FR15CR31ADD1

AS (2015) CR 31
Addendum 1

SESSION ORDINAIRE DE 2015

________________

(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trente et unième séance

Mardi 29 septembre 2015 à 15 h 30

ADDENDUM 1

Une réponse humanitaire et politique globale
à la crise des migrations et des réfugiés en Europe

(Débat d’actualité)

Les interventions suivantes ont été communiquées au service de la séance pour publication au compte rendu par des orateurs qui, inscrits et présents en séance, n’ont pu être appelés à les prononcer faute de temps.

Mme EL OUAFI (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Cette crise a une dimension internationale, la réponse est d’abord politique, et aucun pays ne peut s’y atteler tout seul. Nous avons besoin d’une approche globale, prenant en compte les dimensions politiques et économiques.

Je pense qu’il est particulièrement important que le problème soit traité à sa source, c’est-à-dire dans les pays où la guerre et le terrorisme sévissent et déclenchent des vagues de réfugiés. Il est surtout question de renforcer la politique étrangère et de sécurité, et de mettre des ressources financières à disposition des pays les plus touchés par la crise.

Tant que la communauté internationale et l’ONU ne travailleront pas, en urgence, à une solution politique des conflits dans la région, la Méditerranée continuera de charrier des cadavres, et nous serons confrontés à des afflux plus massifs encore de populations que nous sommes déjà incapables d’accueillir dignement.

Chers collègues, la restriction du phénomène migratoire aux simples aspects juridiques et aux droits humains, malgré leur importance et malgré toutes les garanties qu’ils présentent pour préserver la dignité des émigrés pendant leur transit ou leur séjour temporaire, ne permettra pas de résoudre cette problématique d’ordre universel. Cette approche reste, à notre avis, simpliste et insuffisante puisqu’elle ne traite pas les causes profondes de la migration au risque de son encouragement et de son élargissement à d’autres zones et à d’autres catégories précaires.

Aussi, trouver des solutions aux divers problèmes générés par les migrations et les réfugiés nécessite une approche globale et intégrée ainsi qu’une intervention participative et pérenne dans les pays d’origine et de transit.

Dès lors, une coopération étroite et efficace entre les pays de destination, de transit et d’origine, s’avère nécessaire pour traiter tous les aspects sociaux, économiques, politiques, sécuritaires, humanitaires et même climatiques de la situation.

Pour atteindre cet objectif, les grandes puissances mondiales dont l’Union européenne, devraient assumer leurs responsabilités dans la résolution des conflits politiques et le renforcement de la stabilité politique et économique des pays d’origine. Cela nécessite un engagement politique international qui soit ferme, une mobilisation de fonds financiers, des programmes ambitieux de développement et enfin une assistance technique pour leur mise en œuvre.

L’Union européenne est appelée à lancer des initiatives dans ce sens en commençant par des projets pilotes dans des pays ciblés, d’origine et de transit, qui permettraient la réussite d’une éventuelle stratégie globale de la migration. La migration a toujours été un facteur de construction des civilisations, de brassage des cultures et un vrai catalyseur économique, mais si on n’agit pas ensemble, et dès aujourd’hui, elle risque de se transformer en une fracture entre les peuples.

M. FRÉCON (France) – Je prends la parole dans ce débat sur les réponses à donner à la crise des réfugiés et des migrations, à la fois en ma qualité de membre de cette Assemblée parlementaire mais aussi en tant qu’élu local d’une petite commune rurale de France et en tant que président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe.

Je voudrais attirer votre attention sur la capacité des petites collectivités rurales à participer aux efforts nationaux d’insertion des réfugiés et des migrants dans nos sociétés d’accueil. C’est une capacité qui est souvent sous-estimée. Par exemple, nous avons en France un réseau de 36 000 communes, dont 30 000 communes rurales; c’est un formidable maillage de notre territoire qui permettrait de mieux répondre à l’afflux des réfugiés.

Nous avons naturellement tendance à nous tourner d’abord vers les villes, qui sont en première ligne face aux vagues migratoires, pour trouver les solutions. Pourtant dans la plupart des cas, ces villes-là souffrent déjà souvent d’une pénurie de logements et de structures d’accueil alors que des communes de plus petite taille ont un meilleur potentiel d’accueil, car elles ont moins de problèmes de logements sociaux. Ces communes aussi peuvent répondre en partie à l’afflux des migrants.

Au-delà du devoir de solidarité qui nous oblige envers les réfugiés, je crois que nous devrions saisir ce moment pour engager une réflexion plus large sur l’aménagement de nos territoires dont certaines parties sont désertées, faute de population, et faute de services publics. Accueillir des réfugiés, les intégrer au mieux dans nos communes et voir en eux une force vive pour revitaliser les zones fragiles de nos territoires, ce serait une stratégie gagnante pour revitaliser les campagnes les plus fragiles, tout en offrant un accueil des plus décents à des gens qui ont connu l’enfer.

Je tiendrai ces mêmes propos, dans trois semaines ici, dans ce même hémicycle, à l’occasion de la session de notre Congrès. Nous aurons l’occasion d’entendre les témoignages directs de Mme Fatma Sahin, maire d’Urfa, en Turquie, de Mme Natacha Bouchart, maire de Calais en France et de M. Giorgios Kyritsis, maire de Kos, en Grèce, qui sont toutes des villes en première ligne face à la migration et qui partageront très probablement leurs difficultés à fournir un accueil décent aux réfugiés.

