FR15CR23

AS (2015) CR 23

SESSION ORDINAIRE DE 2015

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(Troisième partie)

COMPTE RENDU

de la vingt-troisième séance

Mercredi 24 juin 2015 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 10 sous la présidence de Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE* - La séance est ouverte.

La parole est à M. Lund.

M. LUND (Danemark)* – Madame la Présidente, hier après-midi, au cours du débat sur le fonctionnement des institutions démocratiques de l’Azerbaïdjan, j’ai voté par erreur contre l’amendement 9, que j’avais moi-même déposé. Je souhaitais rectifier cette erreur.

LA PRÉSIDENTE* – Nous prenons note de votre déclaration, Monsieur Lund.

1. Examen de l’annulation des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie (suivi du paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015))

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. Schennach au nom de la commission de suivi sur «l’examen de l’annulation des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie (suivi du paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015))» (Doc. 13800), ainsi que de l’avis présenté par M. Vareikis au nom de la commission du Règlement (Doc. 13827).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes. Compte tenu du nombre d’inscrits à ce débat, je suspendrai la liste des orateurs à 12 heures, afin de permettre à un maximum de membres de poser une question au Président Ivanić. Nous reprendrons notre débat sur les pouvoirs de la délégation russe cet après-midi à 15 h 30.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. SCHENNACH (Autriche), rapporteur de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi)* – Il n’était pas prévu d’aborder, pour la troisième fois, la question des pouvoirs de la Fédération de Russie, et ce n’est pas de gaieté de cœur que je le fais. Mais en tant que président de la commission de suivi, il m’appartient de me pencher sur un conflit entre deux membres de notre famille, la Russie et l’Ukraine, et de chercher des solutions pour le régler.

Au mois de janvier, mon rapport prévoyait un examen, en juin, de l’éventuelle annulation des pouvoirs de la délégation russe. L’Assemblée parlementaire avait alors décidé de proroger jusqu’en 2016 les sanctions adoptées en 2014, ce qui avait conduit la délégation russe, sous le coup de l’émotion, à la boycotter.

Minsk 2 a atténué la cruauté du conflit; l'Organisation de coopération et de développement économiques (l’OCDE) a ainsi pu examiner, dans le cadre de délibérations à huis clos, les dispositions de cet accord, les perspectives qu’il ouvre et les engagements qui ont été pris. La procédure, complexe, prend du temps, mais les efforts internationaux ont été couronnés d’un relatif succès.

Cet accord a néanmoins subi des entorses, dont vous trouverez le détail dans mon rapport. En particulier, les troupes étrangères ne se sont pas retirées du territoire ukrainien, comme l’avait pourtant exigé notre Assemblée. L’Ukraine doit être en mesure de contrôler son territoire et ses frontières et de conserver son pouvoir d’autodétermination – même si, comme je l’indique dans mon rapport, les accords ne sont pas violés par un seul camp. Reste que des troupes étrangères demeurent installées sur le territoire ukrainien avec des armes lourdes. Nous devons aussi nous pencher sur le cas des criminels de guerre. Demain nous sera d’ailleurs présenté un rapport d’après lequel 6 000 personnes sont blessées, portées disparues – pour environ 2 000 d’entre elles – ou décédées.

Mon rapport condamne également sans ambiguïté l’établissement d’une liste noire, parmi lesquels figurent des parlementaires de notre Assemblée; ceux-ci assurent pourtant un dialogue que les gouvernements ne sont pas toujours en mesure de poursuivre. Si ce dialogue est rompu, que reste-t-il sinon la langue de la guerre froide ou du conflit chaud? Nous devons donc nous efforcer de renouer le dialogue entre parlementaires; mais il faut, pour cela, que la Fédération de Russie en comprenne l’enjeu et se mobilise politiquement: l’attentisme n’est pas une solution.

Dans mon rapport du mois de janvier, j’énumérais ainsi un certain nombre de conditions claires, sur lesquelles le Conseil de l’Europe a lui aussi insisté. Nous devons par exemple pouvoir envoyer des experts en Crimée afin d’y évaluer la situation des droits de l’homme, comme le Conseil de l’Europe l’avait fait, il y a quelques années, en Ossétie du Sud et en Abkhazie.

La Fédération de Russie doit également permettre au Conseil de l’Europe de dialoguer avec la parlementaire Nadiia Savchenko, actuellement emprisonnée. Il faut que les présidences de l’Assemblée parlementaire et de la Douma se rencontrent: leur dialogue est nécessaire pour trouver une solution aux problèmes.

Je vous lance donc un appel. Si nous devons formuler des critiques claires et proroger les sanctions jusqu’à la fin de l’année, il convient aussi de ne pas annuler les pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe. D’importantes décisions doivent en effet être prises au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme, décisions auxquelles la Fédération de Russie aura à se conformer. Les citoyens russes doivent aussi avoir la possibilité de saisir la juridiction strasbourgeoise.

Et au niveau du Comité des Ministres, ils doivent également avoir la possibilité de participer aux travaux.

Je remercie la commission de suivi de m’avoir soutenu avec une majorité confortable. Je crois que ce serait un signal fort si, ici, si le rapport était également voté à une forte majorité.

M. VAREIKIS (Lituanie), rapporteur de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, saisie pour avis* – Comme le rapporteur l’a indiqué, le problème russe et très complexe. Depuis l’année dernière, nous avons été amenés à faire face à une situation inhabituelle: nous avons voté en faveur de sanctions et nous avons réduit les possibilités d’action de la délégation russe. Puis il a été demandé à la commission du Règlement de vérifier que toutes les mesures prises étaient conformes au Règlement.

Je vous soumets aujourd’hui un rapport très court, que je pourrais résumer en une phrase: tout ce qui figure dans le rapport de la commission de suivi est conforme aux règles de notre Assemblée.

Enfin, je remercie le secrétariat qui a réalisé un travail remarquable.

LA PRÉSIDENTE – Nous abordons la discussion générale avec les porte-parole des groupes.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Le cœur de la résolution est au paragraphe 6, qui dispose – comme l’a dit le rapporteur lorsque nous avons étudié la résolution à la commission de suivi – que l’Assemblée s’engage à mener «un dialogue constructif et ouvert» avec nos collègues russes et à «ne pas annuler […] les pouvoirs […] de la délégation russe». Le Groupe pour la Gauche unitaire européenne sera favorable à la résolution car en temps de crise, le dialogue et la diplomatie parlementaire sont absolument nécessaires. Nous devrions parler les uns avec les autres non seulement lorsque les choses sont simples et aisées, mais tout particulièrement lorsqu’elles sont difficiles et dangereuses et que nous vivons en des temps difficiles et dangereux.

L’Assemblée ne devrait pas être une partie du problème mais le moteur qui permet de trouver des solutions à l’énorme conflit que nous entrevoyons aujourd’hui en Europe. Le Groupe pour la Gauche unitaire européenne s’est toujours opposé aux sanctions, non pas parce que nous aimons ou nous détestons les Russes, mais parce que nous devons maintenir le dialogue et parce qu’imposer des sanctions s’est révélé être contre-productif. Aujourd’hui, à l’Assemblée, nous parlons de la Russie sans qu’aucun de nos collègues russes ne soit présent. Cela est contre-productif. J’invite tout le monde ici présent ainsi que nos collègues russes à arrêter de maintenir et d’accroître les sanctions. Au lieu de cela, commencez à les lever pour renouer avec le dialogue parlementaire et la diplomatie.

Je suis entièrement d’accord avec le rapporteur lorsqu’il dit qu’il est inadmissible que des listes noires de parlementaires soient établies. J’ai dit au président de la délégation russe: «que vous nous aimiez ou pas, vous avez besoin de dialoguer avec nous».

Je rappelle aussi que plusieurs membres de votre Assemblée ont été placés sur une liste noire par l’Union européenne, comme les présidents des deux chambres de la Russie, le président de la délégation russe dans notre Assemblée, M. Pushkov, et un membre de mon groupe, M. Melkinov.

Si notre groupe a toujours affirmé que l’annexion de la Crimée était une violation du droit international, cela ne veut pas dire qu’il faut interrompre les relations avec la Russie. Nous n’avons en effet jamais interrompu les relations diplomatiques avec Israël quand il a attaqué Gaza, ni avec le Maroc alors qu’il occupe le Sahara occidental. Nous n’avons rien fait de tel non plus pour l’occupation du Haut-Karabakh.

Mon groupe votera contre toutes les propositions qui visent à durcir le langage et qui dressent des obstacles à la reprise du dialogue. Nous sommes défavorables à l’annulation des pouvoirs de la délégation russe. Nous aurions d’ailleurs dû confirmer les pouvoirs déjà ratifiés, conformément à nos propres règles.

M. NICOLETTI (Italie), porte-parole du Groupe socialiste* – Lorsque l’Assemblée parlementaire a décidé d’adopter des sanctions à l’encontre de la Fédération de Russie, la décision n’a pas été simple. Nous espérions alors que la situation allait évoluer dans un sens plus positif.

Dans une communauté politique et juridique, les sanctions ne doivent pas servir à exclure un membre. Elles sont un instrument pour nous rappeler ce que nous sommes et ce à quoi nous aspirons: être une communauté de peuples et d’Etats fondée sur le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit. Une communauté dans laquelle la dignité et le dialogue doivent prévaloir sur les rapports de force.

Bien entendu, ces sanctions sont fondées, il y a eu une véritable violation du droit international: une déstabilisation de régions ukrainiennes, une restriction des droits de l’homme et des droits des ONG, des détentions arbitraires, etc. Par ailleurs, depuis l’annexion de la Crimée, les Russes n’ont fait montre d’aucun signe d’apaisement. Mon groupe soutient donc ce rapport équilibré qui nous propose de maintenir la décision que nous avons prise.

Mais nous devons aussi rappeler que le dialogue et la démocratisation des institutions sont les seuls moyens de surmonter ce conflit. Car cette crise est en partie due aux faiblesses des démocraties. Le Conseil de l’Europe doit insister sur ce point, car sans dialogue la situation ne peut que se dégrader. Nous devons soutenir avec énergie le processus de Minsk et les relations entre les différents parlements – mais il faudrait pour cela que la délégation russe soit présente.

Nous devons nous montrer plus créatifs, inventer de nouvelles formes de coopération et non pas nous limiter à prendre acte d’un statu quo ou de simples progrès. Nous devons faire preuve de créativité, de volonté pour mettre en œuvre de nouvelles formes de coopération. Ces conflits témoignent d’une crise interne à notre communauté. Nous devons donc réaffirmer que notre projet est bien celui de construire une grande maison européenne. Un grand projet auquel ont participé de grands hommes d’Etat, tels que de Gaulle, Willy Brandt ou encore Mikhaïl Gorbatchev en 1989. Nous devons rester fidèles à cet objectif et persévérer dans le projet de construire cette grande maison. Nous ne devons pas entrer dans l’histoire comme ceux qui ont échoué.

M. GHILETCHI (République de Moldova), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Un an et 100 jours se sont écoulés depuis l’annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie. Quatre cent soixante-cinq jours de tensions, d’affrontements, de souffrances, d’exécutions arbitraires, de bombardements, d’effusions de sang, de destructions de villages, de villes, de pertes de vies humaines.

Même si le dialogue entre l’Assemblée et la délégation russe nous permettrait de trouver une solution pérenne, je ne suis pas convaincu qu’il faille amorcer ce dialogue sans conditions préalables. Je ne fais pas référence à la longue liste de mesures que la Fédération de Russie doit mettre en œuvre sans retard, une liste qui, du reste, s’allonge au fil des discussions sur cette question ou sur celles relatives à d’autres conflits où la Russie est impliquée. Je pense, parmi d’autres, au conflit gelé avec la Transnistrie.

Je rappelle l’importance des amendements 4, 8 et 15 qu’il conviendra d’accepter. La paix est une condition préalable indispensable. Au mois de janvier, lorsque M. Pushkov participait à la commission de suivi, il a cité la Bible en disant que nous étions tous des pécheurs. Si l’on se réfère à la Bible, en effet, nous sommes tous pécheurs. Que nous venions d’Arménie, d’Azerbaïdjan, d’Allemagne, de Grèce, de la République de Moldova, de la Macédoine, du Royaume-Uni ou d’Ukraine, aucun membre n’est irréprochable dans cette enceinte. L’essentiel est de nous accepter les uns et les autres, d’être prêts au pardon, disposés à aider les autres à progresser.

Mais l’essentiel reste notre engagement en faveur de la paix. Au mois de janvier, peut-être serais-je assis aux côté d’un «pécheur russe». Si l’objectif se limite à trouver un cessez-le-feu ou à engager le dialogue pour le dialogue sans conditions préalables, nous ne parviendrons à rien. La paix est essentielle avant de s’asseoir à la table de négociation.

L’an dernier, nous avons commémoré le centenaire de la Première Guerre mondiale, cette année nous fêtons les soixante-dix ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale. D’aucuns ont voulu fêter la paix, d’autres la victoire, mais les victoires ne participent pas à la paix. Comme l’a dit Carl von Clausewitz, la paix marque la fin d’un conflit, non la victoire. J’espère que nos collègues le comprendront et que la paix l’emportera dans nos cœurs. Œuvrons en faveur de la paix, qui doit rester la condition préalable.

M. WALTER (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je rappelle qu’il n’est nullement question ici de M. Poutine ou de M. Lavrov, mais des 36 membres de la délégation parlementaire russe. En avril 2014, nous avons tenu notre premier débat sur les sanctions prises contre ces 36 représentants, débat auquel ils n’ont pas participé, car ils refusaient le dialogue. Pendant que nous débattions, les Russes ont d’ailleurs tenu une conférence de presse devant les bâtiments du Conseil de l’Europe. Alors que nous voulions le dialogue, les Russes, sans explications, sans excuses, sans remords, sans exprimer la moindre parole de regret, n’ont fait qu’applaudir les décisions prises par M. Poutine.

Nous n’avons pas exclu les Russes. D’ailleurs quelques-uns d’entre eux étaient parfois présents dans le courant de l’année dernière, et encore en janvier de cette année, lorsque nous avons évoqué cette question. Il n’en reste pas moins que ce sont les Russes qui ont rompu le dialogue entre parlementaires.

Je vous informe qu’en tant que chef de la délégation britannique, je suis interdit de visa alors que nous n’avons pas interdit M. Pushkov de visa. Et si les Etats-Unis ou le Canada ont interdit de visas de hauts responsables russes, cela n’a pas été le cas de l’Union européenne.

Quel autre Etat membre a des troupes sur le territoire de trois autres Etats? Certes, la Moldova ou la Géorgie connaissent des conflits gelés, mais en Ukraine, la Russie redessine les frontières en annexant la Crimée, tous actes contraires aux règles et au droit international. Depuis plus d’un an, nous n’avons plus de contacts, pas d’explications de nos collègues russes, pas davantage d’excuses.

