aux institutions qu’à la protection des droits humains.

Si l’on considère les trois points suivants : l’appropriation par les parlements nationaux et l’opinion publique des enjeux de l’application des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, le renforcement des moyens budgétaires et l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne, de réels progrès sont possibles si chacun entend faire prévaloir le renforcement de la protection des droits et la confiance entre institutions.

M. CORLĂŢEAN (Roumanie) – Je remercierai d’abord le rapporteur pour son excellent travail.

Il était nécessaire d’appeler l’attention de l’Assemblée parlementaire et, par conséquent, de transmettre un signal politique clair quant à la nécessité de soutenir le processus de réforme de la Cour européenne des droits de l'homme afin qu’elle soit pleinement fonctionnelle, mais aussi pour consolider son autorité.

Les Conférences d’Interlaken, d’Izmir et de Brighton et les décisions adoptées à cette occasion, ainsi que les Protocoles 15 et 16, sont des avancées nécessaires mais insuffisantes. Plusieurs mesures ont été prises au niveau du Comité des Ministres, des Etats membres et de la Cour. Les aspects budgétaires sont particulièrement importants.

La Conférence de Bruxelles, organisée par la présidence belge du Comité des Ministres, les 26 et 27 mars derniers, a adopté des décisions importantes : une déclaration, un plan d’action, un calendrier.

Je voudrais simplement faire ici référence à une proposition de la Présidence belge relative à la nécessité de motiver les décisions d’irrecevabilité rendues par un juge unique en refusant les demandes de renvoi, pour plus de transparence, aux éléments liés aux requêtes répétitives, aux problèmes structurels, aux affaires pilotes et, bien sûr, au principe de subsidiarité.

J’aimerais souligner très brièvement le point de vue de mon pays, la Roumanie, s’agissant de plusieurs éléments signalés par le rapporteur.

En ce qui concerne l’importance du rôle du Parlement national, une commission parlementaire spéciale est chargée chez nous, depuis plusieurs années, de contrôler l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Son activité s’est révélée tout à fait utile.

S’agissant notamment de la question complexe et délicate du dédommagement des propriétaires dont les biens ont été confisqués en vue des nationalisations pendant la période communiste, à la suite de l’arrêt pilote prononcé par la Cour dans l’affaire Maria Atanasiu, le Gouvernement a proposé et le Parlement a adopté en 2013 la loi 165 qui institue un nouveau mécanisme de dédommagement, qualifié de conforme à la Convention européenne des droits de l’homme par le Comité des Ministres comme par la Cour elle-même. En conséquence, des centaines d’affaires similaires ont été rayées du rôle de la Cour, une voie interne de recours efficace existant déjà dans mon pays.

La Roumanie a signé le Protocole 15 et devrait déposer d’ici quelques semaines l’instrument de ratification. Elle a également signé le Protocole 16.

S’agissant enfin de l’incorporation en droit interne des arrêts de la Cour et des dispositions de la Convention, elle se fait depuis déjà plusieurs années par des dispositions de la Constitution, par le système moniste que celle-ci consacre, mais aussi par la jurisprudence des cours nationales de justice, qui ont fondé leurs solutions tant sur la jurisprudence de la Cour que sur les dispositions de la Convention.

Je renouvelle mes félicitations au rapporteur, dont je partage les conclusions, y compris s’agissant de la nécessaire adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme.

Mme BLONDIN (France) – Je remercie à mon tour mon compatriote pour son rapport qui fait un point complet sur la situation de la Convention et de la Cour européenne des droits de l’homme – le « joyau du Conseil de l’Europe » selon l’expression de son ancien président, Jean-Paul Costa, dont je salue le travail.

Je voudrais axer mon propos sur deux questions qui me paraissent fondamentales.

