FR15CR21ADD1

AS (2015) CR 21
Addendum 1

SESSION ORDINAIRE DE 2015

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(Troisième partie)

COMPTE RENDU

de la vingt et unième séance

Mardi 23 juin 2015 à 10 heures

Réponses écrites aux questions adressées à M. Ban Ki-moon

1.       M. ARIEV (Ukraine, PPE/DC) – Monsieur le Secrétaire général, que pensez-vous de la possibilité d’envoyer une force de maintien de la paix en Ukraine et quelle était la raison de votre présence à la parade militaire de la Fédération de Russie, qui est l’auteur d’une agression contre l’Ukraine, un autre Etat membre des Nations Unies ?

Une décision du Conseil de sécurité est nécessaire pour déployer une force onusienne de maintien de la paix. Par conséquent, ce sont les membres du Conseil de Sécurité qui orientent mon action. Or, jusqu’ici, rien n’indique que le Conseil de sécurité est prêt à envisager une mission de maintien de la paix en Ukraine.

On ne peut pas oublier les contributions et sacrifices considérables consentis pendant la seconde guerre mondiale par la Fédération de Russie, dont les pertes humaines se chiffrent en millions. En ma qualité de Secrétaire Général des Nations Unies, j’ai assisté aux commémorations de la seconde guerre mondiale à Moscou, après avoir assisté à des cérémonies similaires à Gdansk et à Kiev pour rendre hommage aux innombrables victimes de cette guerre sur tous les théâtres d’opération. Je me suis associé aux commémorations par solidarité avec l’ensemble des pays et j’ai salué notamment leurs anciens combattants qui ont contribué à mettre fin à cette guerre sanglante. J’ai, à cette occasion, insisté sur le message de paix et la nécessité de mettre un terme au conflit en Ukraine au cours des trois étapes de ma visite de mai dans la région.

2.       M. BENSAID (Maroc) – Monsieur le Secrétaire général, dans moins de 40 ans, un être humain sur quatre sera africain. Il est clair que la réforme globale du système des Nations Unies doit permettre à l’Afrique de prendre toute sa place au sein de l’organe exécutif qu’est le Conseil de sécurité, à travers l’octroi, parmi les membres permanents qui y siègent, de places représentatives du poids de ce continent dans le monde. Qu’en est-il ?

La réforme du Conseil de sécurité est une prérogative des Etats membres. Néanmoins, j’ai bon espoir que de notables progrès seront possibles au cours de l’actuelle session de l’Assemblée générale. Il importe de faire du Conseil un organisme plus largement représentatif, transparent et comptable de ses actes. Les efforts déployés actuellement par les pays africains pour réformer le Conseil de sécurité sont les bienvenus et je les encourage à continuer de participer activement aux négociations de l’Assemblée générale.

3.       M. DE BRUYN (Belgique, NI) – Monsieur le Secrétaire général, dans de nombreux pays d’Europe, nous avons récemment observé des évolutions très positives concernant les droits des personnes LGBT. En revanche, dans d’autres pays, malheureusement, nous constatons un recul, marqué par l’introduction de lois restreignant la liberté d’expression sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Dans la plupart des pays, les personnes transgenres sont encore contraintes de se faire stériliser avant toute reconnaissance juridique du genre. Selon vous, les droits humains s’appliquent-ils partout de la même manière aux personnes LGBT ? Quelles sont les obligations des Etats en la matière, et plus particulièrement du Conseil de l’Europe ?

La Déclaration universelle des droits de l’homme énonce sans ambiguïté que « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». Tout un chacun, y compris les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, doit pouvoir jouir des mêmes droits fondamentaux et tous les Etats ont l’obligation de protéger et de respecter ces droits ainsi que d’en assurer l’exercice sans discrimination, ni restrictions arbitraires.

Comme je l’ai affirmé à maintes reprises, l’indignité et les mauvais traitements infligés à des membres de la communauté LGBT sont un outrage, un affront aux valeurs des Nations Unies et à l’idée même de droits humains universels. J’estime que le combat pour y mettre fin est une grande cause à défendre au même titre que la lutte contre la discrimination prenant pour cible les femmes ou fondée sur la race. Je suis un militant de la campagne « Libres et égaux » du Haut-Commissariat aux droits de l’homme qui s’efforce de sensibiliser l’opinion à la violence et à la discrimination contre les personnes LGBT, de promouvoir l’égalité de traitement et de susciter l’adhésion aux mesures de protection de leurs droits. J’ai, pour ma part, déjà pris des dispositions au sein de l’Organisation des Nations Unies elle-même pour garantir à son personnel LGBT l’égalité des droits en veillant à ce que les agents ayant contracté mariage avec une personne de même sexe bénéficient pleinement des prestations y afférentes, que le pays dont ils sont ressortissants reconnaisse ou non l’égalité devant l’union conjugale.