Au mois de janvier, une proposition de résolution tendait à annuler les pouvoirs de la délégation russe. À l’instar de notre rapporteur, je pense qu’il faut maintenir le statu quo et laisser la porte ouverte. Je soutiens cette option qui figure dans la proposition de résolution.

Mme ZELIENKOVÁ (République tchèque), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Nous revenons aujourd’hui sur la limitation des pouvoirs de la délégation russe au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Nous en avons débattu à la fin du mois de janvier pour conclure que la Fédération de Russie n’avait rien fait pour apaiser nos craintes quant à la situation prévalant en Ukraine. En effet, la Crimée restait occupée et les combats dans le Donbass se poursuivaient. Depuis, rien n’a changé: la Crimée est toujours occupée, les contestataires sont persécutés par les autorités russes, les droits des Tatars de Crimée sont violés. Rappelons qu’ils n’ont pas le droit d’avoir leur propre chaîne de télévision.

Si le cessez-le-feu, conforme au second Accord de Minsk, est effectif dans l’est de l’Ukraine, il a cyniquement été enfreint et violé le jour même de sa signature et s’est traduit par le massacre de dizaines de soldats ukrainiens à Debaltseve. Depuis, le cessez-le-feu est violé quasi quotidiennement et des armes lourdes continuent à être utilisées. Les services européens fournissent des informations relatives à l’implication de soldats russes dans ces combats et de l’approvisionnement en matériels provenant du territoire russe. C’est la raison pour laquelle les Etats membres de l’Union européenne ont été contraints de prolonger les sanctions à l’encontre de la Fédération de Russie. Elles sont d’ailleurs appuyées par des pays pourtant peu habitués à critiquer publiquement le Kremlin. Ils comprennent que ne pas appliquer ces sanctions revient à fermer les yeux sur des violations massives du droit international à la frontière orientale de l’Europe.

Le Conseil de l’Europe, attaché à la protection des droits de l’homme, à la démocratie, à la prééminence du droit et à la stabilité de l’Europe, doit réagir de la même façon. En tant que rapporteure pour le Conseil de l’Europe sur les conséquences politiques de la crise ukrainienne, j’ai pu mesurer combien cette guerre est absurde et cruelle. Elle est totalement artificielle: elle est injustifiée et ses résultats, ce ne sont que terres détruites, vies détruites, relations détruites entre populations qui, durant longtemps, ont vécu en bon voisinage.

Il est regrettable que la Russie conduise une politique qui mette en danger la sécurité de l’Europe. Elle est totalement incompréhensible. Nous ne pouvons que formuler des hypothèses quant aux réelles motivations de la Russie. Il est en tout cas regrettable que celle-ci place ses propres intérêts au-dessus de la stabilité de la région.

Il est regrettable également que l’attitude de la Russie n’ait en rien changé. Dans ces circonstances, il n’y a pas d’autre possibilité que de maintenir notre position précédente et de ne pas renouveler les pouvoirs de la Russie au sein de l’Assemblée du Conseil de l’Europe.

M. POZZO DI BORGO (France) – Je salue le rapport très complet de notre collègue Stefan Schennach au moment où notre Assemblée doit se prononcer, une fois encore, sur la question délicate de l’annulation des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe.

La lecture du rapport confirme les réserves que j’avais exprimées sur la décision que l’Assemblée avait prise en janvier dernier de priver jusqu’à la fin de l’année nos collègues russes de leurs droits de vote.

On ne touche pas aux parlementaires, avais-je souligné, c’est contraire à l’esprit de notre institution comme de l’ensemble des assemblées parlementaires du monde. Que des sanctions soient prises, soit, c’est le rôle de l’exécutif. En revanche, il ne faut pas prendre de sanctions contre des parlementaires.

Pour résumer, notre commission de suivi, qui constate que la situation n’a pas ou presque pas évolué, recommande tout de même de ne pas annuler les pouvoirs de la délégation russe, alors que l’absence de progrès devrait précisément conduire à cette annulation. Vous avouerez que cette position n’est guère lisible!

Pire, elle me semble décrédibiliser le travail de notre Assemblée. Le message envoyé est terrible: nous faisons des moulinets avec un sabre de bois, puis nous battons en retraite piteusement en constatant que notre décision a conduit à une impasse.

Le plus grave, à mes yeux, est que cette décision était prévisible dès le départ. En sanctionnant nos collègues russes, nous nous sommes privés de la possibilité de dialoguer avec eux, et cela, sans faire avancer la cause de la paix dans l’est de l’Ukraine. Au contraire, la Russie boycotte les travaux de notre assemblée, alors que le cessez-le-feu sur le front est de plus en plus précaire.

Je suis membre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont l’action a été beaucoup plus pertinente: elle a maintenu le dialogue avec les Russes. Des débats assez forts se sont tenus, à Vienne et ailleurs, entre les Ukrainiens, les Russes et les autres délégations. Nous avons même organisé des réunions dans le cadre du «format Normandie» entre les quatre pays qui s’efforcent plus particulièrement de régler la situation.

Notre assemblée n’aura pas su gérer les conséquences politiques du conflit en Ukraine. Face à d’indéniables atteintes au droit international et à l’intégrité territoriale, que nous condamnons, elle a adopté une attitude dogmatique et excessivement rigide qui la dessert. Le risque est grand pour elle de devenir inaudible, d’être réduite à tenir un rôle d’incantation.

Les faits sont têtus! Notre commission de suivi semble rattrapée par le principe de réalité. Elle justifie la non-annulation des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe par la volonté de ne pas entraver l’instauration d’un dialogue avec cette dernière. Exactement ce que je disais dans mon intervention de janvier dernier!

Le projet de résolution qui nous est soumis n’échappe pas aux mêmes critiques et renvoie le problème au début de 2016. Certaines des exigences posées ne me semblent guère plus réalistes. Nous sommes d’abord des politiques. Nous ne sommes pas des procureurs. Au sein du Conseil de l’Europe, d’aucuns ont trop souvent tendance à l’oublier. C’est mon impression profonde, et j’en suis désolé.

Mme VĖSAITĖ (Lituanie)* – Je regrette que la délégation russe ne soit pas présente aujourd’hui parmi nous. Elle a du reste boycotté tous les contacts officiels avec l’Assemblée et rejeté notre désir de dialogue. Elle a annulé en quelque sorte elle-même ses pouvoirs jusqu’à la fin de l’année, si bien que notre débat, aujourd’hui, consiste plutôt à nous interroger sur ce qui se passe en Ukraine et à nous demander si la Russie applique les résolutions adoptées par l’Assemblée.

Mes chers collègues, vous savez tous que la situation qui prévaut dans l’est de l’Ukraine est particulièrement tragique. D’après les statistiques des Nations Unies, jusqu’au 1er juin, on dénombre la mort de plus de 6 000 civils tandis que 16 000 personnes étaient blessées. Le nombre réel des victimes est sans doute plus élevé puisque des milliers de personnes sont portées disparues et que des centaines de milliers sont réfugiées. Et ce ne sont là que des statistiques! Chaque chiffre cache des tragédies personnelles d’hommes, de femmes et d’enfants dont les vies ont été dramatiquement et définitivement brisées.

La situation s’aggrave dans l’est de l’Ukraine. À tout moment des provocations et les attaques de séparatistes, qui s’intensifient, risquent de donner lieu à de nouvelles interventions militaires. Les Accords de Minsk ne sont pas respectés. C’est avec une profonde déception et un grand regret que nous devons constater que la Russie continue de nier sa participation au conflit au lieu de s’efforcer de sauver des innocents. Bien au contraire, il semble que la Russie déploie tous ses efforts pour faire perdurer le conflit et rendre plus difficile le redressement de l’Ukraine en cherchant à isoler les autorités du pays. Si tel était le cas, nous trahirions le peuple ukrainien et les valeurs européennes, puisque nous continuons de vouloir vivre dans des pays démocratiques respectueux des droits de l’homme.

Nous souhaitons que, s’agissant de ce conflit, la Russie fasse partie de la solution et non plus du problème. Il faut savoir que le conflit a également un retentissement économique sur les pays voisins. Des ressources limitées sont aujourd’hui affectées au secteur militaire, ce qui empêche de satisfaire les besoins des populations.

Nous souhaitons intensément qu’un jour la paix règne en Europe.

LA PRÉSIDENTE * - Je tiens à rappeler à chaque orateur qu’il ne dispose que de trois minutes pour intervenir.

Je demande à tous de bien vouloir respecter ce temps de parole pour que le plus grand nombre possible de parlementaires puissent s’exprimer.

M. NEGUTA (République de Moldova)* – Chers collègues, nous savons tous qu’après l’adoption de la Résolution 2034, à Minsk, le 12 février, un document très important a été signé, document qui a été approuvé par la Résolution du Conseil de Sécurité de l’Onu et qui revêt un caractère de document de droit international.

L’accord Minsk 2 est une boussole. Il n’existe pas d’autre choix qu’un règlement paisible du conflit en Ukraine. C’est pourquoi la mise en application intégrale du document Minsk 2 est très importante.

Nous savons également qu’à la première étape il a fallu faire cesser les actions de lutte.

Il a fallu retirer tout l’équipement lourd. Globalement, c’est ce qu’il s’est produit mais, malheureusement, il y a encore des tirs… et des victimes! Toutefois, il n’y a plus de grands combats. Les deux parties sont séparées, il n’y a plus de zone de contact entre elles comme c’était le cas auparavant.

Afin que Kiev puisse continuer d’entretenir un dialogue direct avec Donetsk et Lougansk, sur proposition de la Russie, ont été créés des sous-groupes de travail, fonctionnels, sur différents domaines de réglementation – économique, sécuritaire, humanitaire et politique. À mon avis, la Russie exerce les pressions nécessaires sur les administrations non reconnues des républiques de Donetsk et de Lougansk. Il est vraiment nécessaire de réaliser une réforme constitutionnelle et d’adopter dans ces territoires une loi sur les élections municipales ainsi que la loi d’amnistie.

Mais permettez-moi d’exprimer un point de vue personnel sur le projet de résolution. À mon sens, Monsieur Schennach, cette résolution est positive, mais unilatérale. En effet, elle stipule uniquement ce que doit faire la partie russe, tandis que les exigences à l’égard de l’Ukraine font défaut.

Cher rapporteur, lors des parties de session de janvier et d’avril, nous avons longuement abordé différents sujets, y compris le sort de Nadiia Savchenko. Au point 5.3 du projet de résolution, vous demandez à nouveau sa libération immédiate. Mais rien ne changera, puisque nous exigeons ici, à Strasbourg, tandis que la délégation de la Russie de l’Assemblée parlementaire, de même que tous les parlementaires russes, sont à Moscou.

Nous, les deux parties, ne nous entendons pas l’une l’autre. Chacune n’entend que sa propre voix. En continuant ainsi, rien ne changera. En tant que diplomate, je suis persuadé que mieux vaut discuter que lancer des ultimatums.

Compte tenu de la situation actuelle, qui s’est tout de même améliorée, je vous propose de rétablir la délégation russe dans ses droits et que, lors de la partie de session d’octobre, ce soit une Assemblée de pleine composition qui examine l’évolution du conflit ukrainien et la mise en application de l’Accord Minsk 2.

Mme SCHNEIDER-SCHNEITER (Suisse)* – Les développements dans les trois domaines principaux que sont la démocratie, l’Etat de droit et les droits de l’homme en Fédération de Russie étaient déjà critiques avant la crise en Crimée et en Ukraine. Régulièrement, le Conseil de l’Europe s’est demandé comment réagir aux violations des droits de l’homme et des droits civils et à la violation des principes de l’Etat de droit et de la démocratie.

Le Conseil de l’Europe a tout de même enregistré au cours de ces dernières années un certain nombre de succès. Je pense, entre autres, à l’observation des élections par plusieurs délégations de notre Assemblée en 2007-2008, puis en 2011-2012, pour les élections présidentielles et celles de la Douma, mais je pourrais aussi citer toutes les missions d’information dans le Caucase du Nord et la disponibilité de la Russie à accepter les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et à verser les dommages et intérêts souvent demandés.

Je soulignerai également le fait que le 29 octobre 2013, un bureau a pu être installé à Moscou. Malheureusement, c’est un fait dont les médias n’ont pas beaucoup parlé.

La logique de notre maison n’a jamais été d’exclure ni de restreindre les droits des parlementaires lorsqu’il y a violation des droits de l’homme mais plutôt de chercher ce qui pourrait nous permettre de surmonter ces crises. Les instruments, les amorces de solution que le Conseil de l’Europe a à offrir pourraient justement gagner en poids.

L’Assemblée parlementaire est donc un instrument du Conseil de l’Europe et, plus on renonce à cet instrument, plus la polémique sur la participation ou non de la délégation parlementaire russe fait diversion et nous détourne des lacunes et défaillances existant en Fédération de Russie.

Dans le cadre des relations bilatérales, bon nombre de pays traitant les questions de droits de l’homme de manière secondaire, il est d’autant plus important que nous discutions avec la Fédération de Russie, ici. Il y a fort à parier que la Russie réagisse moins aux sanctions qu’à un dialogue critique direct.

Mon pays tente de mener ce dialogue. Ces derniers jours, à Genève, nous avons organisé une rencontre entre la Suisse et la Fédération de Russie, et le groupe parlementaire d’amitié Suisse-Russie a invité des collègues de la Douma à venir assister à un séminaire sur le fédéralisme en Suisse.

Chers collègues, le Conseil de l’Europe est là pour créer des passerelles et pas pour les faire tomber et construire des murs. Je vous demanderai de garder cela à l’esprit lors de vos délibérations.

LA PRÉSIDENTE* - Je demande aux visiteurs présents dans les tribunes, auxquels je souhaite cordialement la bienvenue de ne pas applaudir. Le public ne peut manifester son ressenti, mais, bien entendu, il est le bienvenu dans la maison de la démocratie.

MM. Abbasov et Anderson, inscrits dans le débat, sont absents de l’hémicycle.

M. ARIEV (Ukraine)* – Combien d’avertissements faudra-t-lancer, combien d’accords de Minsk signer, combien de résolutions adopter avant de comprendre que la Russie n’a aucune considération pour les efforts démocratiques de nos sociétés? Nous voyons bien que la Russie se contente d’ignorer les dispositions des Accords de Minsk 1 et 2 et celles des résolutions que nous avons adoptées en avril et janvier derniers. À mon avis, cette nouvelle résolution n’aura pas plus d’effet.

