FR15CR30

AS (2015) CR 30

SESSION ORDINAIRE DE 2015

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(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trentième séance

Mardi 29 septembre 2015 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 10 sous la présidence de M. Rouquet, Vice-Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT – La séance est ouverte.

1. Election d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme
au titre de la République slovaque et élection du ou de la Secrétaire général(e)
de l’Assemblée parlementaire

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la République slovaque et l’élection du ou de la Secrétaire général(e) de l’Assemblée parlementaire.

La liste des candidats et leurs notices biographiques figurent, pour le poste de juge, dans les Doc. 13861, Doc. 13872 Addendum II, et, pour le poste de Secrétaire général(e) de l’Assemblée parlementaire, dans le Doc. 13853.

Les deux votes auront lieu dans la rotonde située derrière la Présidence.

Je suspendrai les scrutins à 13 heures. Ils reprendront cet après-midi à 15 h 30 et seront clos à 17 heures.

Le dépouillement aura lieu aussitôt après dans les conditions habituelles, sous le contrôle de deux scrutateurs, pour chacune des élections, que nous allons désigner par tirage au sort:

Pour l’élection du juge à la CEDH:

M. Baykal ; M. Vercamer ;

Pour l’élection du ou de la Secrétaire général(e) de l’Assemblée parlementaire:M. Destexhe ; Mme Dalloz.

Je rappelle aux quatre scrutateurs ainsi désignés qu’ils devront se trouver dans la rotonde derrière la Présidence à 17 heures.

Les résultats des scrutins seront annoncés si possible avant la levée de la séance de cet après-midi.

Les scrutins sont ouverts.

2. La santé publique et les intérêts de l’industrie pharmaceutique:
comment garantir la primauté des intérêts de santé publique?

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de Mme Liliane Maury Pasquier, au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, sur «La santé publique et les intérêts de l’industrie pharmaceutique: comment garantir la primauté des intérêts de santé publique?» (Doc. 13869).

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), rapporteure de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable – La question dont nous débattons ce matin fait partie de ces sujets épineux qui, dès qu’on les effleure, suscitent des réactions parfois hostiles, en tout cas toujours vives. Pourquoi cela? Parce que la santé publique, les acteurs de ce secteur ainsi que les médicaments sont des questions qui nous concernent tous. Mais aussi parce que des millions de deniers publics sont en jeu puisque, dans la plupart de nos pays, nous avons le privilège de bénéficier de systèmes de sécurité sociale qui couvrent une large partie de nos dépenses de santé. Cela dit, la vivacité des réactions s’explique aussi et surtout, me semble-t-il, par la volonté de poser des limites à certaines pratiques de l’industrie pharmaceutique, qui est l’un des secteurs économiques les plus puissants et lucratifs au monde. En tant que Suissesse, je suis plutôt bien placée pour le savoir.

Une mise au point s’impose donc, à savoir que ce rapport ne se veut aucunement une attaque contre l’industrie pharmaceutique dont il reconnaît haut et fort le rôle clé dans la recherche et le développement de nouveaux médicaments qui ont grandement amélioré la santé de nos populations. C’est la face noble, à mon sens indéniable, de cette industrie. Néanmoins, comme j’ai essayé de l’établir dans le rapport, l’industrie pharmaceutique a aussi une face moins noble. Or, en tant que parlementaires soucieux de la qualité et de la pérennité de nos systèmes de santé, nous avons le devoir de veiller à ce que les intérêts privés de cette industrie n’empiètent pas sur les intérêts de santé publique et n’en grignotent pas indûment les budgets.

Permettez-moi d’illustrer mes propos avec quelques exemples.

Prenons d’abord les interactions entre l’industrie pharmaceutique et les acteurs de la santé. On sait qu’aujourd’hui cette industrie est en contact avec tous les acteurs du système médical, y compris les universités, les hôpitaux, les médecins, les infirmières et les infirmiers, les pharmaciens et les pharmaciennes, les éditrices et les éditeurs scientifiques, les autorités sanitaires, les caisses maladie ou encore les associations de patientes et de patients. Je comprends, bien évidemment, l’utilité, voire la nécessité, de ces collaborations, dont je ne remets nullement en cause le principe même.

Je soulève, en revanche, la question suivante: en l’absence d’encadrement adéquat, ces interactions peuvent-elles avoir des effets pervers, potentiellement nuisibles pour la santé publique? Au vu de scandales, tels que l’affaire du Mediator en France, je pense que nous sommes toutes et tous d’accord pour dire que la réponse à cette question est, hélas, clairement positive.

Heureusement, ces dernières années, des progrès ont été accomplis dans ce domaine. Il existe désormais des lois qui visent à assurer la transparence de ces interactions et à éviter les conflits d’intérêts. L’industrie elle-même s’est engagée dans une forte autorégulation, ce qui est évidemment louable même si ce procédé reste non contraignant. Force est toutefois de constater les limites de ces progrès. Par exemple, les législations qui rendent obligatoire la déclaration des liens d’intérêts ne prévoient aucun mécanisme de suivi de cette déclaration. Personne ne vérifie son authenticité, personne n’évalue si ces liens sont susceptibles de mener à des conflits d’intérêts.

Par ailleurs, on ne s’attaque pas forcément à l’essence du problème, à savoir l’investissement considérable de l’industrie pharmaceutique dans les activités de promotion, pour des montants qui dépassent désormais les dépenses en recherche et développement de nouveaux médicaments. Pour dire les choses telles qu’elles sont, ces sommes sont dépensées parce qu’elles permettent à l’industrie d’augmenter son chiffre d’affaires et pas forcément toujours pour de bonnes raisons. Dès lors, pourquoi ne pas instaurer une contribution obligatoire sur les activités de promotion? L’argent collecté pourrait être utilisé pour financer un fonds public, qui serait dédié à la formation indépendante des professionnel(le)s de santé et à la recherche, indépendante elle aussi. Cette mesure inciterait aussi les entreprises pharmaceutiques à réduire leurs dépenses de publicité et ferait donc d’une pierre deux coups. Soit dit en passant, il faudrait aussi vaincre la réticence des professionnel(le)s de santé à accepter qu’ils et elles sont bel et bien perméables à la publicité, et ce dès le début de leur formation.

La deuxième grande problématique sur laquelle se penche le rapport, c’est la recherche et le développement des médicaments par l’industrie pharmaceutique. Comme vous le savez, cette activité est fondée sur un système de brevet, qui permet à l’industrie de garder le monopole sur ses produits pendant un temps limité, de négocier leur prix sans être sujette à la concurrence et de réaliser ainsi un retour sur investissement. En effet, comme nous le disent celles et ceux qui s’y consacrent, la recherche et le développement de médicaments constituent une activité risquée, coûteuse et de longue haleine.

Encore une fois, je ne remets pas en cause la pertinence de ces arguments. Ce que je remets en cause, en revanche, c’est l’efficacité de ce système, c’est-à-dire sa capacité à générer de nouveaux médicaments qui présentent un réel avantage, qui répondent à des besoins de santé réels, tout en étant durables du point de vue économique. Car ne l’oublions pas, ce sont nos systèmes de santé qui paient pour ces médicaments. Nous avons donc tout intérêt à nous assurer que ce système produise des médicaments novateurs, utiles et abordables.

Nous devons hélas constater que ce n’est pas vraiment le cas. Une étude publiée dans le magazine Prescrire, qui est réputé pour son indépendance vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique, indique que parmi les 1 345 nouveaux médicaments mis sur le marché entre 2000 et 2013, 51 % n’apportent rien de nouveau et que seuls 2 % présentent un réel avantage. Par ailleurs, depuis plusieurs années, nous observons une envolée des prix des médicaments, dont les médicaments contre le cancer. Mais l’exemple le plus révélateur est celui que vous connaissez certainement toutes et tous, celui du nouveau médicament contre l’hépatite C, qui est vendu au prix de 13 667 euros la boîte en France! Je ne sais pas pour vous mais, pour ma part, j’ai du mal à imaginer ce qui justifie un tel prix et ceci même si ce médicament représente une avancée importante dans le traitement de cette maladie.

Bien sûr, on nous dira que ce médicament permet de réaliser des économies tout aussi importantes en évitant les coûts de traitements bien moins efficaces et la spirale des complications qui frappent les malades. Ou encore que sa mise au point coûte très cher... Mais sait-on vraiment combien coûte la recherche? Non. Non seulement l’exactitude des chiffres avancés est soumise à controverse, mais on ne connaît absolument pas les détails de ces coûts, tout simplement parce que l’industrie n’est pas transparente sur ce point. On ne connaît pas non plus la part de la recherche publique dans la découverte de nouveaux médicaments, qui est pourtant plus importante qu’on ne le croit.

Si j’en reviens à ma question initiale, «Le système de brevet est-il efficace?», la réponse est donc aujourd’hui un triste non. Notre Assemblée n’est pas la mieux placée pour proposer des solutions alternatives à ce système. Cela relèverait plutôt du champ de compétence de l’OMS. En revanche, même dans le cadre du système actuel, nous pouvons proposer des mesures pour mieux protéger les intérêts de santé publique.

Parmi ces mesures, l’exigence d’une plus grande transparence sur les coûts de la recherche et du développement, notamment par rapport au financement public. Ou encore l’adoption d’une politique plus stricte d’autorisation sur le marché, avec l’introduction de critères tels que la valeur thérapeutique ajoutée ou la publication obligatoire des résultats de tous les tests cliniques. Nous devrions également garantir que les médicaments dont l’efficacité a été établie restent sur le marché en recourant, le cas échéant, à une licence obligatoire, moyennant le paiement de royalties. Et pendant qu’on y est, nous devrions montrer moins d’indulgence à l’égard de l’industrie pharmaceutique lorsqu’elle recourt à des pratiques illégales et interdire tout accord entre les entreprises pharmaceutiques dont le but serait de retarder la mise sur le marché de médicaments génériques.

Nos politiques de santé doivent être déterminées en fonction des besoins des patientes et des patients, ainsi que des considérations de santé et de sécurité publiques. C’est particulièrement important en ces temps de restrictions budgétaires, si l’on veut garantir la pérennité des systèmes de santé publique. C’est cet objectif que visent les propositions faites dans le projet de résolution. Je vous invite donc à les suivre et je me réjouis d’en débattre avec vous.

LE PRÉSIDENT – Madame la rapporteure, il vous restera 4 minutes pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte. Nous commençons par les porte-parole des groupes.

Mme KYRIAKIDES (Chypre), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Le Groupe du Parti populaire européen tient à remercier la rapporteure pour ce rapport ambitieux. Nous nous félicitons de ce débat sur une question qui nous touche tous. Malheureusement, nous avons tous besoin de recourir à certains moments à des médicaments, en tant que consommateurs ou en tant que patients. Il est important que nous puissions avoir accès à des informations exactes sur les médicaments que nous utilisons et leurs éventuels effets secondaires. Il est par ailleurs souhaitable que ces médicaments soient disponibles au meilleur prix, particulièrement pour les patients qui souffrent de maladies graves et qui ont besoin de médicaments onéreux.

Le développement de l’industrie pharmaceutique est lié de manière intrinsèque au progrès scientifique et à l’élaboration de nouveaux médicaments. Les investissements dans les nouvelles technologies et le soutien financier durable de la recherche médicale sont déterminants pour l’avenir du secteur de la santé et de l’industrie pharmaceutique.

Des conflits d’intérêts existent dans tous les secteurs économiques mais les autorités chargées de la réglementation doivent être encore plus vigilantes lorsqu’il s’agit du domaine très sensible de la santé. L’autoréglementation de l’industrie pharmaceutique doit être renforcée par le biais de législations contraignantes dans tous les Etats membres. Des analyses coût-bénéfice doivent être menées de manière systématique car les coûts engagés par les malades atteints du cancer sont bien souvent prohibitifs. En dépit des progrès en matière de recherche et développement, bien peu de médicaments présentent des avantages thérapeutiques vérifiés. Ils demeurent expérimentaux dans leur grande majorité ou nécessitent des tests plus poussés. Cela ne signifie pas, néanmoins, que nous devions freiner l’industrie pharmaceutique en Europe par le biais de réglementations excessives. Ses percées pourraient changer la vie de millions de personnes. Toutefois, nous devons exiger davantage de transparence dans la mise sur le marché des médicaments génériques.

Les groupes de patients, essentiels pour faire entendre la voix de ceux qu’ils représentent, ne doivent pas devenir trop dépendants des fonds privés de l’industrie pharmaceutique, ce qui pourrait conduire à défendre les intérêts de cette dernière et de ses principales parties prenantes plutôt que les demandes légitimes des patients. Comme le dit le rapport, il faut donc garantir des fonds publics et les accroître pour contrer cette tendance croissante.

Le Groupe du Parti populaire européen appuie ce rapport, mais craint que des mesures trop rigoureuses imposées à l’industrie pharmaceutique n’en compromettent la viabilité, entraînant des effets négatifs pour les patients eux-mêmes. Nous soutenons donc l’appel de l’Assemblée parlementaire à davantage de transparence, notamment par les déclarations d’intérêts, à la baisse des prix et à l’accès aux médicaments pour tous.

M. DESTEXHE (Belgique), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – L’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe ne soutiendra pas ce rapport, pour les raisons qui viennent d’être exprimées par la représentante du Groupe PPE et qui peuvent se résumer par l’excès de régulation. Bien sûr, nous approuvons les objectifs du rapport: lutter pour plus d’information, plus de transparence, éviter les conflits d’intérêts, favoriser la recherche, mais tout cela est déjà très largement régulé par les lois nationales. Il nous semble en revanche que le texte du projet de résolution – sur lequel je me suis fondé, plutôt que sur le rapport – n’est ni pratique ni applicable, pour les raisons suivantes.

Premièrement, la rapporteure souhaite proposer une alternative au système des brevets. Mais si les médicaments ne sont plus protégés, je peux vous annoncer la fin de la recherche et des médicaments innovants! Aujourd’hui, en effet, le système des brevets est au cœur de la recherche et de la production pharmaceutique.

Deuxièmement, la rapporteure évoque une contribution obligatoire – c’est plutôt le mot «taxe» que nous avons entendu – spécifiquement assise sur les activités de production de l’industrie et affectée à un fonds de formation des médecins. Or l’un des grands principes budgétaires n’est-il pas l’unicité et l’universalité? Nous ne pensons pas qu’il faille instituer une taxe spécifique dans ce domaine.

Le troisième aspect concerne les coûts de la recherche. Bien entendu, si celle-ci est financée sur fonds publics, elle doit être absolument transparente et l’autorité publique a le droit de savoir comment son argent a été utilisé. Mais nous parlons ici d’entreprises privées, qui ont comme telles droit au secret de fabrication, lequel s’étend au coût de cette fabrication.

Le texte parle d’ailleurs de «transparence absolue»; or, chaque fois que j’entends ce mot « absolu », je pense à l’absolutisme de droit divin en France... Mes chers collègues, nous avons tous lu 1984 de George Orwell: nous souhaitons la transparence, mais méfions-nous de cet absolu, car nous ne voulons pas vivre dans une société où nous serions en permanence sous le regard des autres.