Dans le monde entier, y compris en Europe, nous avons constaté des évolutions positives, certains Etats ayant renforcé les mesures destinées à réduire la violence et la discrimination auxquelles sont en butte les personnes LGBT et intersexuées. En même temps, dans toutes les régions du monde, de nombreuses et graves violations des droits humains continuent d’être perpétrées sur la base de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre et laissées trop souvent impunies. Les organes onusiens de défense des droits de l’homme ont mis en avant, à cet égard, cinq obligations clés qui s’appliquent également à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe : combattre la violence homophobe et transphobe ; empêcher que les personnes LGBT et intersexuées ne soient soumises à la torture ou à de mauvais traitements ; abroger les lois discriminatoires ; interdire et combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre ; défendre le droit des personnes LGBT et intersexuées à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association. Les lois, règlements et politiques de tous les Etats devraient ainsi garantir que la castration ou les processus entraînant la stérilité ne soient pas une condition préalable à la reconnaissance juridique du sexe/genre préféré de la personne concernée. Les Etats devraient, en effet, reconnaître juridiquement le genre préféré des personnes transgenres sans imposer de conditions préalables abusives comme la stérilisation, un traitement obligatoire ou le divorce. Le récent rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’homme formule des recommandations plus précises (A/HRC/29/23).

4.       Mme DE SUTTER (Belgique, SOC) – Monsieur le Secrétaire général, bien que les Objectifs du millénaire pour le développement aient accordé une grande attention à la protection et à l’autonomisation des femmes et des filles, ils n’ont que partiellement été atteints. Partout dans le monde, les femmes continuent d’être en butte à la discrimination et à la violence ; elles sont, en outre, les premières victimes du changement climatique et des migrations. Nous en sommes actuellement aux négociations finales des nouveaux objectifs de développement durable. Comment peuvent-ils ou devraient-ils, selon vous, garantir la protection des droits des femmes de manière plus contraignante que ce qui est actuellement en train d’être négocié ?

J’attache une grande importance à la protection et à l’autonomisation des femmes et des filles et je reconnais que l’inégalité entre les sexes est une forme très répandue d’inégalité dans le monde entier. Réaliser l’égalité des genres exige un engagement des femmes comme des hommes, des filles comme des garçons, et incombe à toutes les parties prenantes. Des changements transformatifs en matière de lois, de normes sociales, d’institutions sociales et de politiques publiques s’imposent. Il faut modifier les rôles respectifs des hommes et des femmes ainsi que leurs relations. Il nous faut progresser vers l’égalité des genres afin d’assurer un exercice effectif des droits humains, créer et maintenir des sociétés pacifiques.

Les OMD ont sauvé la vie de millions de personnes et amélioré la situation de millions d’autres de par le monde. Le rapport de 2015 sur les OMD confirme que, par rapport à la situation d’il y a 25 ans, un nombre beaucoup plus élevé de filles sont à présent scolarisées. La proportion moyenne des femmes au parlement a presque doublé pendant la même période, même si un parlementaire sur cinq seulement est une femme. Depuis 1990, le taux de mortalité maternelle a quasiment baissé de moitié dans le monde et l’essentiel de cette réduction a eu lieu depuis l’an 20001.

Lorsqu’elles cherchent à émigrer, les femmes et les filles tombent souvent entre les mains de trafiquants sans scrupules qui les soumettent à une exploitation sexuelle. Le Protocole additionnel [à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée] visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, datant de l’an 2000 et ratifié par 167 Etats, est l’un de nos instruments internationaux les plus efficaces pour combattre ce crime odieux, engager des poursuites contre les responsables et protéger les victimes. L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, basé à Vienne, travaille sans relâche avec les Etats membres pour intégrer le protocole dans le droit national. S’agissant de promouvoir une protection accrue et de combattre la discrimination contre les femmes et les filles migrantes avant, pendant et après leur migration, le rôle de la société civile est essentiel.