La première porte sur les conséquences à tirer de l’avis que la Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 18 décembre dernier, sur le projet d’accord d’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. On le sait, cet avis, après avoir formulé de nombreuses critiques en droit sur ce projet d’accord, a conclu que celui-ci n’était pas compatible avec le traité sur l’Union européenne. Où en sont les négociations pour remettre le texte sur le métier ? On ne le sait pas. J’ai posé la question au Président du Comité des Ministres, sans en apprendre davantage. Je crains d’ailleurs que les négociateurs eux-mêmes ne se trouvent dans une impasse. Comme le reconnaît à juste titre notre rapporteur, les obstacles à l’adhésion recensés par la Cour sont nombreux et substantiels et ne seront guère faciles à surmonter, car il faudrait modifier les traités européens, ce que personne à Bruxelles n’envisage sérieusement de faire dans le climat actuel d’euroscepticisme.

Au-delà des difficultés juridiques, qu’il ne faut pas sous-estimer, le vrai problème est, me semble-t-il, de nature politique et pourrait se résumer de la façon suivante, en termes non diplomatiques : les juges de Luxembourg n’ont aucune envie de se soumettre aux décisions des juges de Strasbourg. Voilà, j’en ai peur, le fond du problème, comme l’a suggéré tout à l’heure Andy Gross. Il ne suffit pas de répéter à l’envi que l’adhésion est une obligation juridique pour qu’elle se réalise. Or nous avons trop souvent tendance à croire, y compris dans cette Assemblée, que nécessité fait loi.

Le second point de mon intervention concerne les attaques politiques contre la Cour de Strasbourg. Notre rapporteur le souligne également à juste titre, la Cour a accompli des progrès substantiels et rapides pour traiter le nombre impressionnant d’affaires qui lui sont déférées chaque année et a réussi à réduire considérablement son stock. Pourtant, et je le regrette, la Cour européenne des droits de l’homme fait l’objet d’une instrumentalisation politique qui n’honore pas ceux qui s’y livrent. On le voit au Royaume-Uni, on le voit aussi dans mon pays, où d’aucuns ont tout récemment proposé de renégocier les conditions de saisine et les compétences de la Cour, en particulier en ce qui concerne les questions relatives à la sécurité nationale et à la lutte contre le terrorisme.

Le droit de recours est le fondement du système juridictionnel de la Cour de Strasbourg. Quelle serait l’alternative à sa remise en cause ? Un traitement politique des affaires ? Bien sûr, il peut arriver que des décisions déplaisent à certains Etats – j’allais dire : tant mieux ! Le contraire signifierait que les décisions ne sont pas rendues de façon indépendante et impartiale.

La Convention européenne des droits de l’homme, que la Cour applique, n’a pas inventé les droits et libertés qu’elle proclame. Ceux-ci sont notre héritage séculaire commun, mis en œuvre de façon juridique. Faut-il renoncer au meilleur de ce qui fait l’Europe, ses valeurs, y compris dans la lutte contre le terrorisme ? Ce serait faire le jeu des terroristes.

Je suis bien consciente que des améliorations sont possibles et souhaitables. Je suis persuadée que bien des critiques disparaîtraient si certaines réformes étaient entreprises, en particulier en matière de sélection et d’élection des juges. La procédure actuelle n’est pas satisfaisante ; tout le monde le sait, mais peu le disent. Notre Assemblée a mis en place une commission spécifique. Espérons qu’elle permettra d’améliorer la situation. Il faudra procéder, le moment venu, à l’évaluation de son activité.

M. RUSTAMYAN (Arménie) – Comme l’a bien dit notre rapporteur, il est nécessaire de renforcer la mise en œuvre des normes de la Convention à l’échelon national et de favoriser l’exécution complète des arrêts de la Cour.

Les problèmes actuels qui menacent par ailleurs la durabilité du système concernent essentiellement l’harmonisation à deux niveaux : la cohérence des jurisprudences au niveau national et international, d’une part ; la cohérence des conventions, chartes et accords concernant les mêmes sujets, d’autre part.