Je souhaite communiquer des informations récentes sur la soi-disant mise en œuvre de l’Accord de Minsk par la Russie. Je ne citerai quelques faits. Les terroristes continuent de menacer les observateurs de la mission de l’OSCE. Les positions civiles ukrainiennes continuent d’être bombardées. Le 12 juin dernier, les Russes ont bombardé les forces ukrainiennes plusieurs centaines de fois en l’espace de trois jours. Le nombre de violations du cessez-le-feu ne cesse de croître jour après jour. Aucun jour ne se passe sans que des blessés soient enregistrés, mais il y a eu un pic début juin et il y en a un autre actuellement.

Nous sommes inquiets de la décision de la commission du Règlement de proposer ce texte, car, en suivant sa logique, chers collègues, nous ne réagirions plus à l’annexion de la Crimée et à cette violation brutale du droit international. Nous devons tirer les enseignements de la Seconde Guerre mondiale qui a montré qu’il ne fallait pas traiter avec les agresseurs. La doctrine de la politique de non-ingérence a échoué, ne l’oublions pas. Évitons les erreurs du passé.

En janvier, nous devrons décider, une troisième fois, si nous considérons que la Russie nous ignore toujours, si nous annulons les pouvoirs de la délégation russe. Ce serait logique, cela confirmerait notre identité. Sommes-nous la maison de la justice et de l’équité ou choisissons-nous de ruiner la crédibilité de l’Assemblée?

Cette décision viendra plus tard. Aujourd’hui, cette résolution est un compromis.

M. HONCHARENKO (Ukraine)* – Nous parlons de dialogue – notamment de dialogue parlementaire – avec la Fédération de Russie. Cela sonne bien, mais disons les choses telles qu’elles sont. Je me suis rendu à Moscou en tant que membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Les autorités russes m’ont laissé entrer sur leur territoire, mais uniquement pour m’arrêter, me tabasser et me garder au commissariat. Voilà la façon dont les Russes conçoivent le dialogue parlementaire.

Le Conseil de l’Europe a été créé après l’épreuve terrible de la Seconde Guerre mondiale, dans le but d’éviter que les mêmes horreurs se répètent. Or la guerre est maintenant presque à nos portes. Et que faisons-nous? L’Europe et la communauté internationale sont complètement endormies. Hier, dans son discours devant l’Assemblée, Ban Ki-moon n’a pas abordé la question. Notre Secrétaire Général, M. Jagland, nous a dit, quant à lui, que, dans bien des pays, il y a des problèmes. Mais je ne connais pas un autre pays membre du Conseil de l’Europe qui ait annexé le territoire d’un autre pays membre – car c’est bien à ce niveau de gravité que le problème est arrivé. Je ne crois pas que ce soit là quelque chose de banal et de courant.

Je demande donc à l’Europe de se réveiller avant qu’elle soit massacrée dans son sommeil. Croyez-moi, la situation est extrêmement dangereuse. Si je porte aujourd’hui une cravate sur laquelle est écrit un message contre M. Poutine, c’est parce que je pense qu’il faut s’opposer à ses desseins. Les pays européens, tous ceux qui sont présents dans l’hémicycle, peuvent contribuer à mettre un terme à cette guerre – car la guerre est à nos portes, je vous demande d’en prendre conscience. Si l’on reprend, paragraphe par paragraphe, la résolution que nous avons votée en janvier, on s’aperçoit que la Russie n’en a absolument rien respecté. Soyez très conscients de ce qui se passe actuellement. Il nous faut agir.

M. RECORDON (Suisse) – Le discours du préopinant est l’occasion pour moi de souligner à quel point l’émotion prend par trop le dessus. Si la situation, sur le plan géopolitique, était aussi grave qu’il nous l’a dit, je vous assure que ce n’est pas le Conseil de l’Europe qui pourrait faire quelque chose d’utile: ce serait aux armes de parler.

On voit bien, aujourd’hui, si l’on garde la tête un peu plus froide, que la situation géopolitique, en particulier du point de vue économique, contraint les deux parties à dialoguer – à un autre niveau que le nôtre, à savoir celui de la démocratie et des droits de l’homme. Cela n’enlève rien, évidemment, à ce que nous pouvons penser de très désagréable du régime actuellement en place en Russie, quoique son président ait apparemment été élu démocratiquement, tout comme celui qui est en place en Ukraine.

Nous avons évidemment les plus extrêmes réserves à son encontre, qu’il s’agisse des attaques à l’égard des parlementaires – par l’établissement d’une liste noire – ou de toutes les autres choses que l’on peut reprocher aux autorités en place en Russie. Nous ne nions pas non plus qu’il y ait des troupes dans le Donbass. Quant à ce qui s’est passé en Crimée, même si l’on peut se poser des questions un peu plus subtiles, la manière dont les Russes ont traité les Tatars est indigne. Mais il y a aussi des pierres dans le jardin des Ukrainiens: on n’a éclairci ni la très grave affaire d’Odessa ni le rôle effectif des mouvements fascistes au sein du pouvoir de Kiev.

Tel n’est pas vraiment le but de notre travail. Maints orateurs l’ont dit avant nous: il faut essayer de renouer les fils du dialogue, car c’est la seule manière de faire baisser la tension, ne serait-ce que dans une certaine mesure. C’est cela qui permettra de ramener devant l’autorité de la Cour européenne des droits de l’homme le pouvoir russe – de même d’ailleurs que d’autres pays qui, il faut bien le dire, s’en moquent éperdument –, pour le plus grand bénéfice des citoyens dont les droits sont bafoués.

De grâce, tâchons d’être pondérés, comme a su si bien l’être notre rapporteur, dans une situation difficile. Ne précipitons rien, votons ce rapport équilibré – et il est difficile de parvenir à l’être – et espérons que les facteurs géopolitiques que j’ai évoqués au début de mon intervention permettront, au début de l’année prochaine, d’envisager plus sereinement un retour à la normale du cours de nos travaux.

M. SOBOLEV (Ukraine)* – La meilleure façon d’analyser la situation est de se reporter à nos décisions précédentes, par exemple celle du mois de janvier. Regardons ce qui y figure: nos collègues connaîtront ainsi bien mieux les violations des droits de l’homme qui ont lieu en Crimée. Nos collègues de Géorgie et de Moldova peuvent eux aussi témoigner sur ce qui s’est passé quand nous avons demandé le retrait des troupes russes – je pense par exemple à la Transnistrie.

Je voudrais m’arrêter plus particulièrement sur plusieurs points. Tout d’abord, où en est-on s’agissant du retrait des troupes russes du territoire ukrainien? Il y a 30 000 soldats dans la partie orientale du pays et, à Donetsk et à Lougansk, 50 000 soldats supplémentaires arrivent. Il y aussi les prétendus «volontaires», qui sont en fait payés pour tuer des Ukrainiens. Leur recrutement doit s’arrêter.

Qui sont exactement les dirigeants de ces prétendues républiques de Lougansk et de Donetsk? L’actuel ministre de la Défense de la république de Donetsk est en réalité citoyen russe, de même que M. Pavlov, qui fait partie de la milice de Donetsk et a expliqué ouvertement comment il avait tué 15 personnes à proximité de l’aéroport de Donetsk – un récit horrible. Et je pourrais poursuivre la liste.

Il faut aussi éviter une nouvelle escalade du conflit. À cet égard, le rapport est très important.

Mme DURRIEU (France) – Je remercie notre rapporteur pour son travail. J’ai bien écouté tout ce qui s’est dit et je comprends les émotions et les positions des uns et des autres. Je crois, moi aussi, qu’il faut rétablir le dialogue – un dialogue ferme. Est-ce que je crois à un tel dialogue? Disons que je veux y croire. En tout cas, il est nécessaire.

Pour répondre à notre ami suisse, dont je partage l’analyse, cette Assemblée a été créée après la guerre pour défendre la paix, les droits de l’homme et l’Etat de droit. Mais ce qui se passe actuellement ne me plaît pas du tout.

Armes nucléaires à Kaliningrad, huit brigades russes en Crimée – et peut-être même des armes nucléaires – porte-avion en mer Noire, missiles en Ukraine, des armes lourdes acheminées vers les pays baltes pour apaiser leurs craintes: je déplore cette situation. Pour la première fois la paix est mise en danger sur notre propre continent. C’est une évidence absolue.

Il faut sortir de cette impasse. Je suis membre de la commission de la défense du Sénat de mon pays, et je me demande comment nous en sommes arrivés là. Un véritable schisme, une rupture profonde existe entre la Russie et les pays occidentaux, qui remonte à l’échec de l’ancrage de la Russie dans l’espace euro-atlantique. Je regrette cet échec, dont nous payons les conséquences aujourd’hui.

La Russie voit deux menaces. Premièrement, celle de l’Otan, à l’Ouest. Les Etats-Unis génèrent une véritable obsession stratégique chez les Russes, alors que les Etats-Unis se désintéressent complètement de la Russie, du moins pour le moment. Deuxièmement, la menace bien réelle du radicalisme sunnite, au Sud. D’où une nouvelle approche stratégique russe, que nous n’avons pas assez analysée et anticipée.

Nous avons sous-estimé la politique et la volonté de puissance de la Russie, qui a le troisième budget militaire au monde. À cela s’ajoute une rencontre de l’Histoire, celle que représente le nom de Poutine. Les Russes ont une stratégie, une vision claire: un double verrou doit être maîtrisé, celui de la Baltique et de Kaliningrad, et celui de la mer Noire et de la Crimée.

Ce n’est pas une surprise stratégique que l’annexion opportuniste de la Crimée. Quelle agilité diplomatique, quelle audace! Les Russes ont soi-disant des principes, mais ils les bafouent: respect des Etats, de la souveraineté et des frontières.

Mais renouons le dialogue, la Russie n’est pas une ennemie, elle doit être un partenaire.

Mme BECK (Allemagne)* – Dans ma carrière politique il y a une chose que j’ai apprise: les victimes ont droit avant tout à la vérité. J’ai appris cela à l’époque où la Bosnie était l’objet d’agressions quotidiennes. Nous voyions à la télévision des civils abattus à Sarajevo. Nous, nous évitions de nous prononcer, nous voulions rester à distance des événements. Nous devons nous promettre de voir les choses en face. Evitons d’éluder les vraies questions. Je demande à tous les parlementaires de contacter leurs services secrets pour obtenir des photos, des rapports, pour avoir une vision complète de la situation dans le Donbass. Vous constaterez qu’il y a des troupes russes sur le territoire ukrainien.

Certains disent qu’il faut maintenir le dialogue avec nos collègues russes. La revendication est légitime, à condition toutefois que nos interlocuteurs russes envoient un signal minimum indiquant qu’ils sont prêts à discuter. L’un de nos collègues russes aurait-il dit qu’il trouvait anormal que l’une de ses collègues, Mme Savchenko, soit en détention?

Le représentant allemand pour les droits de l’homme a dû annuler son voyage à Moscou, aujourd’hui, parce qu’il a été déclaré indésirable. Il n’y a aucun signe que nos collègues russes sont prêts à accepter notre offre de dialogue. Je le déplore, mais ne soyons pas naïfs. Notre assemblée et son autorité sont bafouées, nous ne pouvons pas jouer la politique de l’autruche. Nous devons avoir un discours clair. Le Conseil de l’Europe a des principes; ceux qui respectent ces principes, ceux qui veulent s’engager, dans le cadre de ces principes communs, pour la démocratie, pour l’Etat de droit, pour la paix en Europe, sont les bienvenus. Si l’un, de façon ostentatoire, montre le plus grand mépris pour ce que nous incarnons, nous ne pouvons avoir la naïveté de dire: «Cela ne fait rien, discutons tout de même!»

En 2008, nous n’avons pas réagi lors de la guerre en Géorgie. Pour autant, la délégation russe s’est-elle montrée plus ouverte? Nous avons fait une erreur, à l’époque. Aussi, nous devons aujourd’hui faire preuve d’autorité en tant qu’assemblée, en appuyant le projet de résolution qui nous est soumis.

M. HUNKO (Allemagne)* – En juillet 1989, ici-même, à l’Assemblée, M. Gorbatchev s’est exprimé. Cela fait vingt-six ans. Il exprimait sa vision d’une maison européenne commune. Des développements extraordinaires ont suivi: réunification de l’Allemagne, avec l’approbation de la partie soviétique, retrait des troupes soviétiques d’Allemagne de l’Est et accord pour l’adhésion de cette Allemagne unifiée à l’Otan.

À l’époque, la promesse que l’Otan ne s’élargirait pas davantage à l’est avait été faite. Ce qui s’est passé est contraire à cette promesse et explique beaucoup de choses aujourd’hui. George Kennan, grand politologue américain, disait en 1997: «La décision du gouvernement Clinton d’élargir l’Otan pour se rapprocher de la Russie est l’erreur la plus grave des Etats-Unis depuis la guerre froide. Les sentiments anti-occidentaux se réveilleront dans la population russe, auront une mauvaise influence sur l’évolution de la démocratie en Russie et rétabliront une ambiance de guerre froide. La politique étrangère de la Russie sera poussée dans des directions qui ne nous plairont guère.»

L’élargissement à l’est de l’Otan est une des raisons de ce conflit. Les Russes n’ont eu de cesse de répéter que l’adhésion ou la participation de l’Ukraine ou de la Géorgie à l’Otan était pour eux une ligne rouge. Dès lors que nous parlons de solution, il ne faut pas se contenter de parler de l’annexion de la Crimée. Il convient certes de la condamner, mais il faut aussi envisager les issues, au lieu de se contenter de pointer la Russie du doigt.

Ma proposition est la suivante. Vingt-six ans après l’allocution de M. Gorbatchev, ne serait-il pas utile de l’inviter à venir s’exprimer à la partie de session d’octobre, ce qui permettrait peut-être de renouer les relations avec la Russie?

Mme SCHOU (Norvège)* – La situation en Ukraine a eu des conséquences graves au cours de la dernière année. Nous assistons à des souffrances humanitaires horribles et à leurs conséquences économiques. Nous avons vu notre politique de sécurité changer de manière considérable. L’Accord de Minsk est d’une très grande importance, et nous demandons aux parties de faire de leur mieux pour le respecter.

En Ukraine, la Russie a violé les principes fondamentaux des relations intergouvernementales, mettant en péril les fondements mêmes de l’ordre juridique international. Ne pas réagir mettrait en danger les valeurs du Conseil de l’Europe, qui fondent notre politique étrangère. La souveraineté et l’égalité sont des principes fondamentaux du droit international. C’est la raison pour laquelle j’appuie la proposition de résolution de M. Schennach tendant à maintenir les sanctions à l’encontre de la délégation russe. Il s’agit d’envoyer un signal fort à la Russie. Son attitude n’est pas digne d’un Etat signataire de la Convention du Conseil de l’Europe.