Je suis très satisfait du fait que l’agenda de développement post-2015 proposé, notamment l’ODD n°5, comporte des engagements fermes concernant l’égalité des genres et l’autonomisation de toutes les femmes et filles. Je crois que les ODD seront atteints car ils s’appuient sur les enseignements tirés des OMD et s’attaquent directement aux fondements structurels de l’inégalité des genres. En outre, l’ODD n° 5 jouit d’un grand soutien de la part de plusieurs Etats membres et la question transversale de l’inégalité des genres a été intégrée dans l’ensemble de la proposition du Groupe de travail ouvert.

Les responsables politiques devraient élaborer des politiques macroéconomiques qui réduisent les inégalités de revenus, permettent à tous de trouver un travail décent, réglementent le marché du travail et les politiques de l’emploi, offrent une protection sociale aux femmes et ainsi facilitent l’exercice par les femmes de leurs droits sociaux et économiques. Il faut aussi mettre les cadres juridiques et politiques en conformité avec les normes internationales en matière de droits de l’homme, éliminer les discriminations fondées sur le sexe/genre et faciliter l’accès des femmes à la justice et leur autonomisation juridique. En outre, les politiques relatives à l’environnement et au climat devraient permettre une participation active et équitable des femmes à la gouvernance et aux processus décisionnels et favoriser leur accès aux ressources naturelles ainsi qu’au partage des bénéfices tirés de l’exploitation durable de la biodiversité.

Il importe que les engagements des ODD comportent des références à la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux traités internationaux en la matière qui, bien sûr, englobent la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Les Etats membres sont aussi censés s’engager à assurer le suivi et l’évaluation systématique de la mise en œuvre de l’Agenda au cours des quinze prochaines années. Un cadre de suivi et d’évaluation solide, non contraignant, efficace, participatif, transparent et intégré constituera une contribution essentielle à la mise en œuvre de l’Agenda et aidera les Etats à optimiser et à suivre les progrès de cette mise en œuvre afin de s’assurer que personne n’est laissé pour compte.

5.       M. DIVINA (Italie, NI) – Monsieur le Secrétaire général, considérant

- que l’Italie est confrontée au plus grand phénomène migratoire des siècles derniers ;

- que le nombre excessif de migrants suscite des réactions de fermeture et des phénomènes d’intolérance car il est perçu comme une agression culturelle ;

- que l’Italie n’arrive plus à faire face à la charge que représente la présence d’un nombre chaque jour accru de migrants ;

- qu’aux postes-frontières des Alpes, tant la France que la Suisse et l’Autriche refoulent systématiquement les migrants ;

- qu’aucune aide n’a été apportée à l’Italie que ce soit par les Nations Unies ou par l’Union européenne,

pourquoi les Nations Unies ne prennent-elles pas concrètement en main une situation qui est désormais devenue insoutenable ?

Le sort des migrants et des réfugiés dans le contexte de la crise récente en Méditerranée et ailleurs dans le monde représente une tragédie humaine. Tous ceux qui fuient les conflits et les persécutions devraient bénéficier d’une protection dans un environnement sûr. Les politiques migratoires devraient être fondées sur des principes et des données probantes et partir du postulat selon lequel tous les migrants, quel que soit leur statut juridique, la façon dont ils arrivent aux frontières ou le lieu d’où ils viennent, doivent pouvoir jouir de leurs droits fondamentaux, conformément au droit international. En vertu précisément du droit international, il est interdit aux Etats de renvoyer les réfugiés dans des pays ou territoires où ils risquent de perdre la vie ou la liberté à cause de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social particulier ou de leurs opinions politiques.

Je partage votre inquiétude concernant la montée de la xénophobie, de la discrimination et de l’intolérance auxquelles sont en butte les migrants et leur famille. Nous devons créer un environnement politique qui nous permette de traiter durablement ce problème. Les responsables politiques et les parlementaires notamment jouent un rôle important dans la création d’un tel environnement. Je suis conscient des difficultés que rencontrent les pays touchés par l’accroissement des migrations, parmi lesquels l’Italie. J’ai appelé la communauté internationale, y compris au cours de ma visite en Italie en avril dernier, à faire preuve de solidarité et à se répartir la charge car aucun pays ne peut, à lui seul, relever ces défis. Comme je l’ai souligné à maintes reprises, il nous faut trouver une réponse globale, systémique et fondée sur les droits, notamment en nous attaquant aux causes profondes grâce à la promotion du développement durable, à la protection des migrants et des réfugiés conformément au droit international et à l’adoption de mesures destinées à créer des filières migratoires sûres, régulières et organisées. J’espère que le Conseil de l’Europe, dont son Assemblée parlementaire, ainsi que les parlements nationaux soutiendront fermement une action fondée sur les droits.