Ce problème est particulièrement crucial quand il s’agit de la pénalisation des négationnistes de n’importe quel génocide. Plusieurs pays ont pénalisé le négationnisme concernant l’Holocauste des Juifs, le génocide arménien et d’autres génocides. Mais cela ne vaut pas au niveau international. La compatibilité des lois nationales en la matière et de la liberté d’expression découle de la cohérence entre deux conventions : la Convention européenne des droits de l’homme et la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Il faut également se laisser guider par la récente résolution du Parlement européen concernant le centième anniversaire du génocide arménien, laquelle souligne que la prévention en temps utile et la condamnation effective des génocides et des crimes contre l’humanité devraient figurer parmi les principales priorités de la communauté internationale et de l’Union européenne.

La définition du crime de génocide a été forgée par le juriste polonais Raphaël Lemkin qui, après avoir scrupuleusement examiné les grands massacres des Arméniens dans l’Empire ottoman, a qualifié ce crime comme « l’intention de détruire tout ou partie d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Cette définition a été reprise par la Cour pénale internationale.

Aussi le génocide est-il un crime spécifique : c’est un crime contre l’humanité et à ce titre imprescriptible. Par conséquent, la négation du génocide sape le processus de prévention, viole le droit des victimes à un procès équitable, crée la complicité avec le crime et doit être pénalisée.

L’année 2015 est celle de la commémoration de la prise de Phnom Penh il y a 40 ans, ouvrant la voie au génocide des Cambodgiens. C’est aussi l’année du 70e anniversaire de la libération des camps nazis. C’est enfin l’année du centenaire du génocide arménien. Jusqu’à présent, les négationnistes qui ont tenté de distordre la réalité historique ne sont pas parvenus à apporter la moindre réponse à la lancinante question de savoir « pourquoi ».

Aujourd’hui, 24 avril 2015, le monde civilisé rend hommage, avec l’Arménie, à la mémoire de 1,5 million de victimes du premier génocide du XXe siècle perpétré dans la Turquie ottomane. Au sein de notre Assemblée, presque 200 parlementaires provenant de 40 pays différents – y compris la Turquie – participent à cette commémoration et ont signé une déclaration écrite à cette occasion. Au nom de ma délégation, je remercie tous ces collègues et nous serons reconnaissants à l’égard de ceux qui les rejoindront.

Souvenons-nous et soyons exigeants !

Mme MORIN (Canada, observateur) – Je vous remercie, Madame la Présidente, de me permettre de m’adresser à nouveau à cette Assemblée pour aborder le sujet de l’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme au regard de la Déclaration de Brighton.

Je remercie également la commission des questions juridiques et des droits de l’homme pour son étude des mesures prises dans le cadre de la réforme du système de la Convention depuis l’adoption de la Déclaration de Brighton et particulièrement le rapporteur, M. Pozzo di Borgo, pour son rapport sur ce sujet.

Je rappellerai tout d’abord que c’est à titre d’Etat observateur que le Canada participe au Conseil de l’Europe. En effet, la délégation canadienne possède un statut d’observateur au Comité des Ministres et à l’Assemblée parlementaire.

Le Canada n’a donc pas adhéré à la Convention européenne des droits de l’homme puisque seuls les Etats membres du Conseil de l’Europe et ceux de l’Union européenne le peuvent. Néanmoins, bien qu’elle ne soit pas applicable directement en droit canadien, la Convention est utilisée par les tribunaux canadiens.

En effet, la Convention européenne des droits de l’homme est l’instrument juridique étranger le plus cité par la Cour suprême du Canada, notre tribunal de dernière instance, qui la cite davantage que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou que la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Ce recours privilégié à la Convention s’explique par le fait qu’il s’agit d’un des instruments ayant servi d’inspiration aux rédacteurs de la Charte canadienne des droits et libertés, qui fait partie intégrante de la Constitution canadienne depuis l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1982.

Après l’adoption de la Charte, les tribunaux canadiens ont d’ailleurs rapidement commencé à se référer à la jurisprudence européenne pour en interpréter les dispositions. À l’occasion, la Cour européenne des droits de l’homme a également fait référence à la jurisprudence de la Cour suprême du Canada dans son interprétation des dispositions de la Convention. Ainsi, les arrêts de la Cour suprême du Canada prennent en compte la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la cite et adopte son raisonnement dans de nombreuses affaires portant sur un vaste éventail de droits et de libertés.