Je suis, dans le même temps, convaincue que notre Assemblée doit rester ouverte au dialogue. En ne nous prononçant pas pour l’annulation des pouvoirs, nous maintenons la possibilité d’un dialogue avec la Russie. J’encourage donc l’Assemblée à appuyer la proposition de résolution qui nous est soumise.

Nous devons demander à la Russie de changer de cap et de mettre fin au soutien qu’elle apporte aux séparatistes russes de l’Ukraine orientale. Elle doit respecter le droit international et ses obligations conformément aux Accords de Minsk. Si les membres de la délégation russe occupaient à nouveau leurs sièges, ici, à l’Assemblée, ce serait aussi un pas dans la bonne direction. La Russie ne s’est pas contentée de modifier les frontières de l’Ukraine, elle l’empêche de construire son propre avenir et de jouir de son droit à l’autodétermination. Nous devons aider l’Ukraine à mener à bien les réformes qu’elle a engagées. C’est une priorité et ce serait probablement la sanction la plus sévère que la communauté internationale pourrait imposer à la Russie.

LA PRÉSIDENTE - M. Seyidov, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. LOGVYNSKYI (Ukraine)* – La question des pouvoirs de la délégation russe est en réalité la question du respect que nous nous portons à nous-mêmes. Nous devons veiller au respect des principes sur lesquels se fonde cette Organisation, la prééminence du droit devant déboucher sur la stabilité politique. La Russie a annexé le territoire d’un autre Etat et déclenché une guerre au milieu de l’Europe, qui dure depuis plus d’un an et a causé la perte de milliers de vies humaines. Selon la Convention européenne, qu’elle a ratifiée, la Russie doit exécuter les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Pour biens des raisons, de nombreux Etats retardent l’exécution des arrêts de la Cour, mais la Russie est allée bien plus loin encore. Il y a quelques jours, sa Cour constitutionnelle a déclaré que les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ne s’appliquaient plus à la Russie. Qu’attendons-nous encore pour réagir? Y a-t-il quelqu’un dans cet hémicycle qui croit encore au dialogue avec la Russie? Ce pays, qui fait fi des règles du droit international, peut-il encore être considéré comme un partenaire valable?

La Russie estime qu’elle n’est pas liée par les traités internationaux et qu’elle peut déplacer les frontières et les populations, voler, tuer, kidnapper en toute impunité. Nous ne pouvons tolérer de tels agissements. Nous devons obliger les agresseurs à réparer les dommages qu’ils ont causés. C’est pourquoi nous devons soutenir les Etats qui s’élèvent contre les violations russes de la propriété privée, comme dans l’affaire Ioukos, pour laquelle la Russie a refusé une fois encore de suivre l’arrêt de la Cour.

L’annexion de la Crimée a représenté une perte de plus de un trillion d’euros pour l’Ukraine. Il est encore difficile de calculer le coût de la reconstruction du Donbass. L’idée d’une compensation russe pour les terribles souffrances des Tatars de Crimée morts ou déplacés n’a même pas été évoquée. J’invite tous les Etats membres du Conseil de l’Europe à recourir à tous les moyens juridiques possibles pour mettre un terme à l’appétit de l’agresseur russe, à son impunité et à l’anarchie en Europe. J’espère que la motion et la déclaration écrite de la délégation ukrainienne seront largement soutenues par l’Assemblée.

M. LOPUSHANSKYI (Ukraine)* – Mes chers collègues, nous reprenons aujourd’hui l’examen des pouvoirs de la délégation de Russie. Aucune des exigences de la dernière résolution du mois de janvier n’a été respectée. Certes, les nouveaux Accords de Minsk sont intervenus depuis et ce document devrait devenir la feuille de route pour normaliser la situation et rétablir la paix dans le Donbass. Pourtant, tous les jours, avec ses soldats et ses mercenaires, le Kremlin viole ses engagements. La situation sur place, aujourd’hui, est quasiment la même qu’au mois de janvier dernier. Chaque jour, les Ukrainiens subissent de nouvelles pertes humaines parmi les soldats et la population civile. Aucune machine de propagande ne peut réussir à dissimuler les faits.

J’ai récemment accompagné la visite en Ukraine d’une délégation du Parlement européen. Elle s’est rendue dans le village de Chirokiné, près de Marioupol, au cœur du conflit. Nous avons vu les traces fraîches d’explosions de tirs d’artillerie de grand calibre, pourtant interdits par les Accords de Minsk, les ruines de maisons et d’écoles. Nous avons également parcouru le Donbass et recueilli des témoignages accablants.

Mes chers collègues, nous avons l’habitude, dans cette enceinte, de parler du dialogue: c’est, de fait, notre instrument de base et le moyen principal d’atteindre l’objectif voulu. L’Ukraine est toujours restée fidèle à ce principe. Nous voulons dialoguer avec tous nos partenaires, mais les accords n’ont de sens qu’à condition d’être respectés. Aujourd’hui, le Kremlin refuse tout dialogue et entend imposer ses conditions à l’Europe. Voyez-vous, dans cet hémicycle, les membres de la délégation russe? Non! Ils n’acceptent pas l’idée de répondre aux exigences de l’Assemblée. Il nous faut aujourd’hui nous interroger. Sommes-nous prêts à accepter les ultimatums du Kremlin? Voulons-nous continuer à soutenir l’agression?

LA PRÉSIDENTE - M. Conde, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. BEREZA (Ukraine)* – On ne peut parler qu’à ceux qui veulent bien écouter et répondre. On ne peut parler qu’à des interlocuteurs civilisés. Comment envisager de dialoguer avec un pays qui ne fait pas ce qu’il dit et qui fait preuve d’un violent antisémitisme? La Russie a toujours joué la carte de l’antisémitisme. Le président du Comité juif antifasciste, Salomon Mikhoëls, a été assassiné par Staline. Rappelons-nous aussi le « complot des blouses blanches ». L’antisémitisme va de pair avec les régimes totalitaires.

Aujourd’hui, la Russie va encore plus loin puisqu’elle veut faire croire au mythe selon lequel l’antisémitisme régnerait en Ukraine, au prétexte que le mouvement de la place Maïdan était d’origine juive. Plusieurs citoyens ukrainiens de confession juive ayant été agressés près de la synagogue Rosenberg, ces faits, selon la propagande russe, auraient en effet été commis par des nationalistes ukrainiens. Le 13 février, le ministre des Affaires étrangères russe, M. Lavrov, a ainsi déclaré que certaines forces en Ukraine faisaient preuve d’extrémisme et d’antisémitisme. En réalité, ces forces, qui violent les principes de la civilisation, ne sont contrôlées par personne. Le grand rabbin de New-York d’ailleurs a apporté la réponse en indiquant que les provocations étaient prévisibles et que les Russes étaient bien obligés de justifier, d’une façon ou d’une autre, leur invasion de l’Ukraine. Ces derniers prétendent même, à présent, que ce sont des partisans de Bandera qui attaquent les synagogues. Mais il n’en est évidemment rien. Bien au contraire, les autorités ukrainiennes protègent les synagogues. Il arrive parfois que des personnes, sous couvert d’être des nationalistes ukrainiens, prétendent être les auteurs de ces actes; mais on sait comment les choses se sont passées pour l’Anschluss en Autriche…

S’il n’y a pas d’antisémitisme d’Etat en Ukraine, l’agression russe, elle, est avérée. Je ne déplore donc pas l’absence de la délégation russe sur nos sièges: je déplore seulement que les troupes russes tuent des Ukrainiens dans l’est du pays en y répandant une propagande intolérable.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni)* – Le 16 avril dernier, M. Poutine déclarait: «Je puis vous affirmer qu’il n’y a pas de soldats russes en Ukraine.» Ce mensonge flagrant a été repris par la délégation russe ici même, comme vient de l’observer Robert Walter, cette délégation qui, de fait, applaudit à tous les propos de M. Poutine. Mais les faits sont les faits. Les événements auxquels nous assistons depuis l’annexion de la Crimée constituent des violations flagrantes du droit international.

Depuis avril 2014 la délégation russe, qui avait alors tenu une conférence de presse pour justifier son départ, n’a jamais envoyé le moindre signe d’ouverture au dialogue que plusieurs d’entre nous appellent de leurs vœux. La présente résolution maintient donc le statu quo tout en laissant la porte ouverte au dialogue. De nombreux amendements ont été déposés en commission de suivi, mais pas l’amendement 12, qui émane de la commission des questions juridiques. Cet amendement, qui tend à confirmer les pouvoirs ratifiés de la délégation russe, constituerait un mauvais signal: j’espère donc qu’il sera rejeté à une très forte majorité et que la résolution, elle, sera adoptée.

M. CHIKOVANI (Géorgie)* – Aucun des amendements ne propose l’annulation des pouvoirs ratifiés de la délégation russe: comme l’a souligné le rapporteur de la commission de suivi, ce n’est donc pas de cela que nous parlons. Il s’agit plutôt d’envoyer un message fort à la Russie. Les Géorgiens, pas plus que les Ukrainiens, n’ont choisi d’être les voisins de la Russie; mais ils ont choisi d’adhérer au Conseil de l’Europe, dont la prééminence du droit, de la démocratie et des droits de l’homme sont les principes cardinaux. La Géorgie a choisi d’être un Etat associé à l’Union européenne, non à la Fédération de Russie; elle a choisi de s’abriter sous un large parapluie pour offrir à ses citoyens la sécurité, le développement et l’amélioration des conditions de vie.

Nous devons veiller à l’union des sociétés européennes contre l’occupation. Nos collègues russes avaient le choix. Ils auraient pu assister à nos débats et réfléchir à des solutions; mais ils ont préféré rester à Moscou pour ratifier, à des fins d’annexion d’une partie de notre territoire, un prétendu accord international avec la Crimée, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud.

Si nous devons éviter d’ériger de nouveaux murs en Europe, il nous faut aussi envoyer des messages clairs: si nous ne sommes pas déterminés à cet égard, la situation, je le crains, pourrait encore empirer. On n’a pu arrêter la Russie ni en 2008, ni en Crimée: à quoi devons-nous nous attendre pour la suite?

LA PRÉSIDENTE – Si nul ne s’y oppose, je donne la parole à lord Anderson, qui était absent tout à l’heure.

Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* – Merci, Madame la Présidente. Je fais pénitence pour cette absence !

Tout le monde, j’en suis sûr, aspire à préserver notre maison commune; mais ce n’est pas nous qui la barricadons. Sans doute les décisions du Sommet d’Istanbul s’agissant de l’OTAN étaient-elles des provocations peu avisées; mais elles ne justifient rien. Comme M. Schennach l’observait en janvier dernier, nous sommes dans un monde où les signaux envoyés sont essentiels. Le maintien du statu quo me paraît donc nécessaire: gardons une lueur d’espoir, tout en lançant un appel à nos collègues russes pour leur demander de respecter le droit international. Croyez-vous cependant qu’ils feront pénitence eux aussi? On peut évidemment en douter.

Robert Walter a eu raison de dire que la délégation russe se comporte comme un monolithe stalinien, en ce qu’elle applaudit sans réserve ses dirigeants. C’est l’invasion de la Crimée et la déstabilisation de l’est de l’Ukraine qui justifient les décisions que nous avons prises.

Les Russes ont prétendu n’avoir aucun soldat sur le terrain; c’était un mensonge éhonté. M. Pouchkov a affirmé qu’il n’y avait pas de tanks russes dans l’Est de l’Ukraine; les rebelles de Lougansk ou de Donetsk ont dû les trouver au supermarché du coin et les acheter! Non, nous savons tous qui a fait passer les chars d’assaut de l’autre côté de la frontière et qui déstabilise l’est de l’Ukraine. Par ailleurs, la Russie continue d’occuper la Crimée, laquelle n’est même pas mentionnée dans les Accords de Minsk. On note également de nombreuses violations des droits de l’homme en Crimée, dûment approuvées – bien entendu, l’OSCE a raison de rappeler que des violations sont aussi commises par les Ukrainiens.

Le dialogue est nécessaire, mais il a des limites. Je suis favorable au maintien du statu quo, laissons la porte ouverte, mais je crains fort qu’en fin d’année, nous soyons amenés à reprendre la même décision.

Mme GERASHCHENKO (Ukraine)* – En janvier, nous avons adopté la résolution qui exigeait de la Fédération de Russie de respecter la souveraineté de l’Ukraine, de relâcher tous les prisonniers et de réaliser les Accords de Minsk. Il convient de constater qu’aucun point de la résolution n’a été respecté. À l’heure actuelle, le régime du cessez-le-feu a été violé plus de 7 000 fois.

Je participe au Groupe de Minsk pour les questions humanitaires, et je puis vous affirmer que toute proposition constructive de l’Ukraine est rejetée par la Fédération de Russie.

La Fédération de Russie, qui ne dissimule pas son influence incontestable sur des terroristes, continue de les financer et de les soutenir. Juste après la signature des Accords de Minsk, l’Ukraine a perdu une partie considérable de son territoire, notamment Novoazovsk. Ouglegorsk et Debaltseve ont été détruits par des bombardements russes. Et cette situation se répète à Shirokino, Maryinka et dans d’autres villes.

Les terroristes reçoivent des armes facilement. Des prétendus convois humanitaires franchissent la frontière ukrainienne du côté de la Fédération de Russie. Plus de 3 500 camions sont passés, dont le contenu est inconnu de l’Ukraine. Et 412 kilomètres de frontière ne sont plus contrôlés.

Actuellement, au moins 11 prisonniers ukrainiens, ayant été illégalement transférés sur le territoire de la Fédération de Russie, restent détenus dans les prisons russes, dont Nadiia Savchenko, détenue depuis un an malgré 70 résolutions et appels répétés des organisations internationales.

Malgré de nombreux courriers du ministère des Affaires étrangères de l’Ukraine, Oleg Sentsov, Alexandre Koltchenko, Alexeï Cherniy et Gennadiy Afanasiev ont tous été arrêtés en Crimée par le service fédéral de sécurité, et sont retenus dans des prisons russes. Mikola Karpiuk, Stanislav Soloshenko, Valentin Vigovskiy et Sergueï Litvinov restent également emprisonnés.

En Crimée, les droits des Tatars de Crimée et des ukrainiens sont violés. Aujourd’hui, comme au temps du nazisme, quand des livres en ukrainien et en tatare de Crimée étaient supprimés, tous les médias indépendants des Tatares de Crimée ont été fermés.

La Crimée touristique se transforme en un polygone militaire. Donbass est déjà devenue un vrai polygone où les terroristes testent de nouvelles armes. Au total, nous avons déjà constaté la mort de plus de 7 000 ukrainiens, et 17 000 personnes ont été blessées.

Mme TZAKRI (Grèce)* – Aujourd’hui, la crise en Ukraine est vraiment une épreuve pour les relations entre la Russie et l’Europe. La Grèce se trouve dans un triangle d’insécurité, entre la Libye, l’Ukraine et le Moyen Orient, ce qui la conduit à contribuer régulièrement au dialogue constructif et aux négociations pour trouver des solutions.