Le système onusien et moi-même attachons la plus grande importance à cette question. Par l’intermédiaire du Secrétariat et des agences, fonds et programmes onusiens comme le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, le Programme des Nations Unies pour le développement, mon Représentant spécial pour les Migrations et le Développement et beaucoup d’autres, l’Organisation soutient les initiatives prises par les gouvernements et les parlements nationaux ainsi que par les organisations internationales régionales et autres comme le Conseil de l’Europe pour traiter cette question complexe et multiforme non seulement en Europe mais aussi dans le monde entier.

Je me félicite de l’organisation par l’Union européenne et l’Union africaine d’un Sommet spécial sur la question des migrations les 11 et 12 novembre 2015, à Malte. C’est un bon exemple de coopération étroite entre l’UE et l’Afrique, dont les Etats parties aux processus de Khartoum et de Rabat, sur les défis et opportunités engendrés par les migrations.

6.       M. EL OUAFI (Maroc) – Monsieur le Secrétaire général, vu les traités de Genève de 1951 relatifs au recensement des réfugiés et considérant :

- que Tindouf est le seul camp de réfugiés au monde soumis non pas aux lois du pays d’accueil (l’Algérie), mais aux «non-lois» du groupe séparatiste qu’est le Polisario ;

- que ces réfugiés de Tindouf sont privés de leurs droits élémentaires, notamment du droit de se déplacer et de quitter les camps de réfugiés, de retourner chez eux ou de se rendre dans un pays tiers ;

- que des milliers de femmes âgées et d’enfants vivent dans des conditions inhumaines, sans aucun droit, et sont privés de la possibilité de retrouver leur famille ou de rentrer chez eux,

envisagez-vous de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’enregistrement immédiat des réfugiés dans les camps de Tindouf ?

Dans mon dernier rapport adressé le 10 avril 2015 au Conseil de sécurité sur la situation du Sahara occidental, j’ai fait état de questions persistantes concernant le nombre de réfugiés ayant besoin d’une assistance, en soulignant la nécessité d’assurer l’enregistrement de la population réfugiée. En principe, la responsabilité d’enregistrer ces personnes incombe au gouvernement hôte ; le HCR poursuit le dialogue avec les autorités algériennes sur cette question et a proposé ses conseils techniques et son expertise en matière d’enregistrement.

Dans ce contexte, j’ai exhorté la communauté internationale à fournir d’urgence des fonds supplémentaires au HCR. Depuis lors, la situation humanitaire reste très préoccupante et j’appelle tous les donateurs à accroître leur aide aux réfugiés, y compris au HCR et au Programme alimentaire mondial. Les conditions de vie dans les camps de réfugiés ne font que souligner la nécessité d’une solution politique mutuellement acceptable permettant l’autodétermination de la population du Sahara occidental, comme l’ont demandé à maintes reprises les résolutions successives du Conseil de sécurité. Contrairement aux allégations relatives aux violations des droits des réfugiés, concernant en particulier la possibilité de quitter les camps, les réfugiés sahraouis ne sont soumis à aucune mesure restreignant leur déplacement si ce n’est qu’ils n’ont pas les moyens de se déplacer.

7.       M. GHILETCHI (République de Moldova, PPE/DC) – Monsieur le Secrétaire général, le 29 janvier 2015, cette Assemblée parlementaire a adopté presque à l’unanimité une résolution intitulée « Combattre l’intolérance et la discrimination en Europe, notamment lorsqu’elles visent des chrétiens ». Compte tenu du nombre croissant d’actes d’hostilité, de violence et de discrimination à l’égard de chrétiens, je souhaiterais vous demander ce que fait l’ONU pour défendre la liberté de religion et garantir la jouissance effective de la liberté de conviction ainsi que la pleine participation des chrétiens à la vie publique, dont la protection des valeurs morales essentielles touchant notamment au mariage et à la dignité de la vie ?