Parmi les droits et libertés en cause dans ces arrêts de la Cour suprême qui citent la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme se trouvent notamment la liberté de religion, la liberté de la presse, l’accès à la justice et aux tribunaux, le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne confrontée à la détention arbitraire ou au châtiment corporel, ainsi que les droits de l’enfant.

Pour conclure, je joins ma voix à celle du rapporteur pour féliciter la Cour européenne des droits de l’homme pour les progrès réalisés dans la réduction de l’arriéré de requêtes pendantes, mais aussi dans l’accroissement de son efficacité, et pour encourager les Etats dans les efforts qui restent à déployer dans le cadre de la réforme du système de la Convention.

Les Canadiens continueront de suivre attentivement les démarches entourant le système de la Convention et je demeure convaincue que l’utilisation réciproque des instruments européens et canadiens en matière de droits de l’homme continuera à enrichir nos systèmes juridiques respectifs.

LA PRÉSIDENTE – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

Monsieur le rapporteur, il vous reste trois minutes.

M. POZZO DI BORGO (France), rapporteur – Je suis d’autant plus sensible au soutien exprimé par les porte-parole des groupes et à celui manifesté par les orateurs qui ont suivi que j’ai bien conscience de la qualité de leur réflexion.

Il est vrai, Monsieur Hanžek, que réduire de rôle de la CEDH, c’est un recul de la démocratie. Exercer une pression sur les Etats concernés pour contrarier ce risque et les autres est en effet une priorité.

Vous êtes une personnalité très écoutée, Monsieur Gross, et j’ai donc été très attentif à vos considérations sur le temps. En France comme dans de nombreux autres pays, l’efficacité de la justice reste un vrai problème.

Vous avez eu raison de souligner par ailleurs la montée en Europe de partis nationalistes qui contestent quelque peu ces institutions et je regrette l’importance croissante du repli sur soi qui tend à remettre en cause l’action de la CEDH.

J’ai apprécié l’intervention de M. Palacios. L’essentiel de ce qu’il propose se trouve du reste dans le rapport et nous sommes tout à fait d’accord pour renforcer l’exécution des arrêts de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme).

Madame Mateu Pi, M. Recordon, Mme Karamanli, M. Corlăţean, Mme Blondin ont fait allusion à l’adhésion de l’Union Européenne à la Convention. Je ne puis que rappeler la solution préconisée par l’Assemblée dans sa Recommandation 2060 de janvier 2015 sur la nécessité de résoudre les problèmes exposés par la Cour de Luxembourg et qui sont en cours d’examen par les institutions de l’Union Européenne. Nous attendons avec impatience les résultats de ces délibérations.

Reste que vous avez raison, Madame Blondin : il s’agit d’une décision politique, la Cour de Luxembourg se protégeant alors que, comme le rappelait Mme Mateu Pi, les 28 Etats étaient d’accord pour que l’Union européenne adhère à la CEDH.

Je m’inspirerai de l’action menée par Mme Karamanli au sein de l’Assemblée nationale française pour moi-même tâcher de faire bouger le Sénat.

Je suis d’accord avec M. Rustamyan sur la nécessité de renforcer la mise en œuvre des normes de la Convention à l’échelon national. Dans le paragraphe 8 du projet de résolution, nous proposons la ratification du Protocole additionnel n° 16 à la Convention pour permettre un dialogue juridictionnel avec les plus hautes juridictions des Etats concernés.

Je tiens à souligner combien j’ai été touché de ce que nos collègues d’Arménie et de Roumanie se soient exprimés dans un excellent français.

Avant de terminer, je souligne à quel point je suis sensible au souvenir des victimes du génocide arménien.