J’ai passé douze ans de ma vie au sein de Médecins sans frontières et je suis très sensible aux préoccupations de santé publique. Mais il me semble que le texte passe à côté de ce qu’est la pratique médicale. Ainsi, il parle de «valeur thérapeutique ajoutée», alors qu’un médicament n’est pas soit efficace, soit inefficace: il est efficace dans certaines proportions. Si on observe 20 % d’améliorations dans le groupe témoin, contre 40 % dans le groupe des personnes ayant reçu le médicament, alors on considère celui-ci comme efficace. Si vous aviez un cancer considéré comme incurable, et que l’on vous disait qu’un médicament est efficace ne serait-ce qu’à 20 %, ne le prendriez-vous pas? Moi, si! Méfions-nous donc de concepts apparemment très généreux, mais inapplicables.

Enfin, je ne suis pas sûr que le rapport – relisez-le – pourrait être adopté dans nos parlements nationaux. Aujourd’hui, 80 % des nouveaux médicaments viennent déjà des Etats-Unis, contre 19 % seulement produits en Europe. Si nous appliquions les recommandations de ce rapport dans nos législations nationales, le déséquilibre serait encore plus marqué.

Pour toutes ces raisons, l’ADLE est malheureusement défavorable à ce rapport, même s’il est fondé sur des principes généreux.

Lady ECCLES (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je remercie la rapporteure de son travail. Le rapport reconnaît l’importance de l’industrie pharmaceutique pour la santé publique et soulève bien des questions, notamment en matière de réglementation, de transparence et de conflit d’intérêts. J’aimerais apporter quelques précisions qui concernent l’industrie pharmaceutique au Royaume-Uni.

Notre système de santé reconnaît la contribution importante de l’industrie pharmaceutique pour offrir aux patients les médicaments et les traitements les plus avancés. Nous voulons accélérer l’adoption des technologies modernes pour que le Royaume-Uni soit attractif pour les sociétés de santé et des sciences de la vie.

L’association d’autorégulation de l’industrie pharmaceutique britannique exige que les sociétés pharmaceutiques fournissent avant le 30 juin de l’année prochaine des informations sur tout transfert de valeurs à des professionnels ou organisations de santé depuis le 1 janvier de cette année. Les bénéficiaires seront nommés. L’objectif est de rendre ces informations disponibles sur une base de données publique. Les prestataires de services de santé devront tenir un registre des invitations où les personnels devront déclarer toutes les invitations et tous les cadeaux qu’ils reçoivent des sociétés pharmaceutiques. Il est prévu d’élaborer l’année prochaine un contrat qui sera bientôt soumis à consultation et inclura de nouvelles exigences.

Nous introduisons ces nouvelles règles afin de renforcer le système et d’identifier plus facilement les cas où les médecins et personnels de santé agissent dans l’intérêt des grandes sociétés en échange de cadeaux. Le système est également conçu pour être dissuasif.

S’agissant de la transparence, notre gouvernement souhaite l’accroître dans le domaine des essais cliniques. Il continue à travailler en rapport étroit avec toutes les parties concernées, afin que, de partout dans le monde, on vienne au Royaume-Uni entreprendre de tels essais dans des conditions de sécurité et d’ouverture maximales. Nous reconnaissons que beaucoup reste à faire pour la transparence dans l’industrie en général.

J’espère que ma contribution aura été utile.

M. JÓNASSON (Islande), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je remercie à mon tour notre rapporteure pour cet excellent rapport, que mon groupe soutient pleinement ainsi que le projet de résolution.

Récemment, l’actualité nous a rappelé, des deux côtés de l’Atlantique, combien ce débat est opportun: en Europe, on se préoccupe de plus en plus des prix prohibitifs des médicaments, et aux Etats-Unis, Bernie Sanders, candidat de gauche à la présidence, puis Hillary Clinton ont insisté sur la nécessité de réguler l’industrie pharmaceutique.

Hillary Clinton a suggéré d’instaurer un plafond quant au coût engagé par les patients, plafond au-delà duquel l’Etat pourrait apporter son aide pour les médicaments acceptés par l’autorité de mise sur le marché. J’ai été frappé par la hauteur de ce plafond, dix fois supérieur à celui proposé dans mon pays, l’Islande.

L’exemple cité par Sanders et Hillary Clinton, qui a fait la une du New York Times, concernait un médicament s’adressant à des patients atteints du VIH, le Daraprim. Initialement vendu à 13 dollars, son prix a bondi à 750 dollars une fois la société passée entre les mains des spéculateurs, soit une hausse de quelque 5 500 %! On voit combien les prix peuvent varier de manière exorbitante.

Il s’agit évidemment, d’un exemple extrême, mais il montre bien les dangers que les spéculateurs font peser sur la vie des patients. En liaison satellite hier avec New York et l’Inde, nous avons eu une discussion avec le rapporteur des Nations Unies sur le droit à la santé qui nous a alertés sur le fait que les sociétés pharmaceutiques deviennent aujourd’hui des entreprises à but uniquement lucratif.

Le système de santé doit donc être réglementé. La discussion sur ce point est sensible et difficile, au regard de la lutte qui oppose les spéculateurs et les contribuables. Je le sais d’expérience, pour avoir été ministre de la Santé dans mon pays. Souvent, les personnes qui souffrent de graves problèmes de santé reprochent aux autorités de ne pas souscrire aux demandes de fournisseurs de médicaments qui apparaissent, à leurs yeux, comme des sauveurs. C’est compréhensible et les sociétés pharmaceutiques le savent bien, qui mobilisent les malades au service de leurs propres intérêts. Mais les autorités ne doivent pas souscrire à toutes leurs demandes dont certaines sont assez douteuses.

Il faut élaborer de nouveaux médicaments, mais leur coût se révèle souvent prohibitif et le poids financiers qui pèse alors sur les patients, parfois par le biais des compagnies d’assurances, extrêmement lourd. On peut le constater dans de nombreux pays.

C’est la raison pour laquelle nous devons réfléchir à ce qu’il faut faire pour protéger les intérêts des contribuables.

Le rapport évoque la nécessité de davantage de transparence mais, comme Mme la rapporteure l’indique elle-même, cela ne suffira pas. L’industrie pharmaceutique a montré qu’elle ne pouvait s’autoréglementer. Il faut, par conséquent, définir des politiques plus strictes d’autorisation de mise sur le marché, mettre en œuvre une approche plus formelle des interactions entre les professionnels du secteur de santé et l’industrie pharmaceutique, et améliorer l’information et l’éducation sur tout ce que cela peut impliquer.

Mme BONET PEROT (Andorre), porte-parole du Groupe socialiste* – Je remercie notre rapporteure de ce travail qui, à n’en pas douter, peut susciter des controverses et donner lieu à des avis partagés. Nul ne peut nier les progrès enregistrés en matière médicale grâce à toute la recherche engagée par l’industrie pharmaceutique. Pour autant, il ne faut pas perdre de vue qu’on peut aussi trouver des solutions à un certain nombre de problèmes, car cette dynamique aboutit parfois à des situations extrêmement complexes qu’il est bien difficile d’inscrire dans le cadre des systèmes de santé.

Il existe une vaste bibliographie sur le sujet. Le British Medical Journal notamment a consacré un certain nombre d’articles à cette question, soulignant qu’il existait un grave problème de conflit d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique, et ce à tous les niveaux, de la recherche à de la règlementation en passant par la pratique clinique.

À l’heure actuelle, la majorité des recherches sont parrainées par l’industrie pharmaceutique. Ce fait même jette le doute sur l’intégrité de la science. Il faudrait au plus tôt freiner ce mouvement ou, à tout le moins mettre en œuvre les mécanismes de nature à éviter que la société ne perde confiance envers ses professionnels de santé et ses chercheurs. De ce point de vue, il est exact que mettre en place des déclarations obligatoires de conflits d’intérêts pour les chercheurs renforcerait la confiance dans les résultats de leurs recherches pour la santé publique. Tel n’est pas le cas à l’heure actuelle.

Il convient donc d’encourager des examens indépendants afin de déterminer si le médicament proposé présente effectivement un avantage thérapeutique, et ce de façon totalement impartiale et éthique.

Il faut également redéfinir les objectifs de la recherche clinique sur la base des besoins des patients et de la société, et non en fonction des intérêts des entreprises pharmaceutiques. Nous devons prendre en compte le fait que la croissance rapide des produits pharmaceutiques, ces quinze dernières années, et leur impact global sur le système de santé posent de graves problèmes en matière de politique de santé. Les intérêts économiques très lourds en jeu dans la mise au point et la mise sur le marché des médicaments peuvent donner à ces industries un pouvoir excessif qui finit par retentir sur les politiques de santé et la pratique clinique.

Pour défendre ses intérêts, l’industrie pharmaceutique finit par influer sur les faits scientifiques, les analyses de rentabilité et la pratique clinique, voire sur l’enseignement des professionnels de santé, quand elle n’a pas une incidence directe sur les décisions des professionnels de santé et des consommateurs. Il convient, par conséquent, de réglementer et de redéfinir les missions de l’industrie pharmaceutique dans le cadre des systèmes sanitaires en recourant à des processus plus objectifs prenant en compte les avantages pour les patients et la société, éloignés de tout conflit d’intérêts.

Un exemple clair en la matière est celui du traitement de l’hépatite C, qui a provoqué des débats dans de nombreux pays qui souhaitaient répondre à ceux qui réclamaient un traitement par des médicaments de dernière génération au coût prohibitif. S’est posé le problème de l’équilibre à trouver entre le désir naturel du malade de bénéficier des meilleurs traitements et les ressources limitées des services de santé. Le prix, qui pouvait atteindre 50 000 euros, suscitait d’autres interrogations importantes, le traitement d’une maladie finissant par dépendre du pouvoir d’achat du malade. Cela met en danger l’accès réel au médicament et peut même mettre en difficulté un pays et hypothéquer sa stabilité, en remettant en question son système de santé.

Enfin, comme évoqué dans le rapport, il convient de réglementer de façon urgente la protection des licences et des brevets des médicaments. Ceux-ci sont souvent financés par des fonds publics, mais demeurent trop longtemps dans le secteur privé par la suite.

Mme BLONDIN (France) – Je voudrais saluer les investigations de Mme Maury Pasquier qui, avec la détermination que nous lui connaissons, nous soumet un rapport à la fois ambitieux et équilibré et comportant des propositions concrètes de nature à faire prévaloir les enjeux de santé publique.

J’approuve notre collègue lorsqu’elle met en évidence l’érosion de l’innovation pharmaceutique et l’envolée du prix de certains médicaments, qui pose un problème majeur d’accès aux soins, donc de santé publique. Mais elle a également raison de ne pas vouloir stigmatiser l’industrie pharmaceutique qui a permis des avancées médicales fondamentales et qui, par les investissements qu’elle réalise, représente un secteur d’activité majeur dans de nombreux pays. De même, viser une réglementation trop contraignante, et donc inefficace, serait sans doute un piège dans lequel notre collègue ne veut pas tomber.

Du reste, les relations entre l’industrie pharmaceutique et les différents acteurs du domaine de la santé sont certes omniprésentes, comme l’indique le rapport, mais elles sont de toute façon largement inévitables et, dans certains cas, sans doute souhaitables. D’ailleurs – le rapport le dit à juste titre –, l’existence d’un lien d’intérêt ne signifie pas nécessairement qu’il y a conflit d’intérêts.

En France, nous avons à plusieurs reprises débattu de ces questions, en particulier à l’occasion du scandale du Médiator que vous avez évoqué, Madame la rapporteure.

Cette triste affaire, au travers d’une succession de défaillances, a révélé des dysfonctionnements systémiques du dispositif de sécurité sanitaire. Toutefois, elle a aussi permis de mettre en œuvre une réforme ambitieuse du système du médicament en France. Cette réforme passe, en premier lieu, par la garantie de la priorité des objectifs de santé publique dans l’ensemble du circuit administratif du médicament, grâce à un renforcement du cadre déontologique et à une plus grande efficacité du système d’évaluation et de contrôle du médicament, et, en second lieu, par la diffusion d’une culture de la pharmacovigilance et de la sécurité sanitaire dans la société.

Il était essentiel de restaurer la confiance. Aussi la loi de décembre 2011 qui en a résulté comporte-t-elle un ensemble de dispositions relatives au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

Ce texte réforme les mécanismes destinés à assurer la transparence des liens d’intérêts en instaurant un corpus commun de règles déontologiques. Il prévoit un Sunshine Act à la française par l’institution d’un système de déclaration par les industriels des avantages – en nature ou en espèces – qu’ils procurent aux différents intervenants du secteur, assorti de sanctions pénales. La loi prévoit également la création d’une charte de l’expertise sanitaire ayant pour but d’encadrer les expertises réalisées à la demande des services ou instances en charge de la santé publique ou de la sécurité sanitaire. De même, elle autorise à rendre publics les débats des commissions, conseils et instances collégiales des agences sanitaires. Ces débats peuvent être enregistrés et mis à disposition sur le site internet de l’agence concernée, y compris quand il s’agit des autorisations de mise sur le marché.

Ainsi la France a-t-elle réalisé d’importants progrès pour répondre aux préconisations du projet de résolution qui nous est soumis, même si certains secteurs doivent encore être explorés, par exemple celui du médicament vivant – je pense notamment aux bactériophages – pour la lutte contre l’antibiorésistance.

Mme DALLOZ (France) – Madame la rapporteure, je voudrais revenir sur certaines de vos propositions que je trouve pour le moins contestables.

La fonction du médecin est de soigner et donc de prescrire des médicaments. Les médecins sont contrôlés et des déclarations d’intérêts existent dans plusieurs pays. La grande question est donc de savoir à partir de quand le conflit d’intérêts existe et pourrait conduire, ainsi que vous le préconisez, à exclure une personne «des prises de décisions sensibles».

Dans votre rapport, vous semblez affirmer que les médecins sont influencés malgré eux et donc prescrivent de fait des médicaments sous la pression des industries pharmaceutiques et non pour le bien du malade. Personnellement, je trouve cette accusation grave, car elle rejoint celles portées par le professeur Even à l’encontre des cardiologues, en particulier en ce qui concerne les prescriptions d’anticoagulants. Cela pose la question de la confiance – essentielle – dans les relations entre le patient et le médecin. De telles accusations peuvent s’avérer dangereuses, par exemple si le malade refuse tout anticoagulant de la part de son prescripteur.

Le deuxième point sur lequel je suis en désaccord concerne la transparence des sommes consacrées à la recherche et au développement. D’une part, toutes les entreprises – du moins en France – ont l’obligation de publier l’intégralité de leurs comptes, ce qui a pour conséquence que le montant consacré à la recherche et au développement est connu. D’autre part, il existe aujourd’hui des systèmes d’incitation fiscale pour financer la recherche de manière totalement transparente. Je pense notamment au crédit d’impôt recherche, qui a été placé au premier rang des dispositifs de financement de l’innovation pour les entreprises européennes par le baromètre européen de l’innovation, mais également par l’OCDE. Il est dommage que votre rapport ne prenne pas en compte ce type de financement innovant et transparent qui constitue une bonne pratique.