Les Nations Unies s’emploient activement à promouvoir, et coopèrent avec les Etats et d’autres acteurs pour protéger, le droit humain fondamental que représente la liberté de religion ou de conviction pour tous et condamnent les persécutions contre des individus ou des groupes de toute confession ou conviction. Soutenu par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction est chargé par le Conseil des droits de l’homme de recenser les obstacles anciens ou nouveaux à la jouissance du droit à la liberté de religion ou de conviction et de soumettre des recommandations sur les moyens de les surmonter par l’intermédiaire de ses rapports intérimaires et annuels ou de ses visites dans les différents pays. En outre, les Nations Unies s’assurent le concours de différents acteurs et partenaires pour combattre l’intolérance et l’incitation à la haine.

Il importe de ne pas confondre les violations de la liberté de religion ou de conviction avec l’érosion de certaines valeurs familiales chrétiennes, par exemple sur les questions relatives aux LGBT. En même temps, il est indéniable que les chrétiens conservateurs se heurtent parfois à un climat d’hostilité sociale en Europe occidentale. La laïcité doctrinale est aussi devenue une attitude majoritaire dans certaines régions européennes et engendre de nouvelles formes d’étroitesse d’esprit et de malentendus, même si le seuil au-delà duquel il y a violation grave de la liberté de religion ou de conviction n’est pas franchi. Les Nations Unies prônent le renforcement du dialogue et la promotion de la tolérance et du respect de la diversité religieuse dans la société afin de battre en brèche les stéréotypes et de favoriser, parmi divers groupes de population, une meilleure compréhension des attitudes et préoccupations de chacun.

8.       M. LE BORGN’ (France, SOC) – Monsieur le Secrétaire général, quelles sont les parties du monde les plus directement touchées à ce jour par les migrations climatiques et que peuvent faire les Nations Unies pour venir en aide aux populations concernées ?

Tous les pays sont exposés à des catastrophes extrêmes (inondations soudaines, sécheresses prolongées, violents ouragans et cyclones). Parmi les régions du monde où la dégradation de la situation environnementale et climatique pourrait plus particulièrement entraîner des migrations, il faut citer : la région du Sahel, certaines régions d’Afrique occidentale dont le Sénégal, l’Asie du Sud (le Bangladesh mais aussi le Népal et des pays touchés par la fonte des glaciers de l’Himalaya) ainsi que certaines régions d’Amérique du Sud dont l’approvisionnement en eau douce dépend des glaciers andins.

L’Asie regroupe 60 % de la population mondiale mais représentait, en 2014, 87 % des personnes déplacées à cause de catastrophes à l’échelon mondial. 16,7 millions d’individus ont été contraints à l’exil dans la région. Onze des vingt pays les plus touchés par les déplacements de population au cours des sept dernières années se trouvent en Asie. L’Europe a connu, en 2014, le doublement de son niveau moyen de déplacement au cours des sept dernières années, soit 190 000 personnes déplacées, pour la plupart d’entre elles à cause d’inondations dans les Balkans et en Hongrie.

Les pays en développement sont constamment les plus touchés, soit presque 175 millions de personnes déplacées depuis 2008, ce qui représente 95 % du total mondial. Pour 2014, le chiffre s’élevait à 17,4 millions, soit 91 % du total mondial.

Nous sommes à un tournant. Il importe de veiller à ce que la mobilité humaine soit prise en compte par les processus politiques majeurs comme les Objectifs de développement durable, le cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, le processus de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et les travaux préparatoires au Sommet humanitaire mondial de 2016. Chacun de ces processus peut offrir des instruments pour aider les populations vulnérables.

Les agences des Nations Unies peuvent jouer un rôle de catalyseur et de coordinateur dans un grand nombre de domaines en rapport avec les déplacements dus à des catastrophes et aux changements climatiques, dont la protection des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, la réduction des risques de catastrophe, l’adaptation aux changements climatiques et le renforcement de la résilience. Le HCR, par exemple, coordonne un Groupe consultatif sur les changements climatiques et la mobilité humaine qui fournit aux Etats parties au processus des données scientifiques tirées des recherches les plus récentes. Les agences des Nations Unies apportent aussi leur concours en recensant les personnes risquant d’être déplacées, en renforçant les systèmes d’alerte précoce, en prenant des mesures de transfert des risques et de protection sociale et en favorisant la cohérence et la complémentarité entre les initiatives des Etats et des organisations multilatérales.

9.       M. NEGUTA (République de Moldova, SOC) – Monsieur le Secrétaire général, les pays de l’Europe de l’Est ont beaucoup de problèmes. L’élection aux fonctions de Secrétaire général de l’ONU en 2016 d’un responsable politique originaire d’un de ces pays insufflerait un certain optimisme aux citoyens et constituerait une rotation appropriée. Quelles en sont les chances ?