Enfin, je remercie ceux qui ont été l’âme de ce rapport, qui se sont employés à défendre ce joyau qui fait honneur à l’Europe qu’est la Cour européenne – exemple, Mme Morin l’a rappelé, pour d’autres pays –, Andrew Drzemczewski et Anne-Katrin Speck. Ils m’ont beaucoup aidé à rédiger ce rapport, comme ils l’ont fait pour d’autres rapports.

LA PRÉSIDENTE – Merci, Monsieur le rapporteur, pour votre travail, pour votre engagement. J’espère que nous pourrons continuer, avec l’aide de la Commission européenne, à trouver des solutions pour permettre à l’Union européenne d’appliquer la disposition du Traité de Lisbonne qui prévoit son adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme.

Monsieur le vice-président de la commission, vous disposez de deux minutes.

M. DİŞLİ (Turquie), vice-président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Je commencerai par féliciter à mon tour le rapporteur. Au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, je tiens également à rendre hommage à la contribution que la Cour européenne des droits de l’homme a apportée à la protection des droits de l’homme en Europe. À cet égard, la commission approuve la position prise par la Présidente, Mme Brasseur, lors de la récente conférence de haut niveau organisée par la présidence belge du Comité des Ministres, les 26 et 27 mars à Bruxelles : il est important d’insister sur la nécessité de mettre en œuvre de manière efficace la Convention européenne des droits de l’homme et sur notre responsabilité partagée pour ce qui est de veiller à ce que le succès extraordinaire que représente ce système des droits de l’homme soit maintenu et même renforcé. Autrement dit, il faut reconnaître clairement que le mécanisme de supervision de Strasbourg est subsidiaire et que c’est avant tout aux autorités nationales – à savoir les gouvernements, les tribunaux et les parlements – qu’il revient de garantir la protection efficace des droits de l’homme.

Je tiens à insister sur le rôle que nous, parlementaires, pouvons jouer, par exemple pour ce qui est d’améliorer l’efficacité des recours nationaux et d’étudier attentivement si notre législation est compatible avec les exigences de la Convention.

J’espère sincèrement, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, que les deux textes que nous soumettons à votre examen ce matin pourront être adoptés à l’unanimité par l’Assemblée, comme cela a été le cas en commission.

Pour finir, je voudrais dire à nos amis Arméniens qu’il n’y a pas eu seulement, au cours de l’histoire, la Turquie ottomane : il y a eu l’Empire ottoman et, depuis 1920, il n’y a plus que la Turquie.

LA PRÉSIDENTE – Aucun amendement n’a été déposé.

Nous allons donc procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13719.

Le projet de résolution est adopté à l’unanimité des 43 votants.

LA PRÉSIDENTE – Nous en venons au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 13719, sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté à l’unanimité des 41 votants.

3. Rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente (suite)

LA PRÉSIDENTE – Le Bureau a décidé de proposer à la ratification de l’Assemblée la saisine de plusieurs commissions. Un document récapitulant ces saisines a été mis en distribution (Doc. 13750 Addendum III).

Aux termes de l’article 26.3 du Règlement, ces saisines doivent être soumises à la ratification de l’Assemblée.

En l’absence d’opposition, ces saisines sont ratifiées.

LA PRÉSIDENTE - Nous devons maintenant nous prononcer sur les autres propositions du Bureau figurant dans son rapport d’activité contenues dans le Doc. 13750 Addendum III.

En l’absence d’opposition, l’Addendum III au rapport d’activité est approuvé.

4. Palmarès des meilleurs votants

LA PRÉSIDENTE – Comme d’habitude, avant de déclarer close la présente partie de la Session ordinaire de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe de 2015, je vous communique le palmarès des meilleurs votants.

Neuf parlementaires sont ex aequo. Voici, par ordre alphabétique, les parlementaires ayant le plus participé aux votes cette semaine : M. Borowski, Mme Christoffersen – toujours fidèle au poste –, M. Ghiletchi, M. Gross, M. Lavesson, Mme Mateu Pi, Mme Pallarés Cortés, M. Schennach, M. Senić.