Le choix d’autoriser un médicament «en fonction du besoin médical» me pose aussi problème. Pour qu’il y ait besoin médical, la maladie, l’efficacité de la molécule ou le nombre de malades doivent pouvoir être identifiés correctement. Prenons l’exemple de la borréliose de Lyme: alors que cette maladie touche des milliers de personnes en Europe, elle est encore considérée comme une maladie rare en France. En effet, les tests de dépistage utilisés ne permettent pas de recenser l’ensemble des malades et, dans la plupart des cas, les personnes concernées ne sont pas dépistées par manque d’informations – mais aussi, disons-le, de volonté politique. Les choses ne sont donc pas si simples: la faute n’en revient pas seulement aux médecins et aux laboratoires pharmaceutiques.

Enfin, l’utilisation de fonds publics pour financer les associations de patients me semble, dans le contexte actuel d’économies budgétaires, assez utopique. En tout état de cause, même si ces associations sont indéniablement des canaux d’information et de soutien psychologique aux patients, elles n’ont pas vocation à s’insérer dans le processus de décision quand il s’agit d’engager des recherches ou d’autoriser la mise sur le marché des médicaments. De même, il n’est pas envisageable, dans la plupart de nos pays, de considérer que la recherche pourrait être financée sur des fonds publics. L’exemple de l’institut «Imagine» à l’hôpital Necker de Paris est intéressant car une vraie collaboration gagnant-gagnant a été mise en place avec les industriels: codéveloppement de thérapies innovantes pour les maladies génétiques avec le secteur privé, avec des retombées financières pour les deux parties, et mise à disposition du centre d’investigation clinique de l’institut pour les essais thérapeutiques des industriels. Cette coopération constitue donc elle aussi un exemple de bonne pratique.

Pour finir sur une note positive, je suis tout à fait d’accord sur le point 6.1.6 du projet de résolution qui vise à règlementer les passages de la fonction publique au secteur privé dans ce domaine. En effet, le mélange des genres ne me paraît pas souhaitable.

M. FLYNN (Royaume-Uni)* – Cet excellent rapport arrive à point nommé. Il est d’une importance vitale. Il est, de plus, équilibré et nous ramène à ce qui fut l’un des rapports les plus importants produits par le Conseil de l’Europe: en 2010, nous avions raison quand tous les autres avaient tort à propos de l’épidémie de grippe qui, finalement, n’eut pas lieu.

Cette épidémie a été délibérément inventée par l’industrie pharmaceutique pour faire peur au monde entier. Dans mon pays, par exemple, on nous avait annoncé 65 000 décès. Au total, il y en a eu moins de 500, dont 150 directement liés à cette maladie. Certains pays courageux ont rejeté les affirmations des grandes sociétés pharmaceutiques soutenues par l’OMS. À cet égard, il faut noter que ces sociétés siègent au sein des différentes commissions de l’Organisation mondiale de la santé.

Observons la différence entre ce qui s’est passé au Royaume-Uni et en Pologne. Alors que la Pologne n’a quasiment rien dépensé pour les vaccins, qu’elle a rejetés à juste titre – nous savons qu’ils n’avaient pas été testés et qu’ils ont entraîné, entre autres effets secondaires, des cas de narcolepsie –, le Royaume-Uni a dépensé 1,3 milliard de livres sterling. Quel a été le résultat dans les deux pays? Au Royaume-Uni, il y a eu deux fois plus de décès par million d’habitants qu’en Pologne. Ewa Kopacz, alors ministre de la Santé, doit donc être félicitée.

Au final, cette épidémie n’en était donc pas une, car le nombre de décès causés par la grippe était tout à fait normal par rapport aux années précédentes. Or cette invention des sociétés pharmaceutiques a entraîné des dépenses faramineuses.

À l’époque, le Conseil de l’Europe a été le seul à dire ce qu’il fallait, à savoir que les gouvernements ont dépensé de l’agent inutilement. Nous nous sommes alors faits les interprètes indépendants des patients et nous avons dit au monde qu’il y avait un problème de confiance massif causé par l’industrie pharmaceutique.

L’industrie fait naturellement d’excellentes choses, mais elle présente deux visages: l’un est noble – la production de médicaments novateurs qui n’existaient pas encore –, tandis que l’autre est celui de la commercialisation. Elle dépense plus dans des activités de commercialisation et de lobbying que dans la recherche et l’innovation.

Nous avons entendu ce matin que le prix d’un médicament a augmenté, passant de 13 à 750 dollars, alors que son coût de fabrication n’a pas changé et qu’il s’agit du seul médicament préconisé pour le traitement d’une maladie rare du foie dont sont atteints les enfants: ceux-ci sont les victimes de cette politique commerciale.

Au Royaume-Uni, des activités sont financées par l’industrie pharmaceutique, laquelle protège ses intérêts en allant jusqu’à mentir sur l’utilité de ses médicaments. GlaxoSmithKline a payé des millions aux États-Unis; des pressions ont été exercées sur des médecins en Chine: voilà la réalité! Il faut donc remercier Mme la rapporteure pour son travail excellent et courageux. Nous avons tous reçu la visite de représentants de cette industrie pharmaceutique, qui crée des associations de patients pour s’attirer la sympathie, ce que beaucoup ignorent. Nous avons du reste entendu la voix de l’industrie pharmaceutique ce matin: il faut reprendre le contrôle de cette situation.

LE PRÉSIDENT – Monsieur Matušić, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

Mme KALMARI (Finlande)* – Je souhaite remercier la rapporteure pour son travail intéressant et équilibré, même si les avis sont divergents au sein de mon groupe politique. Nous avons besoin de l’industrie pharmaceutique et de la recherche pour trouver de nouveaux médicaments, certes, mais nous avons aussi besoin de règles communes: chacun y gagnera si nous instaurons une concurrence loyale. Tous les patients, en Europe comme dans les pays en voie de développement, auraient beaucoup à gagner s’ils pouvaient bénéficier de médicaments plus abordables. L’industrie pharmaceutique doit donc se fonder sur la transparence et sur une concurrence loyale et juste.

Par le biais d’une politique d’autoréglementation, l’industrie pharmaceutique adopte désormais une approche plus éthique. Les règles sont définies dans des législations pertinentes; toutefois, l’autoréglementation n’est pas contraignante et la mise en œuvre des législations laisse beaucoup à désirer.

Dans bien des pays, de nouvelles législations sur les médicaments de substitution, dits génériques, pourraient apporter une solution. Ce système, introduit en Finlande dès 2003, permet au pharmacien de proposer au malade de remplacer le médicament prescrit par son médecin par un médicament générique moins coûteux, celui-ci ayant fait l’objet des mêmes tests que le médicament prescrit à l’origine; le client peut bien entendu toujours refuser le médicament générique proposé par le pharmacien. Toutefois, tous les médicaments, notamment les antiépileptiques, ne sont pas dérivés de produits de substitution.

L’objet de cette substitution par générique consiste à promouvoir des traitements moins coûteux, tout en restant efficaces au plan médical, afin de réduire les dépenses publiques supportées par les contribuables. En Finlande, l’introduction de ces génériques a permis la première année une économie de quelque 90 millions d’euros, dont 40 millions étaient payés par les patients et 50 millions par les institutions de sécurité sociale. Cette substitution par générique est désormais en vigueur dans certains pays de l’Union européenne tels que l’Allemagne, la Suède et le Danemark.

En conclusion, j’apporte mon soutien à la plupart des recommandations figurant dans le rapport, y compris à l’adoption de législations concernant la substitution par des médicaments génériques.

M. LE DÉAUT (France) – Je me félicite des préoccupations exprimées dans ce rapport. Vous prônez, Madame la rapporteure, la qualité des produits, ce qui est important pour un médicament, et la pérennité des systèmes de santé. Vous prônez le développement de la recherche, qu’elle soit thérapeutique ou pharmaceutique. Vous pointez le problème des maladies orphelines et rares: c’est important, car nous avons par exemple peu travaillé sur le paludisme, une des plus importantes maladies au niveau mondial et qui fait le plus de dégâts. Vous souhaitez éviter des conflits d’intérêts entre industrie, recherche et secteur de la santé: l’on ne peut que s’en féliciter. Tout comme vous, nous regrettons qu’il soit plus dépensé pour la promotion d’un médicament que pour la recherche et le développement. Enfin, vous souhaitez abaisser les coûts des médicaments parce que les systèmes de sécurité sociale coûtent de plus en plus cher. Pour cela, vous avez abordé la question des génériques. Dans ce rapport, vous prônez la qualité et la pérennité des systèmes de santé.

Le sujet qui vous préoccupe le plus est le coût croissant de la recherche. Même si cela n’a pas été abordé ce matin, il existe une explication à ce coût croissant: nous sommes en effet passés d’une thérapeutique de la chimie à une thérapeutique des biotechnologies. Nous sommes passés de la fabrication d’une molécule chimique servant à soigner une maladie à des procédés très complexes issus des biotechnologies. Or cela coûte beaucoup plus cher: nous devons en tenir compte. La thérapie génique et la thérapie cellulaire sont des techniques coûteuses.

Je souhaite ajouter quelques points à propos de ce rapport, certaines préoccupations ayant été peu abordées ce matin. Tout d’abord, il faut une transparence dans le coût de la recherche: vous avez raison. Il faut mesurer l’intérêt thérapeutique: vous avez raison également, mais cela est déjà en partie fait dans certains pays. Ainsi, en France, la Haute Autorité de santé procède à l’évaluation du médicament, à des recommandations, à une certification et à une accréditation: cela marche relativement bien.

Par ailleurs, deux évolutions de la thérapeutique ne sont, à mon sens, pas suffisamment prises en compte dans le rapport. Première évolution: la médecine personnalisée. Demain, la thérapie ne sera plus généraliste mais fondée sur l’individu. Des tests génétiques permettront de déterminer si l’on est sensible ou non à un médicament. Or, cela coûtera plus cher; il faut donc le prévoir.

Deuxième évolution: les médicaments génériques, qui font baisser les coûts. Nombre de médicaments fabriqués par des procédés de biotechnologie arrivent aujourd’hui au terme de la validité de leur brevet; c’est le cas de l’insuline, de l’EPO et des hormones de croissance. Pour ceux-ci, nous passerons du biogénérique au biosimilaire: or le biosimilaire est totalement différent et modifiera en profondeur le champ de la pharmacie. Je souhaite que l’on prenne en compte cette question, sur laquelle j’ai déposé un amendement.

Il serait souhaitable de renforcer le rôle de la Direction européenne de la qualité des médicaments et soins de santé du Conseil de l’Europe pour régler la question spécifique des médicaments biosimilaires.

Enfin, il convient de développer l’industrie pharmaceutique européenne. Un de mes collègues belges a déclaré à juste titre que l’essentiel de la recherche avait lieu aux Etats-Unis - plus de 50 % contre moins de 20 % pour l’Europe-, alors que l’Asie, la Chine et l’Inde notamment, progressent actuellement. C’est un fait que l’on ne peut passer sous silence dans un rapport tel que celui-là.

Je voterai le projet de résolution, Madame la rapporteure, mais j’aurais aimé que nous le musclions quelque peu.

M. ABAD (France) – Ce rapport traite notamment de la question de l’économie de la santé, question complexe s’il est en dans une économie malheureusement souvent déresponsabilisée.

Je me consacrerai plus précisément au prix des médicaments et à son élaboration, que vous évoquez dans votre document, Madame la rapporteure.

Le coût de la recherche et développement n’est pas le seul élément constitutif de ce prix. Exiger une transparence absolue sur cette ligne budgétaire ne me semble donc pas de nature à faire baisser nécessairement le prix des médicaments. Développer un médicament est économiquement risqué car le retour sur investissement est loin d’être assuré et les échecs existent. L’industrie pharmaceutique doit avoir la culture de la réussite, mais aussi la culture de l’échec. Aussi, convient-il de prendre en compte ce coût.

L’industrie des biotechnologies ne bénéficie pas, à quelques rares exceptions, de retours sur investissements plus importants que ceux de la «big pharma».

Le point 6.2 du projet de résolution, relatif aux autorisations de mise sur le marché, me surprend car il me semble que ce système existe déjà. En Europe, les médicaments ne sont mis sur le marché qu’après de nombreux essais thérapeutiques. L’autorisation de mise sur le marché national ou européen constitue une première étape qui prend souvent plusieurs années. La rendre encore plus stricte me semble difficile. Par exemple, des médicaments bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché pour une maladie et ayant des retombées thérapeutiques pour une autre maladie non prévue au départ nécessitent pour le laboratoire concerné de refaire des essais spécifiques et de demander une nouvelle autorisation de mise sur le marché pour cette nouvelle utilisation.

Ensuite, la question est de savoir si ce médicament sera ou non remboursé. S’il ne l’est pas, l’industriel peut fixer librement le prix; s’il est remboursé, l’Etat le négocie avec l’industriel. Je vous le concède, cela n’est pas parfois sans conflits. Je pense au traitement de l’hépatite.

Vous évoquez également une «clause de besoin» pour le remboursement des médicaments. Là encore en France, la Haute autorité de santé évalue pour chaque médicament qui lui est soumis le service médical rendu. Elle prend en compte l’efficacité et les effets indésirables du médicament ou sa place dans la stratégie thérapeutique par exemple. Cette évaluation permet de fixer le taux de remboursement du médicament. Puis la Haute autorité de santé évalue l’amélioration du service médical rendu, à savoir l’appréciation du progrès par rapport aux traitements ou à la prise en charge existants, ainsi que le nombre de patients potentiels. Tous ces résultats sont mis en open data sur le site de la Haute autorité de santé. La transparence est ainsi assurée.

Enfin, la négociation du prix final avec les industriels a lieu en s’appuyant sur l’ensemble de ces éléments scientifiques et sur les arguments des industries pharmaceutiques, l’arbitrage final relevant du ministre de la Santé. C’est ainsi qu’est fixé le prix d’un médicament. Il ne relève pas seulement du bon vouloir de l’industrie pharmaceutique. C’est pourquoi je considère que le rapport est sévère avec l’industrie pharmaceutique. Vous semblez, Madame la rapporteure, la considérer comme susceptible d’être un danger pour la santé des patients et le bon fonctionnement de nos systèmes de santé. Mais il ne faudrait pas oublier le danger que représentent les marchés parallèles et la vente de faux médicaments. Sur ce point, l’entrée en vigueur de la Convention Médicrime constitue un véritable progrès. Ces ventes illégales, moins chères, non contrôlées constituent la véritable menace pour la santé des patients et pour la survie d’une industrie pharmaceutique européenne.

En conclusion ce rapport comprend des éléments intéressants, il repose sur un parti pris idéologique et désigne des boucs émissaires plus qu’il ne propose de solutions à un moment où l’économie de la santé a plus besoin de confiance que de défiance.