Le choix du prochain Secrétaire général des Nations Unies revient aux Etats membres de l’Organisation.

Monsieur le Secrétaire général, un article de la Constitution de la République de Moldova proclame sa neutralité permanente. Il est appliqué depuis vingt ans déjà mais ne fait pas encore l’objet d’une réelle reconnaissance. Beaucoup de forces politiques, dont le Parti des Socialistes que je représente, estiment qu’il faut adopter une loi organique pour donner une plus grande portée à ce statut de neutralité permanente. Vu que nous avons besoin du soutien de l’ONU pour atteindre ce but, pouvons-nous compter sur le soutien de l’Organisation que vous représentez et croyez-vous que la République de Moldova puisse obtenir la reconnaissance de son statut de neutralité permanente ?

J’ai pris acte de l’intention de la République de Moldova de demander la reconnaissance internationale de son statut de neutralité permanente, consacré par sa Constitution. Au fil des années, plusieurs Etats se sont déclarés neutres tout en choisissant des moyens différents de faire reconnaître leur statut. Le Turkménistan est l’un des pays qui a fait reconnaître officiellement son statut de neutralité permanente par les Nations Unies et plus précisément par son Assemblée générale qui a adopté la Résolution A/RES/50/80 en 1995. Il incombe à la Moldova et aux Etats membres de l’Onu de parvenir à un accord sur la question de savoir si une résolution de ce type concernant le statut de la Moldova est possible ou non.

10.       Mme OHLSSON (Suède, SOC) – Monsieur le Secrétaire général, vivre dans un monde sans violence est un droit humain. Or, nous savons que des millions de femmes et de filles du monde entier, en temps de paix comme en temps de guerre, sont battues, violées, mutilées et tuées – parce que ce sont des filles (cause du décès inconnue). Comment pouvons-nous mettre fin à cette violence fondée sur le sexe ?

Le viol a des effets destructeurs non seulement sur l’individu mais aussi sur la famille et souvent aussi sur la communauté. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour nous assurer que le viol d’une femme, d’un enfant ou d’un homme ne reste pas impuni. Ma Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit coopère avec les autorités nationales pour renforcer les systèmes judiciaires militaire et civil afin de lutter efficacement contre les violences sexuelles, obliger les responsables à rendre des comptes en les traduisant en justice et traiter la question de l’impunité. L’un des grands défis à relever est de réprimer les crimes commis par des acteurs non étatiques qui ne sont pas nécessairement soumis aux mêmes règles d’engagement, ni faciles à atteindre. Dans toutes ces affaires, il est essentiel que ce ne soit plus sur les victimes mais sur les auteurs des violences sexuelles que soit jetée l’opprobre et, pour ce faire, la création de l’environnement protecteur nécessaire pour que les victimes survivantes se manifestent et la mise en place des services requis pour leur venir en aide doivent constituer la priorité. Par-delà ces mesures, le moyen le plus efficace de mettre un terme aux abus sexuels et aux violences fondées sur le genre est de d’abord promouvoir une évolution radicale des normes et des valeurs qui sont à l’origine de tels comportements, en éduquant les jeunes, aussi bien les filles que les garçons, et en mettant en œuvre des politiques et des initiatives publiques favorisant l’égalité des genres.

11.       M. OMTZIGT (Pays-Bas, PPE/DC) – Monsieur le Secrétaire général, je voudrais soulever le problème d’Anders Kompass, qui a adressé un rapport aux autorités françaises décrivant en détail ce qui ne peut qu’être qualifié de crimes révoltants : le viol par des soldats français de jeunes garçons réfugiés mourant de faim en République centrafricaine. Or, M. Kompass est le seul à avoir subi les conséquences de ses actes.

Dans quelle mesure les actes de M. Kompass ne sont-ils pas conformes au mandat du HCDH et à ses propres devoirs de spécialiste des droits de l’homme ?

La confidentialité est l’un des principes majeurs qui guide les activités des Nations Unies en matière de droits de l’homme. Le respect de la confidentialité est fondamental. Toute violation de la confidentialité peut avoir de graves conséquences pour les victimes comme pour ceux qui fournissent des informations ou sont impliqués ; elle peut également compromettre la crédibilité et la sécurité des agents qui œuvrent dans ce domaine et la confiance de la population locale dans les représentants de l’Onu sur le terrain. En fin de compte, elle sape l’efficacité de l’action des Nations Unies en matière de droits de l’homme.