Chers collègues, je vous félicite. Vous servez d’exemple à ceux de nos collègues qui sont moins assidus.

Comme le veut la tradition, nous allons vous remettre un petit présent. Étant donné que ce sont souvent les mêmes qui sont récompensés, il devient de plus en plus difficile pour notre Secrétaire général de choisir les cadeaux de manière à éviter que vous ne vous retrouviez avec une collection d’objets identiques du Conseil de l’Europe !

5. Clôture de la deuxième partie de la Session ordinaire de 2015

LA PRÉSIDENTE – Mes chers collègues, nous sommes arrivés au terme de nos travaux. Je remercie ceux d’entre vous qui sont encore ici, ainsi que tous les rapporteurs des commissions, qui ont accompli un travail considérable.

Je tiens également à remercier chaleureusement tous les vice-présidents qui ont mené les débats durant cette semaine : M. Flego, M. Giovagnoli, Mme Korenjak Kramar, M. Lund, M. Nikoloski, M. Rouquet, M. Wach, M. Walter. Je remercie aussi ceux qui m’avaient fait part de leur disponibilité pour me suppléer, même s’ils n’ont pas présidé de séance lors de cette partie de session.

Monsieur le Secrétaire général de l’Assemblée, je vous prie de bien vouloir transmettre tous nos remerciements à l’ensemble du personnel. Ils doivent travailler dans des conditions difficiles mais, pour nous, c’est un plaisir de travailler avec eux.

Je remercie également les interprètes pour leur compétence et leur aide précieuse.

J’informe l’Assemblée que la troisième partie de la Session ordinaire de 2015 se tiendra du 22 au 26 juin 2015.

Je déclare close la deuxième partie de la Session ordinaire de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pour 2015.

La séance est levée.

La séance est levée à 12 h 20.

SOMMAIRE

1. L’égalité et non-discrimination dans l’accès à la justice

Présentation par M. Badea du rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination (Doc. 13740)

Orateurs : Mme Werner, MM. Le Borgn’, Xuclà, Ghiletchi, Reiss, Mmes Magradze, MM. Šircelj, Golub, Mmes Gafarova, Morin, MM. Díaz Tejera, Sobolev.

Réponses de M. le rapporteur et de Mme Kovàcs, vice-présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination

Vote sur un projet de résolution

2. L’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme : la Déclaration de Brighton et au-delà

Présentation par M. Pozzo di Borgo, du rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (Doc. 13719 + Addendum)

Orateurs : MM. Hanžek, Palacios, Gross, Mme Mateu Pi, M. Recordon, Mme Karamanli, M. Corlăţean, Mme Blondin, M. Rustamyan, Mme Morin

Réponses de M. le rapporteur et de M. Dişli, vice-président de la commission des questions juridiques