M. WOLD (Norvège)* – Garantir la santé publique à chacun est essentiel, mais il convient également de prendre en compte les intérêts de l’industrie pharmaceutique. C’est un défi à relever. En effet, nous devons tout à la fois garantir des produits médicamenteux sûrs à un prix correct pour les patients et la possibilité de pratiquer l’innovation et le développement.

Cet automne, le Parlement norvégien débattra d’un Livre blanc sur les produits pharmaceutiques, dont les ambitions politiques recouvrent celles de Mme Maury Pasquier: faire en sorte que les activités pharmaceutiques garantissent la santé publique. À cet égard, je suis satisfait de constater que le système norvégien va dans le sens des recommandations du projet de résolution.

Eviter les conflits d’intérêts est une autre question qui se pose. Elle ne figure pas au centre du Livre blanc norvégien, mais l’idée demeure que l’industrie pharmaceutique ne doit pas avoir la possibilité d’étendre ses activités commerciales auprès des patients ou du personnel soignant.

Madame la rapporteure souligne la nécessité d’améliorer la santé publique. La politique pharmaceutique se doit de contribuer à renforcer la sécurité des patients, à fournir des traitements efficaces, à innover à des coûts bas. Il est essentiel de garantir la haute qualité des produits pharmaceutiques, de leur développement, des études cliniques et de leur mode d’autorisation.

En Norvège, les personnes âgées de plus de 65 ans consomment 47% des somnifères et sédatifs. Un résident de maison de retraite sur trois absorbe quotidiennement au moins un médicament dont il n’a pas vraiment besoin. C’est une pratique qui doit évoluer.

La Norvège a introduit les ordonnances électroniques, une pratique que je ne peux que recommander aux autres pays, car l’ordonnance électronique limite les falsifications, renforçant ainsi la sécurité.

Il est important d’avoir une industrie pharmaceutique robuste, tout en maintenant l’objectif fondamental d’améliorer la santé publique. L’objectif du prix des médicaments le plus bas possible n’a pas varié en Norvège depuis les années 1980. Cela dit, les prix ne peuvent pas être bas au point que l’industrie perde l’intérêt qu’elle trouve à un marché et que les pharmacies ne bénéficient plus des conditions nécessaires pour remplir leur mission.

Mme De SUTTER (Belgique)* – La santé est une question tout à la fois publique et privé, mais c’est une priorité pour tout gouvernement.

L’industrie pharmaceutique est largement partie prenante aux questions de santé, mais elle est aussi animée par des intérêts commerciaux. Comme dans tous les autres domaines, il se peut que surgissent des conflits d’intérêts. L’excellent rapport de Mme Maury Pasquier appelle à juste titre notre attention sur les dangers de conflits d’intérêts et nous incite à une plus grande transparence, à un haut niveau d’éthique et à la surveillance de la mise sur le marché des médicaments afin de toujours préserver les intérêts de santé publique.

Outre les recommandations découlant du projet de résolution, je remarque que les conflits d’intérêts ne sont pas toujours simples à traiter par les médecins ou les chercheurs. Tous les jours, je vois des collègues chercheurs financés par le secteur public encouragés à déposer des brevets à titre personnel pour leurs découvertes scientifiques. Ainsi, la frontière entre le chercheur et l’actionnaire d’une société devient extrêmement ténue. La transparence et la déclaration des intérêts sont un élément primordial. Il en découle un autre danger: la recherche fondamentale, indépendante, universitaire pourrait disparaître totalement pour être remplacée par des recherches visant à valoriser directement les résultats, ce qui modifierait son orientation.

Par ailleurs, nous le savons, l’industrie pharmaceutique finance les chercheurs universitaires. On finit donc par se demander qui n’a pas de conflit d’intérêts!

Autre évolution préoccupante: le financement par le biais de fonds publics. L’Europe, par exemple, va investir au total 3 milliards d’euros, par le biais de l’initiative européenne pour les médicaments innovants, dans une innovation pharmaceutique. Ce partenariat public/privé pour placer l’Europe au premier plan des innovations est en fait une construction permettant de transférer vers l’industrie des fonds publics et la propriété intellectuelle de l’université. Une fois encore, l’obligation redditionnelle et la transparence doivent être garanties; il faut pouvoir démontrer que les intérêts publics ont été servis de la meilleure façon possible.

Enfin, je souhaiterais inviter à davantage de recherches cliniques indépendantes dans la mise au point, avec des fonds publics, de traitements qui ne soient pas commercialement intéressants. Je pense notamment à des médicaments destinés à des pathologies non intéressantes pour l’industrie pharmaceutique. Nous savons qu’une grande partie de la recherche donne lieu à la création de médicaments onéreux – pour le cancer, par exemple –, non rentables et ne comportant pas réellement d’avantages thérapeutiques supplémentaires. La réorientation de certains médicaments pourrait, à moindre coût, sauver de nombreuses vies.

Je vous demande de soutenir le rapport, afin de porter ce message dans tous nos pays. Un partenariat est indispensable dans les services de santé, mais les intérêts des patients et de la santé doivent être les premiers garantis.

M. RECORDON (Suisse) – Ce rapport me semble, non seulement venir à son heure, mais être marqué par un souci d’équilibre bienvenu. Je regrette qu’il ait été perçu par l’un de nos groupes comme exagéré.

Il pose les bonnes questions et apporte de bonnes réponses. Je me concentrerai sur la question des relations entre l’industrie et la régulation. Nous avons eu à débattre de cette question dans de nombreux domaines; je pense notamment au secteur financier et à l’argent sale. Aujourd’hui, nous pouvons nous poser la question de la nécessaire régulation d’un secteur dont le caractère privé n’est pas remis en question: la production automobile – notamment après le scandale qui frappe le groupe Volkswagen. Car en tant que représentants des pouvoirs publics et législateurs, nous avons à gérer des relations délicates avec les groupes économiques.

Dans l’industrie pharmaceutique comme dans les autres secteurs, il me paraît tout à fait clair que l’efficience nécessite de laisser une large marge de manœuvre aux producteurs de biens et services. Il n’en demeure pas moins qu’au fil des années notre confiance a pu s’éroder. L’âme humaine est ainsi faite qu’il y a des tricheurs et cela porte parfois sur des sommes et des enjeux d’intérêt public considérables.

Dans ces conditions, il me semble que ce que le rapport propose est assez raisonnable et intelligent. Je soulignerai en particulier la question des brevets qui paraît avoir échaudé certains de nos préopinants. Le brevet est un instrument intelligent dans un domaine qui nécessite de tels efforts de recherche et de développement. Mais, si l’on entre un peu dans le détail de ce qui s’est fait en matière de propriété intellectuelle ces dernières années dans divers domaines, des aménagements sont tout à fait possibles. On peut, par exemple, prévoir des licences obligatoires; on peut également imaginer que ces licences soient assujetties à un certain contrôle de la rémunération raisonnable. Cela n’empêchera pas, j’en suis intimement convaincu, le secteur concerné de rester extrêmement dynamique, et de pouvoir prétendre à des prix tout à fait valables et à des marges bénéficiaires intéressantes. Ainsi l’investissement dans le secteur n’est pas près de se tarir, même si nous prenons quelques mesures régulatrices sensées et ciblées.

Je vous remercie votre attention et je vous prie d’approuver ce rapport.

M. JAKAVONIS (Lituanie) – Je m’exprimerai en mon nom personnel, puisque mon point de vue ne correspond pas tout à fait à celui de mon groupe. J’aimerais d’abord remercier Mme la rapporteure pour le travail qu’elle accompli.

La santé est depuis longtemps un sujet primordial dans notre pays. La question des médicaments et des produits pharmaceutiques est très importante, l’industrie pharmaceutique étant un acteur du système de santé. Ces dernières années, nous avons vu apparaître sur le marché un grand nombre de médicaments qui sont vendus à des prix exorbitants et qui deviennent ainsi inaccessibles pour nombre des patients. L’industrie pharmaceutique est un business comme les autres, elle veut faire des profits qui l’emportent sur l’éthique et la morale.

Nous devons donc traiter de cette question avec la plus grande gravité. Nous devons contrôler la publicité faite aux médicaments; suivre l’évolution des prix pratiqués; nous intéresser aux personnes impliquées dans la production des médicaments et veiller à ce qu’elles n’aient pas de conflits d’intérêts. Tout cela afin de garantir que l’on agit pour le bien de nos concitoyens.

M. HUNKO (Allemagne)* – Madame la rapporteure, je voudrais vous féliciter pour votre excellent rapport qui, par ailleurs, tombe à point compte tenu de l’actualité.

Les conflits d’intérêts de l’industrie pharmaceutique constitueront en effet, nous dit-on, un thème important de la campagne présidentielle américaine: notre collègue libéral nous rappelait qu’après tout, c’est aux Etats-Unis que sont produits une majorité de médicaments et que l’industrie pharmaceutique y exerce une grande influence.

En 2011, Paul Flynn l’a rappelé, nous avons examiné un rapport très important sur l’épidémie de grippe A (H1N1), lequel soulignait que l’industrie pharmaceutique avait conduit l’Organisation mondiale de la santé à modifier certains critères, au point que les Etats ont commandé massivement le vaccin correspondant. On a ainsi constaté, à l’époque, que l’industrie pharmaceutique avait une influence considérable sur les choix thérapeutiques et donc sur la politique de la santé. Et, en l’occurrence, le risque d’épidémie a été très exagéré.

La philosophie du rapport est, dites-vous, Madame la rapporteure, de faire en sorte qu’en aucune circonstance l’industrie pharmaceutique ne puisse interférer dans les choix des politiques de santé – et vous avez tout à fait raison de le souhaiter. En tant que parlementaires, nous devons en effet, dans chacun de nos pays, fixer un cadre empêchant cette industrie d’exercer une influence indue sur le choix des médicaments ou sur leur prix.

Le professeur danois Peter Gøtzsche a été l’année dernière le lauréat du prix de la British Medical Association pour la publication d’un livre sur les liens entre le secteur de la santé et la criminalité organisée – livre inquiétant dont je vous conseille la lecture.

Je dirai ensuite un mot à propos de la psychiatrie: il s’agit du marché qui croît le plus aux Etats-Unis d’Amérique. La plupart des médicaments qui y sont prescrits sont des neuroleptiques. Or je ne crois pas que les Américains soient plus fous que les autres. Ce phénomène est donc sans doute lié aux intérêts de l’industrie pharmaceutique.

Vous connaissez le fameux syndrome de l’hyperactivité, de plus en plus diagnostiqué au cours de ces dernières années, et cela, encore une fois, pour vendre des médicaments. Eh bien, le père de ce syndrome, le pédopsychiatre Eisenberg, disait, peu de temps avant sa mort qu’il s’agissait de l’exemple typique d’une maladie inventée de toutes pièces.

Nous nous sommes beaucoup interrogés sur le fait de savoir si l’on ne faisait pas trop d’argent, de bénéfices en vendant des médicaments, si les prescriptions étaient toujours adaptées. Il est indispensable que nous affrontions cette grave question. Il ne s’agit pas de jeter l’anathème sur les uns ou les autres, mais d’éviter que certains abus ne se répètent. À chaque fois qu’éclate un scandale, l’industrie pharmaceutique promet qu’il ne s’en reproduira plus jamais. Certes, certains mécanismes sont censés empêcher la réitération de ces phénomènes mais, comme l’a bien montré la rapporteure, il s’agit de mécanismes d’autorégulation et cela ne suffit pas. Aussi devons-nous vraiment adopter les résolutions de Mme Maury Pasquier.

M. FUREY (Canada, observateur)* – Je remercie la rapporteure pour son excellent travail sur un sujet crucial. L’industrie pharmaceutique joue en effet un rôle important dans le secteur de la santé publique, notamment en investissant dans la recherche et le développement de nouveaux traitements. En outre, au Canada comme dans de nombreux Etats membres, cette industrie est un secteur d’activité économique important.

Au Canada, le gouvernement fédéral est responsable de l’autorisation de la vente des traitements en fonction de leur efficacité, de leur qualité et de leur sûreté. Le régime de la protection de la propriété intellectuelle, qui inclut la gestion des brevets pharmaceutiques, incombe également au gouvernement fédéral. Les gouvernements provinciaux et territoriaux, pour leur part, sont responsables de la fourniture des services de santé, ce qui inclut les médicaments couverts par le système public. Ils sont également responsables de la réglementation des ordres professionnels, afin notamment de prévenir toute influence indue de l’industrie pharmaceutique sur les praticiens de la santé.

Les recettes de l’industrie pharmaceutique canadienne atteignent 33 milliards de dollars et le montant de la recherche et développement est de 1,7 milliard de dollars. Cette industrie représente 31 milliards de dollars de dépenses de médicaments, soit environ 16 % des dépenses totales en matière de santé, à savoir le deuxième poste de dépenses après celui des coûts hospitaliers.

Il faut accentuer les efforts visant à éviter les conflits d’intérêts, mais aussi à accroître la transparence et la coopération de l’industrie pharmaceutique avec les autorités publiques. J’approuve les conclusions du rapport plaidant pour un équilibre entre les intérêts privés de cette industrie et les intérêts de la santé publique. La politique de la santé doit en effet avant tout être définie en fonction des besoins des patients.

M. ÇONKAR (Turquie)* – Les nombreux changements socio-économiques ont conduit, ces dernières décennies, à une grande évolution des services de santé. Comme la durée de vie augmente, la prévention de maladies, l’efficacité de nouveaux traitements, l’innovation, prennent une importance croissante. Dans ce cadre, l’industrie pharmaceutique représente un secteur clef qui, en 2014, a dégagé quelque 1 000 milliards de dollars.

On peut se féliciter des progrès de la médecine, mais se posent toute une série de questions d’éthique. Aussi, je remercie la rapporteure d’avoir étudié le dossier à fond et de proposer d’excellentes recommandations concrètes. En termes de santé publique, la Turquie a beaucoup progressé, surtout depuis 15 ans. Le programme de transformation du système de soins mis en œuvre depuis 2004 a été assorti d’un programme pour la transformation de la sécurité sociale qui a permis une bien meilleure prise en compte des besoins de la population. Du fait de ces réformes, les Turcs ont en moyenne consulté cinq fois plus leur médecin et l’espérance de vie a augmenté de 25 % au cours des trente dernières années pour atteindre aujourd’hui 74 ans.

Il est toutefois vrai que, parfois, les bénéfices de l’industrie pharmaceutique semblent indus.

En 2004, la loi sur la fixation du prix des médicaments a été modifiée afin d’éviter des augmentations asymétriques et de favoriser des prix acceptables à la fois pour la population et pour l’industrie pharmaceutique. En 2012, une loi a été adoptée pour réglementer les relations entre l’industrie et les professionnels de santé. Les rencontres et les séminaires sponsorisés par des sociétés pharmaceutiques doivent être enregistrés dans une base de données prévue à cet effet. Le nombre de médecins qui peuvent participer à ces manifestations est limité. Enfin, les transferts financiers tels que les donations doivent être déclarés et font l’objet de contrôles.

Pour conclure, je voudrais souligner encore une fois la pertinence du projet de résolution, que j’appelle l’Assemblée à adopter.