Toutes nos activités en la matière doivent s’appuyer sur le principe d’innocuité. Les agents des Nations Unies doivent faire tout leur possible pour que la conduite de leurs activités n’engendre aucun préjudice afin de ne pas compromettre la sécurité des victimes, des témoins et d’autres personnes avec lesquelles ils sont amenés à entrer en relation. Il est donc très préoccupant d’imaginer que les principes d’innocuité et de confidentialité aient pu être violés en l’espèce. C’est la raison pour laquelle le Haut-Commissaire a lancé, par l’intermédiaire de l’OIOS, une enquête qui est toujours en cours. Comme vous le savez, j’ai nommé une commission d’enquête externe indépendante pour examiner comment le système des Nations Unies a traité les allégations d’abus sexuels en République centrafricaine. Cette enquête aura un champ d’étude plus large que l’enquête de l’OIOS lancée par le Haut-Commissaire.

J’espère qu’elle fera la lumière sur cette affaire et formulera des recommandations pour empêcher que de telles situations ne se reproduisent.

L’ONU maintient qu’Anders Kompass est responsable de la «fuite» du rapport sur les abus sexuels commis sur des enfants en Républicaine centrafricaine. Or, il l’a adressé par les voies officielles à la mission française et le rapport a été envoyé à votre Bureau, qui l’a réceptionné et en a pris acte. Il ne semble pas que ce soient là les actions de l’auteur d’une fuite, mais plutôt de quelqu’un qui pense faire son travail. Pourquoi a-t-il donc été mis en congé et a-t-il fait l’objet d’une enquête ?

Comme vous le savez, le Secrétaire Général a nommé une commission pour mener une enquête externe indépendante sur plusieurs points concernant cette affaire dont ceux mentionnés dans les deux questions précédentes. Le Secrétaire Général ne souhaite pas s’immiscer de quelque manière que ce soit dans l’enquête de la commission en répondant à ce stade à ces questions. Les Nations Unies décideront de la conduite à tenir sur la base du rapport de la commission.

Comment l’ONU protège-t-elle les donneurs d’alerte ?

La politique des Nations Unies concernant la protection des donneurs d’alerte est définie dans la circulaire ST/SGB/2005/21 sur « La protection contre les représailles suite aux signalements de mauvaises conduites et de coopération avec des auditeurs ou enquêteurs autorisés », dont une copie est jointe à l’annexe au présent document.

12.       M. ROCHEBLOINE (France, PPE/DC) – Monsieur le Secrétaire général, quelle appréciation portez-vous sur la récente encyclique du Pape François « sur la sauvegarde de notre maison commune » ? Comment, à votre avis, le Conseil de l’Europe peut-il encourager la recherche des choix politiques dont, avec tant de force, le Pape proclame la nécessité ?

Je me félicite de la publication de l’encyclique du Pape François dans laquelle le chef de l’Eglise catholique déplore les changements climatiques en estimant qu’il s’agit là de l’un des principaux défis auxquels doit faire face l’humanité et en appelant à un « nouveau dialogue » sur l’avenir de notre planète. L’humanité a l’obligation de prendre soin de notre maison commune, la planète Terre, et de la protéger ainsi que de faire preuve de solidarité avec les membres les plus pauvres et les plus vulnérables de la société qui sont aussi ceux qui souffrent le plus des effets climatiques.

J’exhorte les gouvernements à mettre l’intérêt commun mondial au-dessus des intérêts nationaux et à adopter un accord universel ambitieux sur le climat cette année, à Paris. Je me félicite de la contribution de tous les chefs religieux, des personnalités influentes et des organisations intergouvernementales comme le Conseil de l’Europe à la recherche de moyens de relever le défi climatique et de renforcer le développement durable.

13.       M. ROUQUET (France, SOC) – Monsieur le Secrétaire général, vous avez souligné à quel point le sort des migrants en Méditerranée relève de notre responsabilité collective. Alors qu’en juillet se tiendra à Addis-Abeba la Conférence internationale sur le financement du développement, quelles décisions attendez-vous des pays européens pour donner aux jeunes du continent africain qui fuient la pauvreté au péril de leur vie un avenir dans leur pays ?