Votes sur un projet de résolution et un projet de recommandation

3. Rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente (suite)

4. Palmarès des meilleurs votants

5. Clôture de la deuxième partie de la Session ordinaire de 2015

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d'un astérisque

Pedro AGRAMUNT*

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Brigitte ALLAIN*

Jean-Charles ALLAVENA*

Werner AMON*

Luise AMTSBERG*

Athanasia ANAGNOSTOPOULOU*

Liv Holm ANDERSEN*

Lord Donald ANDERSON*

Paride ANDREOLI/Gerardo Giovagnoli

Ben-Oni ARDELEAN

Khadija ARIB*

Volodymyr ARIEV*

Egemen BAĞIŞ*

Theodora BAKOYANNIS*

David BAKRADZE*

Gérard BAPT*

Doris BARNETT*

José Manuel BARREIRO*

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK/Gabriela Pecková

José María BENEYTO*

Deborah BERGAMINI*

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI*

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ/Nellija Kleinberga

Gülsün BİLGEHAN*

Brian BINLEY*

Ľuboš BLAHA*

Philippe BLANCHART*

Maryvonne BLONDIN

Jean-Marie BOCKEL/Yves Pozzo Di Borgo

Olga BORZOVA*

Mladen BOSIĆ*

António BRAGA*

Anne BRASSEUR

Alessandro BRATTI*

Piet De BRUYN*

Beata BUBLEWICZ*

Gerold BÜCHEL*

André BUGNON/Raphaël Comte

Natalia BURYKINA*

Nunzia CATALFO*

Elena CENTEMERO*

Irakli CHIKOVANI*

Vannino CHITI*

Christopher CHOPE*

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH

James CLAPPISON*

Igor CORMAN*

Telmo CORREIA*

Paolo CORSINI*

Carlos COSTA NEVES*

Celeste COSTANTINO*

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN*

Katalin CSÖBÖR*

Joseph DEBONO GRECH*

Reha DENEMEÇ

Alain DESTEXHE*

Manlio DI STEFANO*

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK*

Şaban DİŞLİ

Sergio DIVINA*

Aleksandra DJUROVIĆ*

Namik DOKLE*

Elvira DROBINSKI-WEIß*

Daphné DUMERY*

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON*

Josette DURRIEU*

Mustafa DZHEMILIEV*

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL*

Bernd FABRITIUS*

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA

Daniela FILIPIOVÁ*

Ute FINCKH-KRÄMER*

Axel E. FISCHER

Gvozden Srećko FLEGO*

Bernard FOURNIER*

Hans FRANKEN*

Béatrice FRESKO-ROLFO

Martin FRONC*

Sir Roger GALE*

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON*

Iryna GERASHCHENKO*

Tina GHASEMI/Boriana Åberg

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO*

Pavol GOGA*

Carlos Alberto GONÇALVES

Alina Ştefania GORGHIU*

Svetlana GORYACHEVA*

Sandro GOZI*

Fred de GRAAF*

François GROSDIDIER/André Reichardt

Andreas GROSS

Dzhema GROZDANOVA*

Mehmet Kasim GÜLPINAR*

Gergely GULYÁS*

Jonas GUNNARSSON/Lotta Johnsson Fornarve

Nazmi GÜR

Antonio GUTIÉRREZ/Jordi Xuclà

Maria GUZENINA*

Márton GYÖNGYÖSI*

Sabir HAJIYEV*

Margus HANSON*

Alfred HEER*

Michael HENNRICH*

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH*

Oleksii HONCHARENKO*

Jim HOOD*

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER*

Andrej HUNKO*

Ali HUSEYNLI/Sahiba Gafarova

Rafael HUSEYNOV*

Vitaly IGNATENKO*

Florin IORDACHE*

Tadeusz IWIŃSKI*

Denis JACQUAT/Frédéric Reiss

Gediminas JAKAVONIS*

Gordan JANDROKOVIĆ*

Tedo JAPARIDZE/Guguli Magradze

Michael Aastrup JENSEN*

Frank J. JENSSEN/Hans Fredrik Grøvan

Florina-Ruxandra JIPA/Viorel Riceard Badea

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ/Stefana Miladinović

Josip JURATOVIC*

Antti KAIKKONEN*

Mustafa KARADAYI*

Marietta KARAMANLI

Niklas KARLSSON*

Andreja KATIČ/Matjaž Hanžek

Vasiliki KATRIVANOU*

Ioanneta KAVVADIA

Charles KENNEDY*

Tinatin KHIDASHELI*

Danail KIRILOV*

Bogdan KLICH*

Haluk KOÇ*

Igor KOLMAN*

Željko KOMŠIĆ*

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR*

Ksenija KORENJAK KRAMAR*

Attila KORODI*

Alev KORUN*

Rom KOSTŘICA/Pavel Holík

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX*

Borjana KRIŠTO*

Julia KRONLID*

Marek KRZĄKAŁA*

Zviad KVATCHANTIRADZE*

Athina KYRIAKIDOU*

Serhiy LABAZIUK*

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON

Pierre-Yves LE BORGN’