LE PRÉSIDENT – La liste des orateurs est épuisée, mais nous disposons encore d’un peu de temps. D’autres parlementaires souhaitent-ils s’exprimer?

Ce n’est pas le cas.

J’appelle donc la réplique de la commission.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), rapporteure – Mes chers collègues, je vous remercie pour votre participation à ce débat. Vos différentes observations, souvent contradictoires, témoignent de l’intérêt de ce sujet, qui suscite toujours de la passion.

Je m’étonne toutefois de l’opposition affirmée de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, le projet de résolution ayant été adopté à l’unanimité en commission, en présence des membres de ce groupe.

Certains d’entre vous ont estimé que ce rapport était dépassé. Je m’en réjouis si c’est effectivement le cas dans certains pays, mais j’ai constaté moi-même l’actualité de ce problème dans de nombreux pays membres du Conseil de l’Europe. M. Anand Grover, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, partage ma préoccupation. S’il était d’ailleurs besoin d’une preuve de l’actualité de cette question, il suffirait de lire les journaux de nos différents pays: pas une semaine ne se passe sans que n’éclate une nouvelle affaire, que ce soit, dernièrement, le médicament contre l’hépatite C, la controverse sur les propriétés respectives de l’Avastin et du Lucentis, la hausse de 5 000 % d’un médicament contre la toxoplasmose pour les patients du VIH après son rachat par un fonds d’investissement, ou encore la publicité pour un stérilet en Autriche qui a violé les règles éthiques de la profession.

Comment, dans ces conditions, renforcer la confiance? Vaut-il mieux éviter de parler des problèmes, alors qu’ils font les gros titres des journaux, ou au contraire, vaut-il mieux dénoncer les abus et proposer des mesures appropriées? Il est clair que la seconde voie est la plus à même de contribuer à restaurer la confiance entre les patientes et les patients et le système de santé.

Vous l’avez souligné à plusieurs reprises, le rapport critique le système des brevets. C’est le cas, en effet, car si ce système fonctionnait réellement, il y aurait plus de 10 % de médicaments présentant une réelle avancée médicale. Il y aurait aussi plus de médicaments permettant de lutter contre les maladies rares, plus de médicaments dans le secteur pédiatrique, plus de médicaments permettant de soigner les maladies qui frappent surtout les pays du Sud.

Certes, ce débat aurait davantage sa place au sein de l’OMS, mais nous pouvons, dans la mesure de nos faibles moyens, contribuer à construire des solutions en formulant des recommandations.

Quant à la transparence requise, on voudrait qu’elle soit absolue, mais nous nous féliciterons si, déjà, elle est améliorée. Nos systèmes de régulation doivent négocier des tarifs quand de nouveaux médicaments sont pris en charge par les systèmes de santé publique. C’est en raison de cette négociation que nous avons besoin, pour garantir une meilleure accessibilité aux médicaments, de la transparence des coûts de la recherche et du développement.

Je n’ai rien contre le fait que les entreprises fassent des bénéfices puisque cela contribue à la croissance et à l’emploi. Toutefois, cela peut constituer un problème lorsque ces entreprises sont des multinationales. Ainsi, depuis plusieurs années, un débat a lieu aux Nations Unies sur la notion de responsabilité sociale des entreprises. Il a abouti à l’adoption des principes de Ruggie qui invitent les Etats, par un mélange intelligent de mesures volontaires et contraignantes, à garantir le respect de normes sociales et environnementales en particulier. Ce débat aurait toute sa place au sein de notre Assemblée, sur la question des médicaments notamment. Lorsque ces entreprises fabriquent des médicaments qui constituent en quelque sorte un bien public, la question se pose de manière cruciale. Ce sont les pouvoirs publics qui doivent financer, en tout ou partie, le coût de ces médicaments. La transparence est, dans ce cadre, une demande plus que légitime.

Certains orateurs ont considéré que le rapport pouvait passer pour une accusation des médecins, qui seraient influencés par les manœuvres de l’industrie pharmaceutique. Nous sous-estimons à mon avis l’influence que peuvent avoir certaines attitudes sur nos décisions, qu’il s’agisse de nous-mêmes, responsables politiques, ou des médecins. Il ne s’agit pas d’accuser l’industrie pharmaceutique de manipulation, mais de sensibiliser chacun de nous au fait que nous sommes influençables. Un certain nombre de recherches de psychologie clinique et d’expériences pratiquées sur de grands échantillons de population l’ont démontré. Il est plus facile de lutter contre toute forme d’influence lorsqu’on est conscient qu’elle peut exister.

Je voudrais par ailleurs indiquer à M. Le Déaut, rapporteur général sur l’évaluation de l’impact de la science et de la technologie, que j’ai proposé tout à l’heure en commission de rejeter sa proposition d’amendement sur les médicaments biosimilaires.

En effet, nous ne sommes pas entrés dans ce débat. Ce n’est pas que nous n’avons pas voulu en tenir compte; simplement, ce point ne fait pas partie de ceux dont nous avons discuté en commission. Nous nous en sommes tenus à une liste de recommandations aussi simples que possible. Ce qui ne signifie pas qu’il ne faudra pas consacrer un futur débat à cette question.

Naturellement, le rapport n’aborde pas tout: il ne cite pas nécessairement des exemples de bonnes pratiques; il ne parle pas forcément de l’évolution thérapeutique, de la médecine personnalisée. Tout cela est en devenir. Nous nous sommes efforcés de nous concentrer sur l’essentiel; j’espère que nous y sommes parvenus et, à vous entendre, je crois que oui.

J’aimerais conclure par une citation du rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible. Il écrivait en 2009 dans son rapport: «En vertu du droit à la santé, les Etats sont tenus de faire en sorte que les médicaments soient disponibles, financièrement abordables et accessibles physiquement, sans discrimination aucune. Les pays développés sont également tenus de prendre des mesures en faveur de la pleine réalisation du droit à la santé par le biais de l’assistance et de la coopération internationales.» C’est sur ces principes que j’aimerais appeler votre attention, c’est sur eux que je me suis fondée pour élaborer ce rapport et ce projet de résolution, auquel je vous remercie d’avance de donner suite.

M. GHILETCHI (République de Moldova), président de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Soyez rassurés, mes chers collègues: au cours de la préparation du rapport, notre commission a tout fait pour se montrer équilibrée et équitable. Nous avons entendu de nombreux experts d’horizons divers: des représentants de l’industrie pharmaceutique, bien évidemment, mais aussi des responsables de la santé. Le débat a été très approfondi et, comme toujours, la rapporteure s’est montrée très ouverte à la discussion.

À plusieurs reprises, notamment, nous nous sommes interrogés sur le titre même à donner au rapport. Il devait annoncer le caractère équilibré du texte: il ne s’agissait pas de laisser entendre que l’industrie pharmaceutique faisait nécessairement mal son travail. À cette fin, nous avons modifié le titre initial.

Je dois contredire quelque peu le porte-parole de l’ADLE. Il y a eu en commission un long débat qui a débouché sur un consensus: un seul amendement a été présenté lors de nos discussions finales à Paris. Pourquoi ne pas avoir formulé vos éventuelles objections à ce stade, mon cher collègue?

Bref, comme toujours, nous nous sommes efforcés de parvenir à un rapport aussi équilibré que possible. Ce n’est jamais facile; en l’espèce, le sujet est particulièrement difficile. Mme Maury Pasquier l’a dit très clairement, il ne s’agit pas d’attaquer l’industrie pharmaceutique, mais il faut tout de même reconnaître qu’il existe des conflits d’intérêts.

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec Mme De Sutter, qui se demandait de manière rhétorique dans quel domaine il n’existait pas de tels conflits. Dans tous les domaines, il faut bien établir des limites au-delà desquelles il y a conflit d’intérêts; et il faut alors résoudre le problème.

Après tout, ce n’est pas d’un domaine sans importance que nous parlons: il s’agit de la santé publique! En ce qui me concerne, la santé de mes concitoyens me tient à cœur. Nous devons nous préoccuper de la santé de chacun, veiller à ce que les impératifs de santé soient dûment et correctement pris en considération. Garantir la santé publique est notre objectif premier.

La poursuite du bonheur n’est-elle pas l’une des forces motrices de l’humanité? Et pour être heureux, ne faut-il pas être en bonne santé? Voilà dans quel but nous avons travaillé: pour que nos concitoyens soient en bonne santé. Dans mon pays, la Moldova, on a coutume de se souhaiter «la paix et la santé»; c’est pour cela, pour que les gens jouissent de la paix et de la santé, qu’il est essentiel que ce projet de résolution soit adopté.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a présenté un projet de résolution sur lequel un amendement a été déposé.

Je suis saisi de l’amendement 1.

M. LE DÉAUT (France) – Cet amendement, que j’ai présenté tout à l’heure, a pour objet d’aller plus loin en ce qui concerne les biosimilaires, qui sont l’équivalent des génériques pour les biotechnologies. Madame la rapporteure juge préférable de le faire dans un futur rapport. Ce n’est pas mon avis, mais je prends acte de sa remarque et je retire mon amendement.

L’amendement 1 est retiré.

LE PRÉSIDENT – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 13869.

Le projet de résolution est adopté (118 voix pour, 8 voix contre et 7 abstentions).

LE PRÉSIDENT – Félicitations, Madame la rapporteure!

Mes chers collègues, je vous rappelle que les scrutins pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme et pour l’élection du ou de la Secrétaire général(e) de l’Assemblée parlementaire sont en cours. Ils seront suspendus à 13 heures; ils reprendront cet après-midi à 15 h 30 et seront clos à 17 heures.

J’invite ceux d’entre vous qui n’ont pas encore voté à le faire.

3. Propositions de modification de l’ordre du jour

LE PRÉSIDENT – Mes chers collègues, je vais vous proposer un aménagement de l’ordre du jour.

Compte tenu du grand nombre d’orateurs inscrits dans les débats de cet après-midi, consacrés aux questions de migration, et compte tenu du grand nombre d’amendements – 50 – déposés tant sur le rapport «Après Dublin: le besoin urgent d’un véritable système européen d’asile» que sur le rapport «Pays de transit: relever les nouveaux défis de la migration et de l’asile», nous allons être à court de temps.

En effet, plus de 110 orateurs se sont inscrits. Si nous ne changeons rien, nous ne pourrons en entendre qu’une quarantaine.

Afin qu’un plus grand nombre d’entre vous puissent s’exprimer sur ces sujets importants, je vous propose tout d’abord de prolonger la séance de cet après-midi jusqu’à 21 heures, ce qui permettrait d’entendre une dizaine d’orateurs supplémentaires.

Je vous propose également de reporter la discussion des amendements et le vote sur les projets de résolution et de recommandation à jeudi après-midi en premier point de l’ordre du jour, ce qui porterait alors le nombre d’orateurs que nous pourrons entendre dans la discussion générale de cet après-midi à environ 80 sur les 110 inscrits. Au vu de l’importance du sujet, il me semble judicieux de permettre à la discussion générale de se dérouler dans toute son ampleur.

M. BINLEY (Royaume-Uni)* – Nous avons programmé nos agendas en fonction du projet d’ordre du jour qui a été envoyé avant la session. Lorsque vous le modifiez autant, vous bouleversez toutes nos prévisions. Je ne pourrai ainsi être présent pour ce débat qui m’importait. Je vous demande de revoir votre position.

LE PRÉSIDENT – J’entends bien, mais je pose les questions et l’Assemblée décidera.

Donc, première question: êtes-vous d’accord pour prolonger notre séance de l’après-midi jusqu’à 21 heures?...

En l’absence d’objection, il en est ainsi décidé.

Concernant le report à jeudi après-midi de la discussion des amendements et des votes sur les textes, et puisqu’il y a déjà une objection, il appartient à l’Assemblée de se prononcer.

Mme STRIK (Pays-Bas)* – Cette décision concerne l’un des rapports qui est le mien. Or il m’est impossible d’être présente jeudi après-midi. Je ne pourrais donc pas donner mon avis sur les amendements. Je peux bien évidemment laisser des notes, mais c’est assez différent d’être présent.

Par ailleurs, je ne pense pas que ce soit une excellente manière de procéder que d’avoir dans un premier temps le débat durant lequel de nombreuses contributions porteront sur les amendements proposés et de procéder plus tard aux votes. Cela sépare les deux aspects, qui ne participent plus d’un ensemble.

LE PRÉSIDENT – Nous allons donc procéder à un vote.

Je vous rappelle que, s’agissant d’une proposition de modification de l’ordre du jour, la décision est acquise à la majorité des deux tiers.

La proposition de modification n’est pas adoptée (32 voix pour, 91 voix contre et 14 abstentions).

LE PRÉSIDENT – Nous tiendrons donc la séance cet après-midi jusqu’à 21 heures, votes compris.

Mme Brasseur, Présidente de l’Assemblée, prend place au fauteuil présidentiel.

4. Discours de son Altesse Royale le Grand-Duc de Luxembourg

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle maintenant le discours de Son Altesse Royale le Grand-Duc de Luxembourg.

Altesses Royales, c’est un grand honneur pour moi de pouvoir vous souhaiter la bienvenue dans notre Palais, le Palais de l’Europe, maison des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit. À titre personnel, j’aimerais ajouter que ce n’est pas sans émotion que je vous accueille en ma qualité de parlementaire luxembourgeoise.

Monseigneur, je tiens à vous remercier d’avoir bien voulu accepter notre invitation à vous adresser à notre Assemblée au moment où le Grand-Duché de Luxembourg assume la Présidence de l’Union européenne. Il y a treize ans, lorsque vous vous êtes adressé à notre Assemblée dans le cadre de la Présidence par le Luxembourg du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, vous avez relevé à juste titre la complémentarité des deux institutions. Par votre présence aujourd’hui, vous renforcez cette complémentarité.

Les défis auxquels nous devons faire face actuellement sont plus grands que jamais: conflit en Ukraine, menaces terroristes, sans oublier les drames des flux migratoires accompagnés d’une montée de l’intolérance, du racisme et de la xénophobie. Aucun Etat seul ne peut faire face à ces défis. Nous devons trouver des réponses fondées sur la responsabilité et la solidarité, et agir.

Madame, je me permets de saisir cette occasion pour vous remercier de votre engagement infaillible dans le domaine humanitaire, que ce soit à la présidence de la Croix-Rouge luxembourgeoise, en tant qu’ambassadrice de bonne volonté de l’Unesco ou qu’il s’agisse de votre soutien au développement des micro-crédits.

Chers collègues, j’ai également le grand plaisir d’accueillir dans cette enceinte mon successeur au perchoir du Parlement luxembourgeois, M. Mars Di Bartolomeo, ainsi que Mme la ministre Corinne Cahen, ministre de la Famille, et qui, en sa qualité de ministre de l’Intégration, s’occupe avec engagement et compétence de l’accueil des migrants.

Altesses Royales, Monsieur le président, Madame la ministre, je pense pouvoir dire sans fausse modestie que le Grand-Duché est bien représenté au Conseil de l’Europe, avec M. Dean Spielmann, président de la Cour européenne des droits de l’homme – le fleuron du Conseil de l’Europe –, qui s’adressera à notre Assemblée demain, Mme l’ambassadeur Michèle Eisenbarth et Mme Mireille Paulus, secrétaire du Comité des Ministres. Je suis ravie de pouvoir saluer également dans les tribunes des représentants du Parlement des jeunes du Luxembourg.