J’ai, à maintes reprises, appelé à adopter une approche globale, systémique et fondée sur les droits pour répondre au défi des migrations. Le développement durable est un volet crucial des initiatives visant à traiter les causes profondes des migrations, dont la pauvreté et le manque de perspectives économiques. En 2015, trois événements majeurs, sur le changement climatique, le développement durable et le financement du développement, constituent une occasion unique de mettre le monde sur une voie plus sûre, plus durable et équitable. Le financement du développement durable et les résultats concrets de la Conférence d’Addis Abeba sur les modalités de mise en œuvre sont essentiels pour appliquer le futur programme de développement et donner l’impulsion politique voulue dans l’optique des Sommets de New York et de Paris. Par conséquent, j’ai appelé tous les Etats membres, dont les pays européens, à orienter le monde vers un programme d’action en faveur des populations et de notre planète, sur la base d’un partenariat mondial redynamisé en vue d’assurer un développement durable, comme décidé à Addis Abeba.

14.       M. SABELLA (Palestine) – Monsieur le Secrétaire général, la Palestine est toujours sous occupation israélienne, les efforts des vingt dernières années en vue d’un règlement négocié n’ayant pas porté leurs fruits. N’est-il pas temps pour les Nations Unies de confirmer la légitimité internationale d’un Etat pour les Palestiniens et de le reconnaître par l’intermédiaire d’une résolution appropriée du Conseil de sécurité ? Les efforts de M. Fabius, ministre français des Affaires étrangères, vont-ils porter leurs fruits en la matière ? Comment allez-vous garantir que les conclusions du dernier rapport sur Gaza seront mises en œuvre par l’ONU ?

Les Nations Unies continuent d’œuvrer à un règlement pacifique de la question palestinienne en vue de la création de deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans un climat de paix et de sécurité. Toute décision sur l’adhésion à l’Organisation et/ou toute résolution visant à reconnaître à la Palestine le statut d’Etat reste de la stricte compétence des Etats membres.

J’ai appelé la communauté internationale à un regain d’engagement actif en faveur du processus de paix au Proche-Orient. Cependant, je crois que la seule voie vers une paix durable passe par des négociations directes et constructives entre les parties. Les Israéliens et les Palestiniens doivent retourner à la table des négociations en toute bonne foi.

J’ai pris acte de la récente publication du rapport de la commission indépendante d’enquête du Conseil des droits de l’homme sur Gaza et de l’adoption par ce même Conseil d’une résolution appelant Israël et les Palestiniens à poursuivre en justice les responsables des crimes de guerre qui auraient été commis à Gaza au cours du conflit de 2014. La mise en œuvre des conclusions du rapport incombe au Conseil des droits de l’homme.

15.       M. YATIM (Maroc) – Monsieur le Secrétaire général, le maintien de la paix et de la stabilité est l’un des principaux objectifs des Nations Unies. A travers sa politique de voisinage, le Conseil de l'Europe poursuit le même objectif en défendant les valeurs que sont la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit. Comment évaluez-vous cette complémentarité et comment envisagez-vous de la promouvoir ? Quel rôle peuvent jouer les parlementaires à cette fin ? A votre avis, quel rôle le Maroc, en tant que partenaire privilégié de la politique de voisinage, peut-il jouer en la matière ?

Je salue les initiatives prises par le Conseil de l’Europe, ses membres et ses partenaires pour promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit. Les Nations Unies aussi œuvrent en faveur de la paix et de la sécurité, du développement, de la gouvernance démocratique et des droits de l’homme. Comme vous l’indiquez à juste titre, c’est un effort commun déployé par de nombreux acteurs. Les Nations Unies et le Conseil de l’Europe ne s’emploient pas seuls à atteindre ces buts mais, comme la Charte des Nations Unies le prévoit, nous associons à nos efforts conjoints les citoyens, la société civile, le secteur privé, les Etats membres et les partenaires régionaux et internationaux. Nous ne pouvons être réellement efficaces que si ces efforts sont complémentaires. Je suis reconnaissant au Conseil de l’Europe, et notamment à son Assemblée parlementaire, de coopérer avec les Nations Unies pour réaliser ces objectifs.

Les parlementaires jouent un rôle majeur dans le processus et la gouvernance démocratiques. Ils continuent de façonner les institutions et de leur demander des comptes, garantissent la pluralité du discours public et font en sorte que la volonté du peuple se traduise en décisions législatives. Ils favorisent aussi le dialogue permanent et l’échange d’idées entre les continents ; sans cela, la démocratie ne peut pas être l’idéal en action qu’elle doit être.


1 Rapport de 2015 sur les OMD : http://www.un.org/en/development/desa/publications/mdg-report-2015.html