Mes chers collègues, restons fidèles à nos valeurs du Conseil de l’Europe. Soyons solidaires. Restons unis sur tout notre territoire européen.

M. PÂSLARU (Roumanie) – En raison de la persistance des conflits, de l’instabilité dans la région et des violations des droits de l’homme, un nombre sans précédent de personnes cherchent protection dans les pays européens.

La période estivale a démontré une fois encore que l’immigration n’était pas un problème temporaire et que la forte augmentation du nombre de réfugiés semblait vouloir se maintenir, illustrant à nouveau l’urgente nécessité de tout mettre en œuvre pour sauver la vie des personnes qui fuient leur pays et sont en danger. Il est très important que les Etats membres respectent leurs obligations internationales, y compris en matière de sauvetage en mer.

De nombreux citoyens font preuve d’une solidarité sans précédent à l’égard des réfugiés en les accueillant chaleureusement et en leur apportant une aide impressionnante. Les citoyens européens montrent ainsi que la protection de personnes dans le besoin et la compassion demeurent des valeurs authentiquement européennes.

J’exprime ma profonde tristesse et déplore les tragédies meurtrières qui frappent les demandeurs d’asile dans les Etats membres et je prie instamment ces derniers de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter que des personnes ne périssent encore en mer ou sur terre.

Un nombre croissant de réfugiés et de migrants sont victimes des conflits, des graves violations des droits de l’homme, des défaillances tangibles de la gouvernance et d’une répression violente.

Je salue les efforts des groupes issus de la société civile et des particuliers qui, dans toute l’Europe, s’organisent en grand nombre pour accueillir et aider réfugiés et migrants et j’encourage les citoyens européens à continuer de manifester leur soutien et leur engagement en faveur d’une réponse humanitaire à la crise des réfugiés.

J’estime que de telles actions sont la preuve d’une véritable adhésion aux valeurs européennes et envoient un message d’espoir pour l’avenir de l’Europe.

Je tiens à souligner que la migration est un phénomène global et complexe qui commande par ailleurs une approche sur le long terme pour s’attaquer à ses causes profondes que sont la pauvreté, les inégalités, l’injustice, le changement climatique, la corruption, la mauvaise gouvernance et les conflits armés.

Par conséquent, la discussion ne devrait pas être limitée à la répartition des migrants entre les Etats européens, qui ne suffit pas si l’on souhaite une solution durable et efficace.

Je prie instamment les Etats membres et la communauté internationale de jouer un rôle plus affirmé dans la résolution des conflits et notamment dans la recherche de solutions politiques durables dans les régions en proie à des conflits, tels que l’Irak, la Syrie, la Libye et tout le Moyen-Orient, et de renforcer le dialogue politique, y compris avec les organisations régionales, en englobant tous les aspects des droits de l’homme. Il convient en effet de soutenir l’instauration d’institutions démocratiques et soucieuses de promouvoir l’intégration ainsi que l’Etat de droit, de renforcer la résilience des communautés locales et de favoriser le développement social et démocratique dans les pays d’origine et au niveau des peuples.

À cet égard, le resserrement de la coopération avec les pays de la région dans le cadre de la Ligue arabe et de l’Union africaine pour la gestion et la réinstallation des personnes ayant besoin d’une protection et de l’octroi du droit d’asile, est essentiel.

M. YATIM (Maroc, partenaire pour la démocratie) – Le monde entier est mis à l’épreuve par ce drame humanitaire dû à l’afflux massif de réfugiés en Europe.

«Les droits civils universels – comme l’a déclaré Mme Angela Merkel – sont étroitement liés à l’Europe, et à son histoire en tant que principes fondateurs de l’Union européenne. Si l’Europe échoue dans la crise des réfugiés, ce lien avec les droits universels sera rompu, sera détruit, et ce ne sera plus l’Europe que nous représentons, dont nous devons toujours développer le mythe fondateur».

L’Union européenne, la communauté internationale doivent trouver une réponse à ce défi qui est à la fois humanitaire et stratégique.

Si l’Europe vient d’être touchée sévèrement par ce flux, il faut noter que des pays voisins, des nœuds de tension et des pays d’origine tels que la Jordanie, la Turquie, le Liban, sont encore plus touchés. Il faut mesurer les sacrifices de ces pays, et je tiens ici à les saluer.

Il faut aussi rappeler que ce sont les crises régionales non réglées et l’instabilité politique dans ces régions qui alimentent ces mouvements de migration politique et humanitaire.

Il faut aussi saluer les mesures prises par l’Union européenne et la politique des quotas bien que celle-ci ne fasse pas l’unanimité. Mais il faut aussi noter que se limiter à donner l’asile politique aux réfugiés pourrait bien s’avérer une grave erreur. Il faut s’attendre à un afflux encore plus massif de réfugiés dans les pays frontaliers comme la Grèce, mais aussi à toujours plus de noyades en Méditerranée.

Il est temps pour l’Europe et pour la communauté internationale de reconnaître que cette crise est dans le fond une crise politique. Elle est aussi la résultante du laxisme de cette communauté, de son manque de détermination pour assumer ses responsabilités et faire face aux crises politiques.

Au lieu de mener des guerres par procuration dans les régions des conflits, il est temps que les grandes puissances, que l’Europe assument leurs responsabilités qui sont d’aider ces pays à accomplir leurs transitions politiques pacifiques, à trouver une stabilité politique nécessaire à tout développement socio-économique. C’est la solution de fond, c’est le vrai chemin pour stabiliser les populations et éviter à l’avenir de tels mouvements migratoires aussi tragiques.