Chers collègues, permettez-moi à cette occasion de prononcer quelques mots dans ma langue maternelle, le luxembourgeois, lëtzebuergesch. Je remercie les interprètes pour leur aide précieuse.

(Poursuivant en luxembourgeois) Altesses Royales, votre présence aujourd’hui est pour moi un encouragement et un soutien dans l’accomplissement de ma mission comme Présidente de cette Assemblée qui est composée de 318 parlementaires de 47 pays, représentant 820 millions de citoyens.

Monsieur le président de la Chambre des députés, je voudrais vous remercier, ainsi que nos collègues parlementaires, pour votre indulgence à l’égard de mes nombreuses absences au Parlement luxembourgeois; vous me permettez ainsi de remplir mes devoirs au Conseil de l’Europe. C’est un grand honneur pour moi de représenter ici notre parlement.

(Reprenant en français) Monseigneur, vous avez la parole.

SON ALTESSE ROYALE LE GRAND-DUC DE LUXEMBOURG – Madame la Présidente, chère Madame Brasseur, la Grande-Duchesse et moi-même voulons vous exprimer notre profonde reconnaissance pour votre accueil si chaleureux et vos paroles de bienvenue empreintes de tant de cordialité.

Madame la Présidente, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Excellences, Mesdames et Messieurs, c’est assurément un grand honneur pour moi que de pouvoir m’adresser aux représentants élus de plus de 800 millions d’habitants d’un continent s’étendant de l’Atlantique à l’Oural – et même au-delà –, mais cet honneur se double d’une fierté rare, puisqu’il m’est donné de prendre la parole devant des visages si familiers, occupant les fonctions les plus prestigieuses.

À ceux qui s’inquiéteraient de la mainmise de mes compatriotes sur les institutions du Conseil de l’Europe, je rétorquerais qu’une conjonction exceptionnelle est malheureusement en train de prendre fin, puisque tant Mme Brasseur que M. le juge Spielmann achèveront leur mission dans quelque temps, non sans avoir donné le meilleur d’eux-mêmes au bénéfice de l’intérêt général. Qu’ils en soient d’ailleurs remerciés du fond du cœur.

À ceux qui auraient plutôt tendance à s’en féliciter, je répondrais avec un brin de malice que le Luxembourg cumule en plus la présidence du Conseil de l’Union européenne lors de ce semestre.

Pourtant, la satisfaction légitime que nous pouvons ressentir en tant que Luxembourgeois pèse vraiment peu face au poids des responsabilités qui incombent à certains de nos compatriotes. En effet, la période très troublée que nous traversons appelle d’abord des vertus comme le service aux autres, l’engagement désintéressé, ainsi que l’abnégation. Le temps n’est pas à la célébration de gloires individuelles.

Alors que notre gouvernement et ses administrations se sont beaucoup investis pour préparer un programme de présidence axé autour d’une Union œuvrant d’abord pour le bien-être de ses citoyens, l’irruption soudaine de la crise des réfugiés et des migrants a bousculé les agendas politiques.

Le flot continu de réfugiés fuyant la guerre, les massacres ou les camps insalubres a quelque chose de profondément déstabilisant, tant pour ceux qui sont aux responsabilités que pour l’opinion publique.

L’urgence nous force à agir très vite. L’ampleur du phénomène nous oblige à nous mettre d’accord, tous ensemble, pour trouver des solutions communes. L’enjeu commande d’agir au-delà de l’immédiat pour aller à la racine des problèmes. Voilà bien des défis considérables.

Mon propos ne sera pas de décrire une problématique qu’il est difficile de maîtriser tant elle est complexe. Je me bornerai plutôt à deux remarques.

La première, c’est de constater qu’après avoir été pendant des siècles une terre d’émigration, notre continent est appelé à attirer une immigration conséquente au cours des prochaines décennies, s’il ne veut pas connaître un déclin démographique puis économique inéluctables. Beaucoup de pays, dont je salue ici les représentants, subiront dans les prochaines années une baisse de leur population, parfois même dans des proportions considérables, pouvant aller jusqu’à 25 %.

Comme la déflation en économie, une tendance démographique à la baisse entraîne à terme des conséquences désastreuses pour une nation. Seul l’apport de nouvelles populations pourra en amortir les effets. Que chaque Etat, selon son histoire ou sa géographie, ait ses propres conceptions en matière d’immigration, avec des politiques plus ou moins volontaristes, cela ne change pas grand-chose à cette donnée fondamentale.

La seconde remarque, c’est que cette crise des réfugiés constitue pour nous un formidable révélateur de notre capacité à nous montrer solidaires en Europe et à rester en même temps fidèles à notre héritage commun.

C’est en période de difficultés et de crise qu’il importe de se serrer les coudes, de montrer que ce qui lie est beaucoup plus important que ce qui divise et de tracer la voie vers cette véritable communauté de destin que nous appelons de nos vœux pour notre continent.

Les réponses face à la crise des migrants nous concernent tous, bien au-delà des limites de l’Union européenne. Voilà pourquoi l’enceinte de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe nous paraît bien le lieu idoine pour en débattre. Il serait heureux que l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe, qui sont en même temps des partenaires fidèles de l’Union européenne, apportent leur contribution à la résolution des défis immédiats comme à des solutions plus durables. Ce n’est pas seulement une question d’efficacité; c’est surtout une affaire de principes.

En effet, les valeurs du Conseil de l’Europe constituent l’ancrage essentiel pour guider notre action. Il était important, dans le contexte actuel, que M. le Secrétaire Général Jagland rappelât à ses 47 Etats membres une série de conseils sur le traitement à réserver aux migrants et aux demandeurs d’asile, afin de garantir le respect des droits de l’homme.

N’oublions pas que les réfugiés menaient une vie paisible et parfois confortable avant que la guerre civile ne les conduise à tout quitter pour se retrouver sur les routes, ballottés par le sort. Face à une telle détresse, notre devoir moral tout comme nos engagements juridiques nous imposent de les traiter avec respect et dignité.

La peur de l’étranger est le pire des ennemis. Les réfugiés sont des personnes comme nous. Aussi les valeurs que nous défendons ne peuvent fluctuer au gré des circonstances. C’est justement pour cela qu’elles ont été érigées en principe.

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les parlementaires, l’Europe est connue dans le monde comme la patrie de l’humanisme. Cet humanisme est le fruit millénaire de notre civilisation gréco-latine et de nos racines judéo-chrétiennes. La démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit en sont la traduction politique et juridique contemporaine. Ce triptyque fonde l’action du Conseil de l’Europe et lui donne toutes ses lettres de noblesse.

En 2002, alors qu’il m’était déjà donné de m’exprimer devant cette Haute Assemblée, j’avais fait la remarque suivante: «Ce qui m’attire le plus dans la façon d’être du Conseil de l’Europe, c’est sa foi en l’avenir et son opiniâtreté à croire dans le meilleur de l’homme. Etrangère au domaine du purement spectaculaire, la plus ancienne organisation politique de l’après-guerre de notre continent est une force tranquille œuvrant pour le bien de tous. Patiente et persévérante, elle réunit toutes les qualités d’un bâtisseur, et ce depuis plus d’un demi-siècle. Son avantage réside dans la persuasion, le dialogue, la coopération et l’assistance.» Ces phrases, je le crois, ont gardé toute leur validité. Aujourd’hui comme hier, le Luxembourg se veut un partenaire exemplaire du Conseil de l’Europe. Ses valeurs résonnent en lui du fait de son histoire mouvementée. Nos habitants ressentent au plus profond ce que le respect des principes démocratiques de l’Etat de droit et des droits de l’homme ont apporté au pays.

Ces trois piliers, nous entendons aussi les renforcer dans notre action présente et future au sein de ces institutions. Nous apportons ce qui fait notre originalité, à savoir, tout d’abord, notre ouverture aux autres, comme le prouve notre capacité à intégrer des dizaines de milliers d’immigrés et de réfugiés politiques depuis des décennies. Cela nous vaut d’être souvent considérés comme un laboratoire de la nouvelle Europe. Ou encore, notre plurilinguisme: atout ancien, mais toujours aussi précieux dans un continent où l’apprentissage de la langue des pays voisins ne progresse que difficilement.

Notre rôle, nous le concevons avec sérieux et humilité. Ainsi, les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ont conduit à des modifications en droit interne fondamentales, comme lors de la refonte de nos juridictions administratives. Les rapports de surveillance du Conseil de l’Europe retiennent également toute notre attention.

Être un élève méritant, ou plutôt essayer de l’être, c’est avoir la capacité d’écouter et d’apprendre afin de progresser. Ce n’est pas avoir la science infuse, mais c’est être disposé à s’amender. Alors qu’il nous appartient de mettre en conformité des principes fondateurs avec des réalités mouvantes, n’est-ce pas là la meilleure disposition d’esprit pour construire l’Europe de demain?

Pour vous, Mesdames et Messieurs les parlementaires, la valeur de votre action tient surtout à l’échange et à la discussion qui, en fin de compte, apportent des idées neuves. La priorité n’est pas d’avoir raison, mais de raisonner et de dialoguer ensemble afin de faire avancer les choses.

En 2014, en ce même endroit, le pape François aspirait à ce que notre continent, en redécouvrant son patrimoine historique et la profondeur de ses racines, retrouve sa jeunesse d’esprit qui l’a rendu fécond et grand.

Voilà le plus bel objectif qui soit pour cette vieille Europe qui ne rend pas les armes. Je formule à mon tour le souhait que votre Assemblée, comme l’ensemble de vos institutions, contribue au rayonnement d’une Europe toujours jeune, car toujours prête à se réinventer. Cette ambition, nous la devons à nous-mêmes comme au reste du monde.

LA PRÉSIDENTE – Merci infiniment pour vos paroles de soutien à nos actions et pour votre engagement personnel en faveur des valeurs du Conseil de l’Europe. Je retiens en particulier ce passage très fort de votre discours sur le défi migratoire qui nous attend et auquel nous devons travailler ensemble. Il s’agit avant tout de la dignité humaine: c’est un message que nous devons porter devant nos parlements nationaux afin de trouver ensemble des solutions et des actions concrètes. Soyez-en infiniment remercié, Monseigneur.

Son Altesse Royale ayant accepté de répondre aux questions des groupes politiques, je donne la parole à M. Agramunt pour poser la première question au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. AGRAMUNT (Espagne)* – Monseigneur, je souhaite en premier lieu vous féliciter à l’orée de votre quinzième anniversaire de règne au Luxembourg.

Comme vous le savez, la grande crise des réfugiés en Europe retient toute l’attention des dirigeants et de la société européenne. En tant que chef d’un Etat membre de l’Union européenne, le Luxembourg, comment entendez-vous intégrer dans votre pays les personnes provenant de pays tels que la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan?

SON ALTESSE ROYALE LE GRAND-DUC DE LUXEMBOURG. – Merci, Monsieur le député, pour vos vœux d’anniversaire: quinze ans, cela fait en effet un certain temps!

J’aimerais replacer votre question dans le contexte historique du Luxembourg afin de bien comprendre la position de mon pays face à l’afflux actuel de réfugiés. Au XIXe siècle, le Luxembourg était un pays extrêmement pauvre. Il a connu une énorme émigration: presqu’un tiers de notre pays a émigré vers les Etats-Unis et le Brésil, ce qui représentait à l’époque entre 60 000 et 70 000 personnes, les Etats-Unis ayant attiré la plupart de ces migrants.

Le problème migratoire ne date pas d’aujourd’hui: il date déjà d’une bonne centaine d’années, et même plus. Il faut se souvenir que l’Europe a été un continent d’émigration très forte. Nous étions très contents, à cette époque, de trouver un pays d’asile comme les Etats-Unis.

Avec l’industrialisation et la découverte de minerai de fer dans le sud, cette courbe d’émigration s’est complètement inversée, notre pays connaissant des vagues d’immigration avec tout d’abord les Italiens. L’un des membres de notre délégation, M. Mars Di Bartolomeo, président de la Chambre des députés du Luxembourg, est une preuve vivante de cette migration du début du siècle dernier qui venait d’Italie pour travailler dans les mines et dans la sidérurgie luxembourgeoises.

Les Portugais ont constitué la deuxième vague d’immigrés au Luxembourg, qui compte actuellement environ 100 000 Portugais ou personnes d’origine portugaise, soit un cinquième de la population luxembourgeoise. Dans les années 1990, à la suite de la guerre des Balkans, nous avons reçu plusieurs dizaines de milliers de réfugiés issus de l’ex-Yougoslavie.

Aujourd’hui, 49 % de la population résidente est étrangère. S’ajoutent 160 000 frontaliers qui viennent tous les jours travailler chez nous. Nous sommes donc riches d’une expérience en matière d’immigration et d’intégration.

Pour moi, la cohésion sociale est un problème essentiel qu’il nous appartient de résoudre.

L’intégration se fait par l’école, par l’apprentissage de la langue ou des langues du pays, par le travail, mais aussi par l’acquisition de la nationalité. À cet égard, le Luxembourg a adopté il y a quelques années une loi autorisant la double nationalité après un temps de résidence de sept ans sur son territoire.

Notre longue expérience d’intégration nous permet aujourd’hui d’accueillir cette nouvelle vague de réfugiés. Je suis très fier de mon pays, de ses autorités politiques et de notre population qui ont accueilli à bras ouverts cette nouvelle vague de migrants qui arrivent de divers endroits du monde où les situations économique et de guerre sont épouvantables.

Le Gouvernement luxembourgeois a œuvré pour les accueillir. Je salue Mme la ministre de l’Intégration et de la Famille ici présente, qui œuvre sans relâche pour trouver des solutions adéquates. De nombreuses communes ont ouvert leurs centres polyvalents afin de permettre aux réfugiés d’y passer quelque temps et de retrouver une atmosphère de chaleur et de bien-être.

Forts de notre expérience, je peux vous dire que les immigrés sont souvent très motivés pour réussir et sont extrêmement travailleurs. Les enfants même travaillent extrêmement bien à l’école et apprennent très rapidement les langues.

Remarquons que les immigrés sont un enrichissement culturel pour le Luxembourg, dont l’économie ne serait pas cette économie développée que nous connaissons sans l’apport considérable de l’ensemble des immigrés. En outre, cette population issue du monde entier permet à notre population d’être l’une des plus jeunes d’Europe et donc l’une des plus dynamiques.

Aussi, je le répète avec force, n’ayons pas peur de l’étranger. Les immigrés sont pour nous tous un enrichissement.

M. GROSS (Suisse), porte-parole du Groupe socialiste – Votre Altesse Royale, je vous remercie de votre disponibilité. J’aimerais que vous expliquiez aux républicains que nous sommes la raison d’être d’une monarchie en ces temps où le modèle qui prévaut est celui de régimes démocratiques.

SON ALTESSE ROYALE LE GRAND-DUC DE LUXEMBOURG – Je vous remercie de votre question.