Nous savons maintenant qu’une politique de sanctions n’aboutit pas à une solution politique. La pression ne mène pas à des solutions viables et durables; nous devons emprunter la voie diplomatique, adopter des mesures qui ne soient pas prises sous le coup de la colère, mais qui permettent d’aboutir à une solution par un dialogue constructif.

Que souhaitons-nous? Isoler la Russie? Aboutir à plus de crises humanitaires et de douleurs? Ou voulons-nous conduire la Russie à participer à la construction européenne de la sécurité et instaurer un dialogue et une entente mutuelle avec la Russie? Voulons-nous avoir la Russie avec nous ou contre nous?

La Grèce est bien évidemment favorable à ce que la Russie respecte les Accords de Minsk. Mais nous voulons également prendre des initiatives pour une coopération constructive entre la Russie et les Etats-Unis. Nous souhaitons également que des sanctions soient prises, mais des sanctions qui mènent au dialogue et non qui le bloquent. À cet égard, nous voulons accompagner l’initiative prise par la communauté internationale en faveur de ce dialogue. Nous voulons aider l’Ukraine à mener une réforme administrative qui aboutisse à une décentralisation des pouvoirs.

Nous sommes persuadés que la guerre économique, qui fait suite au conflit sur le terrain, mène à une impasse. La militarisation de la région et l’instauration d’un climat de guerre froide ne peuvent pas nous rapprocher d’une solution, bien au contraire. Aujourd’hui, la méfiance et la division règnent entre l’Europe et la Russie. Nous sommes donc obligés de rétablir un dialogue et de reprendre des négociations. Les Russes doivent revenir dans la communauté politique pour participer aux négociations internationales.

Mme IONOVA (Ukraine)* – Nous entendons que la situation s’arrange; c’est faux. Je dirais même que c’est l’escalade. Depuis les Accords de Minsk, l’Ukraine a enregistré des pertes importantes puisque nous avons déploré, du fait des seules violations du cessez-le-feu, 160 tués et plus de 900 blessés. Parvenir à un règlement pacifique et à un cessez-le-feu est un problème, car les Accords de Minsk ne sont pas respectés par les terroristes pro-russes et la Fédération de Russie. Ce sont bien les troupes russes qui sont sur le territoire ukrainien; ce sont bien des armes russes qui sont utilisées par les terroristes. Aucun dialogue n’est donc possible avec l’agresseur. Je ne citerai qu’un seul exemple: 1 000 terroristes ont attaqué Marioupol avec une dizaine de chars.

Par ailleurs, notre collègue Nadiia Savchenko est toujours dans les prisons russes et le nombre de nos ressortissants y augmente. Poutine a même annoncé que l’occupation de la Crimée faisait partie de ses plans. Cette violation du droit international a été dénoncée par la communauté internationale.

Lors de réunions avec des journalistes étrangers de Canal 24, ces derniers nous ont dit que l’accès à la Crimée leur avait été refusé.

Nous demandons à la Fédération de Russie de retirer ses troupes régulières du territoire, de cesser de soutenir les terroristes et de contrôler les frontières. Nous pourrons alors organiser des élections locales conformément aux normes de l’OSCE.

La Fédération de Russie viole les Accords de Minsk et le droit international, la Convention européenne des droits de l’homme et le mémorandum de Budapest. Aussi convient-il de renforcer les sanctions à l’encontre de la Russie, car tout affaiblissement de notre politique serait perçue par la Fédération de Russie comme tel et lui permettrait d’aller plus loin encore.

Toute l’Europe souffre, pas uniquement l’Ukraine. Il convient de relever le défi afin d’assurer la sécurité collective, la paix et la démocratie en Europe, qui sont fragilisées et qui pourraient s’effondrer, à moins que vous ne fassiez le nécessaire pour renforcer les sanctions contre la Russie.

La guerre est en Ukraine. J’espère que la diplomatie et la paix sont ici, en Europe, et que nous gagnerons contre l’agression et la guerre de la Fédération de Russie.

M. VLASENKO (Ukraine)* – Nous parlons des pouvoirs de la délégation de Russie, mais en fait de la façon dont celle-ci a respecté les recommandations qui figurent dans la résolution en question dont le paragraphe 11 portait sur l’emprisonnement de Mme Nadiia Savchenko. L’Assemblée avait alors considéré que cet emprisonnement s’inscrivait en violation du droit international et même que Mme Nadiia Savchenko avait été kidnappée. Aussi avons-nous demandé aux autorités de la libérer dans les 24 heures après le vote de la résolution.

Arrêtée à proximité de Lougansk par des forces séparatistes le 17 juin 2014, elle a pu être interrogée en prison et la vidéo a été postée sur YouTube le lendemain. Mais notre collègue a ensuite disparu pendant plusieurs jours avant de réapparaître au centre de détention provisoire de la Fédération de Russie. Quelques jours encore plus tard, nous avons pu entendre les explications cyniques fournies par M. Poutine, selon lequel si Nadiia Savchenko a été arrêtée c’est parce qu’elle avait franchi de sa propre volonté la frontière russe sans documents. C’est une attitude cynique.

En 2014, Nadiia Savchenko a été élue membre du Parlement ukrainien et elle appartient à notre Assemblée depuis janvier 2015. Aussi la propagande russe a-t-elle inventé toutes sortes de mythes à son propos. On a dit qu’elle aurait des activités criminelles. Or elle n’a été condamnée par aucune cour, ni aucune juridiction russe. Nos collègues russes oublient-ils le principe de présomption d’innocence? Non. Ils ne savent tout simplement pas ce que cela signifie. A plusieurs reprises, les avocats de Nadiia Savchenko ont démontré son innocence et personne n’a réagi, les autorités déclarant qu’elle était emprisonnée pour ses crimes. Or, il n’y a pas de chefs d’inculpation, son arrestation n’est pas fondée et elle n’a pas été condamnée. Et cela fait un an qu’elle est derrière les barreaux! Selon la loi russe, suffisamment de raisons seraient réunies pour mener une enquête et la libérer. Mais rien n’est fait en ce sens.

Dans ce paragraphe 11, nous demandions qu’elle soit libérée en sa qualité de parlementaire bénéficiant de l’immunité parlementaire. La réponse de la Russie a été typiquement russe: la juridiction n’a pas reconnu l’immunité parlementaire de Mme Nadiia Savchenko et elle a été accusée d’autres méfaits. Voilà le dialogue à la russe! C’est la raison pour laquelle je vous invite à voter la résolution.

Mme TAKTAKISHVILI (Géorgie) – On devrait aujourd’hui parler davantage de la situation en Ukraine. Malheureusement – et cela se comprend –, notre débat est concentré sur ce que nous n’avons pas fait et sur ce que nous devons faire pour que la situation ne se détériore pas davantage encore en Ukraine. Je dirai que c’est un débat sur l’impuissance de notre Organisation, non un débat sur ce que vit la population qui souffre en Ukraine, le débat ne porte pas non plus sur le sort de Mme Nadiia Savchenko qui, entre janvier et aujourd’hui, a perdu toute capacité à voir ses enfants en raison de son internement – et ce malgré la demande du Conseil de l’Europe exhortant à sa libération dans les 24 heures après le vote de la résolution.

Le Président du Comité des Ministres s’est rendu à deux reprises en Russie pour engager un dialogue avec les autorités, vous avez invité M. Sergueï Evguenievitch Narychkine, président de la Douma d’État de Russie, mais ces rencontres n’ont pas eu de suites. Il est temps de reconnaître soit que notre capacité à dialoguer avec les Russes est mauvaise, soit que les autorités russes n’ont nullement envie d’engager le dialogue.

Monsieur Hunko a déclaré que la guerre en Ukraine n’était pas le fait de la Russie, mais de la responsabilité de l’Otan qui voudrait s’élargir. Eh bien, non, ce n’est ni le fait de l’Otan, ni de l’Union européenne, ni d’un quelconque fantôme occidental pour gagner des zones d’influence proches de la Russie. Les peuples géorgien, ukrainien, moldave sont descendus dans la rue et ont décidé de se rapprocher de l’Union européenne, de vivre dans un pays où leurs droits et libertés seraient respectés, un pays sans corruption, où aucun lien n’unirait le gouvernement et les mafieux, contrairement à ce qui s’est produit par le passé en URSS et qui se poursuit aujourd’hui.

C’est le peuple qui a décidé de se tourner vers l’Union européenne et vers l’Otan. Ces organisations ne sont pas responsables de la situation – on pourrait même les critiquer de ne pas être en mesure de nous accueillir plus rapidement.

Il a été suggéré de poursuivre le dialogue avec la Russie, et ce même sans résultats. Cela revient à dire que le droit de décider de son sort, de choisir ses partenaires internationaux n’existe pas dans une partie de cette Organisation. Les populations des ex-pays de l’Union soviétique sont aujourd’hui obligées de descendre dans la rue, de perdre la vie, ainsi que c’est le cas des Ukrainiens qui sont morts au cours des affrontements à Euromaïdan. Il serait donc immoral de la part de notre Organisation de déclarer que la Russie doit prendre participer à nos travaux au même titre que les autres Etats membres.

Je vous incite à voter la résolution présentée et à revenir sur la question au mois de janvier.

M. VOVK (Ukraine)* – Ainsi que le prouvent les faits, la Russie continue à faire usage de la force contre l’Ukraine. C’est une guerre d’agression aux termes de la Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1974. Aux termes de cette résolution, «une guerre d’agression est un crime contre la paix internationale. L’agression entraîne la responsabilité internationale.»

Les sanctions contre l’Etat agresseur imposées par la communauté internationale sont un outil nécessaire pour rétablir la responsabilité de la Russie, sachant que le principe de proportionnalité des sanctions est central. La gravité des sanctions doit, en effet, être proportionnée à la gravité des violations et des crimes commis. A cet égard, j’aimerais souligner quelques points fondamentaux.

Comme le montre l’histoire de l’Europe, la politique d’apaisement d’un agresseur – qui a de nouveau le vent en poupe – est dommageable. Les tentatives sont vouées à l’échec et n’aboutissent qu’à pousser l’agresseur à plus de violence. Le Président Poutine ne comprend que la force!

Il est donc nécessaire de passer à une dissuasion pleine et entière de cet agresseur et surtout de prendre des sanctions économiques plus sévères encore contre la Russie.

Nous espérons également que, motivée par la recherche de la paix, l’Europe n’empêchera pas l’adoption, par l’administration américaine, de la décision très importante de fournir à l’Ukraine des armes de défense modernes. Tous les accords ne vaudront rien si l’armée n’est pas bien armée car ils ne seront ni reconnus ni respectés par l’agresseur.

Poutine, en réalité, n’a pas besoin du processus de paix Minsk 2. Ce qu’il souhaite, c’est la division du monde à la Yalta. Dans son rêve, Poutine, même s’il a face à lui Hollande et Merkel, cherche, comme un nouveau Staline, à diviser l’Europe en sphères d’influence comme à Yalta. Nous ne pouvons l’y autoriser.

L’agression russe sape de plus le système de non-prolifération des armes nucléaires, l’Ukraine ayant, elle, accepté le Mémorandum de Budapest.

En résistant à l’agression russe, l’Ukraine se bat pour les valeurs de l’Europe. J’en appelle à vous pour annuler définitivement les pouvoirs de la délégation de Russie en janvier 2016 et pour maintenir aujourd’hui les sanctions antérieures.

LA PRÉSIDENTE * – Mes chers collègues, il nous faut désormais suspendre notre débat que nous reprendrons cet après-midi, à 15 h 30.

2. Discours de M. Ivanić, Président de la présidence de Bosnie-Herzégovine

LA PRÉSIDENTE * – L’ordre du jour appelle maintenant le discours de M.  Ivanić, Président de la présidence de Bosnie-Herzégovine.

Monsieur le Président de la présidence, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue dans ces murs que vous connaissez.

Si c’est toujours un plaisir pour moi de souhaiter la bienvenue à d’anciens parlementaires qui ont atteint de nouveaux sommets dans leur carrière politique, c’en est un particulier que de vous souhaiter la bienvenue à l’occasion de votre présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Durant six mois, la Bosnie-Herzégovine sera à la tête d’une organisation de 47 Etats membres. Cette tâche, qui est une opportunité et un défi, constitue aussi une énorme responsabilité.

Le mois dernier, dans le cadre de la réunion de la Commission permanente à Sarajevo, ainsi qu’il y a deux jours, dans cet hémicycle, le ministre des Affaires étrangères de votre pays, M. Igor Crnadak, a présenté les priorités de votre présidence, que nous avons pleinement appuyées.

L’intitulé même de votre titre, Président de la présidence, témoigne de la spécificité et de la riche diversité culturelle de votre pays, ainsi que de sa complexité institutionnelle. A cet égard, la présidence du Comité des Ministres est pour vous une fenêtre d’opportunité.

Lorsque je me suis rendue à Sarajevo aux mois de mars et de mai de cette année, j’ai senti, dans mes discussions avec mes interlocuteurs, le désir réel de faire de cette présidence un vrai succès pour montrer à la fois au peuple de Bosnie-Herzégovine et à la communauté internationale qu’en dépit des désaccords qui peuvent exister, tous les acteurs politiques sont unis autour d’une même vision européenne de la Bosnie-Herzégovine. C’est d’autant plus important puisque votre peuple se tourne vers un avenir européen. Il est donc encourageant que, dans la déclaration du mois de février relative à l’adhésion à l’Union européenne, tous les dirigeants politiques et les institutions de votre pays se soient engagés à procéder à des réformes institutionnelles, incluant notamment l’exécution de l’arrêt Sejdić et Finci rendu par la Cour européenne des droits de l’homme.

Ces engagements doivent être respectés, non seulement parce que le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et la Communauté internationale s’y attendent, mais également parce que le peuple de la Bosnie-Herzégovine attend, lui aussi, ces réformes, dont il a besoin. Comme je l’ai souligné à Sarajevo le mois dernier, le compromis n’est pas une position de faiblesse, c’est une attitude responsable.

Monsieur le Président de la présidence, cette année nous célébrons le 20e anniversaire du massacre de Srebrenica. Pour nous tous, Srebrenica est devenu un symbole de la mémoire. Il nous rappelle qu’il faut constamment défendre nos valeurs et ne pas partir du principe qu’elles sont acquises une fois pour toutes.

Dans ce contexte, la présidence de la Bosnie-Herzégovine du Comité des Ministres sera l’occasion pour nous d’envoyer un message clair et net en faveur de la paix et de la réconciliation en Europe, de prouver que ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise et de montrer que les valeurs des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit sont plus fortes que la haine, la violence et les sombres spectres du passé.