Jean-Yves LE DÉAUT*

Igor LEBEDEV*

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN*

Inese LĪBIŅA-EGNERE/Boriss Cilevičs

Georgii LOGVYNSKYI

François LONCLE*

George LOUKAIDES*

Yuliya L'OVOCHKINA*

Jacob LUND*

Trine Pertou MACH*

Philippe MAHOUX*

Thierry MARIANI*

Soňa MARKOVÁ/Ivana Dobešová

Milica MARKOVIĆ*

Meritxell MATEU PI

Ana MATO*

Pirkko MATTILA*

Frano MATUŠIĆ*

Liliane MAURY PASQUIER/Eric Voruz

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE*

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Evangelos MEIMARAKIS*

Ivan MELNIKOV*

Ana Catarina MENDES*

Attila MESTERHÁZY*

Jean-Claude MIGNON*

Philipp MIßFELDER*

Olivia MITCHELL*

Igor MOROZOV*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK*

Melita MULIĆ*

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Hermine NAGHDALYAN/Armen Rustamyan

Piotr NAIMSKI*

Sergey NARYSHKIN*

Marian NEACŞU/Titus Corlăţean

Andrei NEGUTA

Zsolt NÉMETH/Jenő Manninger

Miroslav NENUTIL

Baroness Emma NICHOLSON*

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI*

Marija OBRADOVIĆ*

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON*

Joseph O'REILLY*

Maciej ORZECHOWSKI*

Sandra OSBORNE*

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI

Judith PALLARÉS CORTÉS

Ganira PASHAYEVA*

Florin Costin PÂSLARU

Waldemar PAWLAK/Marek Borowski

Vladimir PLIGIN*

Cezar Florin PREDA*

John PRESCOTT*

Gabino PUCHE*

Alexey PUSHKOV*

Carmen QUINTANILLA*

Mailis REPS*

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE/André Schneider

Soraya RODRÍGUEZ*

Alexander ROMANOVICH*

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET*

Rovshan RZAYEV*

Indrek SAAR*

Àlex SÁEZ

Vincenzo SANTANGELO*

Milena SANTERINI*

Kimmo SASI*

Nadiia SAVCHENKO/Boryslav Bereza

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE*

Urs SCHWALLER/Luc Recordon

Salvador SEDÓ*

Predrag SEKULIĆ*

Ömer SELVİ

Aleksandar SENIĆ

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN*

Bernd SIEBERT*

Valeri SIMEONOV*

Andrej ŠIRCELJ

Arturas SKARDŽIUS*

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK*

Lorella STEFANELLI*

Yanaki STOILOV*

Karin STRENZ*

Ionuţ-Marian STROE*

Valeriy SUDARENKOV*

Krzysztof SZCZERSKI/Andrzej Jaworski

Damien THIÉRY*

Lord John E. TOMLINSON

Antoni TRENCHEV*

Goran TUPONJA*

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ*

Tuğrul TÜRKEŞ*

Theodora TZAKRI*

Ilyas UMAKHANOV*

Dana VÁHALOVÁ

Snorre Serigstad VALEN*

Petrit VASILI*

Imre VEJKEY*

Stefaan VERCAMER*

Mark VERHEIJEN*

Birutė VĖSAITĖ*

Anne-Mari VIROLAINEN*

Dimitris VITSAS

Vladimir VORONIN*

Viktor VOVK

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ*

Draginja VUKSANOVIĆ*

Piotr WACH

Robert WALTER*

Dame Angela WATKINSON*

Tom WATSON*

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER

Morten WOLD/Ingebjørg Godskesen

Gisela WURM*

Maciej WYDRZYŃSKI

Leonid YEMETS/ Vladyslav Golub

Tobias ZECH*

Kristýna ZELIENKOVÁ*

Sergey ZHELEZNYAK*

Marie-Jo ZIMMERMANN*

Emanuelis ZINGERIS*

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN/Vahan Babayan

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, ''L'ex-République yougoslave de Macédoine''*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

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Observateurs

Marie-Claude MORIN

Partenaires pour la démocratie

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