La Suisse étant l’une des républiques les plus anciennes au monde, je comprends – ou presque – votre question, qui est légitime. Vous me placez toutefois dans une situation quelque peu embarrassante, car, en l’occurrence, je suis juge et partie. Je ne suis pas ici pour défendre la monarchie ni pour me faire le chantre de ce système politique. Pour autant, si vous le permettez, je présenterai quelques remarques.

Il existe des régimes républicains démocratiques, il en est d’autres qui ne le sont pas. Il existe des régimes monarchiques qui sont démocratiques, il en est d’autres qui ne le sont pas. L’Europe compte une dizaine de monarchies, ce qui n’est pas négligeable, qui sont toutes des monarchies constitutionnelles et parlementaires. On ne peut donc séparer la notion de monarchie, en tout cas en Europe, de la notion de démocratie. Elles se marient parfaitement, je vous l’assure. Vous pouvez interroger les Luxembourgeois ici présents. Je crois qu’ils vous répondraient que ce n’est pas si mal ; c’est un système qui fonctionne!

J’ajoute que la mère de la démocratie est l’Angleterre, qui est une monarchie. Je ne vois donc pas où se situe le problème.

Si je reviens au Luxembourg, ma grand-mère a été plébiscitée par référendum à 80 % pour devenir Grande Duchesse du Luxembourg. Sa légitimité repose par conséquent sur un fondement démocratique.

Je terminerai par un dernier exemple. Lors du putsch militaire en Espagne, le roi a conservé les institutions démocratiques. Une monarchie peut donc être un défenseur des institutions et de la démocratie.

LA PRÉSIDENTE – Merci, Monseigneur, de votre réponse. Vous avez indiqué que vous étiez à la fois juge et partie. Au Conseil de l’Europe, il faut déclarer les conflits d’intérêts possibles lorsque l’on accepte un mandat. Vous avez suivi en quelque sorte cette recommandation que nous adressons à nos parlementaires…

M. XUCLÀ (Espagne), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Monseigneur, je vous salue au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

Il est vrai qu’un premier ministre libéral dirige le pays. Je vous salue en ce temple de la démocratie, de la prééminence du droit et des droits de l’homme. Ainsi que vous l’avez déclaré, nous sommes la force tranquille de l’Europe. C’est cette force tranquille qui construit cette instance démocratique qui réunit aujourd’hui 47 Etats membres.

Vous avez évoqué le multilinguisme. Vous-même, à l’instar de notre Présidente, Mme Brasseur, maîtrisez plusieurs langues. Les Luxembourgeois s’expriment très bien en français et en allemand. Votre pays prouve qu’il est possible de fonctionner en plusieurs langues. Et mon excellent ami, le professeur Tarrach illustrait également ce plurilinguisme.

Comment étendre ce plurilinguisme dans les Etats membres?

SON ALTESSE ROYALE LE GRAND-DUC DE LUXEMBOURG – Il s’agit là d’une question extrêmement intéressante, à l’heure de l’élargissement de l’Union européenne. À ce sujet, je vous livrerai une anecdote. Il y a environ 25 ans, à l’occasion d’une visite d’Etat du Président François Mitterrand au Luxembourg, je me suis retrouvé, au dîner de gala, assis à côté d’un ministre, dont je tairai le nom, mais avec qui j’ai parlé éducation et apprentissage de langues étrangères. Je lui expliquais la situation peu ordinaire du Luxembourg et comment, dès leur très jeune âge, nous entraînions les enfants à «se faire une oreille en entendant plusieurs langues» afin qu’ils deviennent plus facilement polyglottes. Le ministre s’est étonné de cette facilité d’apprentissage, arguant que les Français en étaient incapables. Je lui ai alors demandé pourquoi les Luxembourgeois seraient plus intelligents que les Français – il n’a pas beaucoup aimé cette réflexion. Mais je voulais dire par là, que certaines personnes ne se pensent pas capables d’apprendre une langue étrangère.

Au Luxembourg, étant donné la taille de notre pays, nous sommes obligés d’apprendre, au moins, les langues de nos voisins, à savoir l’allemand et le français, ainsi que l’anglais, la langue internationale.

Si je parle quatre langues, mon épouse ici présente parle quant à elle six langues. De sorte que nos enfants en parlent déjà cinq ou six. Dans une journée, les Luxembourgeois passent d’une langue à l’autre en permanence; c’est une gymnastique que nous avons appris à réaliser.

Le Luxembourg a toujours soutenu les initiatives du Conseil de l’Europe dans le domaine des langues, la diversité linguistique européenne étant très importante; je sais, Monsieur Xuclà, qu’en tant qu’Espagnol et Catalan, vous comprenez de quoi je parle. Je pense réellement que notre cerveau est programmé pour apprendre une ou deux langues supplémentaires. Les ministres européens de l’Education nationale s’intéressent de plus en plus à cette question et les parents souhaitent que leurs enfants parlent plusieurs langues.

Alors oui, je pense que maîtriser plusieurs langues est important pour la communication.

M. CHOPE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je voudrais, au nom de mon groupe, remercier son Altesse Royale le Grand-Duc de Luxembourg pour son intervention et ses réponses très intéressantes; cela montre l’avantage de recevoir les questions bien en avance.

Son Altesse Royale le Grand-Duc de Luxembourg est-elle d’accord avec moi pour dire qu’une identité nationale forte au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe est essentielle pour assurer la sécurité et la démocratie de notre continent? Comment réaliser cet objectif?

SON ALTESSE ROYALE LE GRAND-DUC DE LUXEMBOURG* – Effectivement, j’ai reçu vos questions il y a une semaine, et ces sept jours m’ont permis de répondre précisément à ce genre de questions!

(Poursuivant en français) La sécurité démocratique en Europe doit avant tout être un effort collectif et une responsabilité partagée des Etats membres du Conseil de l’Europe. L’identité nationale est cependant une notion positive quand il s’agit de culture, de langue ou de traditions. Il n’y a rien de plus beau que la diversité culturelle en Europe. Chaque pays est très différent. La Grande-Bretagne, par exemple, est très différente du Luxembourg ou de l’Italie. Cet enrichissement est précieux et nous devons tout faire pour garder cette diversité culturelle.

Mais nous avons surtout des valeurs communes, notamment celles du Conseil de l’Europe: démocratie, prééminence du droit et respect des droits de l’homme. Des valeurs indiscutables. Et nous devons travailler ensemble pour que ces valeurs soient communes aux 47 pays du Conseil de l’Europe.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Il est vrai que nous avons envoyé nos questions par écrit, ce qui n’est pas la procédure habituelle. Originaire des Pays-Bas, je suis tout à fait conscient que le rôle d’un chef d’Etat, quel que soit le régime politique en vigueur dans son pays, n’est pas simple. Et j’espère qu’à l’avenir la reine du Royaume-Uni viendra elle aussi répondre à nos questions.

La force du Conseil de l’Europe et de notre Assemblée parlementaire est d’œuvrer depuis toujours pour faire tomber les murs qui séparent nos pays afin de travailler tous ensemble. Mais depuis l’éclatement du conflit en Ukraine, les discussions avec la Fédération de Russie se sont interrompues, et ces dernières années le Royaume-Uni a vivement critiqué le fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’homme. Nous avons vu aussi récemment l’Azerbaïdjan refuser d’exécuter ses arrêts.

Comment surmonter ces difficultés et renforcer les décisions du Conseil de l’Europe pour l’avenir?

SON ALTESSE ROYALE LE GRAND-DUC DE LUXEMBOURG – Je répondrai à votre question par une analogie, ne pouvant pas entrer aujourd’hui en détail dans les difficultés que rencontre le Conseil de l’Europe avec certains pays membres.

Le Conseil de l’Europe peut être considéré comme une grande famille. Or dans une famille, parfois, un membre ne se comporte pas bien, ne respecte pas les règles et se dispute avec d’autres membres. Mais le père et la mère doivent tout faire pour maintenir le dialogue; le dialogue est essentiel pour garder l’unité familiale.

Le dialogue est donc pour moi essentiel pour maintenir cette unité familiale.

Pourquoi, au fond, a-t-on instauré les grandes organisations internationales: l’Organisation des Nations Unies, l’Union européenne, le Conseil de l’Europe…? La première raison, c’était la paix. Quand on considère les Nations Unies, par exemple, on songe, pour reprendre le mot du général de Gaulle, à un énorme «machin». Cette organisation est pourtant essentielle, car elle permet en son sein la diplomatie des couloirs, souvent bien plus efficace que ce qui se passe dans une enceinte comme cet hémicycle.

Nous devons toujours essayer de trouver un endroit où nous rencontrer et échanger. Nous l’avons tout à l’heure évoqué avec Mme Brasseur qui s’est montrée vraiment extraordinaire en insistant auprès des pays qui rencontraient des difficultés pour qu’ils s’efforcent de rechercher des compromis.

L’autorité morale du Conseil de l’Europe est pour moi essentielle et se trouve renforcée par son bras juridique, la Cour européenne des droits de l’homme. Il s’agit donc d’une institution très forte.

Souvent, nous parvenons à ramener progressivement dans notre giron les pays qui se sont quelque peu écartés de notre façon de voir. Mais combien de temps nous a-t-il fallu, à nous, pour devenir des démocraties? Il faut donc donner un peu de temps à ces pays afin que s’y enracine cette culture démocratique. Aussi est-il important qu’ils soient membres du Conseil de l’Europe pour apprendre ce que la démocratie nous a apporté.

LA PRÉSIDENTE – Je vous remercie, Monseigneur, d’avoir bien voulu répondre aux questions des parlementaires qui, certes, Monsieur Chope, ont été posées à l’avance; mais nous avons eu la chance d’entendre le souverain d’une monarchie. Aussi, je reprends la proposition de M. Kox d’inviter la reine du Royaume-Uni à venir s’exprimer devant nous et à répondre à nos questions.

Laissez-moi encore vous remercier, Monseigneur, pour votre discours et pour la manière avec laquelle vous nous avez répondu. Pour conclure en luxembourgeois: villmols merci – merci beaucoup.

Les scrutins pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme et l’élection du ou de la Secrétaire général(e) de l’Assemblée parlementaire sont à présent interrompus; ils reprendront cet après-midi à 15 h 30 et seront clos à 17 heures.

5. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu cet après-midi à 15 h 30, conformément à l’ordre du jour adopté précédemment.

La séance est levée.

La séance est levée à 12 h 55.

SOMMAIRE

1. Election d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la République slovaque et du ou de la Secrétaire général(e) de l’Assemblée parlementaire (Doc. 13861, Doc. 13872 et Addendum II; Doc. 13853)

2. La santé publique et les intérêts de l’industrie pharmaceutique: comment garantir la primauté des intérêts de santé publique?

Présentation par Mme Maury Pasquier du rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable (Doc. 13869)

Orateurs: Mme Kyriakides, M. Destexhe, Lady Eccles, M. Jónasson, Mmes Bonet Perot, Blondin, Dalloz, M. Flynn, Mme Kalmari, MM. Le Déaut, Abad, Wold, Mme De Sutter, MM. Recordon, Jakavonis, Hunko, Furey, Çonkar.

Réponses de Mme la rapporteure et de M. le président de la commission des questions sociales

Vote sur un projet de résolution

3. Propositions de modification de l’ordre du jour

4. Discours de Son Altesse Royale le Grand-Duc de Luxembourg

Questions: MM. Agramunt, Gross, Xuclà, Chope, Kox

5. Prochaine séance publique

Annexe I

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Sont indiqués en minuscules les noms des suppléants ayant remplacé les représentants absents. Les noms de ceux qui étaient absents ou excusés sont suivis d’un astérisque