Monsieur le Président de la présidence, je me suis rendue deux fois dans votre pays tout récemment. Si j’en ai ressenti la complexité, les contradictions, voire les tensions, j’y ai également ressenti l’espoir, l’aspiration en faveur du changement et la volonté de coopérer. C’est le plus important pour progresser.

Je puis vous assurer que vous pouvez compter sur notre soutien pour vous accompagner dans ces réformes nécessaires.

Monsieur le Président de la présidence, j’ai le plaisir de vous donner la parole.

M. IVANIĆ, Président de la présidence de Bosnie-Herzégovine * - Madame la Présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Mesdames et Messieurs, je voudrais tout d’abord vous faire part de ma gratitude pour votre invitation à m’adresser à vous. J’aurais d’ailleurs tendance à vous appeler «mes chers collègues», puisque, jusqu’à il y a peu, je siégeais encore dans cet hémicycle où nous avons eu parfois des discussions animées. J’ai eu en tout cas le privilège de vous rencontrer et de me faire de nombreux amis dans vos rangs, où nous avons échangé des avis et discuté de l’actualité, parfois partagé des craintes communes. Je n’oublierai jamais ces amis et garderai ces instants en mémoire toute ma vie.

Ce fut un privilège pour moi de siéger dans cette Assemblée qui représente 800 millions de citoyens et dont le territoire s’étend de l’Atlantique jusqu’au Pacifique, des eaux froides du Nord aux plages chaudes de la Méditerranée. Cette position prestigieuse implique cependant d’immenses responsabilités.

Moi-même, qui suis aux responsabilités, c’est en toute humilité que j’aborde aujourd’hui la présidence du Comité des Ministres. Nous ne pouvons pas vous promettre d’être les meilleurs présidents de l’histoire, mais nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour apporter une contribution modeste, une pierre à l’édifice du Conseil de l’Europe.

La situation de la Bosnie-Herzégovine n’est pas parfaite. Nous devons fournir encore de nombreux efforts. Toutefois, chacun reconnaîtra qu’elle est aujourd’hui bien meilleure que celle qui prévalait il y a vingt ans, au sortir de la guerre. Lorsque je compare les difficultés de la Bosnie-Herzégovine avec celles que rencontrent les populations d’autres parties du monde, je me dis que nous avons, tout de même, un peu réussi. Nous vivons aujourd’hui dans un pays pacifié. Les violences ethniques ont disparu depuis une décennie et, petit à petit, la Bosnie-Herzégovine devient un vrai pays.

Nous avons toutefois à relever encore de nombreux défis. Des désaccords persistent mais, peu à peu, nous avons aussi appris à les surmonter. Le nouveau gouvernement et la nouvelle présidence ont décidé d’appliquer une règle d’or: ne pas afficher de désaccords en public et privilégier les compromis.

Mais la communauté internationale aussi a modifié son approche à notre égard. Il y a dix ans, nous recevions des messages très clairs selon lesquels nous ne devions pas trop attendre des uns et des autres pour prendre notre destin en main. Il est vrai que, durant un temps, il y a eu blocage dans le pays et que les réformes n’ont pas avancé. Dans un tel contexte, nous ne pouvions espérer voir se dénouer certaines situations, comme celle relative à l’arrêt Sejdić et Finci.

Mais les situations évoluent. Nous nous attachons aujourd’hui à privilégier l’intérêt général. Cela passe en priorité par la réforme de l’économie, mais aussi par le règlement des questions sensibles telles que la réforme de constitution et l’application de l’arrêt Sejdić et Finci.

Dans les prochaines semaines, nous présenterons une feuille de route des réformes à engager à l’intérieur du pays. Puis, nous la mettrons progressivement en place, mois après mois. Nous aurons notamment à régler le mécanisme de coordination qui nous permettra, malgré les complexités structurelles du pays, de négocier d’une seule voix avec l’Union européenne. Nous savons pertinemment que cette dernière ne nous accueillera pas tant que nous n’aurons pas réglé des questions telles que l’arrêt Sejdić et Finci. Notre programme prévoit que nous réglions cette affaire après les élections locales, en 2017.

Nous entendons, en tout cas, nous mettre en condition de pouvoir adhérer à l’Union européenne – ce à quoi nous ne pouvions prétendre jusqu’à présent. Nous voulons vraiment, à l’issue de ce programme, pouvoir être un pays candidat. Sinon, nous resterons isolés. Quand on appartient à un ensemble plus grand que soi, on est plus pertinent, plus puissant. Les tensions s’atténuent.

Je ne voudrais pas brosser un tableau trop optimiste des choses. Il reste de nombreux défis à relever, mais notre axe est tout tracé: aller vers l’Union européenne et réformer la direction du pays. Il n’y a pas d’alternative – je ne veux même pas l’envisager!

Nous restons évidemment un pays fragile et rien n’est jamais acquis – les événements récents le démontrent –, mais la situation dans la région s’est beaucoup améliorée. La Croatie est entrée dans l’Union européenne et d’autres pays de la région sont en discussion avancée avec elle. Tout cela devrait aussi nous aider. Pour la Bosnie, entretenir de bonnes relations avec ses voisins dans la région est une condition essentielle pour ramener la stabilité intérieure.

Merci donc, chers amis de la communauté internationale, de continuer à nous aider pour favoriser ce développement positif! Car je ne vous cache pas que des difficultés peuvent toujours surgir. Notre région a échappé aux dernières vagues d’attentats terroristes, mais la menace existe. J’ai parlé à mes homologues de la région et nous sommes conscients du fait que nous devons mieux coordonner nos efforts pour faire face à la menace.

Cela impose, bien sûr, des actes politiques. Les dirigeants politiques doivent être très fermes. Il faut éviter les messages qui opposent et ne pas accuser les autres communautés. Mais si les dirigeants d’une communauté politique ou religieuse dénoncent eux-mêmes certains travers, peut-être seront-ils écoutés. En tout cas, nous devons jeter les bases d’une lutte efficace contre le terrorisme. Cela passe aussi par une coopération plus étroite des services de sécurité et de renseignement.

Par ailleurs, nous devons prendre conscience de l’importance que revêt le problème des combattants étrangers dans les rangs terroristes. Combien de nos ressortissants sont-ils en Libye, en Syrie ou ailleurs? Au moins 200, c’est sûr. Ils représentent une menace potentielle très grave. C’est tous ensemble que nous devons affronter ces problèmes.

En tout cas, il y a vingt ans, nous aurions difficilement pu imaginer que la Bosnie et la Serbie présideraient au même moment les deux plus grandes organisations européennes en matière d’Etat de droit, de démocratie de droits de l’homme et de sécurité: le Conseil de l’Europe, d’une part, l’OSCE, d’autre part. Pourtant, c’est la réalité aujourd’hui et, non seulement la Bosnie et la Serbie président chacune une organisation, mais elles travaillent dans le sens d’une meilleure coordination de leurs actions, car ce n’est qu’ainsi que nous pourrons répondre aux problèmes rencontrés aujourd’hui par notre continent.

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire, il y a 60 ans, les pères fondateurs du Conseil de l’Europe ont eu le courage de jeter les bases de cette Organisation ici, à Strasbourg, sur les ruines de la guerre. Ils l’ont créé pour défendre la démocratie, la prééminence du droit et les droits de l’homme.

Malheureusement, nous avons assisté ces derniers temps à des attaques terroristes, nous sommes les témoins de ces drames en Méditerranée. Toutes ces menaces fragilisent notre continent. Nos accomplissements en matière de démocratie, de droits de l’homme et d’Etat de droit ne doivent jamais être considérés comme définitivement acquis. Tout peut arriver à tout moment et venir ébranler la paix de notre continent.

Que faire pour affronter les crises actuelles?

À mon avis, il y a une réponse à trouver dans le rapport sur l’état de la sécurité démocratique en Europe du Secrétaire Général. Tous les Etats membres doivent respecter pleinement leurs engagements, les conventions et les valeurs de l’Organisation. L’Organisation doit aussi utiliser son savoir-faire exceptionnel et les moyens non contraignants dont elle dispose pour lutter, davantage encore, contre la haine, l’intolérance et l’extrémisme. Les Etats membres doivent être tout à fait déterminés à faire triompher la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit, valeurs qui doivent être partie intégrante du système européen.

Dans ce contexte, je ne peux que me féliciter de l’adoption par le Comité des Ministres du plan d’action de lutte contre l’extrémisme et le terrorisme. Je suis favorable au Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme sur la prévention du terrorisme, pour faire face notamment au problème des combattants étrangers.

De nombreux jeunes ont quitté la sécurité de leur foyer pour rejoindre des organisations terroristes en Syrie ou en Irak. Que ces jeunes aient choisi le terrorisme nous trouble. Ce protocole additionnel doit donc être adopté très rapidement et être ouvert à la signature dans les prochains mois.

Les problèmes que nous rencontrons aujourd’hui nous dépassent. Aucun pays ne saurait les résoudre seul. Ce n’est qu’en travaillant ensemble, en étroite liaison d’ailleurs avec votre Assemblée, le Comité des Ministres et le Congrès, que les Etats membres pourront relever ces défis.

Vous êtes, je l’ai déjà dit, les représentants de 800 millions de citoyens et, à ce titre, vous avez joué un rôle très actif.

Je voudrais aussi insister sur l’Alliance des parlementaires contre la haine, que vous avez créée. Je rends aussi hommage à vos débats sur des problèmes tels que la discrimination en Europe, le radicalisme, le terrorisme, la cybercriminalité, ou encore la situation des réfugiés. Votre décision de créer le statut de partenaire pour la démocratie a été véritablement visionnaire. Elle démontre votre engagement pour faire progresser vos idées, y compris dans les pays voisins du Conseil de l’Europe.

Le Conseil de l’Europe a accumulé un patrimoine unique. Avec la Cour européenne des droits de l’homme et son système de suivi de l’exécution des arrêts, votre Organisation – notre Organisation – est aujourd’hui une référence mondiale en matière de droits de l’homme, et j’espère que l’Union européenne résoudra très rapidement les problèmes de procédure de manière qu’elle puisse adhérer à la Convention européenne des droits de l’homme.

Notre Commission européenne pour la démocratie par le droit – la Commission de Venise – est aussi une autorité incontestable en matière de droit constitutionnel. On demande ses avis de toutes parts, y compris des pays qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe.

Depuis 20 ans, l’Europe a beaucoup changé, politiquement et institutionnellement. Malgré cela, le Conseil de l’Europe, à travers ses trois grands domaines d’activité – les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit – continue d’avoir une très grande influence sur les choix institutionnels qui sont faits sur notre continent. Bien entendu, le Conseil doit continuer à s’adapter aux évolutions et à coopérer avec d’autres organisations européennes et internationales. Les menaces qui pèsent sur la paix et la stabilité, 76 ans après sa création, ont certes pris une forme différente, mais les réponses qu’il convient de leur apporter sont toujours les mêmes: ce sont la démocratie, l’Etat de droit et le respect des autres, en particulier quand ils sont différents.

Depuis sept décennies, le Conseil œuvre dans notre intérêt et celui des générations futures. Continuons ainsi!

LA PRÉSIDENTE* - Merci beaucoup, Monsieur le Président, pour votre allocution.

Un certain nombre de parlementaires souhaitent vous poser des questions. Je leur rappelle qu’ils disposent de 30 secondes Nous commençons par les orateurs s’exprimant au nom des groupes politiques.

M. JURATOVIC (Allemagne), porte-parole du Groupe socialiste* – La Bosnie-Herzégovine veut adhérer à l’Union européenne, ce dont nous nous félicitons, mais la situation y est telle que quelqu’un peut se retrouver privé de ses droits du fait de son identité. Il est important de corriger les choses, notamment en appliquant l’arrêt Sejdić et Finci. La jeunesse n’a pas – ou peu – de perspectives pour l’instant. D’où ma question: combien de temps encore une telle situation régnera-t-elle en Bosnie-Herzégovine? Êtes-vous sûr que les élites politiques de Bosnie-Herzégovine veulent vraiment adhérer à l’Union européenne?

En Europe, les frontières ne peuvent être modifiées: la cohabitation est donc nécessairement l’avenir de la Bosnie-Herzégovine. Pour cela, il faut de la confiance mutuelle. Ma seconde question est donc la suivante: le 11 juillet, à Srebrenica, répondrez-vous aux victimes et encouragerez-vous le président du Gouvernement serbe à ce que vous vous rendiez ensemble aux commémorations?

M. LE PRÉSIDENT DE LA PRÉSIDENCE DE BOSNIE-HERZÉGOVINE* – Il me faudrait beaucoup de temps pour développer ma position sur cette question. La solution, pour la Bosnie-Herzégovine, réside dans un équilibre entre les différentes approches. Il n’y a pas, pour l’instant, une solution unique.

Il y a différents groupes ethniques et, si vous appartenez au plus minoritaire, vous ressentez certaines craintes, que ce soient les Serbes parmi les Bosniaques ou les Bosniaques parmi les Serbes. Il faut donc trouver une solution de compromis, et cela d’autant plus que personne n’accepte la perspective d’une séparation, une solution qui soit également équitable et qui permette de lever toutes les craintes. Je pense que nous y parviendrons. Les Accords de Dayton ont fixé un cadre pour cela. Si nous sommes disposés à trouver une solution, nous y arriverons. Si au contraire la volonté manque, il n’y aura pas de solution. Mais, dans ce cas, un morceau de papier, si beau soit-il, et même s’il porte le nom de Constitution, n’y pourra rien.

La Bosnie-Herzégovine doit s’ouvrir au compromis, comprendre l’autre, en particulier la peur de l’autre, et trouver des solutions normales et réalistes. Elle doit trouver un terrain d’entente plutôt que de désaccord. Dans le passé, les positions ont toujours été très dures en raison de visées électorales. Je suis convaincu qu’il faut changer cette approche. Cela dit, on ne peut espérer, pour l’instant, qu’une solution idéale voie le jour en Bosnie-Herzégovine. Je crois en sa possibilité, mais pas tout de suite: ce sera pour une génération moins proche que la nôtre de la guerre. Toutefois, je crois que nous pouvons trouver une solution. Je suis opposé à une approche de type «big-bang». En effet, on aurait alors, de nouveau, trois visions s’affrontant pour un même pays. Je ne veux pas créer une telle situation. Je veux traiter les problèmes pour lesquels des solutions sont possibles, afin d’améliorer la vie de la population.

En ce qui concerne votre seconde question, je me suis rendu à Srebrenica il y a dix ans. Il n’était donc pas nécessaire de m’interroger sur ce point. J’y étais, à l’époque, en qualité de ministre des Affaires étrangères. Nous verrons en tout cas ce qui se produira. Il y a une crise, et peut-être même n’y aura-t-il pas de commémoration. Quoi qu’il en soit, je pense avoir fait mon devoir, il y a dix ans déjà, à une époque où c’était plus difficile qu’aujourd’hui.