Pedro AGRAMUNT

Alexey Ivanovich ALEKSANDROV*

Brigitte ALLAIN/Pascale Crozon

Jean-Charles ALLAVENA*

Werner AMON*

Luise AMTSBERG*

Athanasia ANAGNOSTOPOULOU*

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Sirkka-Liisa ANTTILA

Ben-Oni ARDELEAN*

Khadija ARIB

Volodymyr ARIEV

Anna ASCANI*

Egemen BAĞIŞ/Ahmet Berat Çonkar

Theodora BAKOYANNIS*

David BAKRADZE

Gérard BAPT/Jean-Claude Frécon

Doris BARNETT*

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Marieluise BECK*

Ondřej BENEŠIK/Jana Fischerová

José María BENEYTO*

Levan BERDZENISHVILI

Deborah BERGAMINI/Giuseppe Galati

Sali BERISHA*

Anna Maria BERNINI/Claudio Fazzone

Maria Teresa BERTUZZI*

Andris BĒRZINŠ

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Philippe BLANCHART

Maryvonne BLONDIN

Tilde BORK

Olga BORZOVA*

Mladen BOSIĆ

António BRAGA

Anne BRASSEUR/Marc Spautz

Piet De BRUYN/Petra De Sutter

Beata BUBLEWICZ/Iwona Guzowska

Gerold BÜCHEL*

André BUGNON

Natalia BURYKINA*

Nunzia CATALFO*

Elena CENTEMERO

Irakli CHIKOVANI

Vannino CHITI*

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH/Marek Borowski

James CLAPPISON

Igor CORMAN/Valentina Buliga

Telmo CORREIA*

Paolo CORSINI

Carlos COSTA NEVES*

Celeste COSTANTINO/Ferdinando Aiello

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN

Katalin CSÖBÖR

Joseph DEBONO GRECH

Reha DENEMEÇ

Renata DESKOSKA*

Alain DESTEXHE

Manlio DI STEFANO*

Arcadio DÍAZ TEJERA

Peter van DIJK

Şaban DİŞLİ

Sergio DIVINA*

Aleksandra DJUROVIĆ

Namik DOKLE

Elvira DROBINSKI-WEIß/Gabriela Heinrich

Daphné DUMERY

- Alexander [The Earl of] DUNDEE*

Nicole DURANTON

Josette DURRIEU

Mustafa DZHEMILIEV*

Mikuláš DZURINDA/Helena Mezenská

Lady Diana ECCLES

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL

Samvel FARMANYAN

Joseph FENECH ADAMI

Cătălin Daniel FENECHIU

Vyacheslav FETISOV*

Doris FIALA/Eric Voruz

Daniela FLIPIOVÁ*

Ute FINCKH-KRÄMER

Axel E. FISCHER

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER

Hans FRANKEN

Béatrice FRESKO-ROLFO

Martin FRONC

Sir Roger GALE

Adele GAMBARO*

Karl GARÐARSSON

Iryna GERASHCHENKO*

Tina GHASEMI

Valeriu GHILETCHI

Francesco Maria GIRO

Pavol GOGA

Carlos Alberto GONÇALVES

Mustafa Sait GÖNEN*

Alina Ștefania GORGHIU*

Svetlana GORYACHEVA*

Sylvie GOY-CHAVENT

Fred de GRAAF/ Tuur Elzinga

François GROSDIDIER/Damien Abad

Andreas GROSS

Dzhema GROZDANOVA

Mehmet Kasim GÜLPINAR/ Ali Şahin

Gergely GULYÁS/Mónika Bartos

Jonas GUNNARSSON

Nazmi GÜR*

Antonio GUTIÉRREZ

Maria GUZENINA/Susanna Huovinen

Márton GYÖNGYÖSI

Sabir HAJIYEV

Alfred HEER Maximilian Reimann

Michael HENNRICH/Bernd Fabritius

Martin HENRIKSEN

Françoise HETTO-GAASCH

Oleksii HONCHARENKO/Vladyslav Golub

Jim HOOD/David Crausby

Anette HÜBINGER

Johannes HÜBNER

Andrej HUNKO

Ali HUSEYNLI/Sahiba Gafarova

Rafael HUSEYNOV

Vitaly IGNATENKO*

Ekmeleddin Mehmet İHSANOĞLU

Florin IORDACHE/Daniel Florea

Tadeusz IWIŃSKI

Denis JACQUAT/Jacques Legendre

Gedimnas JAKAVONIS

Gordan JANDROKOVIĆ*

Tedo JAPARIDZE/Zviad Kvatchantiradze

Michael Aastrup JENSEN

Mogens JENSEN

Frank J. JENSSEN*

Florina-Ruxandra JIPA*

Ögmundur JÓNASSON

Aleksandar JOVIČIĆ/Dejan Kovačević

Josip JURATOVIC*

Anne KALMARI

Mustafa KARADAYI/Hamid Hamid

Marietta KARAMANLI/Marie-Christine Dalloz

Niklas KARLSSON/Eva-Lena Jansson

Vasiliki KATRIVANOU*

Ioanneta KAVVADIA*

Danail KIRILOV*

Bogdan KLICH/Helena Hatka

Manana KOBAKHIDZE

Haluk KOÇ/Metin Lütfü Baydar

Igor KOLMAN*

Željko KOMŠIĆ

Unnur Brá KONRÁÐSDÓTTIR/Brynjar Níelsson

Ksenija KORENJAK KRAMAR

Attila KORODI

Alev KORUN/Andreas Schieder

Rom KOSTŘICA/Gabriela Pecková

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO

Julia KRONLID/Johan Nissinen

Eerik-Niiles KROSS*

Marek KRZĄKAŁA/Killion Munyama

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU/Stella Kyriakides

Serhiy LABAZIUK*

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON

Pierre-Yves LE BORGN’

Jean-Yves LE DÉAUT

Igor LEBEDEV*

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

Georgii LOGVYNSKYI

François LONCLE*

George LOUKAIDES

Yuliya L’OVOCHKINA

Philippe MAHOUX

Thierry MARIANI*

Soňa MARKOVÁ/Pavel Holík

Milica MARKOVIĆ

Meritxell MATEU PI

Ana MATO

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER

Michael McNAMARA*

Sir Alan MEALE*

Ermira MEHMETI DEVAJA*

Evangelos MEIMARAKIS/Liana Kanelli

Ivan MELNIKOV*

Ana Catarina MENDES*

Attila MESTERHÁZY

Jean-Claude MIGNON

Olivia MITCHELL

Igor MOROZOV*

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK

Melita MULIĆ*

Oľga NACHTMANNOVÁ

Hermine NAGHDALYAN/Naira Karapetyan

Piotr NAIMSKI

Sergey NARYSHKIN*

Marian NEACȘU*

Andrei NEGUTA

Zsolt NÉMETH*

Miroslav NENUTIL

Baroness Emma NICHOLSON*

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Julia OBERMEIER*

Marija OBRADOVIĆ

Žarko OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON/Lotta Johnsson Fornarve

Joseph O’REILLY

Maciej ORZECHOWSKI/Michal Stuligrosz

Sandra OSBORNE/Joe Benton

Tom PACKALÉN*

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI

Judith PALLARÉS CORTÉS

Ganira PASHAYEVA*

Florin Costin PÂSLARU

Waldemar PAWLAK/Jan Rzymełka

Jaana PELKONEN

Vladimir PLIGIN*

Cezar Florin PREDA*

John PRESCOTT

Gabino PUCHE

Alexey PUSHKOV*

Lia QUARTAPELLE PROCOPIO*

Carmen QUINTANILLA/Jordi Xuclà

Kerstin RADOMSKI

Mailis REPS/Andres Herkel

Andrea RIGONI*

François ROCHEBLOINE

Soraya RODRÍGUEZ*

Alexander ROMANOVICH*

Maria de Belém ROSEIRA*

René ROUQUET

Rovshan RZAYEV/Fazil Mustafa

Àlex SÁEZ

Vincenzo SANTANGELO*

Milena SANTERINI

Nadiia SAVCHENKO/ Sergiy Vlasenko

Deborah SCHEMBRI/Joseph Sammut

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE

Urs SCHWALLER/Luc Recordon

Salvador SEDÓ

Predrag SEKULIĆ

Ömer SELVİ/Suat Önal

Aleksandar SENIĆ

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV*

Jim SHERIDAN*

Bernd SIEBERT/Thomas Feist

Valeri SIMEONOV/Kancho Filipov

Andrej ŠIRCELJ

Arturas SKARDŽIUS/Dalia Kuodytė

Jan ŠKOBERNE

Leonid SLUTSKY*

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI/Gerardo Giovagnoli

Yanaki STOILOV/Valeri Jablianov

Karin STRENZ

Ionuț-Marian STROE*

Valeriy SUDARENKOV*

Krzysztof SZCZERSKI*

Damien THIÉRY/Dirk Van Der Maelen

Lord John E. TOMLINSON

Antoni TRENCHEV*

Goran TUPONJA

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ*

Tuğrul TÜRKEŞ*

Theodora TZAKRI*

Ilyas UMAKHANOV*

Dana VÁHALOVÁ

Snorre Serigstad VALEN*

Petrit VASILI

Imre VEJKEY/Rózsa Hoffmann

Stefaan VERCAMER

Birutė VĖSAITĖ*

Nikolaj VILLUMSEN

Dimitris VITSAS*

Vladimir VORONIN

Viktor VOVK

Klaas de VRIES

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ/Snežana Jonica

Piotr WACH

Robert WALTER

Dame Angela WATKINSON/Paul Flynn

Tom WATSON*

Karl-Georg WELLMANN/Johann Wadephul

Katrin WERNER

Morten WOLD

Bas van ‘t WOUT*

Gisela WURM

Maciej WYDRZYŃSKI

Leonid YEMETS/Pavlo Unguryan

Tobias ZECH

Kristýna ZELIENKOVÁ

Sergey ZHELEZNYAK*

Marie-Jo ZIMMERMANN

Emanuelis ZINGERIS

Guennady ZIUGANOV*

Naira ZOHRABYAN

Levon ZOURABIAN

Siège vacant, Chypre*

Siège vacant, Estonie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Turquie*

Siège vacant, Royaume-Uni*

EGALEMENT PRÉSENTS

Représentants et Suppléants non autorisés à voter

Boriana ÅBERG

Sílvia Eloïsa BONET PEROT

Observateurs

Héctor LARIOS CÓRDOVA

George FUREY

Partenaires pour la démocratie

Hanane ABOULFATH

Najat AL-ASTAL

Mohammed AMEUR

Mohammed Mehdi BENSAIDI

Nezha EL OUAF

Bernard SABELLA

Mohamed YATIM

Annexe II

Liste des représentants ou suppléants qui ont participé au vote pour l’élection de juges à la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la République slovaque et au vote pour l’élection du/de la Secrétaire général(e) de l’Assemblée parlementaire au Conseil de l’Europe

Pedro AGRAMUNT

Brigitte ALLAIN/Pascale Crozon

Lord Donald ANDERSON

Paride ANDREOLI

Sirkka-Liisa ANTTILA

Volodymyr ARIEV

Egemen BAĞIŞ/Ahmet Berat Çonkar

David BAKRADZE

Gérard BAPT/Jean-Claude Frécon

Doris BARNETT/Harald Petzold

José Manuel BARREIRO/Ángel Pintado

Deniz BAYKAL

Ondřej BENEŠIK/Jana Fischerová

Levan BERDZENISHVILI

Deborah BERGAMINI/Giuseppe Galati

Andris BĒRZINŠ

Gülsün BİLGEHAN

Brian BINLEY

Ľuboš BLAHA/Darina Gabániová

Philippe BLANCHART

Maryvonne BLONDIN

Tilde BORK

Mladen BOSIĆ

António BRAGA

Anne BRASSEUR/Marc Spautz

Piet De BRUYN/Petra De Sutter

Beata BUBLEWICZ/Iwona Guzowska

André BUGNON

Elena CENTEMERO

Christopher CHOPE

Lise CHRISTOFFERSEN

Henryk CIOCH/Marek Borowski

James CLAPPISON

Igor CORMAN/Valentina Buliga

Telmo CORREIA

Celeste COSTANTINO/Ferdinando Aiello

Yves CRUCHTEN

Zsolt CSENGER-ZALÁN

Katalin CSÖBÖR

Joseph DEBONO GRECH

Reha DENEMEÇ

Arcadio DÍAZ TEJERA

Şaban DİŞLİ

Aleksandra DJUROVIĆ

Namik DOKLE

Elvira DROBINSKI-WEIß/Gabriela Heinrich

Alexander [The Earl of] DUNDEE

Nicole DURANTON

Josette DURRIEU

Mikuláš DZURINDA/Helena Mezenská

Lady Diana ECCLES

Tülin ERKAL KARA

Franz Leonhard EßL

Samvel FARMANYAN

Joseph FENECH ADAMI

Cătălin Daniel FENECHIU

Doris FIALA/Eric Voruz

Ute FINCKH-KRÄMER

Axel E. FISCHER

Gvozden Srećko FLEGO

Bernard FOURNIER

Hans FRANKEN

Martin FRONC

Sir Roger GALE

Karl GARÐARSSON

Pavol GOGA

Mustafa Sait GÖNEN

Sylvie GOY-CHAVENT

Fred de GRAAF/ Tuur Elzinga

François GROSDIDIER/Damien Abad

Dzhema GROZDANOVA

Mehmet Kasim GÜLPINAR/ Ali Şahin

Gergely GULYÁS/Mónika Bartos

Jonas GUNNARSSON

Márton GYÖNGYÖSI

Sabir HAJIYEV

Alfred HEER/ Maximilian Reimann

Martin HENRIKSEN

Françoise HETTO-GAASCH

Oleksii HONCHARENKO/Vladyslav Golub

Jim HOOD/David Crausby

Anette HÜBINGER

Andrej HUNKO

Ali HUSEYNLI/Sahiba Gafarova

Rafael HUSEYNOV

Ekmeleddin Mehmet İHSANOĞLU

Florin IORDACHE/Daniel Florea

Gedimnas JAKAVONIS

Tedo JAPARIDZE/Zviad Kvatchantiradze

Michael Aastrup JENSEN

Mogens JENSEN

Aleksandar JOVIČIĆ/Dejan Kovačević

Anne KALMARI

Mustafa KARADAYI/Hamid Hamid

Marietta KARAMANLI/Marie-Christine Dalloz

Niklas KARLSSON/Eva-Lena Jansson

Bogdan KLICH/Helena Hatka

Manana KOBAKHIDZE

Haluk KOÇ/Metin Lütfü Baydar

Željko KOMŠIĆ

Ksenija KORENJAK KRAMAR

Alev KORUN/Andreas Schieder

Rom KOSTŘICA/Gabriela Pecková

Elvira KOVÁCS

Tiny KOX

Borjana KRIŠTO

Eerik-Niiles KROSS

Marek KRZĄKAŁA/Killion Munyama

Ertuğrul KÜRKÇÜ

Athina KYRIAKIDOU/Stella Kyriakides

Serhiy LABAZIUK/Ihor Huz

Inese LAIZĀNE

Olof LAVESSON

Pierre-Yves LE BORGN’

Jean-Yves LE DÉAUT

Valentina LESKAJ

Terry LEYDEN

Inese LĪBIŅA-EGNERE

George LOUKAIDES

Yuliya L’OVOCHKINA

Philippe MAHOUX

Thierry MARIANI

Soňa MARKOVÁ/Pavel Holík

Milica MARKOVIĆ

Meritxell MATEU PI

Ana MATO

Frano MATUŠIĆ

Liliane MAURY PASQUIER

Evangelos MEIMARAKIS/Liana Kanelli

Attila MESTERHÁZY

Jean-Claude MIGNON

Olivia MITCHELL

João Bosco MOTA AMARAL

Arkadiusz MULARCZYK

Oľga NACHTMANNOVÁ

Hermine NAGHDALYAN/Naira Karapetyan

Andrei NEGUTA

Miroslav NENUTIL

Baroness Emma NICHOLSON

Michele NICOLETTI

Aleksandar NIKOLOSKI

Julia OBERMEIER

Marija OBRADOVIĆ

Judith OEHRI

Carina OHLSSON/Lotta Johnsson Fornarve

Joseph O’REILLY

Maciej ORZECHOWSKI/Michal Stuligrosz

José Ignacio PALACIOS

Liliana PALIHOVICI

Judith PALLARÉS CORTÉS

Ganira PASHAYEVA/ Sevinj Fataliyeva

Florin Costin PÂSLARU

Waldemar PAWLAK/Jan Rzymełka

Gabino PUCHE

Kerstin RADOMSKI

Mailis REPS/Andres Herkel

François ROCHEBLOINE

René ROUQUET

Rovshan RZAYEV/Fazil Mustafa

Milena SANTERINI

Nadiia SAVCHENKO/ Sergiy Vlasenko

Deborah SCHEMBRI/Joseph Sammut

Stefan SCHENNACH

Ingjerd SCHOU

Frank SCHWABE

Urs SCHWALLER/Luc Recordon

Predrag SEKULIĆ

Ömer SELVİ/Suat Önal

Senad ŠEPIĆ

Samad SEYIDOV

Jim SHERIDAN

Bernd SIEBERT/Thomas Feist

Valeri SIMEONOV/Kancho Filipov

Andrej ŠIRCELJ

Serhiy SOBOLEV

Olena SOTNYK

Lorella STEFANELLI/Gerardo Giovagnoli

Yanaki STOILOV/Valeri Jablianov

Karin STRENZ

Damien THIÉRY/Dirk Van Der Maelen

Lord John E. TOMLINSON

Goran TUPONJA

Ahmet Kutalmiş TÜRKEŞ/Süreyya Sadi Bilgiç

Dana VÁHALOVÁ

Petrit VASILI

Imre VEJKEY/Rózsa Hoffmann

Stefaan VERCAMER

Nikolaj VILLUMSEN

Vladimir VORONIN

Viktor VOVK

Klaas de VRIES

Nataša VUČKOVIĆ

Draginja VUKSANOVIĆ/Snežana Jonica

Piotr WACH

Karl-Georg WELLMANN/Johann Wadephul

Katrin WERNER

Morten WOLD

Gisela WURM

Maciej WYDRZYŃSKI

Leonid YEMETS/Pavlo Unguryan

Tobias ZECH

Kristýna ZELIENKOVÁ

Marie-Jo ZIMMERMANN

Naira ZOHRABYAN