Ce qui s’est passé à Srebrenica exige qu’on ait du respect pour les victimes et qu’on n’en fasse pas un événement purement politique. Cela vaut pour tous. Le jour où nous pourrons vraiment y aller pour rendre hommage aux victimes innocentes, cet événement pourra nous unir. Si la cérémonie sert des fins politiques, comme c’est le cas, il s’agira simplement d’un instrument de division, ce à quoi je m’oppose, et je n’y participerai donc pas. Mais M. Vučić est un homme politique sérieux; il n’a pas besoin de mes conseils.

M. VAREIKIS (Lituanie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Monsieur le Président, cela fait bien des années que je vous connais et que je travaille avec votre pays.

Vous avez, d’une certaine manière, déjà répondu par avance à ma question. En tant qu’hommes politiques, nous devons rêver. Eh bien, ce dont je rêve, c’est non seulement d’un président, mais d’un véritable dirigeant européen. Votre pays a connu une expérience très douloureuse. En tant que dirigeant, quelles solutions pouvez-vous nous suggérer aux problèmes que nous connaissons en Moldova, en Arménie, en Azerbaïdjan, en Ukraine et en Russie? Qu’est-ce que votre expérience pourrait nous apporter pour faire face aux problèmes actuels?

M. LE PRÉSIDENT DE LA PRÉSIDENCE DE BOSNIE-HERZÉGOVINE* – L’expérience m’a enseigné qu’il ne faut pas tarder. Si l’on attend que la solution arrive, elle ne vient jamais. Une solution est toujours intermédiaire, chacun n’est ni satisfait, ni mécontent. Dans ce type de conflit, seul ce type de solution fonctionne. Il faut avant tout un point de départ, après quoi nous pourrons lancer des réformes et affiner les réponses. Si nous reportons la solution, la trouverons-nous jamais? Faudra-t-il la repousser à la génération suivante? Cherchons une solution intermédiaire, en essayant de comprendre toutes les parties.

Nous ne sommes pas une société idéale, elle fonctionne cependant, et les gens vivent normalement. Nous aurions certes besoin de davantage d’emplois, mais nous avons un cadre qui nous permet d’avoir quelques espoirs.

M. BINLEY (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Monsieur le Président, j’apprécie les efforts déployés par votre administration pour aider les mouvements de citoyens qui font avancer la démocratie en Bosnie-Herzégovine. Quels sont vos projets pour encourager d’autres associations de ce type, et plus précisément, qu’est-ce que votre administration initie dans ce domaine, à l’image de cette usine qui a été remise sur pied avec l’aide de trustees?

M. LE PRÉSIDENT DE LA PRÉSIDENCE DE BOSNIE-HERZÉGOVINE* – L’année dernière, des manifestations importantes ont eu lieu. Pour la première fois depuis la guerre, les raisons n’en étaient ni politiques ni ethniques, mais purement économiques. Que l’on voit le verre à moitié plein ou à moitié vide, une dimension positive appert: une pression est exercée sur l’ensemble du gouvernement pour qu’il ait une action économique, crée des emplois et s’intéresse au développement économique plutôt qu’aux divisions ethniques. Voilà le message. Il est très important de le faire passer.

Il faut de toute évidence changer le quotidien des citoyens: plus d’emplois, plus d’écoles. Ce ne sont plus les questions du passé, celles des 35 dernières années, qui nous préoccupent, tel est notre message. Une usine a été rouverte: c’est la voie à suivre. Grâce à ces manifestations, le programme économique est en bonne voie.

Dans mon pays, il n’est pas simple de trouver un consensus. Lors des dernières élections nous nous sommes mis d’accord sur la déclaration commune de la présidence, qui doit être approuvée par tous les dirigeants des partis politiques. Le Parlement l’a adopté à l’unanimité! La semaine prochaine j’espère que nous pourrons nous mettre d’accord sur la panoplie des mesures économiques.

En l’espace de huit mois, j’estime que le résultat est positif. Cela montre la pression que les citoyens ont exercé sur l’administration pour que l’on ne s’occupe plus des différents constitutions, mais que l’on s’occupe du quotidien de l’homme de la rue, des questions économiques et de l’emploi. Les jeunes générations ne doivent pas quitter le pays. Ce sera le cas si nous continuons à avoir cette ancienne approche.

Mme BECK (Allemagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Un recensement a été effectué en 2013, dont les résultats n’ont toujours pas été publiés. Le seront-ils? Le problème semble venir du fait que certains citoyens ne seraient pas identifiés à une communauté ethnique. Mais peut-être est-ce là que réside la solution? Ne pas identifier les gens selon leur appartenance ethnique rapprocherait les gens, au lieu d’insister sur ce qui les sépare.

M. LE PRÉSIDENT DE LA PRÉSIDENCE DE BOSNIE-HERZÉGOVINE* – Depuis vingt ans chaque recensement pose problème. Mais le résultat du dernier recensement n’aura pas de conséquences sur la Constitution. Nous avons trois membres de la présidence, quels que soient les chiffres du recensement.

Le conseil des ministres est créé sur des bases égalitaires, et des députés représentent les différentes entités, ce indépendamment du recensement. Celui-ci n’a pas d’implications politiques réelles. Cependant, certains politiciens locaux voient dans ce recensement l’occasion de montrer leurs muscles! Ils s’imaginent que s’ils ont la majorité, ils pourront tout faire ou presque.

Les problèmes du recensement sont multiples: par exemple, ceux qui ne sont pas sur le sol bosnien depuis plus de six mois sont-ils des citoyens? Certains sont entrés dans une impasse dont ils ne peuvent sortir. Même si les chiffres ne sont pas publiés, nous avons à disposition des ordres de grandeur, et il n’y aura pas de bouleversement majeur. Je ne vois pas de désaccord à venir. De toute façon, il n’y aura pas de conséquences politiques, c’est une affaire technique de statisticiens. Le monde politique s’est abstenu jusqu’à présent d’ouvrir un débat, et nous pensons avoir des résultats d’ici la fin de l’année. Je vous rappelle aussi que nous bénéficions de l’aide de statisticiens européens.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la Gauche unitaire européenne* – Monsieur le Président, nous avons eu le plaisir de nous rencontrer l’année dernière dans votre pays, lorsque j’étais présent pour la mission d’observation des élections. Je vous félicite d’ailleurs pour le résultat. Même si les élections étaient bien organisées, près de 50 % des électeurs n’ont pas participé au scrutin, et l’autre moitié des électeurs, ceux qui ont participé, n’avaient pas l’impression de peser vraiment sur le résultat et sur les politiques.

Après les élections, j’étais parvenu à la conclusion que la méfiance dans les institutions démocratiques pourrait menacer la stabilité de votre pays. Nous sommes d’accord sur la nécessité de renforcer cette confiance dans les institutions. Ce qui est plus vite dit que fait. Que comptez-vous faire pour surmonter ce problème fondamental pour la Bosnie?

M. LE PRÉSIDENT DE LA PRÉSIDENCE DE BOSNIE-HERZÉGOVINE* – Le taux de participation a été de 54 % en Bosnie-Herzégovine lors des dernières élections. Ce n’est pas un taux si faible que cela si on le compare avec ceux d’autres pays européens. Toutefois, l’une des raisons de ce taux encore faible est que le nombre d’électeurs comptabilisés est calculé en fonction des cartes d’identité émises. Or il existe un certain nombre de ressortissants de Bosnie qui ne résident pas dans le pays et qui ne participent pas au vote. Ils ont le droit de vote, car ils possèdent une carte d’identité, mais ils ne votent pas, n’étant pas présents sur le territoire. Le taux de participation apparaît de ce fait plus faible qu’il ne l’est.

Je partage néanmoins votre analyse. Encore aujourd’hui, les citoyens de la Bosnie-Herzégovine ne croient pas vraiment que leur voix compte. Ils sont nombreux à penser que quoi qu’il advienne lors des élections, rien ne changera. La Bosnie n’est pas encore une société pleinement démocratique. Le droit de vote individuel ne date que de vingt ans, quelques élections à peine. A l’époque communiste, voter ne changeait en rien le cours des choses. Nous devons aujourd’hui convaincre la population de participer aux élections. Nombreuses sont les personnes qui pensent que les élus sont plus importants que les institutions. Des réformes et du temps sont nécessaires. Je suis optimiste, car la situation s’améliore. Ma propre victoire politique est selon moi le signe d’une évolution positive. La société mûrit doucement. C’est un processus de longue haleine et il faudra quelques élections encore avant que la population comprenne toute l’importance de voter. Je ferai de mon mieux pour l’y aider.

M. LE BORGN’ (France) – Je souhaite vous interroger tout à la fois comme Président de votre pays mais aussi comme connaisseur de notre Assemblée, sur l’application parfois difficile des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Cette question récurrente est fondamentale puisqu’elle est un défi pour notre Organisation. Elle touche en effet à la crédibilité même du Conseil de l’Europe. Quelles sont vos idées et vos propositions sur cette question? Sera-t-elle l’une des priorités de la présidence de votre pays?

M. LE PRÉSIDENT DE LA PRÉSIDENCE DE BOSNIE-HERZÉGOVINE* – Que l’arrêt de la Cour plaise ou non, il doit être exécuté. C’est une règle de base et c’est la condition de la survie du Conseil de l’Europe. J’ai dû mettre en œuvre plusieurs décisions relatives à la Bosnie-Herzégovine auxquelles je n’étais pas favorable, mais aucune exception n’est acceptable et la règle doit être appliquée. L’arrêt Sejdić-Finci constitue un défi pour les responsables politiques de Bosnie, mais nous devrons de faire de notre mieux pour l’exécuter. Nous n’avons pas le choix. Je demande d’ailleurs à tous les parlementaires de l’Assemblée de faire pression sur leurs autorités nationales afin qu’elles mettent en œuvre tous les arrêts de la Cour européenne qui les concernent.

M. MANNINGER (Hongrie)* – Nous saluons les efforts de la présidence dans le domaine du dialogue, notamment, la dimension religieuse de celui-ci étant de la plus haute importance. Mais quelles sont les priorités de la présidence de la Bosnie-Herzégovine au regard de la dimension religieuse en l’Europe à l’heure actuelle?

M. LE PRÉSIDENT DE LA PRÉSIDENCE DE BOSNIE-HERZÉGOVINE* – C’est un point très important. De bonnes relations entre nos quatre communautés religieuses constituent la condition préalable à la stabilité politique en Bosnie, mais aussi en Europe. A cet égard, il faut souligner une évolution positive dans notre pays. Certains problèmes sont apparus en raison de la radicalisation de communautés religieuses. Le meilleur moyen de prévenir ce phénomène est d’en parler et de le comprendre. C’est pourquoi nous avons décidé d’organiser une conférence à Sarajevo. Nous devons mieux nous comprendre les uns les autres. C’est la condition de la stabilité de la Bosnie-Herzégovine et nous avons fait preuve d’un peu d’égoïsme, il est vrai, en inscrivant ce sujet à l’ordre du jour de notre présidence.

Mme MULIĆ (Croatie)* – Que pensez-vous des appels du Président de la Republica Srpska en faveur de l’indépendance de cette dernière? Par ailleurs, le mois prochain, ce sera le 20e anniversaire du massacre de Srebrenica, et un mandat d’arrêt court toujours contre Naser Orić, celui qui a dirigé les opérations et qui a déjà été jugé à La Haye. Le fait qu’il dépende de la justice serbe ne semble pas conforme au droit international.

M. LE PRÉSIDENT DE LA PRÉSIDENCE DE BOSNIE-HERZÉGOVINE* – Je vais commencer par votre seconde question et le cas Naser Orić. Aux yeux d’une communauté, c’est un héros; aux yeux de l’autre, c’est un criminel de guerre. Il paraît difficile de trouver un terrain d’entente. Orić a été arrêté en Suisse et je ne crois pas que nous puissions peser sur la justice suisse, qui est indépendante. Le juge tranchera en fonction des arguments et des faits. On crée ici un problème artificiel, selon moi. Combien de cas individuels seront-ils encore examinés à l’avenir? Depuis vingt ans, je m’interdis tout commentaire sur ce genre d’affaire. Où va-t-on si les responsables politiques commentent chaque décision de justice? Il s’agit d’une affaire judiciaire qui doit être résolue. Les ministères de la justice bosnienne, serbe et suisse doivent trouver une solution. Si chacun défend ses ressortissants au motif qu’aucun d’entre eux ne saurait avoir tort, nous n’avancerons pas. En tant que représentant de la présidence de Bosnie-Herzégovine, je crois qu’il vaut toujours mieux parler ouvertement des choses. Toutefois, il ne faut pas choisir la voie la plus facile parce qu’elle est approuvée par sa communauté. Cela ne fait que compliquer les choses en réalité.

Pour le reste, que puis-je dire? Que je ne suis pas d’accord?

L’avenir de la Bosnie-Herzégovine est envisagé différemment selon les points de vue: à Sarajevo, on voudrait une Bosnie sans entités; la Republika Srpska, elle, souhaite devenir indépendante. D’autres préféreraient d’autres voies encore. Mais cette logique des points de vue particuliers n’est pas réaliste: elle conduit droit à la guerre. Efforçons-nous plutôt d’apparaître sous un jour plus favorable, notamment aux yeux de l’Union européenne, sans ressasser les vieilles histoires.

Personnellement je défendrai toujours ma communauté, mais sans jamais attaquer les autres. Au reste je ne puis protéger l’identité de cette communauté sans coopérer avec ces dernières. Nul ne peut évidemment me demander de n’être pas serbe; mais, pour offrir un meilleur avenir à mon pays, je dois être prêt au compromis.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – L’Azerbaïdjan et la Bosnie-Herzégovine entretiennent de bonnes relations et développent des projets en commun. Je veux remercier le peuple bosnien pour la résolution adoptée par la Chambre des députés s’agissant des massacres qui ont eu lieu et du respect de l’intégrité territoriale de mon pays.

Pouvons-nous espérer une intervention de votre pays, dans le cadre de la présidence du Comité des Ministres que vous assurez, pour résoudre notre conflit?

M. LE PRÉSIDENT DE LA PRÉSIDENCE DE BOSNIE-HERZÉGOVINE* – Nous nous efforçons d’entretenir des relations amicales avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Je me suis récemment rendu à Bakou pour l’ouverture des Jeux européens; j’ai pu constater, à cette occasion, que l’Azerbaïdjan soutient, par exemple, des projets d’investissements dans une société qui réunirait les trois groupes ethniques à la frontière.

Nous avons aussi de bonnes relations avec l’Arménie, et nous essayons de les développer. Sans doute notre expérience de ce genre de conflit nous permet-elle de vous apporter une aide: même si nous n’avons pas assez d’influence pour imposer une solution, nous n’avons pas non plus d’intérêts à défendre. Reste que la mise en œuvre d’une telle solution dépend des deux pays concernés. Faute d’accord entre eux, nul ne pourra leur imposer une voie, et certainement pas la Bosnie-Herzégovine, qui, je le répète, est un petit pays qui n’a que peu d’influence. Nous continuerons néanmoins à faire tout ce qui est en notre pouvoir car la résolution de ce conflit est dans l’intérêt de tous, et d’abord dans celui des citoyens des deux pays concernés.

M. HANŽEK (Slovénie)* – D’après plusieurs ONG, des dirigeants locaux, en Bosnie-Herzégovine, s’abstiennent systématiquement d’appliquer les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme: l’arrêt Sejdić et Finci, rendu en 2009, ainsi que l’arrêt Zornić en constituent des cas emblématiques. Dans son dernier rapport, le Groupe des Etats contre la corruption (GRECO) a jugé insatisfaisant le niveau de conformité aux recommandations. Des rapports émanant d’autres organisations internationales font aussi état du manque de libertés et de pressions sur les médias. Quelles actions les autorités bosniennes mettent-elles en œuvre pour améliorer la situation et assurer une conformité minimale aux normes des droits de l’homme?

M. LE PRÉSIDENT DE LA PRÉSIDENCE DE BOSNIE-HERZÉGOVINE* – Je me suis déjà exprimé sur le cas Sejdić et Finci. Je suis désormais optimiste sur la possibilité de faire appliquer cet arrêt, même si d’autres difficultés demeurent, bien entendu, en matière de droits des minorités et, plus généralement, de droits de l’homme. Pourquoi, par exemple, des étudiants serbes n’ont-ils pas la possibilité, dans certaines universités, de suivre les enseignements en serbe? Pourquoi, à l’inverse, des élèves bosniaques ne peuvent-ils suivre les cours dans leur langue? D’aucuns invoqueront des problèmes financiers – qui au demeurant sont réels –, d’autres, certaines décisions politiques. Reste qu’il faut bien régler le problème.

Les choses ne sont pas non plus satisfaisantes, j’en conviens, s’agissant de la liberté des médias; mais la responsabilité est partagée. L’ensemble des responsables des services publics ont été nommés avec l’accord des représentants internationaux: cela a été considéré comme un signe positif pour la démocratie, et une sorte de bénédiction politique a été donnée par le Haut Représentant des Nations Unies. Certains politiciens, dans notre pays, ont instrumentalisé ces évolutions pour assurer leur réélection. Je désapprouve bien entendu de telles démarches, mais il faut aussi composer avec la réalité. C’est en tout cas grâce à l’invitation du nouveau Gouvernement que la représentante de l’OSCE pour la liberté des médias, d’ailleurs de nationalité bosnienne, a pu se rendre dans notre pays. Bref, si je reconnais que la situation n’est pas idéale, il est dans notre intérêt de hisser le niveau des droits de l’homme. Les jeunes Bosniens, dont certains sont assis dans les tribunes de cet hémicycle, doivent tous avoir la chance de vivre en paix dans notre société. Si je ne puis garantir qu’elle sera idéale, je vous garantis en revanche que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que les choses s’améliorent.

LA PRÉSIDENTE* – Merci infiniment, Monsieur le Président de la présidence. Je tiens à vous remercier, au nom de tous mes collègues, pour la façon dont vous avez répondu aux questions. Vous avez parlé avec beaucoup de franchise, vous avez reconnu qu’il existait des problèmes dans votre pays et qu’il vous fallait trouver des solutions tous ensemble. Soyez assuré que nous allons vous soutenir dans la quête de ces solutions.

J’ai été particulièrement sensible à votre volonté d’exécuter les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Un engagement que nous devons tous prendre. Vous avez été un membre de cette Assemblée, vous connaissez les valeurs que nous défendons.

Une dernière fois merci, Monsieur le Président ; tous nos vœux de succès vous accompagnent pour vous personnellement, mais surtout pour votre pays et vos concitoyens.

3. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi à 15 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 13 heures.

SOMMAIRE

1. Examen de l’annulation des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie (suivi du paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015))

Présentation par M. Schennach du rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (Doc. 13800)

Présentation par M. Vareikis du rapport de la commission de Règlement, saisie pour avis (Doc. 13827)

Orateurs: MM. Kox, Nicoletti, Ghiletchi, Walter, Mme Zelienková, M. Pozzo di Borgo, Mme Vėsaitė, M. Neguta, Mme Schneider-Schneiter, M. Ariev, Honcharenko, Recordon, Sobolev, Mmes Durrieu, Beck, M. Hunko, Mme Shou, MM. Logvynskyi, Lopushanskyi, Bereza, Sir Roger Gale, M. Chikovani, Lord Anderson, Mmes Gerashchenko, Tzakri, Ionova, M. Vlasenko, Mme Taktakishvili, M. Vovk.

2. Discours de M. Ivanić, Président de la présidence de Bosnie-Herzégovine

Questions: MM. Juratovic, Vareikis, Binley, Mme Beck, MM. Kox, Le Borgn’, Manninger, Mmes Mulić, Pashayeva, M. Hanžek

3. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d’un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Brigitte ALLAIN/Philippe Bies

Jean-Charles ALLAVENA

Werner AMON/ Edgar Mayer

Luise AMTSBERG/ Frithjof Schmidt

Athanasia ANAGNOSTOPOULOU

Liv Holm ANDERSEN*

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Sirkka-Liisa ANTTILA

Ben-Oni ARDELEAN/Ion Popa

Khadija ARIB*

Volodymyr ARIEV

Egemen BAĞIŞ

Theodora BAKOYANNIS/Nikolaos Nikolopoulos

David BAKRADZE

Gérard BAPT/Geneviève Gosselin-Fleury

Doris BARNETT

José Manuel BARREIRO/Agustín Conde

Deniz BAYKAL*

Marieluise BECK

Ondřej BENEŠIK/Gabriela Pecková

José María BENEYTO*

Levan BERDZENISHVILI/Chiora Taktakishvili

Deborah BERGAMINI

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI/ Claudio Fazzone

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ/Boriss Cilevičs

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY

Ľuboš BLAHA*

Philippe BLANCHART*

Maryvonne BLONDIN

Jean-Marie BOCKEL*

Olga BORZOVA*

Mladen BOSIĆ

António BRAGA

Anne BRASSEUR/Claude Adam

Alessandro BRATTI/Eleonora Cimbro

Piet De BRUYN*

Beata BUBLEWICZ*

Gerold BÜCHEL

André BUGNON/Luc Recordon

Natalia BURYKINA*

Nunzia CATALFO

Elena CENTEMERO

Irakli CHIKOVANI

Vannino CHITI*

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH/Helena Hatka

James CLAPPISON

Igor CORMAN*

Telmo CORREIA*

Paolo CORSINI

Carlos COSTA NEVES*

Celeste COSTANTINO*

Yves CRUCHTEN*

Zsolt CSENGER-ZALÁN*

Katalin CSÖBÖR/Jenő Manninger

Joseph DEBONO GRECH

Reha DENEMEÇ

Alain DESTEXHE

Manlio DI STEFANO

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK*

Şaban DİŞLİ

Sergio DIVINA

Aleksandra DJUROVIĆ

Namik DOKLE

Elvira DROBINSKI-WEIß/Mechthild Rawert

Daphné DUMERY/Petra De Sutter

Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON*

Josette DURRIEU

Mustafa DZHEMILIEV/Andrii Lopushanskyi

Mikuláš DZURINDA*

Lady Diana ECCLES*

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL

Joseph FENECH ADAMI*

Cătălin Daniel FENECHIU

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA

Daniela FILIPIOVÁ/Miroslav Antl

Ute FINCKH-KRÄMER

Axel E. FISCHER*

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER*

Hans FRANKEN

Béatrice FRESKO-ROLFO*

Martin FRONC*

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO

Tina GHASEMI

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO

Pavol GOGA*

Carlos Alberto GONÇALVES

Alina Ștefania GORGHIU/Viorel Riceard Badea

Svetlana GORYACHEVA*

Sandro GOZI/Khalid Chaouki

Fred de GRAAF*

François GROSDIDIER/Yves Pozzo Di Borgo

Andreas GROSS

Dzhema GROZDANOVA

Mehmet Kasim GÜLPINAR*

Gergely GULYÁS

Jonas GUNNARSSON

Nazmi GÜR*

Antonio GUTIÉRREZ*

Maria GUZENINA

Márton GYÖNGYÖSI*

Sabir HAJIYEV

Hannes HANSO

Alfred HEER/Maximilian Reimann

Michael HENNRICH/Volkmar Vogel

Martin HENRIKSEN*

Françoise HETTO-GAASCH

Oleksii HONCHARENKO

Jim HOOD*

Arpine HOVHANNISYAN

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER

Andrej HUNKO

Ali HUSEYNLI*

Rafael HUSEYNOV

Vitaly IGNATENKO*

Florin IORDACHE*

Tadeusz IWIŃSKI

Denis JACQUAT*

Gediminas JAKAVONIS

Gordan JANDROKOVIĆ

Tedo JAPARIDZE*

Michael Aastrup JENSEN*

Frank J. JENSSEN

Florina-Ruxandra JIPA*

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ/Stefana Miladinović

Josip JURATOVIC

Anne KALMARI

Mustafa KARADAYI*

Marietta KARAMANLI/Jean-Claude Frécon

Niklas KARLSSON

Andreja KATIČ*

Vasiliki KATRIVANOU*

Ioanneta KAVVADIA

Danail KIRILOV*

Bogdan KLICH*

Manana KOBAKHIDZE*

Haluk KOÇ*

Igor KOLMAN

Željko KOMŠIĆ

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR*

Ksenija KORENJAK KRAMAR/Matjaž Hanžek

Attila KORODI

Alev KORUN/Andreas Schieder

Rom KOSTŘICA/Marek Černoch

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO

Julia KRONLID*

Eerik-Niiles KROSS/Andres Herkel

Marek KRZĄKAŁA*

Athina KYRIAKIDOU*

Serhiy LABAZIUK/Mariia Ionova

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON

Pierre-Yves LE BORGN’

Jean-Yves LE DÉAUT/Pascale Crozon

Igor LEBEDEV*

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Georgii LOGVYNSKYI

François LONCLE/Catherine Quéré

George LOUKAIDES

Yuliya L’OVOCHKINA/Sergiy Vlasenko

Jacob LUND

Trine Pertou MACH*

Philippe MAHOUX

Thierry MARIANI*

Soňa MARKOVÁ/Pavel Holík

Milica MARKOVIĆ

Meritxell MATEU PI

Ana MATO

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA

Sir Alan MEALE

Ermira MEHMETI DEVAJA

Evangelos MEIMARAKIS

Ivan MELNIKOV*

Ana Catarina MENDES*

Attila MESTERHÁZY

Jean-Claude MIGNON/Jacques Legendre

Philipp MIßFELDER*

Olivia MITCHELL

Igor MOROZOV*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK*

Melita MULIĆ

Oľga NACHTMANNOVÁ*

Hermine NAGHDALYAN*

Piotr NAIMSKI*

Sergey NARYSHKIN*

Marian NEACȘU/Titus Corlăţean

Andrei NEGUTA

Zsolt NÉMETH

Miroslav NENUTIL

Baroness Emma NICHOLSON/ Sir Edward Leigh

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI*

Julia OBERMEIER*

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON

Joseph O’REILLY

Maciej ORZECHOWSKI*

Sandra OSBORNE*

Tom PACKALÉN*

José Ignacio PALACIOS/Jordi Xuclà

Liliana PALIHOVICI

Judith PALLARÉS CORTÉS

Ganira PASHAYEVA

Florin Costin PÂSLARU*

Waldemar PAWLAK*

Jaana PELKONEN

Vladimir PLIGIN*

Cezar Florin PREDA

John PRESCOTT*

Gabino PUCHE

Alexey PUSHKOV*

Carmen QUINTANILLA

Mailis REPS

Andrea RIGONI

François ROCHEBLOINE

Soraya RODRÍGUEZ

Alexander ROMANOVICH*

Maria de Belém ROSEIRA

René ROUQUET*

Rovshan RZAYEV

Àlex SÁEZ

Vincenzo SANTANGELO*

Milena SANTERINI*

Nadiia SAVCHENKO/Boryslav Bereza

Deborah SCHEMBRI*

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE

Urs SCHWALLER/ Elisabeth Schneider-Schneiter

Salvador SEDÓ*

Predrag SEKULIĆ

Ömer SELVİ

Aleksandar SENIĆ

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN

Bernd SIEBERT*

Valeri SIMEONOV

Andrej ŠIRCELJ

Arturas SKARDŽIUS/Egidijus Vareikis

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI/Gerardo Giovagnoli

Yanaki STOILOV

Karin STRENZ

Ionuț-Marian STROE

Valeriy SUDARENKOV*

Krzysztof SZCZERSKI*

Damien THIÉRY

Lord John E. TOMLINSON

Antoni TRENCHEV*

Goran TUPONJA

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ*

Tuğrul TÜRKEŞ*

Theodora TZAKRI

Ilyas UMAKHANOV*

Dana VÁHALOVÁ

Snorre Serigstad VALEN/Tore Hagebakken

Petrit VASILI*

Imre VEJKEY*

Stefaan VERCAMER*

Birutė VĖSAITĖ

Dimitris VITSAS

Vladimir VORONIN*

Viktor VOVK

Klaas de VRIES*

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ/Damir Šehović

Piotr WACH

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON/David Davies

Tom WATSON*

Karl-Georg WELLMANN*

Katrin WERNER*

Morten WOLD

Bas van ‘t WOUT/Malik Azmani

Gisela WURM

Maciej WYDRZYŃSKI

Leonid YEMETS/Svitlana Zalishchuk

Tobias ZECH*

Kristýna ZELIENKOVÁ

Sergey ZHELEZNYAK*

Marie-Jo ZIMMERMANN*

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, ‘‘L’ex-République yougoslave de Macédoine’’*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Royaume-Uni/Lord Richard Balfe

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Boriana ÅBERG

Anne LOUHELAINEN

Kerstin LUNDGREN

Chiora TAKTAKISHVILI

Bence TUZSON

Observateurs

Ms Aleida ALAVEZ RUIZ

Eloy CANTU SEGOVIA

Ernesto GÁNDARA CAMOU

Ms Diva Hadamira GASTÉLUM BAJO

Mr Héctor LARIOS CÓRDOVA

Miguel ROMO MEDINA

Partenaires pour la démocratie

Ms Najat AL-ASTAL

Mohammed AMEUR

Nezha EL OUAFI

Bernard SABELLA

Mohamed YATIM